Rapport n° 573 (2010-2011) de Mme Monique CERISIER-ben GUIGA , fait au nom de la commission des affaires étrangères et de la défense, déposé le 1er juin 2011

Disponible au format PDF (105 Koctets)


N° 573

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 1 er juin 2011

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant l'approbation de la convention de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine ,

Par Mme Monique CERISIER-ben GUIGA,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice-présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Étienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Jean-Pierre Bel, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mmes Bernadette Dupont, Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mme Gisèle Gautier, M. Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Philippe Paul, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

2938 , 3250 et T.A. 637

Sénat :

413 et 574 (2010-2011)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi, adopté le 7 avril dernier par l'Assemblée nationale, a pour objet d'autoriser l'approbation de la convention de sécurité sociale signée à Buenos Aires le 22 septembre 2008 entre la France et l'Argentine.

La France a conclu avec plus d'une trentaine de pays extérieurs à l'Union européenne et à l'Espace économique européen des accords de sécurité sociale destinés à assurer la coordination des droits des personnes ayant alternativement relevé d'un régime français et d'un régime étranger, et à lever les difficultés liées à la mobilité professionnelle à l'étranger en matière de couverture sociale.

La signature de cette convention avec l'Argentine permettra en effet d'améliorer et de simplifier les règles applicables aux travailleurs expatriés des deux pays dans le domaine de la sécurité sociale, que ce soit lors de l'expatriation elle-même ou, ultérieurement, pour la prise en compte, par les régimes sociaux, des années passées à l'étranger.

Votre rapportrice présentera le dispositif de la convention de sécurité sociale franco-argentine avant d'évoquer son intérêt dans le cadre des relations bilatérales.

I. LA CONVENTION DE SÉCURITÉ SOCIALE FRANCO-ARGENTINE DU 22 SEPTEMBRE 2008

La convention de sécurité sociale franco-argentine ne s'écarte guère des dispositions communes à la plupart des accords de ce type conclus par la France. De signature récente, elle incorpore toutefois un certain nombre de précisions qui ne figuraient pas toujours dans les textes plus anciens.

Cette convention comporte trois grandes séries de stipulations :

- celles qui déterminent son champ d'application et la législation dont relèvent les intéressés en fonction de leur situation ; c'est notamment dans ce cadre que la convention met en place une procédure de détachement permettant le maintien temporaire sous la législation de l'Etat d'origine en cas d'expatriation ;

- des stipulations coordonnant l'application des régimes français et argentin pour la détermination des droits ; à ce titre, la convention garantit l'égalité de traitement entre ressortissants des deux pays et la possibilité d'exporter les prestations acquises dans l'un ou l'autre d'entre eux ; l'une des avancées prévues par la convention réside dans la totalisation des périodes d'assurance validées dans chacun des deux pays pour le calcul des droits à pension ;

- enfin, des stipulations d'ordre administratif qui précisent les modalités de coopération entre les autorités en charge des régimes de sécurité sociale des deux pays.

Les accords bilatéraux de sécurité sociale

Les expatriés relèvent en principe, en matière de protection sociale, de la législation du pays de résidence, sous réserve que cette dernière ne comporte pas de restrictions quant à la nationalité. Des dispositions spécifiques peuvent également être prévues à leur égard dans la législation de leur pays d'origine. C'est le cas en France, avec la procédure du détachement, qui permet le maintien temporaire du rattachement à la sécurité sociale française, ou la possibilité de souscrire à l'assurance volontaire mise en place dans le cadre de la Caisse des français de l'étranger.

Les accords bilatéraux de sécurité sociale permettent quant à eux de compléter les règles fixées par les législations nationales , en vue notamment d' éliminer ou limiter les restrictions fondées sur la nationalité ou relatives au versement de prestations à l'étranger , et de garantir la continuité des droits et la prise en compte des périodes d'assurance au titre du pays d'origine comme du pays d'accueil.

