Rapport n° 544 (2012-2013) de M. Alain RICHARD , fait au nom de la commission des lois, déposé le 24 avril 2013

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N° 544

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 avril 2013

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi tendant à assurer une représentation juste et équilibrée des territoires au sein des conseils régionaux ,

Par M. Alain RICHARD,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Sueur , président ; MM. Jean-Pierre Michel, Patrice Gélard, Mme Catherine Tasca, M. Bernard Saugey, Mme Esther Benbassa, MM. François Pillet, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Nicolas Alfonsi, Mlle Sophie Joissains , vice-présidents ; Mme Nicole Bonnefoy, MM. Christian Cointat, Christophe-André Frassa, Mme Virginie Klès , secrétaires ; MM. Alain Anziani, Philippe Bas, Christophe Béchu, François-Noël Buffet, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Mme Cécile Cukierman, MM. Michel Delebarre, Félix Desplan, Christian Favier, Louis-Constant Fleming, René Garrec, Gaëtan Gorce, Mme Jacqueline Gourault, MM. Jean-Jacques Hyest, Philippe Kaltenbach, Jean-René Lecerf, Jean-Yves Leconte, Antoine Lefèvre, Mme Hélène Lipietz, MM. Roger Madec, Jean Louis Masson, Michel Mercier, Jacques Mézard, Thani Mohamed Soilihi, Hugues Portelli, André Reichardt, Alain Richard, Simon Sutour, Mme Catherine Troendle, MM. René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

386 et 545 (2012-2013)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 24 avril 2013 sous la présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président, la commission a examiné, sur le rapport de M. Alain Richard, la proposition de loi (n° 386, 2012-2013) présentée par M. Alain Bertrand et des membres du groupe Rassemblement démocratique et social européen, tendant à assurer une représentation juste et équilibrée des territoires au sein des conseils généraux.

Après avoir rappelé l'objectif de la proposition de loi de reconnaître une représentation minimale de chaque département au sein des conseils régionaux, le rapporteur a indiqué que seul le département de la Lozère souffrait d'une représentation a minima .

Estimant que le dispositif proposé, reposant sur une départementalisation des listes régionales, pouvait conduire à des risques d'instabilité politique et remettre en cause l'identité de la région en tant que collectivité territoriale, la commission a adopté, à l'unanimité, les sept amendements présentés par le rapporteur , tendant à :

- préciser que l'effectif des conseils régionaux, prévu par le tableau n° 7 annexé au code électoral, peut être modifié à l'issue de chaque renouvellement afin d'assurer la représentation minimale de chaque section départementale ( article 1 er A ) ;

- introduire le principe selon lequel chaque section départementale d'une région compterait au moins trois conseillers régionaux ( article 1 er ) ;

- prévoir les dispositions applicables lorsqu'une section départementale disposerait de moins de trois conseillers régionaux ( article 1 er bis ) ;

- supprimer les articles 2 à 6 , par coordination avec les amendements précédents.

La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est appelé à examiner la proposition de loi déposée par notre collègue M. Alain Bertrand et les membres du groupe Rassemblement Démocratique et Social européen, tendant à assurer une représentation juste et équilibrée des territoires au sein des conseils régionaux.

Le cadre dans lequel le scrutin régional doit être organisé suscite depuis plusieurs années de nombreuses interrogations. Le législateur a toujours cherché à concilier la reconnaissance du « fait régional », la nécessaire représentation de l'ensemble des départements d'une même région et la proximité des conseillers régionaux avec leurs électeurs. Cette difficile conciliation a inspiré trois modes de scrutin en moins de vingt ans, l'un d'entre eux ayant d'ailleurs été abandonné avant même son application.

Les récents débats sur le projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral ont relancé la réflexion sur une éventuelle amélioration du mode de scrutin régional, qui date de la loi du 11 avril 2003 relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques. En effet, notre collègue M. Alain Bertrand, auteur de la présente proposition de loi, a déposé un amendement lors de la seconde lecture au Sénat, qui a reçu un avis défavorable de votre commission et du Gouvernement mais un avis favorable, à titre personnel, du rapporteur, M. Michel Delebarre. Cet amendement a cependant été adopté (article 20 decies dudit projet de loi). L'Assemblée nationale a supprimé cet article en deuxième lecture, estimant que la modification du mode de scrutin des élections régionales n'était pas à l'ordre du jour et qu'elle excédait, de son point de vue, l'objet du projet de loi.

La perspective des élections régionales de 2015, initialement prévues en 2014, relance le débat de la juste représentativité des départements, notamment les plus ruraux, au sein des conseils régionaux. Tel est l'objet de la présente proposition de loi soumise à votre commission.

I. LES NOMBREUSES RÉFORMES DU MODE DE SCRUTIN RÉGIONAL

Le rôle reconnu à la région, consacrée depuis 1982 comme collectivité territoriale, a imposé l'adoption d'un mode de scrutin qui permette à la fois l'émergence de majorités politiques de gestion et une juste représentation des citoyens et des territoires au sein des conseils régionaux.

A. LE MODE DE SCRUTIN DE 1985 : LA DIFFICULTÉ DE DISPOSER DE MAJORITÉS DE GESTION STABLES

1. L'instauration d'un mode de scrutin complexe...

La loi n° 85-692 du 10 juillet 1985 modifiant le code électoral et relative à l'élection des conseillers régionaux a posé les grands principes régissant l'élection des conseillers régionaux, aujourd'hui toujours applicables.

Cette loi a instauré l'élection des conseillers régionaux au suffrage universel direct, au scrutin de liste à un seul tour, à la représentation proportionnelle intégrale suivant la règle de la plus forte moyenne , sans panachage ni vote préférentiel, pour un mandat de six ans. L'élection avait lieu dans le cadre départemental , les sièges étant répartis en fonction du poids démographique des départements conformément au tableau annexé au code électoral.

Un correctif important avait cependant été introduit : le seuil de représentation en-deçà duquel les listes ne pouvaient prétendre à la répartition des sièges. En effet, seules les listes ayant obtenu un nombre de voix au moins égal à 5 % des suffrages exprimés pouvaient participer à la distribution des sièges qui s'opérait en deux temps :

- dans un premier temps, chaque liste se voyait attribuer un nombre de sièges correspondant au résultat de la division du nombre de voix obtenues par le quotient électoral 1 ( * ) ;

- dans un deuxième temps, les sièges non pourvus étaient ensuite répartis en fonction d'une « moyenne » établie pour chaque liste. Cette moyenne était égale au nombre de voix obtenues par chacune d'elle divisé par le nombre de sièges qu'elle aurait obtenu si on lui avait attribué un siège supplémentaire fictif. La liste ayant la plus forte moyenne se voyait alors attribuer le premier siège supplémentaire, les sièges restant à pourvoir après cette première attribution étant répartis un à un suivant le même procédé jusqu'à épuisement du nombre total de sièges.

Pour l'attribution du dernier siège, si plusieurs listes avaient la même moyenne, ce siège était attribué à la liste ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité, le candidat le plus âgé était proclamé élu.

2. ... à l'origine de nombreuses difficultés

Si ce mode de scrutin permettait une large représentation des différents courants politiques au sein du conseil régional, il engendrait néanmoins, dans le même temps, plusieurs inconvénients qui ont conduit à la réforme de 1999, après son application aux trois premiers scrutins régionaux (1986, 1992 et 1998).

a) L'absence de majorité politique stable

Comme l'avait relevé votre commission des lois en 1996 2 ( * ) , le mode de scrutin en vigueur ne favorisait pas l'émergence de majorité politique de gestion, soudées et stables. En 1992, seules quatre régions bénéficiaient d'une majorité homogène. « Les autres conseils régionaux ont été contraints de rechercher des majorités à partir d'accords avec un ou plusieurs groupes charnières très minoritaires, ces derniers jouant ainsi un rôle d'arbitre et exerçant une fonction-clé sans rapport avec leur représentativité réelle. »

À l'issue des élections régionales de 1998, trois conseils régionaux disposaient d'une majorité absolue (Basse-Normandie, Limousin et Pays-de-la-Loire). Bien que l'absence de celle-ci n'ait pas toujours empêché les conseils régionaux de fonctionner 3 ( * ) , les difficultés rencontrées dès 1997 par plusieurs d'entre eux s'étant accentuées, un fort consensus s'était dégagé pour réformer le mode de scrutin des élections régionales et mettre en place un mécanisme permettant l'adoption du budget régional, malgré l'absence de majorités politiques stables. Ainsi fut mis en place le dispositif dit du « 49-3 » régional.

