Rapport n° 661 (2010-2011) de M. Philippe MARINI , fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 juin 2011

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N° 661

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 juin 2011

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur la proposition de résolution européenne de M. Philippe MARINI, présentée au nom de la commission des finances en application de l'article 73 quinquies du Règlement, sur la recommandation de recommandation du Conseil concernant le programme national de réforme de la France pour 2011 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité actualisé de la France pour la période 2011-2014 (E 6315),

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Serge Dassault , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Yvon Collin, Philippe Dallier, Jean-Pierre Demerliat, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Hubert Falco, André Ferrand, François Fortassin, Jean-Pierre Fourcade, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Roland du Luart, Philippe Marini, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

615 (2010-2011)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le 15 juin 2011, la commission des finances a déposé, à l'initiative de votre rapporteur général, une proposition de résolution relative à la recommandation 1 ( * ) de la Commission européenne au Conseil, adoptée le 7 juin 2011, sur le programme de stabilité actualisé de la France pour la période 2011-2014 2 ( * ) .

I. UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION QUI S'INSCRIT DANS LE CADRE DE LA RÉFORME EN COURS DE LA GOUVERNANCE DES FINANCES PUBLIQUES

A. LE VOTE DU PARLEMENT SUR LES PROJETS DE PROGRAMME DE STABILITÉ, UN ACQUIS LÉGISLATIF ET BIENTÔT CONSTITUTIONNEL, À L'INITIATIVE DE LA COMMISSION DES FINANCES

L'article 14 de la LPFP 2011-2014

En application de l'article 14 de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, inséré à l'initiative de la commission des finances du Sénat, « à compter de 2011, le Gouvernement adresse au Parlement, au moins deux semaines avant sa transmission à la Commission européenne en application de l'article 121 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le projet de programme de stabilité. Le Parlement débat de ce projet et se prononce par un vote. »

Ainsi, pour la première fois, le Sénat a débattu et s'est prononcé, le 27 avril dernier, par un vote favorable, sur la déclaration du Gouvernement sur le projet de programme de stabilité 2011-2014, en application de l'article 50-1 de la Constitution.

L'article 12 du projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques

Par ailleurs, l'article 12 du projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques prévoit d'insérer dans la Constitution un article 88-8 qui, dans sa rédaction adoptée par le Sénat, dispose que :

« Le Gouvernement soumet chaque année à l'Assemblée nationale et au Sénat, au moins deux semaines avant sa transmission aux institutions de l'Union européenne, le projet de programme de stabilité établi au titre de la coordination des politiques économiques des États membres de l'Union européenne.

« Ce projet est soumis pour avis à une ou plusieurs commissions permanentes.

« À la demande du Gouvernement ou d'un groupe parlementaire au sens de l'article 51-1, ce projet donne lieu à un débat en séance, puis fait l'objet d'un vote sans engager la responsabilité du Gouvernement. »

B. L'ADOPTION DE RÉSOLUTIONS SUR LES PROJETS DE PROGRAMMES DE STABILITÉ, UNE PROPOSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES

Comme la commission des finances l'a souvent souligné, le simple vote du Parlement sur le projet de programme de stabilité ne permet pas d'exprimer une position suffisamment nuancée.

C'est pourquoi elle a proposé de compléter le deuxième alinéa de l'article 88-8 précité pour préciser que les commissions permanentes « peuvent proposer l'adoption d'une résolution sur le programme de stabilité mentionné à l'alinéa précédent, selon des modalités fixées par le règlement de chaque assemblée ».

Toutefois, lors de l'examen du texte en séance publique, cet amendement a été retiré, après que le ministre de la justice a pris l'engagement de réfléchir au dispositif le plus opérationnel pour atteindre l'objectif de la commission des finances.

