Rapport n° 74 (2011-2012) de Mme Isabelle PASQUET , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 2 novembre 2011

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N° 74

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 2 novembre 2011

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par Mme Isabelle PASQUET,

Sénatrice.

Tome IV :

Famille

(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Jacky Le Menn, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Alain Milon, Mme Isabelle Debré, MM. Jean-Louis Lorrain, Jean-Marie Vanlerenberghe, Gilbert Barbier , vice-présidents ; Mmes Claire-Lise Campion, Aline Archimbaud, M. Alain Gournac, Mme Catherine Deroche, M. Marc Laménie , secrétaires ; Mmes Jacqueline Alquier, Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, MM. Jean-Noël Cardoux, Luc Carvounas, Mme Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mme Muguette Dini, M. Jean-Léonce Dupont, Mmes Odette Duriez, Anne-Marie Escoffier, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Mme Samia Ghali, M. Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mmes Chantal Jouanno, Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Hervé Marseille, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, M. Louis Pinton, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. René Teulade, Michel Vergoz, André Villiers, Dominique Watrin.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

3790 , 3865 , 3869 et T.A. 752

Sénat :

73 (2011-2012)


Les observations et propositions de la commission des affaires sociales
pour la branche famille en 2012

Par la voix de sa rapporteure, Isabelle Pasquet, la commission constate que le déficit désormais structurel de la branche famille résulte à la fois de la crise économique, laquelle a entraîné une perte de recettes de l'ordre de 2,7 milliards d'euros, et du transfert de charges jusque-là assumées par la branche vieillesse. Pour la seule année 2011, les dépenses de la Cnaf au titre des droits familiaux de retraite s'élèvent à 8,8 milliards.

La commission dénonce la fragilisation de la structure des recettes de la branche famille résultant du transfert, en 2011, de 0,28 point de CSG vers la Cades pour financer la dette sociale, mesure qu'elle avait vivement combattue. Pour compenser cette perte de recettes pérennes et dynamiques, la branche s'est vu attribuer trois recettes aléatoires, si bien que dès 2013, le compte n'y sera plu : le manque à gagner devrait être de 600 millions. Ce montage financier, outre qu'il déstabilise la structure financière de la branche, compromet tout retour à l'équilibre des comptes dans un avenir proche. Pour 2011 et 2012, sont ainsi annoncés d' inquiétants déficits , respectivement de 2,6 et 2,3 milliards d'euros .

La commission regrette que la légère amélioration du solde en 2012 soit le fait de recettes nouvelles qui consistent à faire des économies au détriment des familles , au moment où le pays traverse une grave crise économique et sociale. Elle se félicite que l'assujettissement à la CSG du complément de libre choix d'activité de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje) ait été supprimé par l'Assemblée nationale.

La commission juge cependant inacceptable la décision du Gouvernement de compenser la perte des 140 millions d'économies attendus de cette mesure par le report de la revalorisation des prestations familiales du 1 er janvier au 1 er avril . Une fois de plus, les familles les plus fragiles seront les premières pénalisées, d'autant que le Gouvernement s'était engagé à revaloriser les prestations familiales de 2,3 %. La commission propose donc de supprimer cette mesure de report .

La commission approuve les deux mesures proposées par le texte, à savoir l'amélioration du volet « aide à la garde d'enfant » de la Paje pour les parents isolés et les parents handicapés, et l'aménagement du régime d'attribution de l'allocation de soutien familial pour les petites pensions alimentaires. Elles constituent un « coup de pouce » bienvenu en direction de publics particulièrement fragiles . La commission regrette toutefois que cette année encore, la famille soit le parent pauvre du projet de loi de financement, traduisant un manque d'ambition du Gouvernement en la matière, alors que de très nombreux chantiers sont à engager.

Enfin, elle propose que le montant de l'allocation de rentrée scolaire soit, pour les lycéens, modulé en fonction de la voie de formation suivie . En effet, les filières technologiques et professionnelles sont, par définition, plus coûteuses en fournitures et matériels pour les familles que la filière générale.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Depuis 2008, la branche famille est entrée dans un cycle déficitaire continu d'une ampleur sans précédent dans son histoire. Cette situation est pour partie imputable à la crise économique qui lui a causé la perte de près de 2,7 milliards d'euros de recettes. Mais son déficit structurel résulte aussi d'un choix de politique économique qui a consisté à lui transférer des prestations assumées jusque-là par la branche vieillesse. Pour la seule année 2011, le coût de cette prise en charge s'élève à 8,8 milliards d'euros pour la Cnaf.

Dans le même temps, les petites mesures d'économies votées les années passées, comme l'unification des majorations d'âge des allocations familiales et la suppression de la rétroactivité des aides au logement, ne sont pas de nature à permettre un rééquilibrage des comptes.

Point plus inquiétant, le financement de la branche famille a été fortement fragilisé par le transfert, en 2011, de 0,28 point de CSG, qui lui était précédemment attribué, vers la Cades, pour financer la dette sociale. Cette opération se révèle être un marché de dupes puisque, pour compenser cette perte de recettes pérennes et dynamiques, la branche s'est vu attribuer trois recettes aléatoires et vouées à diminuer. Dès 2013, la Cnaf n'y trouvera plus son compte.

Dès lors, il ne faut pas s'étonner du maintien du déficit à un niveau très préoccupant en 2011 (2,6 milliards d'euros) et en 2012 (2,3 milliards). Certes, le projet de loi de financement pour 2012 escompte une légère amélioration du solde, mais celle-ci est à mettre sur le compte de mesures nouvelles en recettes particulièrement injustes et malvenues en période de crise économique et sociale.

L'assujettissement à la CSG du volet « libre choix d'activité » de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje), finalement supprimé par l'Assemblée nationale, aurait ainsi fait perdre à près de 330 000 familles entre 100 et 400 euros par an. La réaction du Gouvernement ne s'est toutefois pas fait attendre puisque, pour compenser la perte des 140 millions d'économies attendus de cette mesure, celui-ci a annoncé le report de la revalorisation annuelle des prestations familiales du 1 er janvier au 1 er avril . Votre rapporteure s'oppose avec vigueur à cette décision qu'elle juge inacceptable, incohérente et irresponsable dans la conjoncture économique actuelle.

Cette année encore, la branche famille constitue le parent pauvre du projet de loi de financement puisque seules sont envisagées deux mesures relatives au complément de libre choix du mode de garde de la Paje et à l'allocation de soutien familial. Celles-ci sont positives, parce qu'elles améliorent, à la marge, la situation des familles monoparentales et des parents handicapés, mais elles témoignent surtout du manque d'ambition de la politique familiale du Gouvernement , alors que de nombreuses promesses avaient été faites aux Français.

Votre rapporteure entend insister, au cours de l'examen de ce projet de loi de financement, sur plusieurs chantiers qui méritent, selon elle, d'être engagés dans le domaine de la famille, au premier rang desquels la modulation de l'allocation de rentrée scolaire selon la voie de formation suivie, le versement des allocations familiales dès le premier enfant et l'allongement de la durée du congé de maternité.

I. LA SITUATION FINANCIÈRE DÉGRADÉE DE LA BRANCHE FAMILLE

Traditionnellement excédentaire en raison de la structure particulière de ses recettes et de ses dépenses, la branche famille connaît depuis 2008 une dégradation continue de ses comptes, imputable non seulement à la crise économique mais aussi à plusieurs mesures votées ces dernières années. Pour 2011 et 2012, sont annoncés de très préoccupants déficits, à hauteur de 2,6 et 2,3 milliards d'euros, sans qu'existe de perspective proche de retour à l'équilibre.

A. UNE BRANCHE STRUCTURELLEMENT EXCÉDENTAIRE

1. La composition des recettes et des dépenses
a) Des recettes pérennes et dynamiques

Le financement de la branche famille est assuré, dans sa quasi-totalité, par deux types de recettes pérennes et dynamiques :

- les cotisations sociales (qu'elles soient effectives, « fictives » ou prises en charge par l'Etat et la sécurité sociale) qui représentent environ 64 % de l'ensemble des recettes ;

- les impôts et taxes affectés qui représentent environ 32 % de l'ensemble des recettes .

Le reste des recettes est constitué de produits de gestion courante et de produits exceptionnels.

Les cotisations versées à la branche famille se répartissent de la manière suivante :

- les cotisations sociales effectives de droit commun entièrement à la charge de l'employeur (96 % du total) ;

- les cotisations dites « fictives » (dans le cas où l'employeur fournit directement des prestations sociales, sa contribution au financement de ces prestations est appelée « cotisations fictives », conformément aux conventions de la comptabilité nationale ; 0,3 % de l'ensemble) ;

- les cotisations prises en charge par l'Etat (dans le cadre de la politique de l'emploi, l'Etat accorde des exonérations de cotisations qu'il rembourse à la sécurité sociale ; 2,1 % du total) ;

- les cotisations prises en charge directement par la sécurité sociale (1,6 % de l'ensemble).

Les impôts et taxes affectés (Itaf) sont principalement constitués de la part de la CSG affectée à la Cnaf .

Jusqu'en 2010, la Cnaf percevait 1,1 point de CSG. Or la nouvelle reprise de dette par la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) votée en loi de financement pour 2011 s'est accompagnée de l'affectation à cette dernière de nouvelles recettes, en particulier de 0,28 point de CSG auparavant attribué à la branche famille . Depuis cette année, la Cnaf ne perçoit donc plus que 0,82 point de CSG.

Pour compenser le manque à gagner résultant de cette opération (3,5 milliards d'euros par an), trois nouvelles recettes ont été affectées à la Cnaf :

- l'assujettissement, à un taux réduit de 3,5 %, à la taxe spéciale sur les conventions d'assurances (TSCA) des contrats d'assurance maladie dits « solidaires et responsables » 1 ( * ) , qui rapporterait environ 1,05 milliard d'euros par an ;

- un prélèvement exceptionnel, dit « exit tax », sur les sommes placées sur la réserve de capitalisation des entreprises d'assurance, dont le montant s'élèverait à 835 millions d'euros environ en 2011 et en 2012 ;

- un aménagement des règles d'imposition aux prélèvements sociaux de la part en euro des contrats multi-supports d'assurance vie (« préciput assurance-vie »), rapportant 1,6 milliard d'euros en 2011.

Ces nouvelles recettes présentent toutefois l'inconvénient majeur de ne pas être suffisamment solides ni pérennes : l'« exit tax », qui est une mesure temporaire, disparaîtra dès 2013 et le rendement des recettes issues de l'imposition des contrats d'assurance vie suivra, compte tenu de la durée de vie limitée de ceux-ci, une trajectoire décroissante avant de s'annuler à l'horizon 2020.

Parmi les autres impôts et taxes affectés, il convient de citer :

- les impôts et taxes affectés à la compensation des allégements de cotisations sur les bas salaires ;

- une fraction des taxes sur les tabacs ;

- une fraction des taxes sur les salaires.

b) Des dépenses portant sur un large périmètre

Les dépenses de la branche famille peuvent être classées en trois principales catégories :

La première catégorie regroupe les prestations légales au sens de la commission des comptes de la sécurité sociale. Celles-ci se composent :

- des prestations en faveur de la famille : les allocations familiales, le complément familial, l'allocation de soutien familial (ASF) et l'allocation de rentrée scolaire (ARS) ;

- des prestations en faveur de la petite enfance : les quatre composantes de la Paje [la Paje naissance/adoption, la Paje de base, le complément de libre choix du mode de garde (CLCMG), le complément de libre choix d'activité (CLCA)], l'allocation pour jeune enfant (APJE), l'allocation d'adoption, l'allocation parentale d'éducation (APE), l'aide à l'emploi d'une assistante maternelle agréée (Afeama), l'allocation de garde d'enfant à domicile (Aged) et l'allocation journalière de présence parentale (AJPP) ;

- des prestations en faveur du logement : l'allocation de logement à caractère familial (ALF), la contribution au financement de l'aide personnalisée au logement (APL) 2 ( * ) via le fonds national d'aide au logement (Fnal) ;

- d'une prestation à destination des personnes handicapées : l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) 3 ( * ) .


Les prestations familiales au sens du code de la sécurité sociale

L'article L. 511-1 du code de la sécurité sociale définit huit prestations familiales :

- la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje) ;

- les allocations familiales ;

- le complément familial ;

- l'allocation de logement familiale (ALF) ;

- l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) ;

- l'allocation de soutien familial (ASF) ;

- l'allocation de rentrée scolaire (ARS) ;

- l'allocation journalière de présence parentale (AJPP).

La deuxième catégorie de dépenses correspond à des transferts financiers entre organismes de sécurité sociale :

- les cotisations AVPF (assurance vieillesse des parents au foyer) que la Cnaf verse à la Cnav 4 ( * ) ;

- les majorations de pensions pour les parents ayant élevé trois enfants et plus, prises en charge par la Cnaf pour le compte du fonds de solidarité vieillesse (FSV).

La loi de financement pour 2001 avait initialement prévu que ces majorations seraient progressivement assumées par la branche famille. La loi de financement pour 2006 a interrompu ce processus de transfert en fixant définitivement, selon le Gouvernement de l'époque, la part de la contribution de la branche à 60 % du montant total. La loi de financement pour 2009 a de nouveau modifié la donne et réintroduit le principe d'un transfert progressif, puis intégral selon le schéma suivant : une prise en charge progressive de ces prestations par la branche famille à hauteur de 70 % en 2009, de 85 % en 2010 et de 100 % à compter de 2011 ;

- les indemnités journalières au titre du congé de paternité servies par la Cnam pour le compte de la Cnaf.

La troisième catégorie est constituée de la participation de la Cnaf au financement de fonds , en particulier au fonds national d'action sociale (Fnas). Celui-ci est essentiellement destiné à contribuer au financement de la création et du fonctionnement des établissements d'accueil des jeunes enfants (EAJE).

2. Une progression moins rapide des dépenses que des recettes

La branche famille tend spontanément vers une situation excédentaire : le rythme d'évolution de ses dépenses est en effet moins dynamique que celui de ses recettes.

Le volume des prestations servies par la branche est déterminé par trois facteurs : le dynamisme des naissances, la structure des familles et le niveau de l'inflation.

a) Un taux de fécondité stable

Le taux de fécondité influence directement la masse des allocations payées, dans la mesure où deux d'entre elles sont automatiquement versées à l'occasion de la naissance d'un enfant : les compléments de libre choix d'activité (CLCA) et de mode de garde (CLCMG) sont servis sans condition de ressources à la naissance du premier enfant 5 ( * ) et les allocations familiales sont attribuées sans condition de ressources à la naissance du deuxième enfant.

Depuis quatre ans, le nombre de naissances semble se stabiliser autour de 825 000 par an, ce qui correspond à un taux de fécondité de deux enfants par femme. Les projections démographiques tablent sur la persistance de cette stabilisation, ce qui signifie que l'effet démographique est pratiquement neutre sur l'évolution des dépenses de la branche famille .

b) Une réduction tendancielle de la taille des familles

En revanche, la réduction tendancielle de la taille des familles exerce une pression à la baisse sur ces dépenses . En effet, certaines prestations ne sont ouvertes qu'aux familles de trois enfants et plus (le complément optionnel de libre choix d'activité par exemple ou Colca) et les allocations familiales augmentent plus que proportionnellement à partir de la troisième naissance 6 ( * ) . Or, comme le montre le graphique suivant, le nombre de familles comportant plus de deux enfants se réduit régulièrement depuis 1990.

