Rapport n° 50 (2013-2014) de M. Jean-Louis CARRÈRE , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 8 octobre 2013

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N° 50

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 octobre 2013

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale ,

Par M. Jean-Louis CARRÈRE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Louis Carrère , président ; MM. Christian Cambon, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Mme Josette Durrieu, MM. Jacques Gautier, Robert Hue, Jean-Claude Peyronnet, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Daniel Reiner , vice-présidents ; Mmes Leila Aïchi, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Gilbert Roger, André Trillard , secrétaires ; M. Pierre André, Mme Kalliopi Ango Ela, MM. Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Pierre Bernard-Reymond, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Luc Carvounas, Pierre Charon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Jean-Pierre Demerliat, Mme Michelle Demessine, MM. André Dulait, Hubert Falco, Jean-Paul Fournier, Pierre Frogier, Jacques Gillot, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Gournac, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Gérard Larcher, Robert Laufoaulu, Jeanny Lorgeoux, Rachel Mazuir, Christian Namy, Alain Néri, Jean-Marc Pastor, Philippe Paul, Bernard Piras, Christian Poncelet, Roland Povinelli, Jean-Pierre Raffarin, Jean-Claude Requier, Richard Tuheiava, André Vallini .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

822 (2012-2013) et 51 (2013-2014)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat s'est réunie le mardi 8 octobre 2012, sous la présidence de M. Jean-Louis Carrère (SOC, Landes), président , en présence du ministre de la Défense, M. Jean-Yves Le Drian, et a procédé à l' examen , en première lecture , du rapport de M. Jean-Louis Carrère, rapporteur, sur le projet de loi n°822 (2012-2013) relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale et a établi les textes présentés par la commission sur ce projet de loi et son rapport annexé.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur, a rappelé que le projet de loi de programmation militaire 2014-2019 était fondé sur les conclusions du nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013.

Le projet de loi précise, dans son rapport annexé , les principales orientations de notre politique de défense et les décline en termes financiers, capacitaires, industriels et humains sur les six prochaines années.

Malgré un contexte économique et budgétaire extraordinairement difficile, et grâce à la détermination du Président de la République, le projet de loi de programmation militaire prévoit de sanctuariser l'effort consacré par la Nation à sa défense avec des ressources qui devraient atteindre 190 milliards d'euros courants sur la période 2014-2019.

Ainsi, il permettra de maintenir les ambitions de défense de la France à un niveau élevé et de préserver notre influence sur la scène internationale . La France sera l'un des rares pays en Europe capable de protéger de manière autonome son territoire et sa population, dissuader tout agresseur étatique potentiel qui menacerait nos intérêts vitaux, grâce au maintien de la dissuasion nucléaire dans ses deux composantes, et intervenir militairement sur des théâtres extérieurs pour faire respecter nos valeurs et honorer nos alliances. Les industries de la défense seront sauvegardées et l'effort de recherche en matière de défense préservé.

Le projet de loi comporte également un important volet normatif .

Outre des dispositions relatives notamment à la gestion des ressources humaines accompagnant la réduction des effectifs du ministère de la défense, qui devraient atteindre 23 500 postes supprimés auxquels s'ajoutent 10 175 postes au titre de la RGPP précédente LPM sur la période 2014-2019, ainsi que des dispositions relatives à l'immobilier , le corps du projet de loi aborde trois principaux sujets :

Tout d'abord, le projet de loi vise à améliorer le cadre juridique du renseignement . Il prévoit d'accorder de nouveaux outils aux services de renseignement afin notamment d'améliorer l'efficacité de la lutte contre le terrorisme. Dans le même temps, il prévoit de renforcer le contrôle démocratique, en étendant les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement ;

Ensuite, le projet de loi contient plusieurs mesures relatives au renforcement de la protection et de la défense des systèmes d'information de l'Etat et des opérateurs d'importance vitale face aux attaques informatiques à des fins d'espionnage, de déstabilisation ou de sabotage. Comme l'illustre l'actualité récente, ces attaques informatiques prennent désormais une ampleur stratégique ;

Enfin, plusieurs dispositions du texte visent à éviter une « judiciarisation » inutile de l'action des militaires engagés en opération extérieure.

Ayant procédé à de nombreuses auditions, tant en commission qu'en format restreint, la commission approuve les orientations générales du projet de loi de programmation militaire .

Elle a toutefois pleinement conscience des fragilités et des défis auxquels cette programmation sera confrontée lors de son exécution. Ces défis tiennent en particulier à la nécessité de garantir que les recettes exceptionnelles soient bien au rendez-vous, au montant et au moment prévus, mais aussi à la réussite de la « manoeuvre Ressources humaines » , à la réforme du soutien et au succès de nos industriels à l'export.

C'est la raison pour laquelle la commission a apporté au texte du Gouvernement un ensemble de modifications destinées à :

Assurer la cohérence stratégique en renforçant les « clauses de sauvegarde » financières - en particulier celle portant sur les recettes exceptionnelles en prévoyant, en cas de non réalisation, une compensation intégrale par d'autres recettes ou par des crédits budgétaires - ainsi que la « clause de revoyure » et en intégrant une « clause de retour à meilleure fortune » prévoyant, en cas d'amélioration de la situation économique, le redressement de l'effort de défense de la Nation qui devrait tendre vers l'objectif de 2 % du PIB ;

Renforcer le contrôle parlementaire sur l'exécution de la programmation , en prévoyant un suivi particulièrement vigilant, exigeant et permanent tout au long de l'exécution, par différentes mesures dont la possibilité pour les présidents et rapporteurs des commissions de la défense des deux assemblées d'exercer un contrôle « sur pièces et sur place » à l'image du contrôle exercé aujourd'hui par les rapporteurs spéciaux de la commission des finances ;

Appeler l'attention du Gouvernement sur la cohérence capacitaire en soulignant les principales fragilités de notre format d'armées, aussi bien en ce qui concerne les équipements, que la préparation opérationnelle, les ressources humaines et le soutien ;

Améliorer les dispositions normatives , notamment en matière de protection des systèmes d'information et de protection des militaires face au risque de judiciarisation.

Saisie de quarante amendements proposés par son rapporteur et d'un amendement déposé par M. Jean-Jacques Hyest, la commission a adopté trente amendements de son rapporteur.

Votre commission a adopté le projet de loi et son rapport annexé ainsi modifiés.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale a été adopté par le Conseil des ministres le 2 août 2013 et déposé sur le Bureau du Sénat.

Compte tenu de l'importance de ce texte et conformément à une pratique solidement établie au sein de votre commission, votre rapporteur a souhaité associer à son examen l'ensemble des rapporteurs budgétaires de la mission défense ainsi que d'autres membres de la commission ayant travaillé sur les sujets contenus dans le corps du projet de loi 1 ( * ) .

Rappelons que la précédente loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2009-2014 prévoyait une révision au bout de quatre ans.

Le Président de la République a souhaité que cette révision soit anticipée et précédée d'un nouveau Livre blanc pour mieux tenir compte de la nouvelle donne stratégique.

En effet, depuis le précédent Livre blanc de 2008, le contexte stratégique a connu des évolutions majeures avec notamment les conséquences de la crise économique et financière, la nouvelle posture de la diplomatie américaine de « rééquilibrage » vers l'Asie-Pacifique, les révolutions dans le monde arabe, l'apparition de nouvelles zones d'instabilité en Afrique, l'essoufflement de la construction européenne en matière de défense ou encore le développement de la cyber menace.

Il semblait donc indispensable de tenir compte de ces évolutions afin d'adapter notre stratégie et notre outil de défense, et ce d'autant plus que la trajectoire financière de la LPM 2009-2014 avait été sensiblement affectée par les conséquences de la crise économique et budgétaire mettant hors de portée les différents contrats opérationnels des armées.

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, rendu public le 29 avril 2013, a permis de mettre à jour notre stratégie de défense et les missions de nos forces armées. Il a confirmé le concept de sécurité nationale, introduit par le précédent Livre blanc de 2008, et a défini un nouveau format d'armée à l'horizon 2025-2030.

Le projet de loi de programmation militaire 2014-2019 - la douzième depuis 1960 - constitue la première étape de la mise en oeuvre des orientations du nouveau Livre blanc.

Le rapport annexé au projet de loi précise les orientations de notre politique de défense et les décline en termes financiers, capacitaires, industriels et humains sur les six prochaines années.

La programmation militaire s'est faite dans le respect de deux impératifs :

- le maintien de l'effort consacré par la Nation à sa défense , afin de garantir la sécurité de la France et de ses intérêts ;

- la nécessaire prise en compte de l'objectif de redressement des finances publiques , dont la dégradation est devenue en elle-même un enjeu de souveraineté.

Afin de concilier ces deux impératifs et malgré un contexte économique et budgétaire extraordinairement difficile, la détermination sans faille du Président de la République a permis de sanctuariser les moyens financiers dont disposera la défense nationale.

Le projet de loi de programmation militaire maintient les ressources du ministère de la défense à leur niveau actuel jusqu'en 2016, soit 31,4 milliards d'euros par an. Elles augmenteront ensuite progressivement jusqu'en 2019 pour atteindre 32,5 milliards d'euros. Les ressources programmées sur la période 2014-2019 atteindront au total 190 milliards d'euros exprimés en valeur 2013 (euros courants).

Ce projet permet ainsi de maintenir les ambitions de défense à un niveau élevé et de prévenir la plupart des menaces et des risques pesant sur notre sécurité.

La France sera l'un des rares pays en Europe capable de protéger de manière autonome son territoire et sa population, dissuader tout agresseur étatique potentiel qui menacerait ses intérêts vitaux, grâce au maintien des deux composantes de nos forces stratégiques, et intervenir militairement dans des théâtres extérieurs pour faire respecter ses valeurs, honorer ses alliances et tenir son rang sur la scène internationale.

Afin de dégager les marges de manoeuvres budgétaires nécessaires à la poursuite de ces ambitions, le présent projet de loi prolonge, mais de façon plus modérée, la réduction du format de nos armées. Moins nombreuses, mais mieux armées, nos forces vont bénéficier de l'arrivée d'équipements nouveaux qui accroîtront leur efficacité opérationnelle. C'est le cas en particulier des drones MALE, des avions de transport tactique A400M et des ravitailleurs en vol, dont l'absence a fait défaut lors des derniers engagements de nos forces. Elles bénéficieront également, entre autres équipements, du premier sous-marin d'attaque nucléaire de la classe BARRACUDA et de six frégates de premier rang FREMM. La livraison des avions de combat RAFALE sera poursuivie. La modernisation des moyens de transport et de combat terrestre va continuer grâce au lancement du programme tant attendu : SCORPION.

Les efforts budgétaires prévus et les orientations tracées, en particulier la priorité donnée aux équipements, au renseignement, à la cyberdéfense permettront à la France de disposer d'un outil de défense moderne adapté.

Notre industrie de défense sera pour l'essentiel sauvegardée et la Recherche et Technologie de défense bénéficiera de la sanctuarisation de ses crédits à un niveau élevé.

Le présent projet de loi contient également un important volet normatif.

Outre des mesures de gestion des ressources humaines accompagnant les réductions d'effectifs et relatives à la protection des sites, installations et immeubles intéressant la défense nationale, trois principaux sujets sont traités dans le corps du projet de loi :

- le cadre juridique du renseignement ;

- la protection des systèmes d'information ;

- et le traitement pénal des affaires militaires.

Le renseignement est élevé au rang de priorité majeure. Le projet confère de nouveaux outils aux services de renseignement pour remplir leurs missions de lutte contre le terrorisme et contre les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation.

Dans le souci de préserver un équilibre entre l'efficacité de l'action des services et le contrôle démocratique, le projet de loi renforce le contrôle parlementaire en élargissant les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement.

Le projet de loi contient aussi un important volet consacré à la protection des systèmes d'information et de communication de l'Etat ou des opérateurs d'importance vitale face aux attaques informatiques à des fins d'espionnage, de déstabilisation ou de sabotage. Ces attaques constituent, comme l'illustre l'actualité récente, une menace stratégique d'ampleur.

Enfin, le texte du projet de loi vise à protéger les militaires engagés dans le cadre d'une opération militaire à l'étranger contre le risque d'une judiciarisation excessive de leur action.

En Afghanistan avant-hier, en Côte d'Ivoire et en Lybie hier, au Mali aujourd'hui et peut être en Syrie demain, les hommes et les femmes qui composent nos forces armées ont fait la preuve de leur professionnalisme, de leur dévouement et de leur engagement total qui va parfois jusqu'au sacrifice suprême. Votre commission tient à leur rendre hommage pour leur action dans les opérations récentes.

Pour ces raisons, votre commission approuve les orientations générales de ce projet de loi de programmation militaire et mesure à leur juste valeur les efforts qu'elle implique dans un contexte budgétaire difficile.

Elle a pleinement conscience des fragilités que comporte cette programmation militaire et des défis auxquels cette loi sera confrontée lors de son exécution. Le présent rapport n'a aucunement l'intention de les dissimuler. Les défis en question tiennent évidemment à la nécessité de garantir que les ressources exceptionnelles soient bien au rendez-vous, mais aussi au succès de nos industriels à l'export, à la réussite de la manoeuvre RH et à la réforme du soutien. Qu'un seul élément fasse défaut et c'est l'ensemble de l'édifice qui menacerait de s'effondrer.

C'est pourquoi votre commission a apporté au texte du gouvernement un ensemble de modifications destinées à :

- assurer la cohérence stratégique en renforçant la portée des clauses de sauvegarde financière - en particulier celle portant sur les ressources exceptionnelles - et en prévoyant un suivi particulièrement vigilant, exigeant et permanent de l'exécution de la programmation ;

- appeler l'attention du gouvernement sur la cohérence capacitaire en soulignant les principales fragilités de notre format d'armées, aussi bien en ce qui concerne les équipements que la préparation opérationnelle, la réussite de la manoeuvre RH et la réforme du soutien ;

- améliorer les dispositions normatives , notamment en matière de cyberdéfense et de protection des militaires face au risque de judiciarisation des opérations extérieures.

La trajectoire financière de la programmation militaire est dans la situation budgétaire actuelle, la moins mauvaise possible.

Votre commission garde espoir dans un retour de notre économie à meilleure fortune afin de permettre le nécessaire redressement de l'effort de la nation en faveur de la défense, qui devrait tendre vers l'objectif de 2% du PIB. C'est la raison pour laquelle votre commission a adopté un amendement visant à garder cette perspective présente à l'esprit dans le corps du projet de loi. Sous réserve de ces modifications, elle vous propose d'adopter le présent projet de loi.

I. LA NÉCESSAIRE ADAPTATION DE NOTRE OUTIL DE DÉFENSE

A. LE NOUVEAU CONTEXTE STRATÉGIQUE

1. La mutation des menaces

L'évolution du monde rend évolutives nos grilles d'analyses. Déjà par rapport aux analyses du nouveau Livre blanc de 2013 le contexte des crises a évolué. Certes les lignes directrices demeurent mais, pour certaines d'entre elles, elles ressemblent au point fixe que constitue une embarcation sur une vague.

Comme l'a mis en évidence le nouveau Livre blanc de 2013, aux traditionnelles « menaces de la force » qui perdurent s'ajoutent désormais et de façon de plus en plus prégnante les « risques de la faiblesse ». Il s'agit d'un phénomène stratégique qui prend aujourd'hui une ampleur nouvelle. Ces risques apparaissent lorsque certains Etats se révèlent incapables d'exercer les fonctions de base de la souveraineté. Les risques et les menaces qui se cristallisent sur leur territoire peuvent alors rapidement déborder et affecter notre propre sécurité. Ces situations d'Etats faillis se retrouvent aussi bien au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie. Dans l'arc sahélien et dans la corne de l'Afrique les trafics en tout genre se multiplient et les menaces terroristes s'accentuent.

Au Moyen-Orient les révolutions arabes n'ont pas fini d'épuiser leurs effets déstabilisants. Ce que l'on a appelé les «printemps arabes» a constitué une surprise stratégique et mis à jour les faiblesses de l'anticipation de nos appareils diplomatiques et de renseignement. Ces révolutions ont fait passer ces pays d'un l'immobilisme, dont en général les pays occidentaux se félicitaient, à l'instabilité. Les fortes turbulences ont amené une fragmentation de l'expression politique là où dominaient les partis uniques. Les pouvoirs politiques sont durablement fragilisés et doivent néanmoins faire face à une triple impasse politique, économique et sécuritaire. Face à ces turbulences l'Europe en particulier ne sait comment réagir ou même seulement comment agir.

Les évènements survenus principalement du Maroc à l'Egypte ont été trop souvent analysés au travers d'une grille de lecture occidentale. Les aspirations à la dignité, à la liberté et au partage des gains économiques ne se sont pas traduites jusqu'à présent par des avancées démocratiques telles qu'elles avaient été espérées en occident. Chacun de ces pays doit, là comme ailleurs, trouver ses propres voies vers la démocratie.

La recomposition de ces pays sera d'autant plus douloureuse et incertaine que les aspects religieux - le conflit entre les deux grandes branches de l'Islam - imposent de réactualiser notre grille de lecture. A cela se superpose une opposition entre les religieux et les laïcs - encore cette notion n'a-t-elle rien à voir avec notre conception occidentale de la laïcité. En particulier, le modèle turc dont on avait pu penser qu'il constituerait un objectif, parait aujourd'hui improbable ; ce pays n'est du reste pas épargné par la contestation.

La crise syrienne apparait comme l'épicentre de ces lignes de fractures internes et se diffuse au sein de la région et au niveau mondial. Le pouvoir en place est soutenu par l'Iran, l'Irak et le Hezbollah libanais. Il est protégé par la Russie et la Chine qui ne lèvent leur veto qu'au moment où la menace d'une intervention aurait révélé leur impuissance à défendre leur allié militairement autrement qu'en l'armant. L'opposition se partage les soutiens des occidentaux pour ce qui est de la coalition et de l'Armée syrienne libre, et l'Arabie Saoudite et le Qatar, eux-mêmes rivaux. Les risques de contagion régionale avec l'affaiblissement du Liban et de la Jordanie sont importants.

L'évolution récente de l'Iran, si elle se traduit par des avancées concrètes, peut néanmoins changer la donne. Une réintégration de l'Iran dans la communauté internationale ferait perdre à Israël l'argument du risque existentiel. L'Etat hébreux ne serait plus à terme la seule démocratie de la zone proche orientale. L'interminable conflit israélo palestinien pourrait y puiser un rebond vers une solution.

Ces mouvements appellent des réactions et l'implication de la communauté internationale, en particulier des Nations-Unies.

Ce nouveau contexte stratégique a déjà conduit et pourrait conduire à nouveau à l'engagement des forces françaises. On songe naturellement à la Côte d'Ivoire, à la Libye, au Mali ainsi qu'à la situation très préoccupante en Syrie et en République centrafricaine (RCA). Pourtant le bilan des interventions depuis une quinzaine d'années n'est à l'évidence pas totalement positif. L'Irak paraît retourner aux démons de la guerre civile ; le sort de l'Afghanistan après 2014 est incertain ; la Libye, notamment dans toute sa partie sud est un Etat de non droit. Avec la Tunisie et l'Egypte, la Libye devient un foyer du radicalisme. Si le Mali n'a été stabilisé que par l'intervention française, l'instabilité s'est transportée comme dans un vase communiquant sur d'autres pays. La crise en RCA en est une illustration.

La règle cardinale de la communauté internationale reste le principe de la souveraineté des Etats. Si ce principe a pu être écorné en Libye, il semble probable que l'application des principes qui ont conduit à l'intervention reste orpheline. Avec la montée en puissance des émergents et le recul simultané des puissances occidentales, il est probable que la primauté du principe de souveraineté demeure la clé de lecture majeure de la diplomatie internationale.

D'autres menaces et risques sont amplifiés par la mondialisation. On pense naturellement à la menace terroriste visant nos ressortissants ou nos intérêts, sur notre territoire ou à l'extérieur, qui demeure élevée, mais aussi à la prolifération ou au développement des trafics et de la criminalité organisée.

Certaines menaces pèsent sur les flux de biens, de marchandises, ou de personnes, avec notamment les risques pesant sur la sécurité maritime, comme en témoigne l'accroissement de la piraterie, dans le Golfe d'Aden et dans l'Océan Indien, mais aussi dans le Golfe de Guinée.

Enfin, de nouvelles menaces apparaissent aujourd'hui avec le développement exponentiel des attaques informatiques à des fins d'espionnage, de déstabilisation ou de sabotage ou encore les menaces pouvant viser l'espace atmosphérique.

Ces évolutions de la menace permettent d'appréhender un monde très incertain et complexe sur l'évolution duquel les actions traditionnelles, opérations de maintien de la paix par exemple, sont brouillées. La convergence des valeurs et des intérêts est mise à mal par ce phénomène comparable au brouillard de la guerre. Pour autant, les règles de la diplomatie ne sont pas celles de la guerre même si elles devraient parfois s'en inspirer. Face à l'opinion publique, confrontée principalement à la menace économique, la lutte contre les menaces extérieures doit passer par une pédagogie de nos intérêts.

2. Les évolutions de la politique américaine

Trois évolutions marquent la politique américaine. La première est celle du « rééquilibrage vers l'Asie-Pacifique ». La deuxième est celle de la « fatigue expéditionnaire » qui fait suite aux interventions en Irak et en Afghanistan et qui conduit à un désengagement du Moyen-Orient. Le fait que les Etats-Unis vont atteindre l'autonomie énergétique avec la mise en exploitation des gisements de gaz de schistes, renforce ce mouvement. Enfin, la troisième résulte des difficultés économiques qui conduisent à une réduction programmée des dépenses militaires dans un contexte budgétaire exacerbé par les affrontements partisans.

Ces trois évolutions se conjuguent et se confortent pour produire deux effets significatifs.

D'une part, il sera de plus en plus difficile pour les dirigeants américains de justifier vis-à-vis du Congrès et de leur opinion publique des dépenses militaires au profit des Européens, alors même que ceux-ci ne semblent guère menacés et qu'ils ne font aucun effort en faveur de leur défense. L'engagement américain pour la défense de l'Europe va donc diminuer. D'autre part les réductions significatives de l'effort de défense américain vont se traduire nécessairement par un accroissement de la compétition entre leurs industriels et les nôtres, notamment sur les marchés d'équipement des pays émergents en pleine expansion. Ce d'autant plus que les autorités américaines s'oriente vers un allègement des restrictions aux exportations sous la pression des lobbys industriels.

3. La crise économique et financière

La crise économique et financière qui perdure depuis 2008 et dont l'Europe peine à sortir a eu un impact profond et durable sur la hiérarchie des puissances. Comme votre commission l'a souligné dans son récent rapport d'information sur la défense européenne 2 ( * ) , la crise économique et financière a conduit toutes les nations européennes, y compris le Royaume-Uni, à l'exception notable de la Pologne, à effectuer des coupes importantes dans leurs budgets de défense.

La part des dépenses de défense dans le PIB des pays européens est passée en moyenne de 1,9% en 2001 à 1,25 % en 2012. Aujourd'hui, un seul pays européen (le Royaume-Uni) atteint l'objectif de 2% du PIB consacré à la défense (hors pensions), cinq pays seulement (dont la France avec 1,54%) consacrent entre 2 et 1,5% du PIB à la défense, tandis que sept pays européens consacrent entre 1,5 et 1% du PIB (dont l'Allemagne avec 1,1%) et quatorze pays membres consacrent moins de 1% de leur PIB à la défense.

Certes, cette diminution des dépenses militaires préexistait à la crise économique. Mais elle a été amplifiée par celle-ci. Elle s'est traduite par des réductions volontaires ou subies de capacités militaires, ainsi qu'une réduction importante du format des armées. Alors que la part des dépenses d'équipement dans les budgets de la défense reste supérieure à 30% en France, cette part est tombée à 21% en Allemagne, 11% en Italie et à 8% en Espagne. L'écart est encore plus grand en ce qui concerne l'effort en matière de recherche et de développement dans le domaine de la défense.

Ainsi, entre maints exemples, le Royaume-Uni a renoncé à maintenir ses moyens aériens de patrouille maritime ; les Pays-Bas ont purement et simplement renoncé à l'arme blindée et ont envoyé leurs équipages de chars se former au sein de l'armée allemande.

La crise économique et financière et ses conséquences budgétaires ont eu également pour effet un fort sentiment de lassitude - surtout aux Etat-Unis mais plus largement chez l'ensemble des opinions publiques occidentales. Les interrogations qui existent sur le bilan des guerres menées en Irak ou en Afghanistan au regard des résultats obtenus, conduisent à un scepticisme pour les opérations extérieures et à un abstentionnisme stratégique.

Jusqu'à présent la France oppose à ce sentiment d'abstention un certain volontarisme fondé sur la défense des valeurs. La position majoritaire en Europe, repliée sur son seul soft-power, et la contrainte budgétaire mettent ce volontarisme à l'épreuve.

B. L'EXÉCUTION INABOUTIE DE LA PRÉCÉDENTE LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE

1. La diminution des ressources budgétaires

La LPM 2009-2014 prévoyait d'allouer à la mission « défense » 128,7 milliards d'euros courants pour la période 2009-2012. Ce montant prenait en compte toutes les ressources disponibles, y compris les ressources exceptionnelles issues de la cession de biens immobiliers et de bandes de fréquences détenues jusqu'alors par le ministère de la défense.

En exécution sur la période 2009-2012, le ministère n'aura bénéficié que de 125,7 milliards d'euros, soit un écart de 2,9 milliards d'euros qui représente 2,3% entre la trajectoire programmée et la trajectoire exécutée.

Il est vrai que la trajectoire financière de la LPM 2009-2014 avait été sensiblement modifiée par la loi de programmation des finances publiques de 2010. Le total programmé sur la période 2009-2012 avait ainsi été ramené à 127,09 milliards d'euros, ce qui réduisait l'écart entre les deux trajectoires à 1,9 milliard d'euros, soit 1,52% du total en 2012.

Mais malgré cette rectification, et en prenant en compte les choix effectués dans le projet de loi de finances pour 2013, les deux trajectoires ont continué à diverger. L'écart est ainsi passé en 2013 à 2,66 milliards d'euros, soit 1,64% du montant initial entre la trajectoire rectifiée en 2010 et la trajectoire réellement exécutée.

L'application de la règle du « zéro volume », c'est à dire une augmentation au même rythme que l'inflation, aurait conduit, selon le rapport de la commission des finances du Sénat sur la loi de finances pour 2012, à un écart cumulé de 15 milliards d'euros sur la période 2009-2020 3 ( * ) .

L'application de la règle du « zéro valeur », c'est-à-dire le maintien en valeur faciale sans prise en compte de l'inflation, aurait conduit selon le même rapport à un écart de 29 milliards d'euros.

La comparaison de l'exécution de la LPM 2009-2014 avec les LPM antérieures est difficile puisque cette loi fut la première loi de programmation à englober la totalité des ressources de la mission défense, à l'exception il est vrai des dépenses de pension, alors que les autres ne portaient que sur les équipements.

L'écart constaté de 4,76 milliards d'euros entre la trajectoire programmée à l'origine et la trajectoire exécutée - 2,66 milliards par rapport à la trajectoire rectifiée en 2010 peut sembler faible rapporté à la somme totale de la programmation : 161,89 milliards.

Mais il faut tenir compte de l'inertie des dépenses engagées en particulier de la masse salariale, l'importance des pénalités contractuelles dans les surcoûts et enfin et surtout les effets de seuils qui renchérissent mécaniquement le coût unitaire des équipements produits chaque fois que l'on diminue la cible d'un programme.

Beaucoup plus grave : l'absence de maîtrise de l'évolution de la masse salariale inscrite dans le programme 178 « soutien des forces » est venu mécaniquement évincer les dépenses du programme 146 « équipement des forces ».

Au total, la réalisation du format d'armées tel qu'il avait était conçu en 2008 est apparu irréaliste, et la mise au point d'une nouvelle trajectoire physico-financière s'imposait.

2. L'apparition de lacunes capacitaires

Le précédent Livre blanc était porteur d'un niveau d'ambition élevé en matière capacitaire. Malheureusement l'écart entre les moyens budgétaires alloués qui diminuaient et les ambitions de défense qui restaient inchangées a provoqué l'apparition de lacunes significatives.

En effet, malgré des succès militaires incontestables attestant de la valeur de nos armées, les opérations en Lybie et au Mali ont montré les limites atteintes par un format « juste insuffisant » 4 ( * ) . Sans l'aide de ses alliés, en particulier en matière de transport stratégique et de ravitaillement en vol, la France ne pourrait conduire seule des opérations de forte intensité, dans des délais aussi brefs que ceux constatés dans ces deux opérations.

Si on examine les lacunes par systèmes de forces en commençant par le « commandement et la maîtrise de l'information », il est navrant de constater que, depuis quinze ans, les hésitations des états-majors, les atermoiements des décideurs politiques et les luttes fratricides entre industriels ont eu pour seul résultat de priver les forces françaises de drones MALE performants. Cette insuffisance a été particulièrement ressentie au Mali. Par ailleurs, l'étalement dans le temps du programme de renouvellement du système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA) ne peut être considéré comme satisfaisant en termes de surveillance de l'espace aérien national et de respect de la « souveraineté ».

En ce qui concerne le système de force « projection et mobilité », la principale lacune capacitaire concerne le ravitaillement en vol. La flotte de Boeing C 135 et KC 135 est en fonction depuis plus de cinquante ans. Par ailleurs, les difficultés rencontrées par EADS dans la réalisation du programme A400M a conduit à différer de trois ans ce programme emblématique et à continuer à soutenir des Transall C 160 hors d'âge. Le comblement par des avions de transport tactique Casa 235 a permis de limiter l'impact en termes de préparation des pilotes et des troupes parachutées. Mais il n'en reste pas moins qu'une réduction temporaire de capacité est à redouter en matière de transport tactique à l'horizon 2015-2020.

En ce qui concerne le système de force « engagement et combat », le retard du programme SCORPION a privé l'armée de terre d'un renouvellement cohérent de ses moyens d'engagement à bout de souffle, hormis il est vrai l'entrée dans les forces du tout nouveau véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI) et de quelques dizaines de véhicules à haute mobilité (VHM).

En matière de « protection et sauvegarde », l'absence d'engagement ferme en faveur de la défense antimissile balistique (DAMB) de l'OTAN freine nos industriels dans l'acquisition des technologies génériques qui seront nécessaires pour les armes futures. La décision de privilégier les radars à très longue portée (réalisation d'un démonstrateur 1/8 eme ) par rapport au satellite a été peu satisfaisante et malgré leur questionnement, vos rapporteurs n'ont pas eu de réponses sur le fait de savoir si ce démonstrateur fonctionnait ou pas.

Seule la dissuasion nucléaire a été épargnée lors de la précédente programmation. Encore faut-il souligner que pour se déployer efficacement les forces stratégiques, aussi bien navales qu'aériennes, ont besoin d'un environnement conventionnel adapté.

3. La dégradation de la préparation opérationnelle et de la disponibilité des matériels

L'entraînement fonde la valeur opérationnelle des forces armées. La qualité de la préparation opérationnelle de l'armée française et sa cohérence avec les standards internationaux 5 ( * ) conditionnent aussi la capacité d'intégration de nos forces armées dans des coalitions multinationales.

Depuis plusieurs années, votre commission s'alarme de l'effritement continu et préoccupant des crédits dévolus à la préparation opérationnelle 6 ( * ) , et des conditions d'entraînement des militaires.

Un fossé semble de plus en plus s'instaurer, à cet égard, entre les unités projetées en OPEX et les autres.

Dans un contexte de rareté budgétaire et d'engagements nombreux en opérations, les forces armées ont été contraintes de privilégier la mobilisation d'un maximum de ressources en faveur des interventions extérieures (Afghanistan, Libye, Mali...), ce qui a eu pour contrepartie logique la rétraction des moyens disponibles pour les missions d'entraînement sur le territoire national.

Les engagements extérieurs ont conduit à privilégier la préparation à la projection au détriment de la préparation générique : c'est le principe de la « préparation opérationnelle différenciée » mise en oeuvre dans l'armée de terre, par exemple.

Ainsi, le plan d'entraînement de l'armée de terre était fortement orienté vers les opérations extérieures programmées pour les différentes unités (Afghanistan en particulier). Ceci ne permettait pas de mettre l'accent sur certaines compétences liées aux combats de haute intensité, par exemple avec une utilisation importante de l'arme blindée cavalerie, qui n'a pas connu d'engagement massif depuis la première guerre du Golfe. Or, la préparation générique constitue le socle de la préparation des forces terrestres et définit le seuil de leur crédibilité opérationnelle. Elle consiste à maîtriser les savoir-faire communs à tous les soldats, en opérations extérieures comme sur le territoire national, et les savoir-faire spécifiques de chaque métier (infanterie, cavalerie, logistique, etc.)...

En clair, la préparation opérationnelle différenciée des forces a permis de garantir un niveau d'entraînement adéquat aux unités devant partir en opérations à court terme, mais a conduit à relâcher l'effort pour les forces dont la projection n'est pas prévue à court terme. La même logique a prévalu pour l'armée de l'air voire pour la marine nationale.

Les indicateurs de préparation opérationnelle ont chuté et atteignent aujourd'hui un niveau préoccupant.

La Cour des comptes a fourni un diagnostic détaillé de ce décrochage à l'été 2012 7 ( * ) . Il a été corroboré par les chiffres contenus dans les deux derniers projets annuels de performances publiés par le Gouvernement en annexe des projets de loi de finances, qui ont fait le constat de l'impossibilité à atteindre les objectifs de préparation opérationnelle fixés par la précédente LPM, et qui ont en conséquence diminué les cibles à atteindre pour les années suivantes.

Ainsi, pour ne prendre qu'un exemple, l'objectif de 150 jours d'entraînement par an pour l'armée de terre, fixé par la précédente loi de programmation, budgétairement hors d'atteinte, a été revu à la baisse, dans une fourchette fluctuant selon les années entre 120 jours et 105 jours (comme c'était le cas en 2013), niveaux que votre commission a déjà eu l'occasion de juger faibles.

Indicateurs d'entraînement de l'armée de terre

Objectifs
LPM

2005

Réalisation

2006

Réalisation

2007

Réalisation

2008

Réalisation

2009

Réalisation

2010

Réalisation

2011

Réalisation

2012

Réalisation

2013

Prévision actualisée

2014 2013

Prévision

Journée d'activité (avec matériel organique)

100 (50)

96 (40)

96 (40)

96 (46)

91 (33)

-

-

-

-

-

-

JPAO

(journée de préparation et d'activité opérationnelle)

150

-

-

-

110

105

119

117

109

118

-

JPO

(journée de préparation opérationnelle)

90

(LPM 2014-2019)

-

-

-

-

-

78

78

77

83

83

Heures de vol

180

160

169

167

168

170

177.4

180

170

160

156

Source : ministère de la défense

Cette attrition de l'entraînement fragilise plus particulièrement certaines compétences.

Ainsi, compte tenu de la complexité des engagements conduits par l'aviation légère de l'armée de terre (ALAT), le besoin de préparation opérationnelle des pilotes d'hélicoptère est en réalité plus proche des 200 heures de vol par an 8 ( * ) que de la cible des 180 heures fixée par la précédente loi de programmation. Malgré le recours aux vols sur matériels de substitution et à la simulation, le nombre d'hélicoptères disponibles en métropole au titre de l'entraînement ne permet toutefois pas d'atteindre les 180 heures ( 156 heures d'entraînement en 2013 !). De ce fait, le déséquilibre OPEX /métropole s'accentue : la priorité donnée aux opérations, la faible disponibilité des matériels, le manque de personnels de maintenance et de pièces détachées (liés à Serval) grèvent encore l'entraînement en métropole.

Indicateurs d'entraînement de la Marine nationale

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013 Prévision actualisée

2014

Prévision

Objectifs LPM

Bâtiment (bâtiment de haute mer de plus de 1000 tonnes) jours de mer

92 (108)

92 (103)

94 (110)

87 (94)

87 (97)

91 (103)

92 (107)

89 (98)

88 (97)

86

(94)

100

(110)

Pilote de chasse (pilote qualifié nuit) - heures de vol

183 (203)

167

(196)

172

(199)

170

(200)

195

(199)

199

(224)

196

(232)

167 (196)

175 (210)

150

(80)

180

(220)

Pilote d'hélicoptère -

Heures de vol

204

217

211

193

188

218

199

220

202

180

220

Équipage d'avions de patrouille maritime -

Heures de vol

350

342

339

325

324

318

353

328

360

288

350

Source : ministère de la défense

Pour la Marine nationale, malgré l'emploi soutenu des avions de patrouille maritime lors de l'opération Serval, un déficit en activité aéromarine perdure toutefois, du fait notamment de la dégradation de la disponibilité des hélicoptères Lynx et Caïman. L'activité des pilotes n'est en effet généralement pas à la hauteur des objectifs de la loi de programmation, en raison principalement d'une disponibilité technique insuffisante.

Plus globalement, les matériels vieillissants (Frégates anti-sous-marine, hélicoptères Lynx, SNA) sont les plus régulièrement touchés par des défaillances qui se traduisent immédiatement par une baisse de l'activité. De plus, après des périodes d'activité plus denses, la régénération technique du matériel se traduit par une diminution significative de l'activité.

Les exceptions qui apparaissent, qui sont liées aux engagements opérationnels (Harmattan en 2011, Baliste et Corymbe en 2006-2007), masque là aussi des disparités importantes entre les différents types de bâtiments et composantes de l'aéronautique navale.

Indicateurs d'entraînement de l'armée de l'air

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013 Prévision actualisée

2014 Prévision

Objectifs LPM

Chasse

171

175

181

177

176

170

190

169

150

150

180

Transport

281

284

298

304

250

287

310

265

280

230

400

Hélicoptères

187

190

190

151

182

170

190

199

190

160

200

Source : ministère de la défense

Pour l'armée de l'air , l'insuffisance d'activité des équipages « chasse » due au manque de disponibilité des matériels ( 150 heures de vol prévues en 2013 contre un objectif de 180 ) a pour conséquence un allongement de la phase de régénération des équipages (difficultés de formation pour les jeunes équipages et d'entretien de compétence pour les équipages expérimentés). D'après le ministère de la défense lui-même, « l'activité aérienne « chasse » (...) ne pourrait être maintenue durablement à ce niveau dans le temps sans que soit remise en cause la pérennité des compétences dans ce domaine, notamment pour les flottes de Mirage 2000D, de Mirage 2000-5 et de Rafale 9 ( * ) ».

Pour les pilotes « transport » on observe le même le déséquilibre équipages confirmés/formation, du fait de Serval : l'acquisition des compétences en métropole est problématique du fait de l'activité très réduite. Les objectifs d'activité ont en effet été régulièrement affectés par des contraintes liées au vieillissement des parcs. Le plan d'actions élaboré pour les flottes C130 et C160 a permis de redresser l'activité en 2011, sans atteindre toutefois les objectifs de la loi de programmation.

Par ailleurs, les chiffres masquent de fortes disparités de qualification entre les équipages de l'armée de l'air. Au sein d'une même flotte, l'activité opérationnelle a généré des déséquilibres entre les pilotes aptes aux missions de guerre, engagés en OPEX, et les pilotes à l'instruction dont l'activité d'entraînement a souffert d'un encadrement en diminution et de contraintes sur les équipements.

COMPARAISONS INTERNATIONALES EN MATIÈRE D'ENTRAÎNEMENT

ACTIVITÉ

(par unité

et par an)

Normes d'entraînement

OTAN

ETATS UNIS

ROYAUME-UNI

ALLEMAGNE

ARMEE DE TERRE

Journées de préparation et d'activités opérationnelles (JPAO)/ homme

/

N.C

290 jours par cycle de 30 mois

(180 jours en OPEX),

soit 116 jours annuels (44 hors OPEX)

85 jours hors OPEX

Nombre d'heures de vol/ pilote d'hélicoptère/an

/

N.C

200 environ (entre 170 pour Gazelle jusqu'à 240 pour Apache).

10 heures en moyenne pour les pilotes hors unité projetable

120 à 140 heures pour les pilotes en unité projetable

MARINE

Jours de mer par bâtiment (bâtiments de haute mer)

80

(108)

123

106

115

Heures de vol/ pilote de chasse

(qualifié appontage de nuit)

240

N.C

Plus d'aviation de chasse embarquée

Pas d'aviation de chasse au sein de la marine

Heures de vol / pilote d'hélicoptère marine

N.C

395 (Sea King)

120

Heures de vol / équipage de patrouille maritime

N.C

Plus de patrouille maritime

160

ARMEE DE L'AIR

Heures de vol

par pilote de chasse

180

180 à 200

(sans OPEX)

et

350

(avec OPEX)

180

125/125

Heures de vol / pilote de transport

150 à 200

(sans OPEX)

et

400

(avec OPEX)

350 (de 180 à 450)

134/135

Heures de vol / pilote d'hélicoptère

180 à 200

(avec OPEX)

240 à 380 selon

type d'appareil

78/75

Source : ministère de la défense

Même si ces chiffres sont à prendre avec précaution compte tenu des différences d'acception et de périmètre, on peut relever que dans plusieurs cas l'armée française se situe plutôt dans le bas de la fourchette en matière d'entraînement.

• La disponibilité des matériels est aujourd'hui dégradée.

La priorité donnée aux opérations s'est également ressentie pour les matériels et équipements utilisés pour l'entraînement, dont la disponibilité opérationnelle s'est trouvée particulièrement contrainte. Et ce d'autant plus que les dotations budgétaires consacrées à l'« entretien programmé des matériels » se sont progressivement éloignées des trajectoires de la loi de programmation.

LE DÉCROCHAGE DES CRÉDITS D'ENTRETIEN PROGRAMMÉ DU MATÉRIEL

(Extrait du r apport d'information n° 1233 des députés Yves Fromion et Gwendal Rouillard relatif à une revue capacitaire des armées, juillet 2013)

L'entretien programmé des matériels (EPM) de l'armée de terre nécessiterait théoriquement 430 à 450 millions d'euros par an pour chaque milieu (terrestre et aéroterrestre). Or, la dotation s'est trouvée minorée chaque année, s'élevant par exemple à 370 millions d'euros en 2013. En cumul, une annuité d'EPM a manqué sur l'ensemble de la période. (..). Les difficultés sont du même ordre concernant les matériels aéronautiques . Il faudrait ainsi 300 millions d'euros de plus par an, selon les chiffres donnés par l'état-major de l'armée de l'air, pour assurer une disponibilité du matériel suffisante à même d'assurer l'entraînement des pilotes tel que prévu dans le contrat opérationnel : 180 heures dans la chasse, 350-400 heures pour le transport et 200 heures pour les hélicoptères.

Au total, les crédits consacrés à l'EPM se sont éloignés des prévisions (...). Maintenues à moins de 10% en cumulé, les baisses peuvent sembler relativement limitées. Cependant, leur accumulation dans le temps risque d'entraîner un besoin de crédits particulièrement élevé lors de la nouvelle programmation. Il pourrait être difficile d'assumer un tel report de charges, ce qui entraînerait inévitablement des dégradations de capacité.

Il en est ressorti un taux de disponibilité dégradé des différents équipements. Plusieurs facteurs se sont cumulés pour expliquer cette situation :

- le vieillissement du parc d'équipement et son caractère hétérogène, qui rendent la maintenance (maintien en condition opérationnelle, ou MCO) plus difficile et plus couteuse ;

- l'arrivée de nouveaux matériels, qui renchérit également le coût d'entretien, insuffisamment couvert par les dotations budgétaires ; (le cumul de ces deux phénomènes, bien connus, place le ministère face à une « courbe en baignoire » où le coût du MCO se renchérit aux deux extrémités du spectre) ;

- puiser dans le stock de pièces de rechange a permis, un temps, de pallier la rareté des ressources, mais a fini par affecter directement la disponibilité des matériels.

Comme l'indique la réponse au questionnaire écrit de votre commission, compte tenu de l'inertie qui existe en la matière, « les efforts consentis à compter 2014 au profit de l'entretien programmé des matériels ne permettront pas d'inverser dès cette année la tendance baissière des indicateurs, une inflexion qui ne pourra intervenir que dans les années suivantes. C'est le cas dans le domaine de l'activité aéronautique pour les hélicoptères , l'aviation de transport , la patrouille maritime et les avions de chasse de la marine . »

DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS PAR RAPPORT
AUX EXIGENCES DES CONTRATS OPÉRATIONNELS
(en %)

La prévision de disponibilité est tombée à seulement 40% pour les véhicules de l'avant blindé (VAB), à 50% pour les frégates et à 60% pour les avions de combat de l'armée de l'air....

Il existe des « points noirs » : transport stratégique et tactique de l'armée de l'air, patrouille maritime de la marine, AMX10 de l'armée de terre.

Plus précisément, pour le matériel terrestre de l'armée de terre, le parc de VAB, très sollicité en opérations, est toujours en situation difficile. Il en va de même pour les canons de 55 et, s'agissant du matériel aérien, des hélicoptères de manoeuvre Puma et Cougar. Pour la marine nationale, le porte-avions était en arrêt technique jusqu'au 5 juillet. La flotte de SNA voit sa disponibilité altérée par les difficultés rencontrées sur l'appareil propulsif, de même que les frégates. Pour la patrouille maritime, la disponibilité est très en deçà des prévisions, pénalisée par des difficultés techniques et le poids de la maintenance corrective. Pour l'armée de l'air, la régénération des matériels suite aux opérations en Libye et au Mali se poursuit. Du fait du bas niveau des stocks de pièces de rechange, la disponibilité est affectée et devient critique sur les C130 et C160.

4. L'enchaînement des réformes et les réductions d'effectifs
a) Un objectif de déflation atteint au prix d'une réorganisation importante des forces...

La précédente LPM prévoyait la suppression de 54 923 emplois entre 2008 et 2015, hors externalisations, soit une diminution de 17% du plafond d'emploi du ministère.

L'objectif a été tenu au prix d'une réorganisation importante du fonctionnement du ministère et des forces armées.

Le rythme de la déflation des effectifs a également été tenu.

Le ministère avait commencé à réduire ses effectifs avant même que les objectifs correspondants soient fixés par la loi de programmation militaire, et le rythme de déflation n'a pas ralenti depuis lors.

D'une manière générale, les réductions d'emplois du ministère de la défense se sont opérées, peu ou prou, depuis 2009, conformément aux grands équilibres de la « manoeuvre RH ».

Cette déflation devait, en effet, aux termes de la loi de programmation, obéir à un double critère :

- elle devait globalement préserver la répartition entre emplois civils et emplois militaires au sein du ministère de la défense, et pour cela, concerner à hauteur de 75% des effectifs militaires et à hauteur de 25% des effectifs civils;

- elle devait porter à 75% sur des emplois liés à l'administration et au soutien des forces et à 25% à des emplois touchant directement aux capacités opérationnelles.

Au final, les suppressions d'emplois (ETPE) sur le programme 178 « Préparation et emploi des forces » ont été réparties à 80% sur des emplois militaires et 20% sur des emplois civils.

Mais, conformément à l'objectif fixé, la répartition des suppressions d'emplois à 75% sur les emplois militaires et 25% sur les emplois civils est respectée au niveau global de la mission « Défense ».