Le « 49-3 » régional

Instauré par l'article 3 de la loi n° 98-135 du 7 mars 1998 relative au fonctionnement des conseils régionaux 4 ( * ) , le mécanisme qualifié de « 49-3 » régional est une procédure ayant pour objet de doter l'exécutif régional des moyens de surmonter les blocages pouvant résulter de l'absence d'une majorité politique stable au sein du conseil régional, lors de l'adoption du budget.

Si le budget n'était pas adopté au 20 mars de l'exercice auquel il s'appliquait ou au 30 avril de l'année de renouvellement des conseils régionaux, le président du conseil régional présentait, dans un délai de dix jours à compter de cette date ou du vote de rejet du budget, si celui-ci était antérieur à cette date, un nouveau projet lequel devait être approuvé par le bureau.

Ce nouveau projet de budget était considéré comme adopté, sauf si une motion dite de « renvoi » était présentée et votée par la majorité absolue des membres du conseil régional, la liste des signataires devant figurer sur la motion. Cette motion de renvoi devait comporter un projet de budget alternatif présentée par la majorité absolue des membres du conseil dans un délai de cinq jours suivant la communication du nouveau projet par le président du conseil régional et devait être adoptée par la même majorité. Le vote sur la motion ne pouvait avoir lieu avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures à compter de l'avis du conseil économique et social régional, qui devait lui-même se prononcer dans un délai de sept jours à compter de sa saisine. Si la motion était adoptée, le projet de budget qui lui était annexé était alors considéré comme adopté.

L'institution de ce mécanisme d'adoption automatique du budget ne conduisait pas à la mise en jeu de la responsabilité du président du conseil régional. En d'autres termes, l'adoption d'une telle motion n'entraînait pas le remplacement du président du conseil régional.

Ce mécanisme ne s'appliquait pas dans l'hypothèse où le président du conseil régional n'avait pas présenté de projet de budget.

Ce mécanisme avait été validé par le Conseil constitutionnel qui, dans sa décision n° 98-397 DC du 6 mars 1998, avait considéré qu' « il était loisible au législateur, afin de prendre en compte les particularités de la composition des conseils régionaux résultant du mode de scrutin applicable à leur élection, de prévoir des modalités spécifiques d'adoption du budget régional lorsque ce dernier n'a pu être adopté au terme d'un vote ». Il avait en outre précisé que « la procédure [...], en prévoyant des modalités dérogatoires d'adoption du budget régional, lorsque celui-ci n'a pu être adopté dans les conditions de droit commun , a pour objet d'assurer le respect du principe de continuité des services publics, tout en évitant le dessaisissement des organes délibérants de la région au profit du représentant de l'État ».

b) Un mode de scrutin ne favorisant pas l'identité régionale

La complexité de ce mode de scrutin était perçue comme l'une des causes du taux d'abstention élevé lors des élections régionales. Ce dernier s'élevait en effet à 22,1 % en 1986, puis 31,3 % en 1992 avant d'atteindre 41,9 % en 1998.

Le mode de scrutin de 1985 était ainsi accusé de ne pas favoriser l'émergence de l'échelon régional, alors que la région, en tant que collectivité territoriale, était parvenue à s'inscrire dans le paysage institutionnel local. Comme l'avait regretté notre collègue M. Patrice Gélard 5 ( * ) , « Organisé dans le cadre départemental, le mode de scrutin retenu en 1985 se voyait parfois reprocher de témoigner d'une réticence à l'encontre de l'échelon régional ».

B. LA RÉFORME DE 1999 : UNE RÉFORME CONTESTÉE JAMAIS APPLIQUÉE

1. Un mode de scrutin reposant sur la circonscription régionale

La loi n° 99-36 du 19 janvier 1999 relative au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux a procédé à une réforme du mode de scrutin régional afin de surmonter les difficultés engendrées par le précédent mode d'élection des conseillers régionaux.

Ce nouveau mode de scrutin s'inspirait de celui en vigueur, depuis 1982, pour l'élection des conseillers municipaux dans les communes de 3 500 habitants et plus 6 ( * ) , également retenu en 1991 pour celle des conseillers à l'Assemblée de Corse.

L'élection devait avoir lieu dans le cadre de la circonscription régionale , et non plus départementale, afin de favoriser l'émergence et l'affirmation de l'identité régionale. Le mandat des conseillers régionaux était abaissé à cinq ans, au lieu de six ans dans le cadre du mode de scrutin précédent.

Les conseillers régionaux devaient être élus au scrutin de liste à deux tours, combinant les règles du scrutin majoritaire et de la représentation proportionnelle . L'objectif était de doter les conseils régionaux de majorités stables, en rupture avec le mode de scrutin précédent, tout en assurant la représentation des différents courants politiques.

Deux différences sont toutefois à relever entre le mode de scrutin pour les élections régionales et celui des conseillers municipaux pour les communes de 3 500 habitants et plus ainsi que celui des conseillers à l'Assemblée de Corse.

D'une part, la liste ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour ou la majorité relative au second, se voyait attribuer un nombre de sièges égal au quart du nombre des sièges à pourvoir , arrondi à l'entier supérieur. Les autres sièges devaient être répartis entre toutes les listes suivant la règle de la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. Pour les élections municipales dans les communes de 3 500 habitants et plus, la prime majoritaire accordée à la liste arrivée en tête est égale à la moitié du nombre de sièges à pourvoir tandis qu'elle représente, pour l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse, trois sièges, soit un peu moins de 6 % des cinquante-et-un sièges que compte cette assemblée. Le compromis entre la volonté de représentation pluraliste et la garantie d'une majorité stable de gestion était donc équilibré de manière différente de ces deux précédents.

D'autre part, les règles de répartition des sièges au sein du conseil régional respectaient les principes suivants :

- les listes pouvant se présenter au second tour devaient avoir obtenu 5 % des suffrages exprimés, contre 10 % pour les élections municipales ;

- les listes ayant obtenu au moins 3 % des suffrages exprimés disposaient de la faculté de fusionner avec celles autorisées à se maintenir au second tour, contre 5 % pour les élections municipales alors qu'aucun seuil n'était prévu pour l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse ;

- les listes ayant obtenu moins de 3 % des suffrages exprimés n'étaient pas admises à la répartition des sièges, contre 5 % pour les élections municipales et l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse.

2. Un mode de scrutin critiqué avant sa mise en oeuvre

Ce mode de scrutin, qui devait s'appliquer à compter des élections régionales de 2004, n'a finalement jamais été mis en oeuvre. Il souffrait en effet de plusieurs faiblesses.

Ainsi que le relevait notre collègue M. Patrice Gélard, la circonscription électorale qui était retenue, la région, était déconnectée des enjeux locaux. « Aucun système [n'était prévu] pour garantir une représentation équitable de tous les territoires qui la [composaient] et rien ne [permettait], en conséquence, d'éviter une surreprésentation des départements les plus peuplés . » En effet, la loi laissait aux partis politiques eux-mêmes le soin d'assurer sur leur liste le juste équilibre au sein de l'ensemble régional. Ainsi, le mode de scrutin proposé dans un cadre régional n'était pas de nature à rapprocher le conseiller régional de ses électeurs. Ainsi, M. Patrice Gélard regrettait-il que « Le scrutin serait nécessairement anonyme. Il en résulterait une politisation accrue de l'élection, dont les enjeux locaux seraient occultés. », ce qui aurait contribué, selon lui, à la progression du taux d'abstention, déjà élevé, pour ces élections.