Evolution du nombre de familles bénéficiaires de prestations
familiales selon le nombre d'enfants
(base 100 en 1990)

Source : Cnaf

La diminution continue de la taille des familles favorise donc la réduction du volume financier de certaines prestations familiales.

c) Une inflation relativement mesurée

Le niveau d'inflation constitue le troisième facteur déterminant le volume des dépenses. En effet, l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale prévoit que « le montant des prestations familiales est déterminé d'après des bases mensuelles de calcul revalorisées par décret, une ou plusieurs fois par an, conformément à l'évolution des prix à la consommation hors tabac prévue dans le rapport économique, social et financier annexé à la loi de finances pour l'année civile à venir » . Le même article dispose également que « si l'évolution constatée des prix à la consommation hors tabac est différente de celle qui avait été initialement prévue, il est procédé à un ajustement destiné à assurer, pour l'année civile suivante, une évolution des bases mensuelles conforme à l'évolution des prix à la consommation hors tabac » .

En d'autres termes, la revalorisation de la base mensuelle des allocations familiales (BMAF) au 1 er janvier de l'année N est égale à l'évolution prévisionnelle des prix hors tabac pour l'année N corrigée, le cas échéant, de la révision de la prévision d'inflation de l'année N-1 et de l'ajustement entre l'inflation de l'année N-2 et l'inflation définitive constatée pour N-2.

Après une revalorisation nulle en 2010, la revalorisation de la BMAF en 2011 et en 2012 contribuerait respectivement à hauteur de 1,5 point et de 2,3 points à la progression des prestations familiales.

Evolution des prix et de la BMAF

Prix à la consommation,
hors tabac

BMAF

2004

1,7 %

1,7 %

2005

1.7 %

2,2 %

2006

1.7 %

1,8 %

2007

1,5 %

1,7 %

2008

2,8 %

1,0 %

2009

0,1 %

3,0 %

2010

1,5 %

0,0 %

2011

2,1 %

1,5 %

2012*

1,7 %

2,3 %

* prévision

Source : direction de la sécurité sociale

En définitive, puisque l'évolution démographique ne pèse pas sur l'équilibre de la branche et que la taille des familles joue à la baisse sur le volume des dépenses, c'est l'effet prix qui explique la croissance des prestations familiales .

Hors effet prix, la tendance d'ensemble des prestations familiales , dont les aides à la petite enfance sont les plus dynamiques, est une faible croissance, comprise entre 0 et 0,5 % .

B. 2008-2010 : L'ENTRÉE DE LA BRANCHE FAMILLE DANS UN CYCLE DÉFICITAIRE CONTINU

Fait inédit depuis sa création en 1967, la branche famille est entrée, à partir de 2008, dans un cycle déficitaire continu d'une ampleur comprise entre 300 millions (en 2008) et 2,7 milliards d'euros (en 2010).

Evolution du solde de la branche famille à moyen terme

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Recettes

50,3

49,6

50,2

52,4

54,3

55,6

57,3

59,1

Dépenses

50,7

51,4

52,9

55,1

56,6

58,2

59,6

61,1

Solde

- 0,3

- 1,8

- 2,7

- 2,6

- 2,3

- 2,6

- 2,3

- 2,0

Source : annexe B du PLFSS pour 2012

Un déséquilibre de cette ampleur est plutôt rare pour la branche famille, qui n'a connu une telle situation qu'au milieu des années 90.


L'évolution du solde de la Cnaf entre 1980 et 2009

Durant les années 1980 et jusqu'en 1993, la branche famille est rarement déficitaire. En revanche, sa situation se dégrade fortement en 1994 et surtout en 1995, année où son déficit atteint 6 milliards d'euros. Cette soudaine dégradation s'explique par le contrecoup de la crise économique et la montée en charge de la « loi famille » 1 . S'y ajoutent en 1995, des opérations de régularisation comptable, sans lesquelles le déficit aurait été de 2,5 milliards d'euros.

Cette forte dégradation est endiguée dès 1996 par la mise en oeuvre de plusieurs mesures de redressement dans le cadre du « plan Juppé » (gel des prestations et des plafonds, réforme de l'allocation pour jeune enfant, prise en compte de l'ensemble des revenus pour le versement de l'allocation de logement familial et des prestations familiales, alignement des taux de cotisation de l'Etat et des entreprises publiques sur celui des entreprises privées). Le solde redevient positif, sous l'effet notamment de l'amélioration de la conjoncture.

A compter de 2004, le solde se détériore de nouveau, en raison de la dégradation de la conjoncture, puis de la mise en oeuvre progressive de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje) et du dynamisme des dépenses d'action sociale (plans crèches). Malgré un bref retour à l'excédent en 2007, dû à une progression plus rapide des recettes que des dépenses, le solde redevient négatif dès 2008 sous l'effet de la crise économique. En 2009, le solde de la Cnaf était déficitaire de 1,9 milliard d'euros et en 2010, de 2,7 milliards d'euros.

Evolution du solde de la branche famille entre 1977 et 2010

1 La loi Veil permet notamment d'améliorer l'accès à l'allocation parentale d'éducation, d'augmenter les aides aux familles pour l'emploi d'une assistante maternelle ainsi que l'allocation de garde d'enfant à domicile, la création en cinq ans de 100 000 places supplémentaires en crèches, etc.

Source : Haut Conseil de la famille

1. Une situation pour partie imputable à la crise économique

La dégradation du solde de la branche sur la période 2008-2010 s'explique tout d'abord par la crise économique, qui a entraîné un décrochage des recettes par rapport aux dépenses .

En effet, les recettes et les dépenses de la Cnaf évoluent chacune selon des règles propres : alors que les premières sont essentiellement déterminées par l'évolution de la masse salariale, les secondes sont avant tout corrélées au dynamisme des naissances. Pour que la branche soit en équilibre, il faut donc que les deux postes évoluent de manière compatible. Or, si la crise économique se traduit par une diminution de la masse salariale, et donc des recettes, elle a a priori peu d'impact sur l'évolution des naissances. Il en résulte une dégradation des comptes de la branche en deux temps :

- à court terme, pendant la crise, le déficit se creuse ;

- à moyen et long terme, pendant que l'activité se redresse et retrouve son rythme de croisière, le déficit se stabilise mais ne se réduit pas, puisque les recettes ne reprennent leur progression qu'à partir de leur point bas atteint au paroxysme de la crise.

Par conséquent, lorsque la croissance réelle rejoint de nouveau la croissance potentielle, les recettes et les dépenses retrouvent un rythme d'évolution parallèle, mais un écart s'est creusé entre les deux courbes, exprimant ainsi le déficit structurel.

Evolution des produits et des charges de la branche famille

(en milliards d'euros)

Selon les chiffres transmis par la direction de la sécurité sociale (DSS) à votre rapporteure, la perte de recettes résultant de la crise se chiffre à 2,7 milliards d'euros pour la branche famille .

2. L'incidence de mesures votées les années précédentes sur la dégradation des comptes

Cependant, le tarissement des recettes en raison du contexte économique dégradé n'est pas le seul facteur explicatif du déficit structurel de la branche famille. Celui-ci est aussi imputable à plusieurs mesures votées ces dernières années.

a) Les transferts de charges sur la branche famille

La prise en charge, par la branche famille, de dépenses assumées jusque-là par d'autres branches de la sécurité sociale, en particulier la branche vieillesse, a fortement contribué à fragiliser sa situation financière.

Les deux versements au titre des droits familiaux de retraite , l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) d'une part, et la majoration de pension pour les assurés ayant élevé trois enfants et plus, d'autre part, devraient ainsi s'élever à 8,8 milliards d'euros en 2011 .

Il apparaît donc clairement que le déficit de la branche famille s'explique aussi par un choix de politique économique ayant consisté à mettre à contribution la branche famille plutôt que de créer de nouvelles recettes pour combler le déficit de financement du système de retraite. Le rapport sur la programmation des finances publiques pour la période 2009 à 2012 est particulièrement explicite :

« Dans le cadre d'une approche d'ensemble du financement de notre système de protection sociale, l'excédent de recettes de la branche famille par rapport à ses dépenses doit pouvoir, sur la période à venir, être mobilisé en bonne part pour le financement d'autres priorités sociales, liées au vieillissement de la population et notamment au financement des retraites » .

b) Les coûts de gestion associés à la gestion de prestations servies pour le compte de tiers

La branche famille doit également faire face à des dépenses supplémentaires issues de la gestion de prestations servies pour le compte de tiers.

L'Etat a en effet progressivement confié aux caisses d'allocations familiales (Caf) le versement d'allocations autres que les prestations familiales, principalement l'allocation aux adultes handicapés (AAH), le revenu de solidarité active (RSA) pour sa partie activité et certaines allocations logement. En outre, les Caf versent pour le compte des départements le RSA « socle », qui a pris la suite du revenu minimum d'insertion (RMI) et de l'allocation de parent isolé (API).

Ces prestations représentent aujourd'hui 45 % du volume total des prestations servies par les Caf (soit 28 milliards d'euros sur 62 milliards). Elles sont, en termes de charges de gestion, plus lourdes que les prestations familiales classiques . Dès lors, les prestations pour le compte de tiers constituent désormais la majeure partie de l'activité des caisses.

Actuellement, si certaines de ces prestations donnent lieu au versement de frais de gestion, ce n'est pas le cas pour toutes : l'AAH, par exemple, ne donne pas lieu au remboursement des frais de gestion par l'Etat.

Soulevant ce problème dans son rapport de septembre 2011 sur la sécurité sociale, la Cour des comptes recommande que soit mise en place une facturation systématique des frais de gestion fondée sur les coûts réels, de manière à rétribuer les caisses à la mesure de l'effort que représente la gestion de ces prestations.

c) La montée en charge du prêt à l'amélioration de l'accueil du jeune enfant pour les assistants maternels

Créé puis modifié par les lois de financement pour 2010 et 2011, le prêt à l'amélioration du lieu d'accueil de l'enfant, destiné aux assistants maternels et financé par la branche famille, connaît une montée en charge rapide. Ce prêt à taux zéro a pour objectif de financer des travaux visant à améliorer le lieu d'accueil, la santé ou la sécurité des enfants accueillis au domicile de l'assistant maternel ou en maison d'assistants maternels, ou à faciliter l'obtention, le renouvellement ou l'extension de l'agrément pour un assistant maternel exerçant à domicile. D'un montant maximum de 10 000 euros, il est versé dans la limite de 80 % des dépenses engagées et est accordé sans conditions de ressources.

Selon la Cnaf, en décembre 2010, seuls 219 assistants maternels bénéficiaient de ce prêt, pour un montant d'environ 900 000 euros. En août 2011, ils étaient 1 388, pour un montant d'environ 7,4 millions d'euros .

d) Des mesures d'économies peu convaincantes

Outre les nouvelles charges imposées à la branche famille, deux mesures d'économies ont été prises ces dernières années : l'unification des majorations pour âge des allocations familiales et la suppression de la rétroactivité de l'effet des aides au logement. Leur bilan n'est toutefois guère probant à ce stade.

La loi de financement pour 2008 a prévu la mise en place, à compter du 1 er mai 2008, de l'unification des majorations pour âge des allocations familiales. Une seule majoration est désormais servie à partir de quatorze ans, contre deux auparavant, respectivement à onze et seize ans. Cette mesure a produit des économies à caractère temporaire résultant du non-versement de la majoration aux enfants atteignant l'âge de onze euros à partir du 1 er mai 2008. Selon le Gouvernement, le montant des économies résultant de ce dispositif s'est élevé à 383 millions d'euros en 2010 et atteindrait 529 millions en 2011.

Cependant, les nouvelles majorations versées aux enfants qui ont eu quatorze ans à compter de mai 2011 représenteraient un coût de 27 millions d'euros en 2011 ; au final, l'économie nette ne serait donc plus que de 502 millions.

Par ailleurs, la loi de financement pour 2011 a supprimé la rétroactivité de l'effet des aides personnelles au logement. Depuis le 1 er janvier dernier, les bénéficiaires de l'allocation de logement familiale (ALF), de l'allocation de logement sociale (ALS) ou de l'aide personnalisée au logement (APL) ne peuvent plus bénéficier d'une rétroactivité de leurs aides pour les trois mois précédant leur demande, s'ils remplissaient antérieurement les conditions d'octroi. Les droits des allocataires sont dorénavant ouverts à la date du dépôt de leur dossier, sans rétroactivité possible.

Lors de l'examen du texte, le Gouvernement avait évoqué une économie de 240 millions d'euros pour les finances publiques et sociales, dont 120 millions pour la branche famille. Or, une première évaluation réalisée par la Cnaf fait d'état d' une économie de seulement 175 millions d'euros pour 2011 .

C. 2011-2012 : VERS UNE TIMIDE DIMINUTION DU DÉFICIT

1. La stabilisation du déficit à un niveau élevé en 2011

Le déficit de la branche famille , qui s'est creusé pendant la récession, ne marquerait pas d'amélioration en 2011 , se stabilisant au niveau élevé de 2,6 milliards d'euros .

Les recettes augmenteraient de 4,4 % , soutenues par le dynamisme des cotisations et des taxes affectées. Il est à noter que la CSG baisserait substantiellement en 2011 (- 23,8 %) du fait du transfert à la Cades de 0,28 point de CSG, décidé en loi de financement pour 2011. Cependant, pour cette année, la perte de recettes (3,5 milliards d'euros) résultant de cette opération devrait être presque entièrement compensée par les trois recettes nouvellement affectées à la Cnaf :

- la taxe sur les contrats d'assurance maladie rapporterait 1,05 milliard ;

- la taxe exceptionnelle sur les réserves de capitalisation, 835 millions environ ;

- le prélèvement de la CSG au fil de l'eau sur les contrats multi-supports d'assurance vie, 1,6 milliard.

S'agissant des dépenses , leur croissance serait presque aussi forte que celle des recettes : 4,1 % . Deux principaux facteurs expliquent ce dynamisme :

- la revalorisation plus importante de la BMAF (1,5 % contre 0 en 2010) ;

- la montée en charge de la prise en charge par la Cnaf des majorations de pension pour les parents ayant élevé trois enfants et plus : de 85 % en 2010, la part financée par la Cnaf est passée à 100 % en 2011.

2.  Une légère diminution du déficit prévue pour 2012
a) Les prévisions de la commission des comptes de la sécurité sociale

Hors prise en compte des dispositions du projet de loi de financement pour 2012 , le déficit de la branche famille est estimé à 2,7 milliards d'euros en 2012 par la commission des comptes de la sécurité sociale.

La progression des recettes serait de 2,8 % , principalement portée par le dynamisme des cotisations. Le rendement de la taxe exceptionnelle sur la réserve de capitalisation des entreprises d'assurance serait pratiquement identique à celui observé en 2011 (835 millions d'euros), tandis que le rendement du prélèvement de la CSG sur les contrats multi-supports d'assurance vie diminuerait de 180 millions.

Evolution des recettes nettes de la branche famille en 2012

Cotisations sociales nettes

CSG nette

Taxe sur les contrats d'assurance maladie dits « solidaires et responsables »

Taxe exceptionnelle sur la réserve de capitalisation des entreprises d'assurance

Prélèvement de la CSG sur les contrats multi-supports d'assurance vie

ITAF compensant les exonérations

Autres

Montant 2012 (en millions d'euros)

34 897

9 482

1 092

835

1 446

4 508

1 613

Augmentation par rapport à 2011 (en millions d'euros)

1 211

292

42

0

-180

74

22

Part dans l'accroissement global des recettes en 2012 (en points)

2,3

0,6

0,04

0

-0,34

0,1

0

Source : commission des comptes de la sécurité sociale

La croissance des dépenses s'établirait à 2,9 % : en 2012, la BMAF serait plus fortement revalorisée (2,3 %), mais la fin de la montée en charge du financement des majorations de pension pour trois enfants et plus se traduirait, au final, par un ralentissement des dépenses par rapport à 2011.

Evolution des charges nettes de la branche famille en 2012

Prestations familiales nettes

Prestations extralégales nettes
(y compris Fnas)

AVPF

Majoration de pensions

Congé de paternité

Fnal

Autres

Montant 2012
(en millions d'euros)

36 154

4 171

4 464

4503

276

4 249

2 806

Augmentation par rapport à 2011
(en millions d'euros)

1 094

291

6

123

7

142

-89

Part dans l'accroissement global des charges
en 2012 (en points)

2

0,5

0

0,2

0

0,3

-0,2

Source : commission des comptes de la sécurité sociale

b) L'incidence des nouvelles mesures sur la diminution du déficit

Après mesures nouvelles, le déficit de la branche s'établirait à 2,3 milliards d'euros , selon l'annexe B du projet de loi de financement pour 2012.

