N° 568

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 14 mai 2013

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , d' orientation et de programmation pour la refondation de l' école de la République ,

Par Mme Françoise CARTRON,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : Mme Marie-Christine Blandin , présidente ; MM. Jean-Étienne Antoinette, David Assouline, Mme Françoise Cartron, M. Ambroise Dupont, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Jacques Legendre, Mmes Colette Mélot, Catherine Morin-Desailly, M. Jean-Pierre Plancade , vice-présidents ; Mme Maryvonne Blondin, M. Louis Duvernois, Mme Claudine Lepage, M. Pierre Martin, Mme Sophie Primas , secrétaires ; MM. Serge Andreoni, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Pierre Bordier, Mme Corinne Bouchoux, MM. Jean Boyer, Jean-Claude Carle, Jean-Pierre Chauveau, Jacques Chiron, Claude Domeizel, Mme Marie-Annick Duchêne, MM. Alain Dufaut, Jean-Léonce Dupont, Vincent Eblé, Mmes Jacqueline Farreyrol, Françoise Férat, MM. Gaston Flosse, Bernard Fournier, André Gattolin, Jean-Claude Gaudin, Mmes Dominique Gillot, Sylvie Goy-Chavent, MM. François Grosdidier, Jean-François Humbert, Mmes Bariza Khiari, Françoise Laborde, M. Pierre Laurent, Mme Françoise Laurent-Perrigot, MM. Jean-Pierre Leleux, Michel Le Scouarnec, Jean-Jacques Lozach, Philippe Madrelle, Jacques-Bernard Magner, Mme Danielle Michel, MM. Philippe Nachbar, Daniel Percheron, Marcel Rainaud, Michel Savin, Abdourahamane Soilihi, Alex Türk, Hilarion Vendegou, Maurice Vincent .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

653 , 767 et T.A. 96

Sénat :

441 , 537 et 569 (2012-2013)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Tous niveaux confondus, les résultats des élèves français mesurés par les évaluations nationales et internationales sont très décevants. Notre système éducatif ne parvient plus à résorber l'échec scolaire et la proportion d'élèves en difficulté. À cela s'ajoutent des inégalités de destin scolaire de plus en plus étroitement corrélées au milieu social d'origine.

La qualité de notre service public de l'éducation est pourtant déterminante pour donner à notre pays la capacité de relever les défis contemporains : l'élévation du niveau de qualification, la lutte contre le chômage des jeunes, la réduction des inégalités sociales et territoriales, l'apprentissage de la citoyenneté et la restauration de la cohésion nationale.

Un sursaut s'impose pour redonner confiance au monde éducatif, aux élèves, aux enseignants et aux familles. Face à la brutalité des suppressions de postes et des réformes impréparées et imposées, aux décalages entre les promesses et la dureté du quotidien scolaire pour un nombre croissant de jeunes et de professeurs, l'État se doit de réagir afin de redresser une école en perte de repères.

L'école de la République réclame un choix de société, une ambition et des moyens à la hauteur des défis. C'est tout l'enjeu du projet de loi de refondation de l'école de la République.

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication s'est réunie le 14 mai 2013 afin d'examiner le rapport qu'elle avait confié à Mme Françoise Cartron et d'élaborer le texte sur lequel porteront les débats en séance plénière.

I. L'ÉTAT ACTUEL DE L'ÉCOLE

A. LES RÉSULTATS DES ÉLÈVES : DES ÉVOLUTIONS PRÉOCCUPANTES DEPUIS DIX ANS DANS UN SYSTÈME ÉDUCATIF QUI ACCROÎT LES INÉGALITÉS

Tous niveaux confondus, les résultats des élèves français mesurés par les évaluations nationales et internationales sont très décevants. Aucune tendance à l'amélioration depuis dix ans n'est malheureusement décelable, au mieux une stagnation, au pire une dégradation selon les disciplines. Surtout notre système éducatif ne parvient pas à résorber l'échec scolaire et la proportion d'élèves en difficulté. De plus, les inégalités de destin scolaire sont étroitement corrélées au milieu social d'origine, ce qui distingue notre pays parmi les États comparables membres de l'OCDE.

Dans l'attente d'une analyse des résultats de l'enquête triennale PISA 1 ( * ) 2012, il convient de se reporter :

- aux résultats de l'enquête quinquennale PIRLS 2 ( * ) sur les performances en lecture des enfants de CM1, d'une part ;

- aux enquêtes CEDRE 3 ( * ) du ministère de l'éducation nationale pour connaître les résultats à la fin du collège, d'autre part.

1. L'évaluation des performances en lecture au primaire

Les résultats des élèves français en lecture après la quatrième année de scolarité obligatoire sont évalués par les enquêtes internationales PIRLS. Le score moyen mesuré en 2011 (520) n'a pas évolué significativement par rapport aux enquêtes de 2006 (522) et de 2001 (525). 4 ( * )

Ils se trouvent toujours en deçà de la moyenne des pays voisins, des pays de l'Union européenne (534) ou des pays de l'OCDE (538). Ils sont nettement éloignés des performances de Hong Kong (571), de la Finlande (568) et de la Russie (568). Le Danemark, l'Angleterre, l'Irlande, les Pays-Bas, la République tchèque, l'Allemagne, l'Italie et le Portugal enregistrent également des résultats significativement meilleurs (entre 554 et 540). Au sein de l'Union européenne, seuls l'Espagne, la Wallonie, la Roumanie et Malte obtiennent de moins bonnes performances en lecture que notre pays.