Par ailleurs, l'élection dans un cadre régional aurait risqué de conduire à une sous représentation des départements les moins peuplés.

Ce mode de scrutin imposait également la mise en place d'un système complexe pour les élections sénatoriales, pouvant conduire à ce que les délégués du conseil régional dans chaque département ne soient pas obligatoirement élus dans le département dans lequel ils auraient participé à l'élection des sénateurs.

Enfin, contrairement à l'un des objectifs affichés, ce mode de scrutin était accusé de ne pas favoriser une plus grande stabilité politique au sein des conseils régionaux, en comparaison de celui de 1985.

C. LA RÉFORME DE 2003 : LA MISE EN PLACE D'UN SCRUTIN RÉGIONAL REPOSANT SUR DES SECTIONS DÉPARTEMENTALES

La réforme de 1999 s'avérant inadaptée au rôle croissant qu'avaient pris les régions durant cette période, la loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques a institué le troisième mode de scrutin aux élections régionales, aujourd'hui toujours en vigueur.

Celui-ci permet de concilier plusieurs exigences essentielles : d'une part, donner une majorité politique cohérente aux conseils régionaux tout en veillant au respect du pluralisme et, d'autre part, assurer une représentation juste et équitable des territoires et des citoyens.

1. Un mode de scrutin « régionalisé » avec une double répartition des sièges

Depuis 2003, les conseillers régionaux sont élus, pour un mandat de six ans 7 ( * ) , au scrutin de liste à deux tours, sans possibilité de panachage ni de vote préférentiel 8 ( * ) . Chaque liste est constituée d'autant de sections qu'il y a de départements dans la région.

Le dépôt des listes s'effectue au niveau régional, les candidats étant répartis entre des sections départementales. Chaque liste doit comporter autant d'hommes que de femmes afin de respecter la parité au sein des assemblées délibérantes régionales. Cette règle s'applique pour chaque tour de scrutin.

Le nombre de sièges à attribuer pour chaque liste est calculé globalement au niveau régional. Il est ensuite réparti entre les sections départementales en fonction du nombre de suffrages obtenus dans chaque section par la liste concernée.

a) Une répartition globale du nombre de sièges au niveau régional

Si une liste obtient la majorité absolue des suffrages exprimés dès le premier tour , celle-ci bénéficie d'une prime majoritaire correspondant au quart des sièges à répartir. En cas d'égalité de suffrages entre deux listes arrivées en tête, les sièges de la prime majoritaire sont attribués à la liste dont les candidats ont la moyenne d'âge la plus élevée. Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité de suffrages, le siège est alors attribué au plus âgé des candidats susceptible d'être élus.

Les trois autres quarts des sièges à pourvoir sont ensuite répartis à la représentation proportionnelle entre toutes les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages, y compris la liste arrivée en tête des suffrages.

À défaut, un deuxième tour est organisé la semaine suivante auquel seules les listes ayant obtenu plus de 10 % des suffrages exprimés au premier tour ont accès. Si une seule liste remplit les conditions de seuil pour parvenir au second tour, la liste ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages après elle peut également se maintenir au second tour. Dans le cas où aucune liste ne remplit ces conditions, les deux listes arrivées en tête peuvent se maintenir au second tour.

Les listes autorisées à se présenter au deuxième tour disposent de la faculté de fusionner avec les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés. Comme dans le cas d'une liste ayant recueilli la majorité absolue au premier tour, la liste arrivée en tête des suffrages au deuxième tour bénéficie de la prime majoritaire représentant le quart des sièges à pourvoir. Les autres sièges sont répartis à la représentation proportionnelle entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés au second tour, y compris la liste arrivée en tête.

Le mode de scrutin régional actuellement en vigueur s'inspire de celui applicable à l'élection des conseillers municipaux dans les communes de 3 500 habitants et plus, en combinant les règles du scrutin majoritaire et de la représentation proportionnelle. Toutefois, en raison de la différence de nature entre les circonscriptions régionale et communale, la prime majoritaire attribuée à la liste ayant obtenu la majorité absolue des suffrages au premier tour ou qui est arrivée en tête au second, est égale, non pas à la moitié des sièges à pourvoir comme pour le scrutin municipal, mais au quart. Ce principe, dégagé lors de l'adoption de la loi de 1999, qui rencontrait l'accord d'une large partie de l'échiquier politique, a donc été maintenu dans le mode de scrutin instauré en 2003 et appliqué en 2004 et 2010.

b) La répartition des sièges entre les sections départementales

Les modalités de répartition des sièges de conseiller régional entre les sections départementales pour chaque liste de candidats sont définies à l'article L. 338-1 du code électoral. Les sièges attribués à chaque liste sont répartis entre les sections départementales qui la composent, au prorata des voix obtenues par la liste dans chaque département, en deux temps :

- dans un premier temps, ils sont ventilés entre les listes en fonction des résultats obtenus sur l'ensemble de la circonscription régionale ;

- dans un deuxième temps, une fois cette première répartition effectuée, les sièges de chaque liste sont répartis en proportion des résultats obtenus au sein de chaque département 9 ( * ) .

Après cette double répartition, les sièges restant encore à attribuer sont répartis entre les sections départementales selon la règle de la plus forte moyenne. Si plusieurs sections départementales ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège, celui-ci sera attribué à la section départementale ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité de suffrages, il est prévu que le siège soit attribué au plus âgé des candidats susceptibles d'être élus.

Une fois calculée la répartition entre chaque département d'une région, les sièges sont attribués aux candidats dans l'ordre de présentation de chaque section départementale.

Lorsqu'une région n'est composée que d'un seul département, les sièges sont attribués dans le ressort de la circonscription régionale, selon les mêmes règles, à savoir la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, tempérée cependant par l'attribution à la liste ayant obtenu la majorité absolue des suffrages au premier tour, ou la majorité relative au second, d'une prime égale au quart des sièges à pourvoir.

c) La définition de l'effectif global des conseils régionaux et du nombre de candidats par section départementale

Le tableau n° 7 du code électoral 10 ( * ) fixe l'effectif global de chaque conseil régional ainsi que le nombre de candidats par section départementale que doit comporter toute liste aux élections régionales, et non le nombre de conseillers régionaux élus pour chaque département . Ainsi, seul l'effectif global est précisé, non sa ventilation entre départements . Par ailleurs, la somme du nombre total de candidats par département est supérieure à l'effectif de chaque conseil régional, à raison de deux postes supplémentaires par département. Cette différence se justifie afin de pourvoir les vacances de sièges susceptibles de se produire en cours de mandat.

En d'autres termes, le nombre de candidats par département ne saurait être assimilé au nombre de conseillers régionaux par département . La répartition des conseillers régionaux entre les sections départementales, telle que prévue par la loi du 11 avril 2003, peut conduire à des différences entre le nombre de candidats et le nombre de conseillers régionaux finalement élus. Cette différence est liée à des critères démographiques ainsi qu'aux pratiques d'abstention dans chaque département. Cette différence est liée à l'ampleur de la « marge de précaution » dans la fixation du nombre de candidats, puis à la différence entre le poids démographique de chaque département et sa part dans les votes obtenus par les listes ayant des élus.

Il est ainsi à noter que ce mode de scrutin est le seul dans lequel la répartition de sièges entre entités géographiques est fixée en définitive selon un résultat en voix et non, comme le veut une tradition française très ancienne, en fonction des populations respectives.

2. Une représentation inéquitable des départements d'une même région ?

Le mode de scrutin de 2003 a indéniablement permis aux conseils régionaux de disposer de majorités politiques stables, permettant une gestion sereine des politiques régionales. Il fait l'objet d'un relatif consensus, en conjuguant la reconnaissance de la région en tant que collectivité territoriale, la recherche d'une stabilité politique au sein du conseil afin d'éviter tout risque de blocage et enfin, une proximité entre la collectivité et les citoyens et les territoires, à travers la mise en place des sections départementales.