Ces mesures, qui permettraient de réduire le déficit d'environ 400 millions, figurent dans le tableau suivant :

(en millions d'euros)

Mesures nouvelles 2011 sur les recettes
affectant la branche famille

Montant des recettes pour la branche famille 1

Mesures de la LFR 2011

53

Réforme du régime d'imposition des plus-values immobilières

53

Mesures du PLFSS 2012

317

Réintégration des heures supplémentaires dans le calcul des exonérations générales

117

Modification des règles d'abattement pour frais professionnels sur les assiettes CSG et CRDS

60

Assujettissement à la CSG à 6,2 % du complément de libre choix activité

140

Autres mesures

115

Hausse des prix du tabac

65

Alignement des assiettes et taux de cotisation des industries électriques et gazières sur le droit commun

50

Source : annexe B du PLFSS pour 2012

1 Le montant total des recettes perçu par la branche famille, du fait des mesures nouvelles, s'élève à 484 millions d'euros, montant duquel il faut retrancher :

- 10 millions au titre des mesures nouvelles en dépenses (notamment l'amélioration des aides à la garde pour les familles monoparentales ainsi que pour les parents handicapés) ;

- 59 millions au titre des transferts (en l'occurrence, pour la branche famille, l'affectation au panier de compensation Tepa de la moitié du rendement de la mesure de réintégration des heures supplémentaires dans le calcul des exonérations générales).

D. AUCUNE PERSPECTIVE DE RETOUR A L'ÉQUILIBRE A COURT TERME

1. Une fragilisation inquiétante des recettes de la branche famille

On l'a vu, le transfert à la Cades d'une fraction de la CSG (0,28 point) fait perdre à la branche famille environ 3,5 milliards d'euros par an . En 2011 et 2012, les trois nouvelles recettes affectées à la branche devraient permettre de compenser intégralement cette perte.

Mais dès 2013, le compte n'y sera plus : la taxe exceptionnelle sur la réserve de capitalisation des entreprises d'assurance ne rapportera plus rien et le rendement du prélèvement de la CSG sur les contrats multi-supports d'assurance vie, en diminution de 180 millions d'euros par rapport à 2012, atteindrait seulement 1,24 milliard. En supposant que le rendement de la taxe sur les contrats d'assurance maladie se stabilise autour de 1,05 milliard, la compensation totale ne s'élèverait plus qu'à 2,3 milliards environ, soit un manque à gagner de 1,2 milliard d'euros pour la branche famille .

Toutefois, pour compenser la perte de la taxe exceptionnelle, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 a prévu de rediriger vers la branche famille, à compter de 2013, le produit de la contribution sur les véhicules terrestres à moteurs affectée initialement à la branche maladie, dont le rendement est évalué à un milliard d'euros par an. Mais dans le même temps, le présent projet de loi prévoit une clef d'affectation des droits à tabacs moins favorable à la Cnaf dès 2013 (passage de 11,17 % à 7,86 %), qui se traduirait par une perte de 400 millions d'euros. Au final, le gain net résultant de ces recettes supplémentaires ne serait plus que de 600 millions d'euros . Il manquerait donc encore 600 millions à la branche famille pour compenser intégralement la perte de 0,28 point de CSG .

Votre rapporteure dénonce très vivement le montage financier qui a consisté à remplacer une recette pérenne et dynamique, la CSG, par des ressources aléatoires et condamnées à diminuer. Non seulement cette opération complexifie la structure même des recettes de la branche famille mais en outre, elle la fragilise et compromet tout retour à l'équilibre à court et moyen terme.

2. Les projections financières à l'horizon 2020

Plusieurs projections de la trajectoire des soldes de la Cnaf jusqu'en 2020 ont été effectuées par le Haut Conseil de la famille (HCF) ; la dernière date de décembre 2010. Elle se fonde, pour la période 2010-2014, sur les hypothèses macro-économiques retenues pour l'élaboration de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

Pour la période postérieure à 2014, trois scenarii d'évolution à long terme du chômage et de la productivité du travail ont été retenus, en cohérence avec les hypothèses choisies par le conseil d'orientation des retraites (Cor) en avril 2010 pour effectuer l'actualisation des besoins de financement des régimes de retraite à l'horizon 2050.

Hypothèses d'évolution à long terme

Productivité du travail à long terme

1,8 %

1,5 %

Taux de chômage de long terme

4,5 %

Scénario A

Scénario B

7,0 %

Scénario C

Source : conseil d'orientation des retraites

Sur la base du scénario macro-économique central (scénario B), deux versions alternatives de cette projection à l'horizon 2020 ont été réalisées.

La première version prolonge les projections pluriannuelles 2010-2014 associées à la loi de financement pour 2011 et aboutit à un retour à l'équilibre de la Cnaf en 2019 .

La seconde version modifie les projections pluriannuelles annexées à la loi de financement pour 2011, puisqu'elle intègre l'affectation à la branche famille, dès 2013, d'un montant de recettes supplémentaires 7 ( * ) , de nature indéterminée, permettant de ramener le déficit à 1 milliard d'euros en 2015 et de parvenir à l'équilibre en 2017 . Dans ce scénario, le HCF a pris acte des engagements du Gouvernement de procéder à l'attribution de recettes supplémentaires à compter de 2013, en contrepartie du transfert à la Cades de 0,28 point de CSG.

Evolution du solde de la Cnaf :
second scénario du HCF de décembre 2010

(en milliards d'euros)

2010

2015

2020

Charges

54,5

62,2

69,6

Produits

51,6

61,2

73,0

Solde

-2,9

-1,0

3,4

Source : Haut Conseil de la famille

L'éventualité d'un retour à l'équilibre en 2017 dans le second scénario du HCF doit, en tout état de cause, être revue à l'aune des projections pluriannuelles 2011-2015 associées au projet loi de financement pour 2012.

Evolution prévisionnelle du solde de la branche famille

(en milliards d'euros)

2011

2012

2013

2014

2015

Solde

- 2,6

- 2,3

- 2,6

- 2,3

- 2,0

Source : annexe B du PLFSS pour 2012

Ces projections, qui n'intègrent pas l'apport supplémentaire de recettes à compter de 2013, font en effet état d'un déficit de 2 milliards d'euros en 2015, contre 1 milliard dans les projections du HCF de décembre 2010. Cette dégradation à l'horizon 2015 entre les deux exercices de projection résulte principalement de l'adoption, dans la construction du projet de loi de financement pour 2012, d'hypothèses macro-économiques moins favorables. En effet, la progression de la masse salariale s'établit désormais à 4 %, alors qu'elle était de 4,5 % dans les projections du HCF de décembre 2010.

II. PANORAMA DE L'OFFRE D'ACCUEIL DES JEUNES ENFANTS

A. L'OFFRE D'ACCUEIL DES JEUNES ENFANTS, UN DÉFI AU REGARD DU DYNAMISME DE LA NATALITÉ FRANCAISE ET DU TAUX D'EMPLOI DES FEMMES

L'offre d'accueil des jeunes enfants constitue un véritable défi pour la société française en raison du volume élevé des naissances, lequel entraîne d'importants besoins en matière d'accueil, et du taux d'emploi des femmes, encore très inférieur à celui des hommes.

1. Le haut niveau de la fécondité française

Depuis 2005, la France enregistre un nombre de naissances annuel compris entre 820 000 et 830 000, soit davantage qu'en 1980 et 1981 (800 000 par an), deux années pourtant exceptionnelles depuis la fin du baby-boom en 1973. En 2010, 828 000 bébés ont vu le jour, dont 797 000 en métropole.

Nombre de naissances et indicateur conjoncturel de fécondité

Source : programme de qualité et d'efficience de la branche famille du PLFSS pour 2012

Cette hausse de la fécondité tient autant aux premières naissances qu'aux deuxièmes ou troisièmes naissances. Elle s'explique par l'évolution des comportements à la fois chez les mères auparavant sans enfant et chez celles décidant d'agrandir leur foyer au-delà de deux enfants.

Parmi les pays européens, la France se classe deuxième avec un indicateur conjoncturel de fécondité 8 ( * ) de deux enfants par femme , juste derrière l'Irlande. Viennent ensuite le Royaume-Uni, la Suède, la Finlande, le Danemark et la Belgique avec un taux de fécondité supérieur à 1,8. En 2009, l'indicateur pour l'ensemble des vingt-sept pays de l'Union européenne s'établissait à 1,6 enfant par femme.

Indicateur conjoncturel de fécondité en Europe en 2009

Source : programme de qualité et d'efficience de la branche famille du PLFSS pour 2012

2. Un taux d'emploi des femmes encore inférieur à celui des hommes

Bien qu'il ait progressé depuis 2000, le taux d'emploi des femmes est encore inférieur à celui des hommes, situation que votre rapporteure ne juge pas satisfaisante. En 2010, le taux d'emploi des femmes s'élevait ainsi à 59,9 % contre 68,3 % pour les hommes. La France se situe certes au-dessus de la moyenne européenne (58,2 % dans l'Union européenne à vingt-sept membres), mais reste encore loin des bons résultats affichés par les pays du Nord de l'Europe, notamment la Norvège et l'Islande où plus de sept femmes sur dix sont en emploi.

Taux d'emploi des femmes et des hommes âgés de 15 à 64 ans

(en %)

Année

2000

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Objectif 2010

Femmes

55,2

58,3

58,4

58,6

59,7

60,4

60,0

59,9

60

Hommes

69,2

69,5

69,2

68,9

69,2

68,4

68,4

68,3

Total

62,1

63,8

63,7

63,7

64,3

64,1

64,1

64,0

70

Source : programme de qualité et d'efficience de la branche famille du PLFSS pour 2012

Ce taux de 59,9 % cache en réalité de grandes disparités selon le nombre et l'âge des enfants . Ainsi, en 2010, alors que le taux d'emploi des mères d'un enfant s'élevait à 68,9 %, celui des mères de deux enfants n'était plus que de 60 % et celui des mères de trois enfants ou plus de 37,4 %. Autrement dit, le taux d'emploi des femmes décroît dès le deuxième enfant , mais surtout avec le troisième.

A contrario , le taux d'emploi des mères croît avec l'âge des enfants . Le taux d'emploi des femmes ayant un seul enfant est de 68,9 % lorsque l'enfant a moins de trois ans et de 74,2 % lorsqu'il a trois ans ou plus. Les différences sont très importantes à partir du deuxième enfant : le taux d'emploi des femmes de deux enfants est de 60 % lorsque le plus jeune a moins de trois ans et de 80,6 % lorsque le benjamin a passé son troisième anniversaire. De même, pour les familles de trois enfants ou plus, le taux d'emploi féminin est de 37,4 % lorsque le plus jeune des enfants a moins de trois ans, et de 65,1 % s'il a plus de trois ans. Cette évolution s'explique principalement par la scolarisation des enfants en maternelle à partir de trois ans, qui permet à davantage de mères de reprendre une activité.

Taux d'emploi des femmes et des hommes âgés de 15 à 64 ans

(en %)

2006

2007

2008

2009

2010

Femme

Homme

Femme

Homme

Femme

Homme

Femme

Homme

Femme

Homme

Ensemble

65,7

78,0

66,7

78,2

67,4

78,4

66,9

77,4

66,8

77,2

Sans enfant

60,3

67,3

60,9

67,3

61,0

67,3

60,5

66,1

60,3

66,6

Le plus jeune est âgé de 0 à 2 ans

1 enfant

67,8

90,7

71,1

91,7

72,6

92,1

68,5

90,1

68,9

89,3

2 enfants

53,3

91,4

55,9

91,5

58,2

92,8

60,4

92,2

60,0

90,7

3 enfants ou plus

30,5

88,6

35,0

90,9

38,4

88,4

35,2

86,5

37,4

85,2

Le plus jeune est âgé de 3 ans
ou plus

1 enfant

73,6

82,6

73,7

82,9

74,4

83,5

73,8

83,7

74,2

82,6

2 enfants

78,1

90,8

79,9

91,1

80,8

92,2

80,4

90,9

80,6

91,5

3 enfants ou plus

61,4

87,4

62,0

87,7

65,3

89,5

65,0

88,7

65,1

87,1

Source : programme de qualité et d'efficience de la branche famille du PLFSS pour 2012

B. UNE OFFRE GLOBALE D'ACCUEIL ENCORE INSUFFISANTE ET INÉGALEMENT RÉPARTIE, MAIS EN VOIE DE PROGRESSION

1. Une capacité d'accueil globale inférieure à cinquante places pour cent enfants de moins de trois ans

Les données disponibles permettent d'établir un diagnostic clair de la situation au 31 décembre 2009. A cette date, la capacité d'accueil théorique 9 ( * ) des enfants de moins de trois ans s'élevait à 1 181 542 places. En d'autres termes, sur cent enfants de moins de trois ans, 48,7 places sont offertes par les modes de garde dits « formels » (accueil collectif, crèches familiales, crèches parentales, assistants maternels, salariés à domicile, écoles pré-élémentaires).

Avec plus de 650 000 places proposées pour les enfants de moins de trois ans, les assistants maternels 10 ( * ) représentent le premier mode de garde en volume . Viennent ensuite les établissements d'accueil du jeune enfant (EAJE), avec un peu plus de 350 000 places disponibles, l'école maternelle, qui accueille près de 123 000 enfants de moins de trois ans et, enfin, la garde à domicile, qui concerne environ 45 000 enfants.

Capacité d'accueil théorique par mode de garde
pour les enfants de moins de trois ans au 31 décembre 2009

Mode de garde

Capacité théorique
(nombre de places)

Capacité d'accueil pour cent enfants de moins de trois ans

Assistants maternels agréés employés directement par des particuliers

656 138

27,0

Accueil en EAJE (collectif, familial, parental et micro-crèche)

357 003

14,7

Ecole maternelle

123 271

5,1

Salarié à domicile

45 130

1,9

Offre totale

1 181 542

48,7

Nombre d'enfants de moins de trois ans

2 427 978

-

Source : programme de qualité et d'efficience de la branche famille du PLFSS pour 2012

2. Un taux de couverture du territoire très inégal
a) Des potentiels d'accueil très variables d'un département à l'autre

Ces chiffres cachent cependant une disparité territoriale importante . En effet, la capacité d'accueil varie, selon les départements de la métropole, de vingt-six à soixante-seize places pour cent enfants de moins de trois ans. Environ 30 % des départements ont un potentiel d'accueil inférieur à quarante-six places, 30 % également se situent dans une moyenne comprise entre quarante-six et cinquante-deux places, un quart présente un potentiel compris entre cinquante-trois et cinquante-neuf places et 15 % des départements, les mieux dotés, ont développé une capacité d'accueil supérieure ou égale à soixante places.

Répartition géographique de la capacité théorique d'accueil par les modes de garde « formels » pour cent enfants de moins de trois ans au 31 décembre 2009

Source : programme de qualité et d'efficience de la branche famille du PLFSS pour 2012

Ainsi, on remarque que le grand Ouest de la France (Bretagne, Pays de la Loire et Manche), Paris et les Hauts-de-Seine, la partie Est de la Bourgogne et la Haute-Loire présentent les taux de couverture les plus élevés. En revanche, le pourtour méditerranéen, la Corse, l'Eure, les Ardennes, le Val d'Oise et la Seine-Saint-Denis ont les potentiels d'accueil les plus faibles. Au sein des départements d'outre-mer (Dom), la capacité d'accueil est encore moins élevée : elle se situe à dix-neuf places pour cent enfants de moins de trois ans. Ces disparités s'expliquent en partie par des facteurs historiques, sociaux ou économiques.

b) Des disparités territoriales selon le mode de garde

La capacité d'accueil par mode de garde connaît également de fortes inégalités selon les territoires. D'après les informations transmises par la Cnaf à votre rapporteure, le nombre de places auprès des assistants maternels employés par des particuliers pour cent enfants de moins de trois ans varie de six à cinquante-quatre places. Trois départements sur quatre ont un potentiel de places inférieur à quarante.