De même, 75% des suppressions ont porté sur les fonctions de soutien et 25% sur les fonctions opérationnelles.

La loi de programmation 2009-2014 prévoyait également, pour mener à bien la diminution du plafond d'emplois de la « mission Défense », que le ministère de la défense utilise trois leviers principaux :

- la régulation des recrutements et des renouvellements de contrats (4 000 militaires et 1 250 civils par an, soit 20% de la déflation) ;

- la mobilité au sein de la fonction publique (1 100 militaires et 350 civils par an, soit 20% de la déflation) ;

- les incitations financières au départ (1 200 militaires et 500 civils, dont 350 ouvriers d'Etat, par an, soit 60% de la déflation).

En revanche, ces modalités n'ont pas été strictement conformes aux prévisions.

Contrairement au ratio de 60/20/20, en 2012, sur le périmètre du ministère, la déflation a été mise en oeuvre par ces trois types de leviers dans les proportions suivantes :

- 69% la régulation par les flux ;

- 14% le reclassement et la mobilité au sein de la fonction publique ;

- 16,5% les départs incités financièrement.

Si les départs aidés sont conformes aux objectifs, les reclassements dans la fonction publique, pour le personnel militaire, n'ont pas été à la hauteur des objectifs, ce qui a contraint les armées à utiliser le premier levier au-delà de ce qui était prévu.

Or en réduisant le recrutement de jeunes soldats pour diminuer les effectifs, sans provoquer trop de départs parmi les anciens, le ministère de la défense a pris le risque que la déflation d'effectifs ne se traduise par :

- le vieillissement des armées,

- un déséquilibre de la pyramide des grades,

- un embouteillage des carrières,

- et vraisemblablement un gonflement des soutiens.

Cette situation résulte d'une baisse d'efficacité des leviers d'aide au départ pour le personnel civil (indemnités de départ volontaire et mobilité externe), en partie compensée par l'attractivité du pécule d'incitation à une seconde carrière pour le personnel militaire.

Pour ces derniers, le ministère est néanmoins confronté à des difficultés pour reclasser le personnel militaire au sein de la fonction publique de l'Etat, ce qui explique le résultat mitigé des « reclassements-mobilités ».

L'année 2013 s'inscrit dans cette tendance. Ainsi, l'objectif global de déflation ne pourra être atteint que par une contrainte supplémentaire sur les recrutements, malgré les conséquences qui en découlent.

Cela étant dit, les objectifs quantitatifs ont globalement été atteints en matière de réduction des effectifs grâce à une réorganisation particulièrement ambitieuse du mode de fonctionnement du ministère et des forces avec la mutualisation et l'interarmisation des fonctions d'administration et de soutien jusqu'alors dupliquées entre armées ou services du ministère, la réorganisation territoriale et la densification d'un dispositif encore très dispersé, source d'une multiplication et d'un éparpillement des personnels de soutien et de nombreuses autres mesures de réorganisation.

La « grande manoeuvre des ressources humaines » programmée par la précédente LPM est donc beaucoup plus qu'une réduction des effectifs.

Il s'agit, en effet, d'une réforme sans précédent des méthodes de gestion des armées dont on commence à peine à mesurer les effets.

b) ...dont les gains financiers ont été réduits par l'absence de maîtrise de la masse salariale

L'équation financière qui sous-tendait la LPM (2009-2014) consistait à réaliser des économies substantielles sur le soutien des forces et les ressources humaines, pour les réinvestir intégralement au profit de la condition des personnels et de l'amélioration des équipements.

Or, cinq ans après la mise en oeuvre de cette stratégie, il apparaît que cette équation financière a de plus été mise à mal par des réalisations très différentes des prévisions en matière de masse salariale

Dans son rapport sur le bilan à mi-parcours de la loi de programmation militaire 10 ( * ) , la Cour des comptes constate un paradoxe : alors que les effectifs du ministère ont fortement diminué sa masse salariale - dite « dépenses de titre 2 » - a continué à croître.

La Cour relève, en effet, que les économies de masse salariale diminuées des coûts d'accompagnement des restructurations pour le personnel sont estimées, par le ministère de la défense, à un montant net cumulé de 5,4 milliards d'euros dont 1,1 milliard d'euros avant la fin de l'exercice 2011.

Comparant les économies revendiquées par le ministère avec les données d'exécution budgétaire, la Cour des comptes comptabilise, quant à elle, une augmentation de 1,02 milliard d'euros des dépenses de titre 2 entre 2008 et 2011.

Cette divergence d'appréciation tient en partie aux méthodes de calcul.

L'évolution de la masse salariale de 1 milliard d'euros entre 2008 et 2011 est appréciée dans le rapport de la Cour des Comptes en incluant les dépenses liées aux pensions. Or, sur la période 2007-2011, la hausse de la masse salariale, au sens de la Cour des comptes, a été portée principalement par les dépenses de pensions qui ont crû de +577 M€ (de 6 715 M€ en 2008 à 7 292 M€ en 2011).

La hausse relevée par la Cour est ainsi en partie due à des dépenses dont l'évolution obéit à des facteurs exogènes au ministère de la défense.

Force est de constater que, faute de comptabilité analytique digne de ce nom, l'appréciation des économies effectivement réalisées est particulièrement difficile s'agissant des déflations d'effectifs.

En effet, le pilotage des effectifs du ministère s'inscrit dans une logique de flux, avec un volume de départs très important chaque année : selon le SGA, une déflation de 8 000 postes en un an est la résultante, en moyenne, de 25 000 départs et de 17 000 recrutements ; or ce ne sont pas nécessairement les agents dont les postes sont supprimés qui quittent le ministère.

Un certain consensus se dégage cependant pour estimer qu'au total l'évolution de la masse salariale s'explique pendant la période 2008-2013 par divers facteurs exogènes et endogènes : mise en oeuvre de mesures de rattrapage indiciaire des militaires par rapport au reste de la fonction publique, pyramidage de la déflation provoquant un accroissement de personnels dans les hauts de la pyramide et donc une augmentation du taux d'encadrement, augmentation des personnels affectés au sein des instances internationales (OTAN, UE), dérive du « glissement vieillesse-technicité » (GVT), conséquences de la loi portant réforme des retraites, réformes et restructurations générant des coûts (mobilité, incitations au départ et reconversion).

L'analyse financière de la Cour des comptes met en particulier en valeur plusieurs sources de dépenses mal anticipées.

Ainsi le coût de l'évolution de la pyramide des effectifs militaires s'élève, selon les différentes estimations, à un montant variant de 22 à 40 millions d'euros par an en moyenne.

La dynamique des dépenses de personnel du ministère s'explique également par les mesures statutaires de revalorisation de la condition des militaires qui ont été prises depuis 2009, qui s'élèverait en moyenne à 79 millions d'euros par an en moyenne pour la période 2008-2012, ce qui représente un « taux de retour catégoriel » moyen de 43%, soit moins que l'objectif qui avait été annoncé de 50%.

L'évolution des dépenses de titre 2 du ministère de la défense doit enfin beaucoup à l'évolution des dépenses dites « hors socle », qui regroupent les dépenses de titre 2 non récurrentes comme l'indemnisation au titre du chômage et des dommages liés à l'amiante , ou encore les différentes mesures d'incitation au départ volontaire dans le cadre de l'accompagnement des restructurations.

Pour la période 2009-2013, l'évolution de ces deux agrégats est contrastée : les dépenses « socle » sont en baisse de 1%, tandis que les dépenses « hors socle » connaissent une augmentation de près de 17%.

Dépense exécutée hors pensions, hors OPEX hors fonds de concours, en M€ courants

2009

2010

2011

2012

2013

(prévision)

PLF 2014

Socle

10 979

10 960

10 902

10 985

10 595

10 345

Hors socle

621

717

726

715

717

687

TOTAL

11 600

11 677

11 628

11 700

11 312

11 032

Les déflations annuelles se sont traduites par une diminution progressive des dépenses de socle de 2009 à 2011.

La hausse constatée de ces dépenses en 2012 est principalement due à des facteurs conjoncturels. Les dysfonctionnements du calculateur de solde Louvois sur l'armée de terre, la marine et le service de santé des armées se sont notamment traduits par des erreurs de calcul générant des indus de solde.

L'évolution des dépenses hors socle s'explique, quant à elle, par la nature même de ces dépenses qui recouvrent notamment :

- le plan d'accompagnement des restructurations (près de 200 M€ par an en moyenne sur le périmètre T2), qui conditionne la réalisation de la déflation ;

- les dépenses de chômage en augmentation de 30% de 2009 à 2012 ;

- des dépenses de guichet comme l'indemnisation de l'amiante : + 5% de 2009 à 2012.

S'agissant du Plan d'Accompagnements des Restructurations, le tableau suivant montre une certaine stabilité des coûts autour de 200 millions depuis 4 ans.

On observe notamment le poids du pécule d'incitation au départ dont le coût s'élève à plus de 100 millions d'euros.

Aujourd'hui, cette dynamique d'ensemble des dépenses de personnel est jugée incompatible avec l'objectif de retour à l'équilibre des comptes publics décidé par l'Etat.

C'est pourquoi, le ministère de la défense a choisi à travers ce projet de loi de programmation d'effectuer une réforme de la Gouvernance des ressources humaines du ministère et un ciblage des populations qui pourraient faire l'objet de mesures d'incitation au départ, par corps et par grade.

Cette méthode devrait permettre de prendre en compte les besoins de dépyramidage et de meilleure maîtrise de la masse salariale.

II. LES GRANDES CARACTÉRISTIQUES DE LA LPM 2014-2019

A. DES OBJECTIFS DANS LA CONTINUITÉ DE LA PRÉCÉDENTE LPM

1. La préservation des ambitions de défense à un niveau élevé
a) Les fonctions fondamentales

Comme le souligne le projet de LPM dans son rapport annexé, l'action de nos forces armées est structurée autour de trois fonctions fondamentales :

1. La protection du territoire national et des Français en métropole et outre-mer ;

2. La dissuasion nucléaire qui vise à protéger notre pays de toute agression d'origine étatique contre nos intérêts vitaux ;

3. L'intervention à l'extérieur du territoire national visant à protéger nos ressortissants, à défendre les intérêts de la France dans le monde, à honorer nos alliances et à respecter nos engagements internationaux.

b) Les principes directeurs

Nos ambitions de défense s'articulent autour de quatre principes :

1. Le maintien de notre autonomie stratégique , qui impose de disposer des capacités critiques nous permettant de prendre l'initiative dans les opérations. Pour satisfaire à cette exigence dont les conséquences dépassent le seul aspect des équipements, le projet de loi prévoit :

• de garantir la pérennité de la dissuasion par le maintien de ses deux composantes, océanique et aérienne, grâce à la livraison du missile M51.2, à la mise en service du laser Mégajoule, au lancement des travaux d'élaboration du futur sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) de troisième génération, à la mise en service opérationnel du second escadron de RAFALE porteurs de l'arme nucléaire aéroportée, au lancement des travaux de rénovation à mi- vie du missile air-sol moyenne portée amélioré (ASMP-A) et aux études technologiques de son successeur, au lancement de l'acquisition d'une flotte de 12 avions ravitailleurs ( multirole transport and tanker - MRTT).

• de renforcer les capacités permettant la prise d'initiative dans des opérations simples et probables , notamment en développant le renseignement (livraison de deux satellites MUSIS, de drones moyenne altitude longue endurance - MALE - et de drones tactiques, réalisation du système satellitaire de renseignement d'origine électromagnétique CERES) pour garantir une appréciation de situation autonome, en augmentant les capacités de nos forces spéciales, en garantissant notre capacité à nous engager au contact de l'adversaire (avions Rafale, frégates multi-missions FREMM, missiles moyenne portée - MMP, programme Scorpion) grâce à des moyens cohérents entre eux.

• de consolider notre capacité de fédérer et d'entraîner au sein d'une coalition , en développant notamment nos moyens de frappes précises dans la profondeur (livraison de missiles de croisière) et notre aptitude autonome à « entrer en premier » sur un théâtre d'opérations de guerre (par exemple par la poursuite du programme Rafale, la livraison des premiers ravitailleurs multi-rôles MRTT, la réalisation des premiers sous-marins nucléaires d'attaque de nouvelle génération Barracuda doté de missiles de croisière naval) comme à commander une opération interalliée.

2. La cohérence du modèle d'armée avec les scénarios prévisibles d'engagement de nos forces dans les conflits et dans les crises, c'est-à-dire la capacité à faire face aussi bien à des opérations de coercition et d'entrée sur un théâtre de guerre, qu'à des opérations de gestion de crise dans toute la diversité qu'elles peuvent revêtir ;

3. La différenciation des forces en fonction des missions de dissuasion, de protection, de coercition ou de gestion de crise. Ce principe nouveau de spécialisation relative, qui vise ainsi une plus grande efficience des forces dans chaque type de mission, obéit aussi à une logique d'économie et consiste à n'équiper avec les capacités les plus onéreuses que les forces prévues pour affronter des acteurs fortement armés ;

4. La mutualisation qui conduit à utiliser les capacités rares et critiques au bénéfice de plusieurs missions (protection des approches, dissuasion, intervention extérieure) ou à rechercher auprès de nos partenaires européens une mise en commun des capacités indispensables à l'action.

c) Les priorités du nouveau modèle d'armée

Compte tenu de la priorité donnée aux équipements, les armées françaises disposeront à l'horizon 2025 des capacités permettant d'assurer à tout moment, au niveau stratégique, le commandement opérationnel et le contrôle national des forces engagées ; de planifier et de conduire des opérations de façon autonome ou en tant que Nation cadre.

Un effort particulier doit être engagé pour développer les capacités de renseignement et de ciblage, les capacités opérationnelles des forces spéciales, les moyens de frappes dans la profondeur et de combat au contact de l'adversaire et la capacité à « entrer en premier » sur un théâtre non permissif.

Enfin, la prise en compte de la menace cybernétique fait l'objet d'un traitement prioritaire.

d) Les nouveaux contrats opérationnels

Les nouveaux contrats opérationnels distinguent les missions permanentes et les missions non permanentes.

Les missions permanentes comprennent :


Connaissance et anticipation : capacités de veille stratégique et de maîtrise de l'information ; moyens de surveillance et d'interception électromagnétique renforcés.


Dissuasion : posture permanente des deux composantes, océanique et aéroportée.


Protection : postures permanentes de sûreté terrestre, aérienne et maritime tenues dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui ; de plus, en renfort des forces de sécurité intérieure, jusqu'à 10 000 hommes des forces terrestres ainsi que des éléments aériens et maritimes adaptés.


Prévention : déploiement naval permanent dans une à deux zones maritimes ; pré-positionnements permanents de nos forces à l'étranger.


Intervention et réaction autonome aux crises : échelon national d'urgence de 5 000 hommes en alerte pour constituer une force interarmées de réaction immédiate (FIRI) de 2 300 hommes.

Les missions non permanentes d'intervention à l'extérieur de nos frontières peuvent concerner :


Opérations de gestion de crise : dans la durée, sur deux ou trois théâtres distincts, dont un en tant que contributeur majeur ; forces spéciales ; soutien ; 6 000 à 7 000 hommes des forces terrestres (engins blindés à roues, chars médians, moyens d'appui feu et d'organisation du terrain, hélicoptères d'attaque et de manoeuvre) ; une frégate, un groupe bâtiment de projection et de commandement, un sous-marin nucléaire d'attaque en fonction des circonstances ; une douzaine d'avions de chasse, répartis sur les théâtres d'engagement.


Opération majeure de coercition : en coalition, sur un théâtre d'engagement unique, dans un contexte de combats de haute intensité ; durée limitée, avec préavis suffisant (évalué aujourd'hui à environ 6 mois) et réarticulation de notre dispositif dans les opérations en cours ; forces spéciales ; environ 15 000 hommes des forces terrestres ; jusqu'à 45 avions de chasse incluant les avions de l'aéronautique navale ; le porte-avions, 2 bâtiments de projection et de commandement, un noyau clé national d'accompagnement à base de frégates, d'un sous-marin nucléaire d'attaque et d'avions de patrouille maritime ; moyens permettant d'assurer les fonctions de commandement, de renseignement et de logistique de l'opération (transport, santé, essence, munitions, stocks de rechanges).

2. La confirmation de notre stratégie d'alliance

Le nouveau Livre blanc de 2013 ne propose pas de modifier notre stratégie d'alliance. Ainsi, la place de la France au sein de l'Alliance atlantique et de son organisation militaire est confirmée par le Livre blanc de 2013 et le projet de loi de programmation militaire.

Fondé sur les conclusions du rapport remis par Hubert Védrine au Président de la République, le Livre blanc de 2013 souligne que l'Alliance atlantique est une composante essentielle de la stratégie de défense et de sécurité nationale.

La France entend donc tirer le meilleur parti de sa pleine participation à la structure militaire de l'OTAN, tout en conservant sa liberté de décision et son autonomie d'action. Elle entend y jouer un rôle actif, par les responsabilités qu'elle assume à tous les niveaux du commandement, comme par sa contribution aux opérations et par la vision qu'elle entend promouvoir du rôle de cette alliance.

Le nouveau Livre blanc confirme également que la construction européenne en matière de défense et de sécurité est un axe fort de la stratégie de la France. Dans un contexte marqué par la forte diminution des budgets de la défense partout en Europe en raison de la crise économique et financière, mais aussi par la nouvelle donne stratégique provoquée par le rééquilibrage des Etats-Unis au profit de la zone Asie-Pacifique et la persistance, voire l'augmentation des risques et des menaces pesant sur la sécurité de l'Europe ou de son voisinage immédiat, le renforcement de la coopération entre les Européens en matière de défense et de sécurité apparaît comme une impérieuse nécessité.

A cet égard, le Conseil européen de décembre 2013, qui devrait être la première réunion des Chefs d'Etat et de gouvernement depuis 2008 à être consacrée aux questions de défense en Europe, représente une réelle opportunité pour la relance de la politique de sécurité et de défense commune de l'Union européenne (PSDC).

Le nouveau Livre blanc de 2013 se prononce en faveur d'avancées pragmatiques, afin de dépasser les insuffisances actuelles en matière d'opérations extérieures, de développer les mutualisations et le partage des capacités militaires les plus critiques et de consolider la base industrielle et technologique de défense des pays européens. Il propose également l'élaboration d'un Livre blanc de l'Union européenne en matière de défense et de sécurité, qui permettrait d'exprimer une analyse partagée des risques et des menaces ainsi qu'une vision commune des ambitions politiques en matière de défense entre les Etats membres.

Dans son rapport d'information 11 ( * ) , votre commission a regretté le manque d'ambition du Livre blanc de 2013 sur cet aspect et a formulé des propositions ambitieuses pour une relance de la défense européenne.

Pour les rédacteurs du nouveau Livre blanc, il n'y a pas de contradiction entre la participation pleine et entière de la France au sein de l'Alliance atlantique et la relance de la politique de sécurité et de défense commune de l'Union européenne. Comme il est indiqué dans le rapport annexé au projet de loi : « L'OTAN et l'Union européenne jouent un rôle complémentaire dans la stratégie de défense et de sécurité nationale de la France. Celle-ci exercera pleinement ses responsabilités dans l'une comme l'autre organisation pour contribuer à la sécurité collective ».

3. L'inéluctable poursuite de la réduction du format

A l'horizon 2025 , les forces terrestres offriront une capacité opérationnelle de l'ordre de 66 000 hommes projetables comprenant notamment 7 brigades interarmes, dont 2 seront aptes à l'entrée en premier et au combat de coercition face à un adversaire équipé de moyens lourds. Ces forces disposeront notamment d'environ 200 chars lourds, 250 chars médians, 2 700 véhicules blindés multirôles et de combat, 140 hélicoptères de reconnaissance et d'attaque, 115 hélicoptères de manoeuvre et d'une trentaine de drones tactiques.

Les forces navales disposeront de 4 sous-marins lanceurs d'engins, de 6 sous-marins d'attaque, d'1 porte-avions, de 15 frégates de premier rang, d'une quinzaine de patrouilleurs, de 6 frégates de surveillance, de 3 bâtiments de projection et de commandement, d'avions de patrouille maritime, ainsi que d'une capacité de guerre des mines apte à la protection de nos approches et à la projection en opération extérieure.

S'appuyant sur un centre de commandement et de conduite permanent et interopérable avec nos alliés, les forces aériennes comprendront notamment 225 avions de combat (air et marine), ainsi qu'une cinquantaine d'avions de transport tactique, 7 avions de détection et de surveillance aérienne, 12 avions ravitailleurs multirôle, 12 drones de surveillance de théâtre, des avions légers de surveillance et de reconnaissance et 8 systèmes sol-air de moyenne portée.

Ce nouveau format d'armée se traduira par des réductions capacitaires. C'est l'équivalent d'une brigade de l'armée de terre qui devra être supprimée. Seules les forces spéciales qui se sont imposées comme une capacité de premier plan dans toutes les opérations récentes verront leurs effectifs et leurs moyens de commandement renforcés, de même que leur capacité à se coordonner avec les services de renseignement.

B. DES ORIENTATIONS ADAPTÉES AFIN DE PRÉSERVER NOTRE OUTIL DE DÉFENSE

1. Des efforts financiers significatifs dans un contexte budgétaire difficile

Le tableau ci-après dessine la trajectoire financière de l'actuelle LPM et resitue cette trajectoire dans le prolongement de la précédente ; il montre la part relative des ressources exceptionnelles qui devraient venir s'ajouter aux crédits budgétaires  et enfin l'évolution de l'effort de défense de la nation rapporté au produit intérieur brut.

a) Le maintien en euros courants des ressources de la mission défense

Le projet de loi du Gouvernement prévoit le maintien des crédits de la mission défense (hors pensions et hors gendarmerie) à 31,4 milliards d'euros pour les années 2014, 2015 et 2016 (trajectoire dite « zéro valeur »).

Les ressources disponibles devraient ensuite passer à 31,56 milliards en 2017, 31,78 milliards en 2018 et 32,5 milliards en 2019.

Compte tenu des hypothèses d'inflation sur lesquelles reposent le budget et qui prévoient une inflation stable à 1,75% entre 2015 et 2019, la première augmentation en volume des crédits de la mission défense n'aura lieu qu'en 2019 et de façon modeste (2,3 - 1,75 = 0,55%).

L'absence de prise en compte de l'inflation, conjuguée à ce renvoi à plus tard de l'effort de redressement va se traduire de façon mécanique par une diminution de l'effort de défense en pourcentage de la richesse nationale. Celui-ci va passer en-dessous de 1,5% du PIB (hors pension et hors gendarmerie) dès 2014 et devrait se stabiliser autour de 1,3% en 2018, à condition toutefois que les lois de finances successives respectent la programmation.

Comme le montre le graphique sur la page suivante cette diminution programmée de l'effort de défense n'est pas une nouveauté et s'inscrit dans une tendance de long terme de nos choix budgétaires constatée depuis 1960.

Compte tenu du contexte économique et budgétaire il convient d'insister sur le fait que le choix effectué par le gouvernement est le moins mauvais possible. Il a fait l'objet d'un arbitrage par le chef de l'Etat lui-même et traduit son engagement et sa détermination. Ce maintien en euros courants, conjugué à la réduction du format, permettra aux forces françaises de bénéficier d'un outil de défense de nature à remplir ses ambitions de défense et à parer les menaces auxquelles notre pays est confronté. Au demeurant, la France restera en Europe l'un des deux seuls pays avec le Royaume-Uni à pouvoir assurer simultanément la protection de son territoire et de sa population, dissuader tout ennemi étatique éventuel grâce aux deux composantes des forces stratégiques et intervenir militairement sur des théâtres extérieurs aussi bien pour des missions de gestion de crise que de guerre.

En outre, grâce à cet effort financier, la France préservera du mieux possible sa base industrielle et technologique de défense qui est capable de produire la quasi-totalité des équipements militaires au meilleur niveau technologique mondial, qui emploie plus de 150 000 personnes et qui est l'un des plus contributeur importants à sa balance commerciale.

Enfin, cet effort financier permettra, par le truchement des programmes d'études amont (PEA) de faire bénéficier la recherche et technologie de défense d'un montant de crédits en augmentation, avec une enveloppe de 730 millions d'euros par an.

b) La volonté de garantir que les ressources exceptionnelles seront bien là

Comme dans la précédente LPM, l'esquisse budgétaire proposée repose sur un montant important de ressources exceptionnelles. Celles-ci représenteront 5,64% du total des ressources en 2014 et 2015. Cette part devrait décroître progressivement d'ici 2015.

Les ressources exceptionnelles prévues dans la programmation seront constituées de :

- l'intégralité du produit de cession d'emprises immobilières utilisées par le ministère de la défense pour au moins 600 millions d'euros sur la période 2014-2016 ;

- des redevances versées par les opérateurs privés au titre des cessions de fréquences déjà réalisées lors de la précédente loi de programmation pour environ 200 millions d'euros ;

- d'un nouveau programme d'investissements d'avenir (PIA) au bénéfice de l'excellence technologique de l'industrie de défense, financé par le produit de cessions de participations d'entreprises publiques pour 1,5 milliard d'euros ;

- du produit de la mise aux enchères de la bande de fréquences comprise entre les fréquences 694 MHz et 790 MHz ;

- le cas échéant, du produit de cessions additionnelles de participations d'entreprises publiques.

A ce stade, les différentes catégories de ressources exceptionnelles suivent le calendrier prévisionnel suivant :

S'agissant des produits de cessions de bandes de fréquences, l'évaluation du produit des cessions reste à ce stade délicate car elle dépend de nombreux paramètres : valeur des bandes cédées, capacités financières des opérateurs, évolution du trafic de données, etc. Les services de l'Etat sont mobilisés pour affiner au plus vite le montant et le calendrier de cette recette.

S'agissant des produits de cessions additionnelles de participations d'entreprises publiques, le degré de maturité de ces projets qui nécessitent des analyses complémentaires comme l'indispensable confidentialité des schémas étudiés ne permettent pas à ce stade de détailler les travaux menés avec les services des ministères financiers.

Le rapport annexé de la LPM prévoit une clause de sauvegarde concernant les ressources exceptionnelles. Dans l'hypothèse où leur montant ou leur calendrier feraient l'objet d'une modification substantielle, ayant une conséquence significative sur le respect de la programmation, le rapport annexé de la LPM prévoit que d'autres recettes exceptionnelles soient mobilisées.

Dans l'hypothèse, à l'inverse, où le montant des ressources exceptionnelles disponibles sur la période 2014-2019 excéderait 6,1 Md€, l'excédent, à concurrence de 0,9 Md€ supplémentaires, pourrait bénéficier au ministère de la défense.

2. La priorité donnée aux équipements
a) L'évolution des principaux agrégats

La décomposition de la LPM par grands « agrégats, au nombre de quatre (équipements, provision pour les opérations extérieures, fonctionnement et activité, masse salariale), permet d'appréhender les lignes de force de l'architecture budgétaire de la loi de programmation.

On constate ainsi la priorité donnée aux équipements, dont la part relative devrait passer de 51% en 2013 à 56% en 2019.

Là encore, la présente LPM s'inscrit dans la continuité de la précédente et traduit bien l'objectif d'aboutir à un format d'armées plus resserré et donc moins coûteux, mais disposant d'un meilleur équipement.

La diminution du format ne doit pas aboutir à la constitution d'une armée « échantillonaire ». Mais elle n'a pas d'effets dramatiques en soi, à deux conditions toutefois :

- d'une part que le nouveau format des forces permette de faire face aux risques et menaces identifiés et de satisfaire les ambitions de défense affichées ; c'est la cohérence stratégique ;

- d'autre part, que ce nouveau format réalise un dosage satisfaisant (le « mix capacitaire ») entre équipements, effectifs, préparation opérationnelle, entretien programmé des équipements et entre équipements eux-mêmes, c'est-à-dire entre ceux issus des grands programmes qui permettent de maintenir la base industrielle de défense en particulier les « plateformes » (avions, navires, moyens terrestres) et les programmes d'environnement (munitions, capteurs, senseurs, effecteurs...) qui donnent toute leur valeur opérationnelle aux forces ; c'est la cohérence capacitaire .

Tel est bien le cas : le projet présenté par le gouvernement préserve cette double cohérence.

b) Une politique d'équipement qui préserve la cohérence d'ensemble...

La trajectoire programmée prévoit une augmentation moyenne de 2,2 % par an en valeur des crédits d'équipement. Cette augmentation des crédits est jugée indispensable pour financer la nécessaire modernisation des forces.

En outre, le ministère s'est engagé contractuellement auprès de ses fournisseurs industriels pour acquérir des équipements qui sont pour l'essentiel en phase de réalisation et qui exigeront des paiements importants.

Enfin, l'accueil et l'entretien de ces matériels nécessitent des investissements importants. Une enveloppe de 102,4 milliards d'euros courants sur la période 2014-2019 sera ainsi consacrée à l'équipement. En moyenne, la dotation annuelle s'élèvera à plus de 17 milliards d'euros courants.

Aucun grand programme à effet majeur n'est abandonné. Contrairement au gouvernement britannique qui a fait le choix de renoncer à certaines capacités, telles par exemple la patrouille maritime, le gouvernement français a choisi de répartir le montant des économies nécessaires sur l'ensemble des équipements.

La cohérence du modèle d'armée se retrouve au sein de chaque système de forces :

• Dissuasion : confirmation de l'entretien et du renouvellement des moyens garantissant la mise en oeuvre des deux composantes.

• Commandement et maîtrise de l'information : recalage de la fin de vie prévisionnelle des satellites Syracuse ; maintien des matériels existants en service (systèmes d'informations interarmées, réseau de communication ou de téléphonie) ; lancement de l'acquisition de drones MALE et d'appareils de renseignement et de surveillance légers ; pérennisation et amélioration des capteurs spatiaux (satellites MUSIS), renforcement des capacités de détection électromagnétique (satellite CERES).

Les principaux équipements opérationnels de nos armées

aujourd'hui et en 2019 12 ( * )

Début 2013

Fin 2019

Cohérence interarmées

- Système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales (SCCOA)

- ROEM 13 ( * ) stratégique et tactique et ROIM spatial et tactique :

- 2C 160G GABRIEL

- 2 satellites HELIOS

- 2 systèmes de drones MALE HARFANG + 2 systèmes de drones tactiques

- Systèmes d'information des armées (SIC 21, SIC F...)

- Plusieurs systèmes d'information géophysiques (KHEPER, DNG3D...)

- Communications par satellites souveraines (2 satellites SYRACUSE)

- Moyens C2 de niveau MJO 14 ( * ) (nation cadre), architecture de communication résiliente, capacité de ciblage, capacité d'opérations spéciales, soutien interarmées, capacité NRBC

- Système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales (SCCOA)

- ROEM stratégique et tactique et ROIM spatial et tactique :

- 2C 160G GABRIEL

- 2 satellites HELIOS

- 4 systèmes de drones MALE + 2 systèmes de drones tactiques SDT (14 vecteurs aériens) + avions ISR légers

- Systèmes d'information des armées (SIA)

- Le système d'information géophysique des armées

- Communications par satellites souveraines (2 satellites SYRACUSE)

- Moyens C2 de niveau SJO 15 ( * ) (nation cadre) ou d'état-major de composante de niveau MJO, architecture de communication résiliente, capacité de ciblage, capacité d'opérations spéciales, soutien interarmées, capacité NRBC

Source : rapport annexé au projet de loi

Forces terrestres

- 254 chars LECLERC

- 256 AMX 10RC + 110 ERC90

- 110 AMX 10P + 440 VBCI

- 3 200 VAB

- 157 canons de 155 mm dont 77 CAESAR + 13 LRU

- 186 hélicoptères d'attaque et de reconnaissance (39 TIGRE + 147 GAZELLE)

- 121 hélicoptères de manoeuvre (90 PUMA + 23 COUGAR + 8 CARACAL)

- 10 000 équipements FELIN

- 200 chars LECLERC à rénover

- 236 chars médians AMX 10RC 16 ( * )

- 630 VBCI

- 2 190 VAB + 92 VBMR

- 77 canons CAESAR + 13 LRU

- 140 hélicoptères d'attaque et de reconnaissance (59 TIGRE + 81 GAZELLE)

- 115 hélicoptères de manoeuvre (38 NH 90 + 43PUMA + 26 COUGAR + 8 CARACAL)

- 18 552 équipements FELIN

Forces navales

- 4 SNLE

- 6 SNA type RUBIS

- 1 porte-avions nucléaire avec son groupe aérien

- 17 frégates de 1 er rang (dont 5 frégates légères furtives)

- 3 BPC et 1 TCD

- 6 frégates de surveillance

- 18 patrouilleurs et 3 BATRAL

- Guerre des mines : 11 CMT

- 4 pétroliers-ravitailleurs d'ancienne génération

- 22 ATL2

- 15 avions de surveillance maritime

- 31 hélicoptères moyens/lourds embarqués (dont 9 NFH)

- 52 hélicoptères légers

- 4 SNLE

- 6 SNA (5 type RUBIS + 1 BARRACUDA)

- 1 porte-avions nucléaire avec son groupe aérien

- 16 frégates de 1 er rang en service 17 ( * )

- 3 BPC

- 6 frégates de surveillance

- 3 bâtiments multi missions B2M + 2 patrouilleurs guyanais PLG + 7 avisos A 69 + 6 patrouilleurs d'ancienne génération de tout type

- Guerre des mines : 10 CMT

- 4 pétroliers-ravitailleurs d'ancienne génération, dont un maintenu en réserve 18 ( * )

- 18 ATL2 dont 4 rénovés

- 16 19 ( * ) avions de surveillance maritime (12 de type FALCON et 4 ATL2)

- 24 hélicoptères moyens/lourds embarqués NFH

- 40 hélicoptères légers

Forces aériennes

- 320 avions de combat en parc, dont 110 RAFALE (35 marine), 160 MIRAGE 2000 de tout type, 25 MIRAGE F1 et 25 SEM

- 4 E 3F AWACS

- 14 avions ravitailleurs et 5 avions de transport stratégique (A 340 et A 310)

- 54 avions de transport tactique (C 130 et C 160)

- 42 hélicoptères moyens (dont 3 VIP)

- 42 hélicoptères légers

- 215 avions de combat en parc 20 ( * )

- 4 E 3F AWACS

- 14 avions ravitailleurs 21 ( * ) + 4 avions de transport stratégique (A 340 et A 310) + 2 MRTT 22 ( * )

- 43 avions de transport 23 ( * )

32 hélicoptères moyens 24 ( * ) (dont 3 VIP)

- 40 hélicoptères légers (FENNEC)

• Engagement et combat : prolongation des moyens en service (VAB, AMX10RC, Mirage 2000D et Mirage 2000-5, sous-marins nucléaires d'attaque de la classe Rubis, Frégates de lutte anti-sous-marine) afin de permettre l'arrivée des nouveaux équipements issus des programmes en cours tels que SCORPION pour l'armée de terre, RAFALE pour l'armée de l'air et l'aéronavale, FREMM et BARRACUDA pour la marine.

• Projection mobilité soutien : maintien des matériels existants en service (avion de transport tactiques C160, avions ravitailleurs Boeing C135 et KC135, pétroliers ravitailleurs, camions lourds) pour pallier l'ajustement de certains calendriers de livraison (A400M, programme d'avions ravitailleurs MRTT, camions polyvalents terrestres PPT).

• Protection sauvegarde : maintien des matériels existants en service (patrouilleurs), pour pallier l'ajustement de certains calendriers de livraison : BSAH, Patrouilleurs futurs après 2020.

c) ... au prix d'un étalement des programmes, d'une réduction des cibles et de la prise en compte d'éventuels succès à l'export

Comme chacun le sait, les étirements calendaires et les réductions de cibles sont préjudiciables aux intérêts de l'Etat.

D'abord, ils renchérissent le coût des équipements militaires. Pour ne prendre qu'un seul exemple, entre le programme initial des frégates multi-missions (FREMM) qui prévoyait la livraison de 17 unités et le programme actuel qui n'en prévoit plus que 11, dont 3 à confirmer, l'Etat aura payé l'équivalent de 13 frégates, soit deux de plus qu'il n'en percevra réellement.

Ensuite, les étalements peuvent également avoir pour effet de fournir aux forces des équipements obsolètes au moment de leur livraison. Cela impose de modifier les spécifications en cours de programme et renchérit à nouveau les coûts.

Enfin, comme dans la précédente LPM, le gouvernement a intégré dans le calendrier des livraisons des principaux programmes de possibles livraisons à l'export. C'est le cas en particulier des avions Rafale, dont il est prévu que l'armée de l'air acquière 26 exemplaires sur la durée de la programmation, soit 11 en 2014, 11 en 2015, 4 en 2016 et plus aucun entre 2017 et 2019.

S'il apparaissait, comme cela a été le cas lors de la précédente LPM, que l'Etat doive à nouveau acquérir ces avions en lieu et place d'Etats étrangers, nous sortirions complètement de la trajectoire financière tracée par la LPM. C'est une fragilité intrinsèque qu'il eût été préférable d'éviter.

d) ... et de l'apparition de zones de fragilités capacitaires

L'étalement dans le temps se traduira pour certaines capacités par un vieillissement accru des matériels en service auxquels une attention particulière devra être portée.

En matière d'engagement et combat , on notera les points de vigilance suivants :

• Combat terrestre : Scorpion inclut les livraisons des premiers VMBR et EBRC qui sont respectivement planifiées en 2018 et 2020. Ces véhicules sont les remplaçants des parcs vieillissants de VAB et d'AMX 10 RC. Tout retard du programme SCORPION accentuera rapidement la réduction de cette capacité dès 2019. Par ailleurs, la livraison en 2017 des premiers systèmes de missiles MMP (missile moyenne portée) en remplacement des systèmes MILAN actuels est impérative pour éviter une rupture capacitaire dans le domaine des missiles tactiques de combat débarqués.

• Guerre des mines : la livraison des premiers éléments constitutifs du nouveau système de guerre des mines SLAMF 25 ( * ) est reportée en 2021. Compte tenu de leur complexité intrinsèque et du niveau de technologie de leur système de combat, seules quelques unités de chasse des mines pourront être prolongées durant la période de livraison étalée jusqu'à 2030.

• Aviation de chasse : le calendrier de livraison des RAFALE de la LPM prévoit un ralentissement de la modernisation de l'aviation de chasse et le format chasse visé permet d'assurer les contrats opérationnels, sous réserve de la mise en service des premiers M200D rénovés, de la prolongation des M200-5 et de la modernisation de l'outil de formation des pilotes de chasse.

En matière de projection-mobilité-soutien :

• Aviation de transport stratégique : le ralentissement de la montée en puissance du MRTT s'appuie sur les prolongations d'une part des Airbus A310 et A340, d'autre part des flottes de ravitailleurs KC135 et C135. Cependant l'âge et la fragilité des ravitailleurs font peser un risque très important de rupture capacitaire en cas d'aléas techniques graves.

• Aviation de transport tactique : les capacités de transport tactique sont déjà déficitaires le resteront jusqu'à un horizon 2030. Le calendrier ralenti de montée en puissance de l'A400M repose sur la prolongation de 14 C 160, mesure compensatoire absolument indispensable pour maintenir les compétences des équipages et garantir la transition sur A400M.

Pétroliers ravitailleurs : les pétroliers ravitailleurs vont devoir être prolongés au-delà de trente-cinq ans.

En matière de protection-sauvegarde :

• Patrouilleurs : le décalage post-LPM du programme BATSIMAR entraîne une aggravation supplémentaire de la situation de la composante « patrouilleurs » post 2020. Outre-mer, le retrait en 2020 des derniers patrouilleurs P400 prolongés rendra la situation critique. Ainsi, l'acquisition de patrouilleurs légers pour la Guyane (PLG) et de bâtiments multi-missions (B2M) est impérative pour atténuer la réduction capacitaire avant 2016. En métropole, outre l'appel accru à des moyens non dédiés tels que les frégates, il est envisagé de prolonger jusqu'à quarante ans l'activité de certains avisos qui seront peut-être reconvertis en patrouilleurs de haute mer.

• Aviation de surveillance et intervention maritime : la prolongation des F200-Gardian jusqu'à l'horizon 2020 permet de tenir le dispositif du Pacifique. Les risques techniques de cette composante âgée sont compensés par la bascule possible des Falcon F50 Marine de métropole vers le Pacifique. En métropole, le report du programme AVSIMAR sera compensé par une contribution en ATL2 déclassés pour tenir la fonction SURMAR et par la transformation avant 2016 de quatre Falcon 50 anciennement affectés à l'usage gouvernemental pour les rendre aptes à la recherche et au sauvetage en mer (SAR).

Commandement-maîtrise de l'information :

La montée en puissance de la capacité drones MALE est prise en compte par l'acquisition de quatre systèmes (douze vecteurs). Mais le maintien d'une capacité minimale transitoire repose tout à la fois sur la prolongation réussie du système actuel Harfang et sur la mise en oeuvre du nouveau système à l'horizon prévu.

3. La nouvelle « manoeuvre RH » et la poursuite de la diminution des effectifs

L'adaptation des ressources humaines constitue le pivot de la présente programmation comme de la précédente : il s'agit de tirer les conséquences du Livre blanc afin de dégager des marges de manoeuvre indispensables au profit des équipements. De ce point de vue, les objectifs de la déflation prévus par le présent projet de loi se situent dans la continuité de la précédente LPM.

Les formats et les capacités de nos forces seront ainsi diminués en volume, en cohérence avec les nouveaux contrats opérationnels définis dans le Livre blanc.

Pendant les années 2014-2019, l'article 4 du projet de loi prévoit une réduction de 23 500 emplois qui s'ajoute à la suppression de 10 175 postes en 2014 et 2015 prévue au titre de la précédente LPM.

D'un point de vue financier, la programmation du titre 2 prend en compte une économie de l'ordre de 4,5 Mds€ sur la période, au titre de la déflation des effectifs et des mesures de « dépyramidage ».

Ainsi, les crédits budgétaires programmés passent de 11,2 Mds€ en LFI 2013 à 10,4 Mds€ en 2019.

De plus, la programmation du titre 2 prend en compte une enveloppe de mesures catégorielles plafonnée à 45 M€ par an, c'est-à-dire diminuée de moitié par rapport à la précédente LPM. Autrement dit, la déflation se poursuit avec un retour catégoriel moindre.

a) La poursuite de la déflation dans la continuité de la précédente LPM

Pour atteindre cet objectif, les effectifs du ministère de la défense (missions « Défense » et « Anciens combattants ») atteindront ainsi  242 279 ETPE en 2019, dont 235 940 rémunérés par le titre 2 de la mission « Défense ».

L'ensemble des déflations sur la période s'élèvera donc à 33 675 emplois selon le cadencement suivant :

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Total

2014-2019

Déflation LPM 2014-2019

-5 000

-7 500

-7 500

-3 500

-23 500

Créations de postes réformes précédentes

+ 103

+ 103

+206

Déflation résiduelle

réformes précédentes

-7 881

-2 500

-10 381

Déflation totale

-7 881

-7 500

-7 397

-7 397

-3 500

0

-33 675

La définition de cette déflation, sa répartition au sein du ministère, sera guidée par trois priorités.

D'abord, préserver les forces opérationnelles et le soutien opérationnel. Les forces de combat ne supporteront donc qu'environ un tiers des déflations d'effectifs nouvelles envisagées.

La deuxième priorité, maîtriser la masse salariale.

Enfin, la dernière priorité est d'amorcer un certain rééquilibrage des effectifs globaux du ministère au profit du personnel civil dans les secteurs non opérationnels, en cohérence avec les besoins croissants en experts que le Livre blanc a exprimés dans différents domaines, notamment le renseignement et la cyberdéfense.

Répartition des effectifs de la déflation

La répartition de la nouvelle déflation (- 23 500) portera, d'une part, sur les forces de combat, pour 8 000 postes, auxquels s'ajoutera une réduction de 1 100 postes dans les forces pré positionnées et les Outre-mer engagée dès 2014 et, d'autre part, sur le soutien, les structures organiques, l'environnement et l'administration du ministère, à hauteur d'environ 14 500 postes, soit 61% de la déflation, contre 39% pour les forces de combat.

La déflation globale 2014-2019 (- 33 675) intégrant la déflation résiduelle issue des réformes précédentes concernera les 3 armées, à hauteur de 15 500 suppressions d'emplois environ, le reliquat portant sur les services interarmées et les organes ministériels.

La déflation des effectifs affectera les militaires et les civils : de l'ordre de 26 200 postes de militaires et de 7 400 postes civils seront touchés.

Dans la LPM précédente, la déflation devait préserver la répartition entre emplois civils et emplois militaires au sein du ministère de la défense, et, pour cela, concerner à hauteur de 75% les effectifs militaires et à hauteur de 25% des effectifs civils.

Dans le présent projet de loi, la volonté étant de préserver un certain nombre d'emplois de personnels civils et d'augmenter la place des civils dans les services de soutien, les proportions sont accentuées et ce taux se répartira entre 78% de la déflation pour les militaires et 22% pour les personnels civils.

La répartition des déflations par catégories, militaires et civiles, pourra cependant connaître des évolutions en fonction des conclusions de l'analyse fonctionnelle de tous les emplois du ministère de la défense qui vient d'être commandée par le ministre.

Ce travail doit permettre de définir de manière objective les emplois ayant vocation à être exclusivement tenus par des militaires d'une part, des civils d'autre part ; les emplois dits «mixtes» devront demeurer réduits en volume.

Dans l'ensemble, les modalités de la déflation prévue par le projet de loi s'inscrivent donc dans la continuité par rapport à la précédente LPM.

Toutefois, plus les années passent, plus la réduction des effectifs, notamment dans le soutien sera difficile.

Identifier les postes supplémentaires qui peuvent et doivent être supprimés, quand toutes les armées considèrent aujourd'hui avoir atteint un seuil qui met à mal la cohérence de leur fonctionnement constituera une tâche ardue.

En l'état des choses, la poursuite de la déflation se fera en partie par des gains de productivité, mais aussi par l'effet d'une réduction des contrats opérationnels des armées.

C'est à quoi aboutit le nouveau format des armées qui prenant acte de la diminution des moyens budgétaires adapte nos moyens.

Quant aux gains de productivité, la méthode utilisée jusqu'ici de réduction homothétique des effectifs a montré ses limites. Aujourd'hui, seule une analyse fonctionnelle permettra de poursuivre la manoeuvre RH sans compromettre l'efficacité opérationnelle des armées.

b) Un effort de dépyramidage

S`il y a continuité sur les objectifs, le rythme, et les modalités de la déflation, en revanche, le présent projet de loi de programmation entend inverser la tendance constatée lors de la précédente LPM au « repyramidage » des effectifs du ministère de la défense, où le taux de déflation des effectifs a été à peu près inversement proportionnel au niveau hiérarchique.

Alors qu'ils représentaient moins de 15,5% des effectifs militaires en 2008, les officiers ont en effet vu leur proportion augmenter jusqu'à 16,75% des effectifs militaires globaux en 2013.

