Rapport n° 245 (2010-2011) de M. Philippe PAUL , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 19 janvier 2011

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N° 245

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 janvier 2011

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République centrafricaine instituant un partenariat de défense et sur le projet de loi autorisant la ratification du traité instituant un partenariat de défense entre la République française et la République gabonaise ,

Par M. Philippe PAUL,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice-présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Étienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Jean-Pierre Bel, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mmes Bernadette Dupont, Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mme Gisèle Gautier, M. Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Philippe Paul, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

103 , 104 , 246 et 247 (2010-2011)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Gouvernement a déposé sur le Bureau du Sénat le 10 novembre 2010 :

- le projet de loi tendant à autoriser la ratification du traité instituant un partenariat de défense entre la France et le Gabon, signé à Libreville le 24 février 2010 par le Président Nicolas Sarkozy et le Président gabonais Ali Bongo ;

- le projet de loi tendant à autoriser l'approbation de l'accord entre la France et la République centrafricaine instituant un partenariat de défense, signé à Bangui le 8 avril 2010 par M. Alain Joyandet, secrétaire d'Etat chargé de la coopération et de la francophonie et le général Antoine Gambi, ministre centrafricain des affaires étrangères, de l'intégration régionale et de la francophonie.

Ces deux instruments résultent de la volonté de renégocier les accords de défense liant la France à huit pays africains, annoncée par le Président de la République dans son discours du Cap du 28 février 2008 et confirmée par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

Ils font suite à deux premiers accords de partenariat de défense conclus en 2009 avec le Togo et le Cameroun, qui ont été approuvés le 7 juillet 2010 par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Votre rapporteur rappellera les raisons qui ont motivé ce processus de renégociation avant de présenter les dispositions du traité franco-gabonais et de l'accord franco-centrafricain.

I. LES FONDEMENTS ET L'ÉTAT D'AVANCEMENT DE LA RENÉGOCIATION DES ACCORDS DE DÉFENSE EN AFRIQUE

La renégociation des accords de défense entre la France et certains pays africains constitue l'aboutissement logique d'une évolution de longue date de nos relations de défense avec ces pays. Il s'agit surtout ici de mettre des textes, pour la plupart rédigés au lendemain des indépendances, en accord avec les réalités de notre coopération.

Engagé en 2008, le processus de mise au point des nouveaux accords est achevé avec cinq des huit pays concernés.

A. UN NÉCESSAIRE AJUSTEMENT DES TEXTES AUX RÉALITÉS DE NOTRE COOPÉRATION DE DÉFENSE EN AFRIQUE

Dans son rapport relatif aux accords instituant un partenariat de défense avec le Cameroun et le Togo 1 ( * ) , votre rapporteur a déjà exposé le cadre général dans lequel s'inscrit la refonte des accords de défense entre la France et les pays africains. Il en rappellera simplement ici les grandes lignes.

Les orientations de nos relations de défense avec les pays africains ont été formalisées lors d'un Conseil de défense du 3 mars 1998 et reposent sur les principes suivants :

- une présence permanente réduite ;

- des engagements militaires bilatéraux en principe limités à la sécurité des ressortissants français ;

- le recours privilégié au cadre multilatéral, sous l'égide de l'ONU et de l'Union européenne ;

- l'appui aux forces africaines et aux organisations régionales de sécurité.

Depuis plus d'une douzaine d'années, la priorité de notre politique de sécurité en Afrique vise donc à aider le continent à bâtir son propre dispositif de sécurité collective , à travers l'Union africaine et les organisations sous-régionales (c'est l'objet du concept « RECAMP » - renforcement des capacités africaines de maintien de la paix), et à faire de l'Union européenne un partenaire majeur de l'Afrique en matière de paix et de sécurité , avec la définition de la stratégie conjointe Union européenne-Afrique, adoptée à Lisbonne en décembre 2007 et la transformation du concept RECAMP en EURORECAMP.

Ces orientations ont pour corollaire la limitation de nos engagements militaires bilatéraux et la réduction de la présence permanente de forces françaises en Afrique .