Cette difficile conciliation a d'ailleurs été reconnue et validée par le Conseil constitutionnel 11 ( * ) qui a jugé que « la complexité que revêt ce mode de scrutin, s'agissant en particulier de la répartition des sièges entre sections départementales, trouve son origine dans la conciliation que le législateur a voulu opérer entre la représentation proportionnelle dans le cadre d'un vote régional, la constitution d'une majorité politique au sein du conseil régional et la restauration d'un lien entre conseillers régionaux et départements ; que cette complexité répond à des objectifs que le législateur a pu regarder comme d'intérêt général ».

Il a par ailleurs relevé que « c'est au niveau régional que doit être appréciée la représentativité de chaque liste ». Enfin, il a reconnu que « le caractère régional du scrutin et l'existence d'une prime majoritaire peuvent conduire à ce que, dans une section départementale donnée, une formation se voie attribuer plus de sièges qu'une autre alors qu'elle a obtenu moins de voix dans le département correspondant » et que « le mécanisme de répartition peut aboutir, d'une élection régionale à la suivante, à la variation du nombre total de sièges attribués à une même section départementale ».

Toutefois, les départements ruraux s'estiment sous-représentés au sein des conseils régionaux et ne pas être en capacité de défendre les spécificités de leurs territoires au sein de l'assemblée délibérante. Cette sous représentation des départements les moins peuplés serait liée, selon les élus concernés, au choix d'une circonscription régionale et à la déconnection entre le nombre de candidats par section départementale, fixé par le tableau n° 7 annexé au code électoral, et le nombre de conseillers régionaux effectivement élus. En outre, les conseillers élus au sein d'une section départementale peuvent ne pas appartenir à la liste ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés au niveau régional.

Ce constat s'explique par le nombre de sièges attribués à chaque département qui varie en fonction du rapport entre le nombre de voix obtenues par la liste dans la section départementale et le nombre de voix obtenues par cette même liste au plan régional. Autrement dit, le nombre de conseillers régionaux par département n'est pas limité : si toutes les listes obtiennent leur meilleur résultat dans un département, en raison de son poids en nombre d'électeurs ou d'un taux de participation supérieur à celui des autres départements de la même région, les conseillers régionaux de ce département seront plus nombreux que le nombre de candidats devant figurer sur la section départementale. Par ailleurs, par le jeu de la répartition proportionnelle, certains départements peuvent, théoriquement, ne disposer d'aucun représentant au sein du conseil régional ou ne disposer que d'un seul conseiller : c'est le cas de la Lozère qui, au sein du conseil régional du Languedoc-Roussillon, dispose d'un seul conseiller depuis 2010 contre deux en 2004, alors que le tableau n° 7 du code électoral prévoit cinq candidats au sein de ce département. C'est la raison pour laquelle le nombre d'élus par département n'est pas fixé et peut varier d'une élection à une autre. Le mode de scrutin actuel favorise les départements dans lesquels, d'une part, le ratio électeurs/habitants est favorable et, d'autre part, la participation est élevée.

C'est pourquoi plusieurs élus des départements ruraux estiment qu'une réforme du scrutin régional est indispensable afin de remédier à ces dysfonctionnements. Tel est l'objet de la présente proposition de loi.

II. L'OBJECTIF DE LA PRÉSENTE PROPOSITION DE LOI : GARANTIR UNE REPRÉSENTATION MINIMALE DES DÉPARTEMENTAUX RURAUX AU SEIN DES CONSEILS RÉGIONAUX AU SEIN D'UN MODE DE SCRUTIN DÉPARTEMENTALISÉ

La présente proposition de loi, déposée par notre collègue M. Alain Bertrand et les membres du groupe Rassemblement Démocratique et Social européen, vise à répondre aux difficultés soulevées précédemment en garantissant une représentation équitable de l'ensemble des départements au sein du conseil régional.

La proposition de loi vise à rétablir la départementalisation du scrutin régional, comme dans le cas du scrutin en vigueur entre 1985 et 1999. Les membres du conseil régional seraient élus, non plus au niveau régional, mais au sein même des départements. En d'autres termes, le département ne serait plus une section électorale de la région mais la circonscription électorale du scrutin régional au sein de laquelle s'effectueraient l'attribution et la répartition des sièges au conseil régional. Ainsi, la présente proposition de loi tend à la disparition de toute liste régionale au profit de listes départementales qui auraient la possibilité de s'apparenter pour former, au niveau régional, une liste globale. Ainsi, chaque département serait assuré d'être représenté au sein du conseil régional par un nombre minimal de conseillers régionaux, fixé à trois. En pratique, ce plancher s'appliquerait uniquement au département de la Lozère.

Ainsi, l' article 1 er précise que les conseillers régionaux seraient élus au scrutin de liste à deux tours, à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel. Le découpage de la circonscription régionale en sections départementales étant supprimé ( article 2 ), les listes départementales pourraient s'apparenter avec des listes présentées dans d'autres départements de la même région. L'article 1 er précise également que le nombre de sièges attribué à chaque département serait déterminé par le tableau n° 7 alors que ce dernier ne précise que le nombre de candidats au sein de chaque liste par section départementale. Enfin, l'article 1 er propose une novation électorale : au deuxième tour, en cas d'égalité de suffrages entre les listes arrivées en tête, les sièges seraient attribués à la liste dont les candidats auraient la moyenne d'âge la plus basse. En revanche, la prime majoritaire accordée à la liste arrivée en tête au premier ou au deuxième tour serait préservée.

Les articles 3 à 6 apportent les coordinations nécessaires à diverses dispositions du code électoral relatives au scrutin régional.

L' article 3 modifie les dispositions, précisées à l'article L. 346 du code électoral, relatives à la déclaration de candidature dans le cadre d'un mode de scrutin régional qui serait départementalisé. Conformément au principe proposé à l'article 1 er , l'article 3 tend à préciser que la déclaration de candidature résulterait du dépôt à la préfecture d'une liste comprenant autant de candidats qu'il y a de sièges à pourvoir dans le département, supprimant ainsi tout renvoi au tableau n° 7 annexé au code électoral. En outre, dans les départements dont le nombre de siège à pourvoir serait inférieur ou égal à cinq, chaque liste comprendrait un nombre de candidats égal au nombre de sièges à pourvoir augmenté de deux. Enfin, l'exigence de parité s'appliquerait, non plus au niveau de chaque section, mais au niveau de chaque département.

En revanche, les différents seuils actuellement en vigueur demeureraient inchangés :

- le seuil requis pour qu'une liste puisse se présenter au second tour resterait fixé à 10 % des suffrages exprimés ;

- le seuil permettant à une liste de fusionner avec une autre liste se maintenant au second tour serait également maintenu à 5 % des suffrages exprimés.

Par ailleurs, le principe selon lequel les candidats ayant figuré sur une même liste au premier tour ne peuvent figurer au deuxième tour sur des listes différentes serait conservé.

Les dispositions relatives au remplacement des conseillers régionaux, fixées par l'article L. 360 du code électoral, seraient adaptées, au niveau sémantique, par l' article 4 de la présente proposition de loi. En effet, alors que l'article L. 360 du code électoral évoque les sections départementales, la présente proposition de loi propose de remplacer ces termes par celui de « département ». Pour le reste, aucun autre changement n'est à relever.

Les articles 5 et 6 ont pour objet de modifier la rédaction de l'article L. 361 du code électoral afin de préciser que, en cohérence avec l'article 1 er , le contentieux des élections régionales s'effectuerait, non plus dans le cadre de la région, mais dans celui du département.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES LOIS : LA MISE EN PLACE DE CORRECTIFS DESTINÉS À CONSERVER LES ACQUIS DU MODE DE SCRUTIN ACTUEL AVEC UNE REPRÉSENTATION ÉQUILIBRÉE DES TERRITOIRES

A. LE REFUS D'UNE REMISE EN CAUSE DES ACQUIS DU MODE DE SCRUTIN RÉGIONAL ACTUEL

La présente proposition de loi permet d'établir un bilan du mode de scrutin régional, dix ans après sa mise en oeuvre, et d'ouvrir des pistes de réforme pour tenter de résoudre les difficultés soulevées.

