C. LE DISPOSITIF DE RÉSERVE DE SÉCURITÉ NATIONALE PROPOSÉ INSTAURE UN RÉGIME DÉROGATOIRE DU DROIT COMMUN DES RÉSERVES ADAPTÉ AUX CIRCONSTANCES EXCEPTIONNELLES D'UNE CRISE MAJEURE

1. La proposition de loi ne modifie pas le fonctionnement ordinaire des réserves

Partant du constat que les dispositions actuelles du code de la défense ne sont pas adaptées, les auteurs de la proposition de loi ont été amenés logiquement à élaborer un régime juridique d'exception temporaire, définissant, en cas de crise majeure, des règles de mobilisation des réserves contraignantes avec un préavis et une durée opposable dérogatoire du droit commun.

La proposition de loi n° 194 (2010-2011) ne modifie pas l'organisation des différentes réserves au quotidien. En cela, elle ne constitue pas une réforme d'ampleur des réserves qui restent régies par les mêmes cadres juridiques dans leurs activités programmées.

L'idée qui semble avoir animé les auteurs de la proposition de loi est de ne pas modifier, ni perturber l'organisation des différentes réserves au quotidien. C'est pourquoi, la proposition de loi ne définit qu'un régime spécifique aux cas de crise majeure, qui serait déclenché par le Premier ministre, par décret.

Ce régime d'exception ne concerne évidemment que les citoyens engagés dans les réserves militaires et civiles ainsi que les disponibles.

Selon l'exposé des motifs, l'objectif est d'offrir aux forces armées et aux administrations disposant de réserves civiles un régime juridique qui leur permette de mobiliser en plus des forces actives immédiatement engagées dans la gestion de la crise, des forces de réserves dans un délai rapide et pour une période plus longue que celle prévue dans le cadre d'activités programmées.

Ce cadre juridique d'application exceptionnelle et temporaire permet aux ministères de pouvoir déroger, en cas de crise d'ampleur exceptionnelle, aux règles habituelles de convocation et de durée d'emploi, tout en créant une obligation pour les réservistes et les employeurs.

2. Le dispositif permet, dans des circonstances exceptionnelles, une mobilisation à la carte des réservistes.

Le dispositif proposé dit « de réserve de sécurité nationale » est distinct des régimes juridiques d'exception tout en s'insérant dans le même chapitre du code de la défense dédié aux régimes d'application exceptionnelle .

Le déclenchement du dispositif de réserve de sécurité nationale est du ressort du Premier ministre et n'est applicable qu'en cas de « crise majeure dont l'ampleur met en péril la continuité des services de l'Etat, la sécurité de la population ou la capacité de survie de la Nation. »

Le dispositif se situe ainsi dans une situation d'une extrême nécessité qui pourrait naître d'un événement majeur qui toucherait directement ou indirectement l'ensemble de la communauté nationale.

Certes, l'appréciation du caractère majeur est laissée à la responsabilité politique du Premier ministre. Mais si les critères relatifs à la continuité des services de l'Etat et la sécurité de la population peuvent se prêter à interprétation, ils ne peuvent pas, si les mots ont un sens, être évoqués pour n'importe quel événement, fut-il d'une importance majeure pour le territoire d'une collectivité locale donnée.

Les auteurs de la proposition de loi visent ainsi des crises comparables à celles provoquées par les attentats du 11 septembre 2001 ou l'ouragan Katrina, mais aussi des situations de conflits armés majeurs sur des théâtres extérieures que l'on ne peut malheureusement pas exclure.

La commission considère, en effet, que le recours à la contrainte doit être réservé à des événements majeurs qui, par leur ampleur ou leur durée, saturent les capacités des forces d'active des armées, des forces de protection civile et de secours.

Elle estime que, pour les événements de moindre importance, le recours aux forces d'active sur l'ensemble du territoire devrait pouvoir être mis à contribution, éventuellement complété par ceux des réservistes qui se seront spontanément déclarés disponibles.

Les règles dérogatoires définies dans le dispositif de réserve de sécurité nationale concernent le préavis de convocation et la durée d'emploi. Les réservistes pourraient être convoqués sur très court préavis, de l'ordre de quelques jours. Les durées d'emploi seraient adaptées aux besoins identifiés par l'autorité civile.