Certaines mesures ont en effet accentué le « repyramidage » des effectifs du ministère, autrement dit, ont augmenté la proportion d'officiers supérieurs :

- l'accent mis par le Livre blanc de 2008 sur la fonction « connaissance et anticipation », qui regroupe un ensemble d'activités particulièrement complexes, a rendu nécessaire le recrutement de 700 personnels hautement qualifiés ;

- la réintégration du commandement intégré de l'OTAN a nécessité le déploiement de près de 900 personnels français supplémentaires, essentiellement pour des fonctions relevant de personnels hautement qualifiés ;

- en outre, la réforme des retraites a retardé le départ des personnels effectuant les carrières les plus longues, notamment parmi les officiers et les personnels de catégorie A, sans que la diminution des flux sortants qui en résulte soit compensée à due concurrence par une baisse du nombre de recrutements avant l'année 2012.

Le « repyramidage » des effectifs a pesé sur la masse salariale.

La Cour des comptes avait, en effet, conclu que le maintien du taux d'encadrement qui prévalait en 2008 aurait conduit à réduire, en 2011, les effectifs d'officiers de 1 804 ETPT et les effectifs civils de catégorie A de 2 033 ETPT, ce qui aurait généré, selon elle, une économie de l'ordre de 236 millions d'euros.

Le « repyramidage » des effectifs présente par ailleurs d'autres inconvénients que les surcoûts pour le bon fonctionnement de notre outil de défense.

Une augmentation excessive du taux d'encadrement peut conduire à l'engorgement et à la bureaucratisation des administrations centrales et intermédiaires, des multiples structures de soutien et de contrôle.

Une mission conjointe constituée entre l'Inspection générale des finances et le Contrôle général des armées sur le repyramidage des effectifs et la gestion du titre 2 du ministère de la défense, qui a remis son rapport le 4 février 2013, a ainsi estimé le coût de l'évolution de la pyramide des effectifs militaires à près de 112 millions d'euros sur la période 2007-2012, soit environ 22 millions d'euros par an en moyenne, contre 120 millions d'euros dans les calculs de la Cour des comptes pour la seule période 2008-2011, soit 40 millions d'euros par an.

Quelle que soit la mesure de ce coût, la nécessité d'inverser la tendance à l'accroissement de la part des officiers s'est imposée.

C'est pourquoi, depuis 2012, le ministère s'était engagé dans une démarche de dépyramidage des effectifs militaires.

Cette politique s'est traduite par la mise en place d'un contingentement des effectifs par grade et échelle de solde ainsi que par une réduction sensible de l'avancement en 2013.

Ainsi, d'après le Secrétaire général pour l'administration (SGA), les tableaux d'avancement des officiers supérieurs pour 2013 marquent, par rapport à 2012, des baisses respectives de 23%, 19% et 14% sur l'accès aux grades de colonel, lieutenant-colonel et commandant. Ces baisses moyennes dépassent 30% pour certains corps.

La présente LPM entend poursuivre cet effort en réduisant le pourcentage d'officiers dans la population à statut militaire de 16,75% à 16% en fin de programmation.

L'effort de déflation doit donc inverser cette trajectoire actuelle en s'appuyant sur des outils incitatifs d'aide au départ notamment prévus aux articles 23 à 28.

D'après le rapport annexé, la diminution sur le périmètre d'ensemble du ministère sera de l'ordre de 5 800 postes d'officiers.

L'objectif global de 16% d'officiers recouvre des différences entre les armées et les services.

Il traduit un retour au taux d'encadrement de fin 2010 dans chacun de ces services ou armées en tenant compte de leurs spécificités.

En outre, pour stabiliser le modèle et l'effort de dépyramidage, la déflation des effectifs sera de l'ordre de 11 200 sous-officiers.

Le nombre d'hommes du rang diminuera d'environ 9 300 militaires.

Ces résultats seront obtenus par une répartition entre les départs naturels, les départs incités, une gestion rigoureuse des avancements et un ajustement des recrutements aux besoins prévisionnels.

Enfin, le dépyramidage infra catégoriel s'inscrira dans le cadre du contingentement des effectifs par grade.

Pour le personnel civil, de l'ordre de 7 400 postes seront supprimés selon la répartition suivante : environ 300 catégorie A, 1 100 catégorie B, 2 300 catégorie C et 3 700 ouvriers de l'État.

Cette répartition devrait contribuer au rééquilibrage des différentes catégories de personnels civils.

c) Des mesures de gouvernance pour mieux maîtriser la masse salariale

Le succès de cette nouvelle politique de gestion des ressources humaines reposera sur la capacité du ministère à mettre en oeuvre des systèmes d'information performants pour la politique et la gestion des ressources humaines.

Le renforcement du pilotage des effectifs et de la masse salariale du ministère devra permettre de garantir une meilleure maîtrise des dépenses de personnel.

Deux principales mesures s'inscrivent dans cette perspective.

La première concerne le regroupement de l'ensemble des crédits de ressources humaines dans un programme unique. Le secrétaire général pour l'administration (SGA) aura la responsabilité de l'ensemble de ces crédits.

La seconde concerne la gouvernance des ressources humaines. Pour gouverner l'ensemble de ces crédits, le SGA s'appuiera sur une direction des ressources humaines du ministère, qui bénéficiera d'une autorité fonctionnelle renforcée vis-à-vis de l'ensemble des directions en charge des questions de ressources humaines au sein du ministère.

La répartition entre l'autorité fonctionnelle de la DRH-MD et l'autorité hiérarchique devra cependant être précisée.

Si c'est aux armées de s'occuper de la notation, de la discipline ou du moral des troupes, et à la DRHMD d'étudier les processus de recrutement et d'avancement, afin de savoir dans quelle mesure la trajectoire est compatible avec la maîtrise de la masse salariale, la répartition précise des tâches, les modalités d'intervention de la DRHMD sont loin d'être encore fixées.

« Nous avons jusqu'à la fin de l'année pour jeter les bases de ce système. Nous devrions utiliser 2014 comme année de calage pour tester le dispositif, qui se traduira en construction budgétaire dans le PLF 2015 » nous a dit le secrétaire général de l'administration du ministère de la défense.

d) Des mesures d'accompagnement
(1) Le renforcement des mesures d'aide au départ

La réalisation des objectifs de déflation, de dépyramidage et de maîtrise de la masse salariale, dans la logique de flux qui caractérise la gestion du personnel militaire, est conditionnée par la mise en oeuvre effective des mesures d'aide au départ.

Certaines concernent ainsi les personnels civils comme militaires et sont adaptées aux statuts et besoins de chaque catégorie et aux objectifs de déflation par catégorie.

L'effort budgétaire pour accompagner les départs reste conséquent autour de 200 millions d'euros comme constaté lors de la précédente LPM.

Ces leviers portent sur les mesures financières d'incitation au départ, intéressant environ 1 500 militaires et 400 civils par an, et d'incitation à la mobilité.

Les militaires concernés par ces objectifs de départ présentent une importante variété de profils qui se décline de manière spécifique selon les armées, directions et services, selon les catégories et les corps et en fonction des métiers, des âges et des anciennetés de service. En outre, chaque candidature au départ est particulière au regard de la situation privée, actuelle et prospective, du volontaire.

En conséquence, le projet de loi propose également un large panel de mesures d'incitations au départ, complémentaires mais exclusives les unes des autres, afin de permettre de mieux répondre aux impératifs des gestionnaires, aux situations particulières des administrés candidats aux départs et à la nécessaire maîtrise du coût de ces mesures.

Le dépyramidage attendu par la LPM induit un effort tout particulier sur le départ des officiers et, dans une moindre mesure, des sous-officiers anciens.

Toutefois, le maintien de certaines compétences rares (atomique, aéronautique, informatique, etc.) et convoitées par les entreprises constitue un enjeu important pour les gestionnaires.

Dès lors, au-delà des critères techniques d'éligibilité à chacun des leviers et des intentions personnelles des candidats au départ, la politique de mise en oeuvre des mesures d'incitation devra se fonder sur l'élaboration de profils prioritaires établis pour tenir compte des catégories d'emplois (officiers, sous-officiers...), des compétences, des grades et du coût de l'aide au départ associée.

(2) Les mesures spécifiques nécessaires pour le personnel militaire

Pour atteindre l'objectif fixé par le futur modèle d'armée, des mesures conjoncturelles d'accompagnement visent particulièrement à permettre la réalisation des objectifs de déflation tout en participant à l'atteinte de la pyramide cible.

Il s'agit en premier lieu de mesures concernent la promotion fonctionnelle et la pension afférente au grade supérieur (PAGS).

Par ailleurs, deux autres mesures conjoncturelles sont prévues, le pécule d'incitation au départ et la prorogation du dispositif actuel d'accompagnement à la mobilité qui sera porté par le projet de loi de finances pour 2014.

En complément de ces mesures incitatives conjoncturelles, des mesures pérennes ont pour ambition de mieux impliquer les gestionnaires dans une véritable gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

L'une de ces mesures, applicable dès 2014, est intégrée dans le présent projet de loi. Il s'agit de la rénovation du dispositif actuel de disponibilité. Elle consiste à placer en position de non-activité, dans le respect d'un contingent, les officiers de carrière qui en font la demande agréée et qui ont effectué plus de quinze années de service dont six en qualité d'officier.

Des mesures d'accompagnement sont prévues.

Ainsi le projet de loi prévoit un dispositif qui concerne les colonels, lieutenants-colonels, commandants, capitaines, adjudants-chefs et adjudants de carrière titulaires d'un droit à pension à jouissance immédiate alors qu'ils se trouvent à plus de cinq ans de la limite d'âge de leur grade. Le dispositif vise à permettre à cette population de quitter l'institution militaire en échange d'une pension revalorisée.

Il fait revivre, en l'instituant par la loi, un mécanisme dit de promotion fonctionnelle qui permet au ministère de promouvoir certains militaires dont les capacités et les compétences leur permettent d'occuper de nouvelles responsabilités mais pas d'envisager une évolution continue sur le long terme. En contrepartie de la promotion accordée, le militaire s'engage donc à quitter les rangs de l'armée après quelques années dans des fonctions renouvelées.

Il prévoit, dans le prolongement du dispositif applicable au cours de la précédente loi de programmation militaire, l'attribution aux militaires de pécules d'incitation à quitter l'armée. Ces pécules sont attribués en tenant compte des nécessités du service et font l'objet d'un contingentement annuel fixé au niveau interministériel. Ils sont exclus de l'assiette de l'impôt sur le revenu.

Il permet de placer en position de disponibilité, dans le respect d'un contingent, les officiers de carrière qui en font la demande agréée et qui ont effectué plus de quinze années de service dont six en qualité d'officier. En comparaison du dispositif de disponibilité actuellement applicable, celui prévu par le projet de loi est marqué par un raccourcissement de la durée du congé (cinq années au lieu de dix) mais une augmentation de sa rémunération. La solde est diminuée de 50% durant la première année, de 60% durant la deuxième, et 70% durant les trois années suivantes - au lieu d'une diminution de 66% sans dégressivité pour la disponibilité actuelle.

Il permet de tenir compte, dans l'article L. 4139-16 du code de la défense relatif aux limites d'âge applicables aux différents corps, de la suppression du cadre spécial de l'armée de terre et de la création de deux corps d'officiers à vocation technique.

(3) Des mesures spécifiques nécessaires pour le personnel civil

Le présent projet de loi prévoit également un plan d'accompagnement des restructurations proche du dispositif utilisé lors de la précédente loi de programmation avec un budget de près de 400 millions d'euros sur l'ensemble de la période.

PREVISION 2014 - 2019

Mesures de restructurations

2014

2015

2016

2017

2018

2019

TOTAL

Incitation au départ : IDV (ouvriers de l'Etat)

y compris IDV CRE

Nbre

400

423

423

423

250

0

1 919

Montant en M€

30.5

32.3

32.3

32.3

19

0

146.1

Incitation au départ : IDV (fonctionnaires et contractuels CDI)

Nbre

70

66

66

66

45

0

313

Montant en M€

3.2

3.0

3.0

3.0

2.0

0

14.2

Mobilité

(Fonctionnaires, ouvriers de l'Etat et les compléments)

Nbre

1 025

1 150

1 150

1 150

600

0

5 075

Montant en M€

25.0

28.9

28.9

28.9

16.0

0

127.6

Chômage lié aux IDV OE

Montant en M€

16.0

18.9

20.1

21.9

20.1

13.7

110.7

TOTAL

Montant en M€

74.7

83.1

84.3

86.1

57.1

13.7

399.0

La majorité des dispositifs n'a pas exigé de mesures législatives de reconduction.

Il permet également la prorogation d'un dispositif d'indemnités de départ volontaire pour les ouvriers d'État. Comme le pécule attribué aux militaires, cette indemnité est exclue de l'assiette de l'impôt sur le revenu

Il vise à favoriser la mobilité interne au ministère et vers les autres fonctions publiques. Il comporte également un volet incitatif aux départs volontaires. Le projet de loi permet la prorogation d'un dispositif d'indemnités de départ volontaire pour les ouvriers d'État. Comme le pécule attribué aux militaires, cette indemnité est exclue de l'assiette de l'impôt sur le revenu.

D'autres mesures non législatives portent sur :

- le complément spécifique de restructuration pour les fonctionnaires et les agents non titulaires de droit public recrutés pour une durée indéterminée ;

- l'indemnité de conversion attribuée aux ouvriers de l'État ;

- le complément exceptionnel de restructuration attribuée aux ouvriers de l'Etat ;

- l'indemnité de départ volontaire accordée aux personnels ouvriers de l'État ;

- l'indemnité de départ volontaire pour création ou reprise d'entreprise pouvant être attribuée aux ouvriers de l'État quittant l'administration et créant ou reprenant une entreprise privée.

(4) Les mesures en faveur de la reconversion du personnel militaire et la formation du personnel civil.

Ces dispositions concernent l'action sociale, la reconversion du personnel militaire et la formation du personnel civil.

2014 (*)

2015

2016

2017

2018

2019

Total

Hors Titre II - personnel militaire et civil (action sociale, reconversion des PM et formation des PC)

4,39

5,07

4,06

4,06

2,01

2,01

21,6

Conférence de répartition 9 juillet 2013 en millions d'euros

(*) Prévision PLF 2014

Il s'agit d'un effort budgétaire conséquent par rapport à la précédente loi de programmation militaire qui prévoyait une déflation d'effectifs supérieure et des restructurations plus importantes: 21,6 millions d'euros contre 28,27 au cours de la précédente LPM.

L'effort sera produit au cours des premières années d'exécution de la loi de programmation, notamment pour les personnels militaires.

Il s'appuiera comme dans la précédente loi de programmation sur des dispositifs d'aide sociale destinés à favoriser la mobilité induite par les mesures de restructuration, de formation d'adaptation au nouvel emploi des personnels civils, et par des dispositifs d'accompagnement des reconversions vers le secteur privé et vers les trois fonctions publiques.

L'Agence de reconversion de la défense (ARD) « Défense mobilité », unique pour l'ensemble du personnel, créée lors de la précédente loi de programmation militaire, jouera un rôle important dans l'accompagnement des reconversions. Pour autant, comme l'ensemble des structures du ministère, elle devra réduire ses coûts de fonctionnement. Afin d'atteindre ses objectifs de performance dans un contexte de réduction de ses effectifs, et dans un environnement budgétaire contraint, l'agence procédera à un certain nombre d'évolutions de son organisation.

e) Les conditions de réussite de la déflation : la préservation du moral des troupes et des gains de productivité importants

Comme l'a souligné M. Jean Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration du ministère de la défense, « les réductions d'effectifs qui s'annoncent viennent après des mouvements déjà très importants ».

L'objectif de préservation de l'outil opérationnel conduit à faire porter les réductions nouvelles sur des structures de soutien général, d'administration, d'état-major et autres, qui ont déjà été durement éprouvées par la réorganisation de la chaîne des soutiens, avec la création des bases de défense et le développement de structures interarmées.

(1) La préservation du moral des troupes

Or une des conditions de réussite de la programmation et de la qualité de notre outil de défense demeure le moral des troupes. La motivation des soldats est en effet nécessaire pour conduire les réformes en cours, indispensable pour préserver leur efficacité opérationnelle.

Le ministère de la défense engage une nouvelle évolution de grande envergure qui ne pourra être conduite efficacement à son terme sans l'adhésion et la mobilisation de l'ensemble des personnels, civils et militaires.

La condition militaire, qui recouvre l'ensemble des obligations et sujétions propres à l'exercice du métier militaire, ainsi que les garanties et les compensations que la Nation estime nécessaire d'apporter aux militaires, doit, en effet, être appréhendée à l'aune de son impact sur l'emploi des forces.

Par sa répercussion sur le moral du personnel, elle est un élément constitutif de la capacité opérationnelle des forces.

De ce point de vue, le rythme des réformes, les déménagements et les restructurations, la diminution des effectifs, la perspective d'une fin des OPEX, les craintes suscitées par la perspective d'une loi de programmation qui demandera à la défense de nouveaux efforts ne favorisent pas la quiétude !

Les chefs d'état-major auditionnés par la commission en sont bien conscients.

L'Amiral Edouard Guillaud, Chef d'état-major des armées s'en est fait l'écho au cours de l'année 2013 : « Je vois aussi des risques dans le domaine des ressources humaines. Les économies décidées imposent un gel des recrutements d'environ 2 000 personnes sur 2012-2013 et, une nouvelle fois en 2013, une diminution des mesures catégorielles. En termes de taux de retour des économies dégagées par les déflations, celui du ministère s'est établi à 33% en 2011 et 20% en 2012. Il atteindra 30% en 2013, ce qui est nettement inférieur à la norme en vigueur de 50%. Le moral est déjà fragile, ce ne sont pas ces mesures qui vont l'améliorer ! ».

Dans ce contexte fragile, les difficultés rencontrées pour liquider les soldes cette année avec les dysfonctionnements du logiciel Louvois n'ont fait qu'accroître l'insatisfaction.

Dans chacune des armées, les efforts demandés depuis de nombreuses années ont beaucoup sollicité les militaires de tous rangs.

Au niveau des officiers, la diminution des postes d'officiers généraux a diminué les perspectives de carrière.

L'annonce au cours de l'année d'un effort supplémentaire avec une réduction des avancements dans les grades d'officier supérieur et la mise en place d'un dispositif de contingentement des effectifs militaires par grade n'a pas amélioré le moral des troupes.

Une réduction significative des tableaux d'avancement et des perspectives risque de fragiliser le moral des officiers, notamment dans les catégories de personnel qui portent la réforme.

De l'autre côté de la hiérarchie militaire, le Haut comité de l'évaluation de la condition militaire (HCCM) observait en 2012 que « l'état du moral des militaires du rang en 2012 demeure fragile ».

Les conséquences concrètes en sont, dans l'armée de terre, la difficulté à fidéliser les engagés au-delà de six ans.

Pour les militaires engagés, il ressort des enquêtes internes aux armées un sentiment général d'incertitude concernant, d'une part, leur avenir professionnel, la reconnaissance de leur service et, d'autre part, les conséquences des restructurations, en particulier dans l'armée de terre avec le renforcement de la mobilité.

Celle-ci s'oppose en effet à un fort ancrage territorial, surtout chez les plus jeunes qui bénéficient de la proximité du réseau familial.

Le Haut comité souligne que l'insatisfaction se concentre sur les domaines ayant des incidences directes sur la vie sociale et privée : conditions matérielles de vie, solde, indemnités, alimentation, logement.

De ce point de vue, les nouvelles économies de fonctionnement très volontaristes programmées à hauteur de plus de 600 M€ sur la période 2014-2019, soit près de 100 M€ dès le PLF 2014 entraîneront nécessairement une austérité accrue.

Ces mesures d'économie s'appliqueront alors que le fonctionnement est déjà marqué par une très forte rigidité des dépenses.

Comme l'a souligné le Chef d'état-major des armées, l'amiral Guillaud : « Cette très forte contrainte sur le fonctionnement se répercutera sur les conditions de vie et de travail du personnel, d'autant que, dans le domaine de l'infrastructure, les ressources ne permettront plus de faire de maintenance préventive. »

A titre d'illustration, le ratio de maintenance par m 2 restera très inférieur au ratio considéré comme satisfaisant : 4 € par m 2 prévus pour 11 € par m 2 admis communément.

Ces mesures qui touchent les conditions de vie des militaires s'inscrivent dans un contexte où nombre de militaires perçoivent déjà un déséquilibre entre les sujétions et les contreparties de l'état de militaire

Le Haut comité note ainsi que les militaires du rang perçoivent les changements de la société qui les entoure, notamment ce qui concerne la qualité de la vie, le temps de travail, l'utilisation des moyens de communication, et mesurent de façon croissante le décalage qui existe avec la condition militaire.

Cette perception d'un déséquilibre entre les sujétions et les contreparties de l'état de militaire est renforcée avec l'ancienneté de service, qui s'accompagne généralement d'une transition de l'état de célibataire vers celui de membre ou chef de famille.

L'étude menée par le Haut comité de l'évaluation de la condition militaire et l'INSEE sur les rémunérations des ménages dont la personne de référence est un militaire montre que le niveau de vie moyen du ménage est inférieur à celui d'un ménage dont les membres sont tous deux civils. Cette différence en défaveur des militaires et de leur conjoint s'explique par un revenu moins élevé en moyenne du conjoint.

Le niveau de vie moyen annuel du ménage du militaire était inférieur de 19,8% à celui du ménage du fonctionnaire civil de l'État sur la période 1996-2001.

Neuf années après, l'écart est toujours orienté dans le même sens et diminue légèrement pour atteindre 17,8%.

Les mesures qui touchent à la condition militaire doivent prendre en compte cet écart, si on ne veut pas prendre le risque de voir les candidats renoncer à la carrière militaire devant le déséquilibre entre les sujétions et les contreparties offertes aux militaires.

(2) La concordance entre le cadrage financier retenu pour l'évolution de la masse salariale et les objectifs en matière d'effectifs.

Une grande partie de l'architecture de la programmation repose sur les équilibres qui ont été définis en matière d'adaptation des effectifs, à savoir :

- une déflation globale qui génère d'importantes économies brutes ;

- un dépyramidage volontariste.

-une répartition de 78%/22% pour les personnels civils entre suppressions d'emplois militaires et suppressions d'emplois civils  contre 75/25 précédemment ;

- une répartition 61%/39% entre suppressions d'emplois portant sur le soutien et suppressions d'emplois touchant à la capacité opérationnelle contre 75%/25% dans la précédente LPM ;

- le maintien d'un flux régulier de recrutement, notamment pour les militaires engagés, compensé par des départs volontaires et des reclassements avec une répartition suivante ;

L'une des difficultés de cette « manoeuvre » tient au respect de l'ensemble de ces paramètres et en particulier à la concordance entre le cadrage financier retenu pour l'évolution de la masse salariale et les objectifs en matière d'effectifs .

Des difficultés pourraient résulter de l'insuffisance des instruments disponibles en matière de pilotage de la masse salariale et des ressources humaines, notamment des systèmes d'information.

Les hypothèses de coût moyen sur lesquelles repose la valorisation des déflations d'effectifs devront ainsi être vérifiées.

L'exécution de la programmation devra éviter deux écueils : un rythme de déflation des effectifs inférieur aux prévisions, qui conduirait à majorer les crédits du titre 2 au détriment notamment de l'équipement, ou au contraire une maîtrise financière du titre 2 dans le cadre prévu, qui s'effectuerait au prix d'une sous-réalisation des objectifs en matière d'effectifs.

Une « sur-exécution » du titre 2 pourrait résulter de sa dynamique propre ou d'une difficulté à réaliser les économies d'effectifs prévues, du fait de l'ampleur des réorganisations à opérer ou de difficultés sur les départs volontaires ou les reclassements.

Si l'on considère à l'inverse que le titre 2 évoluera quoi qu'il arrive selon le schéma prévu, le risque principal sera celui d'une accélération non souhaitée de la déflation des effectifs.

Lié aux interactions entre masse salariale et effectifs, le deuxième enjeu portera sur la préservation du flux de recrutement . Celui-ci ne doit pas devenir la principale variable d'ajustement des effectifs à la masse salariale. Ce flux de recrutement est essentiel au maintien de la capacité opérationnelle.

Le levier le plus aisé à manier dans la déflation des effectifs est en effet la régulation des flux : non-remplacement d'une part des départs à la retraite pour les civils et gel des recrutements des ouvriers d'État, non-recrutement et non-renouvellement de contrat pour les militaires.

Pour ces derniers, la régulation des flux porte principalement sur les personnels sous contrat qui forment l'essentiel de la composante opérationnelle.

Il s'agit donc d'un exercice délicat, qui risque d'affecter la moyenne d'âge des militaires si l'équilibre entrées/sorties n'est pas correctement assuré.

Les armées continuent pendant la conduite de la réduction du format à recruter chaque année plus de 12 000 militaires du rang et plusieurs milliers d'officiers, de sous-officiers et de civils.

Dans un contexte de déflation significative, la tentation pourrait être grande de réduire le recrutement pour diminuer les effectifs, sans provoquer trop de départs parmi les anciens et sans mettre à mal trop de plans de carrière.

Ce serait évidemment une erreur qu'il faut bien se garder de commettre : les armées doivent continuer à recruter pour conserver leur jeunesse et leur nécessaire dynamisme.

Dans ce contexte de déflation des effectifs, recrutement et fidélisation restent plus que jamais les priorités.

Enfin, il est impératif de mener à bien l'ambitieux chantier de la réorganisation et de la modernisation du soutien et de l'administration générale, faute de quoi le rééquilibrage au profit des capacités opérationnelles serait compromis.

(3) Le dépyramidage : une gageure

La suppression de 1 000 à 1 100 postes d'officiers par an prévue constitue un objectif particulièrement ambitieux.

Il s'agit en effet de trois fois et demie la déflation moyenne réalisée sur la période 2008-2013, dans un contexte marqué par la réforme des retraites et alors même que les reconversions dans le secteur privé sont de plus en plus difficiles en raison de la crise économique et dans le secteur public en raison des suppressions de postes qui touchent l'ensemble de la fonction publique.

Cette suppression va sans doute entraîner un taux d'encadrement inférieur à l'objectif fixé de 16%, puisque, comme l'observe le Chef d'état-major des armées : « le taux d'encadrement des armées mesuré ou pris stricto sensu est déjà inférieur à l'objectif moyen annoncé de 16%. »

Pour que cette mesure ne déséquilibre par le fonctionnement du ministère de la défense dans toutes ses composantes, il conviendra de veiller aux conditions d'emploi de ce personnel afin de maintenir un équilibre entre les besoins propres des armées et le dispositif interarmées qui s'est mis peu à peu en place.

M. Jean Paul Bodin a notamment souligné ses craintes de voir le dispositif interarmées être dépossédé d'une partie de ses cadres : « J'ai besoin dans mes services d'officiers ayant eu un parcours opérationnel et qui savent de quoi on parle. Quand on traite de crédits relatifs au programme d'armement à la direction des affaires financières, il faut avoir quelques ingénieurs de l'armement et des officiers des armes qui savent parfaitement de quoi on parle pour traduire tout cela sous l'angle financier. »

Mais au-delà du dépyramidage, les efforts demandés conduiront inévitablement, dans le cours de la LPM, à revoir la politique des ressources humaines, notamment en ce qui concerne les militaires.

Il est difficile de concevoir qu'une telle réforme n'entraîne pas des modifications dans les processus de sélection, d'avancement, de déroulement de carrière. Il conviendra en outre d'intégrer des mesures relatives à l'évolution des textes en matière de retraites, nécessitant de revoir les durées de passation de grades, d'allongement des carrières, etc.

Des questions se feront également jour en termes de recrutement : combien d'officiers recruter dans les grandes écoles militaires mais pour des contrats et des périodes plus courtes ? Tous ces éléments de politique des ressources humaines devront être réexaminés en commun.

4. Le pari d'économies supplémentaires dans le fonctionnement, au prix d'une nouvelle réorganisation du soutien
a) Le pari ambitieux d'économies supplémentaires dans le fonctionnement du ministère de la défense

Le rapport annexé au projet de loi indique que des efforts d'économies seront entrepris pour réduire les coûts de structure du ministère de la défense. De tels efforts doivent permettre de les limiter (hors OPEX) à 3,5 milliards d'euros courants en moyenne par an.

C'était déjà le pari - qui n'a pas été totalement atteint - de la précédente loi de programmation : arriver à dégager des économies dans le soutien, de sorte à donner la priorité, à enveloppe budgétaire contrainte, à l'équipement et à l'opérationnel.

Les économies à réaliser représentent plus de 600 millions d'euros sur la période, soit 100 millions d'euros dès le projet de loi de finances pour 2014.

Cette stabilisation des dépenses de fonctionnement à 3,5 milliards d'euros va en effet se traduire par une baisse en volume de 12% sur la période de la loi de programmation, soit environ 100 millions d'euros par an, après une baisse de 7% des crédits de fonctionnement en 2013.

En termes d'effectifs, une des priorités du projet de loi étant de préserver les forces opérationnelles, la plus grande part des déflations (14 500) devrait provenir de la transformation de l'environnement des forces et en particulier du soutien.

L'équation est compliquée car les dépenses de fonctionnement sont soit très rigides, soit -encore pire- naturellement orientées à la hausse, soit elles affectent directement les conditions de vie des personnels.

Certaines dépenses sont particulièrement rigides, voire spontanément haussières :

- le tiers d'entre elles concerne l'activité opérationnelle des forces (carburants, entraînement,...) que le gouvernement entend, à juste titre, sanctuariser ;

- le soutien courant des structures (520 M€ en 2013), est notamment constitué des coûts des fluides et de l'énergie (qui représentent 40% des dépenses des bases de défense) ;

- un peu moins de 20% touche à la condition des personnels militaires (compensation SNCF, alimentation, etc...), un peu plus de 20% sont constitués d'engagements contractuels (comme la convention SNCF signée pour la période 2012-2017 ou contrats d'externalisation de prestations), qui « rigidifient » les budgets,

- les « frais généraux » ne constituent donc en réalité que moins de 30% du total des dépenses de fonctionnement, et le ministère de la défense y subit des hausses de coûts, comme par exemple en matière de mise aux normes des bâtiments et des dépenses d'entretien immobilier.

b) Des dépenses qui souffraient déjà d'une sous-estimation récurrente de leur enveloppe

Les objectifs du projet de loi de programmation sont extrêmement ambitieux compte tenu des efforts déjà accomplis dans ce domaine ces dernières années.

Ils interviennent en effet dans un contexte marqué, sous l'impulsion tant de la révision générale des politiques publiques (RGPP) que de la précédente loi de programmation militaire, par la réorganisation totale, depuis 2008, des fonctions de soutien, avec, notamment, la création des bases de défense (en 2011) et la mutualisation du soutien entre les unités, sur une base géographique.

La seule création des bases de défense aura ainsi permis d'« économiser » 10 000 postes au sein du ministère de la défense. Une grande part des 37 projets conduits dans le cadre de la RGPP portaient sur le soutien.

Plusieurs rapports (Cour des Comptes, Sénat 26 ( * ) , puis Assemblée nationale) ont mis en lumière non seulement le bouleversement total - et le véritable le choc culturel - qu'ont vécu, à la suite de ces réorganisations, les personnels en charge du soutien, mais aussi la difficulté à contraindre l'accroissement des dépenses de fonctionnement malgré une action résolue dans ce sens.

Les travaux de votre commission, et ceux de l'Assemblée nationale, ont mis en lumière une certaine « paupérisation » (pour reprendre un terme utilisé par les députés) des bases de défense, sous-dotées budgétairement, qui pèse forcément sur les conditions de vie quotidiennes du personnel (en particulier dans le domaine du soutien vie, de l'entretien immobilier courant, voire de l'entraînement).

Le rapport d'information de votre commission avait notamment mis en lumière dès juillet 2012 la mécanique perverse consistant à sous-estimer, en construction, les coûts du soutien, occasionnant impasses budgétaires, report de charges, ré-abondement in extremis en gestion voire « resoclage » de l'enveloppe budgétaire.

Ainsi en a-t-il été par exemple des dotations de fonctionnement des bases de défense en 2012. Faisant le constat, après une série de visites sur place, de l'« étranglement financier » des bases de défense, votre commission chiffrait ainsi, à l'été 2012, l'impasse budgétaire à 130 millions d'euros pour la seule année 2012, soit le quart de l'enveloppe. Un audit du ministère de la défense confirmait par la suite ce constat, conduisant à un « resoclage » de l'enveloppe en loi de finances initiale pour 2013 (crédits portés de 630 à 720 millions d'euros).

Les effets de cette pénurie de crédits sont doubles : d'une part elles induisent des reports de charge qui mettent en péril les exécutions budgétaires futures, d'autre part elles conduisent à des économies forcées qui démotivent les personnels en charge du soutien, et discréditent la nouvelle organisation du soutien aux yeux des formations soutenues.

Par ailleurs, on ne connaît que trop les conséquences de la politique tendant à ne pas assurer, faute de crédits, « l'entretien du propriétaire » en matière immobilière : faute de maintenance préventive, voire tout simplement d'entretien courant, les travaux nécessaires par la suite n'en sont que plus lourds. À cet égard il faut relever que les crédits que le ministère de la défense consacrera à l'entretien de son patrimoine immobilier représenteront 4 euros par mètre carré, là où le ratio couramment admis pour l'entretien du propriétaire est de 11 euros au mètre carré...

c) Le prix à payer : une nouvelle réorganisation des fonctions « soutien », déjà déstabilisées par l'empilement et le rythme des précédentes réformes

Atteindre ces objectifs ambitieux en termes de réductions des coûts passe nécessairement par une nouvelle réorganisation de l'organisation du soutien, alors que les réformes liées à la précédente loi de programmation, qui ont profondément perturbé les modes d'action des agents du ministère sans pour autant dégager toutes les économies attendues, ne sont pas encore totalement « digérées ».

La tâche sera d'autant moins aisée que la précédente loi de programmation a déjà vu se mettre en place les mesures de rationalisation les plus évidentes, à savoir la mutualisation des soutiens et la professionnalisation des différentes fonctions de soutien.

Il faudra donc désormais rechercher les gains de productivité par un examen en profondeur de l'efficacité de chaque processus et mode de travail. C'est nécessairement une démarche plus complexe : le plus aisé a déjà été fait lors de la mise en oeuvre de la précédente loi de programmation.

Devant votre commission, le Secrétaire général pour l'administration a décrit en ces termes ce qui s'apparente à ses yeux à un « véritable défi » : « un travail d'identification des points de progrès, processus par processus, et des simplifications qui permettront de gagner en efficacité sans dégrader la qualité du service. ».

Dans le domaine des soutiens, l'objectif est de simplifier l'organisation. Il faut relever que plusieurs propositions du rapport d'information précité du Sénat de juillet 2012, tendant à simplifier un environnement très complexe de la chaîne du soutien, seront mises en oeuvre, comme la suppression des états-majors de soutien de défense (EMSD) ou la réaffirmation d'une organisation ministérielle « métiers » se traduisant par le contrôle de bout en bout des services de soutiens spécialisés. Le Service du commissariat des armées se verra confier la responsabilité de l'administration et des soutiens communs (groupements de soutien des bases de défense, GSBDD), le commandant de base de défense étant recentré sur des fonctions de pilotage et d'arbitrage.

Une vision d'ensemble des réformes envisagées figure dans l'encadré ci-dessous :

RÉFORMES ENVISAGÉES POUR FAIRE DES ÉCONOMIES DE FONCTIONNEMENT

(SOURCE : MINISTÈRE DE LA DÉFENSE, RÉPONSE ÉCRITE AU QUESTIONNAIRE DE VOTRE COMMISSION)

Couvrant l'ensemble du périmètre ministériel, près de cinquante projets sont aujourd'hui conduits, concernant la rationalisation des structures et l'optimisation des fonctions et processus.

1. La rationalisation des structures

Les pistes de chantiers de rationalisations comprennent en particulier :

- l'optimisation de la fonction « santé », en poursuivant la réforme du service de santé des armées ;

- la rationalisation des administrations centrales, incluant les commandements organiques d'armées et des états-majors interarmées ;

- dans le domaine de la logistique, la gestion des stocks de munitions et de rechanges et les stocks pétroliers ;

- la rationalisation des postes permanents à l'étranger ;

- quant au stationnement sur le territoire, le mouvement de resserrement et de densification sera poursuivi.

2. L'optimisation des fonctions et processus

L'ensemble des fonctions et processus seront revus, notamment :

- la rationalisation des fonctions de soutien, notamment les fonctions administratives mais également l'« habillement » et l'« alimentation-hébergement-loisir » ;

- la poursuite de la rationalisation de la formation initiale et continue, en privilégiant les mutualisations entre armées et au sein des armées ;

- une rationalisation plus poussée de la communication et de la fonction SIC ;

- une optimisation de la chaîne d'exécution financière et de traitement des factures, de la fonction achats et des processus administratifs RH ;

- la poursuite de la rationalisation de l'organisation du maintien en condition opérationnelle (MCO) ;

- la rationalisation de la fonction infrastructures ;

Ces économies structurelles, qui ne produiront tous leurs effets qu'à moyen-long terme, ont été complétées par une réduction volontariste des dépenses dans la plupart des secteurs : limitation des frais de déplacement, des dépenses de formation, réduction supplémentaire du parc de véhicules de la gamme commerciale (qui passe de 17 000 à 12 130 à horizon 2015), baisse des dépenses de communication, extension de la stratégie d'optimisation des achats, réduction des frais généraux...

Ces réformes auront naturellement un impact non négligeable sur les personnels en charge du soutien, qui ont déjà dû vivre un véritable empilement de réformes, à un rythme soutenu. Votre commission a tout particulièrement attiré l'attention du ministre de la défense sur ce point.

En particulier, les déflations complémentaires dans le soutien se traduiront par  :

- la poursuite de la rationalisation des bases de défense sur certaines fonctions, dans une logique de « bout-en-bout » ;

- la poursuite des simplifications et de l'harmonisation des processus ;

- l'achèvement du déploiement des systèmes d'informations.

Il va de soi que la déflation des effectifs prévue au niveau du ministère tout entier, en plus des économies en masse salariale qu'elle génère directement, se traduit par ailleurs par une diminution des dépenses de fonctionnement en matière de « coûts liés au soutien de l'homme » (alimentation, habillement, compensatrice SNCF).

« Par ailleurs, une révision de la cartographie des bases de défense pourrait être nécessaire, pour accompagner les évolutions du plan de stationnement des forces et des volumes à soutenir, pouvant se traduire par la suppression de certaines antennes de groupements de soutien des bases de défense, ou le regroupement de certaines bases de défense limitrophes et concernées par la restructuration de formations majeures, afin de leur conserver une taille critique en termes d'effectifs soutenus. 27 ( * ) »

Questionné à ce sujet par votre commission lors de son audition, le ministre de la défense a indiqué que les arbitrages n'étaient pas encore pris . Il va de soi que votre commission suivra avec une particulière attention ce dossier sensible tant pour les personnels de la défense que pour les collectivités locales concernées.

d) Une clause de sauvegarde satisfaisante pour les carburants opérationnels

Compte tenu de la rigidité des dépenses et du caractère très volontariste des objectifs d'économie, il existe un risque que les dépenses contraintes ne phagocytent les dépenses de fonctionnement liées à l'opérationnel.

Afin d'éviter la réalisation de ce scénario, une clause de sauvegarde est prévue en matière de carburants opérationnels : « En cas de hausse du prix constaté des carburants opérationnels, la mission défense bénéficiera de mesures financières de gestion et, si la hausse est durable, des crédits supplémentaires seront ouverts en construction budgétaire, pour couvrir les volumes nécessaires à la préparation et à l'activité opérationnelle des forces. ».

Cette clause est semblable à celle existant dans la précédente loi de programmation, qui mentionnait, dans son rapport annexé (point 6.2) qu'en « cas de hausse du coût constaté des carburants opérationnels, le budget du ministère de la défense fera l'objet de mesures de gestion et, si la hausse est durable, des crédits supplémentaires seront ouverts en construction budgétaire, pour couvrir les volumes nécessaires à la préparation opérationnelle des forces. »

Il faut noter que la rédaction de la présente loi de programmation est à cet égard plus large puisque la clause de sauvegarde couvre non seulement le carburant nécessaire à l'entraînement mais aussi à l'activité opérationnelle des forces.

La précédente clause de sauvegarde a été mise en oeuvre au cours de l'exécution de la précédente loi de programmation. Ainsi par exemple, la loi de finances initiale pour 2012 a-t-elle prévu un abondement supplémentaire de 100 millions d'euros directement lié à l'augmentation du prix du carburant. Le texte proposé par le projet de loi paraît donc à cet égard offrir les garanties nécessaires.

e) La fixation d'orientations nouvelles pour le maintien en condition opérationnelle reporté à 2015

Le projet de loi de programmation, dans son rapport annexé, fait état d'un projet d'« amélioration de la chaîne de soutien », qui fait l'objet d'un vaste chantier de réforme, initié par l'état-major des armées, sur la base du développement de principes de « supply chain management » inspirés des meilleurs pratiques de l'industrie privée.

Cette réforme globale des modèles d'approvisionnement et logistiques des armées est destinée à permettre une meilleure maîtrise des flux financiers, physiques et d'informations circulant entre :

- les fournisseurs / prestataires de la défense ;

- les forces (« client » final) ;

- les opérateurs logistiques (entreposage et acheminement).

Cette révision des schémas logistiques a pour objectif de délivrer les bonnes pièces de rechange, en quantité adaptée, au bon moment et au bon endroit, avec à la clef, une augmentation des capacités opérationnelles des armées à moindre coût, par :

- l'optimisation des approvisionnements et des stocks en fonction des plans de charge, des priorités techniques et tactiques du moment ;

- la diminution des coûts d'exploitation par une réduction du nombre de sites d'entreposage et une élimination des stocks inutiles ;

- des gains en effectifs dans la fonction entreposage avec la réduction du nombre d'entrepôts (en privilégiant les magasins centraux) ;

- une amélioration des prestations logistiques et de la disponibilité des matériels, par un accroissement de la réactivité de la logistique physique d'entreposage et d'acheminement.

Dans ses réponses écrites au questionnaire de votre commission, le ministère de la défense indique que : « ce chantier, programmé pour durer dix-huit mois, commencera en novembre 2013 en même temps qu'une prestation d'assistance à maîtrise d'ouvrage dédiée. (..)

« Si la mise en oeuvre de la transition n'est envisagée qu'en 2015, à l'issue de la conception détaillée du nouveau modèle logistique, certains effets seront obtenus dès 2014 avec un assainissement des stocks, et un pilotage fin des investissements d'infrastructure sur les dispositifs d'entreposage. »

Il faudra donc concrètement attendre 2015 pour avoir connaissance des nouveaux principes d'organisation en la matière.

5. Accompagner économiquement les territoires touchés par les restructurations

Des restructurations seront engagées pour mettre en oeuvre les nouveaux formats des armées et réaliser les économies de fonctionnement nécessaires à l'équilibre financier de la loi de programmation militaire.

Ces restructurations seront coordonnées afin d'optimiser le plan de stationnement du ministère dans un souci de mutualisation des soutiens, de densification des emprises et de réduction des dépenses de fonctionnement. Elles se traduiront par la suppression d'un certain nombre d'unités et de services.

La loi de programmation militaire n'indique pas de façon précise la nature de ces restructurations hormis pour l'armée de terre dont il est acquis qu'elle perdra l'équivalent d'une brigade interarmes et le principe qu'elle devrait toucher davantage les structures de soutien des forces que les forces elles-mêmes.

La réflexion est en cours sur les modalités de gestion des restructurations. Celles-ci résulteront, d'une part, d'une analyse capacitaire, et fonctionnelle conduite par les états-majors, direction et services et, d'autre part, d'une analyse multicritères prenant en compte des considérations d'ordre opérationnel (respect des contrats opérationnels) ou budgétaire (réduction des coûts de fonctionnement par mutualisation des soutiens ou densification des emprises, par exemple). Ce choix sera aussi fait avec le souci constant de l'aménagement du territoire.

Le gouvernement a décidé de se donner du temps pour la décision. Les restructurations seront annoncées en deux temps :

- Le 3 octobre 2013, le ministre a annoncé les restructurations qui seront mises en oeuvre en 2014 28 ( * ) ;

- à l'automne 2014, pour celles qui concerneront l'année 2015 et probablement les années ultérieures ;

Lors de son audition, le ministre de la défense a indiqué qu'il prendrait « le temps nécessaire pour mesurer les conséquences de chaque mesure ». (...) « Une analyse fonctionnelle, plus longue et plus délicate, est nécessaire, afin de partager les efforts entre services centraux et services de soutien ».

Il conviendra dès lors d'organiser la transition dans les meilleures conditions possibles en tirant pleinement les enseignements des précédentes restructurations.

Dans cette perspective, le rapport annexé indique qu'un accompagnement économique adapté à la situation spécifique de chacun des territoires les plus sévèrement affectés par les conséquences des mesures de restructuration de la défense sera réalisé au travers, principalement, d'une démarche de contractualisation au bénéfice des territoires et de mesures d'ordre fiscal.

a) Un dispositif resserré sur les territoires les plus sévèrement impactés

Les interventions de l'État seront concentrées sur un nombre limité d'actions choisies parmi les plus structurantes et les plus efficientes pour la redynamisation des bassins d'emploi, parmi lesquelles figureront nécessairement celles dont la finalité principale sera la reconversion des emprises libérées par la défense.

Le dispositif d'accompagnement économique tel qu'il a été mis en place dans la précédente loi sera revu. Celui-ci a montré un certain nombre de limites et de fragilités.

La Cour des comptes 29 ( * ) mène actuellement un contrôle sur les dispositifs d'accompagnement des restructurations mis en oeuvre pendant la loi de programmation militaire 2009-2014 qui permettra probablement d'en améliorer l'efficacité.

Dans leur rapport sur les bases de défense, nos collègues Gilbert Roger et André Dulait avaient produit un premier bilan 30 ( * ) , complétés par les rapporteurs du programme 212 dans leur rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2013 31 ( * ) .

Ces dispositifs ont permis de financer des projets qui ont tous pour finalité de favoriser l'attractivité des territoires concernés mais sont très divers dans leur nature, allant jusqu'à apporter des compléments de financements à des projets déjà en cours.

La contribution de certains projets à la dynamisation des territoires, en termes de création d'emplois notamment a pu être discutée.

Les projets ne concernaient pas tous la valorisation des emprises délaissées par la défense ce qui conduit à lui en laisser la charge et notamment les coûts de gardiennage (2 millions d'euros inscrits en loi de finances) et sont une source de difficultés pour les communes concernées.

La situation des bases aériennes, souvent éloignées des agglomérations, souvent situées sur plusieurs collectivités, connaissant parfois un niveau important de pollution et celle des camps militaires situés dans des zones peu attractives ont été difficiles à gérer.

La mise en oeuvre des instruments juridiques a été particulièrement longue : plus de la moitié des contrats de redynamisation de sites de défense (CRSD) et des plans locaux de redynamisation l'ont été en 2012, quatre ans après le lancement du plan d'accompagnement territorial.

Des difficultés obèrent le rythme de consommation des crédits, notamment l'obligation de dépollution, en fonction de l'usage futur du site.

b) Une démarche de contractualisation
(1) Une simplification des instruments juridiques

Compte-tenu de ces éléments, l'instrument privilégié de cette démarche sera le contrat de redynamisation de site de défense (CRSD) 32 ( * ) élaboré, sous l'égide du préfet conjointement avec l'ensemble des collectivités territoriales concernées, par les services de la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR) et de la Délégation à l'accompagnement des restructurations (DAR) Les préfets seront chargés d'en assurer la mise en oeuvre et le suivi, en relation étroite avec les administrations centrales concernées. Au stade actuel des études, il est donc effectivement envisagé de ne recourir qu'à ce seul mode de contractualisation.

