Rapport n° 386 (2010-2011) de M. Xavier PINTAT , fait au nom de la commission des affaires étrangères et de la défense, déposé le 30 mars 2011

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N° 386

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 mars 2011

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification du traité entre la République française et le Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du nord relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes ,

Par M. Xavier PINTAT,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice-présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Étienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Jean-Pierre Bel, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mmes Bernadette Dupont, Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mme Gisèle Gautier, M. Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Philippe Paul, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

322 et 387 (2010-2011)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi a pour objet d'autoriser la ratification du traité entre la France et le Royaume-Uni relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes, signé à Londres le 2 novembre 2010.

Sur la base de ce traité, la France et le Royaume-Uni vont réaliser en commun certains outils d'expérimentation nécessaires pour garantir la fiabilité et la sûreté de leurs armes nucléaires.

Grâce au partage des investissements, cette coopération va générer une économie appréciable, évaluée entre 400 et 450 millions d'euros pour chacun des deux pays.

Le traité présente par ailleurs une dimension politique et stratégique majeure, puisqu'il engage entre la France et le Royaume-Uni une coopération touchant à leur capacité de dissuasion nucléaire.

C'est également le 2 novembre 2010, lors du 31 ème sommet franco-britannique, qu'a été signé un traité bilatéral de coopération en matière de défense et de sécurité, dont la ratification ne nécessite pas quant à elle, au regard des stipulations de ce texte et de l'article 53 de la Constitution, de procédure d'autorisation parlementaire.

Ces deux instruments traduisent la volonté de la France et du Royaume-Uni de renforcer vigoureusement leur coopération dans le domaine de la défense, douze ans après le sommet bilatéral de Saint-Malo qui avait donné une impulsion décisive à la mise en place d'une politique européenne de sécurité et de défense.

Les orientations définies lors du sommet de Londres, le 2 novembre 2010, couvrent l'ensemble des aspects de la relation de défense franco-britannique, qu'il s'agisse de la coopération opérationnelle, du partage ou de la mutualisation d'équipements et d'actions de formation ou de soutien, de la coopération en matière de recherche et d'armement ou encore de rapprochements dans l'industrie de défense.

Entre la France et Royaume-Uni, les facteurs de convergence dans le domaine de la défense sont nombreux. Leur effort de défense, le volume de leurs forces, la gamme de leurs capacités opérationnelles et industrielles en font les deux plus importantes puissances militaires en Europe. Membres permanents du Conseil de sécurité, les deux pays entendent maintenir un outil de défense à la mesure de leurs responsabilités internationales.

La relance de la coopération bilatérale résulte d'une démarche pragmatique, stimulée par la situation dégradée des finances publiques. Il s'agit de rechercher, dans tous les domaines, les moyens d'optimiser les investissements et les capacités de défense, dans le respect de la souveraineté et des intérêts nationaux de chaque partenaire.

Cette démarche entend également prendre valeur d'exemple à l'échelle européenne, en montrant l'intérêt du partage des capacités, des mutualisations et des investissements communs, à l'heure où les politiques budgétaires se traduisent par un affaissement inquiétant de l'effort de défense en Europe.

Votre rapporteur présentera en premier lieu les principaux axes définis lors du sommet de Londres pour la coopération de défense franco-britannique.

Il évoquera ensuite plus précisément les perspectives de coopération dans le domaine nucléaire militaire, qui portent sur des installations d'expérimentation dédiées à la simulation pour les armes nucléaires, avant de détailler les dispositions du traité relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes, soumis à l'examen du Sénat.

I. LA RELANCE DE LA COOPÉRATION DE DÉFENSE FRANCO-BRITANNIQUE

Le renforcement de la coopération franco-britannique de défense et de sécurité repose sur de nombreuses convergences objectives d'intérêts et d'ambitions entre les deux pays.

Stimulé par la contrainte budgétaire, ce renforcement n'aurait pas été possible sans une vigoureuse impulsion politique au plus haut niveau, ainsi qu'un haut degré de confiance entre les deux partenaires. A cet égard, la clarification de la position française au sein de l'OTAN a joué un rôle positif en levant certains obstacles psychologiques.

Les décisions prises à Londres le 2 novembre 2010 constituent une feuille de route ambitieuse en vue d'établir des relations plus étroites entre les deux principales puissances militaires européennes et d'optimiser leur outil de défense.

A. DES CONVERGENCES D'INTÉRÊTS ET D'AMBITIONS

Dans un rapport d'information 1 ( * ) publié le 9 juillet 2010 au nom de la commission des affaires étrangères et de la défense, le président Josselin de Rohan et de notre collègue Daniel Reiner insistaient sur l'opportunité nouvelle qui se présentait pour renforcer la coopération et le partenariat entre la France et le Royaume-Uni.

Votre rapporteur renvoie à la lecture de ce rapport d'information et se limitera à brièvement rappeler les raisons qui militent pour ce rapprochement.

1. Des convergences objectives

Les convergences entre la France et le Royaume-Uni en matière de défense et de sécurité s'appuient sur deux types de réalités objectives.

Elles sont d'abord d'ordre politique et stratégique . Les deux pays constatent qu'ils ont des intérêts de sécurité identiques et l'ont souligné à de nombreuses reprises, et en dernier lieu lors du sommet de Londres. Par leur histoire, leur statut international de membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, l'étendue des relations qu'ils entretiennent sur l'ensemble des continents, ils portent une attention particulière aux conflits, crises ou menaces susceptibles de mettre en cause la sécurité internationale. Il est significatif que la France et le Royaume-Uni soient à l'origine de près de 80 % des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies, signe de leur implication dans le règlement des crises internationales et de leur grande proximité de vues. La crise libyenne en offre une nouvelle illustration.

Les convergences franco-britanniques tiennent également à une posture de défense très comparable. Les deux pays possèdent une force de dissuasion nucléaire et un éventail analogue de capacités conventionnelles. La France comme le Royaume-Uni jugent indispensable de conserver un outil militaire capable de faire face à une large gamme de scénarios, y compris des opérations de combat de haute intensité. En dehors des Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni figurent parmi les rares pays à être capables de projeter leurs capacités militaires à longue distance pour de telles opérations. A l'analogie des missions fixées aux deux politiques de défense répond un dimensionnement assez voisin des armées respectives. Les budgets de défense sont du même ordre de grandeur : autour de 40 milliards d'euros par an, soit environ 2 % du PIB. Les deux pays souhaitent également maintenir leur industrie de défense au meilleur niveau technologique. Celle-ci représente environ 200 000 emplois directs pour chacun d'entre eux.

Cela est souvent souligné, la France et le Royaume-Uni rassemblent à eux seuls près de 50 % des budgets défense de l'ensemble de l'Union européenne, près de 50 % des dépenses d'équipement et près des deux-tiers des dépenses de recherche et technologie de défense.

2. Deux outils de défense placés devant un même défi

La France et le Royaume-Uni disposent d'un outil de défense de dimension comparable et entendent conserver un éventail de capacités qui fait d'eux des acteurs militaires majeurs, en Europe et dans le monde, en accord avec leurs responsabilités internationales.

Cette ambition est fragilisée par les contraintes budgétaires extrêmement fortes pesant sur l'un et l'autre pays.

Votre rapporteur rappelle, pour ce qui est de la France , que la loi triennale de programmation des finances publiques pour la période 2011-2013 a déjà conduit à retoucher les objectifs de la loi de programmation militaire. Certes, il faut le souligner, la défense a véritablement bénéficié d'une attention prioritaire. À la différence des autres ministères, elle doit voir ses crédits progresser d'ici 2013, même si ce n'est pas dans la proportion initialement prévue par la loi de programmation. Il en résulte une diminution des crédits programmés de 3,5 milliards d'euros sur la période 2011-2013, qui pourrait en partie être compensée par un surcroît de recettes exceptionnelles, évalué à 2,3 milliards d'euros sur la même période.

L'impact des réductions opérées paraît assez modeste sur l'exercice 2011. Il sera en revanche plus sensible à partir de 2012 et au-delà, puisqu'un certain nombre de décalages de programmes ou d'étalements des paiements ont déjà été annoncés. En tout état de cause, ce cadrage financier sera de nouveau réexaminé en 2012. Il faut rappeler que le format des armées et les capacités militaires prévus par le Livre blanc avaient été établis sur la base d'une hypothèse d'accroissement du budget de la défense de 1 % par an en volume, c'est-à-dire 1 % de plus que l'inflation, à partir de 2012 et jusqu'en 2020.

Le Royaume-Uni a pour sa part arrêté ses choix budgétaires de défense dans le cadre de la Strategic Defence and Security Review publiée le 19 octobre 2010. Par rapport à l'année 2010, qui constituait il est vrai un « pic » budgétaire pour la défense britannique (avec un montant de 39,3 milliards de livres, supérieur de 11 % au montant de 2006), le Royaume-Uni a programmé une diminution progressive du budget de défense de 7,5 % en volume d'ici 2015 , soit une enveloppe annuelle de 37 milliards de livres (42 milliards d'euros) sur la durée de la législature. Il s'agit certes d'un arbitrage relativement favorable à la défense, alors que le Chancelier de l'Echiquier avait évoqué une diminution pouvant aller jusqu'à 20 %. Les crédits devraient progresser en valeur, jusqu'en 2015, ce qui permettrait, selon le Premier ministre, une stabilisation de l'effort de défense au-dessus de 2 % du PIB sur la période.

Ces décisions se traduiront par une réduction significative du format des armées britanniques .

Les diminutions d' effectifs portent sur 17 000 postes militaires et 25 000 postes civils d'ici 2015, soit 42 000 postes supprimés sur 275 000.

En termes d' équipements , le programme de renouvellement des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins est repoussé à 2016, le nombre de frégates et de destroyers sera réduit de 23 à 19, le nombre de blindés (chars Challenger II ) sera diminué de 40 % et le volume de l'artillerie lourde de 35 %, le nombre d'avions de combat Tornado conservés en l'attente de l'arrivée du Joint Strike Fighter (JSF) sera lui aussi réduit. Les deux décisions les plus remarquées concernent le retrait du service du porte-avions Ark Royal et des avions Harrier , qui prive le Royaume-Uni d'un groupe aérien embarqué jusqu'à l'entrée en service du nouveau porte-avions, doté du JSF, à l'horizon 2020, et le renoncement au programme d'avion de surveillance Nimrod MRA-4 , qui équivaut à un abandon de capacité en matière d'aviation de patrouille maritime.

Le resserrement des contraintes budgétaires incite puissamment la France comme le Royaume-Uni à rechercher des coopérations et des mutualisations si chacun des deux pays souhaite demeurer une puissance militaire globale, ce que les commentateurs, invoquant une « entente frugale », ont résumé par le dilemme « share it or loose it ».

3. Une coopération bilatérale utile à l'Europe

Il est notable de relever que dans la Strategic Defence and Security Review , comme dans le « Livre vert » publié quelques mois auparavant par le gouvernement de Gordon Brown, le Royaume-Uni met l'accent sur les partenariats , en particulier sur de nouveaux modèles de coopération bilatérale avec les pays ayant une posture de défense comparable ou participant aux mêmes opérations multinationales.

La relation de défense et de sécurité avec les Etats-Unis conserve pour Londres une place prééminente.

Toutefois, la France est expressément considérée, après les Etats-Unis, comme le premier pays avec lequel la coopération doit être intensifiée .

C'est le sens de la démarche pragmatique qui a permis, au sommet de Londres, d'arrêter un certain nombre de projets répondant à une réelle convergence d'objectifs et de calendriers.

Le renforcement de la coopération de défense franco-britannique annoncé le 2 novembre dernier a provoqué certaines interrogations : ce rapprochement entre les deux principaux acteurs militaires européens n'allait-il pas, par contrecoup, affaiblir la politique de sécurité et de défense commune et les coopérations avec les autres pays européens ?

Votre rapporteur ne le pense pas pour trois séries de raisons.

Premièrement, il est évident qu'un effritement des capacités militaires françaises et britanniques nuirait à la défense européenne dans son ensemble. En cherchant à optimiser leurs moyens et à préserver leurs capacités, les deux pays obéissent à leurs intérêts nationaux, mais ils font également en sorte de pouvoir maintenir une contribution européenne significative dans l'OTAN et une base solide pour les opérations de la politique de sécurité et de défense commune . On a trop souvent regretté que le Royaume-Uni ne se tourne pas suffisamment vers l'Europe en matière de défense pour lui reprocher aujourd'hui une coopération renforcée avec l'autre acteur militaire européen majeur qu'est la France.

Deuxièmement, la coopération franco-britannique n'est pas exclusive de la participation d'autres partenaires européens aux projets décidés en commun, dès lors qu'ils partagent les mêmes objectifs. Elle n'est pas davantage exclusive d'autres formats de coopération et elle ne couvre pas, loin de là, tout le champ potentiel de cette coopération. A titre d'exemple, dans le domaine spatial, les deux pays souhaitent coopérer sur les satellites de télécommunications, mais le Royaume-Uni n'est pas impliqué dans les satellites d'observation, qui font l'objet pour leur part d'une coopération associant d'autres pays, dont la France.

Troisièmement, on peut constater que cette démarche de coopération réaliste , fondée sur de véritables besoins et calendriers communs, a été montrée en exemple par plusieurs responsables étrangers. Elle témoigne que des partages de capacités ou des dépendances mutuelles sont envisageables. Il est souhaitable que d'autres groupes de pays engagent, sur le même modèle, des coopérations de nature à mieux utiliser leurs ressources.

C'est pourquoi cette coopération, bien que bilatérale, est incontestablement utile pour l'Europe dans son ensemble .

B. UNE NOUVELLE FEUILLE DE ROUTE POUR LA RELATION DE DÉFENSE

La déclaration franco-britannique adoptée à Londres le 2 novembre 2010, dont le texte figure en annexe, constitue la feuille de route de la coopération bilatérale de défense et de sécurité pour les prochaines années.

