N° 201

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 11 décembre 2012

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE , visant à la suspension de la fabrication , de l' importation , de l' exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A ,

Par Mme Patricia SCHILLINGER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Yves Daudigny , rapporteur général ; M. Jacky Le Menn, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Alain Milon, Mme Isabelle Debré, MM. Jean-Louis Lorrain, Jean-Marie Vanlerenberghe, Gilbert Barbier , vice-présidents ; Mmes Claire-Lise Campion, Aline Archimbaud, Catherine Deroche, M. Marc Laménie, Mme Chantal Jouanno , secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Paul Amoudry, Mmes Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, M. Jean-Noël Cardoux, Mme Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mmes Muguette Dini, Odette Duriez, Anne Emery-Dumas, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Mme Samia Ghali, M. Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, M. Louis Pinton, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. René Teulade, François Vendasi, Michel Vergoz, Dominique Watrin .

Voir le(s) numéro(s) :

Première lecture : 3584 , 3773 et T.A. 747

Deuxième lecture : 250 , 434 et T.A. 50

Première lecture : 27 (2011-2012), 8 , 9 et T.A. 1 (2012-2013)

Deuxième lecture : 171 et 202 (2012-2013)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

En juin 2010, le Parlement français décidait, à l'initiative du Sénat, de suspendre la commercialisation des biberons produits à base de bisphénol A. Cette mesure, alors débattue voire décriée, a été reprise par la Commission européenne seulement quelques mois plus tard, si bien qu'elle est effective, depuis mars 2011, dans toute l'Union européenne.

En octobre 2011, l'Assemblée nationale adoptait, en première lecture, une proposition de loi visant à étendre cette disposition à l'ensemble des conditionnements à usage alimentaire et comportant du bisphénol A. Ce texte a poursuivi son processus d'examen par le Parlement : il a été adopté par le Sénat le 9 octobre 2012, puis en deuxième lecture par l'Assemblée nationale le 28 novembre ; il est maintenant inscrit à l'ordre du jour du Sénat, en deuxième lecture, dans le cadre d'une séance réservée au groupe socialiste.

Votre rapporteure, qui regrettait le temps écoulé entre l'adoption du texte en première lecture à l'Assemblée nationale et son inscription au Sénat, se félicite du calendrier aujourd'hui retenu qui permet d'entrevoir une adoption définitive dans un délai rapproché.

En effet, il y a urgence à agir pour protéger la population. Depuis 2010, l'étude de la toxicité du BPA a été approfondie et les différentes évaluations définissent une grille susceptible d'éclairer les choix politiques . Ainsi, les analyses publiées par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) fournissent aujourd'hui quatre conclusions :

- la toxicité du BPA est avérée chez l'animal, elle est suspectée chez l'être humain ;

- l'alimentation en constitue la source principale d'exposition ;

- le BPA ne répond pas à l'approche toxicologique classique et peut notamment produire des effets à faibles doses, avec des mécanismes encore mal élucidés ;

- la période de la grossesse et du début de la vie est critique et constitue une zone de vulnérabilité nettement identifiée.

La proposition de loi apporte une réponse progressive, à la fois ambitieuse et réaliste , à ce constat scientifique.

1. La fin programmée de l'utilisation du bisphénol A dans les conditionnements alimentaires

Le texte prévoit la suspension de la fabrication, de l'importation, de l'exportation et de la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de tout conditionnement, contenant ou ustensile à usage alimentaire comportant du bisphénol A, jusqu'à ce que le Gouvernement, après avis de l'Anses, autorise la reprise de ces opérations.

- A quelle date ?

La proposition de loi distingue les conditionnements destinés aux nourrissons et enfants de moins de trois ans et les autres produits.

Il était prévu que les premiers soient suspendus à compter du 1 er janvier 2013, afin de prendre en compte la fragilité particulière de cette tranche d'âge en ce qui concerne l'exposition au BPA. Votre rapporteure se félicite qu'un certain consensus existe sur cette mesure stricte, conservée par l'Assemblée nationale et même améliorée puisqu'elle en a fixé la date d'entrée en vigueur au premier jour du mois qui suit la promulgation de la loi. Cette formulation est pertinente au regard des délais d'examen parlementaire qui ne permettront peut-être pas d'aboutir avant le 1 er janvier.