II. UNE RECOMMANDATION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE AU CONSEIL QUI REJOINT LES ANALYSES DE LA COMMISSION DES FINANCES

A. DES ANALYSES CONVERGENTES DANS LE CAS DES GRANDS ÉQUILIBRES DE LA PROGRAMMATION

Les appréciations de la Commission européenne

La présente recommandation comprend une série d'appréciations qui rejoignent pleinement les analyses de la commission des finances, présentées dans le rapport d'information 3 ( * ) de son rapporteur général sur le projet de programme de stabilité :

- « Sur la base de l'évaluation du programme de stabilité effectuée conformément au règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil, le Conseil considère que le scénario macroéconomique sur lequel se fondent les projections budgétaires est trop optimiste. Les taux de croissance prévus sont légèrement supérieurs aux projections les plus récentes des services de la Commission pour 2011 et 2012 et restent nettement supérieurs à la croissance potentielle dans les dernières années » ;

- « La trajectoire d'ajustement du déficit et de la dette est entourée de plusieurs risques liés notamment à la possibilité que le scénario macroéconomique soit moins favorable qu'escompté, au manque de précision de certaines mesures et au fait que les objectifs n'ont souvent pas été atteints par le passé. Par conséquent, en l'absence de mesures supplémentaires, il ne peut pas être garanti que le déficit excessif sera corrigé en 2013 au plus tard » ;

- « L'effort budgétaire annuel moyen sur la période 2010-2013, fondé sur la tendance du solde structurel (recalculé), est légèrement inférieur à l'effort (supérieur à 1 % du PIB) préconisé par le Conseil » ;

- « Pour rétablir une position budgétaire viable, il est indispensable d'éviter le dérapage des dépenses en étayant le renforcement de l'effort budgétaire par des mesures clairement définies , notamment parce que l'objectif 2013 ne laisse aucune marge de sécurité par rapport au seuil de 3 % du PIB » ;

- « La Commission considère que la France doit préciser davantage sa stratégie d'assainissement budgétaire, notamment pour 2012 et les années suivantes, afin de corriger son déficit excessif en 2013 au plus tard et de ramener sa dette sur une trajectoire descendante. Toute recette exceptionnelle devrait être utilisée pour accélérer la réduction du déficit et de la dette ».

Au total, la Commission européenne propose que le Conseil recommande à la France de s'attacher, au cours de la période 2011-2012, à « se conformer à la recommandation d'un effort budgétaire annuel moyen supérieur à 1 % du PIB sur la période 2010-2013 et mettre rigoureusement en oeuvre les mesures permettant de corriger le déficit excessif en 2013 au plus tard ; préciser les mesures nécessaires à cette fin et utiliser toute recette exceptionnelle pour accélérer la réduction du déficit et de la dette ; poursuivre l'examen de la viabilité du système de retraite et prendre des mesures supplémentaires si nécessaire ».

La nécessité d'appliquer le rapport annexé à la LPFP 2011-2014

Lors de l'examen de ce qui est devenu la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, le Sénat a souhaité que le Gouvernement s'engage sur un certain effort structurel si, comme le juge probable la présente recommandation, la croissance était inférieure aux hypothèses retenues. Il est résulté de cette demande l'insertion dans le rapport annexé à cette loi des deux paragraphes suivants :

« Dans un scénario alternatif où la croissance de l'activité n'atteindrait que 2 % par an sur 2012-2014, les recettes publiques connaîtraient une croissance spontanée moins dynamique et cela affecterait la trajectoire de déficit public sur la période.

« Bien que l'impact de la croissance sur le solde public ne soit pas automatique, il est possible d'évaluer l'ordre de grandeur de l'effort supplémentaire nécessaire pour conserver la même trajectoire de déficit en points de PIB. Toutes choses égales par ailleurs, cet effort serait compris entre 4 Md€ et 6 Md€ chaque année. Il pourrait toutefois être accru par une évolution moins favorable du taux de chômage, ou une élasticité des prélèvements obligatoires au PIB moins élevée. Le Gouvernement y ferait face par des mesures d'économies supplémentaires sur les dépenses et les niches fiscales ou sociales pour assurer le respect de la trajectoire de déficit fixée dans la présente loi de programmation. »

Le Gouvernement devra confirmer devant le Conseil ces engagements pris devant le Sénat, et inscrits dans la loi.

B. DES ANALYSES CONVERGENTES DANS LE CAS DES QUESTIONS FISCALES

La présente recommandation rejoint aussi les analyses de votre commission des finances, s'agissant des questions fiscales.

La TVA sociale

Tout d'abord, elle souligne la nécessité du basculement du système fiscal vers ce qu'il est convenu d'appeler la « TVA sociale ».

