Rapport n° 618 (2010-2011) de M. Rémy POINTEREAU , fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, déposé le 15 juin 2011

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N° 618

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 juin 2011

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (1) sur la proposition de loi, présentée par MM. Christian DEMUYNCK, André LARDEUX, François TRUCY, Roland du LUART, Mmes Brigitte BOUT, Lucienne MALOVRY, MM. Dominique LECLERC, Raymond COUDERC, Pierre MARTIN, Marcel-Pierre CLÉACH, Alain MILON, Mme Esther SITTLER,
MM. Éric DOLIGÉ, Marcel DENEUX, Jean BIZET, Adrien GOUTEYRON, Christian CAMBON, Philippe LEROY, Auguste CAZALET, Alain DUFAUT, Michel MAGRAS, Rémy POINTEREAU, Gérard CÉSAR, Jackie PIERRE, François-Noël BUFFET, René BEAUMONT, Jean-Claude ETIENNE, Louis DUVERNOIS, Gérard BAILLY, Jean-Claude CARLE et Jean-Paul ALDUY, relative aux
certificats d' obtention végétale ,

Par M. Rémy POINTEREAU,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Emorine , président ; MM. Gérard César, Gérard Cornu, Pierre Hérisson, Daniel Raoul, Mme Odette Herviaux, MM. Marcel Deneux, Daniel Marsin, Gérard Le Cam , vice-présidents ; M. Dominique Braye, Mme Élisabeth Lamure, MM. Bruno Sido, Thierry Repentin, Paul Raoult, Daniel Soulage, Bruno Retailleau , secrétaires ; MM. Pierre André, Serge Andreoni, Gérard Bailly, Michel Bécot, Joël Billard, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean-Marie Bockel, Yannick Botrel, Martial Bourquin, Jean Boyer, Jean-Pierre Caffet, Yves Chastan, Alain Chatillon, Roland Courteau, Jean-Claude Danglot, Philippe Darniche, Marc Daunis, Denis Detcheverry, Mme Évelyne Didier, MM. Michel Doublet, Daniel Dubois, Alain Fauconnier, Alain Fouché, Serge Godard, Francis Grignon, Didier Guillaume, Michel Houel, Alain Houpert, Mme Christiane Hummel, M. Benoît Huré, Mme Bariza Khiari, MM. Daniel Laurent, Jean-François Le Grand, Philippe Leroy, Claude Lise, Roger Madec, Michel Magras, Hervé Maurey, Jean-François Mayet, Jean-Claude Merceron, Jean-Jacques Mirassou, Robert Navarro, Louis Nègre, Mmes Renée Nicoux, Jacqueline Panis, MM. Jean-Marc Pastor, Georges Patient, François Patriat, Jackie Pierre, Rémy Pointereau, Ladislas Poniatowski, Marcel Rainaud, Charles Revet, Roland Ries, Mmes Mireille Schurch, Esther Sittler, Odette Terrade, MM. Michel Teston, Robert Tropeano, Raymond Vall, René Vestri.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

720 (2009-2010) et 619 (2010-2011)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Des « blés de pays » d'il y a 150 ans, au blé tendre d'aujourd'hui, la recherche a transformé les végétaux, fait évoluer les variétés entraînant une amélioration spectaculaire de la production céréalière nationale, toutes espèces confondues, avec des hausses de rendement considérables.

La mise en oeuvre de méthodes scientifiques d'observation et de sélection par croisement a contribué à mettre à disposition des agriculteurs des variétés mieux adaptées à leur milieu, capables d'exprimer davantage leur potentiel génétique .

Les objectifs de production fixées par les Européens aux débuts de la politique agricole commune (PAC) ont été atteints non pas grâce à une augmentation des surfaces cultivées mais bien grâce à l'amélioration des rendements.

L'objectif alimentaire est aujourd'hui, plus que jamais déterminant, et impose de conserver un niveau élevé de productivité de nos cultures.

Mais il faut aussi adapter notre manière de produire au nouveau contexte, prendre en compte le changement climatique et les objectifs de durabilité pour préserver la capacité de la terre à continuer demain de nous nourrir.

La sélection variétale a un rôle considérable à jouer pour atteindre ces buts et les agriculteurs attendent des semenciers qu'ils répondent aux nouveaux enjeux en proposant de nouvelles variétés .

Ces progrès ne seront pas les produits du hasard ou de la chance. Ils ne seront possibles que si la recherche sur de nouvelles variétés reste dynamique, comme elle l'a été en France pendant des décennies.

Et cette recherche, privée pour l'essentiel, ne pourra être dynamique que si elle est financée, si les chercheurs peuvent espérer un juste retour de leurs efforts.

La protection juridique des droits de ceux-ci a été mise en place à travers un droit de propriété intellectuel original, distinct du brevet, appelé le certificat d'obtention végétale (COV) .

Si dans un premier temps, chaque pays a établi son propre dispositif, un cadre international a été fixé en 1961 avec l'adoption de la convention internationale sur la protection des obtentions végétales , avec une organisation internationale, l'Union pour les obtentions végétales (UPOV), chargée d'en surveiller l'application.

Offrant une protection des droits du créateur d'une variété nouvelle, pendant une durée limitée, ce système encourage cependant la recherche, puisqu'il autorise la création de variétés nouvelles par croisement de variétés existantes, même protégées, sans être débiteur de l'obtenteur des variétés utilisées initialement. C'est ce qu'on appelle le « privilège de l'obtenteur ».

Les progrès des biotechnologies ont imposé une modification de la convention UPOV en 1991.

Si les pays européens, en particulier la France, ont défendu depuis l'origine le modèle du COV, le débat sur la brevetabilité du vivant n'est pas clos et le système du brevet sur les plantes constitue une alternative au COV qui a aussi ses partisans .

Alors que plus de cent pays dans le monde n'ont pas encore choisi leur modèle de propriété intellectuelle sur les végétaux, l'absence de ratification par la France de la convention UPOV de 1991 contribue à fragiliser ce modèle .

L'existence d'un régime européen de protection des obtentions végétales, prévu par le règlement (CE) n° 2100/94 du 17 juillet 1994, et ses règlements d'application, rend la situation française actuelle d'autant plus bancale : en effet, le périmètre de protection offert par un COV européen est aujourd'hui différent du périmètre offert par un COV français.

Le Sénat avait voté en 2006, dix ans après son dépôt, un projet de loi relatif aux obtentions végétales, dont le processus de discussion, interrompu en 2007, est devenu caduc.

La proposition de loi présentée par notre collègue M. Christian Demuynck, très proche du texte adopté par le Sénat il y a cinq ans, permet de remettre l'ouvrage sur le métier.

En harmonisant notre droit national avec nos engagements internationaux, ce texte permettrait enfin de déposer auprès de l'UPOV les instruments de ratification de la convention de 1991 .

L'adoption de ce texte vise également à donner un statut légal aux semences de ferme , pratique courante et pourtant hors-la-loi lorsqu'elle concerne des variétés protégées par un droit de propriété intellectuelle.

Un accord interprofessionnel signé en 2001 concernant le blé tendre, aujourd'hui globalement bien accepté, a permis de trouver un certain équilibre entre agriculteurs et obtenteurs. Il s'agit avec la proposition de loi soumise au Sénat d'en fixer le cadre juridique et d'encourager l'élargissement à d'autres espèces d'accords du type de celui de 2001, dans l'intérêt mutuel des agriculteurs et des firmes semencières .

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LA SÉLECTION VÉGÉTALE : UNE ACTIVITÉ STRATÉGIQUE DONT LA PÉRENNITÉ NÉCESSITE UNE ADAPTATION DE SON CADRE JURIDIQUE

A. LA SÉLECTION VÉGÉTALE : UNE ACTIVITÉ STRATÉGIQUE POUR L'AGRICULTURE FRANÇAISE

1. La création de nouvelles variétés au coeur du progrès végétal
a) Le défi de l'amélioration des rendements et de la lutte contre les maladies des plantes

La domestication des espèces végétales est au fondement de l'activité agricole. Depuis 10 000 ans, les agriculteurs sont passés de la cueillette au semis, adaptant en permanence leurs pratiques en fonction des conditions climatiques ou encore de la nature des sols.

D'empirique, la sélection est devenue scientifique grâce d'abord aux progrès de la connaissance mais aussi grâce à la recherche appliquée, permettant par les techniques de croisement de créer des variétés nouvelles, plus résistantes et plus productives, adaptées au contexte cultural.

Le premier gain attendu de la sélection végétale est bien une amélioration du rendement dans les champs . L'adaptation des variétés et l'utilisation d'intrants - engrais, mais aussi produits phytosanitaires pour la protection des plantes contre les agresseurs du milieu naturel : insectes et autres parasites - y ont puissamment contribué.

Selon Paul Vialle, vice-président honoraire du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des Espaces ruraux (CGAAER) 1 ( * ) , « l'innovation variétale [...] est pour une part très significative responsable des gains de productivité enregistrés depuis plus de 50 ans dans les productions nationales ». ces gains sont en effet spectaculaires, s'élevant à 1,27 quintaux/hectare par an en blé tendre, 0,7 quintal/hectare par an en maïs, 56 kg/hectare en betterave à sucre.

Votre rapporteur souligne toutefois que depuis plus d'une décennie, les rendements ne progressent plus. Cette situation révèle certainement un affaiblissement de la recherche mais aussi une réorientation de celle-ci vers d'autres priorités. Ainsi, en blé tendre, les rendements moyens d'établissent désormais autour de 70 quintaux/hectare en France depuis près de 20 ans.

b) La recherche de nouvelles variétés pour faire face aux nouveaux défis

L'augmentation de la productivité au sens quantitatif du terme n'est plus le seul objectif de la sélection variétale. Le progrès variétal a en effet pris un tour plus qualitatif : il s'agit de rechercher des variétés plus adaptées au marché de la transformation , par exemple des blés à meilleure teneur en protéines ou des colzas « double-zéro 2 ( * ) ».

La recherche s'oriente également vers des variétés pouvant être cultivées en utilisant moins d'intrants : moins d'eau, mais aussi moins d'engrais chimiques et moins de pesticides, conformément aux objectifs du plan Ecophyto 2018.

L'article 31 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement a ainsi prévu que la politique génétique des semences et races domestiques aurait désormais pour objectif d'intégrer de nouveaux critères comme « la réduction progressive des intrants de synthèse et le maintien de la biodiversité, dont la biodiversité domestique ».

La recherche s'attelle donc au nouveau défi consistant à adapter les variétés nouvelles au changement climatique.

2. La filière semences : un atout pour la France
a) La filière semences en France et dans le monde

La filière semencière est ancienne et particulièrement structurée en France, en particulier dans le secteur des grandes cultures. Les liens étroits entre agriculteurs et sélectionneurs ont permis la construction d'une filière cohérente, bien organisée, de la sélection à la production des semences par multiplication, jusqu'à leur commercialisation .

D'après le Groupement national interprofessionnel des semences et plants (GNIS) 3 ( * ) , qui rassemble l'ensemble des professionnels de l'activité semencière française, la filière comptait, en 2009, 74 entreprises de sélection (qui déploient leurs recherches sur 140 stations de sélection à travers le territoire national), 241 entreprises de production qui font travailler 18 800 agriculteurs multiplicateurs de semences à travers des contrats de multiplication de semences. Il y aurait un peu plus de 300 000 hectares consacrés à la multiplication de semences.

Économiquement, le secteur semences et plants réalise un chiffre d'affaires de plus de 2,4 milliards d'euros. La France est premier producteur européen de semences et deuxième exportateur mondial. Le chiffre d'affaires des entreprises semencières françaises à l'international s'élève à 0,9 milliard d'euros.

b) Un effort de recherche nécessaire, qui doit être financé

La sélection nécessite une connaissance approfondie du fonctionnement des plantes, dans laquelle la recherche fondamentale mais aussi la recherche appliquée jouent un rôle essentiel.

La création de nouvelles variétés est un processus long, du fait des multiples croisements auxquels il est nécessaire de procéder pour stabiliser les caractères d'une variété d'intérêt et du temps incompressible correspondant aux multiplications successives indispensables avant de pouvoir commercialiser une nouvelle semence. Ces délais sont un peu plus réduits pour les variétés hybrides que pour les variétés en lignée pure 4 ( * ) .

Le progrès de la connaissance de la génétique des plantes a certes permis d'accélérer les processus de mise aux points de nouvelles variétés, mais on estime encore à une dizaine d'années le temps nécessaire pour leur élaboration.

Les entreprises spécialisées dans la sélection consacrent entre 10 et 15 % de leurs dépenses à la recherche et développement.

Il est donc nécessaire qu'il existe un retour sur investissement, faute de quoi la recherche appliquée se trouvera en panne de financement.

Or les espèces autogames 5 ( * ) , comme les céréales à paille offrent de grandes facilités de réutilisation sans déperdition et cette caractéristique ne facilite pas la perception de royalties par l'obtenteur.

Le risque est donc grand de voir de plus en plus d'opérateurs se détourner de la recherche dans ces secteurs, faute d'une protection juridique suffisante de leurs inventions.

Ce risque ne peut être ignoré car l'agriculture française a besoin d'une sélection variétale adaptée aux territoires pour répondre aux défis de son adaptation permanente. L'existence de stations de sélection dans les grandes régions céréalières permet d'observer et d'élaborer les variétés, au plus près des conditions dans lesquelles elles seront ensuite exploitées pour la production agricole et constitue une richesse pour notre agriculture.

B. UN CADRE JURIDIQUE QUI DOIT ÊTRE ADAPTÉ

1. Le cadre juridique international : l'Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV)
a) L'invention d'un dispositif alternatif au brevet : le certificat d'obtention végétale

Si l'outil le plus courant pour protéger la propriété intellectuelle est en principe le brevet, les spécificités des plantes ont justifié la mise en place d'un système particulier de propriété intellectuelle : le système des obtentions végétales .

Le brevet s'est révélé en effet mal adapté à deux égards :

- d'abord, le brevet risquait de bloquer le progrès végétal : en effet, ce progrès s'obtient par croisements successifs et devoir payer des royalties à chaque nouvelle étape au détenteur d'un brevet devient vite impossible ;

- ensuite, les plantes sont des organismes vivants en constante évolution et l'impératif de description exhaustive qui s'applique aux brevets paraît difficile à mettre en oeuvre .

Un droit de propriété intellectuelle plus souple a donc été créé et s'est matérialisé au niveau international en 1961 par la convention internationale pour la protection des obtentions végétales créant l'Union pour la protection des obtentions végétales (UPOV).

Cette convention crée un titre particulier de propriété intellectuelle, à travers le certificat d'obtention végétale (COV), qui donne à l'obtenteur un monopole d'exploitation commerciale de la variété protégée, pendant une certaine durée, fixée au minimum à 20 ans pour la plupart des espèces et 25 ans pour les plants de pommes de terre, les vignes et les arbres. Depuis 1991, les États membres de l'UPOV peuvent prolonger de cinq années la durée de protection.

Pour être protégée une variété doit être nouvelle, distincte de celles qui existent déjà, homogène et stable.

Comme le brevet, le COV crée un monopole d'exploitation commerciale mais celui-ci a une portée atténuée . Le COV se caractérise en effet par l'existence d'une « exception du sélectionneur » : toute personne peut utiliser la variété protégée pour créer une variété nouvelle. Il peut alors demander un COV pour cette nouvelle variété sans être débiteur du propriétaire du COV sur la première variété utilisée.