En ce qui concerne les autres conditionnements, de longs débats ont eu lieu au Sénat : votre rapporteure et votre commission défendaient le maintien d'un délai de deux années entre l'adoption de la loi et l'entrée en vigueur de la suspension, c'est-à-dire jusqu'au 1 er janvier 2015 ; d'autres sénateurs proposaient des dates plus éloignées. Finalement, le Sénat a retenu la date du 1 er juillet 2015 , censée permettre aux industriels de disposer de plus de temps pour organiser la transition.

L'Assemblée nationale a judicieusement approuvé la date du 1 er janvier 2015, que votre rapporteure vous propose à nouveau de soutenir .

Les industriels ont entamé, depuis plusieurs années, les recherches nécessaires au développement et à la mise en place de produits de substitution au bisphénol A. Il est vrai que le processus est malaisé car ce produit a des propriétés universelles, c'est-à-dire qu'il convient au contact de tout type d'aliments, quelles que soient leur acidité ou leurs caractéristiques organiques. Si elle admet volontiers que la suppression programmée du BPA nécessite d'adapter le process industriel, votre rapporteure estime que la protection de la santé publique doit primer.

- Ce délai de deux années permet d'autant mieux de préparer la disparition du BPA dans les usages alimentaires que l'Assemblée nationale a adopté deux mesures complémentaires :

- le champ des conditionnements concernés est limité à ceux entrant en contact direct avec des denrées alimentaires . Cette restriction permet toujours de répondre à la problématique principale de la migration du BPA dans les aliments tout en facilitant la transition dans certaines situations (emballages externes ou certains aliments pour lesquels la substitution est difficile, notamment les produits acides) ;

- le Gouvernement remettra au Parlement, avant le 1 er juillet 2014, un rapport évaluant les substituts possibles au BPA pour ses applications industrielles au regard de leur éventuelle nocivité.

Au total, l'Assemblée nationale a approuvé un mécanisme équilibré , applicable à compter du 1 er janvier 2015 aux conditionnements destinés à entrer en contact direct avec les aliments et avec un point d'étape qui sera fait plus de six mois avant l'entrée en vigueur de la mesure.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a conservé l'habilitation, insérée par le Sénat à l'initiative de votre rapporteure, visant à permettre aux agents publics, notamment de la répression des fraudes, de contrôler les dispositions de la présente proposition de loi.

- L'Assemblée nationale a également conservé, tout en en améliorant la rédaction, l'avertissement sanitaire tendant à déconseiller aux femmes enceintes ou allaitantes et aux enfants de moins de trois ans les conditionnements alimentaires comportant du bisphénol A.

2. L'enrichissement du texte par diverses mesures relatives aux dispositifs médicaux et à d'autres produits destinés aux nourrissons

Au travers de divers amendements adoptés au Sénat et à l'Assemblée nationale, la proposition de loi vise également à compléter les dispositions existantes pour interdire certaines substances dans des produits destinés aux nourrissons ou enfants en bas âge .

- A l'initiative de Chantal Jouanno, le Sénat a transposé le mécanisme applicable aux conditionnements alimentaires comportant du BPA aux dispositifs médicaux destinés aux femmes enceintes ou allaitantes ou aux nourrissons ou enfants jusqu'à trois ans : leur fabrication, importation, exportation et mise sur le marché seraient suspendues, à compter du 1 er juillet 2015, s'ils comportent soit une substance cancérogène, mutagène ou reprotoxique, soit un perturbateur endocrinien.

L'Assemblée nationale a supprimé cet ajout du Sénat car le champ d'application de la mesure est très large et susceptible d'englober certains dispositifs indispensables au traitement ou à la prise en charge d'un patient et sans produit de substitution connu. Cette difficulté est d'autant plus forte que le nombre de substances concernées (environ 400) est très élevé .