Répartition géographique du nombre de places auprès des assistants maternels employés par des particuliers pour cent enfants de moins de trois ans

au 31 décembre 2009

Source : Cnaf

Ces disparités territoriales se retrouvent également au niveau du nombre de places en établissements d'accueil du jeune enfant (EAJE). Selon les départements, le potentiel d'accueil en structures collectives, familiales et parentales varie de quatre à trente-huit places pour cent enfants de moins de trois ans.

Répartition géographique du nombre de places en établissements d'accueil du jeune enfant pour cent enfants de moins de trois ans au 31 décembre 2009

Source : Cnaf

3. La création de nouvelles places d'accueil depuis 2009

A la fin des années 2000, plusieurs études 11 ( * ) ont montré que la France manquait, en 2007, d'environ 400 000 places d'accueil .

Face à cette situation, le Président de la République s'est engagé, dans son discours du 13 février 2009 sur la politique familiale, à créer 200 000 places de garde supplémentaires , réparties de manière égale entre l'accueil collectif et l'accueil individuel, d'ici à 2012.

Deux ans après cette annonce, le nombre de nouvelles solutions créées en accueil collectif atteignait environ 41 600 à la fin de l'année 2010, soit un taux de réalisation de 88 % par rapport à l'objectif fixé à mi-parcours (cf. tableau ci-dessous). Ces nouvelles solutions correspondent, d'une part, à la délivrance de nouveaux agréments par les services de protection maternelle et infantile (24 800 places environ), d'autre part, à l'amélioration du taux d'occupation des places existantes (16 800 places environ). Pour parvenir à l'objectif de 100 000 places fin 2012, 58 400 places sont encore nécessaires.

En ce qui concerne l'accueil par un assistant maternel , 42 500 enfants supplémentaires ont été accueillis en 2009 et 2010, soit un taux de réalisation de 85 % de l'objectif fixé pour la fin 2010 ; 57 480 solutions d'accueil individuel devront encore être trouvées pour atteindre les 100 000 places d'ici fin 2012.

Suivi de l'objectif de création de 100 000 places en accueil collectif
et de 100 000 enfants supplémentaires gardés par un assistant maternel sur la période 2009-2012

Objectif 2009

Réalisations 2009

Taux de réalisation 2009

Objectif cumulé 2009-2010

Réalisations cumulées 2009-2010*

Taux de réalisation 2010*

Objectif 2009-2012

Accueil collectif

Nombre de places nouvelles

12 460

12 400

99 %

27 400

24 820

91 %

60 400

Augmentation de  fréquentation par place

10 015

8 175

82 %

19 940

16 815

84 %

39 600

Accueil par un assistant maternel

Nombre d'enfants supplémentaires de moins de trois ans gardés par un assistant maternel*

25 000

21 170

85 %

50 000

42 520

85 %

100 000

* Les données 2010 sont des données prévisionnelles

Source : programme de qualité et d'efficience de la branche famille du PLFSS pour 2012

Au vu de ces résultats de mi-parcours, l'objectif de 200 000 nouvelles offres d'accueil sur quatre ans pourrait être atteint. Toutefois, la Cnaf reste prudente sur ces chiffres, dans la mesure où l'évolution du nombre de créations de places dépend essentiellement de la capacité des collectivités territoriales à dégager des financements. Or, confrontées à une situation financière délicate depuis quelques années, celles-ci sont souvent contraintes de différer leurs investissements en matière de petite enfance .

C. L'OFFRE D'ACCUEIL INDIVIDUEL : UN RECOURS DE PLUS EN PLUS FRÉQUENT AUX ASSISTANTS MATERNELS

1. La progression du nombre de places d'accueil chez les assistants maternels

Sur l'ensemble du territoire, l'offre d'accueil des jeunes enfants au domicile d'assistants maternels a considérablement progressé depuis le début des années 1990 : le nombre de places est ainsi passé de 132 900 en 1990 à 710 500 en 2006 ( cf . tableau ci-après).

Cette évolution est notamment due à la création, en 1991, de l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée (Afeama), remplacée en 2004 par le complément libre choix du mode de garde de la prestation d'accueil du jeune enfant (CLCMG-Paje), et à la réforme du statut des assistants maternels issue de la loi du 17 juillet 1992 et de la loi du 27 juin 2005. Ces deux mesures ont entraîné d'une part, un nombre croissant de demandes d'agréments, d'autre part, davantage de déclarations de la part des particuliers employeurs, entraînant une réduction du travail non déclaré.

Cette tendance s'est poursuivie et même amplifiée sur la période 2007-2009, le nombre d'assistants maternels en exercice augmentant de 15,5 %. En 2009, l'enquête protection maternelle et infantile de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) recense 426 400 assistants maternels agréés dans la France entière. Certains d'entre eux sont employés par des crèches familiales ; d'autres disposent d'un agrément mais n'exercent pas effectivement cette activité (changement d'emploi, congé parental, chômage, etc.) ; d'autres enfin sont des assistants maternels en exercice qui contractualisent directement avec des parents. En 2009, le nombre d'assistants maternels ainsi employés directement par des parents est évalué à 292 100 ; ils proposent 820 900 places d'accueil, dont 650 000 potentiellement destinées aux enfants de moins de trois ans.

Par ailleurs, le nombre de places chez les assistants maternels augmente un peu plus vite que le nombre d'assistants maternels en activité. On peut y voir les premiers effets de la modification en 2009 de l'article L. 421-4 du code de l'action sociale et des familles, autorisant désormais l'accueil simultané de quatre enfants chez un assistant maternel, sous réserve de l'agrément délivré par le président du conseil général. En 2009, en France, un assistant maternel garde en moyenne 2,8 enfants contre 2,6 en 2006.

Evolution du nombre de places agréées auprès des assistants maternels
pour cent enfants de moins de trois ans

Données au 31 décembre

France métropolitaine

France entière

1990

2000

2006

2006

2008

2009

Evolution 2008/2009 (%)

Assistants maternels en exercice employés par des particuliers (en milliers) (1)

71,3

232,2

269,9

270,9

283,1

292,1

3,2

Nombre de places auprès d'assistants maternels en exercice employés par des particuliers (en milliers)

132,9

585,8

710,5

712,2

772,3

820,9

6,3

Dont places potentielles pour des enfants
de moins de trois ans (en milliers) (2)

-

-

572,4

574,0

613,9

656,1

6,9

Nombre total de places pour 100 enfants de moins de trois ans

5,9

27,3

31,2

30,1

32,0

33,8

5,7

Nombre de places potentielles pour des enfants de moins de trois ans pour cent enfants de moins de trois ans (3)

-

-

25,2

24,3

25,4

27,0

6,3

Nombre moyen de places par assistant maternel agréé

1,9

2,5

2,6

2,6

2,7

2,8

3,0

(1) Ircem - (2) Cnaf - (3) Insee

Source : programme de qualité et d'efficience de la branche famille du PLFSS pour 2012

*

Votre rapporteure souhaite insister sur le fait que l'essor de l'accueil des jeunes enfants au domicile des assistants maternels ne doit pas conduire à une vision trop idéalisée de l'évolution de cette profession qui, bien au contraire, est empreinte d'un certain mal-être faute de véritables perspectives de carrière . 12 ( * )

2. L'accueil au sein des maisons d'assistants maternels

Expérimentées à l'origine par des assistants maternels de la Mayenne soutenues par le conseil général, les maisons d'assistants maternels (Mam) ont été consacrées par la loi n° 2010-625 du 9 juin 2010.

Selon la Cnaf, une petite centaine de Mam a vu le jour sur l'ensemble du territoire 13 ( * ) , mais ce chiffre est sans plus élevé. En effet, dans la mesure où la signature de la convention de partenariat entre le conseil général, la Caf et les assistants maternels n'est pas obligatoire pour l'ouverture d'une Mam, il est difficile de connaître avec précision le nombre de celles qui se sont ouvertes.

a) Des avantages reconnus

L'accueil des jeunes enfants en Mam présente plusieurs avantages en termes :

- de souplesse : la délégation d'accueil permet à un assistant maternel de déléguer temporairement, avec l'accord des parents, l'accueil d'un enfant à un autre assistant travaillant dans la même maison ;

- d'horaires d'accueil plus adaptés : s'appuyant sur la délégation d'accueil des enfants, le travail en commun permet aux assistants maternels de répondre à la demande des parents qui ont des horaires de travail atypiques et ne disposent pas de revenus suffisants pour employer un salarié à domicile ;

- de sécurité : le regroupement de plusieurs assistants maternels rassure les parents ;

- de coût raisonnable : payées directement par les parents, les assistants maternels qui se regroupent en Mam ne sont financièrement pas à la charge des communes ;

- de simplicité : dans le respect de la décentralisation, aucune convention nationale ne s'impose aux conseils généraux et aux assistants maternels qui souhaitent s'engager dans le dispositif.

Surtout, ce type d'accueil est particulièrement adapté aux petites communes rurales qui n'ont souvent pas les ressources suffisantes pour financer la construction et le fonctionnement d'une crèche.

b) Mais aussi de nombreuses incertitudes

La mise en oeuvre de la loi du 9 juin 2010 n'est cependant pas sans poser un certain nombre de difficultés sur le terrain . Celles-ci, principalement d'ordre technique et administratif, sont liées :

- à l'autogestion des Mam, donc aux conséquences d'une mésentente éventuelle entre les professionnels (pas de tiers pour régler les conflits) ;

- à l'obtention de la mise à disposition d'un local par une collectivité ou, à défaut, au financement de son acquisition ou de sa location ;

- à la recherche d'une compagnie d'assurance acceptant de couvrir les risques liés à ce mode d'accueil ;

- à l'application aux Mam des règles relatives aux établissements recevant du public (normes de sécurité, d'accessibilité, etc.) ;

- aux craintes des parents concernant le régime de la délégation d'accueil.

Au-delà de ces problèmes pratiques, votre rapporteure souhaite rappeler que le regroupement d'assistants maternels en Mam est avant tout un moyen , pour ces professionnels, de rompre l'isolement social qui caractérise leur profession 14 ( * ) lorsqu'ils l'exercent à domicile. Faute de réelles perspectives de carrière, les assistants maternels envisagent en effet la Mam comme un nouveau mode d'exercice de leur métier. Mais, en aucun cas, le développement des Mam ne doit se faire au détriment de l'élaboration de nouvelles possibilités d'évolution de carrière.

Par ailleurs, l'argument selon lequel les Mam augmenteraient le volume de l'offre globale d'accueil n'est pas avéré . Plusieurs des personnes auditionnées par votre rapporteure ont en effet indiqué qu'on assiste plutôt, dans les territoires où des Mam ont vu le jour, à un transfert de places du domicile des assistants maternels vers la Mam.

3. La garde à domicile, un mode d'accueil encore peu développé car réservé aux foyers les plus riches

L'offre de garde à domicile a également progressé depuis 2007, mais dans des proportions bien moindres. Au 31 décembre 2006, environ 36 800 enfants étaient gardés par un salarié à domicile, contre plus de 45 100 au 31 décembre 2009, pour plus de 2,4 millions d'enfants de moins de trois ans.

Le faible recours à la garde à domicile s'explique par le coût qu'elle représente pour les parents . Ainsi, pour un couple ayant un revenu équivalant à deux Smic, le reste à charge est évalué, pour une garde à domicile partagée, à 327 euros en 2011, et pour une garde unique à domicile, à 1 067 euros, contre 228 euros pour un assistant maternel et 114 euros pour une place en établissement collectif.

*

Selon votre rapporteure, le développement de l'offre d'accueil individuel répond à de réels besoins, surtout dans les territoires ruraux, où il est difficile, pour des raisons financières évidentes, d'envisager la construction de structures d'accueil collectif. Les efforts concernant ce secteur doivent désormais se concentrer sur deux objectifs : la réduction des disparités territoriales et la valorisation de la profession d'assistant maternel.

Par ailleurs, il est primordial que les progrès réalisés ces dernières années en matière d'accueil individuel ne se fassent au détriment de l'offre d'accueil collectif . Ces deux secteurs sont complémentaires, car répondant à des attentes différentes, et doivent en conséquence être développés en parallèle.

D. L'OFFRE D'ACCUEIL COLLECTIF : UNE ÉVOLUTION CONTRASTÉE

Selon une étude de la Drees 15 ( * ) publiée en juin dernier, la France métropolitaine comptabilisait, au 31 décembre 2009, près de 10 600 établissements d'accueil collectif (crèches collectives, haltes-garderies, jardins d'enfants et établissements multi-accueil 16 ( * ) ) et services d'accueil familial (communément appelés « crèches familiales » 17 ( * ) ). Ces structures proposaient, à cette même date, environ 353 000 places, soit 10 000 de plus qu'en 2008. Environ 83 % de l'ensemble des places relèvent de l'accueil collectif à proprement parler et 17 % de l'accueil familial.

Depuis 2005, l'offre globale d'accueil collectif augmente régulièrement, mais suit des trajectoires différentes selon le type d'accueil considéré (mono ou multi-accueil). Quant aux services d'accueil familial, le nombre de places enregistre une baisse continue.

1. La progression régulière de l'offre globale d'accueil collectif

L'accueil collectif regroupe des réalités diverses : les établissements dits multi-accueil offrent différents modes de prise en charge des enfants de moins de six ans, tandis que les structures mono-accueil (crèches collectives, haltes-garderies et jardins d'enfants) n'en proposent qu'un seul.

Le nombre d'établissements en accueil collectif progresse régulièrement.

Ainsi, la croissance annuelle moyenne observée depuis 2005 est de 3,3 % et 35 600 places d'accueil collectif ont été créées entre 2005 et 2009. Depuis 1998, la hausse s'établit à près de 75 000 places ( cf. graphique ci-dessous).

Evolution du nombre de places d'accueil collectif et familial
pour enfants de moins de six ans depuis 1998

(p) Provisoire, sur la base de 94 départements répondants

Source : enquête PMI 2009 (France métropolitaine)

Evolution du nombre d'établissements d'accueil collectif et de services d'accueil familial pour enfants de moins de six ans depuis 2005

Type de structure

Nombre d'établissements

Taux de croissance (%)

Taux de croissance annuel moyen (%)

2005

2006

2007

2008

2009 (p)

2008-2009

2005-2009

Structures mono-accueil

4 913

4 595

4 334

4 160

4 107

- 1,3

- 4,4

Crèches collectives

2 277

2 105

2 072

1 960

1 947

- 0,7

- 3,8

traditionnelles de quartier

1 885

1 719

1 724

1 650

1 639

- 0,7

- 3,4

de personnel

206

204

165

150

151

0,7

- 7,5

parentales

186

182

183

160

157

- 1,9

- 4,1

Haltes garderies

2 449

2 303

2 072

2 006

1 933

- 3,6

- 5,7

traditionnelles de quartier

2 315

2 190

1 973

1 921

1 854

- 3,5

- 5,4

parentales

134

113

99

85

79

- 7,1

- 12,4

Jardins d'enfants

187

187

190

194

227

17,0

5,0

Structures multi-accueil

3 915

4 360

4 799

5 284

5 702

7,9

9,9

traditionnelles de quartier

3 363

3 811

4 158

4 513

4 856

7,6

9,6

de personnel*

-

-

60

115

149

29,6

-

parentales

329

311

302

314

296

- 5,7

- 2,6

collectives/familiales

223

238

279

342

401

17,3

15,8

Total accueil collectif

8 828

8 955

9 133

9 444

9 809

3,9

2,7

Service d'accueil familial**

848

842

800

772

756

- 2,1

- 2,8

Total établissements

9 676

9 797

9 933

10 216

10 565

3,4

2,2

* Les structures multi-accueil de personnel sont comptabilisées en tant que telles à partir de 2007. Avant cette date, ces établissements étaient répartis entre les établissements de personnel mono-accueil et les structures multi-accueil.