Que l'on considère la lecture de textes informatifs ou narratifs, distingués dans la méthodologie de l'enquête PIRLS, les résultats français se situent sous la moyenne européenne. Mais il faut souligner que les performances en compréhension des textes informatifs ont nettement baissé en dix ans (- 13 points).

Quatre compétences de traitement des textes lus sont évaluées dans l'enquête PIRLS du plus simple au plus complexe : prélever l'information, inférer, interpréter et apprécier, c'est-à-dire juger le contenu et la langue. Sur dix ans, le score moyen des élèves français pour les compétences « prélever » et « inférer » - les moins exigeantes - reste relativement stable, alors que pour les compétences « interpréter » et « apprécier » plus complexes, il diminue significativement (11 points).

En outre, en observant la répartition des élèves français selon quatre groupes de performances, on peut constater qu'ils se trouvent à la fois surreprésentés dans le groupe le plus faible (32 % contre 25 % en moyenne) et sous-représentés dans le groupe de plus haut niveau (17 % contre 25 % en moyenne).

De plus, les performances de l'éducation prioritaire sont dès le CM1 nettement plus basses avec 40 points de moins que la moyenne nationale. La stagnation est là aussi quasi parfaite depuis 10 ans. Ceci témoigne de l'urgence d'une redéfinition et d'une relance des politiques d'éducation prioritaire et de réduction des inégalités scolaires d'origine sociale.

Enfin, le portrait est encore aggravé par le très fort taux d'absence de réponses et d'abandon avant la fin de l'épreuve. Les proportions sont considérables : 7 fois plus que les élèves finlandais, néerlandais ou nord-irlandais. C'est un symptôme d'une école anxiogène qui ne donne pas confiance en eux aux élèves. Une partie des faibles performances moyennes de notre pays s'explique mécaniquement par cette retenue et cette crainte de l'erreur. Les élèves français ne savent pas qu'ils savent et croient ne pas savoir.

2. L'évaluation des compétences générales de traitement de l'information à la fin du collège

Depuis 2003, le ministère de l'éducation nationale a mis en place un dispositif rigoureux, le Cycle des évaluations disciplinaires réalisées sur échantillon (CEDRE). Renouvelées tous les six ans pour chaque grand domaine de compétences (maîtrise de la langue, acquis en langues vivantes, histoire-géographie, sciences expérimentales, mathématiques, attitudes à l'égard de la vie en société), ces évaluations se déroulent selon des modalités analogues à celles des enquêtes internationales comme PISA.

Les derniers résultats disponibles après traitement résultent de la reprise en 2009 de l'évaluation de 2003 sur l'évaluation des compétences générales à la fin du collège. L'enquête CEDRE s'est appuyée sur les programmes du collège pour viser l'appréciation de trois compétences :

- savoir prélever l'information , ce qui comprend l'ensemble des moyens dont l'élève dispose pour accéder aux informations contenues dans des documents ;

- savoir organiser l'information prélevée , ce qui implique de pouvoir trier, choisir, transposer d'un support à un autre ou effectuer des inférences simples ;

- savoir exploiter l'information de manière complexe , comprenant le raisonnement déductif, la construction d'inférences complexes et la mise en oeuvre d'une démarche expérimentale.

Alors que les résultats en fin de primaire restaient stables à six ans d'intervalle, le score moyen des élèves en fin de collège baisse significativement entre 2003 et 2009. Cette baisse se traduit par une augmentation de la proportion des élèves les plus faibles de 15 % à 17,9 % et une diminution de la proportion des élèves les plus performants de 10 % à 7,1 %. Cette tendance défavorable touche particulièrement le secteur de l'éducation prioritaire : ainsi, la part des élèves en très grande difficulté y a plus que doublé entre 2003 et 2009, passant de 3,9 % à 8,7 % des effectifs.

Comme pour les élèves de CM2, les élèves de troisième ont été répartis en six groupes selon le niveau de leurs performances. Les groupes 0 et 1 sont composés d'élèves en grande difficulté (17,9 %), dont les compétences se limitent au prélèvement d'informations, sans capacité de les exploiter. L'organisation des informations commence à s'observer chez les élèves de niveau 2 (29,5 %). Au total, près de la moitié des élèves a des compétences fragiles et ne sait pas organiser correctement des informations prélevées dans des documents.

Seuls les élèves des groupes 4 (17,5 %) et 5 (7,1 %) savent exploiter l'information de manière complexe, cette compétence restant fragile chez les élèves du groupe 3 (29,6 %). Les élèves du groupe 5 sont les seuls capables de mettre en oeuvre des démarches scientifiques, de saisir le sens implicite d'un texte et de mener des raisonnements complexes.

L'empilement de dispositifs expérimentaux, tenté pendant la dernière législature, ne visait qu'à compenser la raréfaction des moyens et les lacunes de la formation des enseignants et ne pouvait suffire à redresser la barre. Un changement de cap pédagogique s'impose à l'évidence ; c'est le fondement même de la refondation de l'école, entreprise par le Gouvernement, après une concertation sans précédent de toutes les parties prenantes ouverte le 5 juillet 2012.


* 1 Programme international pour le suivi des acquis des élèves, mis en place par l'OCDE, depuis 2000.

* 2 Programme international de lecture en recherche scolaire, à l'initiative de l'Association internationale pour l'évaluation des acquis scolaires, depuis cinq ans.

* 3 Cycle des évaluations disciplinaires réalisées sur échantillon.

* 4 DEPP, PIRLS 2011 - Etude internationale sur la lecture des élèves au CM1 - Évolution des performances à dix ans , Note d'information, N° 12.21, décembre 2012.

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