Enfin, la situation des expatriés au sein de l'Union européenne, des pays de l'Espace économique européen (Islande, Liechtenstein, Norvège) et en Suisse, constitue un cas particulier puisqu'elle est régie par les règlements communautaires.

La France est actuellement liée à une trentaine d'Etats , autres que ceux auxquels s'appliquent les règlements européens, par un accord bilatéral de sécurité sociale : Algérie, Andorre, Bénin, Bosnie-Herzégovine, Cameroun, Canada, Cap-Vert, Chili, Congo, Corée, Côte d'Ivoire, Croatie, Etats-Unis, Gabon, Israël, Japon, Macédoine, Madagascar, Mali, Maroc, Mauritanie, Monaco, Monténégro, Niger, Philippines, Saint Marin, Sénégal, Serbie, Togo, Tunisie, Turquie. Un accord spécifique est également en vigueur avec la province de Québec. Les accords signés avec l'Inde (2008), l'Argentine (2008) et l'Uruguay (2010) ne sont pas encore entrés en vigueur.

S'étendant à plus d'une soixantaine d'Etats au total, le réseau français de conventions de sécurité sociale est l'un des plus importants au monde , avec le réseau britannique. La plupart des Etats de l'Union européenne n'ont conclu qu'une dizaine de conventions au-delà des Etats membres. Les Etats-Unis et le Canada n'ont pour leur part qu'une vingtaine de conventions.

A. LE CHAMP D'APPLICATION DE LA CONVENTION ET LA DÉTERMINATION DE LA LÉGISLATION APPLICABLE

1. Les régimes sociaux concernés

L'article 2 définit le champ d'application matériel de la convention.

Sont couvertes, pour la France , les législations relatives aux assurances sociales des salariés et des non salariés, des professions non agricoles comme agricoles, à l'assurance volontaire vieillesse et invalidité, à la réparation des accidents du travail et maladies professionnelles, aux prestations familiales, aux régimes divers de non-salariés et aux régimes spéciaux de sécurité sociale, sauf dispositions contraires prévues par la convention.

S'agissant de l'Argentine , la convention s'applique aux régimes de retraite et pensions fondés sur le système de répartition ou de capitalisation individuelle, au régime d'allocations familiales, au régime de risques du travail et au régime des soins de santé, c'est-à-dire le système d'assurance santé lui-même et les « oeuvres sociales nationales ».

Il est stipulé que la convention ne s'appliquera aux modifications étendant les différents régimes concernés à de nouvelles catégories de bénéficiaires ou créant de nouveaux régimes de sécurité sociale qu'en l'absence d'opposition de l'un ou l'autre des Etats contractants dans un délai de six mois après la publication des actes législatifs ou réglementaires concernés.

Il est à noter que si l'organisation française de la sécurité sociale se caractérise par la coexistence de nombreux régimes applicables aux salariés du secteur privé, aux salariés du secteur public et aux non salariés, cette organisation est plus complexe encore en Argentine, comme l'avait souligné un rapport d'information de la commission des Affaires sociales du Sénat 1 ( * ) .

En matière d' assurance-maladie , environ la moitié de la population relève des « obras sociales », héritières des mutuelles ouvrières et gérées par les organisations syndicales, les entreprises, l'Etat fédéral ou encore les régions. Les assurances privées procurent une couverture de base performante mais coûteuse à un peu moins du dixième de la population située en haut de l'échelle des revenus. Près de 40 % des Argentins dépendent exclusivement du recours au système hospitalier public pour l'accès aux soins.

En matière d' assurance-vieillesse , les Argentins bénéficient d'un premier niveau de retraite de base, financé par répartition, et d'un niveau complémentaire pour lequel ils peuvent opter entre une formule par répartition et une formule par capitalisation.

La convention détermine la législation applicable pour l'ensemble des risques, mais les procédures de coordination qu'elle prévoit pour l'attribution des prestations concernent essentiellement, en pratique, les pensions de retraite ou d'invalidité et les rentes d'indemnisation des accidents du travail et maladies professionnelles.