Le volume de ce dispositif permanent n'a cessé de décroître. Il a été divisé par deux des années 1960 à la fin des années 1980, passant de 30 000 à 15 000 hommes, puis de nouveau divisé par deux au cours des vingt dernières années, pour s'établir aujourd'hui à moins de 7 500 hommes.

Prévue par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, la poursuite de réorganisation se traduira par une nouvelle décrue.

A terme, le dispositif permanent devrait reposer sur 2 bases opérationnelles avancées, à Djibouti et Libreville, et 2 pôles de coopération à vocation régionale, à Dakar et N'Djamena. L'effectif total, sur ces quatre implantations, pourrait être de l'ordre de 3 500 hommes contre environ 6 000 aujourd'hui.

Enfin, la renégociation des accords de défense , annoncée par le Président de la République dans son discours du Cap, le 28 février 2008, constitue le troisième et dernier volet de cette politique. Cet acte revêt surtout une dimension symbolique. Depuis très longtemps déjà, les accords de défense signés lors des indépendances n'étaient plus en phase avec la réalité de nos relations de défense avec les pays concernés. Les clauses prévoyant l'intervention de la France en vue de maintenir l'ordre intérieur dans certains pays étaient de facto caduques. Beaucoup d'autres dispositions étaient périmées ou inadaptées à la mise en oeuvre de notre coopération. La refonte de ces textes était donc inéluctable.

Il n'existe pas de définition juridiquement établie de la notion d'accord de défense. Le Livre blanc considère qu'un accord de défense est un « texte intergouvernemental qui prévoit l'aide ou l'assistance militaire d'un pays auprès d'un autre en cas de menace ou d'agression ». L'accord de défense se distingue principalement d'un simple accord de coopération en ce qu'il comporte une clause relative aux conditions de l'assistance que les parties se prêtent, à titre réciproque ou non, dans le cadre de l'exercice du droit de légitime défense face à une agression.

Ainsi considéré, le périmètre de la refonte des accords de défense couvre huit pays africains : le Cameroun, la République centrafricaine, les Comores, la Côte d'Ivoire, Djibouti, le Gabon, le Sénégal et le Togo.

B. CINQ NOUVEAUX ACCORDS DE PARTENARIATS DE DÉFENSE DÉJÀ SIGNÉS

Comme votre rapporteur l'a précisé dans son précédent rapport, la renégociation des accords de défense a été confiée à la mission pour la sécurité et la prévention des conflits placée auprès de la direction d'Afrique et d'Océanie du ministère des affaires étrangères.

Après avoir procédé à une série de contacts sur place, la mission « sécurité et prévention des conflits », qui associe des diplomates et des représentants du ministère de la défense, a établi un modèle d'accord de partenariat de défense destiné à servir de base aux négociations pour l'ensemble des pays concernés. Ce modèle se décline en deux accords type, selon que la France dispose ou non de forces militaires présentes dans le pays concerné . Si cela est le cas, l'accord comporte une annexe précisant les facilités accordées le pays hôte pour la vie courante et l'entraînement des troupes.

Par ailleurs, le nouveau modèle d'accord ne comporte plus, sauf pour Djibouti, de stipulation impliquant une assistance de la France en cas d'agression extérieure.

Notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a approuvé le 7 juillet 2010 les deux premiers accords respectivement signés le 13 mars 2009 avec le Togo et le 21 mai 2009 avec le Cameroun . Ces deux projets de loi ont été inscrits pour une discussion en séance publique par le Sénat le 21 octobre 2010, mais retirés de l'ordre du jour du fait de la prolongation de l'examen du projet de loi sur les retraites. Ils sont donc toujours en instance devant notre assemblée.

Trois nouveaux accords ont été signés en 2010 : avec le Gabon le 24 février, la République centrafricaine le 8 avril et les Comores le 27 septembre. Les projets de loi relatifs aux partenariats avec le Gabon et la République centrafricaine ont été déposés devant le Sénat le 10 novembre 2010. Celui relatif aux Comores est en cours de préparation et fait l'objet d'une concertation interministérielle.