** Hors structures multi-accueil proposant des places d'accueil familial.

(p) Provisoire, sur la base de 94 départements répondants.

Source : enquête PMI 2009 (France métropolitaine)

2. Le recul du mono-accueil au profit du multi-accueil

Les établissements multi-accueil connaissent un développement soutenu. En 2009, les 5 700 recensés offraient près de 166 400 places, soit 12 800 de plus qu'en 2008 (+ 8,3 %). Ils représentent 57 % de l'ensemble des capacités d'accueil collectif des jeunes enfants.

A l'inverse, le nombre d'établissements mono-accueil enregistre une baisse continue depuis 2005 (- 4,4 % par an en moyenne). La baisse concerne aussi bien les crèches que les haltes-garderies ( cf. tableau). Quant au nombre de jardins d'enfants, il augmente depuis 2007 mais reste faible (près de 230 en 2009). Au total, la capacité d'accueil des structures mono-accueil continue de se réduire : le nombre de places proposées par ces structures a diminué de 2 200 entre 2008 et 2009, soit une baisse de 1,7 % en un an, et de 3,9 % en moyenne annuelle depuis 2005. Sur les 126 000 places offertes par ces établissements, 68 % sont des places de crèches, 26 % de haltes-garderies et 6 % de jardins d'enfants.

Evolution du nombre de places d'accueil collectif et familial
pour enfants de moins de six ans depuis 2005

Type de places par structure

Nombre de places

Taux de croissance (%)

Taux de croissance annuel moyen (%)

2005

2006

2007

2008

2009 (p)

2008-2009

2005-2009

Structures mono-accueil

147 758

139 345

133 381

128 205

125 997

- 1,7

- 3,9

Crèches collectives

98 648

92 950

90 782

87 143

85 871

- 1,5

- 3,4

traditionnelles de quartier

84 152

79 041

79 018

76 375

75 178

- 1,6

- 2,8

de personnel

11 708

11 189

8 997

8 249

8 282

0,4

- 8,3

parentales

2 788

2 720

2 767

2 519

2 411

- 4,3

- 3,6

Haltes garderies

41 302

38 794

35 176

33 323

32 062

- 3,8

- 6,1

traditionnelles de quartier

39 395

37 104

33 665

31 991

30 853

- 3,6

- 5,9

parentales

1 907

1 690

1 511

1 332

1 209

- 9,2

- 10,8

Jardins d'enfants

7 808

7 601

7 423

7 739

8 064

4,2

0,8

Structures multi-accueil

108 964

124 746

136 643

153 603

166 364

8,3

11,2

traditionnelles de quartier

95 427

111 452

120 257

132 335

142 301

7,5

10,5

de personnel

-

-

2 310

4 499

5 941

32,1

-

parentales

5 997

5 503

5 440

5 916

5 432

- 8,2

- 2,4

collectives/familiales

7 540

7 791

8 636

10 853

12 690

16,9

13,9

Total accueil collectif

256 721

264 091

270 024

281 808

292 361

3,7

3,3

Accueil familial , dont :

62 153

61 346

60 509

60 895

60 377

- 0,9

- 0,7

places en multi-accueil collectif/familial

7 872

7 303

8 543

9 676

10 373

7,2

7,1

places en services d'accueil familial

54 281

54 043

51 966

51 219

50 004

- 2,4

- 2,0

Total établissements

318 874

325 437

330 533

342 703

352 738

2,9

2,6

(p) Provisoire, sur la base de 94 départements répondants.

Source : enquête PMI 2009 (France métropolitaine)

Cette évolution s'explique, en partie, par la transformation des établissements mono-accueil en établissements multi-accueil . En effet, la prestation de service unique (PSU), versée par les Caf, finance l'accueil collectif sur la base du nombre d'heures de fréquentation des établissements et non plus sur la base du nombre de places, ce qui a pu inciter les structures relevant alors du mono-accueil à augmenter leur taux d'occupation en proposant plusieurs types d'accueil (régulier, occasionnel).

*

Votre rapporteure met en garde contre cette tendance des pouvoirs publics actuels à vouloir privilégier une logique de rentabilité au détriment d'une logique de qualité . Les structures d'accueil collectif des jeunes enfants ne sont en aucun cas des entreprises dont on pourrait dégager des bénéfices. Plus globalement, l'évolution contrastée des modes d'accueil collectif depuis quelques années confirme sa crainte d'assister à un désengagement de l'Etat de l'accueil collectif au profit de l'accueil individuel.

3. La diminution du nombre de places en services d'accueil familial

Sur la période 2005-2009, le nombre de places en services d'accueil familial (y compris structures multi-accueil collectives et familiales) a diminué, passant de 62 150 à 60 300.

Ces services ont néanmoins une capacité d'accueil moyenne nettement supérieure à celle des autres établissements : 43 % d'entre eux proposent plus de soixante places. Ceci s'explique par le fait que le nombre de places est réparti entre les domiciles des assistants maternels rattachés au service, les temps collectifs étant minoritaires pour l'accueil familial (par petits groupes, de l'ordre d'un jour par semaine pour chaque enfant).

4. Le net recul de l'accueil en maternelle des enfants de moins de trois ans

En France, l'accueil des enfants de moins de trois ans à l'école maternelle n'est pas obligatoire et constitue une possibilité offerte aux familles dans la limite des places disponibles ( cf. article D. 113-1 du code de l'éducation). Il est ainsi précisé, dans le guide pratique des parents « Votre enfant à l'école maternelle » (2010-2011) que : « Peuvent également être admis, dans la limite des places disponibles, les enfants ayant atteint l'âge de deux ans au jour de la rentrée scolaire, à condition qu'ils soient physiquement et psychologiquement prêts à la fréquenter. Les enfants doivent en particulier avoir acquis une propreté corporelle suffisante et régulière ».

Aussi bien la Drees, dans son étude précitée, que le Haut Conseil de la famille, dans une note publiée en janvier dernier 18 ( * ) , font état d' un fort recul de l'accueil en maternelle des enfants âgés de moins de trois ans depuis quelques années.

a) L'évolution du taux de scolarisation des enfants de moins de trois ans

Dès la fin des années soixante-dix, la croissance accélérée des taux de scolarisation des enfants de moins de trois ans coïncide avec la chute de la natalité. Cette évolution démographique influence fortement les effectifs de l'école élémentaire qui enregistre une baisse progressive mais continue. Conjuguée au maintien du nombre de postes d'enseignants, elle explique la poussée de la scolarisation à deux ans, dans un contexte de développement du travail féminin et d'insuffisance des solutions de garde des jeunes enfants.

Le baby-boom des années 2000 marque un coup d'arrêt à cette évolution et conduit à une réorientation de la politique de scolarisation précoce. La priorité est désormais donnée à l'accueil des enfants de trois à cinq ans. S'en suit une baisse continue du taux de scolarisation à deux ans : de 2000 à 2009, celui-ci passe de 35 % à 15 % , cette diminution étant notamment liée à la contrainte pesant sur les effectifs d'enseignants.

Ainsi, le nombre d'enfants de moins de trois ans préscolarisés est passé d'un peu plus de 250 000 en 2001 à 123 300 en 2009. En moins de dix ans, le nombre d'enfants préscolarisés avant l'âge de trois ans a donc diminué de 130 000.

Compte tenu du niveau élevé des naissances et des contraintes pesant sur le nombre de postes d'enseignants, aucun retournement de tendance n'est à prévoir dans les années à venir.

b) De fortes disparités géographiques

La scolarisation des enfants de moins de deux ans est pratiquée de façon très diverse au sein des départements. Le nombre de places scolaires pour cent enfants de moins de trois ans est de six en moyenne et varie de zéro à dix-huit sur l'ensemble du territoire métropolitain ( cf. carte ci-dessous). Les régions Nord-Pas-de-Calais, Bretagne, Pays-de-la-Loire ainsi que les départements des contreforts du Massif Central ont un fort taux de scolarisation des enfants de deux ans, à l'inverse de Paris, de la région parisienne ou de l'Alsace par exemple, où le taux est très faible.

Scolarisation des enfants de deux ans :
répartition géographique du nombre de places

Source : Insee

*

Votre rapporteure juge ce recul de la scolarisation des tout petits très inquiétant . Il ne s'agit pas de rendre la scolarisation obligatoire dès l'âge de deux ans, mais de permettre à tous les parents qui le souhaitent de faire entrer leur enfant à l'école maternelle avant l'âge de trois ans. Accorder ce droit aux parents et créer une obligation pour l'Etat de donner suite à leur demande sont d'autant plus importants que les bienfaits de la scolarisation dès l'âge de deux ans, en termes d'apprentissage du langage par exemple, touchent particulièrement les enfants issus de milieux défavorisés.

Elle rappelle, à ce titre, que l'article D. 113-1 du code de l'éducation dispose que « l'accueil des enfants de moins de trois ans est assuré en priorité dans les écoles et classes maternelles situées dans un environnement social défavorisé , que ce soit dans les zones urbaines, rurales ou de montagne et dans les régions d'outre-mer, et particulièrement en zone d'éducation prioritaire » .

III. LE MANQUE D'AMBITION DU PLFSS POUR 2012 EN MATIÈRE DE POLITIQUE FAMILIALE

Cette année encore, la famille est le parent pauvre du projet de loi de financement, avec une mesure seulement inscrite dans la partie recettes et deux dans la partie dépenses. Votre rapporteure déplore ce manque d'ambition du Gouvernement en matière de politique familiale , alors que de nombreuses promesses avaient été faites durant la campagne présidentielle, en particulier en matière d'allocations familiales 19 ( * ) .

A. LES MESURES FAMILLE DU PLFSS POUR 2012

1. L'assujettissement à la CSG du complément de libre choix d'activité et du complément de libre choix d'activité optionnel

L'article 13 du présent projet de loi prévoit d'assujettir à la CSG deux prestations complémentaires de la Paje : le complément de libre choix d'activité (CLCA) et le complément de libre choix d'activité optionnel (Colca).

a) Le complément de libre choix d'activité et le complément de libre choix d'activité optionnel

Le complément de libre choix d'activité

Dans le cadre de la mise en place de la Paje en 2004, le CLCA a remplacé l'allocation parentale d'éducation. Lorsqu'un parent choisit de ne plus travailler ou d'exercer une activité à temps partiel pour s'occuper de son enfant âgé de moins de trois ans (ou bien adopté ou recueilli il y a moins de six ans au sein du foyer), il peut bénéficier d'une aide complémentaire.

Pour bénéficier du CLCA, le parent doit satisfaire certaines conditions d'activité professionnelle antérieure, qui varie en fonction du nombre d'enfants à charge. Ainsi, il doit justifier de huit trimestres de cotisations d'assurance vieillesse dans les deux ans qui précèdent la naissance du premier enfant, dans les quatre ans s'il s'agit d'un deuxième enfant ou dans les cinq ans s'il s'agit d'un enfant de rang trois ou plus.

Le montant du CLCA varie en fonction de la perception ou non de l'allocation de base de la Paje (180,62 euros par mois) et du taux d'activité du parent concerné.

Montant mensuel du complément de libre choix d'activité
(au 1 er janvier 2011)

(en euros)

En cas de non-perception de l'allocation de base :

Taux plein

560,40

Taux partiel inférieur à 50 %

426,12

Taux partiel entre 50 % et 80 %

322,24

En cas de perception de l'allocation de base :

Taux plein

379,79

Taux partiel inférieur à 50 %

245,51

Taux partiel entre 50 % et 80 %

141,62

En 2009, le nombre de bénéficiaires de la prestation était supérieur à 570 000.

Le complément de libre choix d'activité optionnel

Le Colca est attribué au parent ayant la charge effective et permanente d'au moins trois enfants et interrompant son activité professionnelle pendant une durée maximale d'un an après la naissance ou l'arrivée de l'enfant. Son bénéfice est conditionné à la justification d'au moins huit trimestres de cotisations vieillesse validés au titre d'une activité professionnelle dans les cinq ans précédant la naissance, l'adoption ou l'accueil de l'enfant.

Le parent qui demande le bénéfice du Colca pour un enfant est considéré comme renonçant au CLCA : ce choix est définitif. Le montant mensuel de la prestation est de 620,78 euros en cas de perception de l'allocation de base de la Paje et de 801,39 euros dans le cas contraire.

En 2009, le nombre de bénéficiaires du Colca était de 2 300.

b) Une imposition injuste et malvenue

En proposant d'assujettir le CLCA et le Colca à la CSG, le Gouvernement espérait dégager 140 millions d'euros de recettes, qui seraient venus compenser, pour une très faible part, le transfert à la Cades de 0,28 point de CSG décidé en loi de financement pour 2011.

Votre rapporteure se félicite que cette mesure ait fait l'objet d'un amendement de suppression , adopté à l'unanimité par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, puis confirmé en séance publique. Ce nouveau montage financier revenait en effet à faire des économies au détriment des familles, au moment où le pays traverse une grave crise économique et sociale.

Le Gouvernement avait justifié sa proposition par l'argument selon lequel le CLCA et le Colca étant des revenus de remplacement, et non des prestations familiales à proprement parler, ils devaient être soumis au même régime d'imposition que les autres revenus de remplacement. Or, il s'avère que certains parents - surtout des femmes - demandent à bénéficier du CLCA ou du Colca parce que, faute de solution de garde, ils sont contraints de demander un congé parental. Il s'agit donc bien, dans ce cas, d'une prestation familiale et non d'un revenu de remplacement.

2. L'annonce d'un report de la revalorisation des prestations familiales au 1er avril 2012

Pour compenser la perte des 140 millions d'économies attendus de cette mesure, le Gouvernement a déposé un amendement, lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, prévoyant que les prestations familiales seront, en 2012, revalorisées au 1 er avril au lieu du 1 er janvier (article 58 bis du projet de loi).

Votre rapporteure estime que ce gel de l'augmentation de l'ensemble des prestations familiales pendant trois mois est une décision inacceptable, incohérente et irresponsable :

- inacceptable parce qu'elle pénalise gravement les familles les plus modestes, déjà fragilisées par la conjoncture économique actuelle ;

- incohérente parce qu'elle revient à nier le rôle d'amortisseur social que ces prestations jouent en période de crise ;

- irresponsable parce que le Gouvernement avait fait la promesse d'une revalorisation des prestations familiales de 2,3 % au 1 er janvier 2012.

En outre, l'argument du gage n'est pas recevable puisque la suppression de l'article 13 du projet de loi a déjà été gagée par les députés qui ont, à l'initiative de la commission des finances, décidé de réduire davantage le taux d'abattement pour frais professionnels sur les revenus soumis à la CSG de 2 % à 1,75 %, cette mesure devant dégager une économie supplémentaire d'environ 140 millions d'euros.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission a adopté un amendement proposant la suppression de ce report de la date de revalorisation des prestations familiales .

3. Le « coup de pouce » accordé aux familles monoparentales et aux parents handicapés

Le projet de loi de financement pour 2012 ne comporte que deux mesures en dépenses concernant la branche famille, ciblées essentiellement sur les familles monoparentales :

- l'article 57 améliore le régime du complément mode de garde pour les familles monoparentales et les parents handicapés ayant de jeunes enfants ;

- l'article 58 réforme le régime d'attribution de l'allocation de soutien familial pour les petites pensions alimentaires.

a) L'amélioration du régime d'attribution du complément mode de garde pour les familles monoparentales et les parents handicapés

Le complément mode de garde de la Paje

Le complément mode de garde (CLCMG) est l'une des quatre allocations composant la Paje. Il s'est substitué, au 1 er janvier 2004, à l'allocation pour la garde d'enfant à domicile et à l'allocation d'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée.