Il s'agit donc d'un système ouvert, encourageant la création variétale et la diversité végétale. Le COV évite ainsi l'appropriation privée du vivant et permet de « protéger sans confisquer ».

b) Les évolutions du système de l'UPOV et la convention de 1991

La convention sur l'UPOV de 1961 a été révisée à la marge en 1972 et en 1978. La révision de 1991, la dernière en date, a été plus substantielle, avec un triple apport :

- D'abord la convention de 1991 a réaffirmé la primauté du certificat d'obtention végétale sur le brevet . La révision de 1991 est en effet intervenue dans un contexte d'avancée des biotechnologies. Il s'agissait d'éviter que la brevetabilité sur les plantes s'impose par un moyen détourné, celui de la brevetabilité d'un gène.

Il est en effet possible de breveter un procédé technique permettant la reproduction ou la transformation génétique d'une plante, mais la présence d'un gène breveté ne remet pas en cause le COV. La convention de 1991 a ainsi prévu que le COV initial couvrirait également les variétés légèrement modifiée mais qui sont « essentiellement dérivées » de la variété protégée.

- Ensuite, la convention de 1991 a étendu la protection offerte par les COV de plusieurs manières :


• d'une part, toutes les espèces végétales doivent pouvoir être couvertes par un COV 6 ( * ) ;


• d'autre part, le droit exclusif de l'obtenteur concerne la production, la mise en vente et la commercialisation, mais aussi le conditionnement et la détention aux fins de production et de commercialisation, ainsi que l'importation et l'exportation, bref, tous les actes permettant l'exploitation de la semence.

- Enfin, la convention de 1991 a légitimé et encadré la pratique des semences de ferme .

La convention initiale avait ignoré la question. On peut considérer que la convention limitant la portée du COV aux actes de distribution de matériel de reproduction dans une optique commerciale, l'utilisation par l'agriculteur de semences autoproduites sur l'exploitation paraissait admise implicitement.

En 1991, le droit d'utiliser des semences de ferme a été précisé à l'article 15 de la convention : cette exception au droit de l'obtenteur n'est permise que « dans des limites raisonnables » et « sous réserve de la sauvegarde des intérêts légitimes de l'obtenteur », c'est à dire impliquant une compensation financière pour l'obtenteur.

Actuellement, l'UPOV compte 69 membres, qui reconnaissent le système des obtentions végétales et l'appliquent.

2. La protection juridique des obtentions végétales assurée au niveau européen
a) Le règlement de 1994

L'Union européenne est membre de l'UPOV depuis le 29 juin 2005. Cependant, elle avait adopté une réglementation des obtentions végétales très fidèle aux prescriptions de l'UPOV dès 1994, un grand nombre d'États membres de l'Union étant déjà adhérents à l'UPOV.

Le règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil du 27 juillet 1994 instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales avait pour but d'harmoniser les régimes de propriété intellectuelle dans les États membres, pour faciliter le commerce de semences dans le marché unique .

Le règlement reprend les mêmes définitions de la variété végétale que la convention UPOV. Il prévoit également les mêmes conditions de reconnaissance du droit d'obtention végétale que l'UPOV. Pour délivrer un certificat d'obtention, il faut que la variété présentée soit nouvelle, distincte de celles existant déjà, homogène et stable.

Le règlement prévoit la délivrance d'un COV européen, titre de propriété qui donne à l'obtenteur les privilèges prévus par la convention UPOV, c'est à dire une exclusivité sur la production, le conditionnement, la distribution, la détention, l'exportation et l'importation de la variété protégée. La protection offerte par le COV européen s'étend aux variétés essentiellement dérivées de la variété initiale.

Il crée également une exception au droit de l'obtenteur en permettant aux agriculteurs d'utiliser des semences de ferme pour leur propre consommation. Mais cette exception est limitée à 21 espèces 7 ( * ) , et exclut les hybrides, dont, il est vrai, l'utilisation comme semence de ferme n'est pas techniquement pertinente 8 ( * ) . Cette exception est subordonnée au paiement d'une rémunération équitable à l'obtenteur, sensiblement inférieure à la production de matériel sous licence, qui doit être fixée par accord entre l'agriculteur et l'obtenteur. Les petits agriculteurs sont exonérés de ce paiement.

Le COV européen est valable 25 ans, porté à 30 ans pour les plants de pommes de terre, les vignes et les arbres 9 ( * ) .

Le régime communautaire de protection des obtentions végétales a créé un cadre communautaire commun aligné de manière très stricte sur le cadre international fixé par la convention UPOV de 1991.

b) Un système européen de protection des obtentions végétales complémentaire des systèmes nationaux

Mais le système européen des obtentions végétales n'a pas remplacé purement et simplement les régimes nationaux en vigueur. En fait, les régimes nationaux et européens coexistent, et permettent à l'obtenteur de choisir soit de solliciter un COV européen, soit un COV national .

Le COV européen est délivré par l'Office communautaire des variétés végétales (OCVV). La protection communautaire couvre 17 610 variétés aujourd'hui 10 ( * ) . En 2010, l'OCVV a reçu 2 886 demandes d'attribution de COV européen (dont plus de la moitié concerne des plantes ornementales). Les COV ainsi attribués sont valables dans l'ensemble de l'Union européenne et le régime de propriété intellectuelle prévu par le règlement s'applique aux variétés ainsi protégées.

Il n'est pas possible de demander un COV national après avoir obtenu un COV européen pour la même variété. De même, une variété protégée dans au moins deux pays de l'Union européenne ne peut plus bénéficier d'un COV européen après l'expiration d'un délai d'une année à compter du début de sa protection par le droit national.

3. Le droit français : une nécessaire adaptation
a) Les semences : une commercialisation et une utilisation encadrées

Les semences sont soumises en droit français à un double encadrement juridique :

- D'abord, la commercialisation de semences n'est possible que si la variété concernée est inscrite au catalogue officiel français des espèces et variétés, qui existe depuis 1932 . Le catalogue officiel constitue un instrument de régulation de la création variétale, et un outil précieux d'information pour les agriculteurs.

Les variétés y sont inscrites par arrêté du ministre chargé de l'agriculture, sur proposition du Comité technique permanent de la sélection (CTPS). Une variété ne peut être inscrite que si elle est distincte des autres variétés existantes, homogène et stable (DHS). De plus, pour être inscrite, une nouvelle variété (à l'exception des espèces fruitières et potagères) doit apporter un progrès agronomique ou technologique, qui est mesuré à travers un test de Valeur Agricole et Technologique (VAT). Les tests sont effectués par le Groupe d'étude et de contrôle des variétés et des semences (GEVES).

Le catalogue français est articulé au catalogue européen, qui est alimenté par les catalogues nationaux . L'inscription au catalogue européen est automatique pour les variétés figurant dans les catalogues nationaux, sous réserve qu'aucun autre État membre de l'Union européenne ne s'y oppose.

La qualité technique des semences inscrites au catalogue vendues par les firmes semencières est attestée par leur certification . Celle-ci assure l'agriculteur que la semence qu'il achète est conforme aux caractéristiques décrites lors de son inscription au catalogue. La certification garantit aussi la stabilité dans le temps de la variété commercialisée.

- Ensuite, l'utilisation des semences est encadrée par un droit de la propriété intellectuelle : le COV donne un monopole d'exploitation sur la variété concernée à son titulaire . Concrètement, il est interdit d'utiliser une semence protégée par un COV, sauf accord du titulaire de ce COV. Cet accord a pour contrepartie une rémunération de l'obtenteur. Lorsqu'une semence est vendue à un agriculteur, son prix intègre une royaltie versée au titulaire du COV.

L'attribution d'un COV national est effectuée par le Comité pour la protection des obtentions végétales (CPOV). La variété présentée doit être nouvelle, et doit répondre aux trois mêmes critères de distinction, d'homogénéité et de stabilité (DHS) que pour l'inscription au catalogue.

La plupart des demandes de COV interviennent désormais au niveau européen, car ils assurent une protection juridique de l'obtenteur dans l'ensemble du territoire de l'Union européenne. Seules 10 % des demandes sont désormais présentées au niveau national. Toutefois, le moindre coût 11 ( * ) des demandes intervenant au niveau national et le caractère très restreint du territoire sur lequel la culture d'une variété est pertinente conduisent certains obtenteurs à ne pas réclamer de protection européenne.

b) L'obtention végétale française non conforme au cadre fixé par l'UPOV

Le cadre juridique national de protection de la propriété intellectuelle sur les variétés végétales a été mis en place par la loi du 11 juin 1970. Conforme aux dispositions de la première convention UPOV de 1961, ce texte a été intégré en 1992 au sein du chapitre III du titre II du livre VI de la deuxième partie du code de la propriété intellectuelle.

Sa rédaction actuelle n'est cependant pas compatible avec la dernière version de la convention UPOV de 1991 sur deux points essentiels :

- D'une part, la convention de 1991 a étendu le champ de la protection offerte par un COV aux variétés essentiellement dérivées d'une variété initiale, et ce afin d'éviter un contournement du droit de l'obtenteur par une transformation légère des variétés mises au point par d'autres obtenteurs.

- D'autre part, la convention a donné un cadre juridique autorisant la pratique des semences de ferme par les agriculteurs, contre une rémunération des obtenteurs , qui peut être inférieure à celle à laquelle ils auraient pu prétendre en vendant directement ou indirectement des semences certifiées. Or le droit français des obtentions végétales continue d'ignorer la semence de ferme, en faisant une pratique « hors la loi », pour les variétés protégées par un COV, faute d'accord de l'obtenteur.

- Enfin, la convention a été modifiée en permettant un allongement des durées de protection des COV , ainsi que sur des points plus secondaires, comme la possibilité d'attribution de licences obligatoires d'intérêt général. Toutes ces évolutions justifiaient une révision du code de la propriété intellectuelle.

II. LA PROPOSITION DE LOI : UNE REPRISE D'UN PROJET DE LOI QUE LE SÉNAT AVAIT VOTÉ

A. UN PROCESSUS LÉGISLATIF INTERROMPU

1. Un premier projet de loi, voté par le Sénat en 2006

La mise en application en France de la nouvelle convention UPOV de 1991 nécessitait de passer deux fois devant le Parlement : une première fois pour obtenir l'autorisation de ratifier la nouvelle convention et une seconde fois pour modifier le droit national afin de le mettre en conformité avec la convention, permettant ainsi le dépôt des instruments de ratification.

L'autorisation parlementaire de ratification de la convention a fait l'objet d'un projet de loi déposé fin 1996 mais son inscription à l'ordre du jour des deux Assemblées parlementaires n'est intervenue qu'en 2006 . Le processus a abouti à l'adoption de la loi n° 2006-245 du 2 mars 2006 autorisant la ratification de la révision de la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales 12 ( * ) .

Mais le dépôt des instruments de ratification n'était possible qu'à la condition d'adapter le droit français aux nouvelles règles de l'UPOV, afin de supprimer les dispositions incompatibles avec la version de 1991 de la convention.

C'était l'objet d'un second projet de loi modifiant le code de la propriété intellectuelle et le code rural, déposé également au Sénat fin 1996, et examiné en séance publique début 2006 13 ( * ) .

2. Un processus inachevé

Voté par le Sénat le 2 février 2006, ce texte a été transmis à l'Assemblée nationale mais son inscription à l'ordre du jour n'a pas été possible avant la fin anticipée de la XII ème législature, en raison de la dissolution parlementaire intervenue en 2007.

Or, en application d'une pratique parlementaire constante, à la fin d'une législature, les projets de loi en instance devant l'Assemblée nationale deviennent caducs, sauf s'ils font l'objet d'une nouvelle transmission à l'initiative du Gouvernement, qui n'est pas intervenue.

Cependant, une première adaptation du droit national avait eu lieu : en effet, la convention UPOV permettait l'allongement des durées de protection des COV. Plusieurs variétés de pommes de terre devant voir leur COV expirer en 2006, une proposition de loi avait été déposée par M. Jean Bizet et Mme Brigitte Bout, afin de porter la durée de protection de 20 à 25 ans sur l'ensemble des variétés, à l'exception des plants de pommes de terre, des vignes et des arbres dont la durée de protection a été portée de 25 à 30 ans, alignant ces durées sur celles en vigueur au niveau européen.

Cette modification très ciblée a pu être adoptée rapidement. La loi n° 2006-236 du 1er mars 2006 relative aux obtentions végétales 14 ( * ) constitue donc la première étape sur la voie de la mise en conformité de notre droit avec la convention UPOV.

Mais cette étape ayant aussi été la seule, la présente proposition de loi intervient pour résoudre une situation de blocage qui dure depuis cinq ans .

B. LA NÉCESSAIRE REPRISE DU PROCESSUS D'ADAPTATION DU DROIT FRANÇAIS EN MATIÈRE DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE SUR LES VÉGÉTAUX

1. Renforcer le système des COV face au brevet
a) La distinction entre COV et brevets

Le système de l'obtention végétale vise à atteindre un équilibre entre la protection du propriétaire et l'intérêt de l'utilisateur.

L'exception du sélectionneur constitue une originalité de ce système de propriété intellectuelle, plus ouvert que le système des brevets. Elle permet d'utiliser librement, sans contrepartie, les variétés existantes, même protégées, pour en créer de nouvelles et exploiter les fruits de cette création.

L'objectif de cette disposition est de favoriser la création variétale, d'empêcher tout blocage juridique de cette création. Sur le plan économique, ce système encourage à poursuivre les expérimentations, les croisements, à innover sans cesse.

Certes, le brevet ne privatise pas la connaissance : au contraire, l'inventeur a l'obligation de décrire son invention et rend ainsi public le résultat de ses investigations. Le droit exclusif conféré par le brevet ne s'étend pas non plus aux actes accomplis dans un cadre privé à des fins non commerciales ou à des actes accomplis à titre expérimental portant sur l'objet de l'invention brevetée 15 ( * ) . Mais cette exception n'est en soi pas une incitation à la recherche car le brevet rend impossible, quel qu'en soit sa forme ou son objet, l'utilisation d'une invention brevetée ou de ses fruits sans accord du propriétaire du brevet et versements à ce dernier de droits, avec le risque de placer l'utilisateur de l'invention brevetée dans une situation de dépendance totale.

Le système de l'obtention végétale encourage davantage la recherche variétale, et en tant que tel, il est défendu par la France dans le cadre international.

b) L'articulation du COV et des brevets : une confusion croissante

S'il est impossible de déposer des brevets sur des variétés dans leur ensemble, en revanche, le droit européen 16 ( * ) et le droit français permettent de breveter un gène et sa fonction ou un procédé technique ou microbiologique .

Les techniques de marquage moléculaire permettent de repérer la présence de gènes brevetés dans les plantes, et les obtenteurs qui intègreraient un gène protégé dans leur variété seraient dans l'obligation de s'entendre avec le propriétaire du brevet pour en faire l'exploitation commerciale.

Au demeurant, l'extension de la protection offerte à l'obtenteur par le COV aux variétés essentiellement dérivées, prévue par la convention UPOV de 1991, résultait du souhait du secteur semencier d'éviter que la modification d'un seul gène d'une plante suffise à faire perdre le bénéfice de la protection, en considérant la variété modifiée comme totalement nouvelle.