Les négociations ont été engagées et se poursuivent normalement avec le Sénégal et Djibouti . Il faut rappeler, s'agissant du Sénégal, qu'il a été procédé le 9 juin 2010 à une remise symbolique des emprises mises à disposition de la France. En fonction des négociations, certaines emprises seront restituées de manière échelonnée aux autorités sénégalaises. La France prévoit à terme de conserver 300 hommes au Sénégal dans un pôle à vocation logistique, contre 1 200 hommes aujourd'hui.

Quant à la Côte d'Ivoire , il avait été prévu d'initier la négociation après l'élection présidentielle. Cette démarche est bien évidemment suspendue jusqu'à nouvel ordre étant donné la situation politique.

Indépendamment des huit pays entrant dans le champ des accords de défense, la question d'un nouvel accord de partenariat de défense se pose avec un neuvième pays africain : le Tchad . Au cours de l'été 2010, le Président Deby a souhaité que les modalités de la présence des troupes françaises, déployées dans le cadre de l'opération Epervier, soient revues. La France ne dispose pas d'un accord de défense avec le Tchad, mais d'un simple accord de coopération technique. La France s'est déclarée prête à réexaminer les conditions de sa présence en fonction des demandes qui seront formulées par les autorités tchadiennes.

II. L'INSTITUTION DES PARTENARIATS DE DÉFENSE AVEC LE GABON ET LA RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

Dans leurs grandes lignes, le traité franco-gabonais et l'accord franco-centrafricain comportent des stipulations très voisines de celles des accords avec le Cameroun et le Togo, déjà approuvés par la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

La mise en oeuvre du partenariat de défense s'effectue dans des conditions spécifiques à chacun des deux pays, la France déployant un dispositif permanent au Gabon alors que ses forces sont présentes en République centrafricaine dans le cadre de l'opération Boali.

A. LES LIGNES GÉNÉRALES DES DEUX INSTRUMENTS BILATÉRAUX

A la différence des deux premiers pays avec lesquels ont été signés un accord de partenariat de défense, le Togo et le Cameroun, le Gabon et la République centrafricaine accueillent sur leur sol des troupes françaises, de manière permanente pour le Gabon, dans le cadre d'une opération extérieure pour la République centrafricaine. Les deux instruments comportent donc une annexe relative à ces forces stationnées.

Hormis cette annexe, le dispositif retenu est extrêmement proche de celui adopté pour le Togo et le Cameroun, puisqu'il a été établi sur la base d'un modèle d'accord établi par la mission interministérielle en charge de piloter la renégociation des accords de défense.

Les deux instruments sont conclus pour une durée de 5 ans, renouvelable par tacite reconduction .

Ils vont régir, dans un cadre juridique actualisé, l'ensemble des relations de défense entre la France et le Gabon d'une part, la République centrafricaine d'autre part. Ils abrogent et remplacent tous les accords antérieurs , y compris ceux qui n'auraient pas été publiés.

La France et le Gabon sont jusqu'à présent liés par l'accord de défense du 17 août 1960, dont l'approbation a été autorisée par la loi n°60-1226 du 22 novembre 1960 et qui a été publié par le décret n° 60-1231 du 23 novembre 1960.

Quant à la France et la République centrafricaine, elles sont encore liées par les accords dits « quadripartites », qui associaient également à l'origine la République du Congo et le Tchad, et furent signés les 11, 13 et 15 août 1960. Ces accords prévoyaient un système de défense commun entre la France et ces trois pays africains. L'approbation de ces accords a été autorisée par la loi n°60-1225 du 22 novembre 1960 et qui a été publié par le décret n° 60-1230 du 23 novembre 1960. Le Congo s'est retiré en 1972 de cet accord qui ne lie plus le Tchad depuis 1976, date à laquelle d'autres accords ont été signés avec la France.

Par ailleurs, un accord concernant la coopération militaire technique a été signé avec la République centrafricaine à Bangui le 8 octobre 1966.

La deuxième caractéristique des instruments conclus avec le Gabon et la République centrafricaine est qu'ils ne comportent pas de clause d'assistance . De telles clauses n'avaient plus de réelle portée pratique. De longue date, la France estimait que leur mise en oeuvre ne pouvait avoir de caractère automatique et restait dans tous les cas soumise à son appréciation. M. Hervé Morin, ministre de la défense, avait indiqué devant notre commission le 10 février 2010 que la République centrafricaine avait initialement émis une demande tendant à maintenir ce type de clause, ce qui a été écarté la partie française.