En effet, selon la présente recommandation : « La France est l'un des pays de l'Union européenne où les impôts et les charges sociales sur le travail sont les plus élevés, tandis que la consommation y est relativement peu taxée. De plus, la part des recettes des taxes environnementales dans le PIB est elle aussi nettement inférieure à la moyenne de l'Union européenne. Un rééquilibrage du système fiscal par le déplacement de la charge fiscale du travail vers la consommation et l'environnement aurait probablement des effets bénéfiques sur l'emploi et sur la réalisation des objectifs environnementaux ».

Ainsi, la Commission européenne propose que le Conseil recommande que la France s'attache, au cours de la période 2011-2012, à « accroître l'efficacité du système fiscal, notamment en déplaçant la charge fiscale du travail vers l'environnement et la consommation (...) ».

La nécessité de réduire les allégements de prélèvements obligatoires

La présente recommandation souligne en outre la nécessité de réduire les allégements de prélèvements obligatoires :

« Les exonérations fiscales et sociales (notamment les « niches fiscales ») en France sont très élevées ( environ 11 % du PIB ) et font peser un risque sur l'assainissement des finances publiques. De plus, pour comprendre et exploiter les avantages du système, les ménages et les entreprises doivent s'attacher les services d'experts. Les dépenses fiscales sont utilisées pour mettre en oeuvre une politique économique précise, mais aucune évaluation systématique n'est réalisée pour déterminer si les objectifs visés ont été atteints. Enfin, la possibilité de les substituer aux dépenses publiques a permis aux autorités françaises de respecter officiellement les règles existantes en matière de dépenses. Les autorités françaises prévoient que le coût budgétaire des dépenses fiscales diminuera d'environ 0,75 % du PIB sur la période 2011-2013 (du fait notamment de la suppression de plusieurs d'entre elles). Les dépenses fiscales à supprimer n'ont toutefois pas encore été définies pour 2012 et les années suivantes. »

Ainsi, la Commission européenne propose que le Conseil recommande que la France s'attache, au cours de la période 2011-2012, à « (...) accroître l'efficacité du système fiscal, notamment (...) en mettant en oeuvre la réduction prévue du nombre et du coût des exonérations fiscales et sociales (y compris les « niches fiscales ») ».

La commission des finances ne peut qu'approuver une telle orientation.

Les allégements de prélèvements obligatoires tels qu'elle les évalue sont d'ailleurs supérieurs au montant indiqué par la présente recommandation. En effet, cette dernière avance un montant d'« environ 11 % du PIB », soit de l'ordre de 200 milliards d'euros. Or, comme l'indique la commission des finances dans un récent rapport d'information 4 ( * ) de son rapporteur général, ils semblent plutôt de l'ordre de 300 milliards d'euros (soit 15 points de PIB).

Au cours de sa réunion du mercredi 22 juin 2011, présidée par M. Jean Arthuis, président, la commission des finances a examiné le rapport de M. Philippe Marini sur sa proposition de résolution européenne n° 615 (2010-2011), présentée au nom de la commission des finances, relative aux recommandations de la Commission européenne au Conseil sur le programme de stabilité actualisé de la France pour la période 2011-2014.

Elle a modifié et complété la rédaction de la proposition de résolution européenne, dont le texte figure ci-après.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE ADOPTÉE PAR LA COMMISSION

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014,

Vu le programme de stabilité actualisé de la France pour la période 2011-2014 transmis aux autorités de l'Union européenne le 3 mai 2011,

Vu l'article 121 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et en particulier son paragraphe 4, qui prévoit que « lorsqu'il est constaté (...) que les politiques économiques d'un État membre ne sont pas conformes aux grandes orientations (...) ou qu'elles risquent de compromettre le bon fonctionnement de l'Union économique et monétaire, (...) le Conseil, sur recommandation de la Commission, peut adresser les recommandations nécessaires à l'État membre concerné » et « statue sans tenir compte du vote du membre du Conseil représentant l'État membre concerné »,

Vu le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, dans sa version du 27 juillet 2005,

Vu la recommandation de recommandation du Conseil concernant le programme national de réforme de la France pour 2011 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité actualisé de la France pour la période 2011-2014 adoptée par la Commission européenne le 7 juin 2011 (E 6315),

- souligne que les programmes de stabilité doivent reposer sur des hypothèses de croissance correspondant à la croissance potentielle de l'économie, pour ne pas surestimer l'amélioration du solde public ; que le programme de stabilité 2011-2014, qui retient des hypothèses de 2,25 % en 2012 et 2,5 % en 2013 et en 2014, ne satisfait pas à cette exigence ;