Elle s'appuie sur le traité de coopération en matière de défense et de sécurité signé le même jour. Celui-ci fixe le cadre et les orientations générales de la coopération. Des accords et arrangements complémentaires seront conclus en tant que de besoin pour mettre en oeuvre les différents aspects de cette coopération.

Le traité relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes , adopté lui aussi le 2 novembre 2010, constitue en quelque sorte une première et remarquable traduction du renforcement de la coopération bilatérale. Celle-ci s'ouvre désormais à un champ nouveau, stratégique et hautement sensible, celui de la dissuasion nucléaire, à travers le projet de réalisation d'une installation d'expérimentation commune de simulation pour les armes nucléaires.

Votre rapporteur détaillera dans les deuxième et troisième parties du présent rapport le contenu précis et les enjeux de cette coopération en matière nucléaire.

Outre le volet nucléaire, les décisions prises à Londres couvrent la coopération dans les domaines opérationnels, capacitaires, technologiques et industriels .

Les deux pays ont également arrêté un cadre souple mais néanmoins institutionnalisé pour assurer le suivi de cette coopération et sa mise en oeuvre. Cette démarche s'est prolongée au plan parlementaire avec la constitution d'un groupe de travail commun aux quatre commissions de défense de la chambre des Communes, de la chambre des Lords, de l'Assemblée nationale et du Sénat.

1. La coopération dans le domaine opérationnel

Lors du sommet de Londres, la France et le Royaume-Uni ont signé une lettre d'intention portant création d'un nouveau cadre d'échanges entre nos forces armées sur des questions opérationnelles , dans la perspective d'identifier les moyens de rapprocher nos armées dans les domaines de la doctrine, des besoins capacitaires et de l'interopérabilité.

Il faut noter qu'une lettre d'intention liait, depuis 1996, la Royal Navy et la marine française, qui ont mis en place 12 groupes de travail et entretiennent des contacts très réguliers, notamment dans le domaine des opérations. De même, une lettre d'intention signée en mars 2007 formalise les relations entre l'armée de l'air française et la Royal Air Force . Une directive d'objectifs de coopération est signée annuellement par les deux chefs d'état-major, ces objectifs concernant une dizaine de domaines de coopération. S'agissant des armées de terre, les relations sont également tournées vers l'opérationnel, la coopération étant suivie par un comité de pilotage, structuré en quatre groupes de travail permanents.

Outre la refonte du cadre de coopération dans le cadre de la nouvelle lettre d'intention, deux objectifs ont été arrêtés, en matière opérationnelle, lors du sommet de Londres.

La France et le Royaume-Uni ont tout d'abord décidé la mise en place d'une force expéditionnaire commune interarmées ( Combined Joint Expeditionary Force - CJEF ) adaptée à une série de scénarios, y compris des opérations de haute intensité. Cette force, non permanente, comprenant une composante terrestre de niveau brigade, une composante maritime et une composante aérienne, pourra être déployée avec un préavis pour les opérations bilatérales, les opérations de l'OTAN, de l'Union européenne, des Nations unies ou pour d'autres opérations. Son emploi n'aura aucun caractère contraignant pour les deux Etats qui conserveront en permanence le contrôle de leurs propres forces.

Lors de leur rencontre du 2 février 2011, les chefs d'état-major des armées des deux pays ont défini le calendrier de montée en puissance de cette force expéditionnaire qui constitue l'épine dorsale de la coopération franco-britannique dans le domaine des opérations et de l'interopérabilité.

Les réflexions sur cette force s'appuieront initialement sur trois exercices conjoints prévus entre mars et novembre 2011. L'exercice programmé en mars 2011 pour le volet air ( Southern Mistral ) a été mis en veille du fait des opérations aériennes en Libye. Les exercices suivants sont programmés en juin 2011 pour le volet terre (exercice Flandres) et en novembre 2011 pour le volet mer (exercice PEAN).

La production puis la fusion interarmées des enseignements de haut niveau tirés de ces exercices alimenteront en parallèle la réalisation d'un projet de concept d'emploi de la force expéditionnaire commune d'ici la fin de l'automne 2011.

Par ailleurs, une coopération conduisant à l' intégration de personnel britannique au sein du groupe aéronaval français sera développée . Rappelons qu'avec le retrait du service du porte-avions Ark Royal et des avions à décollage court Harrier dès 2011, le Royaume-Uni ne disposera plus d'aviation embarquée jusqu'aux environs de 2020 , échéance désormais annoncée pour l'entrée en service du nouveau porte-avions Queen Elisabeth .

Par ailleurs, le Royaume-Uni a décidé de doter son futur porte-avions de catapultes et de brins d'arrêt, renonçant à une version à décollage court et atterrissage vertical du Joint Strike Fighter . La recherche de l'interopérabilité avec les porte-avions américains et français a été évoquée à l'appui de cette décision. Dans cette perspective, le Royaume-Uni et la France ont prévu de se doter, d'ici au début des années 2020, de la capacité à déployer une force aéronavale de projection intégrée commune composée d'éléments des deux pays.

2. La coopération dans le domaine capacitaire

Le Royaume-Uni se trouve d'ores et déjà engagé avec la France dans un certain nombre de programmes réalisés dans le cadre de coopérations européennes impliquant d'autres partenaires. C'est principalement le cas du programme d'avion de transport A400M et de plusieurs programmes de missiles (missile de croisière Scalp/Storm Shadow, système PAAMS de défense aérienne embarqué sur navire, missile air-air Meteor). Dans le domaine des systèmes d'armes terrestres, le Royaume-Uni a également coopéré avec la France sur le radar de contrebatterie Cobra et il doit participer au programme de lance-roquettes unitaire (LRU).

La déclaration adoptée lors du sommet de Londres témoigne de la volonté des deux pays de relancer cette coopération capacitaire.

En matière de transport aérien , un contrat unique sera signé par la France et le Royaume-Uni à la fin de l'année 2011 pour le soutien des futures flottes d'avions de transport A400M . Un groupe bilatéral d'utilisateurs sera en outre créé pour coopérer en matière de développement des systèmes de formation A400M, de techniques et de procédures opérationnelles, ainsi que pour les formations sur simulateur et en vol.

Dans le domaine maritime, le Royaume-Uni et la France ont également prévu de développer ensemble, d'une part des équipements et des technologies pour la prochaine génération de sous-marins , d'autre part des moyens dans le domaine de la guerre des mines .

En matière spatiale, le potentiel de collaboration sur les futures télécommunications militaires par satellite sera évalué et une étude de concept commune en 2011 pour les prochains satellites qui entreront en service entre 2018 et 2022.

S'agissant des drones d'observation MALE (moyenne altitude et longue endurance), les deux pays ont convenu de lancer en 2011 une phase d'évaluation concurrentielle financée conjointement, dans la perspective de développer de nouveaux équipements entre 2015 et 2020. L'objectif est de partager les coûts de développement, de soutien et de formation, et de faire en sorte que nos forces soient interopérables. Il s'agira de développer un drone très performant, répondant l'évolution des besoins et capable d'offrir des potentialités à l'exportation.

Le traité de coopération en matière de défense et de sécurité du 2 novembre 2010

Le traité de coopération en matière de défense et de sécurité est l'un des deux instruments bilatéraux signés à Londres le 2 novembre 2010.

Il fixe un cadre général de coopération en matière de défense et de sécurité.

Les objectifs et les domaines d'application de cette coopération sont énumérés en termes généraux par les articles 1 er et 2 du traité. L'article 3 renvoie à des accords et arrangements complémentaires la mise en oeuvre des aspects spécifiques de la coopération bilatérale.

L'article 4 instaure un groupe de haut niveau chargé de diriger la coopération bilatérale et de préparer les éléments liés à la défense et à la sécurité en vue du sommet franco-britannique annuel.

L'article 5 fixe les principes régissant d'éventuels déploiements de forces conjoints.

Par les articles 6, 7, 8 et 9, les deux parties prennent un certain nombre d'engagements mutuels : s'accorder une garantie d'accès aux installations, équipements ou services de soutien mis en place dans le cadre de la coopération bilatérale ; se consulter en vue d'harmoniser, dans toute la mesure du possible, leurs besoins et leurs calendriers d'équipement ; faciliter les transferts d'équipements et de services et ne pas entraver l'accès à leurs marchés de défense ; rapprocher et rationaliser leur industrie de défense.

L'article 10 pose le principe du partage équitable des coûts et bénéfices résultant de la coopération. L'article 11 prévoit la conclusion d'arrangements pour faciliter l'échange d'informations classifiées. L'article 12 traite des demandes d'indemnisation et de la responsabilité. L'article 13 précise que le traité n'affecte pas les droits ou obligations de chacune des parties en vertu d'autres accords de sécurité et de défense.

L'article 14 précise que le traité est conclu pour une durée indéterminée. Les articles 15, 16 et 17 portent sur le règlement des différends, les amendements au traité et ses modalités d'entrée en vigueur.

De par son contenu et le caractère général de ses stipulations, ce traité n'entre pas dans le champ de ceux dont la ratification doit intervenir en application d'une loi, en vertu de l'article 53 2 ( * ) de la Constitution. En particulier, il ne saurait être considéré comme engageant les finances de l'Etat ou modifiant des dispositions de nature législative.

Dès lors, et à la différence du traité relatif à l'installation commune Epure qui engage les finances de l'Etat, ce traité de coopération pourra être ratifié sans recours à la procédure d'autorisation parlementaire.

Les deux pays ont également convenu d'évaluer les besoins et les options pour la prochaine génération de drones de combat à partir de 2030 et d'élaborer d'ici 2012 une feuille de route technologique et industrielle commune. Ces travaux pourraient aboutir à la décision de lancer en 2012 un programme commun technologique et opérationnel de démonstrateur de 2013 à 2018, en prévision des systèmes successeurs des avions de combat de type Rafale/Typhoon à l'horizon 2030. Il s'agit ici de préserver l'aptitude des industriels européens à être présents sur la prochaine génération d'avions de combat.

3. La coopération dans les domaines technologique et industriel

Dans le domaine de la recherche et technologie , la France et le Royaume-Uni ont identifié plusieurs champs prioritaires de collaboration pour les deux prochaines années. Les travaux communs se concentreront sur dix principaux domaines incluant notamment des recherches essentielles pour les communications par satellite, les drones, les systèmes navals et les missiles. Ils porteront également sur des secteurs industriels nouveaux, tels que les capteurs ou les technologies de guerre électronique et sur des domaines innovants comme la simulation.

En matière de coopération industrielle de défense , il est prévu de constituer, au cours de la prochaine décennie, un secteur franco-britannique des armes complexes , centré sur les filiales MBDA France et MBDA United Kingdom regroupées à terme au sein d'une même entité : One MBDA . Ce rapprochement, assorti d'un objectif d'économies pouvant aller jusqu'à 30 %, vise à préserver la compétitivité de cette filière missiles dans un contexte extrêmement concurrentiel. Dans cette perspective, il est envisagé de lancer conjointement, dès 2011, une série de projets d'armement, au nombre desquels figurent le développement et la fabrication d'un nouveau missile antinavire léger tiré d'hélicoptère (FASGW/ANL), la définition du programme d'amélioration des missiles Scalp/Storm Shadow, ainsi que l'élaboration d'une feuille de route technologique pour la défense aérienne. Cette consolidation industrielle dans le secteur des missiles doit permettre de supprimer des duplications en contrepartie de l'acceptation par chaque pays d'une dépendance mutuelle.

4. Le cadre de mise en oeuvre de la coopération bilatérale

? La mise en place d'une structure de pilotage de la coopération bilatérale

Le traité de coopération en matière de défense et de sécurité du 2 novembre 2010 institue un Groupe de haut niveau chargé, en vertu de l'article 4 du traité, de diriger et de coordonner la coopération et la préparation des éléments liés à la défense et à la sécurité du sommet franco-britannique annuel.

Plus précisément, le Groupe de haut niveau définit les objectifs, priorités et avantages à long terme de la coopération. Il exerce un contrôle sur l'ensemble de la coopération. Il identifie de nouveaux secteurs de coopération à proposer au sommet annuel. Il règle les litiges et les différends pouvant survenir dans le cadre de la mise en oeuvre de la coopération et il recommande tout amendement éventuel au traité.

Les chefs des délégations nationales au Groupe de haut niveau sont nommés par le Président de la République française et le Premier ministre britannique. Il s'agit, pour la partie française, du conseiller diplomatique et du chef d'état-major particulier du Président de la République et pour la partie britannique, du conseiller à la sécurité nationale du Premier ministre.

A l'échelon immédiatement inférieur, la coopération est mise en oeuvre sous la supervision de deux structures :

- le groupe de travail de haut niveau ( High Level Working Group - HLWG ), institué lors du sommet bilatéral de juin 2006, et co-dirigé par le délégué général pour l'armement français et le secrétaire d'Etat britannique de l'équipement, du soutien et de la technologie de défense ; ce groupe, qui associe l'industrie à ses travaux, constitue l'organe central du développement de la coopération en matière d'armement ;

- le nouveau cadre d'échange entre les deux armées institué par la lettre d'intention (LOI) signée à Londres le 2 novembre 2010, co-dirigé par les deux chefs d'état-major des armées ; cet organe est notamment en charge des questions liées aux opérations, à l'interopérabilité, aux concepts et aux doctrines.

Les questions capacitaires donnent lieu à des travaux communs à ces deux structures.

? L'instauration d'un suivi parlementaire

Dans le rapport d'information précité sur la coopération bilatérale de défense, le président Josselin de Rohan et notre collègue Daniel Reiner avaient proposé la création d'un groupe de travail parlementaire constitué de représentants des commissions de défense des deux parlements et chargé de suivre les différents aspects de la coopération bilatérale de défense.

Cette démarche a été formellement engagée par le président Josselin de Rohan et M. Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale. Elle a reçu un écho favorable de leurs homologues britanniques.