Troisièmement, les accords précisent les principes généraux du partenariat de défense et de sécurité , qui vise à concourir à une paix et une sécurité durables sur le territoire des parties ainsi que dans leur environnement régional respectif. L'accord avec la République centrafricaine prévoit la possibilité d'associer d'autres Etats africains ou des Etats de l'Union européenne aux activités développées dans le cadre du partenariat. Le traité avec le Gabon mentionne simplement la possibilité d'organiser des exercices ou activités relatifs à la mise en oeuvre de la stratégie conjointe Union européenne-Afrique.

Les deux instruments énumèrent les domaines de la coopération bilatérale : échanges d'informations ; organisation, équipement et entraînement des forces ; missions de conseil ; formation dans des écoles françaises ou des écoles soutenues par la France.

Les accords comportent des dispositions détaillées sur le statut des personnels engagés dans la coopération. Par extension, ces dispositions s'appliquent aussi aux forces françaises stationnées au Gabon et en Centrafrique. A la différence de ces forces, les coopérants français de longue durée portent l'uniforme gabonais ou centrafricain. Pour les uns comme pour les autres, le pouvoir disciplinaire restera exercé par l'Etat d'origine. Le régime fiscal sera uniformisé, tous les personnels français étant imposés en France.

Les deux instruments présentent une particularité relative aux règles sur l'usage des armes . Le modèle d'accord, repris sur ce point par le Togo et le Cameroun, prévoit que lorsque les personnels utilisent leur arme de dotation pour les besoins du service, ils se conforment à la législation de l'Etat d'accueil, sauf si celui-ci accepte l'application de la législation de l'Etat d'origine.

L'accord avec la République centrafricaine prévoit uniquement l'application de la législation de l'Etat d'accueil, alors que le traité avec le Gabon prévoit uniquement l'application de la législation de l'Etat d'origine. Ces variations de règles n'ont pas d'incidence pratique pour les forces françaises dans ces deux pays, car, en tout état de cause, la législation française sur l'usage des armes en service semble plus restrictive que celle des deux pays concernés. Il n'y aurait donc pas de restriction par rapport aux règles d'engagement habituelles de nos forces.

Le Conseil d'Etat a fait observer que le traité avec le Gabon aboutissait, par réciprocité, à maintenir les personnels gabonais présents sur le sol français sous l'application de la législation gabonaise. Il s'agit d'une hypothèse toute théorique. En effet, les cas dans lesquels des personnels gabonais présents en France seraient armés et dotés de munitions réelles sont extrêmement réduits. Il peut s'agir de stages ou de formations. Dans ce cas, ces personnels sont placés sous encadrement et commandement français. Le Conseil d'Etat n'a donc pas jugé que cette disposition puisse être contraire à nos principes constitutionnels.

Les deux instruments fixent les règles de compétence juridictionnelle en cas d'infraction commises par un personnel étranger. Le principe retenu est que lorsque la personne commet l'infraction dans le cadre de ses fonctions officielles, elle relève des juridictions de son Etat d'origine, c'est à dire, pour les personnels français, de la justice française. Le traité franco-gabonais comme l'accord avec la République centrafricaine offrent un certain nombre de garanties lorsque les poursuites sont exercées devant les juridictions de l'Etat d'accueil, c'est-à-dire lorsque les infractions sont commises en dehors de toute fonction officielle. Il est également explicitement mentionné que dans le cas où elle serait prévue par la loi, la peine de mort ne serait ni requise, ni prononcée. En effet, la peine de mort a été abolie au Gabon, mais pas en République centrafricaine.

B. LA MISE EN oeUVRE DU PARTENARIAT DE DÉFENSE FRANCO-GABONAIS

Le traité franco-gabonais comporte une annexe spécifique sur le stationnement des forces française . Elle prévoit un certain nombre de facilités, notamment en matière d'importations de matériels.