- observe que l'autre raison principale du non respect de la trajectoire de solde de la quasi-totalité des programmes de stabilité passés réside dans une hypothèse de croissance des dépenses publiques de l'ordre de 1 % en volume, contre une exécution en moyenne supérieure à 2 % ; qu'en conséquence, l'objectif de 0,6 % du programme de stabilité 2011-2014 devrait être mieux documenté ;

- rappelle que le respect de la trajectoire de solde conditionne la réduction du ratio d'endettement public à compter de 2013 ;

- se félicite de ce que la recommandation au Conseil souligne la nécessité de déplacer la charge fiscale du travail vers l'environnement et la consommation ;

- estime indispensable la mise en oeuvre d'une politique énergique de réduction des dépenses fiscales et des dépenses de prélèvements sociaux et, plus généralement, des allégements de prélèvements obligatoires ;

- constatant que la plupart des programmes de stabilité présentés en avril 2011 par les autres Etats membres de la zone euro comportent plusieurs scénarios de croissance, incite le Gouvernement à inclure dans ses prochains programmes de stabilité un scénario alternatif reposant sur une hypothèse de croissance de 2 % par an ;

- demande au Gouvernement de confirmer au Conseil son engagement, résultant du rapport annexé à la loi n° 2010-1645 précitée, de prévoir dès l'automne 2011 des mesures supplémentaires pour respecter sa trajectoire de solde, s'il apparaissait que la croissance ou les dépenses publiques devaient être respectivement inférieure ou supérieures aux hypothèses retenues ;

- estime que les politiques d'ajustement, à l'échelle européenne, ne sont soutenables qu'accompagnées de politiques de soutien de la croissance et doivent s'inscrire dans la mise en oeuvre de la stratégie UE 2020.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. RÉUNION DU 15 JUIN 2011

Réunie le mercredi 15 juin 2011, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a entendu une communication de M. Philippe Marini , rapporteur , sur les recommandations de la Commission européenne au Conseil sur le programme de stabilité actualisé de la France pour la période 2011-2014 .

M. Jean Arthuis , président . - Pour la première fois, le 27 avril dernier, le Sénat s'est prononcé par un vote sur la déclaration du Gouvernement sur le projet de programme de stabilité, en application de l'article 50-1 de la Constitution. La recommandation de la Commission européenne au Conseil concernant le programme national de réforme de la France pour 2011 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité actualisé de la France pour la période 2011-2014, adoptée le 7 juin 2011, exprime des analyses très proches de celles de la commission.

M. Philippe Marini , rapporteur . - La recommandation de la Commission européenne rejoint en effet pleinement les analyses de la commission des finances, telles qu'elles ont été en particulier exprimées dans mon récent rapport d'information (n° 456, 2010-2011) sur le projet de programme de stabilité.

Ainsi, selon la Commission européenne :

- « sur la base de l'évaluation du programme de stabilité effectuée conformément au règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil, [il apparaît] que le scénario macroéconomique sur lequel se fondent les projections budgétaires est trop optimiste. Les taux de croissance prévus sont légèrement supérieurs aux projections les plus récentes des services de la Commission pour 2011 et 2012 et restent nettement supérieurs à la croissance potentielle dans les dernières années » ;

- « la trajectoire d'ajustement du déficit et de la dette est entourée de plusieurs risques liés notamment à la possibilité que le scénario macroéconomique soit moins favorable qu'escompté, au manque de précision de certaines mesures et au fait que les objectifs n'ont souvent pas été atteints par le passé. Par conséquent, en l'absence de mesures supplémentaires, il ne peut pas être garanti que le déficit excessif sera corrigé en 2013 au plus tard » ;

- « l'effort budgétaire annuel moyen sur la période 2010-2013, fondé sur la tendance du solde structurel (recalculé), est légèrement inférieur à l'effort (supérieur à 1 % du PIB) préconisé par le Conseil » ;

- « pour rétablir une position budgétaire viable, il est indispensable d'éviter le dérapage des dépenses en étayant le renforcement de l'effort budgétaire par des mesures clairement définies, notamment parce que l'objectif 2013 ne laisse aucune marge de sécurité par rapport au seuil de 3 % du PIB » ;

- enfin, « la Commission considère que la France doit préciser davantage sa stratégie d'assainissement budgétaire, notamment pour 2012 et les années suivantes, afin de corriger son déficit excessif en 2013 au plus tard et de ramener sa dette sur une trajectoire descendante. Toute recette exceptionnelle devrait être utilisée pour accélérer la réduction du déficit et de la dette ».