La brevetabilité du gène ne crée pas de droits du titulaire du brevet vis-à-vis de l'agriculteur : la loi n° 2004-1338 du 8 décembre 2004 relative à la protection des inventions biotechnologiques permet à l'agriculteur d'utiliser à des fins d'exploitation agricole sur sa propre exploitation le produit de sa récolte pour la reproduction ou la multiplication obtenue à partir de matériel de reproduction végétal incluant un brevet. Dans ce cas, l'agriculteur doit simplement indemniser le titulaire du certificat d'obtention végétale pour l'utilisation de semences de ferme, dans les conditions définies par le règlement européen de 1994.

La coexistence d'une double protection intellectuelle : l'une sous la forme de COV sur la variété et l'autre sous forme de brevet sur le gène présent dans la plante est source de confusions. Par ailleurs, il est difficilement compréhensible que la semence de ferme soit admise lorsqu'il existe un brevet sur un gène présent dans une plante et qu'elle ne le soit pas lorsqu'il n'existe pas de brevet, alors même que la variété concernée est susceptible, dans les deux cas, d'être couverte par le même certificat d'obtention végétale.

Il s'agit donc par cette proposition de loi de clarifier l'articulation entre brevet et obtention végétale et de réaffirmer la primauté du COV.

De plus, à l'heure où beaucoup de pays n'ont pas encore choisi leur système de propriété intellectuelle sur les végétaux, il est souhaitable de marquer l'attachement de la France au système de protection des obtentions, en permettant la ratification effective de la convention signée en 1991, pour faire de l'UPOV le cadre international de référence.

2. Mettre fin à une interdiction virtuelle en donnant un cadre juridique à l'utilisation de semences de ferme

Autorisée par la convention UPOV et par le règlement européen, les semences de ferme ne sont absolument pas considérées par le droit national.

Cette interdiction pose une double difficulté, au regard de la pratique courante des agriculteurs consistant à semer leurs champs avec des semences provenant de la récolte de l'année précédente :

- d'une part, elle se heurte à ce qui est considéré comme un droit ancestral qui se concrétise dans un usage très fréquent : les semences de ferme font partie du paysage agricole français. Et il paraît difficile d'établir une distinction aussi sévère entre variétés du domaine public qui peuvent être librement utilisées et variétés protégées, qui seraient totalement interdites ;

- d'autre part, il est incohérent d'autoriser la semence de ferme pour les variétés protégées par un COV européen, contre rémunération de l'obtenteur, tandis que les variétés couvertes par un COV français ne pourraient pas faire l'objet d'un tel usage.

Il est donc nécessaire de clarifier et simplifier le droit national.

SEMENCE DE FERME ET SEMENCE PAYSANNE

Ces deux notions sont parfois utilisées de manière indifférenciée, mais ne recouvrent pas les mêmes réalités :

- les semences de ferme sont des semences provenant de récoltes effectuées par l'agriculteur, et destinées à un nouvel emblavement la saison suivante, sur la même exploitation. La variété concernée peut être libre de droits ou protégée par un COV ;

- les semences paysannes sont le fruit d'un travail de sélection de l'agriculteur, sur des variétés du domaine public, souvent des variétés anciennes. La notion de semences paysannes est inconnue du droit de la propriété intellectuelle.

3. Permettre un juste financement de la recherche

Le financement de la recherche sur le végétal emprunte plusieurs voies : l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), organisme public de recherche, a joué pendant longtemps un rôle important dans la création variétale. Une de ses filiales, Agri Obtentions, est chargée de valorisation des variétés issues des recherches menées par l'INRA en génomique végétale et en amélioration des plantes. Mais le secteur ne saurait se contenter d'un seul opérateur.

L'existence d'une rémunération de l'obtenteur conditionne la capacité des acteurs de la recherche à poursuivre leurs efforts . Cet enjeu est d'autant plus essentiel que la période de développement de nouvelles variétés est longue (de 7 à 12 ans environ, selon les espèces et les types de variétés : la recherche est plus rapide en hybrides qu'en lignées pures).

Les professionnels du monde agricole ont exprimé durant les auditions leurs craintes de voir la recherche se détourner de certaines espèces. L'orientation privilégiée de la recherche des firmes semencières vers les espèces allogames, comme le maïs, où dominent les variétés hybrides, n'est pas surprenante. Les hybrides se prêtent mal en effet à la pratique des semences de ferme. Ils ont une aptitude naturelle à résister au non-respect de la propriété intellectuelle que n'ont pas les espèces plus facilement reproductibles en semences de ferme, à coût faible.

Or, notre agriculture aurait beaucoup à perdre en cas d'abandon des recherches de nouvelles variétés sur les plantes autogames, comme le blé ou l'orge.

Cette proposition de loi vise donc à trouver un mode de rémunération du travail de recherche des obtenteurs suffisamment attractif pour que les entreprises de sélection ne se détournent pas d'espèces cultivées indispensables à notre territoire .

C. UN TEXTE ÉQUILIBRÉ

Le texte de la proposition de loi est assez proche de celui voté par le Sénat en 2006. Divisé en deux chapitres, il est marqué par un souci d'équilibre et de cohérence tant par rapport au texte de la convention UPOV que par rapport au régime communautaire de protection des obtentions végétales défini par le règlement de 1994 et ses règlements d'application.

- Les articles 1 er et 2 permettent de définir la variété végétale sur laquelle un droit de propriété intellectuelle peut s'appliquer : il s'agit de toute variété au sens botanique, répondant à un génotype ou à une combinaison de génotypes, qui se distingue des autres variétés connues, est homogène et reste stable après plusieurs cycles de reproduction ou de multiplication. Il s'agit là d'une reprise de la définition de l'UPOV, qui ne diffère pas pour l'essentiel de la définition actuelle de la variété.

- L' article 3 étend le droit d'exclusivité dont bénéficie le titulaire du COV sur une variété à l'ensemble des actes économiques qui peuvent la concerner, de la production à la distribution. Il fait aussi entrer la notion de variété essentiellement dérivée en droit français, étendant aussi, comme le permet la convention UPOV, le champ d'application du COV.

- L' article 4 définit les limites des droits de l'obtenteur , dont la plus importante est à la base de l'originalité du système des obtentions végétales : le privilège de l'obtenteur.

- L' article 5 précise ce qu'il faut entendre par une nouveauté en matière de variété végétale.

- Les articles 6, 7, 8 et 9 procèdent à différents ajustements dans le droit existant concernant la procédure de reconnaissance des obtentions végétales : demande de certificat, conditions d'examen des demandes, publicité des certificats accordés.

- L' article 10 crée une licence obligatoire d'intérêt public dans le cas où un obtenteur ne serait pas en mesure d'exploiter effectivement le COV qu'il détient. Au delà de l'innovation, le texte vise donc bien à favoriser sa diffusion, ainsi que la mise en pratique au profit de l'agriculture des avancées techniques permises par la recherche.

- Les articles 11, 12 et 13 17 ( * ) ont également procédé à différentes modifications mineures , conformes aux modifications de la convention UPOV de 1991.

- L' article 14 met en place au profit des agriculteurs un régime général d'autorisation d'utilisation des semences de ferme sur les variétés protégées par un COV. Cette autorisation est toutefois assortie d'une obligation de verser une indemnité à l'obtenteur, établie d'un commun accord, ou à défaut par décret. L'idée d'une instance paritaire chargée de définir les conditions d'indemnisation de l'obtenteur a été abandonnée, laissant la place à un dispositif plus simple faisant intervenir l'État, en l'absence d'accord des parties.

- L' article 15 précise le régime de responsabilité civile applicable en cas d'atteinte volontaire aux droits d'un obtenteur.

- Les articles 16 et 17, composant le chapitre II, définissent les modalités d'application de la loi, dans le temps, et dans certaines collectivités ultramarines.

Les dispositions qui visaient à préciser et conforter le système de contrôle sur l'activité semencière, appliquant à l'ensemble du végétal le même régime que celui qui existe pour les bois et plants de vigne, qui figuraient dans la loi votée en 2006, n'ont pas été reprises dans la proposition de loi.

III. LE TEXTE DE VOTRE COMMISSION

Votre rapporteur partage pleinement la philosophie du texte présenté par M. Christian Demunyck. Les modifications apportées par votre commission sont donc limitées :

- A l'initiative de votre rapporteur, la commission a modifié l'article 1 er afin de limiter la définition de la variété au seul champ du code de la propriété intellectuelle, et ce afin de permettre que cette définition n'empêche pas l'évolution des critères d'inscription au catalogue officiel, notamment pour des variétés dites « population 18 ( * ) », qui peuvent être d'une plus grande variété génétique que celle retenue pour définir une variété aux fins d'attribuer un COV.

- A l'initiative de M. Daniel Raoul, la commission a modifié l'article 2 pour exiger que l'obtention sanctionne un réel travail de recherche et non la simple découverte d'une variété existant déjà à l'état naturel.

- A l'initiative de votre rapporteur, la commission a également modifié l'article 14 , afin de prévoir une place pour les accords interprofessionnels définissant les conditions d'utilisation des semences de ferme.

- Deux autres amendements ont été adoptés, à l'initiative de votre rapporteur, pour préciser le champ d'application de la loi, aux articles 16 et 17 .

Par ailleurs, la commission a, sur proposition de votre rapporteur, complété le texte de la proposition de loi par deux dispositions qui lui ont paru nécessaires à l'issue des auditions :

- Un article additionnel a été introduit pour permettre la mise en oeuvre effective des engagements pris par la France dans le cadre du traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture (TIRPAA) signé à Rome en 2001. Le nouvel article détermine les types de ressources phylogénétiques qui pourront être versées à la collection nationale créée par la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP) en 2010. Les modalités pratiques de cette conservation des variétés anciennes intéressantes seront déterminées par décret.

- Un autre article, de nature plus technique, modifie la dénomination et le statut juridique du CPOV en le transformant en instance nationale intégrée au sein d'un groupement intérêt public (GIP). Il s'agit d'une mesure de rationalisation administrative, qui permettra de rapprocher la délivrance des certificats de l'instruction technique des dossiers placée sous l'égide du Groupement d'étude des variétés et des semences (GEVES), tout en préservant l'indépendance des intervenants dans cette procédure.

EXAMEN DES ARTICLES

CHAPITRE Ier - Dispositions modifiant et complétant le code de la propriété intellectuelle
Article additionnel avant l'article 1er (nouveau) (articles L. 412-1 et L.623-16 du code de la propriété intellectuelle)

Commentaire : cet article additionnel modernise le statut de l'autorité nationale chargée de délivrer les certificats d'obtentions végétale.

I. Le droit en vigueur

Le comité de la protection des obtentions végétales (CPOV) est chargé de l'attribution des COV nationaux . Son statut est celui d'un service de l'État, sans personnalité morale.

Il dispose, pour le soutien logistique de son activité, d'un secrétariat général, prévu à l'article R. 412.10 du code de la propriété intellectuelle (CPI).

Il est rattaché à l'INRA et les agents auxquels le secrétaire général fait appel sont des agents titulaires de l'INRA. Le budget du CPOV est également un budget annexe de l'INRA. Mais en raison de l'évolution des règles budgétaires applicables aux établissements publics de recherche, le budget annexe du Comité suit des règles différentes de celui de l'INRA et la Cour des comptes a formulé des observations à cet égard tendant à rechercher un autre rattachement.

Le CPOV est une structure de faible taille, composée de 3 personnes, dont l'activité est centrée sur la gestion administrative des COV. En effet, l'examen technique nécessite des compétences spécialisées. Il est donc délégué au GEVES.

Il est par ailleurs difficile au CPOV d'être très réactif, à l'instar d'autres instances nationales ou européennes qui peuvent délivrer les titres de propriété intellectuelle dès que les investigations techniques sont achevées.

II. La position de votre commission

Pour ces raisons, votre rapporteur propose par cet amendement tendant à insérer un article additionnel de remplacer le CPOV et son secrétariat général par une instance nationale des obtentions végétales placé au sein du GEVES, qui a un statut juridique de GIP comprenant notamment l'État et l'INRA.

Cette modification permettra de clarifier le positionnement de l'instance de délivrance des COV nationaux et d'améliorer son fonctionnement, en l'adossant à une structurer plus importante.

Le 1° du I de cet article additionnel propose une nouvelle rédaction du chapitre II du titre Ier du livre IV de la deuxième partie du CPI, qui contient un seul article L. 412-1 relatif au CPOV :

Tout d'abord, l'intitulé du chapitre est modifié : le CPOV est remplacé par une instance nationale des obtentions végétales.

Ensuite, il est précisé que les fonctions de cette instance sont assurées dans le cadre d'un GIP associant l'État et l'INRA.

Ces fonctions sont doubles : mettre en oeuvre les lois et règlements sur les obtentions végétales, notamment en délivrant les COV nationaux, et apporter son appui à l'État pour l'élaboration des règles nationales et internationales sur le sujet, par exemple en siégeant au sein des comités de l'UPOV.

La personne responsable des missions relatives à la délivrance des certificats est désignée par le ministre chargé de l'agriculture, mais ne serait pas soumise à l'autorité de tutelle dans l'exercice de l'activité de délivrance de certificats, offrant ainsi des garanties d'indépendance et d'impartialité .

Le 2° du I de cet article additionnel transfère le produit des redevances versées par les obtenteurs du budget annexe de l'INRA au budget du GIP.

Le II procède à une coordination en remplaçant dans l'ensemble des dispositions législatives en vigueur l'expression « comité de la protection des obtentions végétales » par l'expression « instance nationale des obtentions végétales ».

Cet article additionnel devra être suivi des dispositions réglementaires nécessaires permettant le rattachement fonctionnel de l'instance nationale des obtentions végétales au GIP GEVES.

Votre commission a adopté cet article additionnel.

Article 1er (Article L. 623-1 du code de la propriété intellectuelle)

Commentaire : cet article définit la notion de variété végétale.

I. Le droit en vigueur

Le CPI ne définit pas ce qu'est une variété susceptible de faire l'objet d'un COV.

La variété n'est pas davantage définie dans les textes qui encadrent la mise sur le marché des semences :

Le décret n° 81-605 du 18 mai 1981 pris pour l'application de la loi du 1 er août 1905 sur la répression des fraudes en ce qui concerne le commerce des semences et plants confie au ministre chargé de l'agriculture le soin de tenir un « catalogue comportant la liste limitative des variétés ou types variétaux dont les semences et plants peuvent être mis sur le marché sur le territoire national ». Mais ce décret ne précise pas comment on identifie une « variété ». Tout au plus est-il précisé que pour être inscrite au catalogue, une variété doit être distincte, stable et suffisamment homogène, conditions qui s'imposent également pour bénéficier d'un COV .

L'article D. 661-3 du code rural et de la pêche maritime confie au CTPS les missions relatives à la préparation de l'établissement du catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées admises sur le territoire national. Mais là encore, nulle définition de la variété.

Finalement, il n'y a que dans le domaine de la vigne que le droit national donne une définition précise de la variété : l'article L. 661-26 du code rural et de la pêche maritime, modifié en 2004, définit la variété comme un ensemble végétal d'un seul taxon botanique, du rang le plus bas connu, distinct, stable et homogène, et qui doit être :

a) Défini par l'expression des caractères résultant d'un certain génotype ou d'une certaine combinaison de génotypes ;

b) Distingué de tout autre ensemble végétal par l'expression d'au moins un desdits caractères ;

c) Considéré comme une entité eu égard à son aptitude à être reproduit sans changement.

