DEUXIÈME PARTIE - LE BUDGET DE L'ETAT EN 2011

I. LES RECETTES

Selon les estimations du Gouvernement, en 2011, les recettes nettes du budget général de l'Etat s'élèveraient à 201,1 milliards d'euros ; à périmètre constant 14 ( * ) , elles connaîtraient une progression de 15 % par rapport aux évaluations révisées de 2010 (173,1 milliards d'euros). Alors que les recettes fiscales nettes seraient en quasi stagnation (-0,1 %) et les recettes non fiscales en diminution (-7,5 %), cette progression s'expliquerait par le repli considérable du prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales , qui passerait de 85,4 milliards d'euros à 55,2 milliards d'euros, sous l'effet de la suppression de la compensation relais instituée dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle.

A. L'ÉVOLUTION PARADOXALE DES RECETTES FISCALES

Alors que le projet de loi de finances pour 2011 correspond à un effort inédit de consolidation des recettes, le paradoxe veut qu'il ne se traduise ni dans l'évolution des recettes fiscales brutes, ni dans celle des recettes fiscales nettes. Les recettes fiscales brutes de l'Etat s'établiraient à 336,5 milliards d'euros en 2011, contre 345,2 milliards d'euros en 2010, soit un recul de 2,5 %. De la même manière, les recettes fiscales nettes connaîtraient une quasi-stagnation, passant de 254,7 milliards d'euros en 2010 à 254,4 milliards d'euros en 2011 (-0,1 %) 15 ( * ) .

En dépit d'une évolution spontanée plus dynamique qu'en 2010, qui témoignerait de la dissipation des effets de la crise, l'effort de redressement des recettes serait donc « budgétairement invisible », sous l'effet combiné de trois facteurs exceptionnels :

1) près de 5 milliards d'euros de ressources supplémentaires n'ont pas d'impact sur le solde, en ce qu'elles sont directement ou indirectement fléchées vers les administrations de sécurité sociale , dans le cadre du financement de la CADES et de la réforme des retraites ;

2) la réduction de la « voilure » opérée sur les niches fiscales étant concentrée sur l'impôt sur le revenu, ses effets ne joueront véritablement qu'à compter de 2012 , et les autres mesures nouvelles auraient un impact limité à 1,7 milliard d'euros en 2011, presque entièrement compensé par les effets des mesures antérieures (-1,4 milliard d'euros) ;

3) enfin, le contrecoup du plan de relance et les suites de la réforme de la taxe professionnelle viennent brouiller les principaux ordres de grandeur en 2011.

L'évolution des recettes du budget général

(en millions d'euros)

Source : tome I du fascicule des voies et moyens, annexé au présent projet de loi de finances

Les déterminants de l'évolution des recettes fiscales nettes, dont le montant passe de 254,7 milliards d'euros à 254,3 milliards d'euros sont exposés en détail ci-après et récapitulés dans le tableau suivant :

Facteurs d'évolution des recettes fiscales nettes de l'Etat entre 2010 et 2011

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

1. Une évolution spontanée qui témoigne de la dissipation des effets de la crise
a) Une augmentation spontanée des recettes fiscales de 14,4 milliards d'euros en 2011, selon le Gouvernement

L'évolution spontanée des recettes fiscales, c'est-à-dire liée à la dynamique naturelle de l'assiette de l'impôt, est évaluée à +14,4 milliards d'euros en 2011 (+5,6 %).

L'élasticité des recettes fiscales nettes au PIB serait nettement supérieure à l'unité en 2010 (1,7), et le resterait, dans une moindre mesure, en 2011 (1,5). Cette situation traduit un rattrapage partiel de la forte dégradation des recettes en 2009, essentiellement imputable aux recettes d'impôt sur les sociétés. Il s'en faudrait néanmoins de beaucoup que les ordres de grandeur connus avant la crise soient de nouveau atteints ( cf . graphique).

L'évolution des recettes fiscales nettes à périmètre courant

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après le projet de loi de finances et les lois de règlement

b) Une estimation vraisemblable

Cette estimation des recettes est plausible, et s'explique essentiellement par le « rattrapage » de l'effondrement des recettes d'impôt sur les sociétés observé en 2009.

Pour apprécier la vraisemblance des prévisions du Gouvernement, il faut garder à l'esprit que les recettes fiscales tendent spontanément (bien qu'avec des écarts importants certaines années) à évoluer à la même vitesse que le PIB nominal (les économistes disent que leur « élasticité au PIB » est égale à l'unité), ce qui, en 2010 et en 2011, correspondrait à une croissance de respectivement 2,2 % et 3,7 %.