Pour mémoire, la loi de programmation militaire 2009-2014 prévoyait deux dispositifs :

« Ainsi, 24 contrats de redynamisation de sites de défense (CRSD) sont prévus pour les communes ou les zones d'emploi les plus fragiles. Par ailleurs, les communes touchées par un nombre significatif de départs bénéficieront de plans locaux de redynamisation (PLR), pilotés par les préfets. »

(2) Une méthodologie plus efficace

Pour éviter la durée excessive de la phase d'élaboration des contrats un effort de méthodologie devra donc être consenti par tous les acteurs : délégués régionaux ou interrégionaux aux restructurations placés auprès des préfets de département, structures intercommunales et syndicats mixtes notamment dans le travail de diagnostic, de recensement des besoins et d'identification des projets, établissements publics d'aménagement foncier.

Cet effort devra aussi s'accompagner d'une réelle volonté de l'ensemble des acteurs de dépasser les clivages locaux afin de faire prévaloir l'intérêt général.

(a) Le maintien de la Délégation à l'Accompagnement des Restructurations

Dans leur rapport pour avis sur le programme 212 33 ( * ) , vos rapporteurs s'étaient interrogés, sans trancher la question, sur la pertinence de faire conduire une politique de redynamisation des territoires par une entité dépendant directement du ministère de la défense, alors que l'Etat s'est doté d'une administration spécialisée est compétente en matière d'aménagement du territoire (DATAR).

Le projet de loi a opté pour le maintien de la Délégation aux restructurations considérant que la présence du ministère de la défense dans les négociations en appui de la DATAR est de nature à rassurer et à améliorer les relations entre les collectivités territoriales et les services de l'Etat et que nombres de sujets sont spécifiques au domaine de la défense et méritent d'être traités en relation constante avec les services du ministère (la dépollution, les ventes, les autorisations d'occupation temporaires...). C'est aussi un moyen de préserver, dans une situation difficile, le lien « Armée-Nation ».

La DAR compte 28 agents dont 12 délégués régionaux à l'accompagnement des restructurations qui sont un relai essentiel entre les collectivités territoriales, les chambres consulaires, les acteurs économiques et les services de l'Etat.

c) Une enveloppe financière adaptée
(1) Une enveloppe prévisionnelle de 150 millions d'euros

Une enveloppe financière prévisionnelle de 150 M€ sera affectée à cet accompagnement économique via le Fonds pour les restructurations de la Défense (FRED) 34 ( * ) à hauteur des deux tiers du total et le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) à hauteur d'un tiers. Cette répartition est identique à celle de la précédente loi de programmation militaire. Le montant de l'enveloppe financière a été réduit compte tenu de la moindre ampleur des restructurations à venir.

L'enveloppe de 320 M€ accordée pour la période 2008-2015 en accompagnement d'une déflation de près de 55 000 postes correspondait à une compensation économique moyenne de l'ordre de 5 800 € par poste supprimé.

L'enveloppe prévisionnelle globale inscrite dans le présent projet de LPM a été évaluée par l'emploi d'un ratio voisin. Le ratio moyen, qui ne doit en aucun cas être considéré comme une norme impérative, a toutefois été porté de 5 800 à 6 400 euros par poste supprimé afin de prendre en considération la situation de l'emploi engendrée par la crise économique que traverse actuellement la France.

Le montant global de l'enveloppe atteint donc 150 M€ pour 23 500 postes supprimés étant entendu que la décision d'assortir ou non une mesure de restructuration d'une enveloppe financière ainsi que le montant même de cette enveloppe ne sera prise qu'au terme d'une analyse socio-économique de l'impact de la mesure sur le bassin d'emploi concerné réalisée par la DATAR.

(2) Le Fonds pour les restructurations de la défense (FRED) continuera à accompagner des restructurations intervenues au cours de la précédente loi de programmation

Le montant des prévisions de décaissement du FRED pour les restructurations 2008-2015 apparaît en décalage de 1 à 2 ans par rapport à celle des engagements.

Comme le prévoyait la circulaire du Premier ministre du 25 juillet 2008, les contrats ont été signés tout au long de la période. Leur mise en oeuvre nécessite très souvent le lancement d'appels d'offres, ce qui explique partiellement la durée des actions subventionnées. A ces délais incompressibles, s'ajoutent parfois, des délais dus à des obstacles inattendus (fouilles archéologiques, recours, appels d'offres infructueux, protection de l'environnement, ...), qui pèsent lourdement sur la réalisation et l'achèvement des projets. Dans l'état actuel des prévisions, le décaissement du FRED en accompagnement des restructurations 2008-2015 devrait être de 36M€ en 2014, 43M€ en 2015, 21M€ en 2016, 20M€ en 2017 et 16M€ en 2018.

d) L'adaptation des leviers existants

Le rapport annexé mentionne trois dispositifs complémentaires en appui du plan d'accompagnement territorial des restructurations.

(1) Le dispositif fiscal d'accompagnement

Le rapport annexé indique que l'accompagnent économique (...) « sera réalisé au travers, principalement d'une démarche de contractualisation au bénéfice des territoires et de mesures d'ordre fiscal ».

Il ne détaille pas les mesures envisagées.

Le rapport annexé à la loi de programmation militaire pour 2009-2014 indiquait qu'« un effort particulier est entrepris pour attirer, notamment par des mesures fiscales, des opérateurs et des investisseurs français et étrangers sur les sites à revitaliser. » Il a fait l'objet d'un article 34 de la loi n°2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008.

Il contenait des dispositions inspirée d'une part du « crédit de taxe professionnelle «  créé par l'article 28 de la loi n°2004-*1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005, pour un montant attendu de 490 millions d'euros pour la période 2009-2015, et d'autre part de mesures inspirées des exonérations bénéficiant aux « bassins d'emploi à redynamiser » (dispositif Warsmann) instaurées par l'article 130 de la loi n°2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2007, pour un montant attendu de 245 millions d'euros pour la période 2009-2015.

Dans sa réponse au questionnaire de votre rapporteur, le ministère de la défense indique que « le dispositif mis en oeuvre par le ministère des finances doit faire l'objet d'une analyse visant à en mesurer l'efficacité réelle et donc l'opportunité mais également la faisabilité en terme budgétaire ».

« Au stade actuel de l'étude, il semble que ce dispositif n'ait pas rencontré l'engouement escompté sur la période précédente. Le bilan de son application au 31/12/2012 se révèle relativement décevant. Les difficultés rencontrées dans sa mise en oeuvre sont multiples. Certaines sont d'ordre calendaire (décalage entre la libération effective des emprises délaissées, durée d'applicabilité du dispositif...). D'autres résultent d'une trop grande complexité d'articulation de ce dispositif spécifique avec les autres dispositifs fiscaux déjà en vigueur et d'une excessive lourdeur de mise en oeuvre ».

« Il semble actuellement peu probable que ce dispositif puisse être reconduit à l'identique au regard du bilan tiré de l'exercice précédent ».

Votre rapporteur, comme les rapporteurs pour avis du programme 212, s'étonne que le ministère de la défense ne dispose que d'informations lacunaires sur la mise en oeuvre de ce dispositif qui, certes ne relève pas de sa responsabilité directe mais participe néanmoins au plan d'accompagnement territorial des restructurations des armées mis en oeuvre par la DAR.

Ainsi dans le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2013 au titre des dépenses fiscales sur impôt d'Etat figurent deux rubriques. La première, relative à l'exonération du bénéfice réalisé par les entreprises créées en zone de restructuration de la défense n'est pas renseignée. La seconde, relative au crédit d'impôt pour les micro-entreprises implantées en zone de restructuration de la défense (cotisation foncière des entreprises), est chiffrée à 1 million d'euros.

Pour qu'il puisse en assurer un suivi d'ensemble, votre commission a précisé dans le texte de la loi de programmation dans un article 4 sexies (nouveau), que le rapport annuel sur la mise en oeuvre de la loi de programmation militaire comprendrait un bilan de la mise en oeuvre des dispositifs d'accompagnement territorial des restructurations des armées.

(2) Le dispositif de cession à l'euro symbolique

Le rapport annexé indique que le dispositif de cession à l'euro symbolique de certaines emprises libérées par la défense prévu à l'article 67 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 sera reconduit par la loi de finances, moyennant quelques aménagements 35 ( * ) , pour les collectivités les plus fortement affectées par les restructurations.

Les mesures de restructurations 2009-2014 ont entraîné en effet la cession de plus de 200 emprises en province, représentant environ 5 400 hectares. La moitié des emprises cessibles dans le cadre des restructurations 2009-2014 est éligible au dispositif de cession à l'euro symbolique.

Cette mesure est, toutefois, présentée au conditionnel, dans l'étude d'impact du projet de loi comme s'intégrant dans un dispositif d'ensemble spécifique aux immeubles du ministère de la défense, et devant être inscrite dans le projet de loi de finances pour 2014 (p. 69/108) ou pour 2015 (p. 70/108).

(3) L'appui de la Mission pour la réalisation des actifs immobiliers (MRAI)

Cette Mission 36 ( * ) conduira avec les collectivités impactées par les restructurations, les négociations en vue de la cession des emprises reconnues inutiles au ministère. Elle mènera les études d'aménagement urbain et de développement économique nécessaires à la reconversion des sites.

(4) Un nouveau dispositif de prêts participatifs

Par ailleurs, un dispositif de prêts participatifs de revitalisation (reprise et développement) au bénéfice de PME situées dans les territoires affectés par les restructurations de défense sera mis en place dans le cadre de la Banque Publique d'Investissement, dans la continuité de l'action actuelle de la société SOFIRED, et en association avec le ministère de la défense. Les modalités d'application et de traitement sont en cours d'élaboration.

Dans le cadre des mesures d'accompagnement des restructurations engagées par la loi de programmation 2009-2014, la SOFIRED (Société de Financement et d'Investissements pour la Réforme et le développement), société anonyme dont le capital de 45 M€ est détenu à 100% par l'Etat via l'Agence des Participations de l'Etat (APE), a été chargée de soutenir l'implantation ou le développement d'activités susceptibles de créer ou de consolider des emplois stables dans les territoires et les entreprises concernées par la réforme du ministère de la défense.

Elle intervient au profit des entreprises éligibles en leur accordant, sur ses fonds propres, des prêts participatifs d'un montant de 75 k€ à 1 M€ sur une durée de 5 à 7 ans.

Les règles d'éligibilité des PME aux interventions de SOFIRED s'articulent en 2 volets complémentaires (il suffit de satisfaire un seul des deux critères) :

- un volet fonctionnel (être fournisseur direct ou indirect du ministère de la défense,

- et un volet territorial (être localisée dans un des 71 départements impactés par les restructurations du ministère de la Défense).

Compte tenu de la régénération du capital au fur et à mesure du remboursement des prêts, le capital de 45 M€ confié à SOFIRED permet d'octroyer un flux de prêts de 12 M€ par an dans la durée. Après une montée en puissance progressive, ce régime de croisière a été atteint en 2012 et devrait se poursuivre jusqu'à la fin de la période couverte par la loi de programmation militaire 2009 - 2014.

Dans le cadre de la constitution de la Banque Publique d'Investissement, les titres de SOFIRED ont été apportés le 12 juillet 2013 par l'APE à BPI-Groupe SA. Elle est donc devenue filiale de BPIFRANCE. Il a été convenu entre le ministère de la défense, le ministère de l'économie et des finances et BPIFRANCE que cet apport de SOFIRED à BPIFRANCE garantirait sur la période de la prochaine loi de programmation militaire 2014-2019 la poursuite de la mission de SOFIRED au profit des PME éligibles.

Une importante amélioration du dispositif actuel est prévue. Elle consiste à adosser les prêts participatifs SOFIRED, pour 50% à un fonds de garantie spécifique Défense dont la mise en place par le ministère de la Défense est à l'étude et, pour 50%, au fonds de garantie national « renforcement de la structure financière » géré par BPIFRANCE.

Le dimensionnement de ce fonds de garantie devrait permettre d'accorder au minimum entre 56 et 72 M€ de prêts participatifs sur la période de la prochaine loi de programmation militaire.

e) Des incertitudes sur le maintien ou l'adaptation de certains dispositifs existants

Il est compréhensible que le futur dispositif qui sera mis en place s'appuie sur un retour d'expérience de l'ensemble des mécanismes d'accompagnement mis en oeuvre depuis 2008 et sur les recommandations qui seront formulées par la Cour des Comptes.

C'est probablement ce qui explique que certaines dispositions complémentaires ne soient pas évoquées dans le rapport annexé.

(1) Les délocalisations de services d'administration centrale

Dans le cadre de la précédente loi de programmation, La circulaire du premier ministre du 25 juillet 2008 envisageait « un important programme de délocalisation de services d'administrations centrales, associé à des dispositions pour le maintien des services publics existants ».

Force est de constater que les mesures de délocalisation décidées en 2008 se sont révélées particulièrement difficiles, voire impossibles, à réaliser.

Dans leur rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2013 (programme 212) 37 ( * ) , les rapporteurs notaient que la relocalisation à Metz de 1500 emplois dont une partie de l'INSEE s'est avérée difficile à mettre en oeuvre, que l'Office national des forêts avait renoncé à un projet de relocalisation à Compiègne ce qui a conduit à la négociation d'une rallonge budgétaire au contrat, et qu'à Cambrai le projet de Centre de liquidation des factures des armées qui devait créer 400 emplois a été abandonné.

Ces échecs ne doivent pas pour autant exclure a priori qu'une délocalisation de services d'administrations centrales ou d'établissements publics ne puisse venir conforter la revitalisation d'un territoire affecté par une restructuration, au même titre, que l'implantation d'une entreprise privée.

(2) Le fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées (FSCT)

Un fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées (FSCT) a été instauré par l'article 173 de la loi n° 2008-1425 de finances pour 2009 (article L. 2335-2-1 du code des collectivités territoriales) pour leur apporter une aide au fonctionnement. Ce fonds a été doté de 5 millions d'euros en 2009 et de 10 millions d'euros depuis 2010. Il permet d'équilibrer le budget de ces communes et de certains de leurs services publics.

Au stade actuel des études, le ministère de la défense est favorable à la reconduction de ce dispositif qui relève toutefois du ministère de l'intérieur. Une disposition législative serait nécessaire pour le supprimer ou l'adapter. Il conviendra donc de s'assurer lors de l'examen des prochaines lois de finances, du niveau de la dotation qui sera inscrite à ce titre dans la mission « relation avec les collectivités territoriales ».

Pour sécuriser ce dispositif, votre commission a proposé dans le rapport annexé son maintien jusqu'au 1 er janvier 2022, soit deux ans après l'échéance de la présente loi.

(3) Les aides directes aux entreprises

Le versement d'une aide directe aux entreprises désireuses de s'implanter dans une zone restructurée est une mesure efficace. Ce dispositif a donc vocation à perdurer. Son pilotage à l'échelon local et non plus national, devrait être privilégié dans un souci de plus grande réactivité.

Les aides directes aux entreprises (20,5 millions d'euros de 2009 à 2012) auraient permis la création de 3 470 emplois.

Le dispositif de prêts participatifs qui sera mis en oeuvre par la banque publique d'investissement (BPI) à laquelle est désormais adossée la SOFIRED n'a pas, en soi, vocation à se substituer au dispositif actuel d'aides directes.

f) La nécessité de revoir le cadre juridique de la dépollution pyrotechnique

L'état de pollution pyrotechnique, présumé, puis, le cas échéant avéré des terrains, crée des obligations pour le ministère de la défense avant toute cession. Le régime actuellement en vigueur peut accroître de manière significative les délais de cession et avoir des conséquences sur le montant des recettes attendues.

Les obligations de la Défense lors des cessions concernent autant la dépollution préalable à la vente effectuée par la Défense, que la prise en charge de la dépollution par l'acquéreur (dispositions introduites en 2008) qui permet à l'acquéreur de faire procéder à la dépollution, "le coût de la dépollution s'imputant alors sur le prix de vente" (article L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques), que les cessions à l'euro symbolique le cessionnaire étant substitué à l'Etat pour les droits et obligations liés aux biens qu'il reçoit "en l'état".

Dans ce dernier cas, les communes éligibles au dispositif ont en charge l'ensemble des opérations de dépollution dont le coût vient s'imputer, le cas échéant, sur le complément de prix dû en cas de cession ultérieure par la commune. Le ministère de la défense fournit l'étude historique aux collectivités concernées et lorsque celles-ci le demandent un diagnostic qui permet d'évaluer le degré de pollution des différentes zones en pratiquant la détection sur des zones réduites réparties de façon représentative, à partir des résultats de la recherche historique (article 6 du décret du 26 octobre 2005 précité).

En raison des difficultés récurrentes rencontrées pour la mise en oeuvre du dispositif lors des cessions immobilières , les services du ministère de la défense ont engagé une réforme du cadre juridique de la dépollution pyrotechnique.

(1) Elle portera principalement sur le décret du 4 mars 1976

Le décret n°76-225 du 4 mars 1976 modifié fixe les attributions respectives du ministre de l'intérieur et du ministre de la défense en matière de recherche, de neutralisation, d'enlèvement et de destruction des munitions et des explosifs.

Il s'agit de prévoir une évolution du partage de responsabilité existant actuellement entre le ministère de la Défense et celui de l'Intérieur. Le principe de l'intervention de la sécurité civile en cas de découverte fortuite sur tous les terrains, civils et militaires, serait consacré, l'intervention du ministère de l'intérieur sur les terrains militaires étant toutefois circonscrite aux seuls cas de découverte d'objets pyrotechniques isolés .

Il est également proposé, dans un objectif de protection des intérêts financiers de l'Etat, plusieurs mesures :

- la nécessité de la dépollution pyrotechnique serait déterminée après analyse quantitative du risque, et non plus systématiquement aux seules vues des résultats de la recherche historique établissant une suspicion de pollution ;

- dans les cas de cession autres que celles à l'euro symbolique, le coût définitif de la dépollution pyrotechnique pris en charge par l'Etat ne pourrait excéder le prix de la vente du terrain. De plus, le bénéficiaire supporterait le financement et la réalisation matérielle des opérations de dépollution pyrotechnique, assurées actuellement par le ministère de défense, pour toutes les opérations autres que les cessions (changements d'utilisation, occupations constitutives de droits réels) ;

- les modalités de détermination de l'usage futur du terrain par l'acquéreur seraient renforcées. Cependant, pour tenir compte du fait que les acquéreurs sont souvent dans l'impossibilité de déterminer un usage futur, un mécanisme de dépollution par zones polluées serait institué.

(2) ...ainsi que sur certaines dispositions du décret du 26 octobre 2005

Certaines dispositions du décret n° 2005-1325 du 26 octobre 2005 relatif aux règles de sécurité applicables lors des travaux réalisés dans le cadre d'un chantier de dépollution pyrotechnique pourraient être assouplies

L'objectif est d'améliorer la fluidité des procédures relatives aux chantiers de dépollution pyrotechnique par :

- la redéfinition des opérations relevant du chantier de dépollution pyrotechnique (les opérations préalables telles que la préparation du terrain et le diagnostic sans affouillement ne seraient plus considérées comme relevant du chantier de dépollution) ;

- l'assouplissement du principe d'unicité du marché de dépollution pyrotechnique (possibilité de recours à la sous-traitance) ;

- la possibilité de co-activité sur le périmètre du chantier de dépollution pyrotechnique.

Ces évolutions sont toutefois conditionnées par les conclusions d'une étude de sécurité.

(3) Cette réforme doit être conduite rapidement

La révision des règles relatives à la dépollution pyrotechnique revêt une importance particulière dans le cadre de la présente loi de programmation militaire. Elle constitue un moyen de sécuriser les ressources exceptionnelles apportées par les cessions immobilières en évitant des retards préjudiciables. Elle est aussi un moyen de conforter le dispositif de cessions à l'euro symbolique dans le cadre du plan d'accompagnement territorial des restructurations, en ne retardant pas à l'excès la mise à disposition des terrains et immeubles nécessaires aux projets de revitalisation et, tout particulièrement, ceux qui prévoient la réutilisation des emprises abandonnées.

Pour encourager le gouvernement à mener à bien cette réforme, votre commission a demandé dans le rapport annexé qu'elle soit conduite avant la fin de l'année 2014.

g) Le soutien des collectivités territoriales restera nécessaire

Le dispositif d'accompagnement territorial des restructurations des armées n'a pas un caractère indemnitaire ou réparateur, il est destiné à soutenir des actions de redynamisation des territoires concernés, et notamment les plus affectés. Il faut souligner qu'en Allemagne et en Grande-Bretagne, les collectivités touchées par les restructurations ne bénéficient pas d'un tel accompagnement.

L'objectif du dispositif consiste à mobiliser un ensemble de partenaires autour d'une logique de projet. De fait, ce sont les collectivités territoriales, elles-mêmes qui portent la plus grande part de l'effort de reconversion économique (75%, pour le financements des contrats de redynamisation des sites de défense (CRSD) et des plans locaux de redynamisation (PLR) engagés lors de la précédente loi de programmation). L'effort du budget de l'État ne peut être que limité. Il faut toutefois rappeler que la dégradation de la situation financière des collectivités territoriales et leurs obligations dans le cadre de la politique de redressement des comptes publics, limiteront nécessairement leurs propres efforts. Le succès du plan d'accompagnement territorial des restructurations dépendra donc pour l'essentiel de la capacité de mobilisation des différents acteurs, comme de la pertinence et de l'efficacité des actions mis en oeuvre. Il importe de tirer tous les enseignements de l'évaluation des dispositifs instaurés à l'occasion de la précédente loi de programmation .

C. LA PRISE EN COMPTE NORMATIVE DES ÉVOLUTIONS EN COURS : RENSEIGNEMENT, CYBERDÉFENSE, JUDICIARISATION

1. Le renseignement
a) Une priorité marquée depuis le précédent Livre blanc de 2008

Le précédent Livre blanc de 2008 avait marqué la priorité à accorder à la nouvelle fonction stratégique « connaissance et d'anticipation ».

(1) Une coordination nationale au profit d'une communauté du renseignement mieux identifiée...

Plusieurs mesures ont permis de rationaliser le paysage français du renseignement, avec en particulier :

- l'instauration d'un Conseil national du renseignement présidé par le Président de la République ;

- la création d'un coordonnateur national du renseignement, conseiller du Président de la République et qui informe le Premier ministre ;

- la fusion de la direction centrale des renseignements généraux (RG) et de la direction de la surveillance du territoire (DST) au sein de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) ;

- la création d'une académie du renseignement.

Ces mesures ont permis le renforcement des échanges entre les services au sein d'une « communauté du renseignement » regroupant les six services de renseignement : la direction centrale du renseignement intérieure (DCRI), relevant du ministre de l'Intérieur, la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), la direction du renseignement militaire (DRM) et la direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD) relevant du ministère de la défense, ainsi que la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) et la cellule TRACFIN (traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins), qui relèvent du ministère de l'économie et des finances.

(2) Des capacités techniques modernisées et davantage mutualisées...

L'un des efforts consentis au profit de la fonction « connaissance et anticipation » par le Livre blanc de 2008 et la LPM 2009-2014 s'est manifesté par le lancement des nouvelles capacités techniques de renseignement opérées par la DGSE au profit de la communauté des services.

Les efforts engagés en ce sens depuis 2000, puis à l'occasion du Livre blanc de 2008, ont permis à la France de combler une part importante du retard qu'elle avait pris sur ses principaux partenaires occidentaux.

Depuis 2009, une mutualisation des moyens entre la DGSE, la DRM, la DCRI, la DGA et les armées a été engagée.

(3) Des ressources humaines modernisées

La précédente LPM avait fixé l'objectif de 700 postes supplémentaires pour la DGSE d'ici 2014, objectif qui a été quasiment réalisé aujourd'hui.

Le livre blanc de 2008 appelait également à la valorisation de filières dans le renseignement. Les travaux conduits par la direction des ressources humaines du ministère de la défense sous l'égide du CNR ont permis :

- l'élaboration en 2010 d'un répertoire interministériel des métiers du renseignement ;

- l'harmonisation des règles et des procédures de gestion entre l'EMA, la DRM et la DPSD ;

- la réforme du statut de l'encadrement de la DGSE et la mise en place d'un outil de veille et de prospective ;

- en outre, les lois relatives à la mobilité du 3 août 2009 et du 13 mars 2012 ont supprimé tous les obstacles de nature juridique à la mobilité au sein de la fonction publique.

En matière de formation, l'académie du renseignement a été créée en 2010. Elle concourt à la formation du personnel des services de renseignement, au renforcement des liens au sein de la communauté française du renseignement et à la culture du renseignement. Près de 700 stagiaires des services ont été formés dans cette enceinte.

(4) Mais un report préjudiciable des grands programmes militaires

Depuis 2008, une partie importante des programmes majeurs du renseignement ont connu des retards ou des reports significatifs. Ces retards ont touché les satellites d'observation MUSIS et surtout le programme de renseignement électromagnétique satellitaire CERES reporté de 4 ans, comme la modernisation de la flotte de drones, tant MALE que tactique, qui n'a pas été réalisée.

Le programme de satellite d'alerte avancée, dont le rôle dans la contre-prolifération et au bénéfice de la dissuasion est essentiel, n'a pas été financé et a été lui aussi, constamment reporté.

(5) Des dysfonctionnements constatés dans le cadre du renseignement intérieur qui mettent en lumière la nécessité d'un renforcement du contrôle parlementaire

Ces dernières années, plusieurs affaires, comme l'affaire dite des « fadettes » ou encore l'affaire Merah, ont mis en évidence certains dysfonctionnements du renseignement intérieur.

Une réforme du renseignement a donc été décidée lors du Conseil national du renseignement en juin dernier, avec en particulier la transformation de la DCRI en une direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), directement rattachée au ministre de l'intérieur, ainsi qu'un effort de 55 millions d'euros supplémentaires et le recrutement de 430 personnels sur les cinq prochaines années.

Ces affaires ont également mis en lumière la nécessité de renforcer le contrôle parlementaire sur les services de renseignement.

b) Le projet de LPM : un effort accru dans le domaine du renseignement

Le Livre blanc de 2013 insiste à nouveau sur l'importance stratégique de la lutte contre le terrorisme et sur la contribution essentielle qu'apportent à cette lutte les services de renseignement. Il souligne en effet que le renseignement joue un rôle central dans la fonction connaissance et anticipation et qu'il irrigue chacune des autres fonctions stratégiques de notre défense et de notre sécurité nationale. Il rappelle aussi les nouveaux défis auxquels doivent s'adapter les services de renseignement.

Conformément aux orientations du nouveau Livre blanc de 2013, le projet de loi de programmation militaire érige le renseignement au rang de priorité majeure .

Le chapitre II de la partie normative du projet de loi comporte ainsi plusieurs dispositions relatives au cadre juridique de l'activité des services de renseignement, qui traitent à la fois l'accroissement des moyens mis à la disposition des services concernés et de leur contrôle démocratique.

Ce projet de loi recherche un équilibre entre la nécessité d'accroître les moyens mis à la disposition des services concernés et leur contrôle démocratique. À cette fin, les moyens du contrôle parlementaire de l'activité gouvernementale seraient accrus, notamment par un renforcement des prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement.

Dans le même temps, il propose de modifier le cadre juridique applicable aux services de renseignement en mettant à leur disposition de nouveaux outils. Les principales évolutions envisagées concernent la protection de l'anonymat des agents des services spécialisés de renseignement à l'occasion de procédures judiciaires, l'extension de l'accès aux fichiers administratifs, de police judiciaire et concernant les déplacements internationaux, ainsi que l'amélioration du cadre juridique relatif à la géolocalisation en temps réel.

(1) De nouveaux outils juridiques pour les services de renseignement

Les mesures proposées partent d'un constat : en dépit des efforts importants réalisés depuis le Livre blanc de 2008 le cadre juridique dans lequel les services de renseignement exercent leur activité est encore insuffisant sur plusieurs points pour leur permettre de répondre efficacement aux défis auxquels ils sont confrontés.

C'est pourquoi, en matière de renseignement, le projet de LPM contient des dispositions sur quatre types de sujets :

- la protection de l'anonymat des agents ;

- l'accès aux fichiers ;

- la géolocalisation en temps réel ;

- la création d'un nouveau fichier sur les données des passagers aériens.

La protection de l'anonymat des agents des services de renseignement est essentielle, tant pour assurer la sécurité des agents et de leur famille que pour garantir l'efficacité de leur action.

La loi du 14 mars 2011, dite LOPPSI II, a ouvert aux agents des services de renseignement la possibilité de recourir à une fausse identité ou à une identité d'emprunt. Elle a également inséré dans le code pénal un article protégeant l'identité des personnels, des sources et des collaborateurs des services de renseignement.

La procédure actuelle, qui prévoit une protection de l'identité réelle des agents, est cependant, apparue insuffisante. La présence physique des agents devant une juridiction à la suite d'une convocation et leur participation à des comparutions présentent en effet le risque de dévoiler leur couverture, et de mettre en danger leur sécurité et l'efficacité de leurs missions.

Il a donc semblé nécessaire de faire évoluer la procédure afin de la faciliter la manifestation de la vérité tout en renforçant la protection de l'anonymat des agents.

Le projet de loi prévoit donc que, dans l'hypothèse où l'autorité hiérarchique de l'agent indique que l'audition comporte des risques pour l'agent, ses proches ou son service, celle-ci pourra être effectuée dans un lieu assurant son anonymat et la confidentialité, pas nécessairement au palais de justice, comme aujourd'hui.

Le projet de loi prévoit aussi d'étendre l'accès des services de renseignement aux fichiers administratifs . Il s'agit des fichiers nationaux des immatriculations, des permis de conduite, des cartes nationales d'identité et des passeports, des dossiers des ressortissants étrangers en France visa et séjour.

Le texte prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat déterminera les services concernés ainsi que les modalités d'accès. Il est envisagé de faire figurer parmi ces modalités le fait que tous les accès aux fichiers feront l'objet d'une traçabilité et que la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) sera en mesure de les contrôler.

Le projet de loi permet aussi aux services de renseignement relevant du ministre de la défense d'accéder directement à certaines données des fichiers de police judiciaire dans un objectif de recrutement d'un agent ou de délivrance d'une autorisation aux fins de vérifier le passé pénal du candidat et dans le cadre de missions ou d'interventions présentant des risques pour les agents, lorsqu'il s'agit de vérifier la dangerosité des individus approchés. Jusqu'à présent, la consultation de ces fichiers de police judiciaires était possible pour les enquêtes administratives par l'intermédiaire de policiers ou de gendarmes spécialement habilités à cet effet.

Le projet de loi vise également à clarifier le régime juridique de la géolocalisation en temps réel en autorisant expressément les services de police et de gendarmerie chargés de la prévention du terrorisme à accéder en temps réel à des données de connexion mises à jour, ce qui leur permet de géolocaliser un terminal téléphonique ou informatique, et de suivre ainsi, en temps réel, certaines cibles. Cette disposition vise à lever une incertitude sur la base juridique des pratiques de géolocalisation, soulignée par la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS).

L'accès à ces données répond à un besoin opérationnel de première importance. En moyenne, cela correspond à une cinquantaine de demandes par an. Ces données sont cruciales pour les services compétents, elles contribuent de façon déterminante aux enquêtes.

Enfin, le projet de loi prévoit la création, à titre expérimental, d'un nouveau fichier sur les données des passagers aériens PNR .

Ce fichier s'inspire d'une proposition de directive, proposée par la Commission européenne en février 2011, qui a fait l'objet d'un accord politique lors du Conseil Justice et affaires intérieures d'avril 2012, mais qui est contestée au sein du Parlement européen.

Les données PNR sont les données communiquées par les passagers aux compagnies aériennes lors de la réservation d'un vol. Elles permettent de savoir à quel moment le passager a réservé son vol et où il a effectué sa réservation. Elles apportent des informations sur l'agence de voyage auprès de laquelle le passage a réservé. Le mode de paiement a également son utilité.

Les données PNR seront transmises une première fois entre 24 et 48 heures avant le départ du vol. Pendant ce laps de temps, les services peuvent commencer à exploiter les données, et préparer si nécessaire une éventuelle action ou surveillance. Un second envoi sera effectué à la clôture du vol avec les données d'embarquement (API). Ce second envoi permettra de savoir si certains voyageurs ont réservé à la dernière minute, ce qui peut être un indice intéressant pour les services.

Lors de l'enquête sur Mohammed Merah, il a été relevé que le dispositif actuel n'avait pas permis d'évaluer la radicalisation de l'intéressé, malgré les informations potentiellement disponibles dans différents fichiers. Pourtant, Mohammed Merah avait suivi une évolution caractéristique en ayant passé plus de six mois au Moyen Orient en 2010 2011, après avoir notamment emprunté de nombreux vols. Dans ce cas précis, les données PNR auraient permis d'aller plus vite lors de l'enquête.

Par ailleurs, il convient de relever que nous nous trouvons aujourd'hui dans une situation paradoxale puisqu'en vertu d'accords conclus par l'Union européenne avec les Etats-Unis, le Canada et l'Australie, les compagnies aériennes européennes communiquent aux autorités de ces pays les données PNR des passagers en provenance ou à destination de l'Europe, alors que nos propres services de renseignement ne peuvent pas actuellement y avoir accès !

La mise en place de ce système d'information fera l'objet d'un décret pris en Conseil d'Etat après avis de la CNIL. Ce dispositif ne serait applicable que jusqu'au 31 décembre 2017.

(2) Le renforcement du contrôle parlementaire

Le projet de loi prévoit un renforcement du contrôle démocratique sur la politique du Gouvernement en matière de renseignement, en renforçant les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement.

La délégation parlementaire au renseignement , créée en 2007, ne dispose jusqu'à présent que d'un pouvoir d'information et de suivi. Le projet de loi lui confère un pouvoir de contrôle et d'évaluation de la politique du Gouvernement en matière de renseignement.

Le projet de loi étend également la liste des personnes pouvant être entendues par la délégation et son information.

Actuellement, la délégation peut entendre le Premier ministre, les ministres, le secrétaire général de la défense et la sécurité nationale et les directeurs des services de renseignement.

Le projet de loi permet l'audition du coordonnateur national du renseignement et du directeur de l'académie du renseignement, ainsi que celle, après accord des ministres dont ils relèvent, des directeurs d'administration centrale ayant à connaître des activités des services spécialisés de renseignement. Il prévoit également l'audition des présidents de la Commission consultative du secret de la défense nationale et de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité. En revanche, l'interdiction d'entendre les agents ayant exercé ou exerçant des fonctions au sein des services de renseignement serait maintenue.

Le projet de loi prévoit également que la délégation est informée de la stratégie nationale du renseignement et du plan national d'orientation du renseignement. Il prévoit aussi que soit présenté à la délégation un rapport annuel de synthèse des crédits du renseignement, ainsi que le rapport annuel d'activité de la communauté française du renseignement.

Les dispositions actuelles permettent à la délégation d'adresser des observations au Président de la République et au Premier ministre. Le projet de loi permet à la délégation d'adresser à chacun des ministres chargés de la sécurité intérieure, de la défense, de l'économie et du budget, des recommandations et des observations relatives aux services spécialisés de renseignement placés sous leur autorité respective.

Enfin, le projet de loi prévoit l'absorption par la délégation parlementaire au renseignement de la commission de vérification des fonds spéciaux. Il confie à la délégation les missions de cette commission. Il prévoit que ces missions seront assurées par une formation spécialisée de la délégation, constituée de la moitié des députés et des sénateurs membres de la délégation.

Le rapport qu'elle établira sur les conditions d'emploi des crédits, sera présenté à l'ensemble des membres de la délégation parlementaire, au même titre qu'au Président de la République et aux ministres concernés.

(3) La poursuite de l'effort en matière de capacités

L'effort d'équipement en matière de renseignement vise à conforter nos capacités d'appréciation autonome des situations.

Dans le rapport annexé au projet de loi, la priorité est donnée aux composantes spatiales et aériennes, pour l'imagerie et pour l'interception électromagnétique. Il s'agit notamment de lancer le programme de satellites CERES, le programme de charge universelle de guerre électronique CUGE, de mettre en service, à partir de 2017, les deux premiers satellites d'observation MUSIS, de livrer quatre systèmes de quatre drones MALE et deux systèmes de drones tactiques comprenant quatorze vecteurs.

Le programme « ROEM 38 ( * ) stratégique » permettra de moderniser et de mutualiser les capacités d'interception et de localisation.

Hors programmes dits « à effet majeur », les programmes techniques de la DGSE, extrêmement important pour nos services, sont confirmés.

Enfin, le développement des activités de renseignement dans le domaine cyber et des moyens techniques associés sera poursuivi.

En revanche, contrairement à ce qui était prévu dans la précédente LPM, le projet de loi ne donne pas d'indication chiffrée sur le nombre de recrutements supplémentaires.

2. La cyberdéfense
a) Les attaques contre les systèmes d'information et de communication : une menace stratégique

Le précédent Livre blanc de 2008 avait déjà identifié les attaques contre les systèmes d'information et de communication comme l'une des principales menaces qui pèsent sur notre sécurité nationale.

Une agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) a été créée en 2009 et notre pays s'est doté en 2010 d'une stratégie nationale en matière de défense et de sécurité des systèmes d'information, qui a été rendue publique en 2011.

Toutefois, comme l'a souligné votre commission dans son rapport d'information sur la cyberdéfense, publié en juillet 2012 39 ( * ) , malgré certains progrès, notre pays n'a sans doute pas encore pris toute la mesure de l'ampleur des risques et des enjeux soulevés par les attaques informatiques.

Depuis les attaques informatiques massives qui ont frappé l'Estonie en 2007, les attaques contre les systèmes d'information et de communication se sont multipliées si bien qu'il ne se passe pas une semaine sans que l'on annonce, quelque part dans le monde, une attaque informatique importante contre de grandes institutions publiques ou privées.

Ces attaques informatiques peuvent être de plusieurs types.

L'espionnage tout d'abord. Les informations visées peuvent être de nature politique, militaire, diplomatique ou économique lorsqu'un État est visé, technologiques, commerciales ou financières lorsque l'attaque cible certains acteurs publics ou des entreprises. L'espionnage, souvent d'origine étatique, est massif. En matière industrielle, il atteint tous nos secteurs de souveraineté. Or ce n'est qu'une fois l'attaque réussie et le pillage accompli que les entreprises victimes comprennent la nécessité de renforcer la sécurité de leurs systèmes d'information.

Les précisions sur le cyberespionnage figurant dans le rapport de la société de sécurité informatique américaine Mandiant confirment le caractère méthodique d'un pillage systématique effectué à distance par des unités militaires chinoises. Depuis quelques mois, les révélations quasi quotidiennes issues des documents de l'ex-consultant en sécurité de la National Security Agency (NSA), Edward Snowden, montrent l'ampleur de l'espionnage et les moyens considérables qui y sont alloués aux Etats-Unis.

Le deuxième objectif possible pour un attaquant est la déstabilisation . L'attaque est alors médiatisée. Il s'agit de messages de propagande ou d'hostilité, placés sur des sites internet mal protégés, à l'occasion d'un conflit, armé ou non, ou bien même d'une décision politique qui suscite la controverse.

Le troisième objectif possible est le sabotage . L'attaquant cherche alors à perturber le fonctionnement d'installations connectées aux réseaux de communications électroniques. Il peut s'agir par exemple d'un service bancaire, d'un château d'eau, d'une centrale de production d'énergie.

Déjà en 2010 le virus informatique Stuxnet avait perturbé le fonctionnement des centrifugeuses de la centrale de Natanz, en Iran, détruisant un millier d'entre elles et retardant ainsi le programme nucléaire iranien.

Mais l'actualité récente a montré que des entreprises de communication, des banques, des producteurs d'énergie, comme des centrales nucléaires, ou encore des services de l'Etat pouvaient être victimes d'attaques informatiques d'envergure, susceptibles de ralentir ou de paralyser l'activité de pans entiers de l'économie d'un pays.

Ainsi, en août 2012, une attaque informatique d'ampleur a visé des entreprises du secteur de l'énergie en Arabie Saoudite, dont le premier producteur mondial de pétrole Saoudi Aramco. 35 000 ordinateurs ont été rendus inutilisables lors de cette attaque. Au début de l'année 2013, des attaques informatiques massives ont également visé des banques et des médias sud-coréens.

Donnant une impulsion nouvelle, le Livre blanc de 2013 a confirmé l'importance stratégique du cyberespace et érigé la cyberdéfense comme une priorité nationale.

Le nouveau Livre blanc constate une dépendance accrue de la Nation aux systèmes d'information, ainsi qu'une vulnérabilité aigüe des systèmes d'information de l'Etat et des entreprises, alors que la probabilité d'une attaque informatique majeure sur les infrastructures et les réseaux numériques s'est renforcée depuis 2008. Le cyberespace est devenu aujourd'hui un champ de confrontation à part entière, une attaque informatique de grande envergure pouvant désormais constituer un véritable acte de guerre.

b) L'adaptation de notre droit aux nouveaux défis de la cybersécurité

Le projet de LPM contient un chapitre entier consacré à la protection des infrastructures vitales contre la cybermenace (chapitre III). Il s'agit de transposer dans notre droit les priorités définies par le nouveau Livre blanc de 2013 en matière de protection et de défense des systèmes d'information.

Les dispositions du projet de loi s'inspirent aussi des orientations de la stratégie européenne et des dispositions de la proposition de directive européenne en matière de sécurité des réseaux et des systèmes d'information, qui ont été présentées le 7 février 2013 par la Commission européenne et dont l'essentiel des recommandations ont été approuvées par votre commission et par une résolution du Sénat du 19 avril 2013 40 ( * ) .

On peut distinguer quatre principaux volets .

Le premier volet vise à clarifier les compétences au sein de l'Etat en matière de protection et de défense des systèmes d'information .

Selon le projet de loi, le Premier ministre a la charge de la définition de la politique en matière de défense et de sécurité des systèmes d'information, et de coordonner à ce titre l'action gouvernementale.

C'est déjà le cas actuellement mais aucune disposition législative ne consacre expressément cette mission.

Le Premier ministre dispose de l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (ANSSI) pour l'assister dans cette mission. Rattachée au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), l'ANSSI a la qualité d'autorité nationale de défense des systèmes d'information, qui est expressément consacrée par le projet de loi.

Le deuxième volet, plus fondamental, concerne les opérateurs d'importance vitale.

Il s'agit d'opérateurs « dont l'indisponibilité risquerait de diminuer d'une façon importante le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la Nation » , selon les termes de l'article L. 1332-1 du code de la défense. Ces opérateurs d'importance vitale sont environ 250, issus du secteur public ou du secteur privé.

L'expérience acquise lors du traitement des récentes attaques informatiques en France montre que le niveau de sécurité des systèmes d'information des entreprises et administrations désignées comme opérateurs d'importance vitale est en général très insuffisant pour permettre à ces opérateurs d'assurer leur mission dans des conditions de sécurité acceptables. Certains systèmes très critiques (comme ceux d'une centrale nucléaire par exemple) doivent impérativement être strictement déconnectés de l'Internet pour garantir qu'aucun attaquant ne pourra facilement les pénétrer. Or, l'Etat n'est pas, à ce jour, en mesure d'imposer une telle règle aux opérateurs concernés. La sécurité informatique des opérateurs d'importance vitale avait été qualifiée par notre collègue M. Jean-Marie Bockel de véritable « talon d'Achille ».

Quatre principales mesures sont prévues pour renforcer la sécurité informatique des systèmes critiques de ces opérateurs.

Précisons que ces mesures ne s'appliquent qu'aux systèmes critiques de ces opérateurs, et non à l'ensemble de leurs systèmes d'information et de communication. Ainsi, la bureautique des employés d'un opérateur ne serait éventuellement concernée que dans de très rares exceptions.

Tout d'abord, le projet de loi permettra au Premier ministre d'imposer des règles de sécurité , organisationnelles ou techniques, susceptibles de renforcer la sécurité des systèmes d'information des opérateurs d'importance vitale. Il pourra, par exemple, imposer à un opérateur d'installer un dispositif de détection d'attaques informatiques.

Comme l'a indiqué M. Patrick Pailloux, directeur général de l'ANSSI, lors de son audition, ces règles seront fixées secteur par secteur, en concertation avec les opérateurs concernés et les ministères dont ils relèvent, car il ne s'agit pas d'imposer les mêmes règles de sécurité de manière uniforme mais de tenir compte des spécificités propres à chaque secteur. Ainsi, les règles applicables à une centrale nucléaire, dont le système doit nécessairement être déconnecté de l'Internet, seront nécessairement différentes de celles applicables aux banques, qui doivent être connectées à Internet.

Comme le souligne le nouveau Livre blanc, la capacité à détecter des attaques informatiques relève de la souveraineté nationale. Ce dispositif devra en conséquence s'appuyer sur des équipementiers de confiance labellisés par l'ANSSI, car le concepteur d'un équipement de sécurité est toujours le mieux placé pour contourner ses éléments de sécurité. L'exploitation de ces équipements devra être effectuée sur le territoire national, afin d'éviter toute interception ou compromission des données, et réalisée par les prestataires qualifiés par l'ANSSI, par l'ANSSI elle-même ou par d'autres services de l'Etat désignés par le Premier ministre.

Le projet de loi instaure aussi une obligation de notification d'incidents affectant le fonctionnement ou la sécurité des systèmes d'information des opérateurs d'importance vitale.

A ce jour, l'approche reste empirique : les attaques informatiques sont souvent découvertes tardivement. L'expérience acquise par l'ANSSI, après trois années de traitement d'attaques informatiques de grande ampleur montre, par exemple, que lorsqu'un opérateur est attaqué à des fins d'espionnage, il est vraisemblable que les opérateurs appartenant au même secteur d'activité d'importance vitale subissent, souvent au même moment, les mêmes attaques. Il est donc indispensable que l'Etat ait connaissance au plus vite de ces attaques, afin d'en informer les autres opérateurs du secteur concerné.

L'obligation pour les opérateurs d'importance vitale de notifier les incidents informatiques figurait d'ailleurs parmi les recommandations adoptées par votre commission dans son rapport d'information sur la cyberdéfense.

Elle figure également parmi les mesures envisagées par la Commission européenne dans sa proposition de directive, dont les orientations ont été approuvées par votre commission et par votre assemblée dans sa résolution européenne.

Le projet de loi propose aussi d'étendre à l'ensemble des opérateurs d'importance vitale, le droit pour le Premier ministre de procéder à des audits ou à des contrôles de leurs systèmes d'information. Cette disposition s'applique déjà aux opérateurs de communications électroniques, mais l'expérience montre que le niveau de sécurité des opérateurs d'importance vitale est très souvent très en deçà de ce qui leur permettrait de résister à des attaques informatiques de niveau intermédiaire.