En dehors de la vigne, il faut donc s'en référer au sens commun pour définir la variété.

ESPÈCES ET VARIÉTÉS

- Il existe plusieurs définitions scientifiques de l'espèce. Cependant, la plus communément admise consiste à considérer l'espèce comme une population dont les individus peuvent effectivement ou potentiellement se reproduire entre eux et engendrer une descendance viable et féconde, dans des conditions naturelles.

- Chaque espèce peut se subdiviser en une multitude de variétés, de rang taxinomique inférieur, qui ont des caractéristiques repérables, qui les distinguent des autres variétés de la même espèce. Pour être reconnue, la variété doit, en outre, pouvoir être reproduite sans changement : une variété est donc en principe figée dans ses caractères distinctifs.

II. Le texte de la proposition de loi

L'article 1 er de la proposition de loi reprend la rédaction de l'article 2 du projet de loi voté par le Sénat en 2006 afin de définir la variété.

Cette définition reprend fidèlement à la fois la définition de la variété posée par l'article 1 er de la convention UPOV de 1991 et celle, qui s'en inspire directement, posée par l'article 5 du règlement (CE) n° 2100/94.

La variété est identifiée dans la nouvelle rédaction proposée pour l'article L. 623-1 du CPI comme un ensemble végétal d'un taxon botanique qui soit du rang le plus bas connu, c'est à dire figurant au plus bas du système de classification des végétaux , avec trois caractéristiques :

- d'abord, une variété doit être repérable par un génotype 19 ( * ) particulier, qui lui est propre, pour les variétés dites ligne-pure, ou par une combinaison de génotypes, pour les variétés hybrides ;

- ensuite, la variété doit se distinguer des autres par une caractéristique observable, qui ainsi s'exprime ;

- enfin, la variété doit pouvoir être reproduite ou multipliée conforme de génération en génération.

GÉNOTYPE ET PHÉNOTYPE

Le génotype est constitué de l'ensemble des gènes d'un organisme. Chaque gène peut être décrit sous forme de séquence d'acide désoxyribonucléique (ADN). Le génotype est commun à un ensemble d'individus.

Le phénotype se définit comme l'ensemble des caractères observables d'un individu. Il est déterminé par le génotype mais il dépend aussi largement de l'expression des gènes. Le milieu a un impact non négligeable sur celle-ci.

III. La position de votre commission

Définir la variété est nécessaire à la mise en oeuvre du système des COV et celle proposée est tout à fait conforme au droit international et européen.

Mais votre commission a souhaité apporter une précision, en adoptant un amendement présenté par votre rapporteur .

Il n'est en effet pas souhaitable d'étendre la définition de la variété au delà du CPI.

La notion de variété est utilisée pour l'attribution d'un COV mais aussi pour l'établissement du catalogue. Or, un catalogue des variétés anciennes a été mis en place à côté du catalogue officiel mentionné plus haut, pour préserver les variétés potagères ne présentant plus d'intérêt commercial ou les variétés de conservation, menacées d'érosion génétique 20 ( * ) . L'inscription de variétés à ce catalogue comporte des exigences liées à leur identification moins fortes que celles requises pour l'inscription au catalogue des semences et plants, tel qu'il existe aujourd'hui.

Par ailleurs, définir de la même manière la variété dans l'optique d'une attribution de COV et dans l'optique d'une inscription au catalogue empêcherait l'évolution du catalogue vers l'inscription de variétés dites population, avec un niveau d'homogénéité entre les individus de la variété plus réduit. Or l'inscription au catalogue de variétés population est préconisée par le rapport Vialle précité 21 ( * ) .

Pour toutes ces raisons, il est proposé de restreindre le champ d'application de la nouvelle définition de la variété au seul chapitre III du titre II du livre VI de la deuxième partie du CPI, relatif aux obtentions végétales.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2 (articles L. 623-2 et L. 623-3 du code de la propriété intellectuelle)

Commentaire : cet article définit les conditions de reconnaissance d'une obtention végétale susceptible de faire l'objet d'un certificat d'obtention végétale.

I. Le droit en vigueur

Pour bénéficier d'une reconnaissance de l'obtention végétale et pouvoir être titulaire du certificat et du monopole d'exploitation qui s'y attache, une variété doit réunir aujourd'hui quatre caractéristiques reprises à l'article L. 623-1 du CPI :

- elle doit être nouvelle , ce qui exclut de la possibilité de reconnaissance des variétés déjà connues, soit protégées par un COV, soit appartenant au domaine public ;

- elle doit se différencier nettement des variétés analogues déjà connues par un caractère important, précis, et peu fluctuant ;

- elle doit être homogène ;

- enfin, elle doit être stable , c'est à dire rester identique à sa définition initiale à l'issue de chaque stade de multiplication.

Cette définition garantit qu'un seul COV puisse être distribué pour une variété particulière.

II. Le texte de la proposition de loi

Là encore, le texte proposé par l'article 2 de la proposition de loi reprend la rédaction de l'article 3 du projet de loi voté par le Sénat en 2006, et s'avère extrêmement conforme aux conditions d'octroi du droit d'obtenteur fixé par les articles 5 à 9 de la convention UPOV de 1991 et par les articles 6 à 10 du règlement (CE) n° 2100/94.

La nouvelle rédaction à l'article L. 623-2 reprend largement l'actuel article L. 623-1 du CPI. Au passage, la disposition du code actuelle prévoyant l'interdiction de breveter les variétés végétales disparaîtra.

Cette suppression ne met en aucune manière fin à l'interdiction de brevetabilité sur le vivant, qui figure désormais à l'article L. 611-19 du CPI, suite à l'adoption de la loi n° 2004-1338 du 8 décembre 2004 relative à la protection des inventions biotechnologiques.

En réalité, cette nouvelle rédaction de l'article L. 623-2 supprime une mention inutile car redondante. Le brevet sur les obtentions végétales reste bien et bel interdit en droit français .

L'INTERDICTION DE LA BREVETABILITÉ DU VIVANT

La brevetabilité du vivant est une question autant éthique que juridique.

La directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques interdit la brevetabilité du corps humain ou encore des variétés végétales, mais elle permet la brevetabilité de procédés techniques qui concernent le vivant.

L'article L. 611-19 a transposé en droit français les dispositions de la directive et précise depuis 2004 que ne sont pas brevetables :

« 1° Les races animales ;

« 2° Les variétés végétales telles que définies à l'article 5 du règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil, du 27 juillet 1994, instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales ;

« 3° Les procédés essentiellement biologiques pour l'obtention des végétaux et des animaux ; sont considérés comme tels les procédés qui font exclusivement appel à des phénomènes naturels comme le croisement ou la sélection ;

« 4° Les procédés de modification de l'identité génétique des animaux de nature à provoquer chez eux des souffrances sans utilité médicale substantielle pour l'homme ou l'animal, ainsi que les animaux issus de tels procédés. »

En revanche, les procédés techniques utilisant de la matière biologique sont brevetables.

Le I de cet article propose donc une nouvelle rédaction pour l'article L. 623-2 du CPI reprenant et précisant les quatre critères qui existent déjà et permettent jusqu'à présent la reconnaissance de l'obtention végétale par le CPOV :

- la nouveauté : les conditions dans lesquelles une nouvelle variété n'est plus considérée comme telle sont précisées à l'article 5. Votre rapporteur note que cette exigence de nouveauté suppose un travail de mise au point du sélectionneur, qui doit avoir créé ou découvert puis développé une variété, afin de la stabiliser et de l'homogénéiser. Il n'y a en effet pas de sélection possible sans un patrimoine végétal de base mais il n'y a pas non plus d'enrichissement de ce patrimoine végétal sans travail du sélectionneur et seul ce travail doit pouvoir ouvrir un droit d'obtenteur.

- la distinction : il n'est pas possible de reconnaître une obtention végétale qui ne serait pas originale par rapport aux variétés existantes. La rédaction proposée par la proposition de loi est plus proche des termes de la convention UPOV de 1991 et du droit européen. Les termes imprécis de l'actuel article L. 623-1 du CPI pour repérer la distinction sont donc remplacés.

- l' homogénéité : elle suppose que l'ensemble des individus qui composent la variété soient identiques dans les caractères essentiels. Le texte introduit toutefois une réserve permettant une variation prévisible compte tenu des particularités de la reproduction ou de la multiplication végétative des variétés concernées.

- la stabilité constitue le dernier critère. La manière d'appréhender ce critère ne change pas par rapport au droit existant.

Ces critères sont au coeur de l'analyse qui incombe à l'autorité de délivrance des certificats d'obtention végétale, le CPOV, qui confie les examens techniques de distinction, homogénéité et stabilité (test du DHS) au GEVES 22 ( * ) .

Le II de cet article procède à plusieurs coordinations internes au CPI.

III. La position de votre commission

Devant la commission, M. Daniel Raoul a estimé que les termes de l'article 2 risquaient d'ouvrir la voie au dépôt d'obtentions végétales sur des variétés naturelles pour lesquelles il n'y aurait pas eu d'intervention du sélectionneur. Il a donc défendu un amendement tendant à supprimer la possibilité d'accorder un COV à un obtenteur qui n'aurait que découvert une variété existant à l'état naturel .

En effet, le droit de propriété intellectuelle doit être la contrepartie d'un travail du sélectionneur.

Ce point faisant consensus, l'amendement a été adopté par la commission, réservant le COV aux variétés « créées et développées » par un obtenteur.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 3 (article L. 623-4 du code de la propriété intellectuelle)

Commentaire : cet article précise l'étendue du droit accordé à l'obtenteur d'une variété nouvelle. Il étend notamment la protection offerte par un certificat d'obtention végétale aux variétés essentiellement dérivées de la variété initiale.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 623-4 du CPI, dans sa rédaction actuelle, précise l'étendue du droit exclusif de l'obtenteur titulaire d'un COV national.

Selon le premier alinéa de cet article, l'obtenteur dispose d'un monopole pour produire, introduire sur le territoire et vendre la plante issue de la variété sélectionnée, le matériel de reproduction (c'est à dire les semences), et les hybrides nécessitant l'emploi répété de la variété protégée. Le droit de l'obtenteur est donc très large.

Le second alinéa atténue la portée du premier en confiant à des décrets en Conseil d'État le soin de rendre applicable ce monopole aux différentes espèces, en fonction de l'état de la science et des progrès des moyens de contrôle. Les décrets doivent aussi préciser sur quels éléments de plante porte le droit exclusif de l'obtenteur.

L'article R. 623-57 du CPI, issu du décret n° 95-1407 du 28 décembre 1995, retient une définition très large de l'étendue du droit du titulaire du COV puisque, pour l'ensemble des variétés existantes, le droit de l'obtenteur porte « sur tous les éléments de reproduction ou de multiplication végétative de la variété considérée ainsi que sur tout ou partie de la plante de cette variété ».

II. Le texte de la proposition de loi

L'article 3 de la proposition de loi reprend à quelques mots près l'article 4 du projet de loi examiné au Sénat en 2006. Ses apports principaux sont de deux ordres par rapport au droit existant :

- les droits de l'obtenteur sont étendus à davantage d'actes, comme le prévoit la convention UPOV de 1991 ;

- la protection offerte par le COV s'étend aux variétés essentiellement dérivées (VED) de la variété initiale protégée, afin de lutter contre le contournement du droit de propriété intellectuelle de l'obtenteur.

Le I de l'article L. 623-4 du CPI , dans sa nouvelle rédaction, prévoit que le titulaire du COV dispose d'un droit exclusif à l'égard de sept catégories d'actes qui concernent la variété protégée : production et reproduction, conditionnement aux fins de reproduction ou multiplication, offre à la vente, vente ou toute autre forme de commercialisation, exportation, importation et enfin détention en vue d'un de ces actes.

La rédaction de la loi française est alignée sur ce point sur celles de l'article 14 de la convention UPOV de 1991 et de l'article 13 du règlement européen 2100/94.

Le II étend le droit exclusif de l'obtenteur, lorsque celui-ci n'a pas donné son autorisation pour l'utilisation de la variété protégée aux produits de la récolte et aux produits fabriqués à partir de la récolte de la variété protégée.

Le III indique que le droit exclusif de l'obtenteur demeure à l'égard des variétés qui ne se distinguent pas clairement de la variété protégée (alinéa 7) ou lorsque l'utilisation répétée de la variété protégée est nécessaire pour produire de nouvelles plantes (alinéa 8).

L' alinéa 7 paraît redondant par rapport à l'article L. 632-2 du CPI qui prévoit que pour être reconnue, une variété nouvelle doit être distincte, homogène et stable (DHS). Imposer de nouveau le critère de distinction est curieux mais pas incohérent.

L' alinéa 8 , pour sa part, apporte une précision importante, afin de se prémunir contre les effets des techniques de rétrocroisement (back-crossing).

Le IV comprend la novation importante apportée par la convention UPOV de 1991 : le droit du titulaire du COV s'étend à la variété essentiellement dérivée de la variété initiale.

Le texte proposé reprend très fidèlement la définition de la variété essentiellement dérivée (VED) donnée par la convention UPOV de 1991 et le droit européen. On repère une VED grâce à trois caractéristiques :

- elle est principalement dérivée de la variété initiale ;

- elle se distingue nettement de cette dernière, et à ce titre, pourra faire l'objet d'un COV spécifique, mais toute commercialisation sera subordonnée à un accord avec le titulaire du COV sur la variété initiale ;

- elle est conforme à la variété initiale dans l'expression des caractères essentiels résultant du génotype ou de la combinaison de génotypes de la variété initiale.

La définition d'une VED est apparue particulièrement obscure durant les débats au Sénat en 2006. Le document comportant des orientations en vue de la rédaction de lois fondées sur l'acte de 1991 et la convention UPOV, adopté par le Conseil de l'UPOV le 22 octobre 2009, donne cependant quelques indications en indiquant que : « les variétés essentiellement dérivées peuvent être obtenues, par exemple, par sélection d'un mutant naturel ou induit ou d'un variant somaclonal, sélection d'un individu variant parmi les plantes de la variété initiale, rétrocroisements ou transformation par génie génétique ».

Concrètement, les cas de VED peuvent être difficiles à identifier. Certaines variétés très proches seraient cependant susceptibles d'entrer dans cette catégorie (comme le maïs Adonis, très proche de la variété Déa).

III. La position de votre commission

L'extension de la protection du droit exclusif de l'obtenteur aux variétés essentiellement dérivées constitue une des principales nouveautés de la convention UPOV de 1991.

Cet article est donc nécessaire pour adapter notre droit au nouveau cadre juridique international applicable aux obtentions végétales. Notons au passage que les COV européens couvrent déjà les variétés essentiellement dérivées.

Bien que très technique et, partant, difficilement lisible, cet article paraît conforme à la convention UPOV et aligne la protection offerte par le COV national sur le COV européen.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 4 (article L. 623-4-1 [nouveau] du code de la propriété intellectuelle)

Commentaire : cet article pose les limites du droit exclusif de l'obtenteur. L'une des limites de ce droit crée une différence importante entre certificat d'obtention végétale et brevet : il s'agit du privilège de l'obtenteur, qui permet à chacun d'utiliser les variétés protégées pour en créer de nouvelles.