Au Gabon, la France dispose d' environ 900 hommes , principalement répartis entre le 6 ème bataillon d'infanterie de marine, un détachement de l'ALAT et un détachement air. L'annexe au traité fixe le régime des zones mise à disposition des forces françaises. Elle pose le principe de l'inviolabilité de ces installations, ainsi que des documents qu'elles abritent et de la correspondance officielle de nos forces. Dans l'éventualité d'une dénonciation du traité, les zones mises à disposition des forces françaises devront être restituées au Gabon, sans compensation. Enfin, l'article 11 de l'annexe stipule que le Gabon peut demander à tout moment le retrait des forces françaises stationnées sur son territoire, la France se réservant également le droit de retirer ses forces.

Nos collègues Jacques Gautier et Daniel Reiner ont effectué au nom de la commission une visite auprès des forces françaises du Gabon du 20 au 24 avril 2010. Lors du compte rendu de ce déplacement, le 30 juin 2010, ils ont exposé le triple rôle de ces forces : assurer la sécurité de nos 12 000 ressortissants au Gabon ; servir de point d'appui pour d'autres opérations dans la région, par exemple pour l'opération Épervier au Tchad, pour l'opération Licorne en Côte d'Ivoire et pour l'opération Boali en République Centrafricaine ; servir également de point d'appui pour la mise en place d'une force aéroterrestre en cas d'opération de première urgence en Afrique centrale ou en Afrique de l'Ouest. A la suite de la réorganisation de notre dispositif, le Gabon devient clairement l'implantation principale sur la façade occidentale de l'Afrique. Notre présence y sera vraisemblablement renforcée.

A l'heure actuelle, les forces françaises au Gabon comprennent :

- un état-major interarmées ;

- des forces terrestres composées du 6 ème Bataillon d'infanterie de marine, du détachement de l'aviation légère de l'armée de terres et de la mission logistique installée à Douala au Cameroun ;

- des forces aériennes, avec un groupement transport opérationnel, dont un détachement d'hélicoptères légers, et une escale de transit interarmées implantés sur la base aérienne Guy Pidoux ;

- des directions et des services de soutien implantés dans le camp De Gaulle à Libreville, notamment la direction des commissariats d'outre-mer, la direction locale interarmées des réseaux d'infrastructures et des systèmes d'information, la cellule de maintenance des matériels terrestres ou encore un détachement du service des essences.

Les forces françaises au Gabon conduisent au profit des forces gabonaises des actions de coopération opérationnelle , fortement orientées vers le soutien aux opérations et l'entraînement des unités. Ces actions s'inscrivent de plus en plus dans le cadre régional de la Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale (CEEAC), en particulier par l'appui et la montée en puissance des structures régionales de la force africaine en attente. Elles visent notamment à appuyer la mise sur pied des unités de l'état-major régional de la brigade régionale en attente, ainsi qu'à soutenir la préparation opérationnelle des unités de cette brigade pouvant être engagées dans des opérations de maintien de la paix (MICOPAX en République centrafricaine et AMISOM en Somalie).

La coopération opérationnelle s'exerce à travers les actions menées par les détachements d'instruction opérationnelle et les détachements d'instruction technique.

Il est à noter que les forces françaises au Gabon disposent d'un centre d'aguerrissement en forêt équatoriale. Ce centre est également ouvert aux forces africaines et notamment aux forces de la brigade en attente pour la région Afrique centrale.

Les crédits mis en oeuvre au titre de la coopération opérationnelle à l'échelon régional à partir de nos forces prépositionnées à Libreville atteignent 1,1 million d'euros.

Outre le statut des forces françaises présentes à titre permanent, le traité couvre également la coopération structurelle de défense . Actuellement, la France met 25 coopérants à disposition du ministère gabonais de la défense. Les principaux projets concernent l'aviation légère de l'armée de terre, l'école des sous-officiers, le soutien des matériels roulants, l'appui au génie, le service de santé, la mise en place de l'action de l'Etat en mer, ainsi que deux écoles nationales à vocation régionale (ENVR), l'école d'état-major et l'école nationale de la gendarmerie. Ces projets bénéficient de crédits de coopération s'élevant à 5,4 millions d'euros en 2010.

Les forces de défense gabonaises s'élèvent à environ 13 000 hommes, répartis entre les forces armées (6 200 hommes), la gendarmerie (3 400 hommes) et la garde républicaine (2 500 hommes), auxquelles s'ajoutent le service de santé (800 hommes), la direction du génie militaire (400 hommes) et les autres services rattachés.