Il est de la responsabilité de l'État de connaître le niveau de sécurité des systèmes d'information des infrastructures critiques de la Nation. Aujourd'hui, malheureusement, l'État n'a pas la possibilité d'opérer ni de faire opérer des audits ou des contrôles chez les opérateurs du secteur privé, à l'exception du secteur des communications électroniques. Une disposition du projet de loi permettrait à l'État de disposer de cette capacité.

Là encore, cette possibilité figurait parmi les recommandations de votre commission et dans la résolution adoptée par la Haute Assemblée.

Enfin, en cas de crise informatique majeure par exemple une infection virale destructive touchant nos secteurs d'activité les plus sensibles qui exigerait la mise en oeuvre de contre-mesures dans des délais courts, le projet de loi donne au Premier ministre la possibilité d'imposer des mesures techniques aux opérateurs concernés. L'ANSSI aurait alors la capacité d'imposer les mesures nécessaires pour réagir. Par exemple, l'ANSSI pourrait imposer à l'opérateur concerné une déconnexion de son système d'Internet.

Comme l'a fait remarquer le directeur général de l'ANSSI, M. Patrick Pailloux, lors de son audition, lorsque la sécurité l'exige, l'Etat doit pouvoir prendre des mesures, comme par exemple couper une voie de circulation en cas d'accident.

L'inscription dans la loi de cette disposition permet également, dans cette circonstance particulière et exceptionnelle, de dégager les opérateurs concernés de leurs responsabilités vis à vis de leurs clients.

Des dispositions d'accompagnement complètent ces dispositions. Elles assurent la confidentialité des informations recueillies dans le cadre des audits. L'effectivité des mesures prescrites est confortée par un dispositif de sanction en cas de manquement après mise en demeure.

Le troisième volet porte sur la capacité pour l'Etat de prendre des mesures de lutte informatique défensive .

Dans l'état de notre législation, les agents de l'ANSSI comme ceux du ministère de la défense ou d'autres administrations de l'État compétentes, ne sont pas autorisés à effectuer toutes les opérations techniques qui leur permettraient d'être pleinement efficaces dans leurs actions. Ainsi, le code pénal interdit de manière générale la pénétration de systèmes de traitement automatisé de données.

Or, pour répondre efficacement à une attaque informatique, il est souvent nécessaire d'observer le comportement d'un attaquant et d'accéder au système d'information qui est à l'origine de l'attaque, soit pour étudier son fonctionnement, soit pour neutraliser les effets de l'attaque.

Le projet de loi vise donc à rétablir une forme d'équilibre, en permettant au défenseur d'accéder aux systèmes d'information participant à l'attaque, d'en collecter les données disponibles et, en tant que de besoin, de mettre en oeuvre des mesures visant à neutraliser les effets recherchés par l'attaquant qui « porte atteinte au potentiel de guerre ou économique, à la sécurité ou à la capacité de survie de la Nation ».

Le directeur général de l'ANSSI, M. Patrick Pailloux, a, lors de son audition, comparé cette disposition à un incendie dans un immeuble : dans une telle situation, les pompiers ont le devoir et le droit de pénétrer dans l'immeuble afin de lutter contre les flammes et sauver ses occupants.

Dans le même esprit, le projet de loi permet aux services désignés par le Premier ministre de détenir des programmes informatiques malveillants, d'en observer le fonctionnement et d'en analyser le comportement. Dans ce cas, il s'agit également de corriger la situation actuelle dans laquelle, en la transposant dans le monde médical, le chercheur n'aurait pas le droit de détenir ou d'étudier un virus pathogène meurtrier afin de fabriquer le vaccin correspondant.

Enfin, un dernier volet concerne les équipements informatiques . Il vise à mieux maîtriser le risque d'espionnage à grande échelle des réseaux de communications électroniques.

Actuellement, les opérateurs de télécommunication sont tenus de disposer de moyens d'interceptions afin de répondre, dans le cadre de la loi, aux réquisitions des magistrats pour des interceptions judiciaires, ou du Premier ministre pour les interceptions de sécurité.

Les équipements conçus pour réaliser ces interceptions présentent un risque pour le respect de la vie privée de nos concitoyens.

Ils ne peuvent donc être fabriqués, importés, détenus que sur autorisation délivrée par le Premier ministre.

Toutefois, les évolutions technologiques montrent que de plus en plus d'équipements de réseau, sans être des moyens d'interception en eux-mêmes, possèdent des fonctions qui pourraient être aisément utilisées pour intercepter le trafic du réseau.

Ainsi, les fonctions de duplication ou de routage du trafic de certains équipements de réseau, configurables et accessibles à distance, sont susceptibles de permettre des interceptions. Par exemple, certains équipements de coeur de réseau, alors même qu'ils n'ont pas été spécifiquement conçus à des fins d'interception légale, sont susceptibles, selon leurs caractéristiques, de permettre des interceptions du trafic.

N'étant pas spécifiquement conçus pour les interceptions, ces équipements ne sont pas actuellement soumis au régime d'autorisation, qui ne porte que sur les appareils conçus pour réaliser les interceptions.

Or ces équipements présentent les mêmes risques pour la sécurité des réseaux et des communications que ceux destinés spécifiquement à l'interception.

La modification législative envisagée par le projet de loi permettrait donc d'étendre la délivrance d'une autorisation à l'ensemble des équipements susceptibles de permettre des interceptions, et ainsi d'assurer une plus grande sécurité des réseaux et des communications.

c) Le renforcement des capacités de cyberdéfense

Le projet de loi de programmation militaire prévoit également, dans son rapport annexé, un renforcement sensible des moyens humains et financiers consacrés à la cyberdéfense au sein des armées, de la direction générale de l'armement et des services spécialisés.

Un commandement opérationnel de cyberdéfense, intégré au centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) a été créé en 2011 et confié au contre-amiral Arnaud Coustillière, officier général à la cyberdéfense à l'état-major des armées, qui a d'ailleurs été auditionné dans le cadre de la préparation de l'examen de ce projet de loi. Au sein des armées, environ 900 personnels sont chargés de ces questions.

Conformément aux engagements pris par le ministre de la défense, les effectifs consacrés à la cyberdéfense devraient augmenter à hauteur de 350 personnels au sein des armées sur la période de la LPM.

Parallèlement, les effectifs dans le domaine de la cybersécurité de la direction générale de l'armement, devraient être sensiblement renforcés; principalement au sein du centre DGA Maîtrise de l'Information situé à Bruz, et atteindre de l'ordre de 400 spécialistes de très haut niveau technique d'ici 2017.

Enfin, le ministère de la défense a créé il y a quelques mois une réserve citoyenne cyber, qui compte déjà plus de soixante réservistes actifs, et, comme le prévoient le nouveau Livre blanc et la présente LPM une réserve cyber à vocation opérationnelle devrait être mise en place prochainement.

Ce renforcement de la posture de cyberdéfense concerne également le domaine capacitaire.

Dans le cadre de la LPM, les moyens alloués à l'acquisition et au fonctionnement des équipements dédiés à la cybersécurité devraient être en forte hausse et atteindre un niveau de 360 millions d'euros sur la période 2014-2019. En particulier, la poursuite de la réalisation de l'opération MTLID (Moyen Technique de Lutte informatique Défensive) permettra d'étendre le périmètre des systèmes surveillés et de fournir à la chaîne opérationnelle une situation unique d'intérêt cyberdéfense.

De plus, les crédits consacrés à la recherche et au développement dans le domaine cyber devraient être sensiblement augmentés. Le ministre de la défense a annoncé un triplement de ces crédits, qui pourraient atteindre un montant total annuel de 30 millions d'euros.

3. Lutter contre la judiciarisation inutile des opérations militaires
a) La « judiciarisation » est un phénomène qui touche l'ensemble de la société
(1) Une évolution « sociétale » qui n'épargne pas les militaires

Le recours croissant au juge dans les rapports sociaux n'est pas spécifique à l'action militaire, c'est une évolution générale de la société qui touche l'ensemble des secteurs de l'activité humaine.

Le récent ouvrage de Christophe Barthélémy 41 ( * ) analyse cette pénalisation croissante des opérations militaires, qui résulte, à son sens, de la sacralisation de la vie et du refus de l'aléa dans les sociétés contemporaines. L'auteur y constate que ce phénomène général touche aussi bien les responsables privés que publics (ministres, fonctionnaires d'autorité, élus locaux, chefs d'établissements scolaires, médecins, chefs de chantier, militaires...), et distingue plusieurs causes convergentes pour l'expliquer :

- la disparition du sentiment de partager un destin collectif et la « perte généralisée de repères », alliés à l'individualisme exacerbé, qui « sape la légitimité des institutions et des pouvoirs traditionnels » ;

- la « peur » qui caractérise des sociétés européennes vieillissantes, alimentée par un certain catastrophisme médiatique, et le « refus non pas seulement du risque, mais de la fatalité, de l'aléa », combiné à la sacralisation de la vie humaine ;

- la dimension solennelle et la publicité du procès pénal, qui stigmatisent les coupables, anticipés par l'écho médiatique de l'enquête et de l'instruction.

Ces évolutions, poursuit l'auteur, peuvent apparaitre comme contraires à la culture militaire qui « exalte le sens du collectif et met l'individu au service du groupe » ; « apprend à chacun à dominer la peur et à la transformer en énergie dans le cadre des ordres reçus », « se revivifie dans ses traditions », « repose sur l'acceptation du risque, du sacrifice, consubstantiel à l'action de combat 42 ( * ) ».

Jusqu'à quel point peut-on lutter contre une telle évolution ?

Certains estiment que l'irruption des juges dans l'action militaire est inéluctable : la suspicion de la société à l'égard des corps constitués en général justifiera toujours un recours au juge, permettant de passer outre toute tentative supposée de dissimulation d'une institution militaire qui chercherait systématiquement, aux yeux de certains, à se « couvrir » en cas d'incident grave. Les victimes attendent ainsi du juge un regard extérieur, impartial, afin d'accéder à une vérité dont elles supposent qu'elle leur est cachée 43 ( * ) .

(2) La professionnalisation des armées, contexte favorable à un recours accru au juge ?

D'après certaines analyses 44 ( * ) , la professionnalisation des armées a pu contribuer à alimenter la tendance à la judiciarisation des actions militaires. La professionnalisation entrainerait un recrutement différent et « amèner [ait] vers ce métier des individus qui peuvent avoir une idée de la fonction différente de celle des militaires de carrière à l'époque de la conscription. Des personnes qui seraient davantage, et sans aucune connotation péjorative, dans une disposition d'esprit « salariale », les portant à considérer les avantages procurés par la profession, plutôt que dans une vocation dont les ressorts dépassent ces considérations. La conséquence pouvant être qu'elles ou leurs familles soient plus promptes en cas de difficulté à demander des comptes à l'institution d'emploi qu'à considérer ce qui advient comme un aléa inhérent au métier et devant être accepté comme tel. »

Des auditions menées par vos rapporteurs, il ressort que, si l'acceptation du sacrifice reste une donnée inhérente au statut militaire, même dans le contexte de la professionnalisation, cet engagement du soldat est parfois moins compris, ou plus précisément, moins partagé, de la part des proches des militaires victimes.

b) L'indispensable équilibre à trouver entre l'accès du citoyen à la justice et les nécessités de l'action de combat
(1) L'accès du citoyen à la justice est un principe à valeur constitutionnelle

Le droit à un recours juridictionnel effectif est un principe à valeur constitutionnelle, qui, après avoir longtemps trouvé sa source dans l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, trouve désormais son fondement juridique dans l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 45 ( * ) .

Au terme d'une lente mais inexorable évolution, la justice pénale militaire est aujourd'hui presqu'entièrement banalisée, consacrant la réalité des propos attribués à Napoléon Bonaparte « La justice est une en France. On est citoyen français avant d'être soldat, et il est donc important de mettre en avant le droit commun» .

La justice pénale militaire n'est pas, aujourd'hui, une « justice d'exception » ; c'est une justice spécialisée, certes, mais qui s'est peu à peu rapprochée du droit commun (comme cela est détaillé dans le commentaire des articles 20 et 21 ci-dessous).

Le militaire est, comme tout citoyen, soumis au droit pénal. Des infractions militaires spécifiques lui sont en outre applicables, comme en cas de désertion par exemple.

Si l'on met à part le régime -très spécifique, pour le coup- du « temps de guerre » (la France n'a plus été en guerre depuis 1945), les militaires sont désormais jugés par les juridictions de droit commun et dans les conditions du droit commun. Seules quelques particularités procédurales existent encore :

- l'exigence quasi-systématique (hors crime ou délit flagrant) d'un avis -consultatif- du ministre de la défense , donné dans un délai d'un mois,  avant l'engagement des poursuites contre un militaire (article 698-1 du code de procédure pénale) ;

- l'absence de possibilité de citation directe d'un militaire devant une juridiction, afin d'éviter toute instrumentalisation à des fins de déstabilisation de la politique de défense ;

- la nécessité pour le juge d'adresser des réquisitions à l'autorité militaire pour pouvoir pénétrer dans les établissements militaires ;

- la nécessité pour le militaire prévenu ou condamné d'être détenu dans des locaux séparés .

(2) La particularité de l'action militaire appelle toutefois une réponse pénale adaptée

Le combat est par nature risqué ; la spécificité du métier des armes est telle que le militaire, qui peut recevoir la mort sur le champ de bataille, et qui en accepte le risque, peut aussi la donner. C'est cette spécificité que le Président de la République a résumée sous la formule : « le métier des armes n'est pas un métier comme les autres ».

La singularité du métier des armes figure à l'article L 4111-1 du code de la défense : « L'armée de la République est au service de la Nation. Sa mission est de préparer et d'assurer par la force des armes la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation.

«  L'état militaire exige en toute circonstance esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu'au sacrifice suprême, discipline, disponibilité, loyalisme et neutralité. Les devoirs qu'il comporte et les sujétions qu'il implique méritent le respect des citoyens et la considération de la Nation. »

Dans certaines circonstances, le militaire est naturellement amené à faire usage de la force. Il exerce parfois son métier dans des conditions extrêmes. Comme le rappelle fort justement l'exposé des motifs du projet de loi, l'événement grave est le lot commun du militaire en opérations. La mise en danger est inhérente à son statut. La mort, « même lorsqu'elle est la conséquence d'un tir fratricide, est vécue comme la conséquence suprême d'un engagement, et non comme un dommage causé à une victime. 46 ( * ) »

L'application du droit commun (légitime défense etc...) n'est donc pas adaptée à ces circonstances très particulières.

Les « opérations militaires » sont aujourd'hui encore, malgré la recherche illusoire du « zéro mort » dans nos sociétés, de vraies actions de combat. Elles sont menées en temps de paix : c'est tout le paradoxe qui conduit les forces armées à « faire la guerre » sans « être en guerre ». En témoigne, par exemple, l'intensité des combats menés dans l'Adrar des Ifoghas par les forces françaises lors de l'opération Serval (dans laquelle 7 militaires français ont hélas trouvé la mort, et des dizaines d'autres ont été blessés).

La judiciarisation est susceptible d'avoir de lourdes conséquences sur la conduite des opérations.

D'abord, elle peut insidieusement inhiber le commandement et affecter, en conséquence, l'efficacité de la manoeuvre.

« À la guerre, l'audace est le plus beau calcul de l'imagination » disait Napoléon. Comme le développe un récent article sur le sujet 47 ( * ) , à l'image de la devise des forces spéciales britanniques « Qui ose, gagne », la prise de risque calculé peut faire partie de la manoeuvre opérationnelle. « Sans audace, il n'y a pas de surprise. En devenant prévisible, le chef perd l'initiative en même temps que la guerre ». Ensuite, l'environnement de la guerre, le fameux « brouillard de la guerre » de Clausewitz, est intrinsèquement porteur de stress et de risque car le soldat est confronté à un ennemi intelligent, doté de capacités d'anticipation. « L'expérience du combat n'est à nulle autre pareille. La guerre est l'univers de l'incertitude par excellence, puisque chaque protagoniste tend à la maximiser chez son adversaire : « chacun fait la loi de l'autre 48 ( * ) ». » Dans ces circonstances, la perspective d'une mise en cause pénale entraîne un risque réel d'inhibition du commandement : la main aura tendance à glisser « de l'épée au parapluie », pour prendre la formule consacrée 49 ( * ) . Dans ce schéma 50 ( * ) , les chefs militaires seraient déresponsabilisés, la logique individualiste (se protéger soi contre le risque pénal) prenant le pas sur la logique collective (prendre des risques calculés pour l'emporter). Au risque avéré de mise en cause pénale s'ajoute le risque en termes de progression de carrière, car plusieurs personnes entendues lors des auditions ont mis en avant l'existence, de facto , même en l'absence de condamnation, d'un préjudice en termes de progression pour un officier mis en cause sur le plan pénal.

Au niveau subalterne, le deuxième effet potentiellement déstructurant de l'action de combat serait la remise en cause éventuelle des ordres reçus par des militaires qui craindraient que leur exécution ne conduise à leur mise en cause personnelle sur le plan pénal. L'obéissance hiérarchique est naturellement le principe d'organisation essentiel et la condition de l'efficacité en matière militaire. Le militaire est d'ailleurs passible de sanctions, disciplinaires et pénales, en cas de désobéissance. L'obéissance à un ordre reçu rencontre toutefois une limite, juridique, en cas d'ordre « manifestement illégal » ou contraire aux règles du droit international applicable dans les conflits armés et aux conventions internationales en vigueur pour la France 51 ( * ) .

Il va de soi que si le militaire qui exécute un ordre susceptible d'avoir de lourdes conséquences (ainsi le tireur d'élite prêt à faire feu lors d'une opération de libération d'otage par exemple) est susceptible de voir, par la suite, sa responsabilité pénale mise en cause, alors même qu'il a agi « sur ordre », c'est toute la chaîne opérationnelle qui est susceptible d'être fragilisée -c'est sa confiance même dans ses supérieurs et donc sa capacité à exécuter les ordres, qui est en jeu-. L'efficacité de l'action militaire repose sur une obéissance scrupuleuse et immédiate. Cette réalité, vérifiée dans toutes les opérations, dans une armée française où la responsabilisation des plus bas niveaux hiérarchiques est une règle, l'est encore plus peut être dans le cas des forces spéciales où l'autonomie laissée aux opérateurs est nécessairement plus grande encore.

Comment comprendre que l'obéissance à un ordre reçu -surtout s'agissant des infractions pénales les plus graves, par nature, puisqu'il y a usage de la force armée- puisse conduire à la sanction pénale du subordonné, a fortiori dans le cas où les supérieurs seraient, éventuellement, relaxés par le juge ?

c) Un régime équilibré en matière de responsabilité pénale, qui prolonge et consolide les précédentes évolutions législatives
(1) Une préoccupation de la communauté militaire, un engagement du Président de la République

Malgré le faible nombre de cas effectivement jugés , la question de la judiciarisation a un tel impact déstabilisateur sur la communauté militaire qu'il était nécessaire de traiter cette question, comme le Président de la République s'y est engagé.

Car le chapitre IV du projet de loi est en effet la mise en oeuvre d'un engagement du Président de la République François Hollande. Dans son message aux armées du 19 mai 2012, le Président de la République affirmait : " Nos militaires, qui assurent la protection de la Nation méritent en retour que la Nation les protège, notamment d'une judiciarisation inutile de leur action ".

Le Livre blanc a pris en compte cette problématique : " Les militaires, comme nombre d'autres professions, agissent de plus en plus souvent aujourd'hui sous le regard du juge pénal. Si ce constat ne pose pas de difficulté de principe lorsqu'il concerne l'activité déployée par les militaires dans le cadre de la préparation des forces, il suscite en revanche des inquiétudes au sein de la communauté militaire dès lors qu'il porte sur l'opération militaire et l'action de combat. Il convient dans ce contexte, tout en assurant une meilleure prise en compte des besoins d'information et de reconnaissance des familles, de protéger les militaires contre une « judiciarisation » inutile de leur action. Cela peut notamment prendre la forme d'un renforcement des garanties procédurales accordées aux militaires en opération extérieure, ainsi que d'une réflexion sur l'adaptation aux spécificités de l'action de combat des qualifications pénales qui leur sont applicables lorsqu'ils organisent, commandent ou participent à une intervention militaire."

Comme l'a depuis répété le ministre de la défense 52 ( * ) , l'objectif n'est pas de consacrer une quelconque immunité pénale exceptionnelle au profit des militaires. Il s'agit de faire prendre en compte, par le droit, la réalité de ce qu'est un conflit armé et une situation de combat, dans la procédure comme dans l'appréciation des juges du fond. « Il s'agit de trouver un compromis, entre un droit pénal d'exception qui est celui du temps de guerre, et le droit commun qui est adapté au temps de paix. Sur certains aspects, ce droit commun se trouve aujourd'hui en décalage avec les réalités des conflits dans lesquels nos militaires sont prêts à donner leur vie comme d'ailleurs à donner la mort. »

(2) Une réflexion amorcée depuis plusieurs années, un début de réponse législative en 2005

C'est le rapport Denoix de Saint Marc (Commission de révision du statut général des militaires) qui a, pour la première fois, en 2003, clairement posé la question des conséquences de la judiciarisation de l'action de combat.

Ce rapport faisait en effet le constat que le cadre juridique de l'emploi de la force en opérations extérieures était devenu mal adapté à la diversité des situations et aux nouvelles tâches auxquelles étaient confrontés les militaires qui participent à ces interventions. Sans « Déclaration de guerre » ces opérations n'entraînent pas l'entrée en vigueur du droit des conflits armés, lequel justifie l'usage de la force. Or, les troupes françaises mènent des opérations extérieures en nombre croissant dans des conditions qui ont peu à voir avec celles du temps de paix.

« Les règles relatives à la légitime défense et à l'état de nécessité, conçues pour une défense individuelle, sont inadaptées pour couvrir en toutes circonstances les actions collectives nécessaires pour mener à bien les missions, qu'il s'agisse par exemple de défendre un dépôt de munitions, d'interdire le franchissement d'un point de contrôle ou, a fortiori, de prendre de vive force un objectif. (...). Il paraîtrait (...) opportun d'édicter des dispositions législatives qui confèrent aux opérations extérieures un cadre juridique en rapport avec les conditions effectives d'emploi des armées. 53 ( * ) »

À la suite de ce rapport, une disposition législative a été introduite par la loi portant statut général des militaires en 2005 (article 17 (II) de la loi de 2005 sur le statut général des militaires, codifié au II de l'article L. 4123-12 du code de la défense).

Toutefois, et notamment compte tenu de l'évolution de la jurisprudence, la réflexion sur ce sujet a été relancée à la suite du vif émoi soulevé dans la communauté militaire par l'arrêt de la Cour de Cassation rendu le 10 mai 2012 dans l'affaire d'Uzbin. Cette procédure judiciaire a ravivé la crainte d'une mise en cause pénale des militaires engagés en opérations et mis en lumière la nécessité d'adapter à nouveau le droit pénal aux spécificités de l'action de combat.

Le ministre de la défense annonçait ainsi dès le 30 mai 2012 la création d'une mission spécifique, au sein des services du Gouvernement, sur le sujet de la judiciarisation. Un groupe de travail commun aux ministères de la défense et de la justice a donc été constitué. La lettre de mission rappelait que le militaire est soumis au droit comme tout citoyen, mais observait aussi que le militaire devait faire usage de la force dans certaines circonstances et que le droit devait en conséquence lui accorder une protection particulière.

La lettre de mission faisait le constat que l'ouverture d'instructions judiciaires pénales sur plainte des familles de militaires décédés conduisait à des investigations judiciaires sur des choix opérationnels décidés par des chefs militaires dans le cadre d'opérations extérieures.

Ce groupe de travail a examiné la question de la mise en cause pénale des militaires pour des faits commis dans l'exercice de leur mission et dans le cadre d'opérations militaires. Les travaux se sont essentiellement articulés autour de trois problématiques :

- celle du déclenchement de l'enquête judiciaire à l'occasion d'un évènement grave survenu au cours d'opérations militaires,

- celle de la mise en mouvement de l'action publique pour des faits commis en opérations militaires hors du territoire national, et notamment l'effet que peuvent avoir à cet égard les plaintes avec constitution de partie civile,

- celle de la portée des immunités pénales, en particulier dans le champ des violences involontaires.

Plusieurs propositions d'évolution ont fait l'objet d'un rapport conjoint remis en février 2013, dont le projet de loi s'est très largement inspiré. La plupart des propositions faisaient consensus entre le ministère de la défense et la chancellerie.

(3) Un dispositif ciblé proposé par le projet de loi

Dans son chapitre IV, le projet de loi adapte le code de justice militaire, le code de procédure pénale et le code pénal aux spécificités de l'action militaire, par un dispositif très ciblé qui comporte quatre volets tendant à :

1- souligner le caractère très spécifique de la mort au combat, dont la cause n'est, en principe, ni suspecte ni inconnue, pour éviter ainsi que certains évènements graves mais inhérents à la nature des opérations militaires, ne se voient immédiatement appréhendés sur le terrain judiciaire. Le projet de loi met ainsi fin au déclenchement automatique de l'enquête pour recherche des causes de la mort dans le cadre de combats.

2- donner au parquet le monopole de la mise en mouvement de l'action publique en cas de délit commis par un militaire à l'étranger et en cas de crimes commis par les militaires à l'étranger, mais cette fois dans le strict cadre d'une opération militaire et dans l'accomplissement de leur mission.

3- éliminer toute ambiguïté sur le fait que l'excuse pénale pour le militaire qui, dans le cadre d'une opération militaire se déroulant à l'extérieur du territoire français, exerce des mesures de coercition ou fait usage de la force armée, ou en donne l'ordre, « lorsque cela est nécessaire à l'accomplissement de sa mission », s'applique aussi pour des interventions militaires ponctuelles de type libération d'otages, évacuation de ressortissants ou police en haute mer, et pas seulement pour les OPEX.

4- Prévoir que la responsabilité pénale des militaires ne peut être engagée pour des faits de violences involontaires qu'après prise en compte par la justice pénale d'un certain nombre de circonstances inhérentes aux difficultés particulières de l'action militaire.

Enfin, poursuivant un mouvement déjà engagé, le projet de loi renforce la spécialisation des juridictions de droit commun en charge des affaires pénales concernant les militaires , en ouvrant la voie à une concentration du contentieux sur un plus petit nombre de juridictions (de 33 juridictions aujourd'hui à moins d'une dizaine dans le projet du Gouvernement).

III. LES PRIORITÉS DE VOTRE COMMISSION

A. VEILLER À L'EFFECTIVITÉ DES RESSOURCES BUDGÉTAIRES

Préserver la cohérence stratégique impose de s'assurer de la compatibilité entre les ambitions de défense, les moyens budgétaires alloués et le format d'armées mis en oeuvre.

Les ambitions de défense ont été définies par le dernier Livre blanc et resteront inchangées jusqu'au prochain.

Veiller à la mise en oeuvre du format d'armées incombe au Pouvoir exécutif, ce qui n'exclut pas, de la part du Pouvoir législatif un contrôle permanent.

L'adéquation des ambitions aux moyens passe par le vote des crédits demandés dans la présente loi de programmation. Mais il s'agira également de veiller à ce que ces ressources budgétaires soient disponibles tout au long de la programmation.

1. Renforcer les « clauses de sauvegarde »

Le projet de loi de programmation militaire contient, dans son rapport annexé, quatre « clauses de sauvegarde » qui portent sur :

- les recettes exceptionnelles ;

- les OPEX ;

- la masse salariale ;

- et les carburants.

Compte tenu de l'importance de ces « clauses de sauvegarde » pour l'exécution de la LPM et le respect de la trajectoire financière, votre commission a adopté plusieurs amendements afin d'en renforcer la portée.

Votre commission a d'abord jugé indispensable de renforcer la « clause de sauvegarde » portant sur les recettes exceptionnelles .

Rappelons que les ressources définies par la présente loi de programmation se composent sur la période 2014-2019 de crédits budgétaires, à hauteur de 183,9 Md€ d'euros courants, et de ressources exceptionnelles, à hauteur de 6,1 Md€. Ces ressources exceptionnelles proviennent notamment de l'intégralité du produit de cessions immobilières, d'un nouveau programme d'investissement d'avenir financé par le produit de cessions de participations d'entreprises publiques, du produit de la mise aux enchères de la bande de fréquences hertziennes, de redevances versées par les opérateurs privés au titre des cessions de fréquences déjà réalisées lors de la précédente loi de programmation, et, le cas échéant, du produit de cessions additionnelles de participations d'entreprises publiques.

Ce montant de 6,1 milliards d'euros pour les recettes exceptionnelles représente près du double de ce qui était prévu dans la précédente LPM.

Or, la stabilité en valeur des ressources totales de la « mission défense », les trois premières années de la LPM, est conditionnée par la mise à disposition effective de ces ressources exceptionnelles.

Dans l'hypothèse d'une non-réalisation partielle de ces ressources, le rapport annexé comprend une clause de sauvegarde.

Mais, comme l'a indiqué le chef d'état-major des armées lors de son audition, il ne faudrait pas que les notions de « modification substantielle » ou « de conséquence significative sur le respect de la programmation » ne fassent pas l'objet d'une lecture exagérément restrictive par les services financiers de l'État. Il est par conséquent important que le texte garantisse explicitement l'obtention de l'intégralité des ressources, telles qu'elles ont été programmées dans le projet de LPM.

Votre commission a donc jugé nécessaire de renforcer la portée de la "clause de sauvegarde" portant sur les recettes exceptionnelles . Cette clause, qui figure actuellement dans le rapport annexé, serait incorporée dans la partie normative et sa rédaction serait modifiée.

Selon cette nouvelle rédaction, dans le cas où ces recettes exceptionnelles ne seraient pas au rendez-vous au montant et au moment prévus, ces recettes seraient intégralement compensées par d'autres recettes exceptionnelles ou bien par des crédits budgétaires sur la base d'un financement interministériel.

En sens inverse, si le montant des ressources disponibles devait excéder les 6,1 Md€ prévus, la Défense devra en bénéficier à hauteur de 0,9 Md€ supplémentaires.

Cette disposition vise donc à garantir la sincérité de la programmation financière en s'assurant que les recettes exceptionnelles affectées à la mission "Défense" seront bien réalisées au montant et au moment prévus et, qu'à défaut, elles seront intégralement compensées par d'autres recettes exceptionnelles ou des crédits budgétaires sur la base d'un financement interministériel.

Votre commission a également estimé nécessaire de renforcer la « clause de sauvegarde » portant sur les OPEX.

Cette clause était l'une des grandes avancées de la précédente LPM (2009-2014).

Conformément au souhait du Parlement, ce mécanisme permettait une budgétisation la plus sincère possible pour des dépenses par nature non prévisibles et un financement interministériel afin d'éviter ainsi qu'elles soient gagées par des annulations de crédits d'un montant équivalent en dépenses d'équipement et bouleversent ainsi l'équilibre de la programmation.

Par rapport à la période précédente, le projet de loi prend en compte la limitation de nos engagements en adéquation avec les nouveaux contrats opérationnels et les priorités stratégiques définies dans le Livre blanc.

Le montant prévu de cette dotation dans la présente loi de programmation est de 450 millions d'euros, contre 630 en loi de finances pour 2013.

Votre commission ne souhaite pas remettre en cause ce montant, même si elle en mesure les conséquences dans un contexte international où les menaces ne vont pas en diminuant. Elle constate que sur les dix dernières années le montant moyen du surcoût OPEX était supérieur à 500 millions d'euros.

Elle souhaite, en revanche, que cette disposition relative à des opérations engageant la Nation, qui font, par ailleurs, l'objet d'une procédure constitutionnelle d'autorisation, figure dans le corps du texte et non dans son annexe. C'est pourquoi, elle a adopté un amendement visant à insérer ce dispositif dans la partie normative.

De plus, la nouvelle rédaction du mécanisme prévu dans le rapport annexé pour la gestion des surcoûts nets non couverts par cette dotation qui viendraient à être constatés sur le périmètre des opérations extérieures est apparue trop complexe aux yeux de votre commission, source de contentieux et de nature à ce qu'une part croissante de ces dépenses soit de nouveau gagée par des annulations de crédits d'équipement.

C'est pourquoi, tout en retenant le montant de la dotation prévue par le gouvernement, votre commission a souhaité revenir à la rédaction de la précédente LPM.

Enfin, l'importance stratégique et diplomatique de ces opérations, leur impact sur l'équilibre financier de la programmation justifient qu'elles fassent l'objet d'un débat annuel au Parlement sur les engagements de la France en dehors du territoire national et d'un bilan politique, opérationnel et financier communiqué préalablement aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Votre commission a aussi souhaité renforcer la portée de la « clause de sauvegarde » portant sur la masse salariale , qui figure dans le rapport annexé.

Rappelons que l'équilibre général de la future LPM est permis par des efforts d'économie significatifs sur la masse salariale, à hauteur de 4,4 milliards d'euros sur la période 2014-2019, ainsi que sur les coûts de structure dont les crédits sont contenus à moins de 3,5 milliards d'euros par an en moyenne sur la période.

Or, en matière de maîtrise de la masse salariale, objectif essentiel à l'économie générale de la loi de programmation, il convient de distinguer les dépenses récurrentes de rémunération (rémunérations principales y compris primes et indemnités) dont le ministère de la défense a la pleine responsabilité, par opposition aux « dépenses hors socle » qui sont des dépenses non récurrentes liées aux restructurations, aux allocations servies aux familles, aux indemnités chômage des militaires, aux indemnisations des accidents travail et maladies professionnelles, ou aux cessations anticipées d'activité liées à l'amiante, et au fonds de concours du service de santé des armées qui sont des dépenses "de guichet" dont le ministère n'a pas, du fait de leur nature, la maîtrise.

Autant, il importe de rendre le ministère responsable des dépenses qu'il doit pouvoir maîtriser telles que les rémunérations les primes et indemnités, autant cela n'aurait pas de sens de s'interdire de pouvoir, le cas échéant, abonder le budget de la défense, si une de ces dépenses, par exemple l'indemnisation chômage, venait à dépasser les prévisions en raison d'un contexte économique qui rendrait les reconversions plus difficiles.

Le dispositif adopté par votre commission tend donc à ce que la régulation de la masse salariale du ministère de la défense ne s'opère que sur le fondement de dépenses sur lesquelles il dispose de leviers d'action à l'exclusion des dépenses "hors socle".

En revanche, votre commission n'a pas jugé utile de modifier la rédaction de la « clause de sauvegarde » sur les carburants , qui figure dans le rapport annexé.

En effet, la rédaction de cette clause est identique à celle qui figurait dans la précédente LPM 54 ( * ) et, de même que la « clause de sauvegarde sur les OPEX », la « clause de sauvegarde » sur les carburants a été mise en oeuvre à plusieurs reprises par le passé de manière satisfaisante.

Ainsi, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012, une enveloppe d'un montant de 100 millions d'euros supplémentaires a été prévue pour la mission « Défense » pour tenir compte de l'augmentation du prix des carburants.

Votre commission n'a donc pas jugé utile de modifier ce dispositif.

2. Prévoir une actualisation régulière et une révision de la LPM fin 2015

Votre commission a adopté un amendement visant à insérer dans la partie normative une « clause de revoyure » ainsi qu'une clause de réexamen de la programmation militaire qui figuraient toutes deux initialement dans le rapport annexé.

Afin de garantir la meilleure exécution possible de la programmation, il est important de prévoir une première actualisation fin 2015 afin notamment de faire le point sur la trajectoire financière, l'activité opérationnelle, les équipements majeurs, les déflations d'effectifs et la mise en oeuvre des réformes.

Quatre ans après son adoption, la LPM devra être révisée afin de conduire à une nouvelle loi de programmation.

3. Rendre possible le retour à meilleure fortune

Le projet de LPM repose sur le maintien en valeur du budget de la défense en 2014 et en 2015, avant une remontée à partir de 2016, avec une progression de 1 % en volume à partir de 2018.

La décision prise par le Président de la République permettra de préserver l'effort de défense à son niveau actuel, tout en contribuant à l'impératif de redressement des finances publiques.

Votre commission est pleinement consciente que cette stabilisation eu euros courants équivaut temporairement à une diminution en euros constants. C'est pourquoi elle a estimé indispensable d'introduire dans le corps du projet de loi l'objectif d'un redressement de l'effort de la Nation en faveur de la défense.

L'actualisation de la LPM devrait permettre pour votre commission de tenir compte de l'éventuelle amélioration de la situation économique et des finances publiques, afin de rendre possible le nécessaire redressement de l'effort de la Nation en faveur de la défense et tendre vers l'objectif d'un budget de la défense représentant 2 % du PIB.

B. RENFORCER LE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE SUR L'EXÉCUTION DE LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE

De la bonne exécution de la loi de programmation dépendront la cohérence et la soutenabilité de notre outil de défense. Le respect des trajectoires financières conditionne le succès ou l'échec de toute la programmation militaire. Le Parlement doit donc être en mesure de veiller à la bonne exécution de ces trajectoires.

C'est là un enjeu tout à fait crucial. C'est la raison pour laquelle votre commission a souhaité inclure au sein du projet de loi, par plusieurs amendements, un nouveau chapitre entièrement consacré au contrôle parlementaire de l'exécution de la loi de programmation, et comprenant plusieurs dispositions au caractère parfois très novateur.

1. Le contrôle sur pièces et sur place

Afin d'assurer un contrôle permanent de la bonne exécution de la LPM, il paraît nécessaire de donner aux présidents, aux rapporteurs budgétaires ou aux rapporteurs spécialement désignés des commissions chargées de la défense de l'Assemblée nationale et du Sénat, des pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place, tels qu'ils existent au profit des commissions des finances depuis le début de la V ème République.

Sans préjudice des prérogatives propres des commissions des finances, les commissions chargées de la défense des deux assemblées sont chargées du contrôle de l'action du gouvernement et participent au vote annuel du budget.

Or, en l'état actuel du droit, elles n'ont d'après la loi aucun moyen d'obtenir la communication de documents, couverts ou non par le secret de la défense nationale, pourtant essentiels pour apprécier tout écart par rapport à la trajectoire initiale. Ainsi en est-il par exemple de la « VAR » (Version Actualisée du Référentiel de programmation), ou en matière de réforme du ministère, des documents préparés en vue du comité de réforme du ministère de la défense. Ainsi en est-il également des relevés de décision du Comité Ministériel d'Investissement qui décident des choix des principaux programmes d'armement.

Par ailleurs, certains de vos rapporteurs se sont vu refuser des auditions de certains responsables de programmes d'armement, comme par exemple dans le cas de l'avion militaire A400M.

Votre commission vous propose donc de conférer aux commissions chargées de la défense de l'Assemblée nationale et du Sénat des pouvoirs identiques à ceux dont disposent déjà les commissions des finances en prévoyant que, dans ce cas, le « secret de la défense nationale » ne puisse être opposé aux parlementaires membres des commissions chargées de la défense désignés pour exercer le contrôle.

2. Les autres mesures visant à renforcer le contrôle parlementaire

D'autres mesures ont été prévues par votre commission pour renforcer le suivi et le contrôle de l'exécution de la présente loi de programmation, en particulier :

- la transmission des observations de la Cour des Comptes aux commissions chargées de la défense et des affaires étrangères

Le code des juridictions financières limite aujourd'hui aux commissions chargées des finances et des affaires sociales, et, dans certaines conditions, aux commissions d'enquête, le bénéfice de la transmission des communications de la Cour des comptes aux ministres, ainsi que, à leur demande, des observations définitives de la Cour des comptes.

Votre commission vous propose d'élargir cette possibilité aux commissions chargées de la défense et des affaires étrangères, pour ce qui les concerne, afin d'améliorer le contrôle exercé par le Parlement sur le Gouvernement, conformément à l'article 47-2 de la Constitution qui dispose que « La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement (...) dans l'évaluation des politiques publiques ».

- la consécration législative des réunions de contrôle de l'exécution du budget de la défense

Des réunions de contrôle du budget de la défense, réunissent, chaque semestre, au ministère de la défense, les représentants du ministère de la défense et les députés et sénateurs, les présidents et rapporteurs spéciaux de la commission des finances et les présidents et les rapporteurs budgétaires membres des commissions chargées de la défense de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Ces réunions revêtent aujourd'hui un caractère informel et dépendent du bon vouloir du ministère de la défense, qui décide notamment de leur fréquence.

Il est donc proposé de consacrer cette pratique dans la loi et de prévoir une périodicité plus régulière, tous les six mois.

- un rapport annuel sur l'exécution et la possibilité d'un débat au Parlement sur l'exécution de la loi de programmation

Le rapport annexé prévoit déjà un rapport annuel d'exécution transmis aux commissions compétentes du Parlement. Il a semblé toutefois nécessaire à votre commission de reprendre ce dispositif dans la partie normative, de prévoir que ce rapport d'exécution sera transmis avant le débat d'orientation budgétaire et qu'il pourra donner lieu à un débat en séance publique.

Au sein de ce rapport annuel, votre commission a aussi estimé utile de prévoir une partie spécifique sur la stratégie d'acquisition des équipements de défense du gouvernement ainsi qu' une autre partie spécifique sur la mise en oeuvre des décisions prises pour l'accompagnement économique des territoires affectés par les conséquences des mesures de restructuration de la défense. Compte tenu de l'expérience de la précédente LPM et de l'impact des restructurations pour les collectivités locales concernées, votre commission a, en effet, jugé indispensable de prévoir un suivi des dispositifs prévus pour l'accompagnement économique des territoires affectés par les conséquences des mesures de restructuration de la défense.

Ces différentes mesures devraient permettre à l'Assemblée nationale et au Sénat d'être pleinement et régulièrement informés de l'exécution de la loi de programmation militaire et de débattre avec le Gouvernement en cas de non-respect de la programmation prévue.

C. S'ASSURER DE LA COHÉRENCE CAPACITAIRE

1. Ne pas laisser apparaître des lacunes capacitaires dangereuses en matière de souveraineté nationale

Plusieurs points de vigilance méritent d'être mis en exergue.

Le premier - le plus important - est celui des munitions et en particulier de la filière missile. Compte tenu de la trajectoire financière retenue, la présente LPM prévoit une nouvelle réduction des cibles. Cela touche en particulier les missiles de croisière navals (MdCN) dont la cible a été réduite à 150, la rénovation à mi-vie des missiles de croisière terrestre SCALP pour 100 missiles seulement, la réduction à nouveau de la cible des missiles de défense anti-aérienne Aster, la réduction de la cible des missiles Exocet et enfin la réduction des kits de guidage A2SM (armement air sol modulaire) et dont certains de ces armements ont fait la preuve de leur redoutable efficacité en Lybie et au Mali. Une telle réduction des cibles va trop loin et compromet la capacité opérationnelle de nos forces. Rien ne sert de produire des plateformes modernes si elles ne disposent pas des armements nécessaires pour être opérationnelles. S'agissant des munitions, et en particulier de l'AASM, il serait souhaitable que l'industriel puisse l'exporter dans des conditions qui assurent le maintien de la chaîne de production, c'est-à-dire indépendamment de la nature du porteur (Rafale, Mirage 2000, etc.), comme c'est le cas pour les missiles.

Le deuxième point de vigilance concerne le spatial militaire en général et l'alerte spatiale en particulier. Rien ne sert de proclamer le principe d'autonomie stratégique si l'Etat ne se donne pas les moyens de le mettre en oeuvre. La mise en place d'un satellite d'observation spatiale, qui requiert des capacités critiques en matière de rétines infrarouges que la France est seule à avoir en Europe, est indispensable pour la surveillance de la non-prolifération et concourt à renforcer la crédibilité de la dissuasion. C'est le moyen d'assurer l'autonomie d'appréciation sans laquelle il n'est pas d'indépendance qui vaille.

Le troisième point de vigilance concerne les programmes d'environnement qui concourent à la cohérence capacitaire d'ensemble. Il s'agit, notamment, de la filière optronique qui a été trop longtemps délaissée en France alors même que nos industriels ont les capacités de se hisser au meilleur niveau de la compétition internationale. Les équipements de cette filière sont destinés à des moyens d'observation aussi variés que, notamment, les drones tactiques ou MALE, les avions légers de reconnaissance, les avions de patrouille marine et bien sûr les pods de reconnaissance sous avions d'armes. Ils jouent un rôle déterminant dans l'efficacité des plateformes mises en oeuvre.

Enfin, la commission est préoccupée par la lenteur de mise en place de certains programmes déterminants pour l'opérabilité de nos forces. C'est le cas en particulier des ravitailleurs MRTT dont les deux premiers exemplaires n'arriveront qu'en 2019, mais aussi du programme SCORPION qui conditionne l'efficacité de l'armée de terre et le remplacement de véhicules dont les plus anciens ont près de cinquante ans.

2. Mettre en oeuvre notre stratégie d'alliance
a) Suivre la feuille de route de Lancaster House

Le traité de Lancaster House d'octobre 2010 prévoit une coopération étroite entre le Royaume-Uni et la France en matière de défense. Il repose sur un volet opérationnel - la mise en place d'un corps expéditionnaire conjoint ( Combined Joint Expeditionnary Force). Des manoeuvres conjointes ont eu lieu l'an dernier ( Corsican Lion) - et auront lieu désormais tous les ans. Enfin, le volet industriel concerne aussi bien les équipements conventionnels (drones MALE, UCAS, missiles...) que les équipements qui concourent à la mise en oeuvre de la dissuasion nucléaire (projet TEUTATES).

Il est évident que tous les projets prévus dans la feuille de route ne verront pas le jour et cela n'est pas grave en soi. L'idée en particulier de constituer des groupes aéronavals interopérables a dû être abandonnée compte tenu des choix faits par le gouvernement britannique pour des raisons essentiellement financières. C'est la raison pour laquelle le gouvernement français ne devrait avoir aucune hésitation à ne pas choisir le drone Watchkeeper si une solution nationale s'avérait plus conforme à nos intérêts financiers et à tout le moins à mettre en place un appel d'offres.

En revanche les projets les plus critiques pour la consolidation de nos deux bases industrielles ont été lancés. C'est le cas en particulier du missile antinavires légers (ANL) qui conditionne, d'une part, la poursuite de l'intégration industrielle de MBDA et le succès du projet One MBDA, et d'autre part le futur des missiles de croisière européens. Ce projet méritait d'être lancé même si l'utilité opérationnelle de ce missile n'était pas évidente pour les forces françaises.

D'une façon plus générale, le traité de Lancaster House constitue l'épine dorsale de la défense européenne. Il convient de tout mettre en oeuvre pour lui donner chair.

b) La défense européenne : le sommet de décembre 2013

Aucun grand programme militaire structurant n'a été lancé en coopération depuis l'A400M. Aucun outil de partage opérationnel n'a été mis en place depuis la mise en place du commandement du transport aérien (EATC).

Le sommet de Bruxelles de décembre prochain aura à son ordre du jour les questions de défense. Les chefs d'Etat et de gouvernement n'auront que l'embarras du choix pour lancer de grands programmes : drones MALE, avions ravitailleurs, satellites militaires, etc... Ils peuvent aussi envisager s'ils le souhaitent des avancées plus ambitieuses telles que la création d'une authentique Agence européenne de l'Armement en rapprochant l'Agence européenne de défense et l'OCCAR.