Toutefois, force est de constater qu'il s'agit d'une proposition de loi inaboutie. La suppression du principe d'une liste régionale répartie entre sections départementales au profit de listes départementales a pour corollaire de fixer, ex ante , dans la loi, le nombre d'élus régionaux par département. Or, la présente proposition de loi ne fixe pas, en dehors d'un seuil plancher de trois conseillers régionaux par département, le nombre de sièges dont disposerait chaque département au sein du conseil régional. En effet, la proposition de loi renvoi au tableau n° 7 annexé au code électoral alors que ce dernier prévoit, comme votre rapporteur l'a déjà indiqué, non pas le nombre de conseillers régionaux par département, mais celui de candidats par section départementales.

La fixation d'un nombre minimal de trois conseillers régionaux par département, qui s'appliquerait aujourd'hui au seul département de la Lozère, mérite une réflexion approfondie pour ne pas pénaliser la représentation des départements plus peuplés. En effet, une telle disposition pourrait conduire à une représentation excessive de certains départements par rapport à leur poids démographique, ce qui serait contraire à la jurisprudence, constante et ancienne, du Conseil constitutionnel qui a toujours rappelé que la répartition des sièges devait reposer sur des bases essentiellement démographiques. Toutefois, le Conseil constitutionnel a jugé 12 ( * ) qu'il ne s'ensuit pas que la répartition des sièges doive être nécessairement proportionnelle à la population de chaque département ou région ni qu'il ne puisse être tenu compte d'autres impératifs d'intérêt général, en soulignant toutefois que ces considérations ne peuvent intervenir que dans une mesure limitée. C'est pourquoi, en déclarant conforme à la Constitution le seuil de quinze conseillers territoriaux par département, le Conseil constitutionnel a estimé qu'il constituait un minimum pour assurer le fonctionnement normal d'une assemblée délibérante locale et a donc jugé que la fixation de ce seuil n'était pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par ailleurs, la proposition de loi tend à mettre fin à la « régionalisation » du scrutin des conseillers régionaux afin de proposer un mode de scrutin « départementalisé ». Les départements ne seraient donc plus des sections départementales mais la circonscription au sein de laquelle seraient élus les conseillers régionaux. Ce changement du cadre électoral des conseillers régionaux n'est pas sans conséquence sur l'identité régionale. En effet, sous couvert d'une simple évolution sémantique entre « section départementale » et « département », la région n'apparaitrait plus comme une collectivité territoriale en tant que telle mais, à l'instar des établissements publics de coopération intercommunale, comme une coopérative de départements. D'une certaine manière, les départements seraient à la région ce que les communes sont à l'intercommunalité. Cette évolution est en contradiction avec la volonté actuelle et réaffirmée de renforcer la place et les compétences des régions pour en faire des collectivités territoriales de stature européenne.

De surcroît, un mode de scrutin départementalisé empêche la prise en compte de problématiques de niveau régional : le conseil régional deviendrait le lieu de synthèse des problématiques départementales, et non celui des problématiques communes de niveau régional.

Si l'impératif de représentation de l'ensemble des territoires d'une région est susceptible de progresser en cas d'adoption de cette proposition de loi, le mode de scrutin régional deviendrait cependant plus complexe. Bien que le Conseil constitutionnel ait validé le mode de scrutin actuel au motif qu'il permettait la conciliation de différents principes d'intérêt général, le mode de scrutin ainsi modifié pourrait conduire à la représentation de mouvements politiques présents dans une partie seulement d'une région et non dans l'ensemble, ce qui empêcherait l'émergence de majorités politiques stables destinées à assurer la gestion de la collectivité. On peut à cet égard se remémorer la crise vécue en 1998 lors de l'élection du président de la région Rhône-Alpes, en raison de l'élection de deux conseillers, chacun dans un seul département, l'un élu en tant qu'indépendantiste « savoisien », l'autre en tant que représentant des chasseurs. En outre, le passage d'une circonscription régionale à des circonscriptions départementales, avec l'attribution d'une prime majoritaire au niveau départemental, pourrait conduire à l'absence de majorités au sein des conseils régionaux, qui représente un des acquis essentiels de la réforme de 2003.

B. LA CONCILIATION ENTRE LES ATOUTS DU MODE DE SCRUTIN ACTUEL AVEC UNE REPRÉSENTATION JUSTE ET ÉQUITABLE DE L'ENSEMBLE DES TERRITOIRES

Pour répondre aux difficultés soulevées par l'actuel mode de scrutin régional en termes de représentation des départements les plus faiblement peuplés sans remettre en cause les apports de la réforme de 2003, votre commission a complété le dispositif électoral actuel, à l'initiative de votre rapporteur, afin de préciser que le nombre de conseillers régionaux élus au sein de chaque section électorale ne pourrait être inférieur à trois. L'insertion de ce seuil plancher de trois conseillers régionaux par section départementale s'inscrit dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, rappelée précédemment par votre rapporteur.

Votre commission a précisé que si, à la suite de la répartition des sièges, une section électorale d'une région compterait moins de trois conseillers régionaux, le conseil régional se verrait attribuer un ou deux sièges supplémentaires permettant au département « déficitaire » d'atteindre le seuil de trois conseillers. Ces sièges supplémentaires seraient répartis au niveau régional à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, en tenant compte de la « prime » à la liste arrivée en tête. En cas de même moyenne pour l'attribution du même siège entre plusieurs listes, les dispositions traditionnelles du droit électoral s'appliqueraient : ainsi, le siège supplémentaire reviendrait à la liste ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages. À défaut, le siège serait attribué au plus âgé des candidats susceptibles d'être proclamés.

Ainsi, les ajustements adoptés par votre commission tendent à apporter, en cas de sous-représentation d'une section départementale au sein d'un conseil régional, les correctifs nécessaires pour mettre fin, le temps d'un mandat, aux inégalités de représentation tout en permettant à l'assemblée délibérante régionale de disposer d'une majorité de gestion capable de mener des politiques publiques régionales et en conservant l'identité de la région en tant que collectivité territoriale.

*

* *

La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er A (art. L. 337 du code électoral) - Modification de l'effectif des conseils régionaux

Cet article additionnel, inséré par l'adoption d'un amendement de votre rapporteur, vise à insérer un nouvel alinéa à l'article L. 337 du code électoral tendant à modifier l'effectif d'un conseil régional, fixé par le tableau n° 7 annexé au code électoral, afin de permettre une représentation minimale de trois conseillers régionaux par section départementale.

Cette précision est une coordination de la modification proposée par votre rapporteur aux articles 1 er et 1 er bis.

Votre commission a adopté l'article 1 er A ainsi rédigé.

Article 1er (art. L. 338 du code électoral) - Départementalisation du scrutin régional

Le présent article tend à modifier l'article L. 338 du code électoral afin de mettre en place la départementalisation du mode de scrutin régional.

L'article L. 338 du code électoral, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques, prévoit que les conseillers régionaux sont élus dans chaque région au scrutin de liste à deux tours, sans adjonction ni suppression de noms. Chaque liste est constituée d'autant de sections qu'il y a de départements dans la région.

Au premier tour de scrutin, si une liste a obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, elle bénéficie d'une prime majoritaire représentant le quart des sièges à pourvoir. Puis toutes les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages, y compris la liste arrivée en tête, se répartissent les trois quarts des sièges restants.

Si, à l'issue du premier tour, aucune liste n'a recueilli la majorité absolue, un deuxième tour de scrutin est alors organisé. La liste ayant recueilli le maximum de suffrages bénéficie d'une prime majoritaire égale au quart du nombre de sièges à pourvoir. En cas d'égalité de suffrages entre deux listes arrivées en tête, les sièges de la prime majoritaire sont attribués à la liste dont les candidats ont la moyenne d'âge la plus élevée. Les trois quarts des sièges sont ensuite répartis entre toutes les listes ayant recueilli, à l'issue du deuxième tour, au moins 5 % des suffrages, à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne.