I. Le droit en vigueur

Le CPI, dans sa rédaction actuelle, ne précise pas les limites du droit de l'obtenteur. Ces limites se déduisent de la portée de ce droit, défini à l'actuel article L. 623-4 dudit code.

Or la convention UPOV de 1991 a défini les limites du droit de l'obtenteur. Il est donc nécessaire sur ce point de modifier notre cadre législatif pour le rendre conforme à la convention UPOV.

II. Le texte de la proposition de loi

Cet article crée un nouvel article L. 623-4-1 du CPI. Sa rédaction est strictement identique à celle de l'article 5 du projet de loi voté par le Sénat en 2006.

Le I de l'article L. 623-4-1 du CPI prévoit un libre accès à la ressource végétale protégée par le COV dans trois cas, prévus par le 1) de l'article 15 de la convention UPOV de 1991 et existant déjà dans le cadre du COV européen, en vertu de l'article de l'article 15 du règlement (CE) n° 2100/94.

- Le premier cas ( ) concerne les actes accomplis à titre privé et à des fins non commerciales : ainsi les jardiniers amateurs ont la possibilité d'utiliser des semences protégées par un COV pour leur propre production, sous réserve que celle-ci ne dérive pas vers une exploitation commerciale. Aucune autorisation ni aucun versement de royalties n'est exigé. Votre rapporteur souligne au passage que cette exception à la protection offerte par les COV au bénéfice d'un usage privé et non commercial existe aussi en matière de brevets, en application de l'article L. 613-5 du CPI.

- Le deuxième cas ( ) concerne les actes accomplis à titre expérimental . Là encore, cette exception au droit de propriété intellectuelle est classique et existe aussi en matière de brevet : les chercheurs peuvent librement mener leurs expérimentations à partir de matériels brevetés (lorsqu'il ne s'agit pas de variétés végétales) ou de variétés végétales protégées par un COV. C'est au moment de l'exploitation commerciale des résultats de la recherche que le monopole du titulaire initial du droit de propriété intellectuelle est sensé reprendre ses droits.

- Le troisième cas ( ) est plus original puisqu'il permet de distinguer fortement le brevet du COV, à travers « l'exception du sélectionneur », pilier du droit de propriété intellectuelle sur les variétés végétales : chacun est libre de croiser les variétés entre elles, de les faire évoluer pour en créer une nouvelle. L'obtenteur d'une variété ainsi créée ne sera pas redevable à l'obtenteur des variétés qui lui ont servi à cette fin . Si le droit du brevet s'appliquait, cette libre exploitation des résultats de la recherche n'aurait pas été possible.

Logiquement, la proposition de loi propose que cette exception du sélectionneur ne s'applique pas lorsque la nouvelle variété est essentiellement dérivée, ou lorsqu'elle n'est pas distincte, ou encore lorsque sa production nécessite l'emploi répété d'une variété protégée, comme cela a déjà été précisé à l'article 3.

Le II prévoit pour sa part l'épuisement du droit de l'obtenteur lorsque ce dernier vend ou commercialise sous quelque forme que ce soit sa variété. En achetant des semences, on s'acquitte en effet de ses obligations vis à vis du titulaire du COV à travers une royaltie.

Cependant, les huitième et neuvième alinéas de l'article 4 de la proposition de loi maintiennent les droits de l'obtenteur après la vente dans deux cas :

- Le huitième alinéa maintient les droits de l'obtenteur en cas de nouvelle multiplication de semences . En effet, la production de semences se fait par multiplications successives au champ sur plusieurs générations. Or, si le droit sur la semence de base est épuisé après un seul cycle de multiplication, il se reconstitue sur la semence multipliée, qui ne pourra être vendue sans que l'obtenteur bénéficie d'une royaltie, faute de quoi l'obtenteur ne pourrait toucher les fruits de son travail de sélection qu'une seule fois, à la première vente.

- Le neuvième alinéa maintient aussi les droits de l'obtenteur lorsque le matériel de la variété permettant sa production est exporté dans un pays n'appliquant pas de protection de propriété intellectuelle sur les variétés végétales. Cependant, cette protection disparaît lorsque le matériel exporté est destiné directement à l'alimentation humaine ou animale : il s'agit là d'une disposition visant à ne pas entraver le bon approvisionnement en produits alimentaires des différents pays du monde, dans un but notamment humanitaire.

III. La position de votre commission

Le nouvel article L. 623-4-1 du CPI est nécessaire pour préciser les contours du monopole du titulaire du COV.

Ce monopole ne saurait être sans limite et l'exception de l'obtenteur doit être préservée car c'est ce qui fait la spécificité du régime de l'obtention végétale par rapport au brevet.

Cet article s'inscrit parfaitement dans le cadre fixé par la convention UPOV de 1991. Les mêmes exceptions au droit de propriété intellectuelle sont prévues dans le cadre du COV européen, par le règlement (CE) 210/94.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 5 (article L. 623-5 du code de la propriété intellectuelle)

Commentaire : cet article précise les conditions dans lesquelles est apprécié le caractère nouveau d'une variété végétale, caractère nécessaire à la délivrance d'un certificat d'obtention végétale.

I. Le droit en vigueur

Pour bénéficier d'un COV, l'article L. 623-1 du CPI exige aujourd'hui qu'une variété se différencie des variétés déjà connues.

Cette disposition permet d'éviter l'appropriation privée de variétés déjà existantes.

L'article L. 623-5 prévoit qu'une obtention ne peut pas être réputée nouvelle dans deux cas de figure :

- d'une part, si à la date du dépôt de la demande d'attribution de COV, la variété avait reçu en France ou à l'étranger une publicité suffisante pour être exploitée ;

- d'autre part, si une demande d'attribution de COV sur la même variété a déjà été déposée en France ou dans un autre pays. Dans ce dernier cas, le droit de priorité de l'obtenteur déposant une demande à l'étranger ne peut être revendiqué auprès des autorités françaises que si la demande a été déposée depuis moins de 12 mois.

La possibilité de revendiquer la nouveauté de l'obtention demeure cependant dans quatre situations, alors même que la variété est connue :

- lorsque cette connaissance résulte d'essais et d'expérimentations ;

- lorsqu'elle résulte d'une inscription à un catalogue à l'étranger dans un Etat membre de l'UPOV ;

- lorsqu'elle résulte d'une présentation dans une exposition officielle ;

- lorsque la divulgation de la nouveauté résulte d'un abus à l'égard de l'obtenteur.

II. Le texte de la proposition de loi

Les articles 5 et 6 de la convention UPOV ont modifié les modalités d'appréciation de ce qui constitue une nouveauté ouvrant droit à reconnaissance de l'obtention végétale. La rédaction du règlement européen intègre la nouvelle définition de la nouveauté, mais pas la loi nationale.

Cette situation crée une discordance entre les possibilités de reconnaissance ouvertes en droit français et en droit européen préjudiciable à la bonne articulation du régime des COV nationaux et de celui des COV européens. Il importe donc de modifier le CPI.

Là encore, l'article 5 de la proposition de loi reprend exactement l'article 6 du projet de loi voté par le Sénat en 2006.

- Le I de l'article L. 623-5 du CPI pose en fait un principe simple : si l'obtenteur met à disposition à des tiers, dans un but de production, et non de simple expérimentation, des semences d'une variété qu'il a élaborée, il dispose d'un temps réduit pour faire reconnaître son droit exclusif . Au delà de ce délai, la variété tombera dans le domaine public et ne sera plus protégeable.

Concrètement, les semences sont mises à disposition du marché par leur inscription au catalogue, mais tout autre fait qui rendrait la variété « notoirement connue 23 ( * ) » serait susceptible de lui faire perdre son caractère de nouveauté.

L'obtenteur dispose d'un délai d'une année pour faire sa demande de reconnaissance d'obtention végétale à compter du moment où la semence est mise à disposition en France ou dans l'Espace économique européen. Ce délai est porté à six ans pour les arbres et la vigne et quatre ans pour les autres variétés en dehors lorsque la mise à disposition est effectuée en dehors de l'Espace économique européen.

Le II indique que ne sont pas considérés comme une remise à des tiers, et donc ne commencent pas à faire courir le délai la remise de matériel de la variété à un organisme officiel, la remise à des tiers dans un but d'expérimentation et enfin la présentation de la variété en exposition officielle. Dans ces deux cas, toutefois, l'obtenteur doit se prémunir en stipulant expressément l'interdiction d'utiliser commercialement la variété présentée.

III. La position de votre commission

La restriction de la possibilité de reconnaître une obtention végétale aux seules nouveautés est parfaitement logique. Elle correspond tant à l'esprit qu'à la lettre de la convention UPOV de 1991.

Ainsi, aucune variété « notoirement connue » ne pourra se voir attribuer de COV que ce soit selon la procédure nationale ou selon la procédure européenne, le règlement (CE) 2100/94 rappelant la même exigence de nouveauté dans son article 10.

L'article 5 de la proposition de loi procède utilement à l'adaptation du droit français à la convention UPOV et à sa mise en cohérence avec le droit européen des obtentions végétales.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 6 (article L. 623-6 du code de la propriété intellectuelle)

Commentaire : cet article apporte des précisions sur les modalités de demande de certificat d'obtention végétale. Il prévoit également une articulation avec les demandes déposées dans plusieurs États adhérents à la convention UPOV.

I. Le droit en vigueur

L'actuel article L. 623-6 du CPI permet à toute personne physique ou morale relevant d'un des États membres de la convention UPOV de demander la reconnaissance en France de son droit de propriété intellectuelle sur une variété végétale, par l'attribution d'un COV. Le texte prévoit que ce droit ne s'applique que pour une liste limitative d'espèces annexée à la convention de 1961, mais cette restriction est sans effet puisque le système de l'UPOV s'applique à l'ensemble des espèces connues dans le règne végétal.

Le droit français prévoit que l'auteur d'une demande de protection en France sur une variété pour laquelle une même demande a été déposée par lui moins d'un an auparavant dans un autre État partie à la convention UPOV bénéficie d'une priorité.

Cette disposition permet d'éviter les incohérences qui seraient liées à une revendication de droits sur la même variété par des personnes différentes dans deux États membres de l'UPOV. Ce droit de priorité demeure même si dans le délai d'un an interviennent divers faits comme le dépôt d'une autre demande, la publication de l'objet de la demande ou un début d'exploitation commerciale de la variété.

Enfin, la loi française permet à tout étranger qui relève d'un État n'étant pas adhérent à la convention UPOV de bénéficier d'un COV, sous condition de réciprocité, c'est à dire à condition qu'un français puisse disposer dans l'état d'origine du demandeur des mêmes droits pour les genres et espèces considérés.

II. Le texte de la proposition de loi

L'article 6 de la proposition de loi procède à des ajustements mineurs par rapport au droit existant.

Le premier alinéa de l'article L. 623-6 du CPI permet à toute personne physique ou morale relevant d'un État membre de l'UPOV de déposer une demande de COV auprès des autorités françaises. La limitation de ce droit à une liste d'espèces est supprimée car elle n'a plus d'utilité dans le cadre de l'UPOV de 1991, qui crée un régime de protection couvrant toutes les espèces végétales existantes.

Le deuxième alinéa conserve le droit de priorité au bénéfice d'un demandeur ayant effectué la même démarche dans un autre État membre de l'UPOV, moins d'un an auparavant.

Le troisième alinéa précise au passage que la nouveauté, requise pour la reconnaissance de l'obtention végétale, s'apprécie à la date de la première demande.

Le quatrième alinéa maintient la possibilité d'attribuer un COV à un ressortissant d'un État non membre de l'UPOV, mais à la condition qu'il existe une réciprocité de protection des droits de propriété intellectuelle au bénéfice des ressortissants français.

III. La position de votre commission

Cet article apporte des modifications mineures nécessaires pour harmoniser le droit français avec le droit international et le droit européen applicable aux obtentions végétales.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 7 (article L. 623-12 du code de la propriété intellectuelle)

Commentaire : cet article permet aux autorités nationales compétentes en matière d'obtentions végétales de prendre en compte lors de l'instruction de la demande de COV les résultats d'examens effectués par le demandeur lui-même.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 623-7 du CPI confie la mission de délivrance des COV au CPOV, et l'article L. 623-12 impose qu'avant toute délivrance de certificat, un examen préalable soit effectué pour vérifier si la variété remplit bien les conditions de reconnaissance en tant que telle.

Il s'agit de s'assurer que la variété soit bien distincte, homogène et stable (DHS).

En pratique les tests DHS sont effectués dans un double but, d'une part pour l'inscription de la variété nouvelle au catalogue, qui lui permet d'être exploitée commercialement, à condition d'avoir une valeur agronomique et technologique (VAT) suffisante, et d'autre part pour l'attribution du COV, titre de propriété intellectuelle, pour l'attribution duquel la VAT n'entre pas en ligne de compte.

II. Le texte de la proposition de loi

La proposition de loi a pour but de simplifier les procédures de test DHS nécessaires avant de délivrer un COV national.

Le texte proposé pour l'article L. 623-12 du CPI conserve la possibilité de tenir pour suffisant l'examen réalisé dans un autre État membre de l'UPOV. L'UPOV encourage d'ailleurs la coopération entre États en matière d'examens technique des variétés.

Mais il ajoute aussi la possibilité de tenir pour suffisant l'examen effectué directement par l'obtenteur. L'article 12 de la convention UPOV avait en effet ouvert la voie à une telle simplification, en ouvrant plusieurs options aux autorités nationales de délivrance du COV. Celles-ci peuvent effectuer elles-mêmes les tests en particulier en mettant en culture les variétés évaluées, mais peuvent aussi confier cet examen à d'autres et prendre en compte des résultats des essais en culture ou d'autres essais déjà effectués.

III. La position de votre commission

Il s'agit là d'une mesure de simplification qui n'altère pas la qualité des tests DHS, du moment qu'un protocole scientifique rigoureux est suivi dans le processus d'évaluation des nouvelles variétés.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 8 (article L. 623-14 du code de la propriété intellectuelle)

Commentaire : cet article précise que les actes relatifs aux certificats d'obtention végétale ne sont opposables à des tiers que s'ils ont fait l'objet d'une publication officielle.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 623-14 du CPI impose une publication de tous les actes portant délivrance du certificat, transmission de propriété et concession de droit d'exploitation ou de gage.

Faute d'une telle publication, ces actes ne sont pas opposables des tiers.

Le support de publication est le bulletin officiel du comité de la protection des obtentions végétales (BOCPOV), établi en application de l'article R. 623-28 du CPI. La publication de l'acte de délivrance du certificat permet à toute personne de prendre connaissance du dossier de l'obtenteur : demande et procédure d'examen, ainsi que le prévoit l'article R. 623-29.

II. Le texte de la proposition de loi

L'article 8 de la proposition de loi est totalement semblable à l'article 10 du projet de loi voté par le Sénat en 2006.

Les modifications qu'il apporte à l'article L. 623-14 conduisent à étendre l'obligation de publication, dans le but d'une plus grande transparence :

- d'abord, la publication obligatoire est étendue à la demande d'attribution de COV. Des tiers pourraient ainsi se manifester durant la procédure ;

- ensuite, la publication obligatoire couvre tout acte transmettant ou modifiant des droits attachés au COV. Cette rédaction est plus générale que celle qui prévaut actuellement.