Pour les parents qui emploient directement une personne pour s'occuper de leur(s) enfant(s), le CLCMG consiste en :

- une prise en charge à hauteur de 85 % de la rémunération nette du salarié dans la limite d'un plafond variable selon les revenus des parents et l'âge des enfants ;

- une prise en charge des cotisations et contributions sociales dues par le particulier employeur à hauteur de 100 % pour un assistant maternel et à 50 % pour une garde à domicile.

Le droit au CLCMG est également ouvert aux parents faisant appel à une association ou une entreprise habilitée qui emploie des assistants maternels agréés ou des gardes d'enfant à domicile. Dans ce cas, le montant de l'aide varie selon les ressources des parents, l'âge des enfants et le statut de la personne employée par l'association ou l'entreprise.

Depuis sa création, le nombre de bénéficiaires du CLCMG a augmenté de près de 40 %, s'élevant à 798 000 au 31 décembre 2010.

Les améliorations proposées

Malgré son succès, le CLCMG n'est pas adapté à certains publics particulièrement vulnérables. Ainsi, la réglementation actuelle ne tient pas compte de la situation d'isolement de l'allocataire 20 ( * ) , ni de celle résultant d'un handicap parental, à la différence d'autres prestations, telles que l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH), le complément familial ou l'allocation journalière de présence parentale (AJPP).

L'article 57 du projet de loi entend donc remédier à ces difficultés par deux mesures :

- la première consiste à augmenter de 40 % , à compter du 1 er juin 2012, les plafonds de ressources du CLCMG des parents isolés ayant de jeunes enfants, afin qu'ils bénéficient du montant le plus élevé du CLCMG, donc d'une meilleure prise en charge des frais de garde ;

- la seconde prévoit la création d'une majoration du montant du CLCMG de 30 % pour les couples ou les parents isolés bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH).

Par ailleurs, le texte simplifie les démarches administratives incombant aux parents lors de l'accueil d'un nouvel enfant : désormais, ceux-ci seront dispensés du dépôt d'une nouvelle demande de CLCMG, s'ils sont encore bénéficiaires de cette allocation au titre d'un précédent enfant.

*

Votre rapporteure approuve ces deux mesures qui devraient bénéficier à environ 4 500 familles, parmi les plus fragiles.

b) La réforme de l'allocation de soutien familial

L'allocation de soutien familial

L'allocation de soutien familial (ASF) est une prestation familiale non soumise à condition de ressources qui peut être versée au père seul, à la mère seule ou à toute autre personne ayant recueilli un enfant et en ayant la charge effective et permanente. Il existe, en réalité, deux catégories d'allocation de soutien familial : l'allocation de soutien familial non recouvrable, versée en tant qu'aide à l'entretien de l'enfant, et l'allocation de soutien familial recouvrable, versée à titre d'avance sur pension alimentaire, en cas de défaillance complète ou partielle du parent débiteur, et qui fait l'objet de l'article 58 du projet de loi.

Actuellement, lorsqu'un parent ne s'acquitte que partiellement du versement de la pension alimentaire, il est accordé à l'autre parent, à titre d'avance, une allocation de soutien familial différentielle. Celle-ci complète le versement partiel effectué par le parent débiteur, à hauteur du montant de la pension alimentaire, sans toutefois pouvoir excéder le montant de l'ASF, soit 88,44 euros par mois en 2011.

Un dispositif inadapté aux petites pensions alimentaires

Ainsi que l'ont souligné la Cour des comptes et le Haut Conseil de la famille, ce dispositif pose problème pour les petites pensions alimentaires . En effet, en cas de versement partiel de la pension alimentaire, l'allocation différentielle est accordée dans la limite du montant de l'ASF si la pension alimentaire lui est supérieure, mais dans la limite du montant de la pension alimentaire si celle-ci est inférieure à l'ASF. A contrario , en cas de défaillance totale du débiteur, l'ASF est intégralement versée au parent créancier, quel que soit le montant de la pension.

Autrement dit, le parent débiteur d'une petite pension alimentaire, inférieure à l'ASF, a tout intérêt à ne rien verser, afin que le parent créancier perçoive l'intégralité de l'ASF.

Le projet de loi entend mettre fin à cette aberration en réformant le régime d'attribution de l'ASF différentielle pour les petites pensions alimentaires, dont le montant est à inférieur à celui de l'ASF.

Il est désormais prévu qu' en cas de défaillance partielle du débiteur, l'ASF différentielle sera versée dans la limite du montant complet de l'ASF , et non plus dans celle du montant de la pension alimentaire. La situation demeure inchangée pour les créanciers d'une pension dont le montant est supérieur à celui de l'ASF.

*

Votre rapporteure juge cette mesure positive pour les familles monoparentales confrontées à un paiement partiel de la pension alimentaire. Le Gouvernement s'est toutefois contenté d'une réforme partielle de l'ASF, alors que cette allocation nécessiterait des aménagements de plus grande ampleur, comme l'a montré la Cour des comptes dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2010. En particulier, l'appréciation par les Caf de la situation des parents se trouvant « hors d'état » de subvenir aux besoins de leur(s) enfant(s) pose de nombreuses difficultés.

B. D'IMPORTANTES RÉFORMES À ENGAGER

A l'occasion de l'examen du projet de loi de financement pour 2012, votre rapporteure entend insister sur plusieurs chantiers qui nécessitent, selon elle, d'être entrepris dans le domaine de la famille, au premier rang desquels le versement des allocations familiales dès le premier enfant et l'allongement de la durée du congé de maternité.

1. Verser les allocations familiales dès le premier enfant

Créées par le décret-loi du 12 novembre 1938, les allocations familiales à caractère universel étaient, à l'origine, attribuées dès le premier enfant. Mais dans un objectif nataliste affiché, le décret-loi du 29 juillet 1939 dit « code de la famille » a supprimé l'allocation au premier enfant au profit d'une prime à la première naissance. Après guerre, lors de la création de la sécurité sociale, le caractère universel des allocations familiales a été réaffirmé, de même que la règle d'attribution à partir du deuxième enfant (loi du 22 août 1946). Celle-ci est toujours applicable, excepté pour les familles des Dom qui perçoivent les allocations familiales dès la première naissance.

Depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, l'idée d'attribuer les allocations familiales au premier enfant fait son chemin dans le débat public. Elle part d'un constat simple : c'est pour le premier enfant que le niveau de compensation publique est le plus faible . Il s'agit là d'une particularité de la politique familiale française qui, historiquement et dans une visée nataliste, a fortement investi à partir du deuxième et surtout du troisième enfant. En la matière, la France se singularise de nombreux pays de l'Union européenne qui attribuent des allocations aux familles ayant un seul enfant.

Le contexte sociodémographique tout comme les aspirations individuelles ont considérablement changé depuis la création des allocations familiales : les familles avec un ou deux enfants sont devenues plus nombreuses, à mesure que diminuait le nombre moyen d'enfants par famille. Il n'en demeure pas moins que la natalité française est très dynamique depuis le début des années 2000, l'indice de fécondité s'élevant à deux enfants par femme.

Dès lors, votre rapporteure estime, à titre personnel, que concevoir les allocations familiales comme une incitation à procréer n'est plus adapté aux caractéristiques de la société française et qu'il est temps de les ancrer définitivement dans une logique sociale , donc de les accorder dès le premier enfant.

La naissance d'un enfant, fût-il le premier, n'est en effet pas sans conséquence sur le niveau de vie des parents. Dans son étude « Les revenus et les patrimoines des ménages » de 2011, l'Insee indique ainsi que « la naissance provoque en moyenne un décrochage du niveau de vie par rapport à celui du reste de la population : les ménages concernés perdent 2 % à 11 % de leur niveau de vie entre l'année précédant la naissance et celle lui succédant immédiatement » . Il est donc avéré que l'arrivée d'un enfant dans un foyer comporte des conséquences économiques non négligeables, qu'il convient de prendre en compte au niveau des allocations familiales.

Votre rapporteur rappelle, à cette occasion, que le Président de la République avait lui-même annoncé, lors de la campagne présidentielle de 2007, son intention de verser les allocations familiales dès le premier enfant ; cette promesse n'a pas été tenue.

2. Moduler l'allocation de rentrée scolaire en fonction de la voie de formation

L'allocation de rentrée scolaire, créée par la loi du 14 juillet 1986 en vue de compenser les frais spécifiques résultant de la rentrée scolaire (fournitures, habillement), est une aide annuelle versée sous condition de ressources aux familles qui ont un ou plusieurs enfants scolarisés âgés de six à dix-huit ans. Elle est attribuée pour chaque enfant.

La modulation de son montant en fonction de l'âge de l'enfant , demandée depuis plusieurs années par les familles et les associations qui soulignaient la différence de coût entre une rentrée scolaire en primaire et une rentrée au collège ou au lycée, a été mise en place à la rentrée 2008. Il existe désormais trois tranches d'âges : pour un enfant âgé de six à dix ans, le montant de l'ARS est de 286,97 euros (à la rentrée 2011) ; pour un enfant âgé de onze à quatorze ans, de 300,66 euros ; pour un enfant âgé de quinze à dix-huit ans, de 311,11 euros.

Si cette mesure a constitué une avance significative, votre rapporteure juge le dispositif de l'ARS encore imparfait . En effet, le coût des frais de rentrée diffère non seulement en fonction du cycle d'études (primaire, collège, lycée) mais aussi, pour l'enfant inscrit au lycée, en fonction de la voie de formation suivie .

Les formations technologiques et professionnelles sont, par définition, celles qui coûtent le plus cher aux familles car elles nécessitent l'achat de matériels, d'outillages, de vêtements ou d'équipements de sécurité. Or, les statistiques révèlent que ce sont les enfants issus de foyers modestes que l'on retrouve majoritairement dans l'enseignement professionnel et technologique. Même si, depuis quelques années, les régions participent à l'équipement technique des lycéens, la facture reste bien lourde pour ces familles.

C'est pourquoi, votre commission a adopté un amendement proposant que, pour l'enfant inscrit au lycée, le montant de l'allocation de rentrée scolaire soit modulé en fonction de la voie de formation suivie .

3. Allonger la durée du congé de maternité

En l'état actuel du droit, pour la naissance d'un enfant sans complications médicales, la durée minimale du congé de maternité est de seize semaines dont, en principe, un congé prénatal de six semaines avant la date présumée de l'accouchement et un congé postnatal de dix semaines après l'accouchement. Cependant, dans la pratique, la durée moyenne effective de l'ensemble des congés pris à l'occasion d'une naissance s'élève à cent cinquante jours pour les mères dont c'est le premier ou le deuxième enfant, soit un mois et une semaine de plus que le seul congé légal de maternité 21 ( * ) .

Contrairement à une idée couramment reçue, la France n'est pas, à l'échelle de l'Union européenne, le meilleur élève en matière de durée du congé de maternité . Elle se situe dans la moyenne inférieure des Etats membres, derrière notamment l'Italie (vingt et une semaines), le Royaume-Uni (vingt-six semaines), l'Irlande (vingt-six semaines) et la Slovaquie (vingt-huit semaines).

Souhaité par la grande majorité des mères 22 ( * ) , l'allongement du congé de maternité répond au double objectif d'amélioration de la santé et de la sécurité de la mère et de l'enfant, et de conciliation de la vie professionnelle avec la vie privée et familiale. Un congé de plus longue durée permettrait aux femmes de se remettre de leur grossesse et de leur accouchement, de passer davantage de temps avec leur nouveau-né, de s'occuper des aînés si nécessaire ou d'organiser la vie de la nouvelle structure familiale.

Votre rapporteure rappelle qu'au niveau européen, la réflexion avance puisqu'une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil (E 4021) envisage de moderniser les règles communautaires en matière de congé de maternité. Il est notamment proposé de porter sa durée minimale européenne de quatorze à dix-huit semaines. Votre commission , à l'initiative de sa rapporteure Annie David, s'est saisie en juin 2009 de cette proposition de directive et a adopté une proposition de résolution européenne , devenue ensuite résolution du Sénat. Celle-ci dispose que « le Sénat [...] demande au Gouvernement de soutenir formellement, dans les négociations européennes, l'allongement de la durée du congé de maternité à dix-huit semaines » . 23 ( * )

Pour leur part, les députés européens se sont majoritairement prononcés en octobre 2010, lors de l'examen de la proposition de directive précitée E 4021, en faveur de l'allongement de la durée du congé de maternité à vingt semaines.

Selon votre rapporteure, ce contexte européen favorable doit encourager la France à faire évoluer rapidement ses propres règles en matière de congé de maternité .

4. Valoriser le métier d'assistant maternel en offrant de réelles perspectives de carrière

Dans le cadre du plan « Métiers de la petite enfance », présenté en décembre 2008, plusieurs actions ont été menées pour inscrire la profession d'assistant maternel dans un parcours professionnel :

- le renforcement de la formation initiale (passage de soixante à cent vingt heures, puis introduction d'un module consacré aux spécificités de l'organisation de l'accueil collectif) ;

- la création d'une passerelle vers le certificat d'aptitude professionnelle (CAP) petite enfance ;

- la mise en place d'un partenariat avec Pôle emploi dans le but de favoriser l'orientation des demandeurs d'emploi vers cette profession.

Parallèlement, deux aides ont été instaurées pour renforcer l'attractivité du secteur :

- la création d'un prêt à taux zéro (loi de financement pour 2010) et son extension aux assistants maternels exerçant en maisons d'assistants maternels (loi de financement pour 2011) ;

- le versement d'une prime d'un montant de 300 à 500 euros pour toute primo-installation.

Ces mesures n'ont cependant pas mis fin aux inquiétudes des assistants maternels. Lors de leur audition par votre rapporteure, leurs représentants ont en effet porté un regard assez pessimiste sur l'évolution de leur profession .

La génération des assistants maternels en exercice, composée presque exclusivement de femmes, pour la plupart peu diplômées, est en effet confrontée à une difficulté majeure : le manque de perspective de carrière . Celui-ci s'explique, d'une part, par une formation initiale peu qualifiante, d'autre part, par une formation continue insuffisamment diversifiée et dont l'accès est limité. En outre, les assistants maternels pâtissent d'un manque d'information sur les possibilités de formation existantes. En conséquence, un certain nombre de ces femmes est gagné par un sentiment d'épuisement et de lassitude professionnels, lequel est renforcé par l'isolement social intrinsèque à ce métier lorsqu'il est exercé à domicile.

Selon votre rapporteure, il est indispensable de renforcer la professionnalisation et la valorisation du métier d'assistant maternel pour offrir à ces personnes de réelles perspectives d'évolution de carrière, en agissant sur deux leviers :

- réformer le contenu de la formation initiale et rendre la formation continue plus attractive ;

- développer les passerelles non seulement au sein du secteur de la petite enfance, mais aussi entre secteurs d'activité.

Ces chantiers paraissent d'autant plus prioritaires que les nouveaux candidats à cette profession, plus jeunes et plus qualifiés que la génération actuelle des assistants maternels, sont aussi plus exigeants en matière de conditions de travail, de formation et d'évolution de carrière.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Audition de Jean-Louis DEROUSSEN, président du conseil d'administration, et Hervé DROUET, directeur général, de la caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf)

Réunie le mardi 25 octobre 2011 , sous la présidence d' Annie David , présidente , la commission procède à l'audition de Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration, et Hervé Drouet, directeur général, de la caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.

Annie David, présidente . - Nous recevons aujourd'hui, dans le cadre de nos auditions préparatoires à l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2012, Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration, et Hervé Drouet, directeur général, de la Cnaf. Notre rapporteur pour la branche famille, Isabelle Pasquet, vous a fait parvenir un questionnaire préparatoire. Je vous invite à nous présenter vos réponses, puis nous ouvrirons le débat à l'ensemble des membres de la commission.

Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration de la Cnaf . - La première question portait sur l'équilibre global de la branche famille et plus particulièrement sur les conséquences du transfert à la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), prévu par la loi de financement pour 2011, de 0,28 point de CSG initialement affecté à la branche famille. Ce transfert a été compensé par des recettes non pérennes comme la taxation des contrats d'assurance vie. Le déficit s'est néanmoins stabilisé à 2,7 milliards d'euros, soit un niveau qui n'est pas négligeable. Il ne faut à présent plus priver la Cnaf de recettes dynamiques comme l'est la CSG, sinon les projections à long terme d'équilibre de la branche s'en trouveraient bouleversées.

En ce qui concerne les différentes dépenses relatives à la prise en charge des droits familiaux de retraite, le coût de l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) est stable à 4 milliards d'euros. La montée en charge du dispositif de majoration de pension pour les parents ayant élevé trois enfants et plus, qui fait l'objet d'un remboursement au fonds de solidarité vieillesse (FSV), est terminée. Son poids financier est d'environ 2,5 milliards d'euros, montant qui ne devrait plus augmenter dans le futur.

J'en viens à la question de l'accueil des jeunes enfants. La convention d'objectifs et de gestion (Cog) qui lie la Cnaf et l'Etat a prévu la création de 100 000 places supplémentaires d'accueil collectif et, symétriquement, d'un même nombre de places d'accueil individuel. Sur les quatre ans de déploiement de ce plan, les années 2009 et 2010 ont vu la création de 41 635 nouvelles places d'accueil collectif. Les projections pour 2011 et 2012 nous permettent d'espérer des résultats similaires. Entre 85 % et 90 % de l'objectif de 100 000 places supplémentaires fixé par la Cog devrait donc être atteint. D'ailleurs, la différence entre les réalisations et cet objectif tient probablement davantage à un décalage dans le temps qu'à un échec de la Cnaf car notre engagement est lié à celui des collectivités locales qui, depuis quelques années, connaissent une situation financière tendue, peu propice à la création, dans des délais très courts, de nouvelles capacités d'accueil. L'investissement a souvent été différé plutôt qu'annulé ; l'objectif de 100 000 places reste donc réaliste mais ne devrait être atteint qu'après 2012.

En revanche, la Cnaf a beaucoup plus de difficultés à mesurer précisément les créations de places nouvelles en accueil individuel. Elles ne sont portées à notre connaissance que lorsque nous procédons au remboursement des frais avancés par les familles auprès des assistants maternels. Les maisons d'assistants maternels, qui se sont progressivement substituées à l'ancien dispositif du regroupement, n'ont pas l'obligation de passer des conventions avec les caisses d'allocations familiales (Caf), si bien que nous ne sommes pas tenus informés de leur création ni formellement associés à leur développement. Cent six d'entre elles ont été identifiées par les Caf, mais il en existe probablement beaucoup d'autres. La Cnaf met plutôt la priorité sur une meilleure information des familles grâce au site monenfant.fr, sur lequel nous invitons les assistants maternels à s'inscrire et à afficher leurs disponibilités. Cela nous permet d'évaluer de manière plus précise le nombre de professionnels en exercice, car l'absence de conventionnement obligatoire nous empêche d'avoir des chiffres exacts et actualisés en permanence. La Cnaf ne peut pas mesurer non plus le coût moyen d'une place en accueil individuel car la rémunération de ce mode d'accueil est caractérisée par une libre négociation entre l'assistant maternel et les parents employeurs.

Pour répondre à la question des coûts de gestion des prestations servies par la branche famille pour le compte de l'Etat et des départements, dont la part croissante a été récemment soulignée par la Cour des Comptes, il faut rappeler qu'ils sont fixés par une convention entre la Cnaf et le délégant. Ils sont de 1 % ou de 2 % selon la technicité de la prestation. Au total, sur les 19,6 milliards d'euros de prestations servies pour le compte de l'Etat et des départements, les frais de gestion s'élèvent à 1,54 % de cette somme. De plus, certaines prestations, comme l'allocation aux adultes handicapés (AAH), qui représente 6,44 milliards d'euros, ne donnent pas lieu au versement de frais de gestion. Au total, les frais de gestion pour les prestations de l'Etat sont donc de 2,34 %, tandis qu'ils sont de 2,8 % pour celles de la branche famille.

Auparavant servie lorsque l'enfant atteignait l'âge de onze puis de seize ans, la majoration d'âge des allocations familiales fait, depuis le 1 er mai 2008, l'objet d'un versement unique à quatorze ans. Cela a permis à la branche famille de réaliser, durant les trois années suivant cette réforme, des économies transitoires, annulées lorsque la première génération bénéficiant de ce nouveau régime a atteint quatorze ans et a été éligible à une prestation plus importante. 2011 constitue la première année d'application pleine de ces changements et le sommet des coûts supplémentaires qu'ils engendrent ; l'impact négatif global en termes de versements s'élèvera à 260 millions d'euros en 2014, lorsque la montée en charge totale de cette majoration d'âge sera achevée.

Enfin, votre dernière question portait sur la suppression de la rétroactivité des aides au logement. Auparavant, la demande d'attribution de ces aides pouvait être réalisée dans les trois mois suivant un déménagement et avait un effet rétroactif. Ce dispositif s'est éteint le 1 er janvier dernier et l'économie espérée était de 240 millions d'euros. Toutefois, en réalité, les allocataires se sont adaptés à cette situation et font leur demande plus tôt. Nous avons donc revu à la baisse nos estimations des économies engendrées par cette réforme, que nous chiffrons désormais à 175 millions d'euros. Si toutes les demandes étaient réalisées dans les délais, il n'y aurait même aucune économie !

Isabelle Pasquet, rapporteure de la branche famille . - Merci pour ces réponses. J'aimerais avoir des détails supplémentaires sur la compensation du transfert à la Cades de la part de CSG auparavant affectée à la Cnaf et savoir quelles en sont les conséquences pour les années à venir.

Hervé Drouet, directeur général de la Cnaf . - Sur l'exercice 2011, le rendement des recettes transférées a été supérieur à la perte de 0,28 point de CSG. La baisse des revenus tirés de la CSG entre 2010 et 2011 a été d'environ 3 milliards d'euros tandis que le produit des recettes affectées en 2011 a été de 3,5 milliards. Celles-ci sont, pour l'instant, plus dynamiques que la part de CSG perdue. Le Gouvernement s'est engagé à ce que le rendement des recettes reste le même. Les assiettes n'étant pas les mêmes, il faudra rester vigilant et s'assurer, chaque année, que leur dynamisme est comparable.

Samia Ghali . - Ma question porte sur les allocations logement et leurs critères d'attribution. La crise du logement en France, et plus particulièrement dans certaines grandes agglomérations, est préoccupante. Des familles de trois enfants ou plus peuvent se retrouver à vivre dans un T1 ou un T2 en bénéficiant d'aides au logement. Toutefois, lorsqu'elles cherchent à obtenir un logement plus grand par le biais de bailleurs sociaux, les commissions d'attribution le leur refusent souvent en se fondant sur des critères fixés par les Caf, comme celui selon lequel chaque enfant doit avoir sa chambre. Dans le meilleur des mondes, ce serait évidemment souhaitable et idéal, en faisant en sorte notamment que les filles et les garçons soient séparés et bénéficient de chambres individuelles. Néanmoins, dans la société dans laquelle nous vivons, cette intransigeance met des familles en péril : les commissions d'attribution refusent de leur accorder un nouveau logement sous prétexte qu'elles ne pourraient pas bénéficier des allocations logement. Il en résulte que ces familles nombreuses qui auraient pu obtenir un logement plus grand, certes pas suffisamment pour offrir une chambre à chaque enfant mais représentant une amélioration notable de leur vie quotidienne, se retrouvent bloquées dans leur petit appartement. Qui peut aujourd'hui en France, avec plus de trois enfants, trouver un appartement suffisamment grand dans le parc social pour que chacun d'entre eux ait sa chambre ? C'est un système pervers. Comment cette situation pourrait-elle être corrigée ?

Catherine Procaccia . - Sur le déficit de la branche de 2,7 milliards, vous avez émis le souhait de disposer de ressources pérennes. Outre ce problème, est-il selon vous possible de réaliser des gains sans diminuer le niveau des prestations ? Par ailleurs, la presse se faisait récemment l'écho d'affaires de fraudes importantes concernant la branche famille. A combien les chiffrez-vous ? Dans quelle mesure un meilleur recouvrement de celles-ci permettrait-il de compenser le déficit ?

Ma seconde question porte sur les crèches. Le Gouvernement fixe des objectifs en la matière, mais ce sont les collectivités territoriales qui doivent les remplir et en assurer le financement. Or, comme vous l'avez rappelé, elles doivent faire face à d'importantes difficultés financières. Ces crèches coutent très cher, en particulier à cause des normes d'encadrement qui leur sont applicables. Notre commission a déjà débattu à de nombreuses reprises de ce sujet mais j'aimerais connaître votre position : pensez-vous qu'il soit possible de modifier ces normes et les conditions de diplôme applicables à leur personnel afin de les rapprocher de celles des assistants maternels ?

De plus, on assiste au développement rapide de crèches privées car elles répondent à la demande très forte de places en accueil collectif, notamment dans les grandes villes. En région parisienne, je peux vous assurer que 50 % à 70 % des parents ont recours à des assistants maternels non agréés et qui refusent d'être déclarés, ce qui empêche leurs employeurs de déduire ces charges de leurs impôts. Pour bénéficier de l'aide de la Caf, ces crèches privées doivent, en plus d'un agrément, proposer les tarifs fixés par celle-ci. C'est impossible, car elles ne perçoivent aucune subvention de la part des collectivités locales. Dans ma commune, une crèche est sur le point de fermer pour cette raison. Ne serait-il pas possible d'aider ces structures de la même façon que les crèches publiques, de les mettre sur un pied d'égalité ? Au final, cela reviendrait surtout à aider les parents.

Catherine Génisson . - Vous avez évoqué les économies réalisées grâce à la suppression de la rétroactivité des APL. Un autre mécanisme du même type a été mis en place, celui du versement de l'allocation à la naissance de l'enfant le mois échu et non plus dès la naissance. J'aimerais savoir combien cette disposition particulièrement inique a permis d'économiser.

A propos des maisons d'assistants maternels, j'aimerais avoir des explications sur la diversité des relations qu'elles peuvent avoir, selon leur emplacement sur le territoire, avec les Caf.

Patricia Schillinger . - Je souhaite revenir sur la question des bailleurs sociaux. Habitant une zone frontalière, je constate que les tarifs des locations y sont relativement élevés par rapport à ceux du secteur privé dans notre pays. Qui plus est, les logements sociaux vieillissent et ne présentent pas les mêmes qualités, en matière d'accessibilité par exemple, par rapport au privé. Je ne sais pas selon quelles modalités le contrôle est réalisé, mais je trouve cette situation pour le moins étrange.

Autre situation que je trouve choquante, celle des enfants majeurs qui vivent encore chez leurs parents. De plus en plus souvent, ces derniers doivent faire face à une hausse de leur loyer du fait de la présence de leur enfant alors que cette cohabitation dure depuis des années. Cela n'est pas normal.

Enfin, le développement des maisons d'assistants maternels s'explique selon moi par le fait qu'elles constituent, pour la plupart des communes, la seule réponse à la demande de places d'accueil de jeunes enfants. La création de crèches ou de micro-crèches a un coût bien trop élevé. J'ai quand même un doute sur leur sécurité : les assistants maternels n'ont pas la même formation que le personnel des crèches. J'aimerais aussi savoir comment ces maisons sont subventionnées, car elles ont tendance à favoriser les parents aisés alors que le service public doit s'adresser à tous.

Annie David, présidente . - Ma question porte sur l'assujettissement du complément de libre choix d'activité (CLCA) à la CSG. Bien que la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale ait déposé un amendement de suppression de cette disposition, cette mesure pourrait être rétablie lors de l'examen du PLFSS en séance publique. Avez-vous évalué le gain attendu ? Quelle est votre position à ce sujet ?

Gérard Roche . - J'aimerais vous faire part de mon point de vue d'élu rural concernant les maisons d'assistants maternels et il ne correspond pas aux propos entendus jusqu'ici sur ce sujet. Dans ces territoires où la densité de population est faible, les maires sont souvent impuissants pour financer des infrastructures coûteuses en la matière. Les maisons d'assistants maternels apportent donc une solution à ce problème. La qualité doit bien évidemment être précisée et s'inscrire dans le cadre d'un contrat petite enfance à l'échelle du territoire de la communauté de communes rurales. Et contrairement à ce qui a été dit, la formule des Mam n'est pas une solution pour les riches mais plutôt une solution pour les territoires les plus pauvres.

Jean-Louis Deroussen . - Pour ce qui concerne l'attribution des logements sociaux, cette question dépend des commissions d'attribution et non pas directement des Caf. Lorsque celles-ci estiment qu'il faut un logement plus vaste car la famille est nombreuse, les caisses prennent acte de ces décisions mais ne lient pas le montant des allocations à de tels facteurs.

Samia Ghali . - Je vais préciser ma question car vous n'y répondez pas directement. Aujourd'hui, la Caf fixe des critères, comme l'âge des enfants au foyer, sur lesquels se fonde la commission d'attribution pour déterminer si l'appartement convient pour la famille candidate. Cela a pour conséquence de faire perdurer des situations dans lesquelles les enfants partagent la cuisine, le salon ou la salle à manger avec leurs frères et soeurs pour y dormir. Ce n'est évidemment pas idéal de faire cohabiter un adolescent et un enfant en bas âge dans la même chambre, mais c'est déjà mieux que de vivre dans la salle à manger ou de dormir dans la cuisine ! A Marseille, ville que je connais bien, il y a 37 000 demandes de logements sociaux en attente. Elles ne pourront bien sûr pas toutes être satisfaites. La crise du logement est telle que les critères d'attribution qui sont fixés, s'ils sont louables dans leur intention, constituent en pratique un frein à la résorption de cette situation et sont à l'origine d'une véritable discrimination au logement.

Jean-Louis Deroussen . - Cela revient à s'interroger sur la réaction que nous devons avoir face à l'indécence de certains logements. Faut-il encore accepter que quinze personnes cohabitent dans le même studio ? Nous ne vivons pas dans un monde idéal, où les parents auraient leur chambre et les enfants, qui seraient au moins séparés selon qu'ils sont garçons ou filles, aussi. Le problème s'accroît également avec la multiplication du nombre de familles divorcées : pour que la garde puisse être partagée, le logement de chaque parent doit répondre aux normes pour pouvoir accueillir les enfants de manière alternée. Cette évolution sociétale vient donc aggraver la crise du logement.

Samia Ghali . - Ne pourrait-on assouplir ces règles ?

Hervé Drouet . - Sur ce sujet délicat, il faut bien se rappeler que les Caf ne font qu'appliquer les critères légaux et réglementaires d'ouverture du droit aux allocations logement. Le calcul du droit repose sur les ressources et la taille du foyer. Il est fondé sur un forfait national et non sur le loyer réel, ce qui peut parfois conduire à s'interroger sur la pertinence du forfait par rapport à certaines situations locales. Il reste toutefois fixé réglementairement. Tout cela est conditionné par la loi à la décence du logement. Vous semblez faire référence à des situations où, au moment de l'attribution des logements, les commissions d'attribution demandent un calcul de l'aide potentielle à laquelle sont éligibles les demandeurs. La Caf en fournit alors le montant mais doit également indiquer si la configuration du logement donne ou non droit à une aide. Si le logement n'est pas adapté à la situation de la famille, la réponse à cette question ne peut être que négative et le bailleur ne peut donc que refuser de l'attribuer au demandeur. Ce n'est que l'application du droit. Toutefois, les Caf accompagnent les familles confrontées à de telles situations et cherchent à les orienter vers des logements plus décents. Dans tous les cas, les familles vivant dans des logements indécents bénéficient d'une gestion souple de leur dossier afin d'éviter une aggravation de leur situation. L'action sociale des Caf prend alors le relais. La question n'en reste pas moins délicate compte tenu de la situation du logement dans notre pays.