Enfin, le cinquième alinéa de l'article L. 338 dispose que, si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité de suffrages, le siège est alors attribué au plus âgé des candidats susceptible d'être élus.

Le présent article propose de conserver l'application du scrutin de liste pour l'élection des conseillers régionaux ainsi que le seuil de 5 % des suffrages exprimés pour permettre aux listes ayant atteint ce seuil de participer à la répartition des sièges au sein du conseil régional.

Les modifications apportées par le présent article à l'article L. 338 du code électoral portent sur quatre points, d'importance inégale.

Tout d'abord, le présent article tend à préciser que les conseillers régionaux seraient élus au scrutin de liste à deux tours, à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel.

Ensuite, les listes départementales pourraient s'apparenter selon les conditions de l'article L. 346 du code électoral. Cet article dispose qu'une déclaration de candidature serait obligatoire pour chaque liste de candidats avant chaque tour de scrutin. Le nombre de candidats de chaque section départementale serait celui fixé par le tableau n° 7 du code électoral. La liste serait composée alternativement d'un homme et d'une femme.

Par ailleurs, le nombre de sièges qui serait attribué à chaque département serait fixé par le tableau n° 7. Or, la présente proposition de loi ne propose aucune modification de ce tableau qui fixe, non pas le nombre de conseillers régionaux par département, mais celui de candidats aux élections régionales au sein de chaque section départementale.

Enfin, au deuxième tour, en cas d'égalité de suffrages entre les listes arrivées en tête, le présent article propose d'introduire une novation électorale : les sièges seraient attribués à la liste dont les candidats auraient la moyenne d'âge la plus basse. Le principe actuellement en vigueur en droit électoral, pour l'ensemble des élections, aussi bien nationales que locales, attribue l'élection au candidat le plus âgé ou à la liste disposant de la moyenne d'âge la plus élevée.

Pour mémoire, votre rapporteur rappelle que des amendements identiques ont été adoptés par le Sénat, en première et en deuxième lecture, dans le cadre du projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers communaux et des conseillers intercommunaux et modifiant le calendrier électoral, une telle modification permettant de favoriser un renouvellement des élus locaux. Cette disposition n'a cependant pas été retenue par l'Assemblée nationale. Votre rapporteur estime qu'une telle novation mériterait un débat plus approfondi et qu'elle devrait s'appliquer à l'ensemble des élections, tant nationales que locales, et non pas seulement à certaines élections.

Votre commission estime que le retour à la départementalisation du scrutin régional proposé par la présente proposition de loi, plus particulièrement par l'article 1 er , pourrait avoir deux effets négatifs :

- d'une part, la constitution de majorités pluri-départementales unies et stables à la tête des conseils régionaux serait rendue plus difficile ;

- d'autre part, un tel dispositif pourrait remettre en cause l'identité régionale comme collectivité territoriale en tant que telle.

C'est la raison pour laquelle votre commission, à l'initiative de votre rapporteur, a adopté un amendement tendant à proposer une nouvelle rédaction du présent article, destiné à préciser, à l'article L. 338 du code électoral, qu'au sein de chaque section départementale seraient élus au moins trois conseillers régionaux. L'objectif est de permettre une représentation minimale de chaque département au sein du conseil régional.

Votre commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié.

Article 1er bis (art. L. 338-2 (nouveau) du code électoral) - Ajout de sièges supplémentaires au bénéfice des sections départementales

Cet article additionnel, adopté par un amendement de votre rapporteur, vise à insérer un nouvel article L. 338-2 au sein du code électoral, dont les dispositions s'inspirent directement des dispositions applicables au mode de scrutin régional actuel.

Il précise que, à la suite de la répartition des sièges en application de l'article L. 338-1 du code électoral, si une section départementale disposerait de moins de trois élus au sein du conseil régional, des sièges supplémentaires seraient ajoutés à l'effectif du conseil régional afin d'atteindre le seuil de trois conseillers régionaux, conformément à l'article L. 338 du même code, modifié par votre commission.

Le deuxième alinéa de ce nouvel article énonce que les sièges supplémentaires seraient répartis au niveau régional, entre les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne et en tenant compte de la « prime » à la liste arrivée en tête. Il est précisé, à l'instar de la répartition des sièges prévue aux articles L. 337 et L. 338-1 du code électoral que dans le cas où plusieurs listes disposeraient de la même moyenne pour l'attribution d'un siège supplémentaire, celui-ci serait attribué à la liste ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages. À défaut, il reviendrait à celle comportant le plus âgé des candidats susceptibles d'être proclamés élus.

Le troisième alinéa dispose que les sièges supplémentaires seraient attribués, conformément aux règles traditionnelles du droit électoral, aux candidats des listes bénéficiaires dans l'ordre de leur présentation dans la ou les sections départementales dont la représentation a été complétée.

Votre commission a considéré que le relèvement ponctuel des conseils régionaux, destinés à assurer une représentation juste et équitable des départements les moins peuplés dans certaines régions, permettait de répondre au problème de représentation trop réduite de certains départements. Il ne remet pas en cause le mode de scrutin applicable depuis 2003, qui a permis l'émergence de l'identité régionale et la constitution de majorités de gestion stables et unies.

Votre commission a adopté l'article 1 er bis ainsi rédigé.

Article 2 (art. L. 338-1 du code électoral) - Suppression des sections départementales

Le présent article tend à abroger l'article L. 338-1 du code électoral. Cet article précise les modalités de répartition des sièges de conseiller régional entre les sections départementales pour chaque liste de candidats.

Les sièges attribués à chaque liste sont répartis entre les sections départementales qui la composent, au prorata des voix obtenues par la liste dans chaque département, en deux temps :

- dans un premier temps, ils sont ventilés entre les listes en fonction des résultats obtenus sur l'ensemble de la circonscription régionale ;

- dans un deuxième temps, une fois cette première répartition effectuée, les sièges de chaque liste sont répartis en proportion des résultats obtenus au sein de chaque département 13 ( * ) .

Après cette double répartition, les sièges restant encore à attribuer sont répartis entre les sections départementales selon la règle de la plus forte moyenne. Si plusieurs sections départementales ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège, celui-ci est attribué à la section départementale ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité de suffrages, l'article L. 338-1 prévoit que le siège est attribué au plus âgé des candidats susceptibles d'être élus.

Une fois calculée la répartition entre chaque département d'une région, les sièges sont attribués aux candidats dans l'ordre de présentation de chaque section départementale.

Lorsqu'une région n'est composée que d'un seul département, les sièges sont attribués dans le ressort de la circonscription régionale, selon les mêmes règles, à savoir la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, tempérée cependant par l'attribution à la liste ayant obtenu la majorité absolue des suffrages au premier tour, ou la majorité relative au second, d'une prime égale au quart des sièges à pourvoir.

Le présent article propose d'abroger le dispositif de répartition au niveau départementale des sièges des conseillers régionaux élus au niveau régional. Cette abrogation est cohérente avec les modifications proposées à l'article 1 er , qui pose le principe de l'élection au niveau, non plus régional, mais départemental.

Votre commission a estimé que la suppression des sections départementales et son remplacement par la présentation de listes au niveau de chaque département et non plus au niveau régional conduirait à la disparition de la région en tant que collectivité territoriale et ne favoriserait pas l'émergence de majorités de gestion. C'est pourquoi, à l'initiative de votre rapporteur, votre commission a adopté, en cohérence avec les amendements adoptés sur les articles précédents, un amendement de suppression de cet article.

Votre commission a supprimé l'article 2.

Article 3 (art. L. 346 du code électoral) - Déclaration de candidature

Le présent article modifie les dispositions relatives à la déclaration de candidature dans le cadre d'un mode de scrutin départementalisé, telles que précisées par l'article L. 346 du code électoral.