La première réunion de ce groupe s'est tenue au Sénat, le mercredi 8 décembre 2010 en présence de :

- pour la Chambre des Communes : M. James Arbuthnot, président de la commission de défense et M. Dai Havard, vice-président ;

- pour la Chambre des Lords : Lord Teverson, président de la sous-commission des affaires étrangères, de la défense et du développement de la commission des affaires européennes, et Lord Sewel ;

- pour l'Assemblée nationale : M. Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale, Mme Patricia Adam et M. Marc Joulaud ;

- pour le Sénat : M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et MM. Xavier Pintat et Daniel Reiner.

L'objectif de ce groupe de travail est de suivre la coopération bilatérale de défense entre les deux pays, que ce soit pour étudier la mise en oeuvre des traités bilatéraux signés lors du sommet franco-britannique du 2 novembre ou pour échanger sur l'ensemble des questions de politique de défense et de sécurité qui intéressent les deux pays.

Lors de cette première réunion, le groupe de travail parlementaire a entendu M. Laurent Collet-Billon, Délégué général pour l'armement. Il a également rencontré l'Amiral Edouard Guillaud, chef d'Etat major des armées, et abordé les questions opérationnelles au Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) du ministère de la défense.

Le groupe de travail parlementaire se réunira deux fois par an, alternativement en France et au Royaume Uni.

Pour l'année 2011, il a retenu deux thèmes de travail : la transition en Afghanistan et la coopération en matière de drones.

La prochaine réunion du groupe de travail aura lieu à Londres à la fin du premier semestre 2011.

II. LE LANCEMENT D'UNE COOPÉRATION FRANCO-BRITANNIQUE DANS LE DOMAINE NUCLÉAIRE MILITAIRE

Le lancement d'une coopération dans le domaine nucléaire militaire constitue l'une des décisions majeures prises lors du sommet de Londres le 2 novembre dernier.

Cette coopération prendra une forme très concrète et génèrera des économies substantielles pour chaque pays. La France et le Royaume-Uni ont renoncé à réaliser séparément deux installations d'expérimentation similaires. Dans le cadre des opérations destinées à garantir la fiabilité et la sûreté de leurs armes nucléaires, ils utiliseront une installation commune, dont les coûts de construction et d'exploitation seront partagés.

Cette coopération revêt également une dimension politique très importante. Touchant à la dissuasion nucléaire, domaine de souveraineté par excellence, elle témoigne du très haut degré de confiance entre les deux pays. Elle marque également leur volonté commune de garantir la crédibilité de leurs forces nucléaires qui jouent un rôle essentiel dans leur stratégie de défense tout en contribuant à la sécurité de l'Europe dans son ensemble.

A. LES FORCES NUCLÉAIRES FRANÇAISES ET BRITANNIQUES, GARANTES DU MAINTIEN D'UNE CAPACITÉ DE DISSUASION EN EUROPE

Depuis la fin de la guerre froide, la France et le Royaume-Uni ont entrepris des réductions successives du volume de leurs forces nucléaires, tout en réaffirmant la place de la dissuasion nucléaire dans leur politique de défense.

1. Une grande proximité de doctrine et de posture

La France et le Royaume-Uni sont deux Etats dotés de l'arme nucléaire au sens du traité de non-prolifération, auquel ils sont tous deux parties.

Ils ont constitué leurs forces nucléaires selon un cheminement différent. Le Royaume-Uni a entrepris une coopération étroite avec les Etats-Unis 3 ( * ) , consacrée par les accords de Nassau du 21 novembre 1962, et a toujours participé à la planification nucléaire de l'OTAN. La France a réalisé sa force de frappe de manière indépendante et l'a constamment maintenue hors des structures nucléaires de l'OTAN.

Ces différences notables, tout comme celles qui peuvent concerner certains aspects de la « politique déclaratoire », n'excluent pas une grande proximité de posture et de doctrine.

La France et le Royaume-Uni sont deux puissances nucléaires « moyennes » qui n'ont pas alimenté la course aux armements et considèrent la dissuasion comme une garantie ultime pour leurs intérêts vitaux .

Le principe de « stricte suffisance » qui sous-tend le dimensionnement des forces nucléaires françaises et a justifié leur diminution depuis la fin de la guerre froide, est extrêmement proche de celui de « dissuasion minimale » , réaffirmé par le Royaume-Uni dans la Strategic Defence and Security Review d'octobre 2010.

Dans ce document, les autorités britanniques précisent que cette dissuasion nucléaire minimale efficace constitue un moyen ultime pour dissuader les menaces les plus extrêmes. Elles rappellent que le Royaume-Uni a toujours considéré l'usage de ses armes nucléaires dans des circonstances extrêmes de légitime défense, y compris de défense de ses alliés de l'OTAN, et qu'il entend maintenir l'ambiguïté sur les circonstances, les modalités et l'étendue de l'usage qu'il pourrait faire de ses armes.

Selon la Strategic Defence and Security Review , le Royaume-Uni ne peut écarter la possibilité de voir ressurgir une menace nucléaire majeure et directe à son encontre. Il constate le maintien d'arsenaux nucléaires conséquents dans le monde et le risque d'une poursuite de la prolifération nucléaire, le nombre d'Etats possesseurs de l'arme nucléaire étant susceptible d'augmenter. De même, il souligne le risque que certains Etats soutiennent le terrorisme nucléaire. Le Royaume-Uni considère qu'il faut empêcher de tels Etats de menacer sa sécurité nationale ou de vouloir le dissuader ou dissuader la communauté internationale d'intervenir au profit de la sécurité régionale ou globale.

Ces analyses rejoignent largement celles de la France. Lors de son discours du 21 mars 2008 à Cherbourg, le Président de la République rappelait que notre dissuasion nucléaire était strictement défensive. Il ajoutait : « l'emploi de l'arme nucléaire ne serait à l'évidence concevable que dans des circonstances extrêmes de légitime défense, droit consacré par la Charte des Nations Unies. Notre dissuasion nucléaire nous protège de toute agression d'origine étatique contre nos intérêts vitaux - d'où qu'elle vienne et quelle qu'en soit la forme. Ceux-ci comprennent bien sûr les éléments constitutifs de notre identité et de notre existence en tant qu'État-nation, ainsi que le libre exercice de notre souveraineté. Ma responsabilité, en tant que Chef de l'État, est d'en apprécier à tout moment la limite, car dans un monde qui change, celle-ci ne saurait être figée ».

Ces convergences ont été mises en exergue lors du dernier sommet franco-britannique à Londres.

Dans le préambule du traité du 2 novembre 2010 , la France et le Royaume-Uni soulignent « l'importance de la dissuasion nucléaire, qui est un élément-clé de leurs stratégies de défense nationales et alliées », et ils réaffirment « qu'ils n'envisagent pas de situation dans laquelle les intérêts vitaux de l'une des parties pourraient être menacés sans que ceux de l'autre le soient aussi ».

Les deux pays se disent déterminés à maintenir « une capacité nucléaire minimale crédible, cohérente avec le contexte stratégique et de sécurité de leurs engagements en vertu de l'article 5 du Traité de l'Atlantique Nord ».

Cette crédibilité est essentielle au regard de la défense de chacun des deux pays, mais elle joue un rôle plus large, à l'échelle européenne.

Comme ils le rappellent dans le préambule du traité du 2 novembre 2010, la France et le Royaume-Uni considèrent que leurs forces nucléaires « contribuent à la sécurité de l'Europe dans son ensemble ».

Confirmant la position exprimée par l'Alliance atlantique depuis la déclaration d'Ottawa en 1974, le nouveau concept stratégique de l'OTAN, adopté à Lisbonne quelques jours plus tard, le 20 novembre 2010, reconnaît que « les forces nucléaires stratégiques indépendantes du Royaume-Uni et de la France, qui ont un rôle de dissuasion propre, contribuent à la dissuasion globale et à la sécurité des Alliés ».

C'est en effet sur les forces nucléaires françaises et britanniques que repose le maintien d'une capacité de dissuasion nucléaire en Europe, indépendamment de la garantie américaine.

2. L'évolution des forces nucléaires françaises et britanniques

Les forces nucléaires françaises et britanniques ont suivi une évolution parallèle depuis la fin de la guerre froide, avec une diminution de l'ordre de la moitié du nombre d'armes nucléaires.

? Les forces nucléaires françaises

Votre rapporteur rappelle que les forces nucléaires françaises comportent aujourd'hui :

- une composante océanique constituée de quatre sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) de type Triomphant , équipés de 16 missiles balistiques pouvant emporter jusqu'à six têtes nucléaires ; la présence à la mer d'au moins un SNLE garantit la crédibilité de la dissuasion ; le 4 ème SNLE, entré en service en 2010, est équipé du nouveau missile M51, de portée accrue, qui sera lui-même doté à compter de 2015 d'une nouvelle tête nucléaire, la tête nucléaire océanique (TNO) ; à terme, la France disposera de trois lots de 16 missiles M51 ;

- une composante aéroportée constituée de deux escadrons de l'armée de l'air et de la flottille embarquée sur le porte-avions ; cette composante, qui reposera d'ici la fin de la décennie sur un parc homogène d'avions de combat Rafale , est progressivement équipée du nouveau missile de croisière ASMP/A.

La France a décidé de supprimer sa composante sol-sol en 1996, avec le retrait des missiles du plateau d'Albion et des missiles mobiles Hadès. Les deux autres composantes ont vu leur format réduit, et en dernier lieu la composante aéroportée, avec le passage de trois à deux escadrons dans les forces aériennes stratégiques.

Dans son discours de Cherbourg du 21 mars 2008, la Président de la République a pour la première fois donné une indication sur le volume de notre arsenal qui comportera moins de 300 têtes nucléaires . Ce plafond inclut toutes nos armes, qu'elles soient déployées ou non, y compris les stocks de maintenance.

? Les forces nucléaires britanniques

Le Royaume-Uni a pour sa part décidé en 1993 de ne pas renouveler sa composante aéroportée. Ses forces nucléaires se limitent à une composante océanique constituée de quatre SNLE de classe « Vanguard » pouvant emporter 16 missiles balistiques américains Trident II D5 .

Les Britanniques construisent eux-mêmes leurs sous-marins. Ils achètent leurs missiles balistiques Trident aux Etats-Unis, qui en assurent le maintien en condition opérationnelle dans le cadre d'un programme commun pour l'ensemble du stock.

En ce qui concerne les têtes nucléaires, celles-ci sont réalisées par le Royaume-Uni, en liaison étroite avec les laboratoires américains. Selon les informations ouvertes dont peut disposer votre rapporteur, le Royaume-Uni dispose d'une capacité autonome de conception, et probablement de fabrication de la charge nucléaire proprement dite. Il s'appuie fortement sur la coopération avec les Etats-Unis pour les autres parties de l'arme (corps de rentrée, électronique).

A la suite de la Strategic Defence and Security Review de 2010, trois décisions importantes ont été prises :

- les sous-marins actuels de classe Vanguard seront prolongés ; ce n'est qu'en 2016 que sera décidé si la prochaine génération, dont le premier exemplaire entrera en service en 2028, comptera quatre ou trois SNLE ;

- ces futurs sous-marins seront conçus pour n'emporter que 8 missiles, au lieu de 16 sur les Vanguard ; d'ores et déjà, le nombre de missiles Trident opérationnels sur les Vanguard sera ramené à 8 au maximum ;

- le volume total de l'arsenal nucléaire britannique, qui se situait sous un plafond de 225 têtes nucléaires selon les indications données en mai 2010, sera ramené à 180 têtes maximum ; le nombre de têtes nucléaires opérationnelles sera réduit de 160 à 120 et il n'y aura pas plus de 40 têtes nucléaires par SNLE.

B. LE CHAMP DE LA COOPÉRATION : L'EXPÉRIMENTATION POUR LA GARANTIE DES ARMES NUCLÉAIRES

La coopération dans le domaine nucléaire militaire engagée sur la base du traité du 2 novembre 2010 relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes couvre un champ bien délimité : les expérimentations destinées à garantir la fiabilité et la sûreté des armes nucléaires.

Il s'agit en effet d'une nécessité commune aux deux pays qui ont renoncé depuis quinze ans aux essais nucléaires.

1. Une nécessité commune de garantir les armes sans essais nucléaires

La France et le Royaume-Uni ont signé le traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE) , adopté le 24 septembre 1996. Ils ont déposé le même jour, le 6 avril 1998, leur instrument de ratification.

Le TICE interdit tous les essais nucléaires quelle que soit leur puissance et quel que soit le milieu dans lequel ils sont réalisés .

Il ménage la possibilité d'expérimentations non nucléaires liées à la mise au point ou à la maintenance des armes nucléaires : les expériences hydrodynamiques, ou « essais froids », qui impliquent la détonation d'un explosif sans matières fissiles ; les expérimentations « sous critiques » associant la détonation d'un explosif et la présence de matières fissiles, sans que ne se produise pour autant de dégagement d'énergie nucléaire.

Le traité n'interdit pas les activités de simulation qui font appel au calcul numérique et à des instruments de validation expérimentale tels que les faisceaux laser.

L'entrée en vigueur du TICE est subordonnée à sa ratification par 44 Etats expressément désignés et possesseurs de centrales nucléaires ou de réacteurs de recherche. A ce jour, 9 de ces 44 Etats n'ont pas ratifié le traité. Six Etats ont signé le traité, mais ne l'ont pas ratifié, à savoir deux Etats dotés, les Etats-Unis et la Chine, ainsi que l'Egypte, l'Indonésie, l'Iran et Israël. Par ailleurs, le TICE n'a pas été signé par l'Inde, le Pakistan et la Corée du Nord.

La France, le Royaume-Uni et la Russie sont les trois seuls Etats dotés d'armes nucléaires, au sens du TNP, a avoir ratifié le TICE.

La France a décidé, dès 1996, de renoncer définitivement aux essais nucléaires. Elle a démantelé de manière irréversible ses sites d'expérimentation du Pacifique.

Le Royaume-Uni a lui aussi renoncé aux essais, désormais interdits par le Nuclear Explosions (Prohibition and Inspections) Act de 1998.