2. La détermination de la législation applicable et la mise en place d'un statut de détachement

L'article 3 définit le champ d'application personnel de la convention. Celle-ci s'applique à toutes les personnes soumises aux régimes mentionnés à l'article 2 ou y ayant acquis des droits, quelle que soit leur nationalité, ainsi qu'à leurs ayants droits et survivants.

La convention (article 5) pose comme règle générale que les personnes qui exercent une activité salariée ou non salariée sur le territoire de l'un des deux Etats sont soumises uniquement à la législation de cet Etat.

Ce principe général connaît toutefois plusieurs aménagements pour le personnel navigant des entreprises de transport aérien (article 7) et les gens de mer (article 8). L'article 9 précise également que les fonctionnaires et membres des missions diplomatiques et consulaires demeurent soumis à la législation de l'Etat qui les envoie, un droit d'option étant néanmoins prévu pour les personnels recrutés sous statut local.

Enfin, la dérogation principale, habituelle dans ce type d'accords, concerne les personnels salariés détachés , dont la situation est régie par l'article 6.

D'une manière générale, le statut de salarié détaché, à la différence de celui de salarié expatrié, permet à la personne envoyée temporairement à l'étranger de continuer à relever du régime de protection sociale de son pays d'origine et de conserver l'ensemble des droits qui s'y attachent. Le détachement est une procédure dont la durée, nécessairement limitée, est fixée par la législation nationale (trois ans renouvelables une fois, soit six ans au maximum dans le droit commun français), mais peut être adaptée dans le cadre d'une convention bilatérale de sécurité sociale.

L'accord franco-argentin prévoit une procédure de détachement tant pour les travailleurs salariés que pour les personnes exerçant une activité indépendante.

Pour les personnes exerçant une activité salariée , le détachement permet le maintien du rattachement aux régimes sociaux de l'Etat d'origine à condition que la durée prévisible du travail ne dépasse pas vingt-quatre mois , y compris la durée des congés, et que le salarié concerné ne soit pas envoyé en remplacement d'une autre personne parvenue au terme de la période de son détachement. Une prolongation de la durée du détachement est possible, par accord entre les autorités des deux parties, si la durée du travail à effectuer se prolonge en raison de circonstances imprévisibles dûment justifiées par l'employeur au-delà de la durée initialement prévue. Dans ce cas, le détachement peut être prolongé jusqu'à l'achèvement de ce travail, dans une limite maximale de vingt-quatre mois supplémentaires.

Les personnes exerçant une activité indépendante peuvent également bénéficier du détachement à condition que la durée prévisible du travail ne dépasse pas douze mois . Comme pour les personnels salariés, une prolongation est possible, par accord entre les autorités des deux parties, en vue de permettre l'achèvement de l'activité. Cette prolongation peut être accordée pour une durée maximale de douze mois.

Un suivi commun des procédures de détachement et des échanges statistiques entre la France et l'Argentine sont prévus par l'article 31 de la convention.

L'article 10 précise que les parties peuvent décider d'un commun accord et dans l'intérêt de certaines personnes ou catégories de personnes, d'autres dérogations au principe de l'application de la législation de l'Etat où s'exerce l'activité.

L'article 11 précise que le maintien de l'application de la législation de l'Etat d'origine , que ce soit dans le cadre du détachement ou des autres cas particuliers prévus par la convention, est conditionné à la garantie , par l'employeur ou le travailleur indépendant, d'une couverture prenant en charge l'ensemble des frais médicaux et d'hospitalisation pendant toute la durée du séjour dans l'Etat de détachement.

B. LES STIPULATIONS RELATIVES AUX DROITS SOCIAUX

La convention reprend, dans son article 4, le principe fondamental de l'égalité de traitement , que l'on retrouve dans tous les accords de sécurité sociale auxquels la France est partie. Ainsi, les ressortissants de chaque Etat résidant sur le territoire de l'autre Etat, ainsi que leurs ayants droit, bénéficient d'un traitement égal à celui des nationaux.