Cet article précise que le nombre de candidats figurant dans les sections départementales de chaque liste est fixé conformément au tableau n° 7 annexé au code électoral. Au sein de chaque section, la liste est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe. Cette règle s'applique pour chaque tour de scrutin.

Le même article fixe à 10 % des suffrages exprimés le seuil requis pour qu'une liste puisse se présenter au second tour et à 5 % des suffrages exprimés le seuil permettant à une liste de fusionner avec une autre liste se maintenant au second tour. En cas de fusion, l'article L. 346 prévoit que les candidats ayant figuré sur une même liste au premier tour ne peuvent figurer au deuxième tour sur des listes différentes.

Enfin, si une seule liste remplit les conditions de seuil pour parvenir au second tour, la liste ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages après elle peut également se maintenir au second tour. Dans le cas où aucune liste ne remplit ces conditions, les deux listes arrivées en tête peuvent se maintenir au second tour.

Le présent article tend à modifier l'article L. 346 sur trois aspects. Tout d'abord, il précise que la déclaration de candidature résulterait du dépôt à la préfecture d'une liste comprenant autant de candidats qu'il y a de sièges à pourvoir dans le département, supprimant ainsi toute mention au tableau n° 7 annexé au code électoral. Ensuite, dans les départements dont le nombre de siège à pourvoir serait inférieur ou égal à cinq, chaque liste comprendrait un nombre de candidats égal au nombre de sièges à pourvoir augmenté de deux. Enfin, l'exigence de parité s'appliquerait, non plus au niveau de chaque section, mais au niveau des départements.

Par cohérence avec le nouveau dispositif proposé par votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement de suppression de cet article, à l'initiative de votre rapporteur.

Votre commission a supprimé l'article 3.

Article 4 (art. L. 360 du code électoral) - Remplacement des conseillers régionaux

Le présent article propose des coordinations, en cohérence avec les modifications proposées à l'article 1 er , aux dispositions relatives au remplacement des conseillers régionaux, fixées par l'article L. 360 du code électoral.

Au sein de chaque section départementale, le siège de conseiller régional est pourvu par le candidat venant immédiatement après le dernier élu dans la section départementale de la liste à laquelle appartient le conseiller à remplacer. Si le candidat appelé à pourvoir le siège devenu vacant se trouve placé, de ce fait, en situation d'incompatibilité et renonce à son mandat de conseiller régional, il est alors remplacé par le candidat suivant dans l'ordre de la section départementale.

Les cas d'absence de remplaçant en raison d'un épuisement des listes étant fréquents, c'est la raison pour laquelle le tableau n° 7 annexé au code électoral prévoit un nombre supplémentaire de deux candidats par rapport au nombre total actuel de conseillers régionaux.

Enfin, l'article L. 360 dispose que si le remplacement ne peut avoir lieu, le siège demeure vacant jusqu'au prochain renouvellement du conseil régional.

Le présent article tend à remplacer, au sein de l'article L. 360 du code électoral, les termes de « section départementales » par celui de « département ». Ainsi, le remplacement des conseillers régionaux s'effectuerait dans le cadre de chaque département.

Par cohérence avec la suppression de l'article 2 et les modifications apportées à l'article 1 er , votre commission a adopté un amendement de suppression de cet article, à l'initiative de votre rapporteur.

Votre commission a supprimé l'article 4.

Article 5 (art. L. 361 du code électoral) - Coordination en matière de contentieux électoral

Le présent article a pour objet de corriger la rédaction de l'article L. 361 du code électoral afin de préciser que, en cohérence avec l'article 1 er de la présente proposition de loi, le contentieux des élections régionales s'effectuerait dans un cadre départemental et non plus dans le cadre de la région.

L'article L. 361 actuellement en vigueur prévoit que le contentieux des élections régionales s'opère dans le cadre de la région. Les élections au conseil régional peuvent être contestées dans les dix jours suivant la proclamation des résultats par tout candidat ou tout électeur de la région devant le Conseil d'État. Le représentant de l'État dans la région dispose du même droit s'il estime que « les formes et les conditions légalement prescrites n'ont pas été respectées ». De même, un candidat devenu conseiller régional par le jeu du remplacement prévu à l'article L. 360 du code électoral peut également être contesté selon les mêmes modalités. L'annulation de l'élection d'un ou de plusieurs élus régionaux entraine, en conséquence, la proclamation par le Conseil d'État de l'élection du ou des suivants de liste.

Dans la suite des amendements adoptés sur les articles précédents, votre commission a adopté un amendement de suppression , à l'initiative de votre rapporteur, du présent article.

Votre commission a supprimé l'article 5.

Article 6 (art. L. 363 du code électoral) - Coordination en matière de contentieux électoral

Le présent article vise à modifier la rédaction de l'article L. 363 du code électoral par coordination avec l'article 1 er .

L'article L. 363 aujourd'hui en vigueur dispose qu'en cas d'annulation de l'ensemble des opérations électorales dans une région, de nouvelles élections sont organisées dans un délai de trois mois.

Le présent article propose que ces nouvelles élections seraient organisées, non pas au niveau de la région, mais à celui du département.

Conformément à la position adoptée sur la présente proposition de loi, votre commission a adopté un amendement de suppression , proposé par votre rapporteur, du présent article.

Votre commission a supprimé l'article 6.

*

* *

La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 24 AVRIL 2013

_______

M. Alain Richard , rapporteur . - L'affaire est extrêmement simple. Nos collègues du groupe RDSE nous rappellent que l'attribution des sièges au conseil régional doit respecter le tableau n° 7 annexé au code électoral, qui tient compte de la population globale de la région. Elle aboutit, dans un cas extrême, la Lozère, à ce que les électeurs de ce département n'ont plus qu'un seul représentant sur soixante-sept conseillers régionaux. C'est logique : la Lozère compte 77 000 habitants, sur un total d'environ trois millions pour le Languedoc-Roussillon. Faut-il laisser jouer l'arithmétique ? La Lozère est seule dans ce cas, mais les Hautes-Alpes pourraient suivre, puisqu'elles ne comptent que trois conseillers régionaux : étant donné le dynamisme démographique du Var et des Alpes-Maritimes, ce nombre pourrait bien diminuer au prochain renouvellement. Les Alpes de Haute-Provence ne sont pas loin derrière...

Faut-il fixer un nombre minimal de représentants par département, un « smic » de représentation de trois conseillers ? Si nous le pensons, alors il nous faut trouver un autre mécanisme que celui proposé par les auteurs de la proposition de loi qui est inadapté.

Aujourd'hui, les listes régionales sont segmentées en sections départementales, mais la logique veut que la campagne oppose des projets régionaux. La proposition de loi prévoit que les conseillers régionaux sont élus de manière indépendante, département par département, avec des conséquences indésirables : des listes pourraient être présentées dans certains départements seulement, ce qui priverait les électeurs d'un lieu de confrontation des projets et des programmes pour leur région. Si vous le souhaitez, je vous proposerai une autre solution, très simple mais que j'ai mis du temps à découvrir : après l'attribution des sièges, s'il manque à un département un ou deux sièges pour arriver au minimum de trois, un ou deux sièges supplémentaires seront ajoutés, et attribués au premier candidat de la section départementale du département concerné des listes qui en bénéficieront.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Merci pour cette trouvaille, qui me paraît de nature à nous sortir de la difficulté que vous avez expliquée : il est anormal qu'un département n'ait qu'un seul représentant au conseil régional.

M. Alain Richard , rapporteur . - Il peut même n'en avoir aucun...

M. Jean-Jacques Hyest . - C'est un retour à la loi de 1985.

M. Alain Richard , rapporteur . - Non, justement !

M. Jean-Jacques Hyest . - Les auteurs de la proposition de loi nous y font revenir. Cette loi a été par deux fois modifiée, avec des bonheurs électoraux inégaux, pour faire émerger une majorité : certaines régions étaient ingouvernernables, d'où la prime majoritaire inspirée du système municipal. Faut-il revenir en arrière ? Avec le conseiller territorial, nous avons eu récemment un débat sur la représentation respective des territoires. Le Conseil constitutionnel s'est prononcé. J'estime qu'il est justifié de fixer un nombre minimal de représentants. La solution proposée par M. Richard est bonne, ce qui n'est pas étonnant : il avait déjà réussi à résoudre de manière intelligente le fléchage dans l'intercommunalité. Mais gardons-nous de revenir à la loi de 1985 !