La France et le Royaume-Uni sont ainsi confrontés à la nécessité commune de garantir la fiabilité et la sûreté de leurs armes nucléaires sans recours aux essais nucléaires, en se fondant sur les méthodes expérimentales autorisées par le TICE .

2. La mise en oeuvre du programme « simulation » en France

La simulation doit fournir les moyens de garantir la fiabilité et la sûreté des armes nucléaires en l'absence d'essais en vraie grandeur. Ce programme mis en oeuvre par la Direction des applications militaires du Commissariat à l'énergie atomique (CEA/DAM) a été engagé dans un double but :

- évaluer les conséquences du vieillissement des charges sur les armes en service lors de l'arrêt des essais ;

- valider les futures têtes nucléaires dotées de charges « robustes » , en vérifiant que leurs caractéristiques sont compatibles avec les modèles définis à la suite de la dernière campagne d'essais réalisée dans le Pacifique en 1995-1996.

La définition de la « tête nucléaire aéroportée » (TNA), en service sur le missile ASMP/A depuis 2009, et celle de la « tête nucléaire océanique » (TNO) qui équipera le missile balistique M51 à l'horizon 2015, reposent sur ce concept de « charge robuste » mis au point par la France. Par conception, ces charges sont moins sensibles aux évolutions de paramètres ou des phénomènes physiques, ce qui permet d'en rendre le fonctionnement plus stable. La charge nucléaire robuste peut être garantie par la simulation.

Le programme « simulation » comporte trois volets :

- la simulation numérique qui permet, au moyen de puissants ordinateurs, de reproduire par le calcul les différentes étapes du fonctionnement d'une arme nucléaire ; la puissance de calcul du CEA/DAM a ainsi été multipliée par 20 000 entre 1996 et 2010, avec la mise en place successive des calculateurs Tera, Tera 10 et Tera 100 ; Tera 10 a été utilisé pour garantir la TNA et Tera 100 permettra de garantir la TNO ;

- la physique théorique , destinée à améliorer les modèles mis en oeuvre par la simulation numérique, en s'appuyant notamment sur la réinterprétation des essais nucléaires passés ;

- la validation expérimentale , grâce à deux instruments, le laser Mégajoule et l' installation de radiographie Airix .

Situé au Barp, en Gironde, le laser mégajoule permettra de reproduire à très petite échelle les phénomènes thermonucléaires. Un prototype, la ligne d'intégration laser (LIL), est en service depuis 2004. Plus de 300 expériences y ont déjà été réalisées, en vue notamment de « défricher » les expériences qui seront conduites sur le laser mégajoule. Le laser mégajoule lui-même doit entrer en service en 2014. Les premiers résultats obtenus avec la LIL ont démontré des performances de puissance autorisant de réduire le nombre de faisceaux à 176 par rapport aux 240 initialement prévus. Il est prévu de débuter les premières expériences de physique sur le laser mégajoule en 2014, avant de réaliser ensuite les premières expériences de fusion thermonucléaire.

L' installation radiographique Airix est pour sa part située sur le camp de Moronvilliers, près de Reims. Elle est destinée à l'étude du fonctionnement non nucléaire des armes. Depuis sa mise en service en 2001, elle a permis de réaliser plus de 50 « expériences froides ». Des développements ont été entrepris en vue d'améliorer les performances de l'installation Airix. C'est dans ce cadre qu'a été envisagée la réalisation d'une nouvelle installation à Valduc (Côte d'Or) . Cette installation baptisée Epure (Expérimentations de physique utilisant la radiographie éclair) sera commune à la France et au Royaume-Uni.

3. La garantie de l'arsenal britannique depuis l'arrêt des essais

Le Royaume-Uni a effectué son dernier essai nucléaire en 1991 sur le Nevada Test Site , aux Etats-Unis.

Comme la France, le Royaume-Uni doit désormais garantir la fiabilité et la sûreté de ses armes sans recours aux essais nucléaires. Toutefois, à la différence de la France, il n'a pas défini, ni surtout testé, une formule de charge robuste, se trouvant dans une situation analogue à celle des Etats-Unis.

Le Livre blanc sur l'avenir de la dissuasion nucléaire britannique publié en décembre 2006 avait fixé à 2011-2012 l'échéance d'une décision sur le renouvellement des têtes nucléaires équipant le missile Trident . La Strategic Defence Review de 2010 reporte cette décision de plusieurs années, estimant que le remplacement des têtes nucléaires actuelles n'était pas nécessaire avant la fin des années 2030 au plus tôt .

Dès lors, le Royaume-Uni doit poursuivre le programme de surveillance et de maintien en condition opérationnelle des armes en services.

La validation des armes nucléaires britanniques est pour l'essentiel réalisée en autonome par l'équivalent de la DAM, l' Atomic Weapons Establishment (AWE).

Comme le CEA/DAM, l'AWE dispose de moyens de calcul et vient d'acquérir deux nouveaux ordinateurs auprès du constructeur français Bull.

Les accords de coopération avec les Etats-Unis permettent au Royaume-Uni d'accéder aux moyens d'expérimentation américains , notamment le laser ( National Ignition Facility - NIF ) du laboratoire Lawrence de Livermore en Californie, qui a été mis en service en 2009. Le Royaume-Uni a apporté une contribution financière à la réalisation du NIF.

En effet, le Royaume-Uni ne dispose pas de laser de la classe du laser mégajoule et n'envisage pas d'en acquérir.

Il possède en revanche une installation de radiographie d'ancienne génération, antérieure à l'installation française Airix. Comme la France, il envisageait de se doter d'une nouvelle installation de radiographie couplée à une plate-forme de détonique (projet Hydrus). Ce projet est désormais abandonné au profit d'une installation commune, Epure, réalisée en France, à Valduc.

C. LES MODALITÉS DE LA COOPÉRATION : LA RÉALISATION D'UNE INSTALLATION ET D'UN CENTRE DE DÉVELOPPEMENT TECHNOLOGIQUE COMMUNS

La coopération franco-britannique prévue par le traité du 2 novembre 2010 découle de besoins similaires sur les expérimentations liées au fonctionnement non nucléaire des armes. Ces expérimentations s'effectueront sur une seule et même installation, réalisée en commun, même si les deux pays continueront à les préparer et à en exploiter les résultats séparément.

1. Des besoins similaires en matière d'installations radiographiques et hydrodynamiques

Comme votre rapporteur l'a précédemment indiqué, la France avait prévu de faire évoluer l'installation Airix pour en améliorer les performances. Le Royaume-Uni souhaitait pour sa part remplacer sa machine radiographique, plus ancienne qu'Airix (projet Hydrus).

Ce type d'installation vise à réaliser des expérimentations liées au fonctionnement non nucléaire de l'arme .

Le fonctionnement d'une arme nucléaire comprend deux phases principales :

- une phase dite « froide », au cours de laquelle la matière fissile est comprimée au moyen d'un explosif conventionnel, sans que ne se produise de dégagement d'énergie nucléaire ;

- une seconde phase au cours de laquelle se produisent les réactions nucléaires proprement dites.

Le laser mégajoule permettra d'accéder au domaine physique associé à cette seconde phase.

La machine radiographique Airix, qui sera remplacée par l'installation Epure, permet de réaliser des mesures liées à la phase « froide » . Les expérimentations s'effectuent sur des maquettes d'armes dans lesquelles un matériau inerte a été substitué à la matière fissile. Elles consistent à radiographier la maquette pour mesurer l'effet de l'explosif conventionnel sur le matériau inerte censé représenter cette matière fissile. Ce type d'expérimentation permet de connaître les conditions dans lesquelles se trouve l'arme au moment où va s'engager la seconde phase de son fonctionnement, à savoir la phase de dégagement de l'énergie nucléaire.

Les contacts entre le CEA/DAM et l'AWE ont permis de constater des besoins similaires et des calendriers très proches. Les experts des deux pays ont étudié la possibilité de réaliser et d'assurer l'exploitation d'une installation commune .

Une telle coopération doit permettre de réaliser d' importantes économies sur les coûts de construction, d'exploitation et, à terme, de démantèlement.

Elle ouvre également aux scientifiques et experts des deux pays la possibilité de partager leur savoir-faire en matière de technologies de mesure et de mise en oeuvre des expériences. Même si chaque pays conservera l'entière responsabilité de ses expériences et la propriété des résultats, le regroupement sur un même site sera propice aux échanges scientifiques et à l'émulation . Il s'agit d'un élément non négligeable dans la perspective du maintien, sur le long terme, de la qualité et de la motivation des scientifiques en charge de la garantie des armes.

Cohérentes au plan technique, les perspectives de coopération nécessitaient toutefois une approbation politique au plus haut niveau. Le Royaume-Uni entretenait jusqu'alors, dans le domaine nucléaire militaire, des relations quasi-exclusives avec les Etats-Unis. Le projet d'installation commune présentait ainsi une évidente dimension politique.

Les discussions franco-britanniques ont trouvé une issue positive consacrée par le traité du 2 novembre 2010. L'installation commune Epure sera réalisée sur le site CEA/DAM de Valduc. Elle s'appuiera sur un centre de développement technologique dénommé TDC ( Technological Development Centre ) et situé à Aldermaston, au Royaume-Uni.

2. L'installation commune de physique expérimentale Epure de Valduc (France)

La machine radiographique Airix de Moronvilliers ne comporte qu'un axe de tir et d'observation radiographique.

L' installation Epure disposera pour sa part de trois axes d'observation .

Plus précisément, elle bénéficiera d'une capacité d'observation « multi-axes / multi-flashes » offrant deux possibilités :

- obtenir trois prises de vues simultanées sous différents angles, afin de mesurer les écarts à la symétrie de révolution des systèmes expérimentés, ces comportements non symétriques ne pouvant être observés qu'en trois dimensions ;

- obtenir des prises de vues décalées dans le temps, pour observer à plusieurs instants un même système en fonctionnement.

Epure sera constituée d' une plate-forme de tir et de trois machines radiographiques :

- la première sera la machine Airix , transplantée de Moronvilliers à Valduc pour une entrée en fonctionnement en 2015 ;

- la deuxième machine ( Inductive Voltage Adder - IVA ), sera fournie par le Royaume-Uni et doit entrer en service au plus tard en 2019 ;

- la troisième machine possèdera des performances supérieures aux deux premières afin d'observer les hétérogénéités principales dans la partie la plus interne de l'arme ; cette machine sera définie et développée conjointement par la France et le Royaume-Uni au centre de développement technologique TDC d'Aldermaston ; elle doit entrer en service en 2022.

Les expériences seront préparées et réalisées dans des cuves mobiles, amenées sur le pas de tir. Cette technique représente un progrès par rapport aux installations actuelles, car elle permettra de confiner les déchets issus des essais et d'en faciliter l'évacuation.

Comme cela a été précisé précédemment, aucun dégagement d'énergie nucléaire ne se produira durant les expériences réalisées sur Epure.

Il faut également noter qu'un second pas de tir est prévu. Il n'utilisera pas ces trois machines radiographiques et permettra de réaliser des expériences de moindre ampleur. Une plate-forme de ce type existe actuellement à Moronvilliers indépendamment de la machine Airix.

L'installation Epure comprendra des locaux séparés sécurisés et dédiés d'une part au programme français, et d'autre part au programme britannique . Chaque partie pourra ainsi agir en toute souveraineté, en réalisant dans ses propres locaux l'assemblage des édifices à expérimenter et le recueil des données issues des expériences.

Cette garantie de souveraineté n'exclut pas la possibilité d'expériences conjointes réalisées dans le cadre de travaux de physique expérimentale partagés.

L'étude d'impact annexée au projet de loi de ratification du traité précise que lorsque l'installation Epure sera en fonctionnement, l'activité technique du site CEA/DAM de Valduc sera augmentée de 50 à 100 personnes . Le personnel français sera permanent. Le personnel britannique sera composé pour partie d'une trentaine de personnels en séjour de longue durée, de l'ordre de 2 ans au moins, et pour partie de personnels en mission durant quelques semaines.

La mise en service d'Epure s'accompagnera de la fermeture du site de Moronvilliers, où travaillent actuellement environ 120 personnes affectées à parts égales aux programmes d'expérimentation et aux fonctions de soutien et de support. Selon les informations recueillies par votre rapporteur auprès de la DAM, les salariés travaillant sur les programmes seront répartis entres les sites de Valduc et de Gramat (Lot). Les personnels de soutien et support seront transférés dans les différents centres du CEA, ces postes étant, à terme, économisés.

L'étude d'impact précise que le partage des coûts d'investissement, d'exploitation et de démantèlement représentera pour la France une économie évaluée à 200 millions d'euros sur la période 2015-2020, et comprise entre 200 et 250 millions d'euros au-delà de 2020, soit une économie totale de 400 à 450 millions d'euros sur l'ensemble de la durée de vie de l'installation.

Cette économie dégage une marge de manoeuvre dans le budget de la défense, dans la mesure où elle n'était pas intégrée dans l'enveloppe financière définie en 2008 par le Livre blanc sur la défense et la sécurité, la réalisation d'une installation commune n'étant pas envisagée à cette époque.

3. Le centre de développement technologique (TDC) d'Aldermaston (Royaume-Uni)

La France et le Royaume-Uni ont également décidé de créer un centre de développement technologique commun ( Technology Development Center - TDC ) sur le site de l' Atomic Weapons Establishment (AWE) d'Aldermaston, dans le Berkshire, à l'ouest de Londres.

Le centre TDC aura pour mission de mener des travaux de développement pour accompagner l'évolution des technologies utilisées dans l'installation Epure pendant toute la durée de sa vie opérationnelle. Y seront réalisées l'étude et la mise au point de nouvelles technologies en matière de machines radiographiques et de diagnostic qui seront ensuite utilisées opérationnellement sur Epure.

La machine IVA, qui viendra rejoindre Airix à Valduc, y sera mise au point dans le cadre d'un programme strictement britannique. C'est également à Aldermaston que seront menés, en coopération franco-britannique, les travaux de recherche et de développement de la troisième machine radiographique attendue à Valduc en 2022.