Mais la commission estime que toutes ces avancées ne suffiront pas à relancer le projet européen et que le moment est venu de sauter le fossé qui sépare « l'Europe de la défense » de la « défense européenne ». Pour ce faire elle réitère son souhait que la France propose la constitution d'un « Eurogroupe de défense » 55 ( * ) .

c) Conforter notre place au sein de l'OTAN

Le rapport de M. Hubert Védrine de novembre 2012 n'a pas remis en cause le retour de la France dans le commandement militaire intégré de l'OTAN et a proposé que la France prenne toute sa place au sein de cette organisation. Ce choix a été validé dans le Livre blanc. La France doit pouvoir tenir son rang de nation cadre au sein de l'OTAN et la commission pense que cela devrait être particulièrement le cas en ce qui concerne la défense antimissile balistique telle que décidée au sommet de Lisbonne en novembre 2010.

3. Veiller au respect de la stratégie d'acquisition et à sa bonne articulation avec la stratégie industrielle
a) Programmes à effet majeur et programmes d'environnement

Afin de sauvegarder la base industrielle et technologique de défense l'Etat a souvent privilégié par le passé les grands programmes d'armement - ou programmes à effet majeur (PEM) - qui permettent de faire tourner les chaînes de production et favorisent l'exportation.

Cette priorité a souvent conduit à négliger les autres aspects de l'armement, à commencer par le soutien. Ainsi, lors de la précédente loi de programmation l'acquisition de quarante hélicoptères Tigre HAP ne s'est pas accompagnée de l'acquisition d'autant de lots de pièces de rechange, si bien que la disponibilité de ces hélicoptères, surtout pour les opérations extérieures, s'en est trouvée gravement affectée.

Les programmes d'environnement sont souvent négligés. Compte tenu de leur faible poids industriel, ils sont sacrifiés au profit des PEM ; certaines technologies, jugées non prioritaires, n'ont pas fait l'objet par le passé de suffisamment d'attention. Pourtant ces équipements d'environnement jouent un rôle crucial dans l'efficacité opérationnelle des forces et mérite d'être mieux pris en compte.

L'articulation entre la stratégie d'acquisition de l'Etat (satisfaction du besoin opérationnel des forces) et la stratégie industrielle (préservation de la base industrielle et technologique de défense) mérite d'être améliorée. Dans cette perspective, la démarche stratégique française doit être réexaminée. A titre d'exemple, l'Etat gagnerait à mieux préparer en avance les révisons périodiques de son Livre blanc et à publier dans les intervalles sa stratégie d'acquisition, comme c'est le cas au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.

b) Grands groupes et PME

Afin de privilégier la base industrielle et technologique de défense, la priorité a souvent été accordée par les instances étatiques aux grands groupes. Cette priorité a parfois nuit au développement des PME et ETI de défense. Certains programmes tels le drone de contact (DRAC) auraient mérités d'être commandés directement à la PME productrice par des procédures simplifiées.

Le recours systématique aux procédures d'appel d'offres pour les « petits programmes » et la passation en gré à gré pour les programmes les plus importants méritent d'être reconsidérés.

En matière d'aide au démarrage de projets il convient de souligner le succès du dispositif RAPID (régime d'appui à l'innovation duale) mis en place par la DGA.

Enfin, le pacte PME est susceptible de marquer un progrès important. Encore faut-il qu'il soit mis en oeuvre effectivement sur le terrain et que l'observation puisse en être objectivement constatée.

4. Consolider le redressement de la préparation opérationnelle qui fonde la crédibilité des forces armées

Comme le Ministre de la défense l'a indiqué devant votre commission, l'inversion de cette tendance à la dégradation de la préparation opérationnelle est une priorité forte du projet de loi de programmation militaire.

Un effort financier important est marqué dans ce domaine : les crédits consacrés à l'entretien programmé des matériels progresseront en moyenne de 4,3% par an en valeur pour s'établir à un niveau moyen de 3,4 Md € courants par an sur la période.

Les facteurs d'inertie expliquent que, malgré l'effort significatif consenti, il faille agir en deux temps : inverser la tendance à la dégradation, d'abord, par une restauration de la disponibilité des matériels et une réorganisation du soutien, restaurer, ensuite, les indicateurs d'activité.

Force est de constater en effet que les années 2014 et 2015 seront consacrées à la reconstitution des stocks et à la stabilisation de l'activité au niveau, déjà trop « juste », de 2013. Ce n'est qu'à compter de 2016 qu'est prévu le redressement des indicateurs d'entraînement.

Le rapport annexé indique que le niveau d'activité devrait « tendre vers les normes » à partir de 2016.

Normes annuelles d'activité (hors simulation)

? Terre

-- Journées de préparation opérationnelle 56 ( * ) ......................................... 90 jours.

-- Heures de vol par pilote d'hélicoptère ........................................ 180 heures.

? Marine :

-- Jours de mer par bâtiment (bâtiments hauturiers) .... . 100 jours (110 jours).

-- Heures de vol par pilote de chasse ............................................. 180 heures.

(pilotes qualifiés à l'appontage de nuit). ..................................... 220 heures.

-- Heures de vol par équipage de patrouille maritime ................. 350 heures.

-- Heures de vol par pilote d'hélicoptère ........................................ 220 heures.

? Air :

-- Heures de vol par pilote de chasse .............................................. 180 heures.

-- Heures de vol par pilote de transport........................................... 400 heures.

-- Heures de vol par pilote d'hélicoptère ........................................ 200 heures.

À noter que ces normes sont les mêmes que dans la précédente loi de programmation, sauf pour l'armée de terre où l'objectif de nombre de jours d'entraînement, auparavant fixé à 150 jours, est désormais de 90 jours hors opérations .

Sous la précédente loi de programmation, la journée de préparation et d'activité opérationnelle (JPAO) était l'indicateur utilisé pour mesurer l'entraînement de l'armée de terre, qui comptabilisait à la fois la préparation opérationnelle (JPO) relevant de l'état-major de l'armée de terre et les opérations (journée d'activité opérationnelle, JAO). La précédente norme était de 150 journées JPAO, incluant donc les deux types d'activité.

Les conditions d'engagement des forces (très sollicitées par les OPEX) et les contraintes financières croissantes pesant sur l'entretien programmé du matériel et sur l'entraînement en métropole ont progressivement réduit et déformé l'entraînement de l'armée de terre, qui est passé à seulement 111 JPAO en 2012 (78 JPO + 33 JAO) et à 105 en 2013 (83 JPO + 22 JAO, du fait du désengagement d'Afghanistan).

Le précédent indicateur, globalisé, mélangeait donc la préparation opérationnelle et les OPEX et masquait donc la dégradation de la préparation opérationnelle pour les unités non engagées sur les théâtres extérieurs.

Le nouvel indicateur, comptabilisé en Journées de Préparation Opérationnelle (JPO) se limitera désormais aux seules actions de préparation opérationnelle qui sont de la responsabilité du chef d'état-major de l'armée de terre, à l'exclusion des opérations. La cible de 90 jours permet à l'armée de terre de remplir son contrat opérationnel, indépendamment des opérations où elle est ou non engagée. Elle comprend la formation initiale, la préparation opérationnelle générique (25 jours décentralisés dans les unités et 20 jours centralisés dans les centres d'entrainement) et les mises en condition avant projection.

Il faut toutefois relever que, d'après les informations communiquées à votre commission, aussi bien en 2013 qu'en 2014, en réalisation prévisionnelle et en crédits inscrits dans le projet de loi de finances, l'armée de terre ne sera qu'à 83 jours d'entraînement au lieu des 90 jours « cible » affichés dans le projet de loi de programmation.

Avec le désengagement programmé des opérations et notamment du Mali, le risque d'érosion progressive du niveau opérationnel n'est donc pas totalement écarté, si l'indicateur devait rester éloigné durablement des 90 jours.

Votre commission a donc adopté deux amendements tendant à :

- préciser que les jours de préparation opérationnelle de l'armée de terre, dont le montant serait désormais fixé à 90 jours, contre 150 jours dans la précédente loi de programmation (mais en incluant les opérations), s'entend bien hors participation de l'armée de terre aux opérations intérieures et extérieures. Cette précision permettra d'éviter toute interprétation erronée de ce nouvel indicateur (alinéa 232 du rapport annexé, article 2) ;

- indiquer que les normes de préparation opérationnelle fixées par le projet de loi seront effectivement atteintes en 2016, après une période de redressement progressif en 2014 et 2015 . Il convient en effet d'éviter que les indicateurs d'activité opérationnelle soumis au vote du Parlement ne soient qu'un simple affichage (alinéa 252 du rapport annexé, article 2).

5. Éclairer l'avenir : la R & T de défense

La préservation des crédits de R & T de défense à 730 millions d'euros par an mérite d'être saluée. C'était du reste un souhait de la commission.

Au demeurant, le gouvernement français doit poursuivre son action afin que les fonds européens consacrés à la recherche civile puissent également être utilisés pour la recherche duale. Ce point doit être traité au sommet de Bruxelles de décembre, et se traduire par l'engagement de montants beaucoup plus significatifs que ceux actuellement envisagés. Quand la France met à elle seule 730 millions d'euros en faveur de la recherche militaire, il semble disproportionné que l'Europe des 27 n'envisage qu'une centaine de millions d'euros en faveur de la recherche duale.

Quoiqu'il en soit, le volume de l'enveloppe des PEA impose à l'Etat d'être fin stratège. Cela suppose qu'il fasse des choix judicieux dans le long terme quant aux briques technologiques et aux systèmes d'armes qu'il juge indispensable d'acquérir. Il ne s'agit pas de faire de la R & T pour faire de la R & T ; Il faut certes être à l'écoute des évolutions technologiques et des ruptures scientifiques. Mais cette écoute, cette recherche doivent être éclairées par ce que seront les programmes futurs.

Il convient également dans les programmes d'études amont de bien doser l'effort entre, d'une part, les démonstrateurs de systèmes et, d'autre part, le développement des briques technologiques. Il faut un mélange harmonieux des deux. Une très bonne vision des systèmes d'armes ne fera pas un système d'armes performant s'il n'y a pas les bons capteurs, les bons senseurs et les bons armements.

Pour leur part, les industriels doivent nécessairement avoir un éclairage de la part de leur client, c'est-à-dire l'Etat. Car sans perspective de programme, ni de démonstrateur, ils ne peuvent faire de la recherche pour la recherche dans le domaine militaire. Cet éclairage stratégique est d'autant plus important que l'on descend dans la chaîne d'approvisionnement. Il est assez facile pour les grands groupes d'avoir une vision assez bonne de ce que pourrait être, par exemple, le futur drone de combat. Tel n'est pas le cas pour les PME.

Ces considérations militent, là encore, en faveur de la publication de la stratégie d'acquisition de l'Etat et l'amélioration de sa démarche stratégique.

D. AMÉLIORER LE VOLET NORMATIF

1. Le nécessaire renforcement du contrôle parlementaire du renseignement

La création de la délégation parlementaire au renseignement par la loi du 9 octobre 2007 a permis de corriger une anomalie. Jusqu'alors, la France était l'une des dernières démocraties occidentales à ne pas être dotée d'un organe parlementaire ad hoc dédié au contrôle des services de renseignement.

Cinq ans après sa création, le bilan de la délégation parlementaire au renseignement s'avère très positif. En particulier, une véritable relation de confiance s'est nouée entre la délégation et les services de renseignement.

Conformément au souhait du Président de la République, il semble indispensable aujourd'hui de franchir une nouvelle étape afin de renforcer le contrôle parlementaire des services de renseignement.

Le texte du projet de loi contient à cet égard des avancées non négligeables avec en particulier :

- La reconnaissance à la délégation parlementaire au renseignement d'une mission de contrôle parlementaire de l'action du Gouvernement en matière de renseignement ;

- Une meilleure information de la délégation parlementaire au renseignement, notamment avec le rapport annuel de synthèse des crédits du renseignement et du rapport annuel d'activité ;

- L'extension de la liste des personnalités pouvant être auditionnées ;

- Surtout, l'absorption par la délégation parlementaire au renseignement de la commission de vérification des fonds spéciaux.

Le nécessaire renforcement des moyens humains et financiers, ainsi que des outils juridiques dont disposent les services de renseignement doit, en effet, aller de pair avec un véritable rehaussement du contrôle démocratique.

De récentes affaires, telles que l'affaire dite des « fadettes » ou l'affaire « Merah », ont mis en évidence des dysfonctionnements dans l'action des services de renseignement.

Il est légitime, dans une démocratie, que le Parlement puisse être informé de telles affaires afin d'être en mesure d'exercer pleinement son rôle de contrôle de l'action du Gouvernement, naturellement d'une manière qui préserve le secret de la défense nationale.

Ayant été saisie de plusieurs amendements de votre rapporteur visant à renforcer encore davantage les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement, votre commission n'a toutefois pas souhaité remettre en cause l'équilibre prévu par le projet de loi entre le souci de préserver l'efficacité des services de renseignement et le contrôle démocratique.

Elle a donc préféré s'en tenir sur ce point au texte du projet de loi présenté par le Gouvernement.

2. La cyberdéfense

Votre commission approuve entièrement les dispositions prévues par le projet de loi qui permettront de renforcer la protection des systèmes d'information de l'Etat et des opérateurs d'importance vitale face aux attaques informatiques.

Elle a souhaité compléter ces dispositions de deux manières :

- En permettant à l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) d'accéder aux coordonnées des utilisateurs d'adresses Internet à des fins de prévention ou de traitement des attaques informatiques ;

- En clarifier le régime juridique en matière d'activités économiques ou de recherche portant sur la sécurité des systèmes informatiques ;

Parallèlement, votre commission a souhaité préciser, dans le rapport annexé, l'augmentation des moyens humains et budgétaires consacrés à la cyberdéfense, tant de l'ANSSI, qu'au sein des armées et de la direction générale de l'armement.

3. Mieux prévenir le risque de « judiciarisation » de l'action militaire

Votre commission souscrit pleinement à l'objectif visé par le chapitre IV du projet de loi de programmation.

Pour autant, en visant les termes -sujets à interprétation- d' « opération militaire », les rédacteurs du texte ont pris le risque d'une interprétation jurisprudentielle divergente de l'intention du législateur, et, pour tout dire, restrictive.

Aussi votre commission souhaite-t-elle préciser que les faits couverts sont les faits commis dans l'accomplissement de sa mission par un militaire lors d'une opération :

- « mobilisant des capacités militaires » pour introduire une approche matérielle, non subjective,

- se déroulant en dehors « des eaux territoriales » (et non seulement du seul « territoire »), ceci notamment dans le cadre des opérations de police en haute mer,

- et visant « y compris la libération d'otages, l'évacuation de ressortissants ou la police en haute mer. »

Il serait ainsi parfaitement clair que les opérations du commandement des opérations spéciales (COS), notamment, ou encore celles menées dans le cadre de la lutte contre la piraterie, par exemple, entreront bien dans le champ d'application.

* *

*

La commission a adopté le projet de loi et son rapport annexé, ainsi modifiés.

EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE IER - DISPOSITIONS RELATIVES AUX OBJECTIFS DE LA POLITIQUE DE DÉFENSE ET À LA PROGRAMMATION FINANCIÈRE

Article 1er - Objet de la programmation militaire

L'article premier dispose que : « les dispositions du présent chapitre fixent les objectifs de la politique de défense et la programmation financière qui lui est associée pour la période 2014-2019 »

Il s'agit d'un article de pure forme qui introduit l'ensemble du chapitre et n'appelle aucun commentaire de la part de la commission.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 2 - Approbation du rapport annexé

Le présent article soumet à l'approbation de votre assemblée le rapport annexé qui fixe les orientations relatives à la politique de défense et aux moyens qui lui sont consacrés au cours de la période 2014-2019 et précise les orientations en matière d'équipement des armées à l'horizon 2020.

Tel que présenté dans ce rapport, le projet du gouvernement met l'accent sur la modernisation des équipements de défense. 17 milliards d'euros seront consacrés en moyenne chaque année à l'investissement et à l'équipement des forces de défense. Il est prévu la livraison d'avions ravitailleurs, d'avions Rafale, de véhicules blindés de combat d'infanterie, d'hélicoptères Tigre et NH 90, de frégates multi missions et d'un sous-marin nucléaire d'attaque.

Le projet prévoit également la suppression de 23 500 emplois entre 2014 et 2019 qui viennent s'ajouter aux 10 175 suppressions de postes déjà décidés pour 2014 et 2015 par la précédente loi de programmation militaire. Un plan de mesures d'accompagnement des personnels civils et militaires appelés à quitter le service est prévu, ainsi qu'un plan en matière d'accompagnement territorial. 730 millions d'euros seront consacrés à la recherche et à la technologie.

La priorité est donnée au renseignement. Le texte prévoit l'acquisition de 26 drones et des satellites de surveillance. Le texte renforce les prérogatives des services de renseignement, tout en renforçant le contrôle parlementaire sur l'action des services. La lutte contre les attaques et la criminalité informatique devient également une priorité.

La Commission a adopté sur proposition de votre rapporteur plusieurs amendements visant à modifier le rapport annexé :

• afin de rappeler l'attachement de la France au renforcement de la politique de sécurité et de défense commune de l'Union européenne, votre commission a complété l'alinéa 30 , pour indiquer que cet objectif doit demeurer un objectif majeur de la politique de la France ;

• votre commission a souhaité modifier l'alinéa 118 , afin de préciser davantage le renforcement des moyens humains et budgétaires de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) ainsi que des moyens humains et budgétaires consacrés à la cyberdéfense par les armées, la DGA et les services spécialisés ;

• Aux alinéas 232 et 252 (préparation opérationnelle) , votre commission a adopté deux amendements, tendant à :

- préciser que les jours de préparation opérationnelle de l'armée de terre, dont le montant serait désormais fixé à 90 jours, contre 150 jours dans la précédente loi de programmation (mais en incluant les opérations), s'entend bien hors participation de l'armée de terre aux opérations intérieures et extérieures. Cette précision permettra d'éviter toute interprétation erronée de ce nouvel indicateur (alinéa 232) ;

- indiquer que les normes de préparation opérationnelle fixées par le projet de loi seront effectivement atteintes en 2016, après une période de redressement progressif en 2014 et 2015. Il convient en effet d'éviter que les indicateurs d'activité opérationnelle soumis au vote du Parlement ne soient qu'un simple affichage (alinéa 252) ;

• afin de sécuriser l'affectation de ces ressources exceptionnelles, indispensables à l'équilibre de la loi de programmation militaire, votre commission a complété l'alinéa 306 , pour indiquer que l'article 47 de la de la loi n°2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, modifiée, qui prévoit que les produits des cessions des immeubles domaniaux occupés par le ministère de la défense ne sont pas soumis à l'affectation partielle au désendettement de l'État sera reconduit jusqu'au 31 décembre 2019 par un amendement au projet de loi de finances pour 2014 ;

• Dans un souci de coordination, votre commission a modifié la rédaction des alinéas 313 et 314 relatifs à la clause de sauvegarde sur les recettes exceptionnelles, en reprenant la rédaction que votre commission a souhaité replacer dans le corps même du projet de loi (article 3) ;

• De la même manière, votre commission a adopté une nouvelle rédaction de l'alinéa 327 pour la coordonner avec l'amendement introduisant un article additionnel après l'article 3 portant sur le financement des OPEX dans le corps même du projet de loi (article 3bis nouveau) ;

Votre commission a également adopté des amendements visant à :

• modifier l'alinéa 358 pour mieux distinguer les dépenses récurrentes de rémunération (rémunérations principales y compris primes et indemnités) dont le ministère de la défense a la pleine responsabilité, par opposition aux « dépenses hors socle » qui sont des dépenses non récurrentes liées aux restructurations, aux allocations servies aux familles, aux indemnités chômage des militaires, aux indemnisations des accidents travail et maladies professionnelles, ou aux cessations anticipées d'activité liées à l'amiante, ou au fonds de concours du service de santé des armées qui sont des dépenses "de guichet" dont le ministère n'a pas, du fait de leur nature, la maîtrise.

• insérer un nouvel alinéa après l'alinéa 412 pour indiquer que  le fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées (FSCT) instauré par l'article 173 de la loi n° 2008-1425 de finances pour 2009 (article L. 2335-2-1 du code des collectivités territoriales) pour leur apporter une aide au fonctionnement sera maintenu jusqu'au 1 er janvier 2022 ;

• insérer un nouvel alinéa après l'article 420 pour préciser que, pour faciliter la cession des emprises immobilières, une réforme du cadre juridique de la dépollution pyrotechnique sera mise en oeuvre avant le 31 décembre 2014 ;

• supprimer les alinéas 434, 436 et 437 par souci de coordination, compte tenu de la volonté de votre commission de prévoir une clause de révision et un renforcement du contrôle parlementaire sur l'exécution de la loi de programmation dans le corps même du projet de loi.

Votre commission a adopté l'article 2 et le rapport annexé ainsi modifiés.

Article 3 - Programmation financière

Les ressources de la défense s'élèveront à 190 Mds € courants pour les six prochaines années.

Conformément aux engagements du Président de la République, la somme des ressources budgétaires et exceptionnelles est stabilisée en valeur les trois prochaines années (2014 à 2016). Le budget sera ainsi stabilisé à son niveau de 2013 de 31,4 Mds € par an, avant d'être légèrement augmenté à partir de 2016.

Au sein de cette enveloppe de 190 milliards d'euros, 6,1 milliards d'euros proviendront de ressources exceptionnelles et s'ajouteront aux 183,9 milliards d'euros de crédits budgétaires sur la période.

Le tableau ci-après présente le passage entre les crédits prévus pour la mission « Défense » par la loi du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, qui présente des plafonds par mission du budget général sur les seules années 2013 à 2015, et les crédits figurant dans le projet de loi de programmation militaire 2014 - 2019.

Pour les seuls crédits budgétaires ouverts en loi de finances sur le périmètre du budget général, les crédits sont inférieurs de 500 M€ pour les années 2014 et 2015 aux plafonds arrêtés par la LPFP. Cette baisse représente la participation du ministère à la diminution des dépenses de l'Etat (-1,5 Md€ en valeur sur la norme de dépenses, -4,5 Md€ en tenant compte des redéploiements au profit des priorités gouvernementales).

S'il l'on fait la somme des crédits budgétaires et des ressources exceptionnelles, la trajectoire financière suivante apparaît :

impact très important dans la communauté

L'effort de défense de la France mesuré par rapport à la richesse nationale qui était de 1,52 % du PIB (norme OTAN « v2 », hors pensions) passera sous le plancher des 1,5 % en 2014 et diminuera progressivement jusqu'à 1,3 % du PIB en 2019, si toutefois la programmation est respectée.

En tenant compte des pensions (norme OTAN « v1 »), la part de la Défense dans le PIB qui est de 1,9% en 2013 sera en moyenne de 1,76% entre 2014 et 2019.

La part du ministère de la défense au sein du budget de l'Etat (11,3% en 2013), hors charge de la dette et pensions, demeurera stable sur la période 2013-2016, du fait de l'application tendancielle de la norme « zéro valeur » aux dépenses de l'Etat.

A partir de 2017, l'évolution de la norme de dépense devrait être cohérente avec l'évolution des dépenses du ministère. La part de la défense au sein du budget de l'Etat ne devrait donc pas évoluer de manière significative.

Votre commission a adopté un amendement visant à compléter cet article par une « clause de sauvegarde » portant sur les recettes exceptionnelles .

Rappelons que le montant des recettes exceptionnelles s'élève à 6,1 milliards d'euros, soit près du double de ce qui était prévu dans la précédente LPM.

Or, la stabilité en valeur des ressources totales de la « mission défense », les trois premières années de la LPM, est conditionnée par la mise à disposition effective de ces ressources exceptionnelles.

Dans l'hypothèse d'une non-réalisation partielle de ces ressources, le rapport annexé comprend une clause de sauvegarde.

Mais, comme l'a indiqué le chef d'état-major des armées lors de son audition, il ne faudrait pas que les notions de « modification substantielle » ou « de conséquence significative sur le respect de la programmation » ne fassent pas l'objet d'une lecture exagérément restrictive par les services financiers de l'État. Il est par conséquent important que le texte garantisse explicitement l'obtention de l'intégralité des ressources, telles qu'elles ont été programmées dans le projet de LPM.

Votre commission a donc jugé nécessaire de renforcer la portée de la "clause de sauvegarde" portant sur les recettes exceptionnelles.

Par un amendement, elle a souhaité inscrire cette clause au présent article du projet de loi.

Elle a également souhaité modifier sa rédaction .

Selon cette nouvelle rédaction, dans le cas où ces recettes exceptionnelles ne seraient pas au rendez-vous au montant et au moment prévus, ces recettes seraient intégralement compensées par d'autres recettes exceptionnelles ou bien par des crédits budgétaires sur la base d'un financement interministériel.

En sens inverse, si le montant des ressources disponibles devait excéder les 6,1 Md€ prévus, la Défense devra en bénéficier à hauteur de 0,9 Md€ supplémentaires.

Cette nouvelle rédaction vise donc à garantir la sincérité de la programmation financière en s'assurant que les recettes exceptionnelles affectées à la mission "Défense" seront bien réalisées au montant et au moment prévus et, qu'à défaut, elles seront intégralement compensées par d'autres recettes exceptionnelles ou des crédits budgétaires sur la base d'un financement interministériel.

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article 3 bis (nouveau) - Dotation prévisionnelle destinée à financer les surcoûts des opérations extérieure (OPEX)

Le 5.3 du rapport annexé au projet de LPM pour les années 2014 à 2019 retient un montant de 450 millions d'euros pour la dotation prévisionnelle destinée à financer les surcoûts des opérations extérieures (OPEX).

Les surcoûts des OPEX correspondent aux dépenses supplémentaires engendrées par les opérations, par rapport à ce que les armées financent sur les crédits affectés à leurs activités courantes.

Ils sont principalement liés aux frais de personnel. Rémunérations et cotisations sociales constituent, en effet, le premier poste de dépenses d'une Opération extérieure, loin devant les frais de fonctionnement, d'investissement ou d'intervention. Les OPEX se caractérisent également par un coût en matériel et en munitions.

Pendant longtemps, ces surcoûts n'ont pas été inscrits en loi de finances initiale car ces dépenses étaient considérées comme un événement exceptionnel et imprévisible. La règle voulait qu'elles soient alors gagées par des annulations de crédits d'un montant équivalent en dépenses d'équipement.

Le principe de l'inscription en LFI du coût estimé des OPEX est une revendication ancienne du Parlement qui a trouvé une première application, certes symbolique, dans le budget 2003, lorsque 24 millions d'euros ont été provisionnés pour des opérations dont le coût réel s'est élevé, cette année-là, à environ 630 millions d'euros.

L'une des grandes avancées de la LPM 2009-2014, conformément au souhait du Parlement, était de prévoir un mécanisme de budgétisation intégrale des OPEX et d'interdire leur financement par annulation de crédits d'équipement.

La loi de programmation militaire 2009-2014 avait prévu d'en évaluer de manière plus réaliste les surcoûts en loi de finances initiale en prévoyant que « le montant de la provision au titre des surcoûts des opérations extérieures, porté à 510 millions d'euros en 2009, sera augmenté de 60 millions d'euros en 2010 puis de 60 millions d'euros en 2011 », soit au total 570 millions d'euros en 2010 et 630 millions d'euros en 2011, et en disposant que les éventuels dérapages par rapport à ces estimations seraient financés  « par prélèvement sur la réserve de précaution interministérielle ».

Cette disposition avait pour objet de mettre fin au financement du supplément de surcoût des OPEX par rapport aux montants inscrits en loi de finances initiale sous « enveloppe LPM », c'est à dire essentiellement par annulation de crédits d'équipement.

L'augmentation de la dotation s'est avérée toutefois insuffisante pour financer la totalité du surcoût des OPEX, comme le montre le tableau ci-après, qui fait apparaître des besoins de financements complémentaires à hauteur de 361 millions d'euros en 2009, 290 millions d'euros en 2010,541 millions d'euros en 2011 et 243 millions en 2012. Pour 2013, 600 millions d'euros ont été demandés par le ministère de la défense pour financer un surcoût qui est presque équivalent à la dotation initiale.

Financement des OPEX

2008

2009

2010

2011

2012

Prévision 2013

Loi de finances initiale

475

510

570

630

630

630

Coûts non prévus par la LFI

376

361

290

541

243

600

Total

851

871

860

1 171

578

Décrets d'avances

222

228

247

538

187

ND

Autres (dont fonds de concours)

41

79

50

79

56

49

Total

263

307

297

1 247

873

1 257

Cette budgétisation, qui n'atteignait pas 4% du coût réel en 2003, s'est cependant approchée de la réalité à un rythme très lent (19% en 2005, 30% en 2006), pour plafonner à 66% en 2010, ce qui ne répond que très imparfaitement au principe de sincérité sur lequel devrait reposer la construction du Budget de la Nation.

Sur le long terme, le coût moyen des opérations extérieures s'élevait à 511 millions d'euros par an en 2000-2001.

Au cours des années 2002-2006, les dépenses annuelles des OPEX ont atteint 624 millions d'euros en moyenne.

Les surcoûts liés aux opérations extérieures sont restés en moyenne de 961,5 millions d'euros par an sur la période 2009-2012.

On constate donc un décalage récurrent par rapport aux prévisions qui aurait pu conduire dans ces conditions à une réévaluation de la dotation initiale.

Dans ce contexte, l'article 5.3 du rapport annexé au projet de LPM pour les années 2014 à 2019 retient un montant de seulement 450 millions d'euros pour la dotation prévisionnelle.

Compte tenu des risques géostratégiques actuels et au vu d'une exécution qui n'est jamais descendue en deçà de 528 millions d'euros sur les dix dernières années, une telle réduction risque d'entraîner un appel important à la solidarité interministérielle.

Le rapport annexé souligne que ce montant est cohérent avec la limitation de nos engagements, dans le modèle retenu par le Livre blanc, à une moyenne de trois théâtres importants.

Actuellement, l'estimation des surcoûts liés aux opérations extérieures (hors opérations au Mali) pour 2013 s'établit à 610 millions dont le coût devrait être supérieur à 700 millions d'euros, soit 1 310 millions.

Au regard des opérations en cours, cette limitation à 450 millions correspond dans la pratique à l'ensemble des opérations hors retrait d'Afghanistan et opérations au Mali.

Autrement dit, l'enveloppe correspondrait à une situation où il n'y a pas d'opérations extérieures nouvelles et où on ne laisse pas de troupes au Mali.

Un scénario peu probable, ne serait-ce que parce que le Président de la République s'est engagé à laisser au Mali 1 000 hommes pour une durée indéterminée.

En réalité, ce que comprend votre rapporteur, c'est que l'enveloppe suppose une réduction importante des autres OPEX à hauteur d'environ 1 500 hommes, soit par réduction des effectifs en Afghanistan bien sûr, au Mali dans des proportions qui sont encore à établir, sans doute au Kosovo ou ailleurs, soit par transformation d'OPEX en forces prépositionnées en Côte d'Ivoire ou au Tchad.

Il est vrai que la France a eu tendance ces dix dernières années à déclencher des OPEX sans les terminer de sorte que le coût de chaque nouvelle opération est venu s'ajouter à celui des anciennes opérations.

Les difficultés que les Gouvernements successifs ont eues pour achever des opérations et rapatrier nos soldats expliquent la longévité de certaines opérations qui n'ont plus rien de temporaire.

Évolution du surcoût OPEX

Exécuté 2011

(1)

Exécuté 2012

Prévu 2013

KOSOVO

47

40

36

COTE D'IVOIRE

64

63

65

AFGHANISTAN

518

485

259

TCHAD

97

115

107

LIBAN

79

76

62

LIBYE

368

MALI

647

DJIBOUTI (Atalante)

29

30

26

CENTRAFRIQUE

22

Autres

43

63

36

Total

1 247

873

1 257

C'est le cas de la FINUL au Liban, d'EPERVIER au Tchad, de LICORNE en Côte d'Ivoire.

Chaque cas a sa particularité, son histoire, sa raison d'être. Dans certains cas, la France est prisonnière d'une situation qu'elle ne maîtrise pas, dans d'autres, elle souhaite rester.

Dans le cas de la FINUL, on comprendrait difficilement que la France parte à un moment aussi délicat pour la stabilité du Liban et de la région.

À Abidjan, la France s'apprête à signer un accord de défense qui confirme sa présence dans un pays où la situation sécuritaire n'est pas assurée.

Au Tchad, l'opération EPERVIER envoyée pour sécuriser le pays face à la menace libyenne est aujourd'hui aux avant-postes du Sahel à un moment où une partie des forces djihadistes chassées par l'opération SERVAL se sont réfugiées dans cette région.

Il reste que cette sédimentation a indéniablement un effet cumulatif sur le coût des OPEX.

Il conviendrait, en effet, de retrouver des marges de manoeuvre budgétaires et une plus grande liberté d'action en réduisant le "stock" des OPEX.

C'est ce à quoi la présente programmation entend mettre fin à travers les dispositions du rapport annexé par le biais de deux mécanismes.

D'une part, une estimation au plus juste de la dotation initiale.

Votre commission émet quelques réserves sur cette estimation dont le montant pourrait s'avérer insuffisant si se conjugue le maintien d'une situation précaire au Mali qui exigera sans doute plus que 1 000 hommes début 2014 et la nécessité d'intervenir plus massivement en RCA en soutien de la Misca (Mission internationale de soutien à la Centrafrique)

D'autre part, un mécanisme complexe d'abondement par financement interministériel.

Le rapport annexé indique en effet qu'en gestion, « les surcoûts nets non couverts par cette dotation qui viendraient à être constatés sur le périmètre des opérations extérieures maintenues en 2014 seront financés sur le budget de la mission « Défense ». »

En revanche « les surcoûts nets (hors titre 5 et nets des remboursements des organisations internationales) non couverts par cette dotation qui résulteraient d'opérations nouvelles, de déploiements nouveaux ou de renforcements d'une opération existante en 2014 feront l'objet d'un financement interministériel. »

Ce dispositif qui vise à faire prendre en charge par le ministère de la défense une part croissante des dépenses d'OPEX va à l'encontre de la logique des précédentes LPM qui tendaient à ce que ces dépenses ne puissent pas être gagées par des annulations de crédits d'un montant équivalent en dépenses d'équipement.

Il apparaît, en outre, particulièrement délicat à mettre en oeuvre.

Le maintien de 1 000 hommes au Mali au-delà du 1 er janvier 2014 sera-t-il couvert par un financement interministériel ? Rien n'est moins sûr. Sans une réforme des OPEX existantes, les surcoûts prévisibles dépassent déjà les 450 millions sans ces 1 000 hommes et le ministre lui-même a évoqué le maintien jusqu'à la fin de l'année de plus de 2 500 hommes.

Le renforcement de la présence de nos forces spéciales dans le Sahel en 2012 avec l'opération « SABRE » aurait-il été considéré comme une nouvelle opération ? Sans doute pas, car personne n'imagine qu'il fasse l'objet d'une notification au ministère des finances.

La notion de nouvelle opération est relativement bordée; elle correspond à une décision politique du Chef de l'Etat et du ministre de la défense, justifiant le cas échéant un Conseil de défense, voire une autorisation du Parlement en vertu de l'article 35 de la Constitution.

Celle de renforcement l'est beaucoup moins.

Ne faut-il considérer que les décisions de renforcement prises par le Chef de l'Etat et le ministre de la défense ou est-ce que les mesures de gestion prises par les états-majors en fonction des situations locales sont également à prendre en compte ?

Les mesures de sécurisation des camps en Afghanistan qui ont été si coûteuses auraient-elles été considérées comme un renforcement pris en charge par le fond interministériel ou auraient-elles été considérées comme une augmentation des coûts imputables au ministère de la défense ?

Cette disposition semble ouvrir la voie à de nombreuses difficultés.

En conclusion, votre commission ne souhaite pas remettre en cause le montant de la provision qui a fait l'objet d'un arbitrage d'ensemble sur la programmation en cohérence avec la question des formats des armées, même si elle en mesure les conséquences dans un contexte international où les menaces ne vont pas en diminuant.

Elle constate que sur les dix dernières années le montant moyen du surcoût OPEX est supérieur à 500 millions d'euros et, depuis 2009, au-dessus de 900 millions.

Soit la provision est sincère et il s'agit d'un véritable engagement, d'une part, à modifier les modalités de notre présence militaire notamment en Afrique et, d'autre part, à intervenir le moins possible et d'une certaine façon d'un recul de nos ambitions et de notre volonté de peser sur la scène internationale qui prend logiquement acte des difficultés budgétaires, soit ce montant a une valeur indicative, et l'existence du fond interministériel est une garantie majeure pour que le financement des OPEX ne se fasse pas par régulation des équipements. Sans doute la vérité est-elle entre ces deux options.

Votre commission souhaite, en conséquence, que, premièrement , cette disposition relative à des opérations engageant la Nation, qui font, par ailleurs, l'objet d'une procédure constitutionnelle d'autorisation, figure dans le corps du texte et non dans son annexe.

L'importance stratégique et diplomatique de ces opérations, leur impact sur l'équilibre financier de la programmation justifient, deuxièmement, qu'elles fassent l'objet d'un débat annuel au Parlement sur les engagements de la France en dehors du territoire national et d'un bilan politique opérationnel et financier communiqué préalablement aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat à l'instar de la procédure du Bundestag.

Enfin, troisièmement, le nouveau mécanisme prévu dans le rapport annexe pour la gestion des surcoûts nets non couverts par cette dotation lui apparaît trop complexe, source de contentieux et de nature à ce qu'une part croissante de ces dépenses soit de nouveau gagée par des annulations de crédits d'équipement. C'est pourquoi elle propose de revenir au dispositif de la LPM précédente.

En conséquence, elle a adopté un amendement insérant un article additionnel après l'article 3 qui, tout en retenant la dotation prévue, revient au mécanisme antérieur par lequel, en gestion, « les surcoûts nets (hors titre 5 et nets des remboursements des organisations internationales) non couverts par cette dotation font l'objet d'un financement interministériel ».

Ce bilan et le débat prévu par le dispositif adopté par la commission doivent permettre d'éclairer la représentation nationale sur les objectifs, les réalisations et les coûts de chaque OPEX.

Ce nouvel article serait ainsi rédigé :

« La dotation annuelle au titre des opérations extérieures (OPEX) est fixée à 450 millions d'euros. En gestion, les surcoûts nets (hors titre 5 et nets des remboursements des organisations internationales) non couverts par cette dotation qui viendraient à être constatés sur le périmètre des opérations extérieures font l'objet d'un financement interministériel.

Les opérations extérieures en cours font, chaque année, l'objet d'un débat au Parlement.

Le Gouvernement communique préalablement aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat un bilan politique, opérationnel et financier des OPEX en cours. »

Votre commission a adopté l'article 3bis nouveau ainsi rédigé.

Article 4 - Trajectoire des réductions d'effectifs

Afin de garantir la soutenabilité de cette trajectoire, la programmation prévoit une diminution de la masse salariale, reposant sur la poursuite des réductions d'effectifs.

L'article 4 prévoit que les réductions nettes d'effectifs du ministère de la défense (missions défense et anciens combattants) s'élèveront à 33 675 équivalents temps plein soit 23 500 emplois entre 2014 et 2019 qui viennent s'ajouter aux 10 175 suppressions de postes déjà décidés pour 2014 et 2015 par la précédente loi de programmation militaire.

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Total

Déflations (ETPE )

7 881

7 500

7 397

7 397

3 500

0

33 675

Ces réductions d'effectifs porteront sur les seuls emplois financés sur les crédits de personnel du ministère de la défense. Au terme de cette évolution, soit en 2019, les effectifs du ministère de la défense s'élèveront ainsi à 242 279 agents en équivalents temps plein.

Ces réductions supposent une contraction du format des armées cohérente avec les formats définis dans le nouveau Livre blanc.

Elle implique une diminution de nos ambitions militaires.

Elles exigeront dans le même temps une poursuite des réformes engagées par le ministère de la défense et, notamment, la rationalisation des structures et une optimisation des fonctions particulièrement ambitieuse.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 4 bis nouveau - Actualisation de la programmation et objectif d'un redressement de l'effort de défense vers 2 % du PIB

Ce nouvel article, introduit par un amendement de votre commission, contient une "clause de revoyure" ainsi qu'une "clause de retour à meilleure fortune".

Afin de garantir la meilleure exécution possible de la programmation, il est important de prévoir une première actualisation fin 2015 afin notamment de faire le point sur la trajectoire financière, l'activité opérationnelle, les équipements majeurs, les déflations d'effectifs et la mise en oeuvre des réformes.

Une telle clause figurait initialement au sein du rapport annexé mais votre commission a jugé préférable de la reprendre dans le corps même du projet de loi.

Elle a également souhaité compléter cette clause « de revoyure » par une nouvelle clause de « retour à meilleur fortune ».

Selon cette clause, l'actualisation de la LPM doit également permettre de tenir compte de l'éventuelle amélioration de la situation économique et des finances publiques, afin de permettre le nécessaire redressement de l'effort de la Nation en faveur de la défense et tendre vers l'objectif d'un budget de la défense représentant 2 % du PIB.

Votre commission a adopté l'article 4 bis (nouveau) ainsi rédigé.

CHAPITRE IER BIS (NOUVEAU) - DISPOSITIONS RELATIVES AU CONTRÔLE PARLEMENTAIRE DE L'EXÉCUTION DE LA LOI DE PROGRAMMATION

De la bonne exécution de la loi de programmation dépendront la cohérence et la soutenabilité de notre outil de défense. C'est là un enjeu tout à fait crucial. C'est la raison pour laquelle votre commission vous propose de renforcer les dispositions relatives au contrôle parlementaire de l'exécution des lois de programmation, par l'insertion d'un nouveau chapitre (Chapitre 1 er bis) et de plusieurs articles additionnels.

Article 4 ter (nouveau) - Contrôle sur pièces et sur place pour les membres des commissions parlementaires chargées de la défense

Le respect de la trajectoire budgétaire initiale conditionne le succès ou l'échec de la programmation militaire. Les commissions parlementaires doivent donc être en mesure de veiller à la bonne exécution de cette trajectoire.

Or, en l'état actuel du droit elles n'ont aucun moyen d'obtenir la communication de documents, couverts ou non par le secret de la défense nationale, pourtant critiques pour apprécier tout écart à la trajectoire initiale. Ainsi en est-il par exemple de la « VAR » (Version Actualisée du Référentiel de programmation), ou en matière de réforme du ministère, des documents préparés en vue du comité de réforme du ministère de la défense. Ainsi en est-il également des relevés de décision du Comité Ministériel d'Investissement qui décident des choix des principaux programmes d'armement.

Par ailleurs, certains de vos rapporteurs se sont vu refuser des auditions de certains responsables de programmes d'armement, comme par exemple dans le cas de l'avion militaire A400M.

Le présent article, introduit par un amendement de votre rapporteur, a pour objet de conférer aux commissions chargées de la défense des deux assemblées des pouvoirs identiques à ceux dont disposent déjà les commissions des finances. Toutefois, il est prévu que dans ce cas, le « secret de la défense nationale » ne puisse être opposé aux parlementaires qui sont eux-mêmes habilités.

Cet article a ainsi pour ambition de contribuer au bon respect de la programmation militaire.

On observera, à toutes fins utiles, qu'un précédent du même ordre avait été établi par la loi n° 78-727 du 11 juillet 1978 de programme sur les musées dont l'article 3 dispose :

« Dans chacune des deux assemblées, le rapporteur général de la commission des finances et deux représentants désignés, l'un par cette même commission et l'autre par la commission des affaires culturelles, disposeront des pouvoirs d'investigation les plus étendus, sur pièces et sur place, pour suivre et contrôler de façon permanente l'emploi des crédits inscrits au budget du musée d'Orsay ; tous les renseignements d'ordre financier et administratif de nature à faciliter l'exercice de leur mission devront leur être fournis ; ils seront habilités à se faire communiquer tous documents de service de quelque nature que ce soit.

« Les dispositions de l'alinéa précédent sont également applicables dès l'entrée en vigueur de la présente loi, à l'établissement public chargé de la réalisation du musée d'Orsay. »

Votre commission a adopté l'article 4 ter (nouveau) ainsi rédigé.

Article 4  quater (nouveau) - Réunions de contrôle de l'exécution de la loi de programmation

Votre commission a adopté un article additionnel visant à consacrer au niveau législatif les réunions de contrôle du budget de la défense, qui réunissent, chaque semestre, au ministère de la défense, les représentants du ministère de la défense et les députés et sénateurs, les présidents et rapporteurs spéciaux de la commission des finances et les présidents et les rapporteurs budgétaires membres des commissions chargées de la défense de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Il s'inscrit dans le cadre des mesures prévues pour renforcer le suivi et le contrôle de l'exécution de la présente loi de programmation.

Votre commission a adopté l'article 4 quater (nouveau) ainsi rédigé.

Article 4 quinquies (nouveau) - (Art L. 143-5 du code des juridictions financières) - Transmission des observations de la Cour des comptes aux commissions chargées de la défense et des affaires étrangères

Le code des juridictions financières limite aujourd'hui aux commissions chargées des finances et des affaires sociales, et, dans certaines conditions, aux commissions d'enquête, le bénéfice de la transmission des communications de la Cour des comptes aux ministres, ainsi que, à leur demande, des observations définitives de la Cour des Comptes.

Votre commission a adopté un article additionnel tendant à élargir cette possibilité aux commissions chargées de la défense et des affaires étrangères, pour ce qui les concerne, afin d'améliorer le contrôle exercé par le Parlement sur le Gouvernement, conformément à l'article 47-2 de la Constitution qui dispose que " La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement (...) dans l'évaluation des politiques publiques. "

Votre commission a adopté l'article 4 quinquies (nouveau) ainsi rédigé.

Article 4 sexies (nouveau) - Rapport et débat au Parlement sur le contrôle de l'exécution des lois de programmation et diverses autres mesures

I.- Votre commission a adopté un article additionnel visant à prévoir un débat annuel au Parlement sur l'exécution de la présente loi de programmation militaire.

Un tel débat, ainsi que le rapport annuel d'exécution prévu à cet article, devraient permettre à l'Assemblée nationale et au Sénat d'être pleinement et régulièrement informés de l'exécution de la loi de programmation militaire et de débattre avec le Gouvernement en cas de non-respect de la programmation prévue.

II.- Votre commission a souhaité que ce rapport contienne la stratégie d'acquisition des équipements du gouvernement.

Le Livre blanc de 2009 prévoyait la publication par l'Etat de la stratégie d'acquisition en ces termes :

« L'Etat doit être capable de faire connaître ses stratégies d'acquisition à long terme, permettant aux entreprises de se consolider et de se positionner sur le marché mondiale. Pour élaborer ces stratégies, comme pour être efficace dans le processus d'achat, il doit donc être doté d'une expertise technique et économique solide, appuyée sur une bonne connaissance des moyens industriels.

« C'est à ces conditions seulement que l'Etat pourra apprécier économiquement et techniquement les propositions de ses fournisseurs et instruire les décisions qui lui permettront de respecter les limites que lui fixe la stratégie générale des finances publiques . » (p. 272).

Le Livre blanc énonçait des principes - la théorie dite des trois cercles - censés guidés les achats et énonçait un certain nombre de « priorités technologiques et industrielles découlant des objectifs stratégiques de la sécurité nationale à l'horizon 2025 » et des ruptures technologiques et scientifiques pressenties sur lesquelles il convenait d'être vigilants.