Par ailleurs, les réservistes seraient dans l'obligation de rejoindre leur affectation, sous peine d'amendes. Les réservistes employés au sein d'une entreprise dont le fonctionnement est jugé essentiel par l'autorité civile pourraient, sous certaines conditions, déroger à cette obligation.

La commission juge, avec les auteurs de la proposition de loi, essentiel de garantir aux citoyens et aux entreprises qu'en cas de mobilisation des réservistes, les salariés indispensables au bon fonctionnement des grands opérateurs, notamment dans le domaine des télécommunications, des transports et de l'énergie, ne puissent être réquisitionnés afin qu'ils contribuent dans leur poste à la gestion de la crise et au rétablissement de la situation au sein de leur entreprise.

Dans le dispositif proposé, les prérogatives des ministères en matière de gestion de leurs réservistes sont également strictement respectées. Les réservistes sont ainsi convoqués et employés par le ministère ou la collectivité dont ils dépendent, en cohérence avec les besoins exprimés par l'autorité civile chargée du traitement de la crise.

Il ne s'agit donc pas d'un dispositif de mobilisation générale de l'ensemble des réservistes à l'image de ce que furent les journaux de mobilisation, mais de la possibilité donnée aux ministères et aux collectivités concernés, par le Premier ministre, de réquisitionner leurs réservistes en cas de crise majeure en fonction de leurs besoins.

Le décret du Premier ministre pourrait définir les réserves concernées, la ou les zones de défense visées, le délai de mobilisation et la durée envisagée de façon à ce que le rappel soit adapté au besoin.

3. Un texte qui introduit au sein du volontariat des réserves un élément de contrainte uniquement justifié par des circonstances exceptionnelles

Les réserves militaires et civiles sont fondées sur le volontariat. Dans une société travaillée par les valeurs de l'individualisme, qui demande par ailleurs, un engagement accru des jeunes adultes dans leur vie professionnelle et dans leur vie familiale, l'engagement dans la réserve constitue un acte volontaire qui impose à chaque réserviste des arbitrages délicats.

Dans la réserve militaire, cet engagement volontaire se traduit par un contrat d'engagement à servir dans la réserve (ESR). Le code de la défense ne prévoit cependant pas de sanction si le réserviste ne remplit pas son contrat et ne répond pas à l'appel des armées. A l'occasion d'une activité programmée, le réserviste peut donc toujours refuser la veille de se présenter.

Autrement dit, le volontariat dans la réserve ne se situe pas seulement au moment de la souscription à un contrat, mais au niveau de chaque convocation. Le réserviste est à chaque instant en mesure d'accorder ou non son temps. La réserve est ainsi fondée sur un double volontariat par lequel le réserviste accepte, d'une part, de consacrer du temps à la réserve et, d'autre part, d'y effectuer telle ou telle mission. De fait, cette situation explique que le réserviste choisisse très largement son affectation.

Dans les armées, l'ESR n'est donc pas un contrat d'engagement au sens militaire, ni même un contrat tout court avec de véritables obligations réciproques.

Dès lors, la fiabilité du réserviste relève moins du contrat que de la relation que l'institution qui l'engage a su tisser avec lui. C'est à la fois la force, mais aussi la faiblesse des réserves comme instrument de gestion de crise.

Dans ce contexte, la proposition de loi vient temporairement rompre cet équilibre, puisqu'elle permet, en cas de crise majeure, de contraindre le réserviste à répondre présent et à servir les autorités dont il dépend au titre de son engagement volontaire. Le réserviste reste un volontaire, car il a librement consenti son engagement dans la réserve, mais il est, en cas de circonstances exceptionnelles, requis d'accepter la mission qu'on lui confie .

Si cet élément de contrainte peut apparaître en contradiction avec le caractère volontaire de l'engagement des réservistes, il faut aussi le voir comme un élément de protection du réserviste vis-à-vis de son employeur .

Ce dispositif permet, en effet, d'offrir la possibilité, à ceux des réservistes, dont le souhait est de s'engager pour la collectivité nationale dans un moment de crise où elle est durement touchée, d'opposer à leur employeur un cas de force majeure et une protection juridique, de sorte qu'ils puissent s'engager momentanément au service du pays sans risquer de perdre leur emploi.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page