L'article 12 pose le principe de l'exportation des pensions ou rentes servies en application de la convention ou de la législation d'une des parties contractantes. Ces pensions et rentes ne peuvent subir ni réduction, ni modification, ni suspension, ni suppression du fait que le bénéficiaire réside sur le territoire de l'autre partie ou d'un Etat tiers. Ainsi, les droits acquis par les ressortissants français en Argentine seront conservés et pourront continuer à leur être versés s'ils résident en France ou dans un Etat tiers. Il en sera de même au profit des ressortissants argentins qui auraient résidé en France.

L'article 13 précise que les clauses de réduction, de suspension ou de suppression prévues par la législation de l'un des deux États en cas de cumul de prestations sont opposables aux bénéficiaires pour des prestations ou revenus obtenus dans l'autre État, sauf lorsqu'il s'agit de prestations de vieillesse, d'invalidité ou de survivants de même nature qui ont été liquidées sur la base de la convention, en application des règles de coordination entre régimes.

L'article 33 précise que les prestations sont actualisées et revalorisées selon les modalités définies par la seule législation applicable.

1. Les prestations en espèces de maladie et de maternité

Les questions relatives à la couverture maladie-maternité sont en grande partie réglées par les dispositions relatives à la législation applicable, qui précisent le régime dans lequel les droits de l'assuré sont ouverts.

La seule disposition spécifique prévue par la convention concerne la totalisation des périodes d'assurance pour l'appréciation des droits aux prestations en espèces (indemnités journalières).

L'article 14 prévoit en effet la prise en compte, si nécessaire, des périodes d'assurance accomplies sous la législation de l'autre État pour l'ouverture et la détermination des droits aux prestations en espèces de maladie et de maternité dans l'autre État.

2. Les prestations de vieillesse et d'invalidité

Les articles 15 à 24 de la convention portent sur les prestations de vieillesse et d'invalidité.

L'article 15 concerne le cas dans lequel l'attribution d'une prestation liée aux risques vieillesse et invalidité est subordonnée au fait que le bénéficiaire relève de la législation en cause au moment où le risque survient, ou qu'il justifie d'une période déterminée d'assurance auprès de ce régime immédiatement avant la survenance de ce risque. Dans ce cas, l'article 15 opère une assimilation des situations constatées sous la législation de l'un ou de l'autre Etat. En d'autres termes, l'intéressé qui sollicite des droits dans un régime français mais relève d'un régime argentin lorsque le fait survient sera traité comme s'il relevait du régime français.

L'article 16 exclut l'application des dispositions du chapitre consacré aux prestations de vieillesse, d'invalidité et de survivants pour les régimes spéciaux français des fonctionnaires civils et militaires de l'État, des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers ainsi que des ouvriers des établissements industriels de l'État. Par dérogation à cette règle, l'article 23 prévoit cependant la totalisation des périodes d'assurance pour la détermination du taux de pension des affiliés à ces régimes.

? L'assurance vieillesse

L'article 19 donne effet à la présentation de la demande de pension dans un seul des deux États au regard de la législation des deux États et ouvre ainsi la possibilité de procéder à la liquidation d'une pension au regard des législations française et argentine dès lors que le droit est ouvert, sauf demande expresse inverse du demandeur.

L'article 20 permet la totalisation des périodes d'assurance pour l'ouverture des droits à pension, ces modalités pouvant être subordonnées par la législation de l'un des deux États à l'accomplissement de périodes d'assurance dans une profession, une activité ou un régime particulier.

Il est à noter que la totalisation des périodes d'assurance accomplies sous la législation de l'autre Etat est également prévue par l'article 32 pour l'admission ou la poursuite facultative de l'assurance volontaire.

L'article 21 fixe les modalités de prise en compte des périodes d'assurance inférieures à un an pour l'ouverture et le calcul des droits à pension. L'institution compétente n'est pas tenue de prendre en compte ces périodes, sauf si cette prise en compte permet l'ouverture des droits.