Lors de l'examen de ce qui est devenu la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, le Sénat a souhaité que le Gouvernement s'engage sur un certain effort structurel si, comme le juge probable la présente recommandation, la croissance était inférieure aux hypothèses retenues. Il est résulté de cette demande l'insertion dans le rapport annexé à cette loi de deux paragraphes, selon lesquels « dans un scénario alternatif où la croissance de l'activité n'atteindrait que 2 % par an sur 2012-2014 », il faudrait réaliser un effort supplémentaire « compris entre 4 milliards d'euros et 6 milliards d'euros chaque année », ce à quoi le Gouvernement « ferait face par des mesures d'économies supplémentaires sur les dépenses et les niches fiscales ou sociales pour assurer le respect de la trajectoire de déficit fixée dans la présente loi de programmation. »

La recommandation de la Commission européenne rejoint également les analyses de la commission des finances en matière fiscale. Elle souligne en particulier la nécessité du basculement du système fiscal vers ce qu'il est convenu d'appeler la « TVA sociale » : « La France - souligne-t-elle - est l'un des pays de l'Union européenne où les impôts et les charges sociales sur le travail sont les plus élevés, tandis que la consommation y est relativement peu taxée. De plus, la part des recettes des taxes environnementales dans le PIB est elle aussi nettement inférieure à la moyenne de l'Union européenne. Un rééquilibrage du système fiscal par le déplacement de la charge fiscale du travail vers la consommation et l'environnement aurait probablement des effets bénéfiques sur l'emploi et sur la réalisation des objectifs environnementaux ».

La Commission européenne souligne en outre la nécessité de réduire les allégements de prélèvements obligatoires. Selon elle, « les exonérations fiscales et sociales (notamment les « niches fiscales ») (...) font peser un risque sur l'assainissement des finances publiques. (...) Les dépenses fiscales sont utilisées pour mettre en oeuvre une politique économique précise, mais aucune évaluation systématique n'est réalisée pour déterminer si les objectifs visés ont été atteints. Enfin, la possibilité de les substituer aux dépenses publiques a permis aux autorités françaises de respecter officiellement les règles existantes en matière de dépenses ». Tout cela est dit assez élégamment.

Ainsi, la Commission européenne propose que le Conseil recommande que la France s'attache, au cours de la période 2011-2012, à « (...) accroître l'efficacité du système fiscal, notamment (...) en mettant en oeuvre la réduction prévue du nombre et du coût des exonérations fiscales et sociales (y compris les « niches fiscales ») ».

Nous devons nous féliciter des convergences des analyses de la commission et de celles de la Commission européenne. Cela peut tout à fait motiver le texte de la résolution que je vais vous soumettre.

L'alinéa 7 se réfère à une « recommandation de recommandation », ce qui est du « langage européen ». C'est pour le plaisir de parler une langue incompréhensible !

M. Jean Arthuis , président . - C'est la Commission européenne qui recommande au Conseil d'adopter une recommandation.

M. Philippe Marini , rapporteur . - Selon le texte que je vous propose, le Sénat :

« - souligne que les programmes de stabilité doivent reposer sur des hypothèses de croissance correspondant à la croissance potentielle de l'économie, pour ne pas surestimer l'amélioration du solde public ; que le programme de stabilité 2011-2014, qui retient des hypothèses de 2,25 % en 2012 et 2,5 % en 2013 et en 2014, ne satisfait pas à cette exigence ;

« - observe que l'autre raison principale du non respect de la trajectoire de solde de la quasi-totalité des programmes de stabilité passés réside dans une hypothèse de croissance des dépenses publiques de l'ordre de 1 % en volume, contre une exécution en moyenne supérieure à 2 % ; qu'en conséquence, l'objectif de 0,6 % du programme de stabilité 2011-2014 devrait être mieux documenté ;

« - se félicite de ce que la recommandation au Conseil souligne la nécessité de déplacer la charge fiscale du travail vers l'environnement et la consommation, et de réduire les allégements de prélèvements obligatoires ;