J'en viens à la lutte contre les fraudes, qui constitue une priorité de toutes les branches de la sécurité sociale et en particulier de la branche famille. C'est une question d'équité qui vise à assurer la confiance dans le système et dans le pacte social. Une enquête réalisée l'an dernier nous a permis d'estimer un montant de fraude potentielle situé entre 600 et 800 millions d'euros par an. Chaque année, la Cnaf détecte 90 millions d'euros de fraudes : il y a donc un écart de un à huit entre ces deux chiffres.

Il faut toutefois bien prendre en considération le fait que les fraudes sont une catégorie de paiements indus. Ceux-ci s'élèvent à 2 milliards d'euros par an, ce qui peut être considéré comme élevé par rapport aux 60 milliards d'euros de prestations versés par la Cnaf mais qui s'explique par la complexité de ces prestations, qui dépendent beaucoup de la situation des bénéficiaires en termes de situation familiale et de ressources. Les changements de situations fréquents, surtout en période de crise, entraînent un délai incompressible d'actualisation des dossiers et produisent en permanence des indus. La quasi-totalité de ces indus est détectée, mais nous ne parvenons pas encore à distinguer les indus frauduleux de ceux qui résultent du décalage entre le versement des prestations et la mise à jour des dossiers des allocataires.

Néanmoins, nous récupérons près de 90 % des indus sur une période de trois ans après leur versement, en les prélevant sur les prestations à échoir. Nous bénéficions d'outils perfectionnés en la matière et nous nous appuyons sur des règles comme celle de la fongibilité des indus qui permet de récupérer un indu au titre d'une prestation sur une autre de nature différente. Cela facilite grandement le recouvrement et le manque à gagner, c'est-à-dire la perte sur le montant des indus généraux, s'élève à 100 millions d'euros. Les indus frauduleux ne devraient pas faire l'objet d'abandons de créances, qui constituent la grande majorité des indus non recouvrés et qui sont liés à l'insolvabilité des personnes ou à la situation de détresse sociale dans laquelle elles se trouvent.

La lutte contre les fraudes reste une priorité et va être amplifiée. Les perspectives en la matière sont encourageantes grâce aux nouvelles méthodes que nous sommes en train d'adopter. Le data mining (fouillage de données) est une technique informatique qui permet, à partir des caractéristiques communes aux dossiers frauduleux, de bâtir une recherche permanente du fichier des allocataires afin de focaliser les contrôles sur les dossiers présentant a priori des risques. Les taux de rendement de ces contrôles sont bien meilleurs grâce à la présélection de dossiers à risque, les contrôles massifs encore pratiqués étant trop aléatoires et consommateurs de trop de ressources. Ce nouvel outil va permettre d'alléger les charges qui pèsent sur les Caf tout en augmentant l'efficacité des contrôles.

Jean-Louis Deroussen . - Le déficit de la branche famille doit être réduit. Les ressources dynamiques, comme la CSG, sont celles qui peuvent permettre de revenir le plus rapidement à l'équilibre. Nos recettes sont basées sur les revenus du travail et sont donc plus dynamiques que nos dépenses, qui évoluent surtout en fonction des revalorisations, ce qui explique que, par le passé, le retour à l'équilibre a toujours été rapide. Malheureusement, la situation actuelle, consécutive à la perte considérable de revenu liée à la baisse des cotisations sociales durant la crise économique, ne nous permet pas d'espérer, selon les projections du Haut Conseil de la famille (HCF), un retour à l'équilibre dans les prochaines années. Il convient donc d'éviter de créer de nouvelles dépenses. La majoration des pensions de retraite liée aux enfants a, par exemple, constitué une charge nouvelle dont la montée en puissance s'est effectuée année après année et a eu un impact important sur les dépenses de la branche.

Nous sommes conscients que les collectivités territoriales ont des difficultés financières et retardent leurs investissements dans les crèches, malgré les aides financières de la Cnaf. Comme le besoin est réel, des acteurs privés s'intéressent de plus en plus à ce marché, ce qui conduit au développement des maisons d'assistants maternels et des crèches privées. Celles-ci ne sont pas soumises aux mêmes règles et à la même tarification que les crèches publiques. Les prix sont librement fixés, sans aucune intervention ni plafond fixé par les Caf. C'est un sujet sur lequel il faut rester vigilant, la solution à privilégier serait de redonner aux collectivités les moyens de mieux contractualiser afin d'offrir aux familles des solutions d'accueil collectif ou, pour les zones où cela ne serait pas adapté, un accueil individuel de l'enfant. L'avenir, notamment pour les territoires ruraux, passe par une meilleure coordination et planification de l'offre à l'échelle intercommunale. Les maisons d'assistants maternels ont parfois vu le jour grâce aux primes à l'installation versées par certaines collectivités, ce qui peut être une réponse à des problèmes locaux mais ne peut pas permettre de résoudre le problème plus large de l'accès, pour chaque famille, à une offre d'accueil.

Le gain estimé de la CSG sur le CLCA est de 140 millions d'euros. Le conseil d'administration de la Cnaf a donné un avis défavorable à ce projet, car la prestation en question est d'un montant moyen faible, de l'ordre de 350 euros. Cela reviendrait à pénaliser les familles qui ont fait le choix ou ont été contraintes, par manque de places d'accueil, de garder et d'élever leurs enfants chez elles.

Catherine Procaccia . - Contrairement à ce que vous dites, il me semble que le principal obstacle pour les collectivités n'est pas l'investissement initial dans une crèche mais les coûts de fonctionnement de celle-ci une fois bâtie.

Catherine Génisson . - Je n'ai pas eu de réponse à ma question sur le coût de la rétroactivité de l'aide pour l'enfant à naître. Il me semble que l'économie espérée était d'environ 35 millions d'euros.

Hervé Drouet . - Nous ne disposons pas encore de données suffisamment précises pour répondre à cette question.

Catherine Génisson . - Et comment expliquez-vous les différences qui peuvent exister dans les relations entre les Caf et les maisons d'assistants maternels selon les territoires ? Elles sont parfois intégrées dans un contrat petite enfance et accompagnées mais peuvent aussi bien, dans d'autres endroits, être ignorées par la Caf compétente.

Hervé Drouet . - Cette situation est plutôt la conséquence des relations entretenues par les maisons d'assistants maternels avec les collectivités qui font le choix de les soutenir ou pas.

Catherine Génisson . - Non, je peux vous garantir que les Caf n'ont pas la même attitude selon les territoires.

Christiane Demontès . - Je peux aussi affirmer que la position des Caf vis à-vis des maisons d'assistants maternels n'est pas la même et varie d'une Caf à une autre. C'est un simple constat, je ne dénonce personne !

Annie David, présidente . - Concrètement, quelles sont les conséquences de cette situation ? Cela veut-il dire que des Caf refusent de passer des conventions avec certaines maisons d'assistants maternels ?

Christiane Demontès . - Effectivement, elles ne les conventionnent pas et refusent de les associer aux contrats petite enfance. Cela conduit à s'interroger sur les raisons sous-jacentes à ce positionnement différent des Caf selon les territoires.

Patricia Schillinger . - Pour ce qui concerne le Haut-Rhin, il n'existe à ma connaissance qu'une seule Mam, qui n'est pas répertoriée d'ailleurs.

Hervé Drouet . - Je prends note de vos remarques. La Cnaf n'est pas encore en mesure de faire un bilan général car il s'agit d'un dispositif récent à la mise en oeuvre duquel nous ne participons pas directement. Le conventionnement n'est pas obligatoire, certaines maisons d'assistants maternels peuvent donc rester inconnues de nos services. Les Caf versent uniquement aux parents le complément de libre choix du mode de garde (CLCMG). Si j'ai bien compris vos remarques, il semblerait que lorsqu'une de ces maisons fait partie d'un projet porté par une commune dans le cadre d'un contrat enfance-jeunesse afin d'obtenir des financements, certaines caisses s'y opposent. Je vais me renseigner sur ce sujet et voir s'il est possible d'uniformiser la réponse des Caf sur le territoire.

Christiane Demontès . - Il y a quelques années, notre commission avait établi un rapport d'information sur la mise en place, dans la branche famille, du fichier unique. Ce fichier a-t-il permis de réduire les indus et de mieux détecter les doublons ? Près de deux ans après sa mise en place, quel bilan en tirez-vous ?

Hervé Drouet . - Ce bilan est très largement positif. La mission d'information du Sénat nous avait été très utile, dans le contexte de la certification des comptes de la branche par la Cour des comptes, pour faciliter la mise en place du répertoire national des bénéficiaires. L'identité des allocataires y est inscrite sur la base de leur Nir (numéro d'inscription au répertoire), plus communément appelé numéro de sécurité sociale, dont l'authenticité est certifiée par l'Insee et le gestionnaire de l'ensemble des Nir, c'est-à-dire la branche vieillesse. Cela a constitué un progrès majeur en nous permettant d'identifier et d'éliminer les doublons, accidentels ou frauduleux, et les multi-affiliations, désormais repérées ex ante et non plus ex post. Le fichier fonctionne à plein régime depuis un an et demi. Nous sommes actuellement en train de certifier les allocataires pour lesquels des problèmes d'identification continuaient à se poser. Ils ne sont plus que 30 000 alors qu'il y en avait encore près de 500 000 à l'époque du rapport que vous évoquiez.


* 1 Il convient de noter que la deuxième loi de finances rectificative pour 2011 a porté le taux de cette taxe à 7 %, mais que cette recette complémentaire a été affectée à la branche maladie, la branche famille conservant le bénéfice des 3,5 % acquis dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

* 2 Le financement de l'APL est assuré, via le fonds national d'aide au logement (Fnal), par une contribution de la branche famille et de l'Etat.

* 3 Depuis le 1 er janvier 2010, dans le but d'améliorer la lisibilité des comptes de la sécurité sociale, l'allocation aux adultes handicapés (AAH), servie par la Cnaf pour le compte de l'Etat, n'apparaît plus au compte de résultat de la caisse.

* 4 L'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), créée en 1972, est attribuée aux pères et aux mères d'au moins un enfant en bas âge ou de trois enfants et plus qui bénéficient de certaines prestations familiales éventuellement accordées sous condition de ressources. L'ouverture du droit à l'AVPF entraîne le versement de cotisations forfaitaires à l'assurance vieillesse du régime au titre des mois au cours desquels le parent bénéficie des prestations familiales. Ce dispositif est analogue au processus qui conduit un employeur à verser un salaire à un assuré, ce salaire constituant, au moment de la retraite, un des éléments de calcul de la pension dont bénéficiera le salarié. Il correspond à une prestation vieillesse indirecte. Comparativement aux prestations familiales existantes par ailleurs, l'effet de l'AVPF est décalé dans le temps par rapport au fait générateur. Sur le plan financier, le schéma est le suivant :

CNAF

CNAV

Au cours de la carrière

- Versement de prestations familiales à l'assuré

- Enregistrement de salaires forfaitaires AVPF et de trimestres sur le compte individuel

- Versement de cotisations AVPF à la Cnav

- Encaissement de cotisations AVPF versées par la Cnaf

A la retraite

- Calcul de la pension en intégrant les salaires AVPF et trimestres d'assurance validés

* 5 Les CLCA et CMG ne sont pas pour autant universels, puisqu'ils sont soumis à des conditions d'ouverture relatives à la durée de travail antérieure à la naissance de l'enfant (CLCA) ou à la perception de revenus (CMG).

* 6 Dans une famille avec deux enfants, les allocations familiales versées s'élèvent à 125,7 euros. Dans une famille de trois enfants, le montant est porté à 286,94 euros. Il atteint 448,10 euros dans une famille de quatre enfants. Chaque enfant supplémentaire donne lieu au versement d'une allocation de 161,17 euros.

* 7 Les ressources de la Cnaf devraient pour cela être abondées de 350 millions d'euros en 2013, cet apport supplémentaire augmentant ensuite régulièrement jusqu'en 2025.

* 8 Le taux de fécondité est défini par le rapport du nombre de naissances vivantes de l'année à la population féminine d'âge fécond (15-50 ans) moyenne de l'année. Des taux spécifiques sont définis par tranche d'âge. L'indicateur conjoncturel de fécondité est davantage indiqué pour les comparaisons internationales car il ne dépend pas de la structure par âge des populations : il représente le nombre moyen d'enfants que mettrait au monde une femme si elle connaissait durant toute sa vie féconde les conditions de fécondité observées cette année là. Il est calculé en additionnant les taux de fécondité par âge observés une année donnée.

* 9 La capacité d'accueil théorique correspond au nombre de places disponibles pour les enfants de moins de trois ans en accueil collectif, en classes pré-élémentaires, auprès d'assistants maternels et auprès de salariés à domicile. Elle ne tient donc pas compte de l'usage réel de ces places puisqu'une place peut exister mais ne pas être utilisée.

* 10 Bien que la réalité conduise plutôt à parler d'« assistantes maternelles », la profession étant exercée à 97 % par des femmes, le terme générique est « assistants maternels » (cf. articles L. 421-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles).

* 11 Voir notamment le rapport sur le développement de l'offre d'accueil de la petite enfance établi par la députée Michèle Tabarot et remis au Premier ministre en juillet 2008.

* 12 Cf. infra page 53.

* 13 Deux dans le département de l'Allier, trois dans le département du Calvados, une dans la Creuse, deux dans l'Eure, une dans le Loir-et-Cher, trois dans le Loiret, cinq en Mayenne, une dans l'Oise, une dans les Pyrénées-Atlantiques, une dans le Bas-Rhin, deux dans le Rhône, sept en Seine-Maritime, une dans les Yvelines, deux dans les Deux-Sèvres, deux en Haute-Vienne, une dans l'Yonne, trois dans les Hauts-de-Seine, une à la Réunion, six dans les Alpes-Maritimes, une dans le Finistère, trois en Gironde, six en Haute-Garonne, vingt-quatre en Loire-Atlantique, cinq dans la Manche, vingt et une dans le Maine-et-Loire, une dans le Nord.

* 14 Cf. infra page 53.

* 15 Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, « L'offre d'accueil des enfants de moins de trois ans en 2009 », Etudes et résultats n° 763, juin 2011.

* 16 Les crèches (pour les enfants de moins de trois ans) et les jardins d'enfants (pour les enfants de deux à six ans) offrent des places d'accueil régulier. Les haltes-garderies, destinées aux enfants de moins de six ans, proposent des places d'accueil occasionnel. Les établissements multi-accueil offrent, au sein d'une même structure, un accueil régulier ou occasionnel, collectif ou familial.

* 17 Formule d'accueil intermédiaire entre la crèche et l'accueil par l'assistant maternel indépendant, la crèche familiale propose un service d'accueil familial dispensé par des assistants maternels agréés par le conseil général. Les assistants maternels accueillent, à leur domicile, de un à trois enfants simultanément. Les enfants bénéficient en outre d'activités collectives dispensées par un(e) éducateur(rice) de jeunes enfants, dans les locaux de la crèche familiale.

* 18 HCF, « Point sur l'évolution de l'accueil des enfants de moins de trois ans », janvier 2011.

* 19 Le Président de la République s'était notamment engagé à verser les allocations familiales dès le premier enfant.

* 20 D'après les statistiques de gestion de la Paje, les foyers monoparentaux ne représentent que 6 % des bénéficiaires du CMG pour un assistant maternel.

* 21 Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, « Le congé de maternité », Etudes et résultats n° 531, octobre 2006.

* 22 Même étude de la Drees : 84 % des mères déclarent que le congé de maternité devrait durer plus longtemps.

* 23 Rapport Sénat n° 439 (2008-2009) d'Annie David, au nom de la commission des affaires sociales.

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