Les règles de calcul du montant des prestations de vieillesse sont fixées par l'article 22. Conformément aux principes habituellement retenus par les conventions de sécurité sociale, elles conduisent à accorder à l'intéressé le montant le plus élevé, soit en se limitant aux périodes accomplies dans l'Etat de liquidation de la pension, soit en tenant compte des périodes cotisées dans chacun des deux Etats et au prorata de celles-ci.

Les articles 23 et 24 déterminent les modalités spécifiques respectivement applicables aux régimes spéciaux de retraite français des fonctionnaires civils et militaires de l'État, des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers et des ouvriers des établissements industriels de l'État d'une part, et au régime argentin de capitalisation individuelle d'autre part.

? L'assurance invalidité

L'article 17 prévoit l'application aux prestations d'invalidité de règles identiques à celles prévues pour les prestations vieillesse en ce qui concerne la présentation de la demande, la totalisation des périodes d'assurance et le calcul des prestations.

L'article 18 fixe les modalités de détermination de l'invalidité lorsque le demandeur réside sur le territoire de l'autre État et en particulier la mise à disposition des documents médicaux ou la réalisation d'examens médicaux.

3. La couverture accidents du travail et maladies professionnelles

En matière de couverture des accidents du travail et des maladies professionnelles, l'article 25 de la convention retient le principe de l'ouverture des droits dans la législation à laquelle le travailleur était soumis à la date de l'accident ou durant la période d'exposition au risque ayant entraîné la maladie.

Si la maladie professionnelle a pu être provoquée par une activité exercée successivement dans l'un et l'autre pays, les prestations sont versées exclusivement au titre de la législation dont le travailleur relevait en dernier lieu. Dans ce cas, il est indifférent que la maladie ait été constatée médicalement pour la première fois dans l'autre Etat partie.

4. Les prestations familiales

L'article 26 précise que les personnes qui bénéficient du maintien dans les régimes de leur Etat d'origine, au titre du détachement ou des autres dispositions de la convention (articles 6 à 10), relèvent également de cet Etat pour le droit aux prestations familiales .

C. LES STIPULATIONS D'ORDRE ADMINISTRATIF

L'article 27 permet à toute institution compétente de l'un des Etats parties de saisir directement une institution de l'autre Etat partie.

L'article 28 autorise la transmission de données à caractère personnel , notamment celles relatives aux revenus des personnes, et il garantit la protection de ces données.

L'article 29 permet l' exécution des décisions judiciaires de recouvrement de cotisations, contributions ou prestations sur le territoire de l'autre Etat. Il permet de récupérer les montants des prestations indûment versées et de recouvrir les cotisations qui n'ont pas été acquittées.

L'article 30 pose le principe d'un concours réciproque pour lutter contre les fraudes , en particulier pour ce qui concerne la résidence effective des personnes, l'appréciation des ressources, le calcul des cotisations et les cumuls de prestations. Les modalités de ce concours doivent être précisées dans l'arrangement administratif conclu pour l'application de la convention.

L'article 34 permet de donner un même effet aux présentations de documents effectuées dans l'un ou l'autre des Etats parties. De même, en vertu de l'article 35, les exemptions de droits d'actes et de documents administratifs prévues par la législation de l'un des Etats parties sont applicables aux démarches réalisées dans l'autre Etat.

L'article 36 prévoit le paiement des prestations dans la monnaie de l'Etat dont la législation est appliquée.

L'article 37 énumère les attributions des autorités compétentes des deux Etats parties : conclure des arrangements administratifs pour l'application de la convention, désigner les organismes de liaison respectifs, se communiquer les mesures prises au plan interne pour l'application de la convention, informer les autorités de l'autre partie sur les modifications législatives dans les domaines visés par la convention.

L'article 38 instaure une commission mixte chargée de suivre l'application de la convention, les différends éventuels pouvant être réglés par voie d'arbitrage (article 39).

L'article 40 précise que les autorités, organismes et juridictions des deux Etats parties sont tenus d'accepter les documents rédigés dans la langue officielle de l'un des Etats parties.

