N° 300

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 janvier 2013

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et l' Institut international des ressources phytogénétiques ( IPGRI ) relatif à l' établissement d'un bureau de l'IPGRI en France et à ses privilèges et immunités sur le territoire français,

Par Mme Michelle DEMESSINE,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Louis Carrère , président ; MM. Christian Cambon, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Mme Josette Durrieu, MM. Jacques Gautier, Robert Hue, Jean-Claude Peyronnet, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Daniel Reiner , vice-présidents ; Mmes Leila Aïchi, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Gilbert Roger, André Trillard , secrétaires ; M. Pierre André, Mme Kalliopi Ango Ela, MM. Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Pierre Bernard-Reymond, Jacques Berthou, Jean Besson, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Luc Carvounas, Pierre Charon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Jean-Pierre Demerliat, Mme Michelle Demessine, MM. André Dulait, Hubert Falco, Jean-Paul Fournier, Pierre Frogier, Jacques Gillot, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Gournac, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Gérard Larcher, Robert Laufoaulu, Jeanny Lorgeoux, Rachel Mazuir, Christian Namy, Alain Néri, Jean-Marc Pastor, Philippe Paul, Bernard Piras, Christian Poncelet, Roland Povinelli, Jean-Pierre Raffarin, Jean-Claude Requier, Richard Tuheiava, André Vallini, Paul Vergès .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

582 (2011-2012) et 301 (2012-2013)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi soumis à l'examen de votre commission vise à ratifier un « Accord de siège » établi par échange de lettres avec un organisme de recherche international implanté près de Montpellier (à Montferrier-sur-Lez), l'Institut international des ressources phylogénétiques, ou IPGRI.

Cet accord prévoit de lui octroyer les privilèges et immunités classiquement accordés à une organisation internationale : inviolabilité des locaux et de la correspondance, immunité de juridiction et d'exécution. Des exonérations d'impôts directs sont en outre prévues.

L'institut international des ressources phytogénétiques est une organisation internationale de recherche dont le siège est basé à Rome et qui a pour mandat de travailler à la conservation et à l'utilisation de la diversité génétique des plantes . L'un des ses programmes, portant sur la banane plantain, est déployé depuis le bureau de l'IPGRI à Montpellier et correspond aux activités du réseau scientifique sur la banane et le plantain, appelé INIBAP ( International Network for Information on Banana and Plantain ) à qui la France avait accordé un accord de siège le 19 octobre 1992, lors de son installation à Montpellier.

Le présent accord reprend les éléments constitutifs de ce précédent accord et régularise la situation du bureau de l'IPGRI à Montpellier depuis son absorption de l'INIBAP en décembre 2006.

Au-delà, cet accord intervient dans le cadre de l'implantation du réseau mondial de recherche agronomique CGIAR , partenariat mondial de recherche agricole « pour un futur sans faim » , à Montpellier, sur le site « Montpellier Agripolis », qui conforte la place éminente de la cité montpelliéraine et de la France dans ce thème crucial pour la sécurité alimentaire et la gouvernance des biens publics mondiaux.

I. L'INSTITUT INTERNATIONAL DES RESSOURCES PHYTOGÉNÉTIQUES (IPGRI) : UNE ORGANISATION INTERNATIONALE AU SERVICE DE LA BIODIVERSITÉ

A. LA RECHERCHE AGRONOMIQUE POUR LE DÉVELOPPEMENT, UNE RÉPONSE AU DÉFI DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

1. La recherche agronomique, une réponse au défi alimentaire

Les perspectives démographiques de l'ONU sur lesquelles sont fondées la quasi-totalité des exercices de prospective de l'alimentation retiennent une population de 9 milliards d'individus à l'horizon de 2050 .

Ceci correspond à une augmentation de 50 % de la population mondiale entre 2000 et 2050.

La sécurité alimentaire est, d'ailleurs, pour la première fois, devenue, en 2011, une priorité du G20, conduisant à plusieurs décisions dont la mise en place du « forum de réaction rapide » pour lutter contre les variations excessives de prix des matières premières. Créé dans le cadre d'un Plan d'action du G20 sur la volatilité des prix alimentaires et sur l'agriculture, celui-ci est censé "constituer un lieu de discussion et de concertation sur la prévention et la réponse aux crises de marché" .

Conséquence de la flambée des prix des denrées agricoles entre 2008 et 2010, le renchérissement des prix, associé aux différents chocs climatiques, est à l'origine des crises alimentaires sur le continent africain et de la crise humanitaire dans la Corne de l'Afrique . Du jour au lendemain, les questions concernant les rapports entre agriculture, alimentation, développement et environnement, se sont retrouvées au coeur du débat international.

La Food and Agriculture Organisation (FAO) vient de dresser l'état de l'insécurité alimentaire dans le monde en 2009, le 14 octobre dernier : le nombre de personnes souffrant de la faim progressait depuis une dizaine d'années. En 2009, 1,02 milliard de personnes sont sous-alimentées : 1 être humain sur 6 : dont 642 millions en Asie-Pacifique et 265 millions en Afrique subsaharienne. La FAO alerte sur le fait que la réduction de ce nombre à moins de 420 millions d'ici 2015, objectif majeur du Sommet mondial de l'alimentation, ne pourra être réalisée si la tendance actuelle se poursuit. Elle préconise notamment un réinvestissement massif du secteur agricole et, pour pallier les besoins des plus vulnérables à court terme, la mise en place de filets de sécurité.