M. Pierre-Yves Collombat . - Nous sommes tous sensibles à la faible représentation de certains départements et, au sein même des départements, des territoires ruraux. Cependant, la proposition de loi n'est pas tenable. La technique proposée par M. Richard me semble compatible avec le système actuel, et apporte une solution aux cas désespérés, les plus beaux !

M. Alain Richard , rapporteur . Je constate qu'il n'y a pas de désaccord sur ma proposition.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article additionnel avant l'article 1 er

M. Alain Richard , rapporteur . - L'amendement n° 1 pose le principe : le nombre de conseillers régionaux peut être complété.

L'amendement n° 1 est adopté.

Article 1 er

M. Jean-Pierre Sueur , président . - L'amendement n° 2 prévoit un nombre minimal de trois conseillers régionaux.

M. Alain Richard , rapporteur . - L'étude d'impact est faite : cela créerait deux sièges supplémentaires de conseiller régional pour toute la France...

L'amendement n° 2 est adopté.

Article additionnel après l'article 1 er

M. Alain Richard , rapporteur . - L'amendement n° 3 énonce le mécanisme de calcul. Je me réserve de proposer des améliorations rédactionnelles en séance.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Il y aura une nouvelle réunion de notre commission sur ce texte.

M. Yves Détraigne . - Vous proposez donc une composition à géométrie variable pour le conseil régional, en fonction des résultats du vote ?

M. Alain Richard , rapporteur . - Oui.

M. Jean-Jacques Hyest . - À la marge...

Mme Cécile Cukierman . - La répartition par département est déjà fluctuante...

L'amendement n° 3 est adopté.

Article 2

L'amendement de suppression n° 4 est adopté.

Article 3

L'amendement de suppression n° 5 est adopté.

Article 4

L'amendement de suppression n° 6 est adopté.

Article 5

L'amendement de suppression n° 7 est adopté.

Article 6

L'amendement de suppression n° 8 est adopté.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - M. Richard, la Lozère peut vous être reconnaissante !

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article(s) additionnel(s) avant Article 1 er

M. RICHARD, rapporteur

1

Principe selon lequel l'effectif des conseils régionaux peut être ponctuellement complété

Adopté

Article 1 er
Départementalisation du scrutin régional

M. RICHARD, rapporteur

2

Minimum de trois conseillers régionaux par section départementale

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 1 er

M. RICHARD, rapporteur

3

Mécanisme de répartition des sièges supplémentaires

Adopté

Article 2
Suppression des sections départementales

M. RICHARD, rapporteur

4

Suppression de l'article

Adopté

Article 3
Déclaration de candidature

M. RICHARD, rapporteur

5

Suppression de l'article

Adopté

Article 4
Remplacement des conseillers régionaux

M. RICHARD, rapporteur

6

Suppression de l'article

Adopté

Article 5
Coordination en matière de contentieux électoral

M. RICHARD, rapporteur

7

Suppression de l'article

Adopté

Article 6
Coordination en matière de contentieux électoral

M. RICHARD, rapporteur

8

Suppression de l'article

Adopté

ANNEXE 1 - LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

_______

Contribution écrite de l'Association des Régions de France (ARF)

Contribution écrite du Bureau des Élections, ministère de l'intérieur

ANNEXE 2 - TABLEAU COMPARATIF DES PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DES TROIS MODES DE SCRUTIN RÉGIONAL

Mode de scrutin de 1985

Mode de scrutin de 1999

Mode de scrutin de 2003

Scrutin de liste

Scrutin de liste

Scrutin de liste

Un tour de scrutin

Deux tours de scrutin

Deux tours de scrutin

Les listes pouvant se présenter au second tour doivent avoir obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés au premier tour

Les listes pouvant se présenter au second tour doivent avoir obtenu plus de 10 % des suffrages exprimés au premier tour

Les listes admises au second tour peuvent fusionner avec des listes ayant obtenu au moins obtenu 3 % des suffrages exprimés

Les listes admises au second tour peuvent fusionner avec des listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés au premier tour

Représentation proportionnelle intégrale suivant la règle de la plus forte moyenne

Scrutin mixte combinant les règles du scrutin majoritaire et proportionnel

Système mixte combinant les règles des scrutins majoritaire et proportionnel

Mandat de six ans

Mandat de cinq ans

Mandat de six ans

Élection dans le cadre départemental

Élection dans le cadre régional

Le dépôt de liste s'effectue au niveau régional, les candidats étant toutefois répartis entre sections départementales.

Le nombre de sièges à attribuer pour chaque liste est calculé globalement au niveau régional, puis réparti entre les sections départementales en fonction du nombre de suffrages obtenus dans chaque section.

Répartition des sièges pour les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés

Prime majoritaire de 25 % des sièges pour la liste ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour ou la majorité relative au second tour

Prime majoritaire de 25 % des sièges pour la liste ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour ou la majorité relative au second tour

Les trois quarts des sièges restants sont ensuite répartis entre toutes les listes, y compris celle arrivée en tête des suffrages, ayant recueilli au moins 5 % des suffrages exprimés


* 1 Le quotient électoral est égal au rapport du total des suffrages exprimés au nombre de sièges à pourvoir.

* 2 Rapport d'information n° 382 (1995-1996) de M. Paul Girod sur le mode de scrutin régional.

* 3 Avant 1998, deux régions s'étaient heurtées à une impossibilité de faire adopter leur budget : la Haute-Normandie en 1995 et 1996 et l'Île-de-France en 1997.

* 4 Codifié à l'article L. 4311-1-1 du code général des collectivités territoriale puis abrogé depuis le 1 er avril 2004.

* 5 Rapport n° 192 (2002-2003) de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission des lois sur le projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques.

* 6 Dans le cadre du débat parlementaire sur le projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires et modifiant le calendrier électoral, l'article 16 prévoit d'abaisser à 1 000 habitants le seuil à partir duquel s'appliquerait, à compter des prochaines élections municipales de mars 2014, le scrutin de liste.

* 7 Pour mémoire, la loi n° 2010-145 du 16 février 2010 organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux a réduit le mandat des conseillers régionaux élus en 2010 à quatre ans, afin de permettre la concomitance des élections cantonales et des élections régionales en mars 2014, date initialement prévue pour l'élection des premiers conseillers territoriaux. Toutefois, l'article 24 du projet de loi relatif à l'élection des conseillers municipaux, des conseillers communautaires et des conseillers départementaux et modifiant le calendrier électoral, a prorogé le mandat des conseillers régionaux d'une année, jusqu'en mars 2015, afin de permettre la concomitance des élections régionales et départementales prévue par l'article 21 du même projet de loi, à la suite de l'abrogation du conseiller territorial, proposée par l'article 25.

* 8 Article L. 338 du code électoral.

* 9 A titre d'exemple : une liste ayant obtenu 10 sièges à l'échelon régional, en bénéficiant de 50 % du total de ses voix dans un département, de 30 % dans un deuxième et de 20 % dans le troisième département verra ses sièges répartis de la manière suivante : cinq sièges dans le premier département, trois dans le second département et deux dans le dernier.

* 10 Article L. 337 du code électoral.

* 11 Décision n° 2003-468 DC du 3 avril 2003 sur la loi relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques.

* 12 Décision n° 2010-618 DC, Loi de réforme des collectivités territoriales, considérants 37 et suivants.

* 13 A titre d'exemple : une liste ayant obtenu 10 sièges à l'échelon régional, en bénéficiant de 50 % du total de ses voix dans un département, de 30% dans un deuxième et de 20% dans le troisième département verra ses sièges répartis de la manière suivante : cinq sièges dans le premier département, trois dans le second département et deux dans le dernier.

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