Une dizaine de salariés du CEA seront affectés à ce centre et appelés à séjourner en longue durée au Royaume-Uni. Ils auront un statut de personnels détachés et continueront à relever du régime français de sécurité sociale.

III. LES STIPULATIONS DU TRAITÉ DU 2 NOVEMBRE 2010 RELATIF À DES INSTALLATIONS RADIOGRAPHIQUES ET HYDRODYNAMIQUES COMMUNES

Le traité relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes a été principalement préparé par des discussions entre le Directeur des applications militaires du CEA et le Chief Scientific Advisor du ministère britannique de la défense. Les négociations proprement dites ont commencé lors de l'entrée en fonction de l'actuel gouvernement britannique, au printemps 2010.

La conclusion du traité supposait le règlement préalable des différentes questions techniques ou l'assurance qu'elles pourraient être résolues en temps utile par les organismes communs de conduite de projet. Hormis ces questions techniques, les discussions ont principalement porté sur les aspects financiers, le respect de la souveraineté de chaque Etat, la sûreté nucléaire et la gouvernance de la coopération.

Le traité est précédé d'un préambule dont votre rapporteur a déjà cité plusieurs extraits et qui indique notamment la volonté commune de la France et du Royaume-Uni de maintenir la crédibilité de leur dissuasion nucléaire.

L'article 1 er détermine les orientations générales de la coopération . Celle-ci s'effectuera notamment par l'échange d'informations classifiées pertinentes dans les trois domaines suivants :

- la sûreté et la sécurité des armes nucléaires ;

- la simulation pour la garantie des armes ;

- la lutte contre le terrorisme nucléaire et radiologique .

Toutefois, l'essentiel du traité porte bien sur la simulation.

L'article 1 er consacre la décision des deux parties de construire et d'exploiter conjointement des installations radiographiques et hydrodynamiques dédiées, à savoir l'installation Epure et le centre de développement technologique TDC.

L'article 1 er indique également que « d'autres programmes d'intérêt mutuel seront envisagés en temps utile et feront l'objet d'accords distincts en tant que de besoin ».

L'article 9 stipule que les dispositions du traité n'affectent pas les droits ou obligations de chaque partie en vertu d'autres accords nucléaires auxquels elles sont parties.

L'article 3 désigne les points de contact en charge de la responsabilité du programme conjoint , à savoir le Directeur des applications militaires du CEA pour la partie française et le Chief Scientific Advisor du ministère de la défense pour la partie britannique. Ils se rencontrent périodiquement, au moins une fois par an, pour passer en revue la mise en oeuvre et l'efficacité du programme, approuver les orientations futures et les autres questions relatives au programme. Ils rendent compte de l'avancement du programme au groupe de haut niveau institué par le traité de coopération en matière de défense et de sécurité signé à Londres le même jour.

Des arrangements détaillés techniques, financiers, administratifs et de sécurité se rapportant à la conception, à la construction, à l'exploitation, à la maintenance, au retrait du service et au démantèlement des installations communes doivent être finalisés par les responsables du programme au plus tard le 31 mars 2011. Ces arrangements préciseront les différents volets du traité, notamment les données et informations classifiées.

Votre rapporteur rappelle que ce traité entre clairement dans le champ des instruments internationaux ne pouvant être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi, en application de l'article 53 de la Constitution, puisqu'il engage notamment les finances de l'Etat.

A. LES CARACTÉRISTIQUES DES INSTALLATIONS « EPURE » ET « TDC »

Les articles 2 et 4 définissent l'objet et les caractéristiques des installations Epure et TDC. Une équipe de projet mixte, supervisée par un comité de pilotage présidé par les deux responsables du programme, sera en charge de leur conception, de leur construction et de leur mise en service.

1. L'installation Epure

L'article 2 indique que l'installation Epure sera construite en France sur le site CEA/DAM de Valduc. Elle doit permettre à chacune des deux parties de réaliser de façon indépendante les essais hydrodynamiques nécessaires à ses programmes nationaux dans des conditions de sûreté et de sécurité requises.

L'article 4 précise les caractéristiques et fixe les échéances calendaires de l'installation Epure.

Le premier pas de tir accueillera les trois machines radiographiques, la deuxième machine étant attendue d'ici 2019 et la troisième d'ici 2022.

Le hall d'assemblage pour les opérations françaises sera mis en service en 2014 et celui dédié au programme britannique en 2016.

Enfin, un second pas de tir 4 ( * ) et une installation de traitement des déchets sont prévus d'ici 2022.

2. Le centre TDC

L'article 2 indique que l'installation TDC sera construite au Royaume-Uni sur le site AWE d'Aldermaston. Celle-ci doit permettre aux deux parties d'engager des travaux de développement des technologies relatives aux équipements radiographiques utilisées dans l'installation Epure pendant sa durée de vie opérationnelle.

L'article 4 précise que l'installation TDC se compose d'un hall d'assemblage et de développement de la machine radiographique avec une cellule annexe de radiographie par rayons X, ainsi que de laboratoires pour faciliter l'étude d'équipements de diagnostic laser, électrique et optique. Il précise également que les expériences entreprises dans l'installation TDC n'utilisent pas de matières fissiles.

En application de l'article 4, l'installation TDC doit être conçue, construite et mise en service d'ici 2014 .

B. LES CONDITIONS DE FINANCEMENT ET D'EXPLOITATION DES INSTALLATIONS

1. Le partage des coûts

Les stipulations relatives au partage des coûts figurent à l'article 6 du traité.

La réalisation du premier pas de tir et le transfert de la première machine (Airix), ainsi que les locaux dédiés au programme français, seront à la charge exclusive de la France. Ces opérations, désignées par le traité comme étant la phase 1 de la construction d'Epure, doivent normalement être achevées d'ici 2015.

La réalisation du centre TDC est à la charge exclusive du Royaume-Uni. Elle doit être achevée en 2014.

A compter du 1 er janvier 2015, les parties partagent à parts égales tous les coûts résultant de leur participation au programme commun , y compris les coûts administratifs et indirects associés, et à l'exception des travaux entrepris dans le cadre de programmes nationaux. Doivent ainsi être financés à parts égales la deuxième et la troisième machine radiographique, le second pas de tir et les locaux de conditionnement des déchets.

Ces coûts partagés en commun couvrent tant la conception, la construction, l'exploitation, l'arrêt définitif que le démantèlement des installations. Il faut préciser que l'article 20 de la loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs impose aux exploitants nucléaires d'évaluer les charges de démantèlement de leurs installations et de constituer des provisions à cet effet. C'est pourquoi les coûts de démantèlement ont été expressément mentionnés dans le traité.

L'article 14 précise que conformément aux législations européennes et nationales, les entreprises françaises, britanniques et européennes bénéficient des mêmes possibilités de soumissionner à tous les contrats liés à l'installation TDC ou à la phase 2 de l'installation Epure, c'est-à-dire la phase réalisée en commun.

2. Les garanties et modalités d'accès aux installations

Le traité précise, dans son article 2, que l'utilisation conjointe des installations n'implique pas que tous les travaux menés par les parties seront partagés. Les deux installations seront conçues pour garantir la sécurité des informations et des opérations nationales propres à chaque partie .

L'article 5 garantit l' accès sans entrave du Royaume-Uni à l'installation Epure et celui de la France à l'installation TDC pour une durée de 50 ans.

Il prévoit que l' installation Epure comprend des zones dédiées à une utilisation exclusivement nationale et des zones communes. La zone britannique est accessible uniquement au personnel britannique, cet accès étant soumis à l'accord préalable de l'autorité de sécurité du Royaume-Uni. De la même manière, la zone française est accessible uniquement au personnel français, cet accès étant soumis à l'accord préalable de l'autorité de sécurité française.

L'article 5 précise également que le Royaume-Uni réalise ses essais dans l'installation Epure sans surveillance de la part de la France, à condition que ces essais soit certifiés par l'autorité de sûreté nucléaire britannique et n'excède pas la capacité de l'installation. Il donne à la France la même garantie, dans les mêmes conditions.

L'installation TDC ne comporte pour sa part que des zones communes, mais l'article 5 prévoit qu'à titre exceptionnel, elle pourra être configurée pour des travaux exclusivement nationaux, sous réserve de l'accord des deux responsables du programme.

L'article 7 prévoit des arrangements mutuels destinés à couvrir les conditions d'emploi applicables aux personnels britanniques détachés à l'installation Epure et aux personnels français détachés à l'installation TDC. Ces arrangements auront pour principe que le personnel reste soumis au droit du travail de sa nationalité .

C. LES AUTRES STIPULATIONS

1. Les questions liées à la sûreté, aux déchets et à la responsabilité

L'article 8 précise que le délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités intéressant la défense (DSND) , qui est placé auprès des ministres français de la défense et de l'industrie, constituera l' autorité de sûreté de l'installation Epure . Le CEA sera juridiquement responsable de cette installation et de son exploitation devant l'autorité de sûreté.

Les règlements de sûreté britanniques s'appliqueront à l'installation TDC.

Des arrangements de sûreté seront conclus entre le CEA/DAM et le ministère de la défense britannique afin d'assurer que les normes de sûreté françaises seront appliquées pour les opérations menées par le Royaume-Uni dans l'installation Epure, et réciproquement, que les normes de sûreté britanniques seront appliquées pour les opérations menées par la France dans l'installation TDC. Des inspections mixtes de sûreté seront menées par les autorités de sûreté française et britannique.

Chaque partie sera préalablement informée de toute modification de la règlementation nationale de sûreté applicable sur le territoire de l'autre partie.

L'article 10 fixe le statut des déchets provenant des essais et expériences. Sauf accord contraire, les déchets demeurent la propriété de l'Etat qui a réalisé ces essais et expériences. L'étude d'impact jointe au projet de loi précise que le retour au Royaume-Uni des substances radioactives utilisées par les Britanniques lors de leurs propres expériences est prévu. Une disposition réciproque s'appliquera aux déchets issus des expériences françaises réalisées au Royaume-Uni. Il faut rappeler que l'article L 542-2 du code de l'environnement interdit le stockage en France de déchets radioactifs en provenance de l'étranger ainsi que celui des déchets radioactifs issus du traitement de combustibles usés et de déchets radioactifs provenant de l'étranger.

L'article 11 fixe le régime des transports aériens nécessaires à chaque partie pour acheminer les composants des systèmes à expérimenter ou tout colis sur les installations situées sur le territoire de l'autre partie. En ce qui concerne l'acheminement lui-même, il sera régi par les règlements d'aviation militaire du pays qui opère l'aéronef et l'expédition. La responsabilité civile pour les dommages causés en lien avec ces transports relève du pays qui assure la garde des composants et colis, sous réserve de négligences des services de contrôle aérien de l'autre pays ou de violation par ces derniers de leurs obligations légales. La sûreté du transport aérien est partagée, au cours du trajet, en fonction du territoire survolé.

L'article 13 établit le régime de responsabilité en cas de dommage causé à des biens, ou de blessure ou de décès . Le principe retenu est celui de la responsabilité de la partie qui a dirigé l'opération avec son propre personnel. Toutefois, dans le cas d'opérations communes, la responsabilité des deux Etats est conjointe. Un régime spécifique s'applique aux dommages nucléaires qui surviendraient dans l'installation Epure. La responsabilité incomberait alors au CEA en qualité d'exploitant, conformément à la législation française et à la Convention de Paris sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire. Toutefois, le CEA disposerait d'un droit de recours à l'encontre du Royaume-Uni si l'incident ou le dommage était imputable à une négligence de la part du personnel britannique, ou à une violation par ce dernier des obligations légales, des règlements ou des procédures.

2. Les échanges d'informations classifiées

L'article 12 du traité prévoit des arrangements particuliers relatifs à l'échange d'informations, notamment d'informations classifiées. En vertu de ces arrangements, les informations fournies par l'une des parties à l'autre partie ne peuvent être utilisées qu'aux fins pour lesquelles elles ont été fournies. Les informations pour lesquelles existent des droits de propriété intellectuelle ne peuvent être communiquées sans l'autorisation écrite du propriétaire de ces droits.

3. La durée du traité et les conditions de retrait éventuel

Les dispositions finales régissent notamment l'usage des langues et le règlement des différends.

L'anglais et le français sont désignés comme langues communes, avec la même valeur, tous les documents agréés devant être rédigés en français et en anglais (article 15).

Le règlement des différends intervient par voie de consultations, ou à défaut, par un « mécanisme adéquat » que les parties définiront (article 16).

L'article 17 précise que le traité couvre tout le cycle de vie des installations, jusqu'à leur démantèlement, ce cycle de vie total étant fixé à 50 ans, ou au-delà, à une date convenue d'un commun accord entre les parties.

L'article 18 prévoit qu'à la suite de la réception des approbations définitives de l'investissement national autorisant le lancement de la phase 2 de l'installation Epure, c'est-à-dire la phase financée à parts égales par les deux parties, chaque partie ne peut se retirer que moyennant un préavis de 10 ans . Ce préavis est ramené à 1 an si les obligations découlant du traité entrent en conflit avec un futur traité conclu par l'une des parties.

En cas de retrait britannique d'Epure , la France conservera la pleine propriété de l'installation et le Royaume-Uni restera redevable de la prise en charge des coûts de démantèlement pro rata temporis . Une règle analogue s'applique en cas de retrait français de l'installation TDC .

En cas de retrait français d'Epure dans les 25 ans suivant l'entrée en vigueur du traité, le Royaume-Uni pourra récupérer la totalité de l'investissement qu'il réalisé dans l'installation. La même règle s'applique en cas de retrait britannique de l'installation TDC .

L'article 19 prévoit que le traité peut être amendé à tout moment par les parties.

En vertu de l'article 20, le traité entrera en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant le dépôt du dernier des deux instruments de ratification. Le Royaume-Uni ayant achevé son processus de ratification au début de l'année 2011, l'entrée en vigueur du traité est subordonnée à l'achèvement de la procédure de ratification par la partie française.