Les articles 41 à 44 portent sur les dispositions transitoires et finales. Ils prévoient notamment que l'accord est conclu pour une durée indéterminée. L'entrée en vigueur de l'accord doit intervenir le premier jour du deuxième mois après que le dernier Etat ait notifié l'achèvement de sa procédure interne de ratification (article 44).

II. UNE CONVENTION UTILE AUX PLANS SOCIAL ET ÉCONOMIQUE

Le Chili est le seul pays d'Amérique latine avec lequel la France dispose d'une convention de sécurité sociale en vigueur, et ce depuis 2001. C'est l'Argentine qui a pris l'initiative de la négociation d'un accord bilatéral. Celle-ci s'est déroulée au cours de deux sessions, en décembre 2006 et en juin 2007, avant que la convention puisse être signée le 22 septembre 2008. Par ailleurs, la France et l'Uruguay ont récemment signé à Montevideo, le 6 décembre 2010, une convention de même nature. Des discussions sont également en cours avec le Brésil.

Bien que le nombre de personnes intéressées soit relativement modeste, ce type de convention bilatérale permet une réelle amélioration de leurs droits sociaux tout en contribuant à faciliter les courants d'échanges en favorisant la mobilité internationale.

A. UN NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES MODESTE, MAIS DES AVANCÉES APPRÉCIABLES

Il est difficile d'évaluer le nombre de personnes entrant potentiellement dans le champ d'application de la convention bilatérale de sécurité sociale franco-argentine.

Avec le Brésil et le Mexique, l'Argentine compte l'une des plus importantes communautés françaises d'Amérique latine, avec près de 15 000 inscrits au registre des Français établis hors de France , dont les deux-tiers environ de double nationaux, et plusieurs milliers de personnes non enregistrées auprès des services consulaires. L'une des particularités de cette communauté est de comprendre une forte proportion de descendants des quelques 350 000 Français ayant émigré en Argentine tout au long de la seconde moitié du 19 ème siècle et jusqu'à la première guerre mondiale. Nés en Argentine, ces Français ont conservé la nationalité de leurs ancêtres sans nécessairement continuer à cultiver des liens réguliers avec notre pays. Largement issue des classes moyennes, cette communauté a été durement frappée par la crise économique du début de la décennie . L'Argentine est le quatrième pays au monde pour le nombre de bénéficiaires de l'aide sociale versée aux Français établis hors de France.

S'agissant de la communauté argentine en France , on ne dispose pas de statistiques précises. Le rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale, M. Jean-Paul Bacquet, précise qu'elle pourrait être comprise entre 8 000 et 12 000 personnes selon les indications qui lui ont été fournies.

Schématiquement, la convention bénéficiera à deux catégories principales de personnes.

Il s'agit tout d'abord des personnes ayant tour à tour résidé dans l'un et l'autre pays . Ainsi, l'étude d'impact précise que grâce à la coordination entre les régimes de sécurité sociale instituée par la convention, les ressortissants français qui ont cotisé successivement aux régimes argentin et français bénéficieront d'une amélioration du montant de leur retraite , puisqu'ils pourront obtenir, grâce à la levée de la clause de résidence, le versement d'une pension de retraite argentine. La totalisation des périodes d'assurances dans les différents régimes français et argentins permettra d'élargir la base de calcul des pensions. Il faut noter que cette disposition profitera à certains Argentins revenus dans leur pays après avoir résidé en France durant la période de dictature.

Les personnels en expatriation temporaire constitueront la seconde catégorie de bénéficiaires, puisque le statut de détachement leur permettra de conserver le bénéfice des régimes de sécurité sociale du pays d'origine durant deux ans s'ils sont salariés et un an s'ils exercent une profession indépendante. Cette possibilité est particulièrement intéressante pour les expatriés français qui seront placés sous statut de détachés, étant donné le niveau inférieur des prestations des régimes argentins, qui impliquait la souscription d'une assurance complémentaire, par exemple auprès de la Caisse des Français de l'étranger.