« - constatant que la plupart des programmes de stabilité présentés en avril 2011 par les autres Etats membres de la zone euro comportent plusieurs scénarios de croissance, incite le Gouvernement à inclure dans ses prochains programmes de stabilité un scénario alternatif reposant sur une hypothèse de croissance de 2 % par an ;

« - demande au Gouvernement de confirmer au Conseil son engagement, résultant du rapport annexé à la loi n° 2010-1645 précitée, de prévoir dès l'automne 2011 des mesures supplémentaires pour respecter sa trajectoire de solde, s'il apparaissait que la croissance ou les dépenses publiques devaient être respectivement inférieure ou supérieures aux hypothèses retenues. »

M. Jean Arthuis , président . - On a l'impression que ce sont les travaux de la commission qui viennent de recevoir le « visa » de la Commission européenne !

M. Denis Badré . - Ne faudrait-il pas évoquer la « TVA sociale » et les allégements de prélèvements obligatoires dans deux alinéas distincts ?

Mme Nicole Bricq . - Le texte du rapporteur montre bien toute la vanité de la révision constitutionnelle en cours. Si le Gouvernement voulait réellement réduire le déficit, il ne s'exposerait pas à de telles appréciations de la part de la Commission européenne.

M. Jean Arthuis , président . - Il n'est pas le seul à retenir une hypothèse de croissance de 2,5 % !

Mme Nicole Bricq . - Je ne vois pas l'intérêt d'une résolution. Le Sénat a voté favorablement, le 27 avril dernier, sur la déclaration du Gouvernement sur le projet de programme de stabilité. S'il désapprouvait ce projet, pourquoi avoir voté favorablement ? C'est une « procédure de complaisance ». Par ailleurs, je suis contre la TVA sociale. Je ne puis voter en faveur de ce texte.

M. Jean-Pierre Fourcade . - Peut-être faudrait-il mentionner explicitement la dette publique ?

M. Yann Gaillard . - Je suis un peu triste, et gêné que la commission se réjouisse de ce que la Commission européenne donne à la France une « mauvaise note » !

M. Jean Arthuis , président . - Nous ne nous réjouissons pas. Nous remarquons la proximité de nos analyses et de celles de la Commission européenne.

M. François Marc . - J'approuve ce qu'a dit Nicole Bricq. La volonté d'alourdir la TVA procède d'une tendance libérale, conservatrice, qui a pour objet d'alléger l'imposition du patrimoine.

M. François Fortassin . - Nous pouvons certes nous congratuler de la convergence de nos analyses avec celles de la Commission européenne. Mais nous sommes dans la position des sociétés savantes ! Nous ne sommes pas écoutés par le Gouvernement. Le « rabot » a en réalité été une « lime à ongles ». La commission des finances devrait exprimer son point de vue avec plus de force.

M. Jean Arthuis , président . - Ce qui confirme la nécessité du texte qui vous est proposé !

M. Joël Bourdin . - Je pense, comme Jean-Pierre Fourcade, qu'il faudrait évoquer la dette publique. Par ailleurs, les économistes ne sont pas d'accord sur l'estimation de la croissance potentielle.

M. Philippe Dominati . - Dans l'optique libérale qui est la mienne, je ne vois pas l'intérêt de la TVA sociale, ni, d'une façon générale, d'une augmentation des impôts.

M. Jean Arthuis , président . - Il ne s'agit pas d'augmenter les impôts, mais de les déplacer !

M. Roland du Luart . - Je suis d'accord sur le fait que la commission devrait exprimer son point de vue avec davantage de fermeté. Elle doit demander la suppression de tous les « comités Théodule » !

M. Jean Arthuis , président . - Ce sera possible dans le projet de loi de finances rectificative.

M. Philippe Marini , rapporteur . - Je me félicite de l'ensemble des interventions. Je réponds à notre collègue Nicole Bricq qu'une fois que le Parlement a voté sur le projet de programme de stabilité, il ne lui reste d'autre moyen de s'exprimer que l'adoption d'une résolution. C'est une façon de dire : « Ecoutez-nous davantage ». Le passage du texte que je vous propose relatif à la TVA sociale est conforme aux positions précédemment exprimées par la commission des finances.

En réponse aux suggestions de nos collègues Jean-Pierre Fourcade et Joël Bourdin, je vous propose d'insérer un alinéa selon lequel le Sénat « rappelle que le respect de la trajectoire de solde conditionne la réduction du ratio d'endettement public à compter de 2013 ».