Votre rapporteur estime qu'il faut diriger ces investissements vers ceux qui en ont besoin : les petits producteurs, les secteurs de l'agriculture familiale et vivrière. Aujourd'hui, 60 % des personnes qui ont faim dans le monde sont des petits producteurs : ce sont eux qu'il faut aider.

La recherche agronomique est susceptible d'apporter une réponse opérationnelle aux trois grands défis globaux liés à la sécurité alimentaire .

Le défi de la production : il s'agit de permettre à chaque exploitant de vivre décemment de son travail et, plus globalement, de nourrir la planète face au défi démographique. Prenons le cas de l'Afrique. Aujourd'hui les rendements céréaliers sur le continent stagnent à 13 quintaux par hectare. Pourtant l'Afrique possède un immense réservoir de terres cultivables, un potentiel qui n'a rien à envier à celui du Brésil. Ces atouts doivent être valorisés.

Mais l'augmentation de la productivité devra se faire en préservant l'environnement, la santé des populations et des écosystèmes. Le second défi, c'est la gestion durable des ressources naturelles et des biens publics mondiaux , c'est le développement d'une agriculture écologiquement intensive. On peut ainsi penser à l'agroforesterie, à la lutte biologique contre les insectes ou à la sélection participative du sorgho en Afrique ou à l'amélioration du matériel génétique en riziculture.

L'évolution du climat risque de changer radicalement la donne dans le secteur agricole. La Banque mondiale estime par exemple que les zones semi-arides, où vit un tiers de la population africaine, risquent d'enregistrer une baisse de 26 % de leur productivité d'ici 2060. Comme le propose la FAO avec l'« observatoire sur les agricultures du Monde », il faut évaluer la performance des agricultures pour trouver des solutions pour répondre aux enjeux climatiques et environnementaux ainsi qu'aux questions socioéconomiques qui y sont associées.

De « petites » innovations en matière agricole peuvent ainsi avoir un large effet pour plusieurs millions de personnes.

EXEMPLES D'INNOVATIONS AYANT EU DES EFFETS SIGNIFICATIFSSUR DES RÉGIONS ENTIÈRES ET SUR LE QUOTIDIEN DES PRODUCTEURS, COMME SUR LES ÉCO-SYSTÈMES

- La sélection participative de variétés de sorgho, menée avec les chercheurs de l'IER (Mali) et l'Inera (Burkina Faso) et la participation active de nombreux producteurs dans la définition des critères et le processus de sélection a permis la mise au point de nouvelles variétés performantes qui a augmenté le revenus des producteurs.

Deux innovations de la recherche (introduction de matériels sensibles à la photopériode et évaluation systématique des ressources génétiques locales) ont permis des gains importants dans les performances, dans ces régions qui connaissent des risques climatiques importants. Leur appropriation par les producteurs, naturelle et rapide, fit que ceux-ci purent également prendre la responsabilité de la production semencière.

- 80 millions d'habitants vivent dans les forêts du bassin du Congo (200 millions d'ha sur 6 pays). La compréhension du fonctionnement de ces forêts tropicales et la mise au point par la recherche d'une sylviculture durable a permis de gérer ces espaces et de préserver la capacité des populations de vivre sur ces écosystèmes.

Sur les 40 millions d'ha de forêts aujourd'hui exploitées par des entreprises forestières, 30 millions le sont sur des bases établies par la recherche forestière.

- Des projets de coopération scientifique triangulaire ont été mis en place entre France, Brésil et pays africains avec un certain succès. Ils ont été l'occasion de montages originaux sur différentes questions : les systèmes de cultures à base de semis direct et plantes de couvertures (Mozambique, Zimbabwe, Madagascar), les itinéraires de techniques piscicoles (Cameroun), la durabilité des plantations d'eucalyptus (Congo), l'épidémiologie des ennemis des agrumes.

Ces coopérations triangulaires se sont accompagnées de formations scientifiques et/ou techniques et, parfois, d'un transfert de technologie (par exemple semoir de semis direct mis au point au Brésil).

Source : 1ère Conférence du G20 sur la recherche agricole pour le développement - 12 et 13 septembre 2011 - Montpellier, France

N'oublions pas que près d'un milliard de personnes souffre de la faim ; deux tiers d'entre eux sont des agriculteurs. Les pressions insoutenables exercées sur les ressources limitées de notre planète et les modes de vie des pays riches menacent l'avenir de tous et ont des conséquences dramatiques pour les populations les plus pauvres.

Au-delà, il faut observer que 80 % de la recherche s'est concentrée sur un petit nombre d'espèces, comme le blé, le riz, le maïs, la pomme de terre.

Or nous savons désormais que c'est en préservant et en accroissant le spectre des espèces et des variétés que l'on pourra le mieux atteindre les objectifs de long terme que sont la durabilité des cultures, la stabilité et la résilience des systèmes de production, et éradiquer la malnutrition qui résulte bien souvent d'un régime alimentaire trop simplifié.

Tous ces objectifs ont récemment été rappelés par la conférence de Rio + 20.

Page mise à jour le

Partager cette page