III. La position de votre commission

L'article 8 améliore la transparence en matière d'information sur la propriété intellectuelle des variétés végétales. Cette transparence est nécessaire pour que le droit d'exclusivité de l'obtenteur puisse jouer à l'égard des tiers. Sans information, il n'y a pas en effet de moyen pour eux de connaître l'étendue de leurs obligations.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 9 (article L. 623-14 du code de la propriété intellectuelle)

Commentaire : cet article remplace la référence à la convention de Paris de 1961 par la référence à la nouvelle convention de 1991 dans le code de la propriété intellectuelle.

I. Le droit en vigueur

Les articles du chapitre III du titre II du livre VI de la deuxième partie du CPI font référence à la convention de Paris de Paris du 2 décembre 1961.

Or cette convention a été modifiée en 1972 et 1978. Enfin, elle a été remplacée par la convention UPOV de 1991.

II. Le texte de la proposition de loi

Le texte de la proposition de loi propose de remplacer la référence à la convention de Paris de 1961 par la référence à la « convention internationale pour la protection des obtentions végétales », terme plus générique qui désigne la dernière version de cette convention au sein de l'article L. 623-15 du CPI, seul article mentionnant encore la convention de 1961 si tous les articles de la proposition de loi étaient adoptés en l'état.

III. La position de votre commission

Il s'agit d'une modification de portée rédactionnelle bienvenue.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 10 (articles L. 623-22-3 et L. 623-22-4 [nouveaux] du code de la propriété intellectuelle)

Commentaire : cet article crée un nouveau cas de licence obligatoire d'intérêt public, pour éviter que l'obtenteur ne verrouille l'exploitation d'une variété protégée en ne la mettant par exemple pas à disposition du marché.

I. Le droit en vigueur

L'obtenteur titulaire d'un COV est libre de choisir comment il veut exploiter son droit de propriété intellectuelle. Il peut ainsi soit fournir directement les semences à ses clients, soit concéder une licence pour la production de semences auprès de partenaires commerciaux.

Toutefois, le CPI prévoit déjà trois dispositifs limitant la liberté du titulaire du COV à l'égard de l'exploitation de sa variété.

- Les articles L. 623-17 à L. 623-19 du CPI permettent de délivrer une licence d'office par décret en Conseil d'État pour les variétés indispensables à la vie humaine ou animale et par arrêté conjoint du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé de la santé publique pour les variétés intéressant la santé publique. La licence d'office permet à toute personne présentant des garanties techniques et professionnelles suffisantes de demander au ministre l'octroi d'une licence d'exploitation, incessible et intransmissible.

Une redevance doit être versée à l'obtenteur. Si elle ne peut être fixée d'un commun accord, elle est déterminée par le tribunal de grande instance.

- Les articles L. 623-20 à L. 623-22 permettent également à l'État d'obtenir une licence d'office pour les besoins de la défense nationale 24 ( * ) . La redevance due à l'obtenteur est fixée dans les mêmes conditions.

- Les articles L. 623-22-1 et L. 623-22-2 autorisent enfin le juge civil à accorder une concession de licence d'exploitation sur la variété protégée au titulaire d'un brevet d'invention biotechnologique dépendant pour son exploitation de la variété protégée, à condition que l'invention brevetée présente un progrès technique important à l'égard de la variété végétale considérée et présente un intérêt économique considérable. En retour, le titulaire du COV doit pouvoir accéder à une licence sur l'invention brevetée. Le juge détermine le montant des redevances dues par chacun des partenaires.

Toutes ces restrictions à la liberté de l'obtenteur dans ses choix d'exploitation de la variété protégée, à l'exception de celle relevant de la défense nationale, s'expliquent par la volonté que la recherche soit fructueuse, que ses avancées puissent trouver une application, et que le monopole conféré par le COV sur une variété ne soit pas stérilisant.

II. Le texte de la proposition de loi

L'article 10 de la proposition de loi, reprenant sur ce point l'article 12 du projet de loi voté en 2006, crée un nouveau cas de licence obligatoire d'intérêt public.

Votre rapporteur souligne qu'une telle restriction est conforme à la convention UPOV de 1991. Son article 17 autorise ainsi les États parties à la convention à limiter le libre exercice d'un droit d'obtenteur à la double condition que cette limitation réponde à un motif d'intérêt public et que l'obtenteur reçoive une rémunération équitable.

L'article 29 du règlement (CE) 2100/94 prévoit également l'attribution de licences obligatoires d'intérêt public.

Le nouvel article L. 623-22-3 ne fait donc qu'étendre au niveau national un dispositif qui vise à l'exploitation effective des nouvelles obtentions végétales. Il dispose qu'une demande de licence obligatoire peut être formée par toute personne auprès du tribunal de grande instance, lorsque trois conditions cumulatives sont réunies :

- le demandeur n'a pas pu obtenir de l'obtenteur une licence d'exploitation dans un délai d'un an ;

- le demandeur dispose des capacités techniques d'exploiter la variété considérée ;

- la licence présente un intérêt public, notamment du fait de l'insuffisance notoire d'approvisionnement du marché par l'obtenteur.

Le tribunal fixe la durée, le champ d'application de la licence obligatoire et le montant des redevances dues.

De la même manière que lorsqu'une invention biotechnologique brevetable est dépendante d'une obtention végétale, le titulaire d'un COV sur une variété essentiellement dérivée d'une autre variété doit pouvoir bénéficier d'une licence d'exploitation de la variété initiale, et réciproquement.

L'article L. 623-22-4 du CPI prévoit que la licence obligatoire ainsi créée n'est pas cessible ou transmissible, sauf avec l'entreprise ou la partie de l'entreprise à laquelle les droits de licence sont attachés, et avec l'autorisation du tribunal.

III. La position de votre commission

Ce nouveau cas de licence obligatoire permet de se prémunir contre les risques d'abus du monopole accordé au titulaire du certificat d'obtention végétale.

L'existence de cette possibilité dans l'arsenal juridique relatif aux obtentions végétales a pour but de jouer un rôle dissuasif vis à vis des firmes semencières qui auraient des stratégies de blocage d'approvisionnement du marché.

Votre rapporteur a donc recommandé l'adoption de cet article.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 11 (article L. 623-23 du code de la propriété intellectuelle)

Commentaire : cet article procède à une clarification rédactionnelle de l'article prévoyant la déchéance du droit d'obtention.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 623-23 du CPI prévoit la déchéance des droits de l'obtenteur, prononcée par le CPOV, dans plusieurs cas : lorsque l'obtenteur n'est pas en mesure de présenter à l'administration les éléments de reproduction ou de multiplication végétative permettant de reproduire la variété protégée, lorsque l'obtenteur refuse de se soumettre aux inspections obligatoires ou lorsqu'il ne paye plus la redevance annuelle due à l'INRA.

II. Le texte de la proposition de loi

Cet article procède à une amélioration rédactionnelle de l'article L. 623-23, en supprimant la liste indicative des éléments de reproduction ou de multiplication végétative dont le défaut de présentation à l'administration peut entraîner la déchéance des droits de l'obtenteur sur la variété protégée.

III. La position de votre commission

La rédaction de l'article L. 623-23 dans sa forme actuelle n'est en effet pas satisfaisante :

- d'une part, l'expression « tels que graines, boutures, greffons, rhizomes, tubercules » n'a pas de portée normative, la loi n'ayant pas vocation à donner des exemples. Il est donc préférable de désigner les éléments devant être transmis à l'administration de manière générique ;

- ensuite, cette énumération, non exhaustive, est source de confusion et peut laisser croire que d'autres éléments ne pourraient être exigés par l'administration. Or les progrès des connaissances et des techniques peuvent justifier que l'on exige de l'obtenteur d'autres éléments que les graines, boutures, greffons, rhizomes et tubercules, pour pouvoir vérifier à tout moment sa capacité à reproduire la variété protégée.

Votre rapporteur a donc préconisé l'adoption de cet article.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 12 (article L. 623-23-1 [nouveau] du code de la propriété intellectuelle)

Commentaire : cet article prévoit les cas dans lesquels les certificats d'obtention végétale peuvent être déclarés nuls.

I. Le droit en vigueur

Le CPI permet la déchéance des droits du titulaire d'un COV mais aucune disposition ne permet de déclarer nul un COV attribué.

Or, l'article 21 de la convention UPOV de 1991 oblige les États partie à la convention à déclarer nul un droit d'obtenteur dans trois cas :

- lorsqu'il s'avère que le COV a été attribué pour une variété ni nouvelle ni distincte ;

- lorsqu'il s'avère que l'homogénéité et la stabilité de la variété, évaluées essentiellement à partir des renseignements et documents fournis par l'obtenteur, étaient insuffisantes ;

- lorsque le droit d'obtenteur a été attribué à une personne qui n'y avait pas droit (à moins que le droit ne soit transféré à la bonne personne).

II. Le texte de la proposition de loi

Lors de la discussion en 2006 du projet de loi sur les obtentions végétales, le rapporteur, Jean Bizet, avait souhaité insérer un article prévoyant pour les COV nationaux la nullité de ceux-ci dans les trois cas susmentionnés.

Ces trois cas de nullité s'appliquent aux COV européens, en vertu de l'article 20 du règlement (CE) n° 2100-94.

L'article L. 623-23-1 du CPI que cet article propose d'ajouter reprend ces trois cas de nullité, celle-ci ayant un effet rétroactif : le COV nul est réputé n'avoir jamais existé.

III. La position de votre commission

Votre commission estime que cet article est nécessaire pour mettre notre droit en conformité avec la convention UPOV de 1991.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 13 (article L. 623-24 du code de la propriété intellectuelle)

Commentaire : cet article a pour objet de transposer aux obtentions végétales les règles qui s'appliquent aux droits des salariés à l'origine des inventions en matière de brevets.

I. Le droit en vigueur

Le CPI organise la répartition des droits sur les inventions résultant du travail de recherche des salariés qui font l'objet d'un titre délivré par l'Institut national de la protection industrielle (INPI) (brevets d'invention, certificats d'utilité ou certificats complémentaires aux brevets) à l'article L. 611-7.

- Les inventions faites par le salarié dans l'exécution soit d'un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d'études et de recherches qui lui sont explicitement confiées, appartiennent à l'employeur. Le salarié bénéficie d'une rémunération supplémentaire prévue par une convention collective ou déterminée par une commission paritaire de conciliation présidée par un magistrat.

- Les autres inventions appartiennent au salarié, sauf si elles ont été obtenues en lien avec les moyens de l'employeur, auquel cas ce dernier peut se voir attribuer la jouissance du brevet contre un juste prix payé au salarié.

II. Le texte de la proposition de loi

L'article 13 de la proposition de loi reprend l'article 14 du projet de loi voté par le Sénat en 2006.

Il prévoit que les dispositions relatives aux salariés inventeurs prévues à l'article L. 611-7 sont étendues aux salariés des obtenteurs, dans le cadre du COV.

Le texte proposé adapte simplement la terminologie au domaine des obtentions végétales : le terme d'invention doit être entendu au sens d'une obtention végétale, le terme de brevet doit pour sa part être entendu au sens de COV.

Enfin, un décret spécifique au domaine des obtentions végétales est prévu pour fixer les modalités de fonctionnement de la commission de conciliation compétente pour régler les litiges entre employeurs et salariés.

III. La position de votre commission

Cet article aligne le régime des droits des salariés inventeurs dans le domaine des COV avec celui des brevets, permettant une égale protection des salariés travaillant dans la recherche sur le végétal et ceux travaillant dans les autres secteurs.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 14 (articles L. 623-24-1 à L. 623-24-5 [nouveaux] du code de la propriété intellectuelle)

Commentaire : cet article donne une base juridique permettant l'utilisation de semences de ferme pour les variétés protégées par un certificat d'obtention végétal national.

I. Le droit en vigueur

La pratique des semences de ferme a beau être courante, et s'enraciner dans l'histoire et la culture des agriculteurs, elle s'exerce dans un cadre juridique fragile.

a- Le cadre juridique international : une exception au droit de l'obtenteur

La convention de Paris du 2 décembre 1961 pour la protection des obtentions végétales n'évoquait pas la question des semences de ferme. Elle limitait dans son article 5 l'étendue de la protection du droit de propriété intellectuelle sur l'obtention végétale à la production dans le but d'écoulement commercial.

A contrario , il semble donc que la semence produite à la ferme, dès lors qu'elle n'est pas destinée à être vendue, peut être librement semée par l'agriculteur qui l'a produite, sans que l'obtenteur puisse revendiquer un quelconque droit.

Or la convention UPOV de 1991 a adopté une définition plus large du périmètre de protection de l'obtention végétale. Le COV protège le monopole de l'obtenteur même lorsque la finalité de la production de semence n'est pas une finalité commerciale.

Il fallait donc prévoir une dérogation au profit de l'agriculteur permettant de produire des semences de ferme. C'est ce que permet le 2. de l'article 15 de la convention UPOV de 1991. Les agriculteurs se voient reconnaître le droit d'utiliser à des fins de reproduction ou de multiplication, sur leur propre exploitation, le produit de leur récolte provenant d'une variété protégée.

Ce droit est cependant assorti de deux restrictions :

- l'autorisation d'utilisation à la ferme de semences protégées ne vaut que si les États partie à la convention le mettent en place : il n'existe pas de droit général à la semence de ferme ;

- cette exception doit être mise en oeuvre dans des limites raisonnables, et sous réserve de la sauvegarde des intérêts légitimes de l'obtenteur . Concrètement, cela signifie que l'obtenteur a droit à une rétribution, pour l'utilisation des semences protégées autoproduites par l'agriculteur.

b- Le cadre juridique européen : l'autorisation sous conditions de la semence de ferme pour les variétés protégées par un COV européen

L'article 14 du règlement (CE) 2100/94 préserve la possibilité de l'agriculteur d'utiliser, selon des modalités définies dans ledit règlement, le produit de sa récolte à des fins de propagation.

Cette exception au droit de l'obtenteur, sur les variétés protégées par un COV européen, trouvait sa justification dans la sauvegarde de la production agricole. C'est une reconnaissance implicite de l'importance de la pratique de la semence de ferme.

La dérogation au monopole de l'obtenteur, en faveur des agriculteurs, est soumise à une série de conditions assez strictes :

- d'une part, elle ne s'étend pas à toutes les espèces mais ne concerne que 21 d'entre elles, pour lesquelles il existait dans l'Union européenne une pratique traditionnelle de semences de ferme (et une vingt-deuxième au Portugal : le ray-grass d'Italie), listées à l'article 14 du règlement européen. Ne sont pas concernés notamment le maïs, le soja, les espèces potagères ou encore les cultures intermédiaires pièges à nitrates (Cipan), comme la moutarde, dont la seule valorisation possible est de servir d'engrais vert ;

- ensuite, le matériel de reproduction doit être trouvé sur l'exploitation, interdisant toute forme d'échange de semences entre agriculteurs ;

- enfin, les agriculteurs sont tenus de payer une « rémunération équitable », sensiblement inférieure au montant perçu pour la production sous licence de matériel de multiplication de la même variété. L'article 5 du règlement communautaire d'application n° 1768/95 du 25 juillet 1995 fixe cette rémunération à un minimum, faute d'accord direct entre agriculteur et obtenteur, à 50 % des montants dus pour la production sous licence de matériel de multiplication. Les « petits agriculteurs » sont exonérés de ce paiement 25 ( * ) .