Dans ces conditions, on pourrait a priori s'interroger sur les raisons de cette élasticité de 1,7 et 1,5 prévue par le Gouvernement en 2010 et en 2011, qui accroît l'augmentation des recettes fiscales nettes d'environ 5 milliards d'euros chacune de ces deux années.

(1) Le fait essentiel : le rattrapage des recettes de l'impôt sur les sociétés

Ce phénomène proviendrait de la poursuite du rattrapage de l'effondrement des recettes d'impôt sur les sociétés (IS), nettement plus marquée en 2011 qu'anticipé par votre commission des finances il y a un an.

Les recettes nettes d'impôt sur les sociétés

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances

Le tableau ci-après, réalisé à partir des documents budgétaires, décompose les différents facteurs d'évolution de l'impôt sur les sociétés, selon les prévisions du Gouvernement.

L'évolution de l'impôt sur les sociétés net, selon le Gouvernement

(en milliards d'euros)

2008

2009

2010

2011

IS hors mesures nouvelles

49,18

30,6

40,1

45,5

Mesures nouvelles cumulées

-9,7

-5,2

-1,2

Mesures nouvelles de l'année

-9,7

4,5

4

IS avec mesures nouvelles

20,9

34,9

44,3

Sources : commission des finances, d'après le fascicule « Voies et moyens »

Schématiquement, en neutralisant les mesures nouvelles, les recettes d'impôt sur les sociétés ont été de l'ordre de 50 milliards d'euros en 2008, 30 milliards d'euros en 2009, et remonteraient à 40 milliards d'euros en 2010, puis à 45 milliards d'euros en 2011.

Ces évolutions résultent logiquement du mécanisme de l'impôt et de la variation du bénéfice fiscal des entreprises.

Les déterminants du produit de l'impôt sur les sociétés

On rappelle que les recettes nettes d'impôt sur les sociétés, de 45 milliards d'euros en moyenne depuis 2001, se décomposent entre :

- quatre acomptes de 10 milliards d'euros en moyenne (payés les 15 mars, 15 juin, 15 septembre et 15 décembre), calculés en fonction des bénéfices de n-1 (ainsi que, dans le cas du dernier acompte et depuis 2005, des prévisions de bénéfices des grandes entreprises pour l'année en cours, ce que l'on appelle parfois le « cinquième acompte ») ;

- le « solde » de l'année n-1 (en avril), dépendant de l'écart entre les bénéfices de l'année n-1 et de ceux de l'année de n-2 (de 5 milliards d'euros en moyenne).

La décomposition annuelle du produit de l'impôt sur les sociétés (net)

(en milliards d'euros)

NB : la décomposition a été effectuée de manière conventionnelle, en fonction des recettes perçues les 31 mars, 31 mai, 30 juin, 30 septembre et 31 décembre. Le 4 e acompte inclut le « 5 e acompte » payé par les grandes entreprises.

Source : commission des finances, d'après les situations mensuelles du budget de l'Etat

Ainsi, il est possible de calculer simplement une approximation du produit d'impôt sur les sociétés d'une année donnée à partir du montant moyen de ses deux ou trois premiers acomptes de l'année n, de l'écart entre le bénéfice fiscal de l'année n-1 et celui de l'année n-2 (approché par l'écart entre les acomptes de l'année concernée et ceux de l'année n) et d'une hypothèse de majoration du quatrième acompte par rapport aux trois précédents, de l'ordre de 5 milliards d'euros en moyenne.

Une simulation simple du produit d'impôt sur les sociétés, à partir des données disponibles à la fin du mois de mai

(en milliards d'euros)

Source : calculs de la commission des finances, à partir du graphique précédent

Cette méthode de simulation simple exige toutefois pour les années 2009 et 2010 de corriger le profil des rentrées fiscales en fonction du calendrier connu de mise en oeuvre du plan de relance en 2009, et en 2010 d'utiliser la prévision d'évolution du bénéfice fiscal du Gouvernement entre 2008 et 2009.