Pour des raisons qui n'ont pas été explicitées, la stratégie d'acquisition de l'Etat, prévue par le Livre blanc, n'a jamais été publiée. Certains documents, tels le « plan prospectif à trente ans » ou « PP30 » établi par la DGA, pourraient tenir lieu de substitut. Mais ce document comporte des parties classifiées qui ne sont pas communiquées aux industriels et surtout, il n'a pas été mis à jour depuis 2011, alors qu'il devrait l'être en principe tous les ans.

La publication de la stratégie d'acquisition est chose fréquente aussi bien aux Etats-Unis qu'au Royaume-Uni. Outre-Atlantique, la stratégie d'acquisition prend la forme « Militarily Critical Technologies List » ou listes des technologies militaires critiques, que le Pentagone souhaite acquérir dans les différents domaines, comme par exemple les technologies aéronautiques. Elles sont détaillées et mises à jour régulièrement. Au Royaume-Uni, il s'agit de la « Defence Strategy for Acquisition Reform » 2010 et du « National Security through Technology » de 2012.

La publication de cette stratégie sert aussi bien les intérêts de l'Etat que ceux des industriels.

Pour l'Etat : il s'agit de forcer ses services à réfléchir à long terme sur les voies et moyens de concilier le besoin opérationnel - exprimé par les forces et généralement porté par l'état-major des armées - et les mesures de politique industrielle qui s'imposent afin de préserver la BITD, mesures généralement portées par la DGA. C'est un exercice complexe dont on a pu mesurer la difficulté au cours de la dernière décennie en matière de drones MALE. Cet exemple topique de conflit entre les besoins opérationnels et les considérations industrielles s'est soldé par un blocage total et au final l'inaction de l'Etat. Contraindre le gouvernement à rendre publique sa stratégie d'acquisition c'est l'obliger à mettre ses idées en ordre et lui permettre de se soustraire à la double tyrannie de l'influence et de l'urgence. Cet effort est d'autant plus nécessaire en période de difficultés budgétaires quand il doit à tout prix concentrer ses crédits sur ses priorités et faire jouer à plein les effets de levier.

Pour les industriels : il s'agit de bénéficier de l'éclairage du client, c'est-à-dire l'Etat, sur ce qu'il souhaite développer, afin de ne pas dépenser des fonds propres, du temps et de l'énergie sur des programmes qui ne verront jamais le jour. Cet éclairage stratégique est d'autant plus important que l'on descend dans la chaîne d'approvisionnement. Il est assez facile pour les grands groupes d'avoir une vision assez bonne de ce que pourrait être, par exemple, le futur drone de combat. Tel n'est pas le cas pour les PME.

En matière de recherches, le volume limité de l'enveloppe des PEA impose à l'Etat d'être stratège. Cela suppose qu'il fasse des choix judicieux dans le long terme quant aux briques technologiques et aux systèmes d'armes qu'il juge indispensable d'acquérir. Il ne s'agit pas de faire de la R&T pour faire de la R&T. Il faut certes être à l'écoute des évolutions technologiques et des ruptures scientifiques. Mais cette écoute et cette recherche doivent être éclairées par ce que seront les programmes futurs.

Il convient également dans les programmes d'études amont de bien doser l'effort entre, d'une part, les démonstrateurs de systèmes et, d'autre part, le développement des briques technologiques. Il faut un mélange harmonieux des deux. Une très bonne vision des systèmes d'armes ne fera pas un système d'armes performant s'il n'y a pas les bons capteurs, les bons senseurs et les bons armements.

La DGA est en capacité de contribuer à l'élaboration de la stratégie d'acquisition. Mais elle ne peut être juge et partie et il semble de l'intérêt de l'Etat que l'état-major des armées soit co-responsable de l'élaboration de ce document, comme il l'est du reste du programme 146.

III.- Votre commission a également jugé utile que le rapport annuel au Parlement sur l'exécution de la LPM consacre une partie au suivi d'exécution du plan d'accompagnement économique des territoires affectés par des restructurations.

La loi de programmation militaire a confié à la délégation aux restructurations du ministère de la défense une mission de pilotage de l'accompagnement économique des territoires affectés par des restructurations.

Cet accompagnement repose sur un dispositif de contractualisation avec les collectivités territoriales pour la redynamisation des territoires concernés qui permet l'affectation de crédits du fonds de restructuration de la défense (FRED) et du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), la mobilisation de dispositifs fiscaux et de prêts participatifs de la Banque publique d'investissement pour soutenir les entreprises s'implantant sur ces territoires, la capacité pour les collectivités d'acquérir les emprises délaissées par la défense à l'euro symbolique, la mobilisation de crédit du fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial.

Il est indispensable que le pilotage de cet accompagnement soit unifié et coordonné.

La communication, au sein du rapport annuel, d'éléments sur la mise en oeuvre des dispositifs budgétaires, financiers, fiscaux et sociaux instaurés pour l'accompagnement économique des territoires affectés par les conséquences des mesures de restructuration de la défense, permettra au Parlement de suivre l'exécution de l'ensemble de l'action de l'État.

Votre commission a adopté l'article 4 sexies (nouveau) ainsi rédigé.

CHAPITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES AU RENSEIGNEMENT

Article 5 (article 6 nonies de l'ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958) - Renforcement des prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement

L'article 5 vise à renforcer les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement.

I. La situation actuelle

La délégation parlementaire au renseignement a été créée par la loi du 9 octobre 2007.

Jusqu'en 2007, la France était l'une des rares démocraties occidentales à ne pas disposer d'un organe parlementaire chargé spécifiquement du contrôle des services de renseignements. Il n'y avait que des contacts ponctuels entre les commissions compétentes du Parlement et les services de renseignement, par exemple lors de l'examen du budget.

Cette situation entretenait une certaine méconnaissance réciproque entre le Parlement et les services de renseignement.

La création de la délégation parlementaire au renseignement a apporté deux changements majeurs :

- d'une part, il existe désormais un cadre clair, parfaitement solide au plan juridique en matière de protection du secret, pour le dialogue entre le Parlement et les services de renseignement ;

- d'autre part, la délégation possède une vision d'ensemble de l'organisation et de l'activité des services, qu'ils relèvent de la sécurité intérieure ou de la sécurité extérieure.

1 - La composition de la Délégation

? La délégation parlementaire au renseignement est un organe commun à l'Assemblée nationale et au Sénat : Elle comprend huit membres, quatre députés et quatre sénateurs ; sur ces 8 membres, 4 sont membres de droit (les présidents des commissions des Lois et chargées de la défense des deux assemblées) et 4 membres sont nommés par les présidents des assemblées, avec obligation de garantir la présence de l'opposition, avec une présidence tournante tous les ans, en alternance Assemblée nationale /Sénat.

Le secrétariat de la délégation est assuré conjointement par le secrétariat des commissions chargées de la défense et des commissions des Lois des deux assemblées.

2 - Les compétences de la Délégation

? La loi définit ses attributions en des termes généraux. La délégation « a pour mission de suivre l'activité générale et les moyens des services spécialisés » des ministères de la défense, de l'intérieur et des finances.

Elle est informée des éléments relatifs « au budget, à l'activité générale et à l'organisation des services » , mais pas des activités opérationnelles et de leur financement, ni sur les échanges avec les services étrangers.

La loi précise les personnalités pouvant être entendues par la délégation : le Premier ministre, les ministres, le secrétaire général de la défense nationale et les directeurs en fonction des six services de renseignement. La possibilité pour la délégation d'entendre les agents ayant exercé ou exerçant des fonctions au sein des services est expressément exclue.

? La délégation adresse des recommandations et des observations au Président de la République et au Premier ministre. Elle publie aussi chaque année un rapport public qui ne peut faire état d'aucune information ni d'aucun élément d'appréciation protégés par le secret de la défense nationale.

? Les travaux de la délégation sont couverts par le secret de la défense nationale.

? Dans le cadre de la loi actuelle, la délégation parlementaire au renseignement n'est donc pas une instance de contrôle au sens strict :

- l'exécutif n'a pas obligation de rendre compte des activités opérationnelles passées, en cours ou en préparation ;

- la délégation n'a pas de pouvoir d'inspection ;

- la délégation ne doit pas se substituer à d'autres instances de contrôle où siègent des parlementaires (commission de vérification des fonds spéciaux ; commission de contrôle des interceptions de sécurité ; commission du secret de la défense nationale).

II. Le projet de loi

Le projet de loi prévoit de renforcer les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement de plusieurs manières.

La délégation parlementaire au renseignement se verrait reconnaître la mission générale du « contrôle parlementaire de l'action du Gouvernement en matière de renseignement » et de l'évaluation de la politique publique en ce domaine.

L'information de la délégation serait sensiblement améliorée.

Ainsi, la délégation parlementaire au renseignement serait informée de la stratégie nationale du renseignement et du plan national d'orientation du renseignement. Un rapport annuel de synthèse des crédits du renseignement et un rapport annuel d'activité de la communauté française du renseignement lui seraient également présentés.

La liste des personnes pouvant être auditionnées par la délégation serait élargie au coordonnateur national du renseignement et au directeur de l'académie du renseignement, ainsi que, sous réserve de l'accord préalable des ministres sous l'autorité desquels ils sont placés, aux autres directeurs d'administration centrale ayant à connaître des activités des services spécialisés de renseignement.

La délégation pourrait également inviter les présidents de la commission consultative du secret de la défense nationale et de la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité à lui présenter les rapports d'activité de ces commissions.

La liste des destinataires de son rapport confidentiel serait élargie aux ministres pour ce qui concerne les services placés sous leur autorité.

Enfin, le projet de loi prévoit l'absorption par la délégation parlementaire au renseignement de la commission de vérification des fonds spéciaux, qui deviendrait une formation spécialisée de la délégation.

III. La position de votre commission

La création de la délégation parlementaire au renseignement par la loi du 9 octobre 2007 a permis de corriger une anomalie. Jusqu'alors, la France était l'une des dernières démocraties occidentales à ne pas être dotée d'un organe parlementaire ad hoc dédié au contrôle des services de renseignement.

Cinq ans après sa création, le bilan de la délégation parlementaire au renseignement s'avère très positif. En particulier, une véritable relation de confiance s'est nouée entre la délégation et les services de renseignement.

Conformément au souhait du Président de la République, il semble indispensable aujourd'hui de franchir une nouvelle étape afin de renforcer le contrôle parlementaire des services de renseignement.

Le texte du projet de loi contient à cet égard des avancées non négligeables avec en particulier :

- La reconnaissance à la délégation parlementaire au renseignement d'une mission de contrôle parlementaire de l'action du Gouvernement en matière de renseignement ;

- Une meilleure information de la délégation parlementaire au renseignement, notamment avec le rapport annuel de synthèse des crédits du renseignement et du rapport annuel d'activité ;

- L'extension de la liste des personnalités pouvant être auditionnées ;

- Surtout, l'absorption par la délégation parlementaire au renseignement de la commission de vérification des fonds spéciaux.

Le nécessaire renforcement des moyens humains et financiers, ainsi que des outils juridiques dont disposent les services de renseignement doit, en effet, aller de pair avec un véritable rehaussement du contrôle démocratique.

De récentes affaires, telles que l'affaire dite des « fadettes » ou l'affaire « Merah », ont mis en évidence des dysfonctionnements dans l'action des services de renseignement.

Il est légitime, dans une démocratie, que le Parlement puisse être informé de telles affaires afin d'être en mesure d'exercer pleinement son rôle de contrôle de l'action du Gouvernement, naturellement d'une manière qui préserve le secret de la défense nationale.

Ayant été saisie de plusieurs amendements de votre rapporteur visant à renforcer encore davantage les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement, votre commission n'a toutefois pas souhaité remettre en cause l'équilibre prévu par le projet de loi entre le souci de préserver l'efficacité des services de renseignement et le contrôle démocratique.

En particulier, elle a rejeté des amendements visant à :

- - Clarifier les missions de la délégation parlementaire au renseignement et prévoir la transmission à la délégation de la stratégie nationale du renseignement ;

- -Reconnaître à la délégation la possibilité, avec l'accord du Premier ministre, de connaître des informations et des éléments d'appréciation portant sur les activités opérationnelles des services, les instructions données par les pouvoirs publics à cet égard et le financement de ces activités, sous réserve que ces éléments ne portent pas sur les opérations en cours ou les échanges avec d'autres services étrangers ou des organismes internationaux ;

- Reconnaître à la délégation la possibilité d'auditionner les agents des services de renseignement, autres que les directeurs ;

- Prévoir la possibilité pour la délégation de faire état dans son rapport public de « graves dysfonctionnements constatés dans l'action des services ».

Votre commission a donc préféré s'en tenir sur ce point au texte du projet de loi présenté par le Gouvernement.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 6 (article 154 de la loi n°2001-1275 du 28 décembre 2001 de finances pour 2012) - Absorption de la commission de vérification des fonds spéciaux par la délégation parlementaire au renseignement

L'article 6 vise à transformer la commission de vérification des fonds spéciaux en une formation spécialisée de la délégation parlementaire au renseignement.

I. La situation actuelle

Succédant à la commission de vérification de l'usage des fonds spéciaux par le SDECE (Service de documentation extérieure et de contre-espionnage), qui était composée uniquement de membres de la Cour des comptes, du Conseil d'Etat ou de l'Inspection des finances, la commission de vérification des fonds spéciaux a été créée par un amendement du Gouvernement au projet de loi de finances pour 2002, peu après la polémique sur l'utilisation des fonds spéciaux par le Président de la République de l'époque, Jacques Chirac.

Selon l'article 154 de la loi de finances pour 2002, la commission est composée de quatre parlementaires : deux députés, dont le président de la commission, désignés par le président de l'Assemblée nationale pour la durée de leur mandat, et deux sénateurs désignés par le président du Sénat après chaque renouvellement sénatorial.

La loi prévoit également que la commission comprend deux membres de la Cour des comptes, désignés sur proposition de son premier Président.

Toutefois, à la suite de la décision de Philippe Séguin, alors premier président de la Cour des comptes, décision confirmée depuis par son successeur, Didier Migaud, les magistrats de la Cour des comptes ont décidé de ne plus siéger au sein de cette instance.

Il semblerait que cette décision s'explique à la fois par la volonté de la Cour des comptes d'étendre son contrôle sur l'ensemble des crédits, y compris les fonds spéciaux, mais aussi de défendre son « pré carré » et ne pas voir certains de ses membres siéger dans une instance majoritairement composée de parlementaires.

De ce fait, la commission de vérification des fonds spéciaux s'apparente aujourd'hui à un organe parlementaire.

La commission est chargée de s'assurer que les fonds spéciaux « sont utilisés conformément à la destination qui leur a été assignée par la loi de finances ».

Elle a donc pour mission d'effectuer un contrôle de régularité des comptes des dépenses réalisées sur fonds spéciaux en s'assurant de la sincérité de leur imputation comptable. Il lui appartient ainsi de vérifier que ces fonds ont bien été utilisés pour financer des dépenses qui, en raison de leur nature particulière, ne sauraient être financées par un autre truchement.

Pour exercer ce contrôle, la commission dispose de pouvoirs étendus : toutes les informations nécessaires à sa mission doivent lui être fournies. Elle est notamment en droit de prendre connaissance de « tous les documents, pièces et rapports susceptibles de justifier les dépenses considérées et l'emploi des fonds correspondants ». Elle est également habilitée à se faire « représenter les registres, états, journaux, décisions et toutes pièces justificatives propres à l'éclairer ».

La commission est chargée d'établir, chaque année, un rapport sur les conditions d'emploi de ces fonds, remis au Président de la République, au Premier ministre et aux présidents et rapporteurs généraux des commissions chargées des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat. Elle établit également un procès-verbal constatant que les dépenses réalisées sur les fonds spéciaux sont couvertes par des pièces justificatives pour un montant égal. Ce procès-verbal est remis au Premier ministre et au ministre chargé du budget qui te transmet à la Cour des comptes.

Les travaux de la commission de vérification des fonds spéciaux sont couverts par le secret de la défense nationale.

II. Le projet de loi

Le projet de loi propose de modifier la nature et la composition de la commission de vérification des fonds spéciaux. En revanche, il ne propose pas de modifier ses attributions.

La commission de vérification des fonds spéciaux deviendrait une formation spécialisée de la délégation parlementaire au renseignement.

Tirant les conséquences du refus de la Cour des comptes de désigner des représentants au sein de cette instance, la commission ne comprendrait plus de membres de la Cour des comptes, mais uniquement des parlementaires.

Elle serait composée, comme c'est le cas actuellement, de quatre parlementaires, deux députés et deux sénateurs, mais ceux-ci seraient dorénavant désignés parmi les membres de la délégation parlementaire au renseignement.

Le président de la commission de vérification des fonds spéciaux ne serait plus nécessairement un député mais serait choisi alternativement pour un an par le président de l'Assemblée nationale parmi les députés lorsque la présidence de la délégation est assurée par un sénateur et par le président du Sénat parmi les sénateurs lorsque la présidence de la délégation est assurée par un député.

Le projet de loi prévoit enfin d'élargir la liste des destinataires du procès-verbal et du rapport de la commission.

Le procès-verbal serait également transmis aux ministres chargés de la sécurité intérieure, de la défense, de l'économie et du budget, chacun pour ce qui concerne les services spécialisés de renseignement placés respectivement sous leur autorité.

Enfin, le rapport de la commission serait présenté aux membres de la délégation parlementaire au renseignement qui ne sont pas membres de la commission.

III. La position de votre commission

Votre commission approuve le dispositif proposé par le projet de loi. La coexistence de deux organes parlementaires dans un domaine proche sera source de rationalisation mais elle permettra aussi de renforcer le contrôle parlementaire dans le domaine du renseignement.

Votre rapporteur avait proposé deux amendements visant d'une part à simplifier le texte du projet de loi relatif à l'organisation et à la composition de la future formation spécialisée au sein de la délégation et d'autre part à fusionner les deux secrétariats, mais votre commission a préféré, là encore, s'en tenir au texte du projet de loi et a donc rejeté ces deux amendements.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 7 (article 656-1 du code de procédure pénale) - Renforcement de la protection de l'anonymat des agents des services de renseignement à l'occasion des procédures judiciaires

Cet article vise à renforcer la protection de l'anonymat des agents des services de renseignement appelés à témoigner dans le cadre de procédures judiciaires.

L'article 706-58 du code de procédure pénale permet que les déclarations d'un témoin puissent être recueillies sans que son identité apparaisse dans le dossier mais cette garantie est réservée aux procédures portant sur un crime ou un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement et lorsque l'audition de la personne est susceptible de mettre gravement en danger sa vie ou son intégrité physique, des membres de sa famille ou celles de ses proches. Elle est en outre assortie de plusieurs tempéraments liés à l'exercice des droits de la défense (article 706-60 du code de procédure pénale).

De même, aux termes de l'article 706-24 du code de procédure pénale, les officiers ou agents de police judiciaire affectés dans les services de lutte contre le terrorisme peuvent être autorisés par le procureur général près la Cour d'appel de Paris, à déposer ou à comparaître sous un numéro d'immatriculation administrative. Ce dispositif ne peut toutefois s'appliquer aux services de renseignement que dans les limites de leurs activités de police judiciaire en matière de lutte contre le terrorisme.

L'article 27 de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (dite « LOPPSI 2 ») a donc institué un régime de déposition spécifique aux personnels des services de renseignement qui peuvent être témoins, dans le cadre de leurs missions, de la commission d'une infraction.

L'article 656-1 du code de procédure pénale les protège de plusieurs manières :

- l'identité réelle de l'agent ne doit jamais apparaître au cours de la procédure ;

- les questions susceptibles de leur être posées ne doivent avoir ni pour objet ni pour effet de révéler, directement ou indirectement, la véritable identité de cet agent ;

- les auditions sont organisées dans des conditions permettant la garantie de son anonymat ;

- si une confrontation doit être organisée entre un agent des services de renseignement et une personne mise en examen, elle est réalisée dans les conditions prévues par l'article 706-61 du code de procédure pénale, applicable aux témoins « sous X » : la déposition devra alors être réalisée par l'intermédiaire d'un dispositif technique permettant l'audition du témoin à distance, en rendant sa voix non identifiable.

Toutefois, cette procédure n'apparaît pas entièrement satisfaisante. La présence physique des agents devant une juridiction à la suite d'une convocation et leur participation à des comparutions présentent en effet le risque de dévoiler leur couverture et de mettre en danger leur sécurité comme l'efficacité de leurs missions en cours.

Comme le relève l'étude d'impact, « les éléments recueillis auprès des différents services concernés attestent que les agents du renseignement ont le sentiment de n'être pas suffisamment protégés sur le plan juridique, au regard de l'intérêt croissant porté par les magistrats et les médias au monde du renseignement ».

L'augmentation notable des demandes de déclassification et des perquisitions effectuées dans les services illustrent ce regain d'attention de la Justice qui découle d'un besoin accru de transparence.

De plus, en dépit des dispositions protégeant l'identité des agents et punissant la révélation de celle-ci, les agents des services de renseignement sont aujourd'hui particulièrement exposés, comme l'illustre la divulgation fréquente, par les médias, de leur identité ou de leurs modes opératoires.

Il est donc nécessaire de faire évoluer la procédure afin de faciliter la manifestation de la vérité auprès de l'autorité judiciaire tout en protégeant davantage l'anonymat des agents concernés.

Cet article propose donc de modifier la rédaction de l'article 656-1 du code de procédure pénale afin de prévoir, lorsque l'autorité hiérarchique considère que l'audition comporte des risques pour l'agent, ses proches ou son service, que cette audition soit faite dans un lieu assurant l'anonymat et la confidentialité. Ce lieu serait choisi par le chef de service de l'agent et pourrait être le lieu du service d'affectation de l'agent.

Votre commission partage la préoccupation du Gouvernement de renforcer la protection des agents des services de renseignement en général et de leur identité en particulier.

Le dispositif permettra de renforcer la protection de l'identité des agents des services de renseignement, tout en leur permettant d'apporter leur concours à la justice. Toutefois, comme c'est la règle dans d'autres types de procédure où l'anonymat est préservé, aucune condamnation ne pourra être prononcée sur le seul fondement des déclarations recueillies dans de telles conditions.

Enfin, la possibilité de déposer anonymement concerne uniquement les procédures dans lesquelles les agents des services de renseignement sont entendus en qualité de témoin. Elle ne peut en aucun cas être utilisée au cours de procédures judiciaires dans lesquelles ces agents seraient entendus en tant que prévenus.

Votre commission a adopté l'article 7 sans modification.

Article 8 (article L. 222-1 du code de la sécurité intérieure) - Extension de l'accès aux fichiers administratifs du ministère de l'intérieur aux agents des services de renseignement

L'article 8 vise à étendre l'accès des services de renseignement à certains traitements automatisés administratifs (ou « fichiers ») mis en oeuvre par les services du ministère de l'intérieur.

Les fichiers concernés sont au nombre de sept :

- le fichier national des immatriculations (FNI) ;

- le système national de gestion des permis de conduire (SI-FAETON) ;

- le système de gestion des cartes nationales d'identité (CNI) ;

- le système de gestion des passeports (TES) ;

- le système informatisé de gestion des dossiers relatifs aux ressortissants étrangers en France (AGDREF 2) ;

- le traitement automatisé mentionné aux articles L. 611-3 à L. 611-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatives aux ressortissants étrangers qui, ayant été contrôlés à l'occasion du franchissement de la frontière, ne remplissent pas les conditions d'entrée requises (« fichier des non admis ») ;

- le système de délivrance des visas des ressortissants étrangers (VISABIO).

Ces fichiers entrent dans le cadre de la loi du 6 janvier 1978 et ont été autorisés par la CNIL. Ce ne sont pas des fichiers de souveraineté, dont la liste a été publiée par un décret de 2007. Il ne s'agit pas non plus des fichiers de police judiciaire ou de fichiers mis en oeuvre par des opérateurs privés.

I. La situation actuelle

Jusqu'en 2006, les services de renseignement n'avaient pas accès aux fichiers administratifs, à l'inverse de la plupart de leurs homologues étrangers.

L'article L. 222-1 du code de la sécurité intérieure, issu de la loi n°2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, a autorisé, de manière temporaire, les agents spécialement habilités des services de la police nationale et de la gendarmerie nationale spécialement chargés de la prévention et de la lutte contre le terrorisme à accéder, en dehors d'un cadre judiciaire, à ces fichiers. Il s'agit notamment de l'unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT) et de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). Il s'agissait de donner aux services spécialisés dans la lutte anti-terroriste les moyens de collecter et de vérifier des informations le plus en amont possible, avant l'éventuelle ouverture d'une information judiciaire.

La loi du 23 janvier 2006 a également permis aux agents individuellement désignés et dûment habilités des services de renseignement du ministère de la défense d'accéder à ces fichiers pour les seuls besoins de la prévention des actes de terrorisme.

L'article L. 221-1 du code de la sécurité intérieure rappelle que cette consultation doit se dérouler dans les conditions fixées par la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, c'est-à-dire dans des conditions permettant de garantir la traçabilité et la journalisation de ces accès.

Enfin, l'accès des services de police et de la gendarmerie nationales, de même que celui des services de renseignement du ministère de la défense à ces fichiers n'est autorisé que jusqu'au 31 décembre 2015.

La consultation de ces fichiers n'était à l'origine admise que pour les besoins de la prévention et de la répression des actes de terrorisme pour les agents des services de renseignement relevant du ministère de l'intérieur.

Depuis la LOPPSI II (loi n°2011-267 du 14 mars 2011, article 33), les services du ministère de l'intérieur bénéficient du droit d'accéder à ces fichiers pour prévenir et réprimer, en plus des actes de terrorisme, les « atteintes à l'indépendance de la Nation, à l'intégrité de son territoire, à sa sécurité, à la forme républicaine de ses institutions, aux moyens de sa défense et de sa diplomatie, à la sauvegarde de sa population en France et à l'étranger et aux éléments essentiels de son potentiel scientifique » , liste qui recouvre strictement la définition des intérêts fondamentaux de la Nation, telle que posée par l'article 410-1 du code pénal.

En revanche, concernant les services de renseignement relevant du ministère de la défense, l'accès à ces fichiers reste limité pour les seuls besoins de la prévention des actes de terrorisme.

Enfin, les services de renseignement relevant du ministère de l'économie et des finances (la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières et la cellule tracfin) n'y ont aucun accès.

II. Le projet de loi

Cet article a donc pour objet d'étendre l'accès à ces fichiers administratifs de deux manières.

D'une part, l'ensemble des services de renseignement pourrait accéder à ces fichiers.

D'autre part, le motif de l'accès de tous les services de renseignement à ces fichiers serait élargi, au-delà de la seule prévention des actes de terrorisme, aux atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation.

III. La position de votre commission

Quelles raisons justifient cette double extension ?

La consultation des fichiers administratifs constitue une pratique très utile pour les services de renseignement. Elle permet de déterminer l'identité complète d'une personne ou encore de vérifier si un titre d'identité est authentique. Elle entre également dans le cadre d'investigations menées par les services sur des personnes dont ils suivent les activités et les déplacements.

Par ailleurs, il peut sembler utile d'élargir le périmètre de consultation de ces fichiers et cela pour l'ensemble des services de renseignement aux atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, afin que ces services puissent répondre efficacement aux menaces multiformes actuelles dépassant le cadre du terrorisme, comme lutter contre les réseaux de prolifération d'armes, les menaces en provenance d'Etats hostiles, la criminalité transnationale organisée ou bien encore sécuriser les approvisionnements nationaux en ressources énergétiques, qui s'inscrivent pleinement dans le champ des missions dévolues aux services spécialisés de renseignement.

Enfin, des garanties sont prévues.

Tout d'abord, un décret en Conseil d'Etat déterminera les services concernés et les modalités d'accès.

Ensuite, dans le cas où les services ont accès aux fichiers, toutes les consultations seront enregistrées.

Le Conseil constitutionnel admet, sous certaines réserves, les utilisations multiples d'un fichier. Ainsi, dans sa décision n°2003-467 DC du 13 mars 2003 sur la loi pour la sécurité intérieure, il a considéré qu'aucune norme constitutionnelle ne s'opposait par principe à l'utilisation à des fins administratives de données nominatives automatisées recueillies dans le cadre d'activités de police judiciaire. Toutefois, elle « méconnaîtrait les exigences résultant des articles 2,4, 9 et 16 de la Déclaration de 1789 si, par son caractère excessif, elle portait atteinte aux droits ou aux intérêts légitimes des personnes concernées ». C'est donc aux conditions dans lesquelles il est procédé à la double utilisation d'un fichier que le Conseil constitutionnel et, par voie de conséquence, le législateur ou le pouvoir réglementaire doivent être attentifs.

D'ailleurs, les lois du 23 janvier 2006, comme du 14 mars 2011, ont été soumises au Conseil constitutionnel sans que ce dernier ne relève d'office de difficulté constitutionnelle sur les dispositions relatives à l'accès à ces fichiers.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 9 (article L. 232-2 du code de la sécurité intérieure) - Extension de l'accès des agents des services de renseignement aux fichiers relatifs aux déplacements internationaux

Cet article vise à étendre l'accès des services de renseignement aux fichiers existants relatifs aux déplacements internationaux au-delà de la seule prévention des actes de terrorisme en visant également la prévention des atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation.

L'article L. 232-1 du code de la sécurité intérieure, introduit par la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme, a autorisé le ministre de l'intérieur à mettre en oeuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel recueillies à l'occasion de déplacements internationaux en provenance ou à destination d'Etats n'appartenant pas à l'Union européenne.

Ces fichiers sont mis en oeuvre à des fins de contrôle aux frontières et de lutte contre l'immigration clandestine ainsi que, en vertu de l'article L. 232-2 du code de la sécurité intérieure, aux fins de prévention et de répression des actes de terrorisme.

Il s'agit de données figurant sur les cartes d'embarquement et de débarquement des passagers de transporteurs aériens, des données collectées à partir de la bande de lecture optique des documents de voyage, de la carte nationale d'identité et des visas des passagers de transporteurs aériens, maritimes ou ferroviaires et des données relatives aux passagers et enregistrées dans les systèmes de réservation et de contrôle des départs lorsqu'elles sont détenues par les transporteurs aériens, maritimes ou ferroviaires.

Les fichiers du ministère de l'Intérieur permettant actuellement la collecte et le traitement de ces données sont :

- d'une part du fichier national transfrontière (FNT), alimenté automatiquement à partir des bandes de lecture optique des documents de voyage et des données figurant sur les cartes d'embarquement et de débarquement ;

- et d'autre part, du système européen de traitement des données d'enregistrement et de réservation (SETRADER), contenant les seules données d'enregistrement (données dites API) relatives aux passagers aériens et à leurs déplacements.

Les données enregistrées lors de la réservation du titre de transport, dites données PNR, peuvent également être collectées et traitées mais aucun traitement enregistrant ces données n'a cependant encore été créé.

Ces fichiers ont été autorisés par actes réglementaires après avis de la CNIL et ne peuvent pas contenir, conformément au I de l'article 8 de la loi du 6 janvier 1978 de données dites sensibles, c'est-à-dire des données à caractère personnel qui font apparaître directement ou indirectement les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques, religieuses ou l'appartenance syndicale, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle des personnes.

Initialement, seuls les agents des services de police et de gendarmerie nationales individuellement désignés et dûment habilités, ainsi que les agents des douanes chargés de la sûreté des transports internationaux, pouvaient avoir accès à ces données.

Lors de l'examen de la LOPPSI 2 au Parlement, un amendement a étendu cet accès aux agents des services de renseignement du ministère de la défense aux seules fins de la prévention des actes de terrorisme.

Le texte proposé par le projet de loi vise à étendre la finalité de ces fichiers à la prévention et à la répression des atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation et à étendre l'accès des agents des services de renseignement au-delà de la simple prévention des actes de terrorisme afin de prévenir les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation.

En effet, les finalités pour lesquelles peuvent être mis en oeuvre ces fichiers (contrôle aux frontières, lutte contre l'immigration et lutte contre le terrorisme) peuvent sembler trop limitées pour répondre aux besoins opérationnels des services de renseignement.

Il est en effet déterminant pour ces services d'avoir accès à des informations sur les voyageurs se rendant de manière régulière ou prolongée dans les pays connus pour abriter des lieux de radicalisation, ainsi que sur les déplacements des individus déjà repérés.

Ces services luttent contre les filières acheminant des individus à risque vers des zones sensibles où ils sont susceptibles de recevoir un endoctrinement et/ou un entraînement voire une expérience du combat qui les rendent susceptibles de commettre ou de participer à des actions terroristes en France ou contre les intérêts français à l'étranger.

Les enquêtes sur ces filières et les individus qui y participent commencent souvent à partir d'informations reçues après le départ d'un individu à risque vers une zone sensible. Une analyse en amont peut être effectuée pour arriver à déterminer les déplacements des individus déjà connus des services mais également d'autres personnes ayant effectué un parcours similaire et pour lesquels les services n'ont pas de renseignement particulier. Le recueil et l'analyse de ces informations permettent alors de déterminer les mesures à prendre au retour sur le territoire français (surveillance, contrôle, interpellation).

C'est la raison pour laquelle il est proposé d'ajouter la prévention des atteintes portées aux intérêts fondamentaux de la Nation. Cet élargissement permettra de recouvrir la mission de contre ingérence et les actions de lutte contre toute menace pouvant prendre la forme d'activités de terrorisme, d'espionnage, de subversion, de sabotage ou de crime organisé. Ces activités s'inscrivent dans le champ international et relèvent, par définition, des compétences dévolues aux services de renseignement.

Il convient de relever, à cet égard, que le Conseil constitutionnel considère que la prévention des atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation est une exigence constitutionnelle (décision n°2011-197 QPC) au même titre que la préservation de l'ordre public.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 10 (article L. 232-7 nouveau du code de la sécurité intérieure) - Création à titre expérimental d'un nouveau traitement relatif aux données API et PNR des transporteurs aériens

Cet article a pour objet d'autoriser, à titre temporaire, la création d'un nouveau système de traitement automatisé (ou fichier) relatif aux données dites API et aux données dites PNR des passagers aériens.

I. La situation actuelle

? Dans la lutte contre le terrorisme, le domaine de la sûreté aérienne occupe une place particulière, encore renforcée depuis les attentats du 11 septembre 2001. Les menaces pesant sur le transport aérien font l'objet depuis une décennie d'efforts importants en matière de sécurité. Comme le transport aérien est en expansion permanente, terroristes et trafiquants utilisent de plus en plus ce mode de déplacement. Ils savent fractionner leurs itinéraires pour concilier rapidité et discrétion. Or, la particularité du transport aérien, par rapport à d'autres modes de transport, est que chaque passager est nominativement enregistré.

Les spécificités du transport aérien font que depuis longtemps les compagnies aériennes, pour des raisons de sécurité mais également commerciales, ont besoin d'un certain nombre d'informations qu'elles enregistrent et conservent. Il s'agit des données d'embarquement, dites API (« Advanced passenger information »), qui portent sur l'identité des passagers (nom, prénom, date de naissance, etc.) et les informations relatives au document de voyage utilisé - passeport, carte nationale d'identité, visa, carte d'embarquement - et des données de réservation, dites PNR (« Passenger name record » ). Les données PNR sont recueillies par les compagnies aériennes au moment de la réservation du vol, contrairement aux données API, qui le sont seulement au moment de l'enregistrement du passager à l'aéroport. Les données PNR permettent donc d'anticiper les déplacements d'une personne identifiée par les services de renseignement. Elles comportent, par ailleurs, des informations plus complètes : les dates du voyage, l'itinéraire complet, le nombre et le poids maximal des bagages, les données relatives au moyen de paiement utilisé, le contact dans le pays d'arrivée, etc.

? L'évolution de la menace terroriste, notamment depuis les attentats du 11 septembre, ont amené les Etats à étudier la possibilité d'exploiter ces données pour améliorer la sécurité du transport aérien et lutter plus efficacement contre le terrorisme et les formes graves de criminalité.

Actuellement, 49 pays dans le monde demandent des données API (données d'enregistrement et d'embarquement) et 19 des données PNR (données de réservation). C'est notamment le cas des Etats-Unis, de la Grande Bretagne, de l'Australie ou du Canada et plusieurs pays s'apprêtent à mettre en place un tel système, dont la Russie, l'Arabie Saoudite, la Corée du sud ou Abou Dhabi.

Au niveau européen, les transporteurs aériens ont l'obligation de transmettre aux autorités nationales les données API en vertu de la directive 2004/82 du Conseil.

Ainsi, en France, les données API sont communiquées aux autorités.

En revanche, au sein de l'Union européenne, jusqu'à présent seul le Royaume-Uni, avec son programme « e borders » exploite les données PNR à grande échelle. D'autres Etats membres utilisent les données PNR, comme les Pays-Bas, la Belgique, la Suède, le Danemark, mais sur de plus faibles volumes et de manière moins automatisée.

? En février 2011, la Commission européenne a présenté une proposition de directive sur les données PNR.

Ce texte confie à chaque Etat membre la responsabilité de créer une plateforme d'exploitation des données API et PNR transmises par les transporteurs aériens.

Il contient des garanties pour le respect des droits fondamentaux et la protection des données personnelles. Il prévoit notamment une conservation des données limitées à cinq ans, puis un effacement définitif, et l'octroi aux passagers de tous les droits consacrés par la législation européenne de protection des données (droit d'accès, de rectification, effacement, réparation et recours juridictionnel).

Ayant fait l'objet d'un consensus politique au sein du Conseil « Justice et Affaires intérieures » en avril 2012, la proposition de directive a été transmise au Parlement européen. Après avoir repoussé à plusieurs reprises l'examen et le vote du projet de rapport de son rapporteur, M. Kirkhope, la commission LIBE du Parlement européen a rejeté le projet de directive lors de sa séance du 24 avril 2013 considérant que l'équilibre entre le respect des droits individuels et la sécurité n'était pas suffisant.

Le Parlement européen a cependant voté à une très large majorité en plénière du 11 juin dernier, le renvoi de ce texte le devant la Commission LIBE en lui enjoignant de l'examiner au fond.

Durant l'été 2013, le ministre français de l'intérieur et huit de ses homologues (Allemagne, Belgique, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Royaume-Uni et Suède) ont écrit au président de la Commission LIBE pour lui souligner l'urgence qu'il y avait à adopter au plus vite ce texte important pour la sécurité de l'Union européenne et de ses ressortissants.

Bien que la Lituanie qui assure la présidence de l'Union européenne ait inscrit l'adoption de la directive PNR comme une des priorités de sa présidence, il n'est pas possible à ce stade de déterminer si ce texte pourra être adopté avant la fin de l'année.

Parallèlement, la Commission européenne a incité les Etats membres à s'engager dans une démarche de ce type puisqu'elle a lancé, sur le fonds ISEC (« Internal Security ») 2012-2013, un appel à projet, doté d'une enveloppe de 50 millions d'euros, pour permettre aux Etats membres les plus avancés dans leur projet national de mettre sur pied leur plateforme API-PNR. Cette enveloppe permettra de couvrir, à hauteur de 90% au maximum, les dépenses d'investissement réalisées au cours des deux premières années de réalisation, au plus tard à compter du 1 er janvier 2014. La France, comme seize autres Etats membres, a répondu à l'appel à projet lancé par la Commission européenne.

Enfin, des accords existent depuis plusieurs années entre l'Union européenne et les Etats-Unis, l'Australie et le Canada sur l'échange de données PNR.

? En France, la directive 2004/82 du Conseil a été transposée par la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme.

Les articles L. 232-1 à L. 232-6 du code de la sécurité intérieure, introduits par la loi du 23 janvier 2006, permettent la collecte des données API et des données PNR, mais seulement lorsqu'elles sont recueillies à l'occasion de déplacements internationaux en provenance ou à destination d'Etats n'appartenant pas à l'Union européenne et uniquement afin de lutter contre l'immigration clandestine et le terrorisme.

Les données API sont enregistrées au sein du fichier des passagers aériens (FPA), auxquels les services de renseignement du ministère de l'Intérieur comme de la Défense ont accès en application de l'article L. 232-2 du code de la sécurité intérieure. Ce fichier peut notamment faire l'objet d'une interconnexion avec le fichier des personnes recherchées (FPR). Toutefois, les vols intra-communautaires ne sont pas concernés par le fichier des passagers aériens et, dans les faits, seuls les passagers à destination ou en provenance de trente et un pays sensibles font l'objet d'une surveillance minimale par ce biais. Ainsi, si une personne se rend dans un pays sensible en faisant escale en Europe ou dans un pays ne faisant pas partie des destinations sensibles, les services de renseignement n'en sont pas informés.

L'article L. 232-1 du code de la sécurité intérieure, introduit par la loi du 23 janvier 2006, permet aussi de collecter, auprès des transporteurs, les données PNR. Il permet aussi au ministre de l'Intérieur de disposer d'un fichier collectant les données « relatives aux passagers et enregistrées dans les systèmes de réservation et de contrôle des départs lorsqu'elles sont détenues par les transporteurs aériens, maritimes ou ferroviaires ». Toutefois, le dispositif technique de collecte de ces données n'a pas encore été développé.

II. Le dispositif proposé :

Le dispositif proposé par le projet de loi vise d'une certaine manière à anticiper l'adoption de la directive européenne en prévoyant la création, à titre expérimental, d'un nouveau système automatisé de traitement des données API et PNR.

Il est proposé, en effet, d'introduire un nouvel article L. 232-7 dans le code de la sécurité intérieure afin de prévoir la mise en oeuvre de ce traitement de données à caractère personnel.

Ce nouveau fichier serait placé sous la responsabilité du ministre de l'intérieur, du ministre de la défense, du ministre chargé des transports et du ministre chargé des douanes.

Les finalités de ce fichier seraient définies de manière large, puisqu'elles viseraient à la fois la prévention et la constatation des actes de terrorisme, les formes graves de criminalité ainsi que les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation.

Les transporteurs aériens seront tenus, sous peine d'amende, de communiquer les données d'enregistrement ainsi que les données relatives aux passagers enregistrées dans leurs systèmes de réservation.

Cela concernerait l'ensemble des vols à destination et en provenance du territoire national, à l'exception des vols reliant deux points de la France métropolitaine.

Il est précisé que les modalités d'application seront fixées par un décret en Conseil d'Etat pris après avis de la CNIL et que ce décret déterminera les services ayant accès aux données en précisant si cet accès est autorisé à des fins de répression ou à des fins de prévention.

Enfin, ce nouveau système automatisé de traitement des données API et PNR serait créé à titre temporaire, puisqu'il ne s'appliquerait que jusqu'au 31 décembre 2017.

? Comment fonctionnera ce système ?

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, la plateforme d'exploitation de ces données, appelée « UIP » (unité information passagers) permettra l'exploitation de ces données à travers les fonctionnalités de « ciblage » et de « criblage » prévus par le projet de directive européenne.

Les données PNR et API permettront aux services opérationnels de disposer d'informations complémentaires afin de savoir si une personne recherchée s'apprête à prendre un vol au départ ou à l'arrivée du territoire français (« criblage ») ou si, compte tenu de sa façon de voyager, une personne présente un risque et doit faire l'objet d'une attention ou d'un contrôle particulier (« ciblage »).

Le « ciblage » des passagers s'appuie sur la technique de l'analyse du risque. Cette méthode est fondée sur des critères objectifs, qui, combinés entre eux, permettent de repérer en amont du départ du vol des comportements spécifiques ou atypiques de passagers. Les critères de ciblage seront prédéterminés et pourront être modifiés en fonction de l'évolution des trafics et des modes opératoires des réseaux criminels et terroristes. Ils seront établis par des agents habilités appartenant aux services en charge de la prévention et de la répression du terrorisme et des formes graves de criminalité en lien étroit avec les agents habilités exerçant leur fonction sur la plateforme API/PNR. Comme le précise l'étude d'impact, « ces critères ne seront fondés, en aucune manière, sur l'origine raciale ou ethnique d'une personne, ses opinions politiques, ses convictions religieuses ou philosophiques, son appartenance syndicale, son état de santé ou sa vie sexuelle ».

Le « criblage » permettra de confronter les données API et PNR aux bases de données utiles à la prévention et à la répression du terrorisme et des formes graves de criminalité, dont les bases de données concernant les personnes et les objets recherchées. Les résultats du criblage feront l'objet d'une analyse humaine avant qu'une action soit selon les cas décidée : surveillance, contrôle ou interpellation.

D'après les indications fournies à votre rapporteur, une équipe d'environ 60 fonctionnaires sera chargée de gérer cette plateforme UIP interministérielle, pour un coût de l'ordre de 4 à 6 millions d'euros par an.

? Quelle sera la nature des données concernées ?

Les données dites PNR comportent des informations déclaratives communiquées par les passagers et recueillies et conservées à des fins commerciales dans les systèmes de réservation et de contrôle des départs des transporteurs aériens. Parmi les données PNR, figurent entre autres les coordonnées du passager ainsi que les dates du voyage, l'itinéraire, les informations disponibles sur les grands voyageurs et programme de fidélisation (surclassement, billets gratuit), des éléments sur l'agence de voyage auprès de laquelle le vol a été réservé, le moyen de paiement utilisé, le numéro du siège, demandes d'assistance pour raisons médicales, et des données relatives aux bagages.

Les données dites API correspondent aux informations biographiques extraites de la partie d'un passeport lisible par machine ainsi qu'à des données de vol.

Les données que les transporteurs aériens seront tenus de transmettre au Système API-PNR France seront définies par un décret pris en Conseil d'Etat après avis de la CNIL.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, il n'est prévu de collecter pour les données PNR que 19 des rubriques qui peuvent figurer dans le dossier PNR d'un passager et 16 pour les données API.

? Quels seront les vols concernés ?

Il est prévu de recueillir les données des passagers pour les vols extracommunautaires et intracommunautaires, ainsi que les vols en provenance et à destination des DOM/COM, à l'exception de ceux reliant deux points du territoire métropolitain.

La volonté de recueillir les données de l'ensemble de ces vols s'explique à la fois par :

- les finalités du système qui est de lutter contre le terrorisme, la criminalité organisée (en particulier les trafics en tous genres qui servent souvent à financer des réseaux terroristes ou mafieux - drogues, blanchiment, etc.) et les atteintes aux intérêts supérieurs de l'Etat ;

- la nécessité de tenir compte des réalités du transport aérien (multiplication des hubs en Europe qui impose pour sortir du territoire de l'Union des trajets intracommunautaires, la proportion des passagers intracommunautaires qui atteint aujourd'hui 50% et qui ne cesse d'augmenter...) ;

- la nécessité de tenir compte des « routes » utilisées par les réseaux de terroristes ou de trafiquants (un nombre significatif d'affaires montre, par exemple, qu'en plus des vols directs en provenance de pays sud-américains, le trafic de drogue en provenance de cette région emprunte aussi des vols en provenance des Antilles françaises) ;

- la nécessité de s'adapter aux stratégies de contournement adoptées par les réseaux qui n'hésitent pas à « casser » leur vol pour échapper à ces dispositifs ;

- la nécessité de lutter contre la menace terroriste et les formes graves de criminalité à l'extérieur de l'Union mais aussi à l'intérieur de celle-ci.