CONCLUSION

Le sommet de Londres du 2 novembre 2010 assigne une feuille de route ambitieuse à la coopération franco-britannique dans le domaine de la défense et de la sécurité. En se coordonnant plus étroitement, les deux Etats entendent préserver des capacités militaires essentielles ainsi qu'une base industrielle et technologique de premier plan, malgré un contexte budgétaire difficile.

Il ne faut pas méconnaître les obstacles auxquels pourrait se heurter la mise en oeuvre pratique de cette feuille de route, notamment les contraintes liées aux arbitrages financiers propres à chaque pays ou les inévitables différences d'appréciation portant sur les besoins opérationnels ou les priorités industrielles.

Toutefois, les décisions annoncées à Londres concilient l'ambition et le pragmatisme. Les objectifs de coopération qui ont été identifiés portent sur un nombre limité de domaines présentant un intérêt majeur pour l'un et l'autre pays.

La coopération franco-britannique n'est pas exclusive de la participation d'autres partenaires européens aux projets décidés en commun, ni d'autres formats de coopération. Il est néanmoins évident que dans la mesure où elle associe les deux plus importantes puissances militaires européennes, elle bénéficie au potentiel européen de défense et de sécurité dans son ensemble.

Cette relance de la coopération supposait une impulsion politique forte. Celle-ci devra être maintenue dans la durée, notamment grâce aux structures de pilotage au plus haut niveau qui ont été mises en place. C'est également pour soutenir cette dynamique de coopération que notre commission était particulièrement désireuse d'un suivi parlementaire franco-britannique qui s'est concrétisé quelques jours après le sommet de Londres.

Dans le domaine nucléaire, les perspectives de coopération ouvertes par le traité du 2 novembre 2010 relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes paraissent particulièrement solides.

Il faut souligner la qualité du travail préparatoire réalisé par la Direction des applications militaires du CEA et son homologue britannique, l' Atomic Weapons Establishment (AWE). La réalisation de l'installation Epure à Valduc, appuyée par le centre de développement technologique commun d'Aldermaston, répond à une claire convergence des besoins et des calendriers. Ce programme permettra des économies très importantes pour chacun des deux pays. Il favorisera également des échanges bénéfiques pour maintenir leurs ingénieurs, chercheurs et techniciens au meilleur niveau scientifique et technique.

Cette coopération en matière nucléaire militaire comporte une dimension politique majeure. Elle s'effectuera dans le plein respect de la souveraineté de chaque Etat, mais elle témoigne de leur très haut degré de confiance, dans un domaine où le Royaume-Uni entretenait historiquement une relation privilégiée avec les Etats-Unis.

Elle marque aussi très clairement la volonté de la France et du Royaume-Uni de garantir la crédibilité de leur dissuasion. Depuis la fin de la guerre froide, les deux pays ont fortement réduit le format de leurs forces nucléaires. Ils continuent de considérer que l'objectif de désarmement nucléaire, auquel ils ont déjà beaucoup contribué, ne peut être dissocié d'une lutte plus efficace contre la prolifération, ni de progrès tangibles dans le sens d'un environnement international plus sûr. C'est pourquoi ils sont attachés au maintien d'une dissuasion nucléaire minimale ou strictement suffisante, adaptée au contexte stratégique.

Aux yeux de votre rapporteur, il est particulièrement nécessaire de conserver une capacité de dissuasion nucléaire en Europe, dans un monde marqué par la subsistance d'arsenaux importants et le risque de prolifération nucléaire, notamment au Moyen-Orient. Le traité de coopération nucléaire entre la France et le Royaume-Uni y contribue utilement.

Votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous demande d'adopter le projet de loi autorisant la ratification du traité entre la France et le Royaume-Uni relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes, signé à Londres le 2 novembre 2010.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie sous la présidence de M. Josselin de Rohan, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du présent projet de loi le 30 mars 2011.

Un débat s'est engagé à la suite de l'exposé du rapporteur.

M. Josselin de Rohan, président - Comme vous, Monsieur le rapporteur, je considère que ce traité marque un tournant tout à fait majeur dans notre coopération avec les Britanniques. La vision commune qui a permis à ce traité d'aboutir a également joué un grand rôle dans le maintien du principe de dissuasion au sein du concept stratégique de l'OTAN, alors que l'Allemagne le contestait. Qui plus est, le projet Epure permettra une économie importante. Ce traité traduit une alliance très forte entre les deux principales puissances militaires européennes. Celle-ci garantit la subsistance de capacités militaires significatives sans lesquelles l'Europe devrait s'en remettre totalement aux Etats-Unis.

La coopération renforcée entre la France et le Royaume-Uni ne remet pas en cause les relations très étroites de ce dernier avec les Etats-Unis, même si elle témoigne d'une volonté d'élargir le partenariat.

M. Xavier Pintat, rapporteur - Le traité de coopération en matière nucléaire a fait l'objet d'échanges avec les Etats-Unis. Cette coopération franco-britannique était encouragée par certains acteurs américains alors que d'autres conservaient des réticences. L'orientation générale de l'administration Obama, plus ouverte vis-à-vis de la défense européenne, a certainement joué un rôle positif.

M. Josselin de Rohan, président - Je pense que ce traité de coopération nucléaire méritera une discussion en séance publique, au cours de laquelle pourrait d'ailleurs être évoqué le cadre d'ensemble de notre coopération de défense avec le Royaume-Uni.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi.

ANNEXE I -
DÉCLARATION SUR LA COOPÉRATION DE DÉFENSE ET DE SÉCURITÉ

Londres - Mardi 2 novembre 2010

1. Le Royaume-Uni et la France sont des partenaires naturels en matière de sécurité et de défense. Membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies, Alliés de l'OTAN, membres de l'Union européenne et États dotés d'armes nucléaires, nous avons en commun un grand nombre d'intérêts et de responsabilités. Nous sommes fiers de nos forces armées exceptionnelles et expérimentées, ainsi que de nos industries de défense performantes.

2. Nous sommes déterminés à jouer un rôle leader en matière de sécurité et de défense. La sécurité et la prospérité sont indissociables. C'est pourquoi nous investissons, à nous deux, la moitié des budgets de défense des pays européens et les deux tiers des dépenses de recherche et de technologie. Nous sommes au nombre des contributeurs les plus actifs aux opérations en Afghanistan et dans d'autres zones de crises. De même, nous sommes parmi les rares pays à avoir la capacité et la volonté d'assumer les missions militaires les plus exigeantes. Aujourd'hui, nous avons atteint un niveau de confiance mutuelle sans précédent dans notre histoire.

3. Nous devons faire face ensemble à de nouveaux défis tels que la prolifération des armes de destruction massive et des missiles balistiques, le terrorisme, les cyberattaques et ceux qui pèsent sur la sécurité maritime et spatiale. Nous devons être prêts à prévenir, dissuader, contrecarrer et combattre ces menaces. Plus que jamais, nous avons besoin de capacités de défense robustes, qui puissent être déployées rapidement et puissent agir ensemble et avec un grand nombre d'alliés.

4. En outre, nos intérêts vitaux peuvent aussi être menacés à tout moment. Nous n'envisageons aucune situation où les intérêts vitaux de l'une de nos deux Nations pourraient être menacés sans que ceux de l'autre le soient aussi.

5. Aujourd'hui, nous avons décidé de renforcer encore notre coopération. Nous voulons mettre nos forces en mesure d'agir ensemble, optimiser nos capacités et mieux rentabiliser notre investissement de défense. Nous prévoyons d'accroître les domaines et les ambitions de nos programmes communs d'équipements de défense et de stimuler une étroite coopération industrielle.

6. Cette coopération profitera à l'ensemble de nos alliés et contribuera à la sécurité de l'Alliance atlantique, de l'Union européenne et de nos amis partout dans le monde.

Défense

7. Nous avons décidé :

a) de signer un Traité de coopération en matière de défense et de sécurité afin de développer la coopération entre nos forces armées, le partage et la mutualisation de matériels et d'équipements, y compris par une interdépendance mutuelle, la construction d'installations communes, l'accès mutuel à nos marchés de défense et la coopération industrielle et technologique ;

b) de coopérer dans les technologies liées à la gestion des arsenaux nucléaires, afin de garantir nos capacités de dissuasion nucléaire indépendantes respectives. Nous le ferons dans le plein respect de nos obligations internationales. Nous allons engager une coopération sans précédent dans une installation commune à Valduc (France) où sera modélisée la performance de nos têtes nucléaire et des équipements associés, afin d'en assurer la viabilité, la sécurité et la sûreté à long terme. Un Centre de développement technologique commun à Aldermaston (Royaume-Uni) soutiendra ce projet ;

c) de signer une lettre d'intention portant création d'un nouveau cadre d'échanges entre nos forces armées sur des questions opérationnelles ;

d) de demander au Groupe de travail franco-britannique de haut niveau d'intensifier ses travaux sur la coopération industrielle et d'armement ; et

e) de mener des initiatives communes dans les domaines détaillés ci-après.

Opérations et formation

8. Force expéditionnaire commune interarmées. Nous mettrons en place une Force expéditionnaire commune interarmées adaptée à toute une série de scénarios, y compris des opérations de haute intensité. Cette Force associera les trois armées. Elle comprendra une composante terrestre composée de formations au niveau brigade, une composante maritime et une composante aérienne avec leurs états-majors associés, ainsi que la logistique et les fonctions de soutien. Il ne s'agira pas d'une force permanente, mais elle sera disponible avec un préavis pour des opérations bilatérales, de l'OTAN, de l'Union européenne, des Nations Unies ou d'autres opérations. Nous commencerons par des exercices aériens et terrestres conjoints en 2011 et développerons ce concept d'ici le prochain Sommet franco-britannique, afin qu'il soit pleinement opérationnel dans les années qui suivront. Cette Force favorisera une interopérabilité accrue et la cohérence en matière de doctrine militaire, de formation et de besoins d'équipement.

9. Porte-avions. Le Royaume-Uni a décidé d'installer des catapultes et des dispositifs d'arrêt sur son futur porte-avions opérationnel. Ceci permettra aux avions britanniques et français d'opérer à partir des porte-avions des deux pays. A partir d'abord d'une coopération sur un groupe maritime autour du porte-avions Charles de Gaulle, le Royaume-Uni et la France se doteront, d'ici le début des années 2020, de la capacité à déployer une force aéronavale d'attaque intégrée franco-britannique composée d'éléments des deux pays. Ceci permettra à la Royal Navy et à la Marine française de travailler dans la plus étroite coordination pendant les 30 prochaines années.

Équipement et capacités

10. Soutien A400M. Nous développons un plan de soutien commun pour nos futures flottes d'avions de transport A400M. Ceci permettra de réduire les coûts, d'améliorer la disponibilité des avions et d'ouvrir la voie à une coopération renforcée en matière de maintenance, de logistique et de formation, pour les opérations à partir du territoire national ou de l'étranger. La négociation avec l'industriel est entrée dans sa phase finale, en vue de conclure un contrat unique avec Airbus Military, à la fin de 2011, pour qu'un soutien intégré soit en place pour l'arrivée du premier A400M français en 2013.

11. Formation A400M. Nous créerons un groupe bilatéral d'utilisateurs commun pour faciliter la coopération en matière de développement des systèmes de formation A400M, de techniques et de procédures opérationnelles, ainsi que pour les formations sur simulateur et en vol.

12. Technologies et systèmes pour les sous-marins. Nous prévoyons de développer ensemble des équipements et technologies pour la prochaine génération de sous-marins nucléaires. À cette fin, nous lancerons une étude commune et conclurons des accords en 2011. Cette coopération nous permettra de soutenir et de rationaliser notre base industrielle commune et de réaliser des économies en partageant les activités de développement, les méthodes de passation des marchés et l'expertise technique.

13. Guerre contre les mines maritimes. Nous harmoniserons nos plans concernant les équipements et systèmes antimines. Ceci pourrait renforcer l'efficacité, assurer l'interopérabilité et contribuer à soutenir la base industrielle franco-britannique dans le secteur sous-marin. A cette fin, nous mettrons en place en 2011 une équipe de projet commune pour définir les spécifications d'un prototype de système antimines.

14. Communications par satellite. Nous allons évaluer le potentiel de coopération sur les futures communications militaires par satellite. Notre objectif est de réduire les coûts généraux tout en préservant la souveraineté nationale. Nous allons mener à bien une étude de concept commune en 2011 pour les prochains satellites qui entreront en service entre 2018 et 2022.

15. Ravitaillement en vol et transport aérien passagers. Nous étudions actuellement la possibilité d'utiliser les capacités excédentaires qui pourraient être mises à disposition dans le cadre du programme britannique FSTA (Future Strategic Tanker Aircraft) pour répondre aux besoins de la France en matière de ravitaillement en vol et de transport aérien militaire, dans des conditions financièrement acceptables pour les deux pays.

Drones

16. Les drones sont devenus essentiels pour nos forces armées. Nous sommes convenus de travailler ensemble sur la prochaine génération de drones de surveillance moyenne altitude et longue endurance. Cette coopération permettra de partager les coûts de développement, de soutien et de formation, et de faire en sorte que nos forces soient interopérables. Nous lancerons en 2011 une phase d'évaluation concurrentielle financée conjointement, dans la perspective de développer de nouveaux équipements entre 2015 et 2020.

17. Pour le plus long terme, nous évaluerons ensemble les besoins et les options pour la prochaine génération de drones de combat à partir de 2030. En nous appuyant sur les travaux déjà engagés sous la direction du Groupe de travail franco-britannique de haut niveau, nous élaborerons au cours des deux années à venir une feuille de route technologique et industrielle commune. Ceci pourrait aboutir à la décision de lancer en 2012 un programme commun technologique et opérationnel de démonstrateur de 2013 à 2018.