1. Le produit de l'impôt sur les sociétés en 2009

Dans le cas de l'année 2009, on peut faire le raisonnement simplifié suivant (en retenant des chiffres volontairement arrondis) :

- les bénéfices de 2008 correspondent à un produit de l'ordre non pas de 50 milliards d'euros, comme ceux de 2007, mais (du fait d'une diminution de 20 % du bénéfice fiscal en 2008) de 80 % de ce montant, soit 40 milliards d'euros ;

- en 2009, les quatre acomptes, chacun égal au quart de ce montant, ont donc été au total de l'ordre de 40 milliards d'euros ;

- par ailleurs, les entreprises ont trop payé d'impôt en 2008, puisqu'elles l'ont payé sur la base de bénéfices correspondant à une imposition de plus de 50 milliards d'euros, alors qu'elles n'auraient dû acquitter que 40 milliards d'euros, d'où en 2009 le versement par l'administration fiscale de plus de 10 milliards d'euros aux entreprises ;

- à cela s'ajoute que les divers allégements mis en oeuvre en 2009 ont été de l'ordre de 10 milliards d'euros.

Au total, le produit d'impôt sur les sociétés en 2009 a donc été de l'ordre de 40-10-10 = 20 milliards d'euros.

2. Le produit de l'impôt sur les sociétés en 2010

En 2010, le produit de l'impôt consiste en :

- quatre acomptes calculés (si l'on exclut les grandes entreprises) sur la base du bénéfice de 2009. Celui-ci est connu, et selon le Gouvernement quasiment identique à celui de 2008. Les quatre acomptes devraient donc avoir un montant analogue à celui de 2009 (de l'ordre de 40 milliards d'euros), ce qui est confirmé par le graphique ci-avant, qui montre que le montant des premiers acomptes a été de l'ordre de 8  milliards d'euros. Cela suggère un produit de l'ordre de 35 milliards d'euros (après prise en compte de la disparition de la moitié des mesures nouvelles de 2009) ;

- une régularisation de 2009 légèrement négative. En effet, en 2009 les bénéfices des entreprises ont légèrement baissé par rapport à ceux de 2008 ;

- un « cinquième acompte » qui devrait s'élever à quelques milliards d'euros.

Au total, le produit de l'impôt à « droit 2008 » serait donc de l'ordre de 35 milliards d'euros.

3. Le produit de l'impôt sur les sociétés en 2011

En 2011, en raisonnant à « droit 2008 », le produit de l'impôt consiste en  quatre acomptes calculés (si l'on exclut les grandes entreprises) sur la base du bénéfice de 2010. Le Gouvernement suppose qu'il sera en augmentation de 16 % par rapport à 2009. Le montant des quatre acomptes serait donc supérieur de 16 % à celui de 2009, ce qui les porterait à environ 45 milliards d'euros.

Les mesures nouvelles cumulées par rapport à 2010 étant à peu près nulles, cela correspondrait au produit effectivement perçu.

(2) Les autres impôts

L'évolution spontanée des recettes d' impôt sur le revenu s'établit à + 2 milliards d'euros (+ 4,4 %), dont 1 milliard d'euros résulte de l'indexation annuelle du barème. Cette évolution repose sur l'hypothèse d'un dynamisme accru de ses bases , et en particulier des traitements et salaires, qui augmenteraient de + 2,4 %, et des revenus des travailleurs indépendants, qui retrouveraient une évolution positive. Pour mémoire, cette évolution spontanée avait été négative en 2009 (-0,8 %) et nulle en 2010 , la progression des salaires (+ 1,0 %) et le dynamisme des pensions (+ 4,2 %) en 2009 ayant été contrebalancés par le repli des plus-values mobilières (- 40 %) et par une contraction du revenu des travailleurs indépendants.

Les recettes de TVA évolueraient spontanément de près de 4 milliards d'euros (+ 3,1 %). L'élasticité non unitaire de son assiette au PIB s'explique par un dynamisme moindre de la consommation des ménages et de la consommation intermédiaire des entreprises.

La croissance spontanée des recettes de taxe intérieure sur la consommation de produits pétroliers (TIPP) connaître une reprise en 2011 (+ 1,1 %, soit + 160 millions d'euros), après avoir été négative (- 3,4 %) en 2010, la forte hausse des prix du pétrole ayant comprimé les volumes consommés. Enfin, l'évolution des recettes d' impôt de solidarité sur la fortune sur-réagit traditionnellement à la conjoncture économique. Ces recettes connaissent ainsi une évolution spontanée en moyenne de + 5 % sur 2010 et 2011, après une baisse en évolution spontanée de près de 8 % en 2009.


* 14 Afin de faciliter le renvoi aux documents budgétaires, les montants en euros sont exprimés à périmètre courant. Les évolutions en pourcentage sont en revanche indiquées à périmètre constant, afin de mieux retraduire l'évolution réelle des variables.

* 15 Pour mémoire, les recettes fiscales nettes se sont établies, en exécution 2009, à 214,3 milliards d'euros.

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