Comme elle l'avait indiqué en première lecture, votre rapporteure souhaite que le Gouvernement travaille concrètement sur cette question, notamment dans le prolongement des travaux de la récente mission commune d'information du Sénat sur les dispositifs médicaux implantables et les interventions à visée esthétique 1 ( * ) . D'ailleurs, le rapport inscrit à l'article 4 de la présente proposition de loi permettra de disposer d'informations sur la présence des perturbateurs endocriniens dans les dispositifs médicaux.

Elle rappelle en effet que l'autorisation d'un médicament ou d'un dispositif médical doit nécessairement répondre à la question du rapport entre le bénéfice qu'il apporte au patient et le risque qu'il lui fait encourir . Autant il est possible de se passer d'un jouet ou d'un conditionnement alimentaire, autant un traitement médical présente toujours des risques qu'il est nécessaire d'évaluer pour estimer s'ils sont inférieurs aux bénéfices attendus pour la vie du patient .

En visant à la fois l'ensemble des dispositifs médicaux destinés aux femmes enceintes et aux enfants et un nombre de substances aussi important, on risque, même en se donnant du temps, de se priver d'un produit indispensable, ce qui pourrait avoir des conséquences dramatiques.

- A l'initiative de Gilbert Barbier, le Sénat a adopté un amendement tendant à interdire, à compter du 1 er juillet 2015, dans les services de pédiatrie, de néonatologie et de maternité, l'utilisation de matériaux de nutrition parentérale, tubulures et contenants comportant l'un des trois phtalates suivants : le DEHP, le DBP ou le BBP.

L'Assemblée nationale a conservé le principe de cet amendement tout en y apportant des modifications : seules les tubulures comportant du DEHP seront concernées par cette interdiction . Comme pour l'amendement présenté par Chantal Jouanno, la formulation « contenants » englobait un champ de dispositifs large, dont certains ne connaissent pas aujourd'hui de produits de substitution au DEHP (par exemple, les poches de sang qui doivent répondre à des propriétés essentielles à la fois en termes de souplesse et de solidité). En outre, l'interdiction des tubulures permettra de recouper largement le champ des matériaux de nutrition.

- A l'initiative de son rapporteur, l'Assemblée nationale a interdit, sans délai, les collerettes de tétines et de sucettes et les anneaux de dentition comportant du bisphénol A. Les industriels semblent avoir anticipé cette décision, en développant des solutions alternatives.

- A l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a procédé à une régularisation juridique. Le Gouvernement a en effet estimé que la loi de 2010 suspendant la commercialisation des biberons en bisphénol A ne couvrait pas les biberons utilisés dans les établissements de santé car ils seraient considérés comme des dispositifs médicaux. L'Assemblée nationale a donc interdit explicitement cette utilisation de biberons comportant du BPA.

3. La remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur les perturbateurs endocriniens

A l'initiative du groupe écologiste, le Sénat a prévu que le Gouvernement présente au Parlement, dans un délai d'un an après la promulgation de la loi, un rapport relatif aux perturbateurs endocriniens. Il devrait préciser les conséquences en termes sanitaire et environnemental de la présence croissante de ces substances dans l'alimentation , l'environnement direct , les dispositifs médicaux et les organismes. Il devrait en outre évaluer le coût pour la société de ces conséquences et préciser les mesures législatives et réglementaires à prendre pour protéger la population et les générations futures.

L'Assemblée nationale a apporté des modifications d'ordre rédactionnel et a, en outre, remplacé la dernière phrase de l'article par une demande d' étude relative à la possibilité d'interdire l'usage des trois phtalates (DEHP, DBP et BBP) cités dans l'amendement adopté au Sénat à l'initiative de Gilbert Barbier, dans l'ensemble des dispositifs médicaux au regard des matériaux de substitution disponibles et de leur innocuité.

*

* *

Réunie le mardi 11 décembre 2012, sous la présidence de Mme Annie David, présidente, la commission a adopté, à l'unanimité, la proposition de loi transmise par l'Assemblée nationale sans modification.


* 1 Rapport d'information de M. Bernard Cazeau, n° 653 (2011-2012) - 10 juillet 2012 : « Santé, beauté, une priorité : la sécurité ».

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