Industrie de défense

18. Nous sommes parvenus à un accord sur un plan stratégique décennal concernant le secteur britannique et français des missiles. Nous allons travailler à la mise en place d'un maitre d'oeuvre industriel européen unique et à la réalisation d'économies pouvant aller jusqu'à 30 %. Cette stratégie optimisera la fourniture de capacités militaires, adaptera nos technologies plus efficacement, permettra une interdépendance accrue et consolidera notre base industrielle dans le secteur des missiles. Nous prévoyons de lancer en 2011 une série de projets dans le domaine des missiles (développement du missile antisurface naval léger FASGW(H)/ANL, évaluation des améliorations des missiles de croisière Scalp/Storm Shadow et feuille de route commune pour les technologies de défense aérienne à courte portée). La coopération dans ce secteur industriel servira de test pour des initiatives dans d'autres secteurs industriels.

Recherche et technologie

19. Nous continuerons de mettre en oeuvre une coopération importante en matière de recherche et de technologie, en consacrant chacun un budget annuel de 50 millions d'euros à des projets communs de recherche et développement. Notre objectif est d'accroître si possible ce montant. Nos travaux communs se concentreront sur dix domaines prioritaires comprenant notamment des recherches essentielles pour les communications par satellite, les drones, les systèmes navals et les missiles. Ils porteront également sur de nouveaux domaines industriels essentiels, notamment les capteurs, les technologies de guerre électronique et d'autres équipements, ainsi qu'à des domaines innovants tels que la simulation et un programme de PhD co-financé.

Cybersécurité

20. Les cyberattaques sont un défi croissant pour la sécurité des États et les infrastructures nationales critiques, particulièrement en période de conflit. Nos infrastructures nationales dépendent de plus en plus des technologies de l'information en ligne et sur des réseaux informatiques. La France et le Royaume-Uni feront face ensemble aux menaces croissantes qui pèsent sur la sécurité de leurs systèmes d'information. C'est pourquoi nous avons agréé un cadre régissant notre coopération dans ce domaine crucial. Il permettra de renforcer la résilience de nos systèmes nationaux et communs

Lutte contre le terrorisme

21. Nous sommes déterminés à lutter contre toutes les formes de terrorisme, à l'intérieur et à l'extérieur de nos pays. Nous demeurons vigilants face aux menaces qui pèsent actuellement sur eux. Nous prévoyons de renforcer notre excellente coopération dans les domaines suivants : détection précoce des activités terroristes et du recrutement des terroristes ; partage des informations sur les modifications de l'évaluation du niveau de la menace terroriste ; prévention des menaces terroristes dans les domaines nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosif, notamment avec le programme Cyclamen de contrôle du trafic transitant par le Tunnel sous la Manche ; protection de nos populations et des infrastructures critiques ; sûreté de l'aviation commerciale ; soutien au développement de capacités de nos partenaires non européens dans leur lutte contre le terrorisme.

Sécurité internationale

OTAN

22. L'OTAN demeure le garant essentiel de la sécurité de l'Europe. Nous partageons les mêmes objectifs pour le prochain Sommet de l'OTAN à Lisbonne. En particulier, nous souhaitons que soient prises d'importantes décisions en matière de réforme, destinées à assurer l'efficacité et le bon fonctionnement de l'OTAN. Nous voulons également un nouveau Concept stratégique qui affirme l'engagement constant de l'OTAN à assurer la défense collective de nos territoires, à répondre aux menaces pour la sécurité des Alliés quelle qu'en soit l'origine et aux nouvelles menaces contre les intérêts de sécurité fondamentaux des Alliés, et qui affirme le souhait de l'OTAN de travailler avec un grand nombre de partenaires. Dans ce contexte, nous chercherons à mettre en oeuvre une étroite coopération dans tous les domaines entre l'OTAN et l'UE ainsi qu'un partenariat dans la durée entre l'OTAN et la Russie, sur la base de coopérations concrètes et de la réciprocité.

23. Tant qu'il existera des armes nucléaires, l'OTAN demeurera une alliance nucléaire. Les forces nucléaires stratégiques indépendantes du Royaume-Uni et de la France, qui ont un rôle de dissuasion propre, contribuent à la dissuasion globale et, par conséquent, à la sécurité des Alliés. Nos dissuasions nucléaires nationales minimales sont nécessaires pour parer à toute menace pesant sur nos intérêts vitaux. Nous soutiendrons à Lisbonne une décision concernant la défense antimissiles des territoires, reposant sur le développement du système antimissiles de théâtre ALTBMD, qui soit financièrement réaliste, cohérente avec le niveau de la menace émanant du Moyen-Orient, et permette un partenariat avec la Russie. La défense antimissiles est un complément et non un substitut à la dissuasion.

Union européenne

24. Nous continuons de soutenir les objectifs et la mise en oeuvre complète des décisions prises en décembre 2008 par le Conseil européen, sous la présidence française de l'UE. En particulier, nous encourageons tous les membres de l'Union européenne à développer leurs capacités militaires, civiles et civilo-militaires afin d'être plus efficaces en matière de sécurité et de gestion des crises.

25. Les opérations de l'Union européenne au large des côtes de la Somalie et en Géorgie, en Bosnie et au Kosovo contribuent à la sécurité globale des Alliés de l'OTAN. Nous encouragerons une coopération plus étroite et la complémentarité entre l'UE et l'OTAN.

Nous espérons de nouveaux progrès d'ici la fin de 2011 et dans cette perspective, nous travaillerons avec les présidences belge, hongroise et polonaise de l'UE.

Lutte contre la prolifération

26. La prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs est l'une des menaces les plus graves pour la paix et la sécurité internationales. Nous travaillerons à renforcer le Traité sur la non-prolifération nucléaire qui est l'un des piliers de l'architecture de sécurité internationale. Nous appuierons les efforts en cours concernant les trois piliers du Traité : non-prolifération, utilisation pacifique de l'énergie nucléaire et désarmement. Nous appelons tous les pays à adopter des mesures énergiques pour contrecarrer l'action des pays proliférants tels que l'Iran et la Corée du Nord.

Iran

27. Les activités de prolifération nucléaire de l'Iran et ses violations persistantes des résolutions de l'AIEA et du Conseil de sécurité de l'ONU sont extrêmement préoccupantes. Une décision des dirigeants iraniens de se conformer à ces résolutions et de lever ainsi les préoccupations de la communauté internationale ouvrirait pour le peuple iranien de nombreuses opportunités nouvelles. Nous appelons l'Iran à s'engager dans un dialogue sérieux avec les Six, pour parvenir à une solution crédible dans le respect des résolutions du Conseil de sécurité. Elle offrirait une garantie à long terme sur la nature pacifique du programme nucléaire iranien. En attendant un accord sur une telle solution, nous appelons tous les pays à suivre l'exemple de l'UE en appliquant des sanctions strictes et ciblées.

Afghanistan

28. Nous rendons hommage à nos forces en Afghanistan, ainsi qu'à leurs camarades afghans et de la FIAS, pour leur courage et leur sacrifice. La stabilité à long terme de l'Afghanistan et du Pakistan et l'élimination de la menace terroriste sont cruciales pour notre sécurité. Les efforts des Afghans et de la communauté internationale portent leurs fruits. Nous renforcerons notre contribution aux actions de formation conduites par l'OTAN en faveur des forces afghanes. Lors du Sommet de Lisbonne, nous attendons de l'OTAN qu'elle lance un processus de transition ordonnée, afin de transférer les responsabilités en matière de sécurité aux autorités afghanes dans les régions où la situation le permet. Nous appelons également les autorités afghanes, conformément à leurs engagements, à améliorer la gouvernance et à lutter contre le trafic de drogue. Nous soutenons les efforts du Gouvernement afghan pour tendre la main à ceux qui renoncent au terrorisme, rompent toute relation avec Al Qaïda et acceptent le cadre constitutionnel afghan.

Pakistan

29. Nous reconnaissons que le Pakistan est confronté à des défis majeurs : des inondations dévastatrices, un extrémisme et un militantisme violents, la mise en oeuvre de réformes démocratiques et assurer la stabilité économique. Nous sommes déterminés à aider le Pakistan à se transformer en un pays plus stable, plus prospère et plus démocratique, en lui apportant une aide au développement et en encourageant le développement du commerce et de l'investissement. Nous instaurerons un partenariat à long terme avec le Pakistan, à titre bilatéral et par l'intermédiaire de l'UE et du Groupe des amis du Pakistan démocratique. Nous reconnaissons que le Pakistan a renforcé sa lutte contre l'extrémisme violent sur son territoire, mais nous appelons les autorités civiles et militaires pakistanaises à redoubler d'efforts pour combattre et éliminer les réseaux terroristes et les sanctuaires talibans.

Conclusion

30. Nous avons demandé au Groupe de haut niveau, qui sera créé en application du nouveau Traité de coopération en matière de défense et de sécurité, de superviser les travaux dans tous ces domaines et de nous rendre compte lors de notre prochain Sommet, qui se tiendra en France en 2011.

ANNEXE II -
COMMUNICATION DU PRÉSIDENT JOSSELIN DE ROHAN SUR LE SOMMET FRANCO-BRITANNIQUE
DU 2 NOVEMBRE 2010

Compte-rendu de la réunion de la commission des Affaires étrangères,
de la défense et des forces armées du mercredi 10 novembre 2010

M. Josselin de Rohan , président - À l'invitation du président de la République, je me suis rendu à Londres où j'ai pu participer aux réunions du sommet franco-britannique du 2 novembre dernier. Notre collègue Guy Tessier, président de la commission de la défense de l'Assemblée nationale était également présent, comme nos homologues de la chambre des Communes et de la chambre des Lords.

Dans le contexte de difficultés financières et de restrictions budgétaires, qui a pu faire qualifier ce sommet « d'entente frugale », cette réunion a été essentiellement consacrée à la coopération de défense et de sécurité.

Il s'est conclu par une déclaration commune et par la signature de deux traités dont je vous ai fait distribuer copie à la fin de la semaine dernière et qui devraient être rendus publics ce matin.

Vous vous souvenez qu'en février dernier nous nous étions rendus, Daniel Reiner et moi-même, à Londres pour évaluer les voies et moyens du renforcement de notre coopération militaire dont la relance avait été souhaitée par le Livre vert adopté par le gouvernement travailliste de l'époque. Cette volonté a été totalement endossée par le gouvernement conservateur de M. Cameron. Il existe donc un très large consensus politique sur ce point outre manche. Le rapport d'information que nous avons publié en juillet dernier décrivait un certain nombre de pistes de coopération que le sommet de Londres a concrétisées et élargies.

Avant d'en venir à la présentation du contenu de ces accords je souhaite faire trois remarques liminaires.

En premier, lieu il est évident que ces accords n'auraient pas été possibles si nous n'avions pas pris la décision de réintégrer totalement les structures de l'OTAN. Cette décision a levé une hypothèque : celle de l'existence d'un « agenda caché » de la France à l'OTAN, particulièrement vivace dans les milieux conservateurs britanniques. Aujourd'hui, la situation semble inversée puisque la déclaration du sommet de Londres souligne non seulement la convergence d'analyse entre les deux pays pour la réforme de l'OTAN, pour son concept stratégique, sa gouvernance financière ou la réforme de ses agences mais indique de la manière la plus claire que les forces nucléaires stratégiques indépendantes des deux pays, qui ont un rôle de dissuasion propre, contribuent à la dissuasion globale. Elle affirme que « tant qu'il existera des armes nucléaires, l'OTAN demeurera une alliance nucléaire. » Elle rappelle enfin que la défense antimissile est un complément et non un substitut à la dissuasion. Position commune que ne partagent pas, comme vous le savez, nos partenaires allemands. Comment pourrait-on imaginer cette convergence de vues et d'analyses sans la confiance rétablie par la décision prise par notre pays de réintégrer pleinement les structures de l'OTAN ?

Ma seconde remarque est que l'initiative franco-britannique contribuera au renforcement des capacités de défense de l'Union européenne comme de l'OTAN. La démarche bilatérale qui a été retenue va de paire avec la recherche de solutions multinationales au sein de l'OTAN et de l'Union européenne. Il est, en effet, évident que tout renforcement des capacités participe au renforcement de celles des deux organisations.

Au sein de l'Union européenne, nos deux pays consacrent approximativement 2 % de leur PIB à la défense. Ils représentent 50 % des dépenses de défense des 27 et les deux tiers des dépenses de recherche et développement. Ils jouent donc naturellement un rôle leader en matière de sécurité et de défense. Le renforcement de leurs capacités et de leur coopération participe naturellement au renforcement de la politique de sécurité et de défense commune. Il en va de même à l'OTAN.

Il a été très clair, tout au long du Sommet, que la coopération entre nos deux pays demeure ouverte à nos partenaires européens et, en particulier, à l'Allemagne et à l'Italie. Dans l'esprit de nos deux pays la démarche bilatérale de ces deux nations leaders doit encourager toutes les nations européennes à s'engager avec détermination sur la voie de la coopération et de la mutualisation. Cette coopération a vocation à renforcer l'Union européenne.

C'est en unissant nos forces que nous pourrons maintenir notre autonomie stratégique, enrayer la baisse des moyens de défense en Europe et rester un partenaire crédible pour nos alliés et, au premier chef, vis-à-vis des États-Unis.

Troisième remarque, cette coopération va bien au-delà des accords de Saint-Malo et de leurs résultats concrets. Elle crée une véritable interdépendance entre les deux pays tout en respectant la souveraineté de chacun. La déclaration franco-britannique le dit de manière très claire : « nous n'envisageons aucune situation où les intérêts vitaux de l'une de nos deux nations pourraient être menacés sans que ceux de l'autre le soient aussi. » Cette interdépendance s'inscrit en matière bilatérale, comme au sein de l'Union européenne ou de l'OTAN, dans le rappel du principe que le contrôle des forces armées, la décision de les employer et le recours à la force relèveront toujours de la souveraineté nationale. Il n'y a donc aucune ambiguïté sur ce point.