Le droit européen confie le contrôle de l'application du dispositif aux seuls titulaires du COV . Il n'appartient pas aux organismes publics d'intervenir dans le système de collecte de cette rémunération équitable, qui doit reposer sur les informations fournies par les agriculteurs et éventuellement les autorités publiques, à condition que les données considérées soient collectées dans le cadre de l'activité normale de ces autorités.

Ces dernières restrictions rendent le dispositif de récupération de la rémunération de l'obtenteur assez peu opérationnel. Ainsi en Allemagne, de nombreux agriculteurs se sont opposés aux demandes d'information des obtenteurs, obligeant ces derniers à ouvrir des contentieux. Le coût de la collecte de la contribution de l'agriculteur utilisateur de semences de ferme est si élevé qu'il absorbe probablement une large part du produit des contributions.

c- Le cadre juridique national : l'interdiction des semences de ferme par la loi de 1970

Le droit s'appliquant aux obtentions végétales protégées par un COV français, issu de la loi du 11 juin 1970, interdit purement et simplement les semences de ferme . L'article L. 623-4 du CPI donne au titulaire un droit exclusif sur la production de sa variété.

La loi de 1970 était basée sur la convention de Paris de 1961 mais avait simplement supprimé la restriction au droit de propriété intellectuelle, qui ne s'appliquait qu'aux productions effectuées aux fins d'exploitation commerciale.

Bien qu'interdite, la pratique des semences de ferme a perduré. Selon la Confédération nationale pour la défense des semences de ferme, les semences de ferme représentaient, sur la période 2002-2005, 46 % des semis en blé d'hiver, 30 % en colza, 51 % en pois, 30 % en triticale et 65 % en fève.

L'accord interprofessionnel sur le blé tendre de 2001 a donc constitué un compromis pratique permettant de sécuriser juridiquement la pratique des semences de ferme, tout en permettant une rémunération de l'obtenteur.

Votre rapporteur souligne que la situation d'interdiction totale des semences de ferme pour les variétés protégées par un COV national est paradoxale dans la mesure où le droit national du brevet s'avère plus ouvert sur ce point : l'article L. 613-5-1 du CPI prévoit en effet que « la vente ou tout autre acte de commercialisation de matériel de reproduction végétal par le titulaire du brevet, ou avec son consentement, à un agriculteur à des fins d'exploitation agricole implique pour celui-ci l'autorisation d'utiliser le produit de sa récolte pour la reproduction ou la multiplication par lui-même sur sa propre exploitation ». Les conditions de l'utilisation de la semence de ferme sont celles définies par le règlement européen de 1994.

II. Le texte de la proposition de loi

L'article 14 de la proposition de loi propose de donner un cadre juridique aux semences de ferme pour les variétés protégées par un COV national.

Sa rédaction est plus ramassée que celle du projet de loi voté au Sénat en 2006, qui mettait en place une instance paritaire réunissant obtenteurs et agriculteurs ayant pour mission de fixer le montant des indemnités dues aux obtenteurs pour l'utilisation de semences de ferme, indemnités calculée sur la base de la surface ensemencée devant faire l'objet d'une déclaration annuelle de l'agriculteur.

Cette instance paritaire disparaît dans le texte soumis aujourd'hui au Sénat, qui crée une nouvelle section au sein du chapitre III du titre II du livre VI de la deuxième partie du CPI.

Cette nouvelle section retient un intitulé libellé dans les termes utilisés à l'article 15 de la convention UPOV de 1991 et dans le règlement européen de 1994 : « Dérogation en faveur des agriculteurs ».

Elle contient cinq articles.

- L' article L. 623-24-1 autorise l'agriculteur à utiliser sur son exploitation uniquement, le produit de la récolte obtenue grâce à la mise en culture d'une variété protégée par un COV. Ce droit ne s'étend pas à toutes les espèces : seules celles figurant dans un décret en Conseil d'État sont concernées. D'après les informations fournies à votre rapporteur, le Gouvernement envisagerait d'y inscrire les mêmes espèces que celles admises à la pratique des semences de ferme dans le règlement européen de 1994.

Cet usage est strictement limité à l'exploitation de l'agriculteur, la rédaction, conforme à la convention UPOV de 1991 exclut donc toute possibilité d'échange de semences de ferme protégées par un COV appartenant à un tiers.

- L' article L. 623-24-2 prévoit une contrepartie à ce droit de semer de nouveau son champ avec des semences de ferme sous la forme d'une indemnité due aux obtenteurs. Les petits agriculteurs au sens du règlement communautaire n° 2100/94 ne sont pas redevables de cette indemnité. Sur ce point, le droit français s'aligne sur le droit européen.

Cette obligation de verser une indemnité vaut également pour les productions effectuées dans un but d'autoconsommation , par exemple pour l'alimentation du bétail de l'exploitation. Cette disposition paraît cependant difficile à mettre en pratique, sauf à instaurer un système de prélèvement sur la base des surfaces exploitées, ce qui suppose une déclaration des agriculteurs concernés.

- L' article L. 623-24-3 met en place un double mécanisme pour déterminer précisément les modalités d'application de la dérogation pour utilisation de semences de ferme, notamment pour fixer le montant et les modes de collecte de l'indemnité visée à l'article précédent :

- soit il existe un accord direct entre agriculteur et obtenteur formalisé dans un contrat ;

- soit les modalités sont déterminées par décret en Conseil d'État. Le texte précise bizarrement qu'il s'agit du même décret que celui qui énumère les espèces pouvant faire l'objet de semences de ferme.

- L' article L. 623-24-4 encadre l'activité des trieurs à façon. Afin de permettre le contrôle des dispositions précitées, les opérations de triage doivent garantir la parfaite correspondance des produits soumis au triage et des produits en résultant. Cette disposition semble interdire d'effectuer des mélanges au même moment que le triage. Toutefois, la condition de parfaite correspondance pourrait être moins contraignante qu'elle n'en a l'air. Sa signification profonde consiste simplement à exiger une traçabilité des opérations. Un mélange, pourvu qu'il soit contrôlable, par exemple en comparant les proportions de chaque variété de semences de ferme au départ avant triage et les quantités retrouvées dans un échantillon-test représentatif, pourrait certainement être admissible.

Si ces conditions ne sont pas remplies, les semences perdent le caractère de semences de ferme et sont considérées comme des contrefaçons.

- L' article L. 623-24-5 précise que le non respect par les agriculteurs des règles qui s'appliquent aux semences de ferme fait perdre leur caractère à celles-ci. Cette disposition signifie que, faute de payer l'indemnité due à l'obtenteur, la semence de ferme n'est plus autorisée et peut être assimilée là aussi à une contrefaçon.

III. La position de votre commission

Votre commission est globalement en accord avec l'introduction d'une possibilité légale d'utiliser les semences de ferme, ouverte par cet article, conformément à la convention UPOV de 1991.

Elle a souhaité cependant, à l'initiative de votre rapporteur, modifier cet article sur deux points :

- le premier concerne l'intitulé de la nouvelle section créée au sein du CPI, afin de supprimer le mot de dérogation . En effet, les agriculteurs considèrent la possibilité de semer leur récolte année après année comme un droit ancestral. Même si ce droit s'analyse juridiquement comme une dérogation au droit de propriété intellectuelle offert par le COV à l'obtenteur, leur position paraît juste. Aussi la commission a-t-elle adopté un amendement intitulant tout simplement la nouvelle section : « Semences de ferme » ;

- la seconde modification est plus substantielle : elle consiste à permettre la conclusion d'accords collectifs pour la fixation des modalités d'application de la dérogation bénéficiant aux agriculteurs , notamment pour déterminer le mode de calcul de l'indemnité due aux obtenteurs. Ces accords peuvent être conclus entre groupes d'obtenteurs et groupes d'agriculteurs, ou encore dans le cadre d'accords interprofessionnels.

Cette modification donne une base juridique à des mécanismes du type de l'accord interprofessionnel de 2001 concernant le blé tendre.

Il est en effet souhaitable de laisser agriculteurs et semenciers se mettre d'accord ensemble sur les modalités de mise en oeuvre du droit d'utilisation de semences de ferme, dans le cadre d'un accord par espèce, voire d'un accord multi-espèces.

Le rejet d'une solution rigide explique d'ailleurs la rédaction plus ouverte de la proposition de loi, par rapport à la version votée par le Sénat en 2006, et la disparition de l'instance paritaire.

L'ACCORD SUR LE BLÉ TENDRE DE 2001

Reconduit régulièrement depuis 2001, l'accord interprofessionnel conclu dans le cadre du GNIS 26 ( * ) met en place un mécanisme de collecte de 0,5 euro par tonne de blé vendu, à la charge des producteurs. La collecte est simple et peu coûteuse et repose sur les collecteurs agréés de céréales. Les sommes sont reversées au GNIS qui en délègue la gestion à la SICASOV, société coopérative spécialisée.

L'accord interprofessionnel ayant été étendu par le ministre chargé de l'agriculture, il s'applique à toutes les ventes de blé tendre, sous la forme d'une contribution volontaire obligatoire (CVO). Il permet la collecte d'environ 16 millions d'euros par an.

Cette somme représenterait la moitié des royalties sur les semences qui seraient dues par les agriculteurs en cas d'achats de semences certifiées.

Les agriculteurs ayant acheté des semences certifiées, ayant donc au moment de l'achat déjà payé les royalties à l'obtenteur, sont remboursés à hauteur de 2 euros par quintal de semences achetées. Cette somme représente 8 millions d'euros par an environ, soit la moitié du produit de la CVO.

Les petits agriculteurs au sens du droit communautaire sont remboursés de la CVO versée ainsi que les agriculteurs qui prouvent l'utilisation de semences de ferme libres de droits de propriété intellectuelle. Ces sommes sont insignifiantes.

Sur les sommes restantes, 85 % sont versées aux obtenteurs, au prorata de leur part du marché national des semences, et 15 % servent à alimenter un fonds de soutien à l'obtention végétale destiné à financer des programmes collectifs de recherche sur le blé tendre.

Cet accord couvre donc les utilisateurs de variétés de blés relevant d'un COV européen, et, dans des conditions non prévues par le droit français, les utilisateurs de variétés relevant d'un COV national.

L'extension du mécanisme de l'accord interprofessionnel de 2001 à l'ensemble des espèces cultivées correspondrait d'après les informations fournies à votre rapporteur à un produit global de 30 à 35 millions d'euros.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 15 (article L. 623-25 du code de la propriété intellectuelle)

Commentaire : cet article adapte les dispositions du code de la propriété intellectuelle qui sanctionnent les atteintes aux droits du détenteur du certificat d'obtention végétale.

I. Le droit en vigueur

La violation par toute personne du droit de propriété intellectuelle du titulaire d'un COV expose à une double sanction, civile et pénale.

- Sur le plan civil, l'article L. 623-25 du CPI dispose que toute atteinte portée aux droits du titulaire d'un COV constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Cette responsabilité est portée devant le tribunal de grande instance.

- Sur le plan pénal, l'article L. 632-32 du même code qualifie toute atteinte portée sciemment aux droits du titulaire d'un certificat d'obtention végétale de délit, punissable de 10 000 euros d'amende (et de 6 mois de prison en cas de récidive depuis moins de cinq ans ou de délit commis en bande organisée).

En matière civile, l'initiative de l'action contre la personne ayant violé le droit de propriété intellectuelle du titulaire du COV est même partagée par ce dernier avec les titulaires d'une licence d'office ou des bénéficiaires d'un droit exclusif d'exploitation, qui peuvent agir pour obtenir la condamnation des responsables même en cas d'inaction du titulaire du COV, après l'avoir mis en demeure d'agir. A tout moment, titulaire du COV et bénéficiaire d'une licence peuvent se joindre à l'action engagée par l'autre.

II. Le texte de la proposition de loi

La proposition de loi en modifiant l'article L. 623.25 du CPI, procède à une redéfinition du périmètre de la responsabilité de personnes violant les droits qui s'attachent au COV.

- D'abord, le texte précise que la responsabilité civile n'est engagée qu'en cas d'atteinte volontaire aux droits du titulaire des obtentions végétales. Cette disposition est nécessaire car il peut arriver que l'utilisateur d'une semence ignore l'existence d'un droit de propriété intellectuelle sur ladite semence. Il peut également arriver que la dissémination de matériel génétique provoque la mutation inattendue et non intentionnelle des variétés cultivées. Rechercher la responsabilité civile dans ces conditions paraîtrait particulièrement injuste. Cette rédaction résulte au demeurant d'un amendement adopté par le Sénat en 2006, présenté par Mme Marie-Christine Blandin.

- En sens inverse, ensuite, le texte étend la responsabilité civile pour violation du droit de propriété intellectuelle offerte par le COV aux utilisations incorrectes ou abusives de la dénomination de la variété protégée. Une telle protection n'existe pas aujourd'hui. Elle vise à protéger l'obtenteur par rapport à sa clientèle, en sanctionnant les détournements de dénomination des variétés.

- Enfin, le texte procède à une coordination : la licence obligatoire d'intérêt public étant créée à l'article 10, l'article 14 permet à son bénéficiaire, comme les bénéficiaires des autres licences obligatoire ou d'office, d'agir à la place de l'obtenteur pour rechercher la responsabilité civile des personnes portant atteinte au droit de l'obtenteur.

III. La position de votre commission

Cet article instaure un certain équilibre. Les sanctions sont nécessaires pour dissuader la violation des droits de l'obtenteur.

Toutefois, il est juste de ne pas sanctionner ni civilement ni pénalement les violations de caractère involontaire. La méconnaissance par les agriculteurs des droits qui s'attachent aux variétés qu'ils utilisent peu en effet les amener à être des contrefacteurs de bonne foi.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

CHAPITRE I BIS (nouveau) - Conservation des ressources phytogénétiques françaises pour l'agriculture et l'alimentation

Votre commission a inséré cette division additionnelle dans la structure de la proposition de loi afin de permettre l'adoption d'un article additionnel sur les ressources phytogénétiques françaises.

Article additionnel après l'article 14 (nouveau) (articles L. 660-2 à L. 660-4 [nouveaux] du code rural et de la pêche maritime)

Commentaire : cet article additionnel a pour but de favoriser la conservation des collections de variétés anciennes en permettant l'alimentation d'une collection nationale, dont les règles de gestion sont renvoyées au niveau réglementaire.

I. Le droit en vigueur

Si la création de nouvelles variétés végétales a pour objectif de répondre aux besoins en constante évolution de l'agriculture et de l'alimentation, elle conduit peu à peu à délaisser des variétés moins productives, ou jugées moins adaptées, aboutissant à une perte de la biodiversité cultivée.

En effet, les variétés anciennes ne sont plus maintenues au catalogue officiel ni protégée par un droit de propriété intellectuelle, faute d'un financement de cette conservation, et les collections se perdent.

Un regain d'intérêt pour les variétés est apparu à partir des années 1990, notamment pour leur réutilisation par des jardiniers amateurs ou certaines catégories d'agriculteurs, permettant de maintenir en culture certaines variétés anciennes, et les États ont pris conscience de la nécessité de mieux structurer la conservation des ressources phytogénétiques.

En 2001 a été signé à Rome le Traité International sur les Ressources Phytogénétiques pour l'Agriculture et l'Alimentation (TIRPAA) mettant en place un système multilatéral partagé de conservation de ressources phytogénétiques utilisées pour l'agriculture et l'alimentation, provenant de collections publiques et privées.