Au cours des dernières années, elles ont joué un rôle très significatif dans le maintien de la paix en Afrique et en particulier dans la sous-région. Le Gabon est la nation cadre de la force multinationale en Centrafrique (FOMAC), devenue en 2008 la MICOPAX (mission de consolidation de la paix en Centrafrique) après son transfert sous la responsabilité de la CEEAC. Les forces armées gabonaises déploient 120 militaires au sein de cette opération. Le Gabon participe également, au Soudan, à la mission des Nations Unies (MINUS) et à celle conduite par l'Union africaine (MUAS). Il apporte également une contribution importante à la brigade centre de la Force africaine en attente. Le « conseil paix et sécurité » de la CEEAC, l'état-major régional « centre », et le mécanisme d'alerte rapide d'Afrique centrale sont implantés à Libreville.

Le partenariat de défense entre la France et le Gabon vise ainsi à accompagner les efforts de ce dernier en vue de renforcer son outil de défense et de contribuer du maintien de la paix dans la sous-région.

C. LA MISE EN oeUVRE DU PARTENARIAT DE DÉFENSE FRANCO-CENTRAFRICAIN

L'accord de partenariat de défense entre la France et la République centrafricaine comporte une annexe relative à notre détachement de Boali. Il s'agit d'un petit de contingent d'environ 200 militaires, comprenant un état-major, une compagnie d'infanterie et un détachement de soutien.

Le détachement Boali peut être ponctuellement renforcé. Des avions de transport tactique ou stratégique, des hélicoptères, projetés depuis la France ou des bases prépositionnées en Afrique, peuvent apporter un soutien dans les domaines de la mobilité, du renseignement et de l'appui aérien.

Les forces françaises sont déployées depuis mars 2003, pour assurer le soutien technique et le cas échéant opérationnel de la force multinationale africaine de stabilisation (mission de consolidation de la paix - MICOPAX) mise en place, en République centrafricaine, par la Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale (CEMAC), avec le soutien financier de l'Union européenne.

Ainsi, la France fournit des moyens logistiques tels que les munitions, le paquetage des troupes, des véhicules blindés, des véhicules de transport des troupes et l'armement. Elle assure des actions de formation au profit de la force africaine, à travers les détachements d'instruction opérationnelle.

L'opération Boali permet aussi d'assurer l'instruction opérationnelle des unités des forces armées centrafricaines.

Il faut également préciser qu'en vertu des accords de défense et de sécurité liant la France à la République centrafricaine, et à la demande des autorités centrafricaines, les militaires français ont apporté à plusieurs reprises aux forces armées centrafricaines et à la FOMUC un soutien renseignement et logistique, un appui feu aérien, une aide à la planification et à la conduite des opérations visant à reprendre le contrôle du Nord-Est du pays occupé par des éléments armés rebelles.

La présence militaire française en Centrafrique s'effectue donc dans un tout autre contexte que celui du Gabon. La situation politique intérieure centrafricaine demeure fragile. Un accord de paix a été signé en juin 2008 entre le gouvernement et une partie des mouvements de rébellion armée du Nord du pays. La mise en oeuvre de cet accord, qui prévoyait une loi d'amnistie, le désarmement des groupes rebelles et leur réintégration sur la scène politique, s'effectue lentement et avec difficulté. L'insécurité persiste dans le Nord et l'Est du pays. Le mandat du Président de la République, le général Bozizé, venait à échéance au printemps 2010, mais les élections présidentielles et législatives ont été repoussées. Elles doivent se tenir le 23 janvier 2011, alors que la plupart des mouvements d'opposition contestent les conditions d'organisation du scrutin.

La mission de maintien de la paix incombe en premier lieu à la force interafricaine, la MICOPAX, le mandat de celle-ci assignant aux forces françaises un rôle de soutien, conformément au concept RECAMP, de renforcement des capacités africaines de maintien de la paix.

L'annexe à l'accord bilatéral définit les facilités accordées aux forces françaises en matière d'importation des matériels et d'utilisation de l'aéroport de Bangui.