A l'issue de ce débat, la commission a conclu au dépôt de la proposition de résolution présentée par M. Philippe Marini, rapporteur, ainsi modifiée, et a décidé de fixer au lundi 20 juin à midi le délai-limite de dépôt, par tout sénateur, d'amendements éventuels à ce texte.

II. RÉUNION DU 22 JUIN 2011

Réunie le mercredi 22 juin 2011 sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a examiné le rapport de M. Philippe Marini, rapporteur, sur sa proposition de résolution européenne n° 615 (2010-2011), présentée au nom de la commission des finances, relative aux recommandations de la Commission européenne au Conseil sur le programme de stabilité actualisé de la France pour la période 2011-2014.

M. Philippe Marini , rapporteur . - Le groupe socialiste a déposé trois amendements. L'amendement n° 1 propose de modifier l'alinéa 11, afin de supprimer la référence à la TVA sociale, ce qui n'est pas acceptable. L'amendement n° 2 souligne la nécessité de réduire les dépenses fiscales. Je ne peux qu'y être favorable, sous réserve d'une rectification rédactionnelle. Je demande le retrait de l'amendement n° 3, qui concerne la politique économique, et relève donc de la compétence de la commission de l'économie.

M. Jean Arthuis , président . - L'avis serait donc défavorable sur l'amendement n° 1, favorable sur l'amendement n° 2, sous réserve de rectification ; et consisterait en une demande de retrait dans le cas de l'amendement n° 3.

Mme Nicole Bricq . - Je maintiens l'amendement n° 1. J'accepte de rectifier l'amendement n° 2. Je maintiens l'amendement n° 3, le programme de stabilité devant être compatible avec la stratégie « UE 2020 ». J'accepte toutefois de le rectifier, pour remplacer la référence à la « relance de la croissance » par une référence au « soutien de la croissance ».

M. Philippe Marini , rapporteur . - Nous pourrions en ce cas adopter l'amendement n° 3, sous réserve d'une rectification rédactionnelle supplémentaire, consistant à supprimer la précision selon laquelle ces politiques de soutien de la croissance doivent être « à la même échelle » que les politiques d'ajustement. Cette disposition manque en effet de clarté.

Mme Nicole Bricq . - J'accepte cette rectification.

M. Philippe Marini , rapporteur . - Il conviendrait, par coordination avec l'amendement n° 2, d'adopter un amendement n° 4, supprimant la fin de l'alinéa 11, relative aux allégements de prélèvements obligatoire.

L'amendement n° 1 est rejeté.

L'amendement n° 4 est adopté.

L'amendement n° 2 rectifié est adopté.

L'amendement n° 3 rectifié est adopté.

M. Jean Arthuis , président . - La commission adopte-t-elle la proposition de résolution européenne ainsi modifiée ?

Mme Nicole Bricq . - Le groupe socialiste s'abstient.

La proposition de résolution européenne a alors été adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement n° 1

ALINÉA 11

Rédiger ainsi cet alinéa :

- demande d'accroître l'efficacité du système fiscal en rééquilibrant prélèvements sur les revenus du capital et prélèvements sur ceux du travail ;

Amendement n° 2 rectifié

APRÈS L'ALINÉA 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

- estime indispensable la mise en oeuvre d'une politique énergique de réduction des dépenses fiscales et des dépenses de prélèvements sociaux et, plus généralement, des allégements de prélèvements obligatoires ;

Amendement n° 3 rectifié

APRÈS L'ALINÉA 13

Ajouter un alinéa ainsi rédigé :

- estime que les politiques d'ajustement, à l'échelle européenne, ne sont soutenables qu'accompagnées de politiques de soutien de la croissance et doivent s'inscrire dans la mise en oeuvre de la stratégie UE 2020.

Amendement n° 4

ALINÉA 11

Supprimer les mots :

, et de réduire les allégements de prélèvements obligatoires


* 1 Recommandation au Conseil concernant le programme national de réforme de la France pour 2011 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité actualisé de la France pour la période 2011-2014 (SEC (2011) 806 final).

* 2 Proposition de résolution européenne n° 615 (2010-2011).

* 3 Rapport d'information n° 456 (2010-2011) du 26 avril 2011.

* 4 « Comment définir et chiffrer les allégements de prélèvements obligatoires ? », rapport d'information n° 553 (2010-2011) du 25 mai 2011.

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