B. UN INSTRUMENT FAVORABLE AU DÉVELOPPEMENT DU COURANT D'ÉCHANGES ENTRE LES DEUX PAYS

La convention de sécurité sociale entre la France et l'Argentine constitue un instrument d'accompagnement du renforcement des échanges économiques et financiers bilatéraux. En effet, l'implantation d'entreprises ou la réalisation d'investissements implique l'expatriation de cadres ou de techniciens, et cette dernière ne peut qu'être facilitée par des instruments bilatéraux de sécurité sociale.

Si la présence française a subi l'impact de la forte crise financière, économique et sociale qui a frappé l'Argentine dans les années 2000-2001, elle est restée importante et diversifiée, et bénéficie désormais du redressement économique du pays.

En effet, l'Argentine a connu une croissance moyenne de 7,5 % entre 2003 et 2010. Cette croissance a été stimulée par le dynamisme des exportations, en particulier agricole, les prix élevés des matières premières alimentaires et une demande intérieure alimentée par un accroissement des dépenses publiques de 35 % par an.

Les échanges bilatéraux franco-argentins ont atteint 1,6 milliard d'euros en 2010, soit une progression de 33 % par rapport à 2009. Sur ce montant, les exportations françaises vers l'Argentine représentaient plus de 1 milliard d'euros en 2010, soit une progression de 50 % par rapport à 2009. Le solde des échanges bilatéraux est excédentaire et s'établit à 473 millions d'euros en 2010, contre 174 millions d'euros en 2009 et 73 millions d'euros en 2008.

En 2010, la France était le 8 ème fournisseur de l'Argentine.

Les investissements français en Argentine ont connu un fort reflux au moment de la crise, les entreprises françaises du secteur bancaire ou attributaires de concessions de service public ayant été particulièrement pénalisées. L'Argentine retrouve cependant une attractivité certaine en raison des opportunités offertes par son marché intérieur et par l'intégration économique croissante avec le Brésil. Le stock des investissements directs français s'élevait à près de 1,5 milliard d'euros en 2009. On compte près de 250 entreprises françaises établies en Argentine, avec des positions fortes dans l'automobile (30 % du marché pour Renault et PSA), la grande distribution (40 % du marché), l'agroalimentaire (Danone et Bongrain) ou l'énergie (gaz pour Total, équipements électriques pour Schneider).

Il faut noter que le renforcement des échanges ne concerne pas le seul domaine économique. L'Argentine est un partenaire important en matière de coopération universitaire et scientifique, avec par exemple la création de laboratoires binationaux dans plusieurs secteurs de pointe (nanosciences, climat, astrophysique, médecine, informatique, nucléaire).

CONCLUSION

Cette convention destinée à faciliter la couverture sociale des Français en Argentine et des Argentins en France, à l'image des instruments qui nous lient à nombre de nos partenaires économiques, est de nature à renforcer les droits des personnes ayant exercé tour à tour une activité dans l'un et l'autre pays et à accompagner le renforcement de nos échanges avec l'Argentine, en éliminant certains obstacles à la mobilité professionnelle d'un pays vers l'autre, tout particulièrement en matière de préservation des droits sociaux.

Après la conclusion, au cours des années récentes, d'accords avec des pays tels que le Japon, la Corée ou l'Inde, elle complète l'ensemble des accords bilatéraux de sécurité sociale qui lient la France à ses principaux partenaires économiques.

Votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous demande d'adopter le projet de loi autorisant l'approbation de cette convention.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie sous la présidence de M. Josselin de Rohan, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du présent projet de loi le 1 er juin 2011.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi. Elle a également proposé qu'il fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique.


* 1 « Le système de protection sociale en Argentine : reconstruire après la crise » - Rapport d'information n° 305 (2006-2007) du 9 mai 2007 (http://www.senat.fr/rap/r06-305/r06-3051.pdf).

Page mise à jour le

Partager cette page