Compte tenu des enjeux de souveraineté, les modalités de cette coopération ont été inscrites dans deux traités et une lettre d'intention :


• un traité de coopération en matière de défense et de sécurité qui vise à développer la coopération entre nos forces armées, le partage et la mutualisation de matériels et d'équipement, la construction d'installations communes et l'accès mutuel à nos marchés de défense et la coopération industrielle et technologique.


• un traité relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes. L'objectif est de coopérer dans les technologies liées à la gestion des arsenaux nucléaires afin de garantir la capacité de dissuasion nucléaire indépendante respective ;


• enfin, une lettre d'intention porte sur la création d'un nouveau cadre d'échanges entre nos forces armées sur des questions opérationnelles.

Les projets de coopération concernent l'ensemble des domaines de défense.

En matière opérationnelle cela passe par l'organisation d'exercices conjoints (comme Flandres 2011) mais surtout par la mise en place d'une force expéditionnaire interarmées conjointe et par l'amélioration de notre interopérabilité navale qui permettra, à terme, à nos avions d'opérer indistinctement à partir du porte-avions britannique ou du Charles-de-Gaulle.

En matière capacitaire, la mutualisation du soutien de l'A400M et la coopération pour l'entraînement des équipages est prévue aux cotés d'un arrangement technique sur les satellites militaires de communication, de la coopération dans le domaine de la guerre des mines, du développement conjoint de technologies pour la prochaine génération de sous-marins nucléaires et de la possibilité d'utiliser les capacités excédentaires du programme britannique de ravitaillement en vol pour répondre aux besoins de la France en la matière.

Un des éléments clés de la coopération concernera les drones MALE ainsi que des études sur le remplacement des avions de type Rafale-Typhoon.

En matière de recherche et technologies la poursuite de notre coopération est prévue avec l'identification de domaines prioritaires de coopération pour les deux prochaines années. Les deux pays s'engagent à investir environ 50 millions d'euros chaque année dans ce domaine.

S'agissant du volet industriel les accords portent sur le renforcement et la rationalisation de notre coopération sur les missiles et armes complexes (notamment par la mise en place d'une entité ONE MBDA sur la base de MBDA UK et de MBDA France).

Enfin, un cadre de coopération commun sur la cyber-défense sera défini.

Des mécanismes prévoyant la comparaison en amont des projets en matière de capacités militaires et une consultation avant toute décision permettront de maximiser les chances de coopération à l'avenir et de favoriser l'acquisition d'équipements identiques. De plus, le traité prévoit de faciliter les transferts d'équipements, l'accès aux marchés et de promouvoir l'exportation des équipements produits en commun.

Le second traité porte sur la coopération dans les technologies liées à la gestion des arsenaux nucléaires afin de garantir la capacité de dissuasion nucléaire indépendante respective. Une coopération de grande envergure va être lancée pour utiliser de manière conjointe les installations communes de Valduc où seront modélisées la performance de nos têtes nucléaires et des équipements associés, afin d'en assurer la viabilité, la sécurité et la sûreté à long terme. Un centre de développement technologique commun, installé au Royaume-Uni, à Aldermaston, sera également mis en place pour soutenir ce projet.

Ce traité, qui a été conclu pour une durée de 50 ans, c'est-à-dire pour la durée de vie de l'installation, permettra un partage des coûts qui devrait conduire à des économies estimées à 500 millions d'euros pour la France.

Pour conclure, je voudrais insister sur la dimension parlementaire que nous pourrions donner à cette relance de nos relations.

En premier lieu il s'agit de la ratification de ces traités qui devraient être soumis à l'approbation du Parlement. En droit strict, seul le traité relatif au nucléaire, qui comporte des engagements et des conséquences financières, doit être juridiquement soumis à nos assemblées.

La procédure en Grande-Bretagne permet une ratification simple et rapide puisqu'il existe une exigence que le gouvernement soumette les traités à l'examen du Parlement pendant 21 jours francs à compter de leur signature, avec ou sans débat pendant cette période, aux termes de laquelle la ratification peut être parachevée.

De notre côté, le dispositif est plus lourd puisqu'il implique une saisine du Conseil d'État puis l'adoption en Conseil des ministres de projets de loi portant autorisation de ratifier, le dépôt sur le bureau de l'une ou l'autre des assemblées et le vote de ces textes.

Compte tenu de ces procédures parlementaires différentes, il me semble que le gouvernement devrait accélérer le processus de dépôt et d'examen devant les assemblées.

Enfin, dans le rapport d'information de notre commission nous avions proposé la constitution d'un groupe de travail commun aux quatre commissions de la chambre des Communes, de la chambre des Lords, de l'Assemblée nationale et du Sénat pour suivre le développement et l'approfondissement de la coopération franco-britannique.

J'ai donc proposé, avec Guy Teissier, la création de cette structure informelle à nos homologues britanniques James Arbuthnot et Lord Teverson qui ont bien voulu l'accepter.

Nous avons fixé d'un commun accord la première réunion de ce groupe au mercredi 8 décembre prochain. À la demande de nos amis britanniques ce groupe de suivi doit être une structure légère et nous avons convenu qu'il serait composé, pour chaque assemblée, du président de la commission et de deux autres membres représentant respectivement la majorité et l'opposition. Si la commission en est d'accord et, compte tenu de la dominante capacitaire et industrielle de cette coopération, je vous propose de désigner nos collègues Xavier Pintat et Daniel Reiner qui sont nos deux rapporteurs pour le programme 146.

M. Robert del Picchia - Je m'interroge sur les conséquences de cet accord franco-britannique et sur le devenir de la défense européenne.

M. Josselin de Rohan , président - Nous pouvons bien sûr avoir une vision idéale de la défense européenne où les 27 pays de l'Union participeraient à l'élaboration de leur défense commune en utilisant les instruments du traité de Lisbonne. Force est de constater que cette approche ne fonctionne pas. À côté de celle-ci existe une voie pragmatique qui consiste à organiser un renforcement de la coopération qui débute de manière bilatérale mais qui est ouvert à la participation d'autres pays, en particulier l'Allemagne et l'Italie. Le chef d'état-major de l'armée britannique l'a indiqué de manière très claire à Londres. Cela étant, les positions prises par l'Allemagne en matière de nucléaire peuvent créer des difficultés.

M. Jean-Louis Carrère - L'accord entre la France et le Royaume-Uni ne me choque pas en tant que tel mais je n'y lis pas une stratégie claire de notre pays. Avec le choix de la réintégration au sein de l'OTAN nous donnons l'impression d'abandonner l'Europe puis, à présent, de passer à une coopération bilatérale. S'oriente-t-on vers la multiplication des accords bilatéraux avec le Royaume-Uni et avec d'autres pays ? Continue-t-on à aller vers la constitution de forces européennes ? Jusqu'au compte-t-on aller, dans quels domaines et de quelle manière ?

M. Josselin de Rohan , président - Ces questions sont en effet importantes et doivent être placées dans le contexte de l'accord. Les Anglais agissent avec pragmatisme mais cet accord n'a été rendu possible que par la réintégration de notre pays dans l'OTAN. Le président James Arbuthnot nous l'a très clairement indiqué. De plus, nos deux pays sont particulièrement conscients des difficultés budgétaires et de la nécessité du redressement de nos finances publiques. Sans un renforcement de la coopération et sans mutualisation, nos défenses risquent de ne plus peser dans le monde.

La stratégie française me paraît très claire : il nous faut compter dans l'OTAN face aux Etats-Unis et créer un pôle européen de défense. Il y a une interaction évidente entre l'Europe de la défense et l'OTAN. Le renforcement des capacités de nos deux pays renforce évidemment les capacités de défense de l'Union européenne comme de l'OTAN

Nos deux pays sont en plein accord sur le concept stratégique de l'OTAN et sur le fait que la dissuasion constitue le socle de la défense collective. Les forces nucléaires françaises et anglaises participent à la dissuasion globale. Vous savez que cette position n'est pas partagée par l'Allemagne qui pense que la défense antimissiles peut se substituer à la dissuasion. La stratégie de nos deux pays me paraît donc très clairement affirmée. La France et le Royaume-Uni sont les deux piliers autour desquels s'agrègent les autres pays pour construire une défense commune. Ce socle permettra un dialogue plus équilibré et plus crédible avec les États-Unis.

M. André Trillard - Les aspects industriels et de mises en commun des technologies sont particulièrement importants pour construire une industrie européenne de la défense autour des deux pays nucléaires que sont la France et le Royaume-Uni et auquel d'autres pays pourront s'agréger.

M. André Vantomme - Il me semble que cet accord repose sur le pari d'un relâchement du lien entre le Royaume-Uni et les États-Unis qui n'est pas avéré. Par ailleurs, de nombreux pays européens refusent de participer à leur propre défense et préfère se réfugier derrière l'OTAN.

M. Josselin de Rohan , président - C'est effectivement la situation que nous connaissons aujourd'hui où un certain nombre de pays ont relâché leur effort de défense. Cela étant, il arrivera un moment où les Etats-Unis renonceront à financer sur leur propre budget la défense européenne.

La relation spéciale qui unit le Royaume-Uni et les Etats-Unis repose sur des liens historiques et une histoire partagée. Elle continuera à exister de manière forte. La continuité de cette relation n'empêche pas les Britanniques de tenir compte de l'évolution du monde et du changement de tropisme des Etats-Unis dont l'intérêt bascule vers le Pacifique et vers l'Asie. L'Europe, qui n'est plus directement menacée, ne constitue plus une priorité et le contribuable américain souhaite que ses impôts soient utilisés d'abord à assurer sa propre sécurité nationale puis à financer en priorité les dépenses de défense contre les pays qui constituent une menace. La défense européenne ne peut être conçue sans le Royaume-Uni comme acteur majeur de la politique de sécurité et de défense commune.

M. Jean-Pierre Chevènement - J'approuve cet accord en toute lucidité. La coopération entre les deux pays a toujours été difficile comme l'ont montré les suites de l'accord de Saint-Malo. Cette coopération se concrétisera s'il y a un accord profond des gouvernements, des opinions et des états-majors et si elle repose sur un climat de confiance. La France, comme le Royaume-Uni dont la souveraineté est intacte, doit garder son autonomie de décision.

Il ne faut pas se cacher les questions que cette alliance pose hors coopération nucléaire qui est d'un intérêt mutuel. Quelles vont être les règles d'engagement communes du groupe aéronaval comme de la force expéditionnaire conjointe ? Le Royaume-Uni continue à manifester une grande méfiance pour le concept de défense européenne alors que la France en est partisane. Il y a donc un risque de malentendu. On ne peut affirmer que cet accord participe à la construction de l'Union européenne de la défense même si le principal handicap vient plutôt de l'Allemagne dont l'effort est très faible, qui abandonne son système de conscription et qui est opposée à la force nucléaire de dissuasion.

M. Josselin de Rohan , président - Ce débat devra évidemment être poursuivi. Mais je suis persuadé que s'il existe une chance de construire une politique européenne de défense cela ne peut passer que par l'accord franco britannique. Je vous rappelle qu'au moment de la guerre des Malouines la France n'a pas ménagé son soutien au Royaume-Uni. Quant à l'Irak nous avons décidé de ne pas nous engager en toute souveraineté. Je rappelle que la France conserve en toute occasion le contrôle ultime sur l'emploi de ses forces et que l'article 5 du traité de l'Atlantique Nord n'emporte aucune automaticité dans l'engagement militaire puisqu'il laisse à chaque Etat membre le choix des moyens en cas d'agression contre l'un des alliés. C'est en quelque sorte un engagement moral.

Mme Catherine Tasca - Cet accord très pragmatique est une bonne chose. Dans quels domaines ces traités s'appliqueront-ils à un moment où se met en place le service européen d'action extérieure.

M. Josselin de Rohan , président - Les domaines d'application de ce traité sont très variés et couvrent l'ensemble de ce qui a été identifié comme une menace pour notre sécurité au sein de l'union européenne comme de l'OTAN.

M. Jean-Louis Carrère - L'opinion publique ne va-t-elle pas identifier cet accord comme un revirement par rapport à la politique de coopération précédente avec l'Allemagne ?

M. Josselin de Rohan , président - Cet accord n'est tourné contre aucun autre pays. Il ne constitue pas un revirement mais une approche pragmatique visant à faire ensemble ce que l'on ne peut plus faire seul. Le fait de le faire autour des deux pays qui totalisent 50% des dépenses de défense et les 2/3 de la R&T est une évidence. Nous avons effectivement un devoir d'information de nos opinions publiques et c'est l'une des raisons pour lesquelles je crois qu'il est important que nous mettions en place notre groupe parlementaire de suivi afin de contrôler les actions que cette coopération mettra en oeuvre.

Mme Josette Durrieu - Les Etats-Unis disent depuis longtemps que l'Europe doit s'organiser elle-même pour assurer sa défense et partager le fardeau des dépenses de défense mais l'Europe ne veut pas l'entendre. La Grande-Bretagne a pris conscience de la réorientation stratégique des Etats-Unis vers l'Asie.

M. Robert Badinter - J'avoue mon scepticisme sur cette coopération renforcée qui est plutôt une coopération bilatérale renforcée qui deviendra peut-être tri ou quadrilatérale à terme. Il semble que personne ne croit plus à une Europe de la défense. Entre la France et le Royaume-Uni il s'agit d'un pacte de raison, pas d'un mariage de raison mais plutôt d'un PACS.


* 1 « La coopération bilatérale de défense entre la France et le Royaume-Uni » - Document Sénat n° 658 (2009-2010) - http://www.senat.fr/notice-rapport/2009/r09-658-notice.html

* 2 Le 1 er alinéa de l'article 53 de la Constitution dispose : « Les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l'État, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi ».

* 3 Dès 1958, avec l'accord de coopération sur les usages de l'énergie atomique pour les besoins mutuels de défense.

* 4 Comme l'a précédemment indiqué votre rapporteur, ce second pas de tir sera dissocié des trois machines radiographiques et destiné à des expériences de moindre ampleur.

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