En ce qui concerne la coopération de défense avec la République centrafricaine, elle repose sur la mise à disposition permanente de 8 coopérants. Le principal projet de coopération concerne l'école de gendarmerie de Kolongo. Les crédits de coopération militaire s'élèvent à 2,25 millions d'euros pour 2010.

CONCLUSION

Le Gabon et la République centrafricaine sont respectivement le troisième et le quatrième pays, parmi les huit pays concernés, avec lesquels la mise à jour des accords de défense a été menée à bien.

Ces nouveaux instruments donnent à notre coopération de défense et de sécurité un cadre beaucoup plus clair, adapté aux évolutions imprimées à notre politique en Afrique depuis de nombreuses années.

Ils s'inscrivent pleinement dans la volonté d'aider nos partenaires à renforcer leurs capacités de défense et à mettre progressivement en place une organisation régionale de maintien de la paix et de la sécurité.

Votre commission vous demande d'approuver les projets de loi autorisant la ratification du traité avec le Gabon et l'approbation de l'accord avec la République centrafricaine, instituant un partenariat de défense entre la France et ces deux pays.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie sous la présidence de M. Josselin de Rohan, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du présent projet de loi le 19 janvier 2011.

Un débat s'est engagé à la suite de l'exposé du rapporteur.

M. Daniel Reiner - Le groupe socialiste adoptera sur ces deux projets de loi une position analogue à celle qu'il avait prise au mois de juillet dernier, lors de l'examen des accords avec le Togo et le Cameroun. Bien entendu, nous ne pouvons que saluer l'évolution positive qui conduit à la conclusion de ces nouveaux accords. Ils vont remplacer des textes datant de près de cinquante ans, qui comportaient des clauses secrètes et n'avaient pas été soumis au Parlement. Il s'agit donc plutôt d'un progrès qui s'inscrit dans une politique définie il y a déjà une dizaine d'années déjà, visant à aider les Africains à se doter des moyens leur permettant d'assurer leur propre sécurité et les opérations de maintien de la paix sur le continent.

Nous avons demandé un débat général sur la politique de défense française en Afrique. Il faut envisager ces accords globalement. Nous réservons donc notre position pour ce débat, lorsqu'il pourra avoir lieu.

Je voudrais également faire observer que, dans l'un des deux Etats avec lesquels nous avons signé un accord aujourd'hui soumis à notre examen, la République centrafricaine, la situation politique n'est toujours pas stabilisée.

Je souhaiterais enfin savoir si les accords dont nous sommes saisis prévoient des échanges de renseignements entre partenaires. Les événements récents dans certains pays montrent combien de tels échanges peuvent être nécessaires.

M. Philippe Paul - Les deux instruments signés avec le Gabon et la République centrafricaine citent, parmi les domaines de coopération, les échanges de vues et d'informations relatifs aux risques et menaces à la sécurité nationale et régionale, et aux moyens d'y faire face.

M. Didier Boulaud - Comme Daniel Reiner, j'estime qu'un débat sur notre politique de sécurité en Afrique est plus que jamais nécessaire. La situation sécuritaire sur le continent évolue rapidement, rendant obsolète le cadre fixé par le Livre blanc. Pour prendre l'exemple de notre implantation à Djibouti, on voit bien que les Etats-Unis ou la Chine comptent durablement renforcer leur présence dans la corne de l'Afrique. Je me demande si nous n'avons pas arrêté les axes de notre repositionnement de manière trop précipitée. Par ailleurs, je constate que le champ des nouveaux accords de partenariat ne couvre pas des pays tels que le Mali, la Mauritanie ou le Niger, dont nous voyons bien qu'ils sont importants pour nos intérêts de sécurité. Nous devons également établir un cadre plus clair avec le Tchad.

M. Josselin de Rohan, président - Monsieur Boulaud, le Livre blanc a vocation à être réactualisé après 2012. En ce qui concerne le Tchad, la question est effectivement posée du passage de l'opération Epervier à la définition d'une nouveau cadre de coopération.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte les deux projets de loi, le groupe socialiste s'abstenant.


* 1 Rapport n° 639 (2009-2010) du 7 juillet 2010.

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