La France, partie à ce traité, l'a ratifié en 2005.

L'article 59 de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche lui a donné un premier début d'application en droit français, en introduisant dans le code rural et de la pêche maritime un article L. 660-1 qui prévoit la constitution d'une « collection nationale de ressources phytogénétiques composée des collections mises à disposition de l'État [...] par les organismes publics ou privés auxquels elles appartiennent ».

II. La position de votre commission

Votre commission propose par un amendement tendant à insérer un article additionnel d'aller plus loin en précisant quels types de ressources peuvent être versées dans cette collection nationale.

Après l'article L. 660-1 du code rural et de la pêche maritime, cet article additionnel a pour objet d'insérer trois articles L. 660-2 à L. 660-4 dans le CPI :

- l' article L. 660-2 définit les buts de la conservation de ressources phytogénétiques françaises pour l'agriculture et l'alimentation : cette conservation répond à une finalité d'intérêt général. Plus concrètement, il s'agit de répondre aux besoins de la recherche scientifique, au défi de l'innovation et de la sélection variétale appliquée, et de lutter contre la perte irréversible de ressources phytogénétiques stratégiques ;

Les ressources concernées doivent répondre à trois critères : présenter un intérêt particulier pour la recherche scientifique, l'innovation ou la sélection variétale appliquée, ne pas figurer au catalogue des variétés et plantes cultivées, et ne pas faire l'objet d'un COV. En effet, dans l'un et l'autre de ces cas, la variété n'est pas menacée d'extinction puisque quelqu'un en assure la reproduction d'un cycle sur l'autre.

- l' article L. 660-3 crée une catégorie particulière de ressources phytogénétiques à conserver : les ressources phytogénétiques patrimoniales, qui en plus des trois conditions précitées, sont reconnues en tant qu'élément du patrimoine agricole et alimentaire national, en particulier dans le cas où elles sont représentatives de l'agriculture française ou emblématiques d'une région ;

Ces ressources doivent être accessibles à tous.

- l' article L. 660-4 renvoie à un décret le soin de déterminer les conditions d'enregistrement et de reconnaissance des ressources phytogénétiques couvertes par le TIRPAA et les modalités de conservation et de valorisation des variétés concernées.

Le dispositif proposé ouvre la voie à une deuxième étape de mise en application du TIRPAA, en permettant le versement de variétés à la collection nationale prévue par l'article L. 660-1.

Votre commission a adopté cet article additionnel.

CHAPITRE II - Dispositions diverses
Article 16

Commentaire : cet article prévoit l'application du nouveau régime des obtentions végétales aux COV déjà délivrés.

I. Le droit en vigueur

La loi ne dispose en principe que pour l'avenir 27 ( * ) , si bien que les COV déjà délivrés ne sont protégés que dans les conditions et limites fixées par le CPI, dans sa version actuelle.

Mais ce principe n'a de valeur constitutionnelle qu'en matière de lois répressives. En matière civile, le législateur peut très bien prévoir expressément une dérogation à ce principe général du droit de non-rétroactivité.

II. Le texte de la proposition de loi

La proposition de loi prévoit ainsi une application aux COV existants de plusieurs de ses articles :

Le I de l'article 16 rend ainsi applicables aux COV existants et aux COV délivrés suite à des demandes de certificats intervenues avant l'entrée en vigueur de la loi les dispositions de celle-ci relatives à :

- l'extension de la portée de la protection offerte par le COV prévue par l'article L. 623-4 du CPI ;

- la possibilité de tempérer le droit exclusif de l'obtenteur par une licence obligatoire d'intérêt public prévue aux articles L. 623-22-3 et L. 623-22-4 ;

- la responsabilité civile des auteurs d'atteintes volontaires aux droits du titulaire des COV, prévue à l'article L. 623-25.

Pour sa part, le II rend également applicable le droit d'utiliser des semences de ferme, contre rémunération de l'obtenteur, aux COV nationaux déjà existant. Le texte prévoit en revanche que cette application rétroactive ne vaudra pas pour les variétés essentiellement dérivées exploitées avant l'entrée en vigueur de la loi ou ayant fait l'objet de préparatifs effectifs et sérieux en vue de leur exploitation.

III. La position de votre commission

L'application à l'ensemble des COV, anciens comme nouveaux, des nouvelles règles de protection de la propriété intellectuelle des obtenteurs a l'avantage de la simplicité.

Sur proposition de votre rapporteur, votre commission a cependant adopté un amendement de clarification pour préciser les conditions d'entrée en vigueur des nouvelles dispositions du CPI :

- d'abord, si une variété peut aujourd'hui être essentiellement dérivée d'une variété initiale, l'obtenteur de cette dernière n'a aucun droit sur la première variété. Cette proposition de loi a notamment pour objet de mettre fin à cette situation. Afin d'éviter que les obtenteurs ne réclament des droits à ceux qui exploitent déjà des variétés connues qui pourraient être considérées comme essentiellement dérivées de variétés protégées, le III de cet article prévoit que de tels droits ne pourront être réclamés que pour les variétés essentiellement dérivées apparaissant après la promulgation de la loi ;

- par ailleurs, la rédaction de la proposition de loi laisse penser que l'utilisation de semences de ferme serait interdite pour les variétés essentiellement dérivées existant avant l'entrée en vigueur de la loi qu'il est proposé de voter. Cette restriction n'a pas de sens et la nouvelle rédaction du II de cet article permet un régime général d'autorisation des semences de ferme, dans les conditions fixées aux articles L. 623-24-1 à L. 623-24-5 du CPI.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 17

Commentaire : cet article prévoit l'application de la loi à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, dans les Terres australes et antarctiques françaises et à Wallis et Futuna.

I. Le droit en vigueur

Le statut particulier des collectivités d'outre-mer prévoit organise un régime particulier d'application des lois et règlement à ces territoires.

Ainsi, dans plusieurs de ces collectivités, les lois et règlements s'appliquent si une disposition spéciale le précise expressément. Par ailleurs, certaines compétences relèvent exclusivement de la collectivité, et pas de l'État.

II. Le texte de la proposition de loi

La proposition de loi propose d'étendre son champ d'application à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, dans les Terres australes et antarctiques françaises et à Wallis et Futuna.

La Polynésie française n'est pas dans la liste car le droit de propriété intellectuelle relève non d'une compétence de l'État mais de celle de la collectivité. A l'inverse, la Nouvelle Calédonie l'est car la propriété intellectuelle y reste régie par les lois et règlements de l'État, si cela est prévu par une disposition spéciale.

Aucune disposition spéciale n'est en revanche nécessaire pour Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, où les lois et règlements sont applicables de plein droit sauf dans des domaines déterminés qui ne comprennent pas le droit de propriété intellectuelle.

III. La position de votre commission

Votre commission est favorable à l'extension de la protection offerte par les COV aux collectivités d'outre-mer. Toutefois, avec la transformation du statut de Mayotte, devenue département et région d'outre-mer le 31 mars 2011, aucune disposition spéciale n'est plus nécessaire pour que s'applique à Mayotte le régime de protection des COV. Celui-ci est applicable de plein droit.

Sur proposition de votre rapporteur, un amendement a donc été adopté pour supprimer Mayotte de la liste des collectivités d'outre-mer figurant à l'article 17.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

*

* *

A l'issue de sa réunion du 15 juin 2011, et sur le fondement des recommandations formulées par votre rapporteur, votre commission a adopté la proposition de loi dans la rédaction issue de ses travaux.

ANNEXE - LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mardi 24 mai 2011

- Coordination nationale pour la défense des semences de ferme (CNDSF) : MM. Sylvain Ducroquet, président, et Michel Geray, porte-parole de la CNDSF ;

- Comité technique permanent de la sélection des plantes cultivées (CTPS) : M. Paul Vialle , président ;

- Groupement national interprofessionnel des semences et des plants (GNIS) : MM. Philippe Gracien, directeur général ; François Burgaud , directeur des relations extérieures, et Mme Delphine Guey , chargée de la communication institutionnelle.

Jeudi 26 mai 2011

- M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes.

Mardi 31 mai 2011

- Institut national de la recherche agronomique (INRA) : M. Christian Huyghe, directeur scientifique adjoint agriculture, et Mme Bénédicte Herbinet, conseillère auprès de la présidente de l'INRA ;

- Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences (FNAMS) : M. Jean-Noël Dhenin, président , et Mme Anne Gayraud, directrice ;

- ORAMA : M. Hervé Le Stum, directeur d'Intercéréales ;

- Comité pour la protection des obtentions végétales (CPOV) : Mme Nicole Bustin, secrétaire général ;

- LIMAGRAIN : M. Pierre Pagesse, président ;

- Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) : MM. Christophe Terrain, vice-président , Luc Esprit, directeur général, et Mme Nadine Normand, conseillère parlementaire.

Mercredi 8 juin 2011

- M. Christian Demuynck, sénateur de la Seine-Saint-Denis, auteur de la proposition de loi ;

- Coordination rurale (CRUN) : M. François Lucas, 1 er vice-président.

Jeudi 9 juin 2011

- Confédération paysanne : MM. Guy Kastler, responsable de la commission semences et Gilles Menou, membre de la commission semences ;

- Union française des semenciers (UFS) : MM. Eric Devron, directeur général, et Claude Tabel, directeur de la recherche du groupe semencier RAGT et Président de la commission propriété intellectuelle de l'UFS ;

- SICASOV : M. Antoine de la Sougeole, directeur général ;

- France Nature Environnement (FNE) : MM. Lionel Vilain, conseiller technique sur les questions agricoles et Pierre Guy, membre du directoire du réseau agriculture de FNE ;

- Ministère de l'Agriculture : Mme Elodie Galko, conseillère technique au cabinet de M. Bruno Le Maire, et M. Philippe Tessier, sous-directeur.


* 1 Rapport « Semences et agriculture durable » remis par M. Paul VIALLE au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et des affaires territoriales, le 3 mai 2011.

* 2 Les colzas double zéro sont des colzas qui ont une teneur en acide érucique inférieure à 2 % de la fraction lipidique et une teneur en glucosinolates inférieure à 20 micromoles par gramme. Une trop forte teneur en acide érucique est en effet cause de toxicité de l'huile de colza, et une forte teneur en glucosinolates provoque des troubles métaboliques chez les bovins alimentés par les tourteaux de colza.

* 3 La filière semences au service de la terre - Document du GNIS établi en 2010, disponible à l'adresse : http://www.gnis.fr/files/communiques/ContributionGNIS.pdf.

* 4 Une plante hybride est issue de deux parents de lignée différente. Une plante reproduite en lignée pure produit une descendance génétiquement identique au parent et homozygote pour tous ses caractères. Les espèces autogames cultivées (blé, orge, avoine) sont aujourd'hui issues en général de lignées pures.

* 5 Une plante autogame a la capacité à s'autoféconder, contrairement aux plantes allogames qui nécessitent une fécondation croisée pour se reproduire. Le blé, l'orge, le pois sont des espèces autogames. Le maïs en revanche est allogame.

* 6 A l'origine, un minimum de 24 espèces avait été fixé.

* 7 22 espèces au Portugal.

* 8 La reproduction à la ferme d'un hybride F1 produit un hybride F2 composé d'individus très hétérogène. La reproduction à partir d'hybrides rend donc la variété très instable, et s'accompagne en général d'une baisse de fécondité. Il s'agit là d'obstacles techniques importants qui expliquent la faible utilisation de semences de ferme dans certaines espèces comme le maïs.

* 9 Article 19 du règlement n° 2100/94.

* 10 D'après le rapport annuel 2010 de l'Office communautaire des variétés végétales.

* 11 D'après les informations fournies à votre rapporteur, la constitution d'un dossier de demande d'obtention végétale représente un coût de 900 euros lorsque la demande est présentée au niveau communautaire, contre 55 euros au niveau national. Les frais d'examen sont variables selon les espèces et s'élèvent, au niveau communautaire, à 2 320 euros au minimum et 5 000 au maximum, tandis qu'au niveau national ces frais sont de 1 488 euros. La validité du certificat est subordonnée au paiement d'une taxe annuelle qui s'élève à 300 euros au niveau communautaire contre une fourchette de 39 à 141 euros au niveau national.

* 12 Dossier législatif disponible sur le site Internet du Sénat à l'adresse : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl96-144.html.

* 13 Dossier législatif disponible sur le site Internet du Sénat à l'adresse : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/s96970145.html.

* 14 Dossier législatif disponible sur le site Internet du Sénat à l'adresse : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl05-181.html.

* 15 Article L. 613-5 du CPI.

* 16 Directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques.

* 17 Le texte de la proposition de loi initiale avait attribué un numéro 11 bis à l'article figurant après l'article 11. Or l'usage veut que la numérotation d'un texte, pour sa première lecture devant la première assemblée saisie, soit linéaire. C'est pourquoi la commission a procédé, en adoptant son texte, à une renumérotation des articles. L'article 11 bis est devenu article 12, l'article 12, article 13, et ainsi de suite.

* 18 Les variétés « population » sont constituées d'un ensemble de plantes qui se reproduisent librement entre elles au cours de leur culture dans un même milieu biologique. La reproduction libre produit des individus tous différents dans des proportions non définies et variables d'une année sur l'autre, mais leur culture répétée dans un même milieu biologique détermine les caractères communs qui les réunissent en une même entité distincte.

* 19 Le génotype est l'ensemble de la composition génétique de la plante.

* 20 Arrêté du 20 décembre 2010 ouvrant une liste de variétés de conservation et une liste de variétés sans valeur intrinsèque pour la production commerciale et destinées à des conditions de culture particulières au Catalogue des espèces et variétés de plantes cultivées en France (potagères) et modifiant un règlement technique d'inscription pour ce catalogue.

* 21 Action 3.1 proposée par le rapport Vialle.

* 22 Le GEVES compte environ 90 personnes qui sont chargées d'effectuer les tests techniques sur les nouvelles variétés, et notamment la mise en culture. Le test de distinction est en particulier effectué au moyen des collections de référence qui sont conservées par le GEVES.

* 23 La convention UPOV dans sa version de 1978 listait plusieurs cas permettant de considérer une variété comme notoirement connue : était ainsi notoirement connue une variété déjà cultivée, une variété inscrite à un registre officiel, figurant dans une collection de référence, ou même décrite précisément dans une publication scientifique. La version de 1991 n'a pas repris cette énumération et renvoie au sens commun l'appréciation du caractère notoirement connu de la variété qui la prive de son caractère de nouveauté.

* 24 L'article L. 623-22 du CPI va même plus loin puisqu'il permet également à l'État de procéder à une expropriation sur l'obtention végétale, pour les besoins de la défense nationale.

* 25 Selon le règlement (CE) 2100/94, les petits agriculteurs sont ceux qui ne cultivent pas d'espèces végétales sur une surface supérieure à celle qui serait nécessaire pour produire 92 tonnes de céréales.

* 26 Le GNIS, interprofession des semences, regroupe les représentants des semenciers, à travers l'Union française des semenciers (UFS), les multiplicateurs, à travers la fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences (FNAMS), la Fédération du négoce agricoles, les Coopératives et les représentants des agriculteurs utilisateurs de semences à travers les fédérations sectorielles : notamment l'Association générale des producteurs de blé (AGPB), l'Association générale des producteurs de maïs (AGPM) et la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB).

* 27 Code civil, article 2 : Article 2. - La loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif.

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