? Qu'en est-il des garanties au regard de la protection des données personnelles et notamment de la durée de conservation de ces données ?

Le dispositif proposé par le projet de loi est très largement fondé sur le cadre défini par le projet de directive européenne.

Ainsi, les services ne devraient pas avoir un accès direct à la base de données mais devraient passer par la plateforme d'exploitation qui devra valider leurs demandes avant de les mettre en production et validera aussi les résultats avant de les transmettre. Par ailleurs, les données sensibles ne seraient ni traitées ni conservées et le délai de conservation devrait être limité. Les résultats du « criblage » comme du « ciblage » devraient faire l'objet d'une analyse humaine avant qu'une action soit décidée. Toutes les demandes comme le résultat des traitements devraient être tracés et le fonctionnement du système serait soumis au contrôle de la CNIL.

S'agissant des données sensibles, au sens entendu par la loi informatique et libertés, c'est à dire les données révélant les opinions politiques, religieuses, philosophiques ou syndicales, l'état de santé ou l'orientation sexuelle des passagers ne seront ni traitées ni stockées, elles seraient immédiatement détruites dès réception.

Pour les autres données, celles-ci devraient être conservées cinq ans dont 3 masquées, c'est-à-dire que pour les fonctionnaires appelés à consulter la base (c'est-à-dire uniquement les opérateurs de la plateforme d'exploitation (UIP), passé le délai de 2 ans, il ne sera pas possible de voir les données révélant l'identité du passager, Sur requête motivée, les services opérationnels devraient être autorisés à demander à l'UIP le démasquage des données en vue de les exploiter.

Au bout de 5 ans les données conservées seraient purement et simplement effacées.

Les traitements effectués seraient tracés et les agents qui pourront utiliser les données seraient individuellement désignés et dûment habilités.

Les passagers disposeraient de tous les droits consacrés par la législation européenne de protection des données (accès, rectification, effacement, réparation et recours juridictionnel).

La mise en place du système fera l'objet d'un décret pris en Conseil d'Etat après avis de la CNIL.

En tout état de cause, le projet de loi met en place un dispositif expérimental, qui ne pourra s'appliquer que jusqu'au 31 décembre 2017. Si la directive européenne était adoptée avant cette date et dans le cas où le texte de la directive aurait évolué, le Parlement serait vraisemblablement appelé à modifier la législation française sur ce point pour la mettre en conformité avec le droit européen.

III. La position de votre commission

Les services français chargés de la prévention et de la répression du terrorisme et des formes graves de criminalité ne disposent pas aujourd'hui des moyens efficaces et rapides pour détecter et identifier, avant leur arrivée sur le territoire national et/ou leur départ vers des pays tiers, des personnes considérées à risque mais qui ne sont pas connues de ces services.

L'exploitation des données PNR et API leur permettra d'analyser en amont ces déplacements sur la base d'éléments objectifs et non discriminatoires. Les outils informatiques permettent désormais de faire ressortir, quasiment en temps réel, ces comportements et donc de faciliter le travail des services qui jusque-là l'effectuait manuellement et d'accroitre très notablement leur efficacité.

Ainsi, lors de l'enquête sur Mohamed Merah, il a été relevé que le dispositif actuel n'avait pas permis d'évaluer la radicalisation de l'intéressé malgré les informations potentiellement disponibles dans différents fichiers. Pourtant, Mohamed Merah avait suivi une évolution caractéristique en ayant passé plus de six mois au Moyen-Orient en 2010-2011, après avoir notamment emprunté de nombreux vols. Dans ce cas précis, les données PNR auraient permis d'aller plus vite lors de l'enquête.

La plateforme d'exploitation de ces données permettra de confronter ces données aux bases de données utiles à la prévention et à la répression du terrorisme et des formes graves de criminalité organisée. Les données API et PNR pourront ainsi être croisées avec plusieurs traitements dont le fichier des personnes recherchées (FPR).

Inspiré par la proposition de directive européenne, ce système sera doté de garanties en matière de respect des droits fondamentaux et de protection des données personnelles. Il sera soumis aux dispositions de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 et fera l'objet d'un décret en Conseil d'Etat après avis de la CNIL.

Enfin, il convient de rappeler que nous nous trouvons actuellement dans une situation paradoxale puisque les données PNR sont déjà collectées par les transporteurs aériens et communiquées aux autorités américaines, canadiennes et australiennes pour les vols en provenance ou à destination de ces pays en vertu des accords conclus avec ces pays par l'Union européenne, alors même que les autorités françaises ne peuvent pas y avoir accès. Le projet de loi permettra donc aux services français d'avoir accès à ces données.

Votre commission a souhaité cependant apporter des garanties en matière de protection des données personnelles, à la lumière notamment des travaux réalisés par la commission des affaires européennes et par la commission des Lois du Sénat ainsi que de la résolution n° 119 (2010-2011), devenue résolution du Sénat le 18 mai 2011.

Votre commission a ainsi adopté un amendement proposé par votre rapporteur visant à inclure dans cet article une durée maximale de conservation des données, qui serait fixée à cinq ans, conformément à ce que prévoit la proposition de directive européenne.

En revanche, elle a rejeté un autre amendement proposé par votre rapporteur prévoyant d'exclure du traitement les données à caractère personnel susceptibles de révéler l'origine raciale ou ethnique d'une personne, ses convictions religieuses ou philosophiques, ses opinions politiques, son appartenance à un syndicat, ou les données qui concernent la santé ou la vie sexuelle de l'intéressé. Une telle précision serait, en effet, superfétatoire dans la mesure où ces données sont d'ores et déjà exclues en vertu de la loi de 1978.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 11 (article L. 234-2 du code de la sécurité intérieure) - Extension de l'accès aux fichiers de police judiciaire aux agents des services de renseignement relevant du ministère de la défense à des fins de recrutement ou de délivrance d'une autorisation

Cet article a pour objet de permettre un accès direct des services de renseignement relevant du ministère de la défense aux fichiers de police judiciaire à des fins de recrutement ou de délivrance d'une autorisation.

L'article 230-6 du code de procédure permet aux services de police et de gendarmerie de mettre en oeuvre des traitements automatisés de données à caractère personnel afin de faciliter la constatation des infractions.

Dans ce cadre, ont été institués le système de traitement des infractions constatées (STIC) pour la police nationale, le traitement JUDEX pour la gendarmerie nationale, puis le traitement d'antécédents judiciaires (TAJ), qui a fusionné et remplacé les deux traitements 57 ( * ) .

L'article L. 234-1 du code de la sécurité intérieure, issu de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, a rendu possible la consultation de ces fichiers de police judiciaire pour la réalisation des enquêtes administratives visées à l'article 114-1 du même code et détaillées par le décret du 6 septembre 2005. Cette consultation a pour but exclusif de vérifier que le comportement de certaines personnes candidates à un recrutement, une affectation, un agrément ou une autorisation n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées.

Actuellement, seuls les policiers ou les gendarmes spécialement habilités à cet effet peuvent accéder à ces fichiers, conformément à ce que prévoit l'article L. 234-2.

Les services de renseignement du ministère de la défense n'y ont pas accès et doivent passer par l'intermédiaire des agents de la police ou de la gendarmerie nationales.

Or, les services de renseignement relevant du ministère de la défense doivent pouvoir accéder directement aux fichiers de police judiciaire à des fins d'enquêtes administratives en vue d'un recrutement ou de la délivrance d'une autorisation administrative, compte tenu des besoins propres de recrutement et d'habilitation des services de renseignement relevant du ministère de la défense.

Ces services doivent s'assurer que les candidats au recrutement ou les personnels recrutés qui souhaitent exercer certaines fonctions présentent les garanties suffisantes pour accéder à des informations protégées par le secret de la défense nationale. Ces habilitations requièrent des vérifications sur l'intégrité et la probité de ces personnes afin d'éviter tout risque de compromission.

Ces services sont également chargés de la protection et de la sécurité des zones protégées. C'est notamment le cas de la DPSD. Ils doivent effectuer les vérifications afférentes à la délivrance des autorisations d'accès à celles-ci.

Les enquêtes menées sont, par conséquent, exigées par la protection de la sécurité des personnes et la défense des intérêts fondamentaux de la Nation. Elles requièrent une vérification des antécédents judiciaires éventuels des personnes sollicitant une habilitation ou une autorisation d'accès.

La suppression de l'intermédiation dans l'accès à ces données facilitera les modalités d'exécution de l'ensemble des enquêtes administratives et améliorera la confidentialité dont doivent légitimement pouvoir bénéficier les personnes qui font l'objet de ces investigations.

Un décret en Conseil d'Etat déterminera les conditions d'accès à ces données.

Tout en partageant l'objectif poursuivi par cet article, votre commission a souhaité le modifier, par un amendement de votre rapporteur, afin d'élargir l'accès des fichiers de police judiciaire aux agents des services de renseignement relevant des ministères de l'économie et des finances, c'est-à-dire la DNRED et la cellule Tracfin. En effet, ces services doivent pouvoir aussi avoir un accès direct à ces fichiers à des fins de recrutement.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 12 (article L. 234-3 du code de la sécurité intérieure) - Extension de l'accès aux fichiers de police judiciaire aux agents des services de renseignement relevant du ministère de la défense dans le cadre de l'exercice de leurs missions

L'article 12 vise à permettre aux services de renseignement relevant du ministère de la défense d'accéder directement à certaines données des fichiers de police judiciaire dans le cadre de missions ou d'interventions présentant des risques pour les agents ou lorsqu'il s'agit de vérifier la dangerosité des individus approchés.

L'article L. 234-3 du code de sécurité intérieure prévoit un accès des agents de la police et de la gendarmerie nationales pour « l'exercice de missions ou d'interventions lorsque la nature de celles-ci ou les circonstances particulières dans lesquelles elles doivent se dérouler comportent des risques d'atteinte à l'ordre public ou à la sécurité des personnes et des biens ».

Dans sa décision n°2003-467 DC du 13 mars 2003, le Conseil constitutionnel, a validé cette disposition. Les commentaires aux Cahiers le justifient en expliquant qu'elle visait le cas des opérations « pouvant impliquer la confrontation avec des individus à haut risque ».

Toutefois, actuellement, seuls les policiers et les gendarmes spécialement habilités à cet effet peuvent accéder directement à ces fichiers.

La nature des missions qui sont dévolues aux services de renseignement relevant du ministère de la défense implique la mise en contact de leurs agents avec des individus dont il est indispensable d'évaluer avec précision l'honorabilité et l'éventuelle dangerosité. Il faut également garantir un traitement de l'information par des agents spécialement habilités et maîtrisant les enjeux de la sécurité et de l'efficacité des opérations de renseignements. Enfin le caractère direct de l'accès facilitera là encore la préservation de l'anonymat des agents des services de renseignement désormais protégé par les dispositions de l'article 413-13 du code pénal.

Un décret en Conseil d'Etat permettra de garantir que les conditions d'accès soient adaptées et proportionnées aux besoins des services.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 13 (articles L. 34-1, L. 34-1-1 du code des postes et des communications électroniques, article 6 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, articles L. 222-2 et L.222-3 du code de sécurité intérieure) - Clarification du cadre juridique relatif à la géolocalisation en temps réel

L'article 13 vise à clarifier le cadre juridique relatif à la géolocalisation en temps réel.

La géolocalisation consiste à localiser un objet, tel qu'un téléphone mobile, grâce à un système de positionnement par satellite, un récepteur GPS ou par tout autre moyen technique permettant de connaître, en temps réel ou de manière différée, les coordonnées géographiques collectées. A ce jour, la géolocalisation peut être réalisée par satellite mais également par GSM ou WIFI ou encore par le biais de l'adresse IP.

Cette prestation peut être demandée, indépendamment de l'interception du contenu de la communication, de manière à suivre les déplacements d'un téléphone mobile, à intervalles réguliers ou en temps réel. La localisation d'un appareil est rendue possible par l'utilisation d'un logiciel qui traduit les coordonnées géographiques obtenues (longitude et latitude) sur une carte.

Pour être conforme aux exigences de respect des libertés individuelles, l'emploi de techniques permettant de localiser un individu à son insu doit relever d'un cadre juridique, nécessairement législatif, qui préserve l'équilibre entre les nécessités de l'ordre public et les libertés individuelles.

L'article L. 34-1-1 du code des postes et des communications électroniques, introduit par l'article 6 de la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme, permet aux agents individuellement désignés et dûment habilités des services de la police et de la gendarmerie nationales, dans le cadre de la prévention des actes de terrorisme, d'exiger des opérateurs de communications électroniques la transmission des données conservées et traitées par ces derniers.

La rédaction actuelle de cette disposition permet, sans ambigüité, d'accéder a posteriori à ces informations pour ce qui est, par exemple, la géolocalisation d'un téléphone portable. Or, la géolocalisation en temps réel peut apporter de précieux éléments d'information aux agents des services de renseignement.

Cette méthode soulève pourtant aujourd'hui certains problèmes juridiques.

La Cour européenne des droits de l'Homme a rendu, le 2 septembre 2010, un arrêt dans lequel elle a rappelé la nécessité de disposer, pour cette méthode comme pour d'autres moyens spéciaux d'investigation, « d'une loi particulièrement précise, en particulier, compte tenu de ce que la technologie disponible devient de plus en plus sophistiquée ».

Or la rédaction actuelle de l'article L. 34-1-1 du code des postes et des communications électroniques ne paraît pas suffisamment explicite sur la géolocalisation en temps réel.

Les travaux préparatoires de la loi relative à la lutte contre le terrorisme du 23 janvier 2006 dont est issue cette disposition semblent certes avoir prévu ce cas de figure puisqu'ils précisent que : « L'utilisation des nouvelles technologies par les terroristes est une réalité incontestable justifiant l'existence d'un régime de réquisition judiciaire des données de trafic, que les opérateurs de communications et les hébergeurs ont l'obligation de conserver. [...] Or, on sait que les réseaux terroristes cherchent à s'immerger le plus possible dans les sociétés occidentales, en faisant appel à des « cellules dormantes » qui ne sortent de l'ombre qu'au moment de commettre un attentat. [...] Dans ces conditions, les services chargés de la lutte contre le terrorisme ont besoin de pouvoir agir le plus en amont possible, au besoin pour écarter d'éventuels soupçons. En outre, il leur faut pouvoir agir en temps réel, dans l'urgence, pour vérifier des renseignements, par exemple sur l'imminence d'un attentat ».

Mais la lettre du texte est insuffisamment explicite.

Il est donc proposé de compléter l'article L. 34-1-1 du code des postes et communications électroniques en indiquant que les données des opérateurs de communication électroniques traitées par leurs réseaux ou leurs services de communication électroniques sont obtenues après conservation ou en temps réel, le cas échéant après mise à jour des données, c'est-à-dire après sollicitation des équipements par le réseau.

Il est également proposé de modifier le II bis de l'article 6 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique qui concerne les données détenues par les fournisseurs d'accès à internet et les hébergeurs, afin de prévoir une démarche analogue d'accès à leurs données en temps réel.

Enfin, ces modifications impliquent une évolution des dispositions de l'article L. 222-2 et de l'article L. 222-3 du Code de sécurité intérieure qui permettent aux agents dûment habilités des services de la police et de la gendarmerie nationales d'accéder aux données précitées, afin de préciser que cet accès ne concerne plus seulement les données « conservées » mais que cela vaut pour l'ensemble des données « traitées ».

Que faut-il penser de ces dispositions ?

Le projet de loi vise à lever une incertitude sur la base juridique des pratiques de géolocalisation, soulignée par la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité.

Comme l'indiquent nos collègues députés, dans le rapport de la mission d'information sur l'évaluation du cadre juridique applicable au service de renseignement, présenté par MM. Jean-Jacques Urvoas et Patrice Verchère 58 ( * ) , « il est urgent que le législateur intervienne pour donner un cadre juridique spécifique à la géolocalisation en temps réel, notamment pour ce qui touche aux véhicules ».

L'accès aux données de géolocalisation répond à un besoin opérationnel de première importance : Sur 30 000 à 40 000 demandes d'accès aux données de connexion formulées chaque année, environ une cinquantaine concernent les demandes de géolocalisation en temps réel (104 demandes entre octobre 2010 et octobre 2012). Ces données sont cruciales pour les services compétents et elles contribuent de façon déterminante aux enquêtes.

Il convient de relever que la CEDH ne retient pas les mêmes exigences pour la géolocalisation que pour les autres moyens spéciaux d'investigation, comme par exemple les interceptions de communications.

En effet, dans son arrêt précité, elle « estime que ces critères relativement stricts, établis et suivis dans le contexte spécifique de la surveillance des télécommunications (...), ne sont pas applicables en tant que tels aux affaires comme le cas d'espèce qui a trait à la surveillance par GPS de déplacements en public et donc à une mesure qui, par rapport à l'interception de conversations téléphoniques, doit passer pour constituer une ingérence moins importante dans la vie privée de la personne concernée ».

Saisie d'un amendement déposé par notre collègue Jean-Jacques Hyest, visant à réformer le régime juridique de l'accès aux données de connexion, en s'inspirant du régime prévu pour les interceptions de communications, votre commission n'a pas souhaité adopter cet amendement et modifier cet article pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, tout en partageant les préoccupations légitimes de l'auteur de l'amendement et l'objectif d'une refonte à terme du régime de l'accès aux données de connexion, votre commission a considéré qu'une réforme d'une telle ampleur nécessitait une réflexion approfondie, qui relève d'ailleurs davantage des compétences de votre commission des Lois et qu'elle ne trouvait pas sa place dans un article du projet de loi de programmation militaire.

Ensuite, votre commission s'interroge sur les conséquences de la réforme proposée sur l'efficacité de l'action des services de renseignement en matière de lutte contre le terrorisme, puisque la réforme envisagée aboutirait paradoxalement à soumettre le régime d'accès aux données de connexion à un régime beaucoup plus strict que celui qui s'applique actuellement aux interceptions de communications, alors qu'on peut considérer qu'il s'agit d'un outil moins intrusif puisqu'il ne permet pas, à l'inverse des écoutes téléphoniques, d'avoir accès au contenu même des conversations.

Enfin, votre commission a plusieurs réserves de fond sur la rédaction proposée par cet article, par exemple en ce qui concerne l'accès des magistrats aux données de connexion, qui n'est pas prévue.

Votre commission a donc rejeté cet amendement, dans l'attente de la position de votre commission des Lois, qui s'est saisie pour avis de ce projet de loi.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

CHAPITRE III - DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROTECTION DES INFRASTRUCTURES VITALES CONTRE LA CYBERMENACE

Article 14 (articles L. 2321-1 et L. 2321-2 nouveaux du code de la défense) - Renforcement du dispositif étatique en matière de cyberdéfense

Cet article a deux objets. Il vise tout d'abord à consacrer la compétence du Premier ministre en matière de protection et de défense des systèmes d'information. Il a également pour objet de reconnaître aux services concernés de l'Etat la possibilité de prendre une série de mesures de lutte informatique défensive en cas d'attaque informatique.

• Clarification de la compétence du Premier ministre en matière de protection et de défense des systèmes d'information et consécration de la fonction d'autorité nationale de défense des systèmes d'information

Cet article prévoit d'introduire un nouvel article L. 2321-1 dans le code de la défense visant à consacrer expressément la responsabilité du Premier ministre en matière de définition de la politique et de la coordination de l'action gouvernementale en matière de sécurité et de défense des systèmes d'information. Ce nouvel article vise également à consacrer la fonction d'autorité nationale de défense des systèmes d'information, qui est confiée à l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), service du Premier ministre rattaché au Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale.

Il s'agit davantage d'une clarification que d'une véritable innovation.

• Possibilité pour l'Etat de prendre des mesures de lutte informatique défensive en cas de grave attaque informatique

L'article prévoit également d'introduire un nouvel article L. 2321-2 dans le code de la défense. Ce nouvel article vise à reconnaître la possibilité pour les services compétents de l'Etat de prendre une série de mesures de lutte informatique défensive en cas d'attaque informatique portant atteinte au potentiel de guerre ou économique, à la sécurité ou à la capacité de survie de la Nation.

Actuellement, l'Etat n'est pas en mesure, avec la sécurité juridique suffisante, d'effectuer toutes les opérations techniques qui lui permettraient d'être pleinement efficace dans son action, tant en matière de prévention que lors du traitement d'attaques informatiques.

Ainsi, l'article 323-3-1 du code pénal ne permet pas, sans motif légitime, la détention de programmes informatiques susceptibles de porter atteinte aux systèmes de traitement automatisé de données. Les services de l'Etat concernés par la sécurité ou la défense des systèmes d'information sont pourtant amenés à rencontrer et donc à détenir de tels programmes lors du traitement des attaques informatiques. Ces services ont besoin de les analyser pour comprendre le fonctionnement des attaques. Il s'agit de pouvoir analyser les programmes informatiques malveillants, tant du point de vue statique (analyse du code, comparaison avec d'autres programmes déjà identifiés, etc.) que du point de vue dynamique (observation du fonctionnement du programme, modes et canaux de mise à jour, analyse des ordres éventuellement reçus d'un serveur informatique distant auquel le programme s'est connecté, etc.).

En outre, l'article 323-1 du code pénal réprime les accès frauduleux aux systèmes de traitement automatisé de données. Avec l'objectif particulier de caractériser une attaque informatique et d'en limiter les effets, les services de l'Etat concernés par la défense des systèmes d'information peuvent avoir besoin d'accéder aux systèmes à l'origine de l'attaque pour rechercher des données permettant de comprendre le fonctionnement de l'attaque informatique. Il s'agit ici de pouvoir accéder aux systèmes d'information, qui, par leur action hostile, portent gravement atteinte aux système d'information dont dépendent la préservation du potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la nation (serveurs informatiques de mise à jour ou de commandes par exemple) et d'y effectuer les opérations susceptibles de neutraliser les effets de l'attaque (récupération de données permettant la mise en place de mesures de sécurité par exemple). Ces opérations étant sensibles, il est proposé qu'elles ne puissent être mises en oeuvre que dans des conditions fixées par le Premier ministre.

Pour répondre à l'insécurité juridique au plan pénal dans laquelle se trouvent les services de l'Etat concernés pour effectuer leurs missions en matière de défense des systèmes d'information, cet article distingue les différentes actions qui peuvent être effectuées par ces services et, étant légalement autorisées, ne sont ainsi plus susceptibles d'être pénalisées sur le fondement des articles 323-1 et 323-3-1 du code pénal.

Votre commission approuve ces dispositions qui permettront de renforcer l'efficacité de notre dispositif de protection et de défense des systèmes d'information.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 15 (articles L. 1332-6-1 à L. 1332-6-6 nouveaux du code de la défense et article L. 1332-7 du code de la défense) - Renforcement des obligations des opérateurs d'importance vitale en matière de sécurité et de défense des systèmes d'information

Cet article vise à renforcer sensiblement les obligations des opérateurs d'importance vitale en matière de sécurité et de défense des systèmes d'information.

I. La situation actuelle :

Les opérateurs d'importance vitale sont les opérateurs « dont l'indisponibilité risquerait de diminuer d'une façon importante le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la Nation » , selon les termes de l'article L. 1332-1 du code de la défense. Ces opérateurs d'importance vitale sont environ 250, issus du secteur public ou du secteur privé. La liste de ces opérateurs est classifiée.

Comme l'avait souligné notre collègue M. Jean-Marie Bockel, dans le rapport d'information sur la cyberdéfense publié en juillet 2012 59 ( * ) et présenté au nom de votre commission, le niveau de sécurité des systèmes d'information des entreprises et administrations désignées comme opérateurs d'importance vitale est en général très insuffisant pour permettre à ces opérateurs d'assurer leur mission dans des conditions de sécurité acceptables, si bien que cette situation constitue un véritable « talon d'Achille » pour notre défense et notre sécurité.

II. Le projet de loi :

L'article 15 du projet de loi prévoit d'introduire une nouvelle section 2 intitulée « Dispositions spécifiques à la sécurité des systèmes d'information » au chapitre II du titre III de la partie 1 de la partie législative du code de la défense. Cette nouvelle section comprendrait six nouveaux articles numérotés L. 1332-1 à L. 1332-6. Par ailleurs, l'article L. 1332-7 serait modifié.

Quatre principales mesures sont prévues pour renforcer la protection des systèmes d'information des opérateurs d'importance vitale.

• La reconnaissance de la possibilité pour l'Etat d'imposer des règles aux opérateurs d'importance vitale concernant leurs systèmes d'information critiques

Le texte proposé pour le nouvel article L. 1332-6-1 du code de la défense prévoit que le Premier ministre peut imposer des règles aux opérateurs d'importance vitale concernant la protection de leurs systèmes d'information critiques. Il est précisé que les opérateurs seront tenus d'appliquer ces règles à leurs frais.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, l'expérience opérationnelle de l'ANSSI acquise lors du traitement d'attaques informatiques montre que le niveau de sécurité des systèmes d'information des entreprises et administrations désignées comme opérateurs d'importance vitale est en général très insuffisant pour permettre à ces opérateurs d'assurer dans des conditions de sécurité acceptables leur mission.

L'objectif de cette mesure est donc d'imposer l'application de règles de sécurité informatique conjointement élaborées avec les opérateurs concernés, sous le pilotage du ministère concerné par le secteur d'importance vitale correspondant.

Dans un grand nombre de cas, les mesures devront être spécifiques à chaque secteur d'activité : les règles de sécurité applicables à une centrale nucléaire seront nécessairement différentes de celles d'une banque.

Enfin, dans certains cas, ces mesures devront également être appliquées par des fournisseurs ou des sous-traitants qui « participent » au système d'information des OIV concernés.

Ces règles pourront comprendre, pour les systèmes d'information les plus sensibles pour l'activité et lorsque la situation l'imposera, l'obligation de mettre en oeuvre un système de détection d'attaques informatiques.

Certains systèmes très critiques doivent impérativement être strictement déconnectés de l'Internet pour être certain qu'aucun attaquant ne pourra facilement les pénétrer. Or, actuellement, l'Etat n'est pas en mesure d'imposer une telle règle aux opérateurs concernés.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, il est ainsi arrivé que l'ANSSI aide une grande entreprise française, victime d'une attaque informatique majeure, à reprendre le contrôle de son système d'information et lui conseille la mise en place de règles techniques destinées à renforcer la sécurité de son réseau et à retarder la progression d'un attaquant qui réussirait, malgré les précautions prises, à pénétrer une nouvelle fois dans le système.

Quelque temps plus tard, l'ANSSI a été informée que cette même entreprise avait subi une nouvelle attaque. Comme elle avait choisi de ne pas appliquer l'ensemble des mesures préalablement proposées par l'ANSSI, l'attaquant a pu à nouveau effectuer un certain nombre d'actions préjudiciables à la compétitivité de l'entreprise.

À l'inverse, certains équipements industriels doivent impérativement être connectés à Internet afin de permettre l'activité de l'opérateur (par exemple des banques et des opérateurs de communications électroniques). Or, ces installations sont exposées à des attaques informatiques qui pourraient entraîner des dysfonctionnements mettant en péril l'activité de l'opérateur comme une modification de certains paramètres d'exploitation ou l'envoi de données erronées. Critiques pour l'opérateur, ces systèmes doivent être protégés par des règles de sécurité appliquées à leur configuration et par un système de détection de cyberattaques.

Etant donné que la détection d'attaques informatiques relève, comme la cryptologie, de la souveraineté nationale, et pour être en mesure de détecter des attaques de toutes origines, ces équipements de détection devront être « de confiance », qualifiés par l'ANSSI, comme les prestataires qui exploiteront ces équipements et auxquels seront éventuellement confiées des informations permettant l'identification d'attaques d'origine étatique. Le concepteur d'un équipement de sécurité est, en effet, en mesure de le contourner comme le serait un attaquant qui disposerait de ses caractéristiques techniques. Enfin, l'exploitation de ces équipements devra être effectuée sur le territoire national afin d'éviter toute compromission des données issues des opérateurs, traitées par les prestataires, ou des informations qui leurs sont confiées.

• L'obligation pour les opérateurs d'importance vitale de notifier les incidents significatifs intervenant sur leurs systèmes d'information critiques

Pour chacun des opérateurs d'importance vitale, il s'agit de connaître l'ampleur et la nature des attaques informatiques le ciblant et d'identifier les attaques nécessitant un traitement particulier. Certaines des attaques menées sont de nature à mettre en danger la compétitivité de l'opérateur (attaques à des fins d'espionnage) ou de l'empêcher d'exercer en toute sécurité sa mission d'importance vitale (attaques à des fins de sabotage). Or, il n'existe pas aujourd'hui de méthode permettant de connaître la réalité des attaques informatiques visant les entreprises ou les administrations françaises et singulièrement les opérateurs d'importance vitale.

Par ailleurs, selon les informations recueillies par votre rapporteur, l'expérience acquise par l'ANSSI après trois années de traitement d'attaques informatiques de grande ampleur montre que lorsqu'un opérateur est attaqué à des fins d'espionnage, il est vraisemblable que les opérateurs appartenant au même secteur d'activité d'importance vitale subissent les mêmes attaques.

Le texte proposé pour le nouvel article L. 1332-6-2 du code de la défense prévoit donc aux opérateurs d'importance vitale une obligation de notification systématique et sans délai des incidents informatiques au Premier ministre.

La notification par les opérateurs de certains incidents survenus sur les systèmes d'information essentiels à leur activité permettra d'identifier les attaques informatiques nécessitant une intervention de l'ANSSI, d'une autre administration de l'Etat ou d'un prestataire.

Comme le précise l'étude d'impact, un décret d'application précisera par secteur d'activité le type d'incidents à notifier, les niveaux de gravité et les délais dans lesquels ces incidents devront être déclarés. Il pourra également prévoir l'échange d'informations relatives aux menaces et aux vulnérabilités liées aux incidents déclarés avec les opérateurs d'importance vitale.

• L'obligation pour les opérateurs d'importance vitale de se soumettre à un contrôle ou à un audit de sécurité de leurs systèmes d'information, à la demande du Premier ministre

L'article L. 33-10 du code des postes et des communications électroniques prévoit déjà la possibilité à l'Etat d'effectuer des contrôles de sécurité et d'intégrité des réseaux des opérateurs de communications électroniques. Ces contrôles permettent notamment d'évaluer le niveau de sécurité des équipements, voire de détecter leur éventuelle compromission.

L'objectif du texte proposé pour le nouvel article L. 1332-6-3 est d'étendre cette capacité de contrôle et d'audit à l'ensemble des secteurs d'activité d'importance vitale.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, l'expérience de l'ANSSI montre que le niveau de sécurité des opérateurs d'importance vitale est très souvent très en-deçà de ce qui lui permettrait de résister à des attaques informatiques de niveau intermédiaire.

Il est de la responsabilité de l'Etat de connaître le niveau de sécurité des systèmes d'information des infrastructures critiques de la Nation. Or, aujourd'hui, l'Etat n'a pas la possibilité d'opérer ou de faire opérer des audits ou des contrôles chez les opérateurs du secteur privé, à l'exception du secteur des communications électroniques.

Cette disposition permettra à l'Etat de disposer de cette capacité. Elle permettra l'évaluation du niveau de sécurité des systèmes d'information qui assurent le fonctionnement du coeur de métier des opérateurs d'importance vitale et le contrôle de l'application des règles édictées. Elle sera, en elle-même, une incitation à l'application de ces règles.

Dans la plupart des attaques informatiques importantes traitées par l'ANSSI, un audit préalable du niveau de sécurité des systèmes d'information visés aurait révélé son faible niveau de protection. Des mesures techniques et organisationnelles correctives auraient pu être mises en place et éviter ainsi certaines attaques.

Il est précisé que ces contrôles ou audits pourront être effectués par l'autorité nationale de sécurité des systèmes d'information, par des services de l'Etat désignés par le Premier ministre ou encore par des prestataires qualifiés par ce dernier. Par ailleurs, le coût du contrôle sera à la charge de l'opérateur.

Comme le prévoit l'étude d'impact, « le décret d'application précisera les conditions d'exercice du contrôle ou de l'audit. Il pourrait reprendre certains des principes et des modalités de réalisation des contrôles des opérateurs de communications électroniques tels que définis par le décret n°2012-1266 du 15 novembre 2012. Un arrêté du Premier ministre désignera les administrations susceptibles d'effectuer les contrôles ».

• En cas de crise informatique majeure, la possibilité pour le Premier ministre d'imposer des mesures aux opérateurs d'importance vitale

Le texte proposé pour le nouvel article L. 1332-6-4 donne la possibilité au Premier ministre d'imposer, en cas de crise informatique majeure, les mesures techniques nécessaires à la protection des systèmes d'information des opérateurs d'importance vitale.

Les attaques informatiques ont une cinétique et une capacité d'expansion particulière. Des exemples d'attaques récentes montrent qu'en quelques minutes, des dizaines de milliers d'ordinateurs d'une entreprise peuvent être mis hors d'état de fonctionnement tandis qu'un programme informatique malveillant peut se diffuser dans des systèmes d'information du monde entier en quelques heures.

Comme l'ont montré les différents exercices « Piranet » menés au sein de l'Etat avec la participation d'opérateurs privés, il importe d'être en capacité d'imposer dans des délais courts des mesures techniques aux opérateurs d'importance vitale, en fonction de la nature de l'attaque et des objectifs apparemment visés par les attaquants. Il importe également de préciser qui au sein de l'Etat décide de ces mesures et de donner une base juridique solide à ces dernières, notamment au regard de l'impact qu'elles peuvent avoir sur l'activité de l'opérateur.

Ainsi, la propagation via Internet d'un programme informatique malveillant cumulant des fonctionnalités de destruction d'ordinateurs (comme par exemple le code « Shamoon » ayant touché les opérateurs d'énergie d'Arabie Saoudite en août 2012 et des opérateurs bancaires et des médias en Corée du Sud en mars 2013) et des capacités de réplication rapide (comme le virus « Conficker » en novembre 2008) constituerait une crise majeure pour laquelle nous n'aurions qu'un délai de quelques heures afin de protéger les systèmes d'information de l'Etat et des entreprises, qu'elles soient ou non opérateurs d'importance vitale.

Dans ce type de situation, il serait nécessaire d'imposer des mesures exceptionnelles et drastiques, comme par exemple la déconnexion d'Internet afin d'éviter que les opérateurs ne soient paralysés par l'action du programme malveillant, entraînant par effet domino l'arrêt de l'économie du pays et de ses fonctions vitales.

• Ces modalités d'application seront définies en concertation avec les opérateurs d'importance vitale

Comme l'indique le texte proposé pour le nouvel article L. 1332-6-6 du code de la défense, un décret en Conseil d'Etat précisera les modalités de la coopération avec les opérateurs d'importance vitale concernant la mise en oeuvre de ces obligations. Comme le précise l'étude d'impact, ce décret d'application « permettra d'anticiper les mesures pouvant être prises notamment en fonction de leurs secteurs d'activité et de l'impact de ces mesures sur leur activité ». Il précisera également « les modes de notification des mesures aux opérateurs ».

• La préservation de confidentialité de l'Etat

Le texte proposé pour le nouvel article L. 1332-6-5 du code de la défense vise à préserver la confidentialité de l'Etat concernant les informations recueillies auprès des opérateurs d'importance vitale.

La révélation d'informations concernant une attaque informatique réussie contre une entreprise, éventuellement cotée en bourse, pourrait avoir des conséquences sur sa valeur financière, la confiance de ses clients et fournisseurs ou encore l'estime de ses salariés. Ainsi, en septembre 2011, la révélation d'une attaque informatique ayant conduit au vol d'informations appartenant à la société néerlandaise Diginotar avait entraîné la faillite de cette entreprise quelques semaines plus tard. De plus, si ces révélations interviennent au cours de la phase préliminaire de traitement de l'attaque, elles peuvent alerter l'attaquant et l'amener à changer de stratégie. De la même manière, si les résultats d'un audit de sécurité des systèmes d'information venaient à être connus d'un attaquant potentiel, il aurait son action malveillante grandement facilitée par ces informations. Comme dans d'autres domaines, l'Etat traitera donc les informations recueillies, tant en ce qui concerne la notification d'incidents que les résultats d'audits et de contrôles, comme des informations sensibles.

• La création de sanctions pénales pour les opérateurs d'importance vitale en cas de manquement à leurs obligations

L'article 15 du projet de loi prévoit enfin de modifier l'article L. 1332-7 du code de la défense afin de préciser les sanctions pénales encourues par les opérateurs d'importance vitale en cas de non-respect des obligations prévues précédemment.

Ces sanctions sont alignées sur celles prévues par l'article L. 1332-7 du code de la défense pour la protection physique des installations d'importance vitale.

Le non-respect de l'une de ces obligations sera passible d'une amende de 150 000 euros pour les personnes physiques et d'une amende d'un montant maximal de 750 000 euros pour les personnes morales.

A l'exception du manquement à l'obligation de notification de l'incident, la sanction en cas de manquement n'interviendra qu'après une mise en demeure.

III. La position de votre commission :

Les mesures proposées par cet article répondent aux principales recommandations adoptées par votre commission dans son rapport d'information sur la cyberdéfense de juillet 2012 60 ( * ) , à l'image de l'obligation pour les opérateurs d'importance vitale de notifier à l'Etat les incidents informatiques.

Elles sont également conformes aux positions adoptées par votre commission à l'occasion de l'examen de la stratégie européenne de cybersécurité et de la proposition de directive européenne de la Commission européenne sur la sécurité des systèmes d'information, qui ont été approuvées par le Sénat dans sa résolution européenne du 19 avril 2013 61 ( * ) .

Votre commission approuve donc ces dispositions.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 16 (articles 226-3 et 226-15 du code pénal) - Extension de la liste des équipements informatiques soumis au régime d'autorisation

L'article 16 vise à étendre la liste des équipements informatiques soumis au régime d'autorisation.

L'article 226-3 du code pénal soumet à autorisation les appareils conçus pour porter atteinte au secret des correspondances, atteinte qui constitue l'infraction prévue à l'article 226-15 du code pénal. Les catégories d'appareils relevant de cette procédure sont définies par l'arrêté du Premier ministre du 4 juillet 2012 fixant la liste d'appareils et de dispositifs techniques prévue par l'article 226-3 du code pénal.

L'autorisation est délivrée par le Premier ministre après avis d'une commission consultative, présidée par le directeur général de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information et composée de représentants de différentes administrations, d'un représentant de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité et de deux personnalités qualifiées désignées par le Premier ministre.

Afin de satisfaire à leurs obligations légales en matière d'interception de communications, les opérateurs de communications électroniques recourent, en effet, à des équipements conçus pour réaliser les interceptions et relevant à ce titre du régime d'autorisation de l'article 226-3 du code pénal.

Il s'agit ainsi pour les opérateurs de communications de répondre, dans le cadre de la loi, aux réquisitions des magistrats (interceptions judiciaires) ou du Premier ministre (interceptions de sécurité).

Ces équipements conçus pour réaliser des interceptions présentent un risque pour le respect de la vie privée des citoyens. Ils ne peuvent donc être fabriqués, importés, détenus que sur autorisation délivrée par le Premier ministre.

Or, les évolutions technologiques montrent que de plus en plus d'équipements de réseau, sans être des moyens d'interception en eux-mêmes, possèdent des fonctions qui pourraient être aisément utilisées pour intercepter le trafic du réseau.

A cet égard, les fonctions de duplication ou de routage du trafic de certains équipements de réseau, configurables et accessibles à distance, sont susceptibles de permettre des interceptions. Par exemple, certains équipements de coeur de réseau ou certains équipements d'accès aux réseaux, tels que les stations de base de réseau mobile, alors même qu'ils n'ont pas été spécifiquement conçus à des fins d'interception, sont cependant susceptibles, selon leurs caractéristiques, de permettre des interceptions du trafic.

N'étant pas spécifiquement conçus pour les interceptions, ces équipements ne sont actuellement pas soumis à l'autorisation prévue par l'article 223-3 du code pénal, qui ne porte que sur les appareils « conçus pour réaliser » les interceptions. Or, ces équipements présentent les mêmes risques pour la sécurité des réseaux et des communications que ceux destinés spécifiquement à l'interception.

Cet article a donc pour objet d'étendre le contrôle étatique aux équipements qui sans être conçus pour permettre les interceptions de communication, les captations de données informatiques ou les interceptions de correspondances, sont susceptibles d'être utilisés à ces fins. Il est donc proposé de remplacer à l'article 226-3 du code pénal les mots « conçus pour réaliser les opérations » par les mots «  susceptibles de permettre la réalisation d'opérations ».

Par cohérence, l'article propose également de modifier au deuxième alinéa de l'article 226-15 du code pénal les mots « conçus pour réaliser » par les mots « susceptibles de permettre la réalisation ».

La modification envisagée permettra donc d'étendre la délivrance d'une autorisation à l'ensemble des équipements susceptibles de permettre des interceptions.

La liste des appareils et des dispositifs techniques figurant à l'arrêté du 4 juillet 2012 devra ainsi être complétée par les nouvelles catégories d'équipements de réseau présentant des possibilités d'interception des communications. Cette liste pourra être mise à jour en fonction des évolutions technologiques.

La réforme envisagée permettra donc d'assurer une plus grande sécurité des réseaux et des communications, en particulier s'agissant des « routeurs de coeur de réseaux » conformément aux recommandations adoptées par votre commission dans son rapport d'information sur la cyberdéfense.

Votre commission a adopté l'article 16 sans modification.

Article 16 bis (nouveau) (article L. 2321-3 nouveau du code de la défense, articles L.336-3 et L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques) - Accès aux coordonnées des utilisateurs des adresses Internet pour les besoins de la sécurité informatique

Ce nouvel article, introduit par un amendement de votre commission, vise à reconnaître la possibilité, pour les agents habilités et assermentés de l'autorité nationale de sécurité des systèmes d'information, d'obtenir des opérateurs de communications électroniques l'identité, l'adresse postale et l'adresse électronique d'utilisateurs ou de détenteurs de systèmes d'information afin de les alerter sur la vulnérabilité ou la compromission de leur système.

L'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information reçoit régulièrement des adresses Internet correspondant à une localisation française (adresses "IP") transmises par des partenaires étrangers correspondant :

- soit à un équipement industriel connecté à Internet et présentant une vulnérabilité exploitable à distance par une personne ou un groupe malintentionné ;

- soit à un serveur compromis par un code malveillant, utilisé au sein d'un "botnet" pour relayer une attaque informatique en déni de service ou comme serveur relais de commande d'autres machines infectées et utilisées, par exemple, à des fins d'espionnage.

Que ce soit à des fins de prévention d'attaques informatiques ou à des fins de traitement de ces attaques, l'autorité nationale de la sécurité des systèmes d'information n'a aujourd'hui aucun moyen de connaître l'identité de l'utilisateur d'une adresse « IP » correspondant à une vulnérabilité ou à une compromission. Il s'ensuit une incapacité à alerter le détenteur ou l'exploitant d'une installation industrielle en danger comme d'inviter voire d'aider le détenteur d'un serveur compromis à traiter l'attaque informatique dont il est victime.

Cette incapacité peut se révéler désastreuse en cas de crise informatique majeure dont un des invariants est la nécessité d'agir dans un délai court pour éviter son expansion.

L'introduction dans le code de la défense d'un nouvel article L. 2321-3, telle que prévue par cet article, accompagnée de la modification de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, est destinée à combler cette lacune.

Le nouvel article vise donc à prévoir que l'autorité nationale de la sécurité des systèmes d'information dispose d'agents assermentés pouvant obtenir auprès des opérateurs de communications électroniques les coordonnées des utilisateurs des adresses internet correspondant à un système d'information vulnérable ou déjà compromis.

Votre commission a adopté l'article 16 bis (nouveau) ainsi rédigé.

Article 16 ter (nouveau) (article 323-3-1 du code pénal et article L. 122-6-1 du code de la propriété intellectuelle) - Possibilité d'exercer une activité de recherche ou de développement de produits ou de service de sécurité informatique

Ce nouvel article, introduit par un amendement de votre commission, vise à clarifier et à renforcer la sécurité juridique de l'activité de recherche comme celle de nombreuses entreprises industrielles ou de services qui détiennent ou utilisent des programmes, des équipements ou des instruments informatique, afin de développer des produits ou services de sécurité informatique.

Les attaques contre les systèmes d'information sont généralement réalisées par des programmes informatiques spécialement conçus ou adaptés à cette fin. Ces programmes exploitent les "failles" ou "vulnérabilités" qui existent dans les programmes.

Actuellement, l'article 323-3-1 du code pénal interdit, sauf motif légitime, l'importation, la détention, l'offre, la cession ou la mise à disposition de ces programmes.

Certes, on peut penser que l'activité de recherche ou de développement de produits ou de services de sécurité font partie des motifs légitimes, mais la rédaction actuelle est ambiguë et est laissée à l'interprétation de la jurisprudence.

Or, pour être efficace, le développement de produits et de services de sécurité informatique implique de tester la résistance de ces produits et services à ces programmes, leur capacité à les détecter, à les analyser afin d'élaborer les parades susceptibles de contrer les attaques. De même, l'activité de recherche en sécurité informatique implique de connaître et d'analyser ce type de programmes.

Cette situation a pour conséquence de brider la recherche nationale en matière de sécurité informatique et de faire peser sur le secteur d'activité de la sécurité numérique une insécurité juridique qui peut entraver l'activité ou des décisions d'investissement et de développement.

Cet article vise donc à clarifier la rédaction de l'article 323-3-1 du code pénal.

Il a également pour objet de modifier la rédaction de l'article L. 122-6-1 du code de la propriété intellectuelle afin de préciser qu'on peut, sans l'autorisation de l'auteur, observer, étudier ou tester non seulement le fonctionnement d'un logiciel mais aussi sa sécurité.

Votre commission a adopté l'article 16 ter (nouveau) ainsi rédigé.

CHAPITRE IV - DISPOSITIONS RELATIVES AU TRAITEMENT PÉNAL DES AFFAIRES MILITAIRES

Article 17  (art L. 211-7 du code de justice militaire) - Clarification de la notion de « mort au combat »

L'article 17 met fin au déclenchement automatique de l'enquête pour recherche des causes de la mort (article 74 du code de procédure pénale) en cas de découverte d'un cadavre à l'issue de combats en opérations.

Le droit en vigueur

L'article 17 supprime, à l'article L. 211-7 du code de justice militaire, l'automaticité du déclenchement de l'enquête prévue à l'article 74 du code de procédure pénale en cas de décès dont la cause est inconnue ou suspecte.

Cet article du code de justice militaire avait pour objectif initial de calquer la procédure applicable en opération extérieure sur le droit commun. L'assimilation avait cependant été limitée aux cas de découverte d'un cadavre, et n'avait pas été pas étendue aux cas de découverte d'une personne grièvement blessée : l'extension, par la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité de ces dispositions aux cas de découverte d'une personne grièvement blessée n'avait pas, en effet, été incorporée dans le code de justice militaire.

Cette rédaction a parfois conduit à une interprétation extensive suivant laquelle la procédure de recherche des causes de la mort devait être systématique.

Cette interprétation n'est pas en phase avec ce qu'est un théâtre de combat, avec la nature même et la spécificité du métier des armes. Elle peut en outre 62 ( * ) modifier la perception des familles des victimes et introduire un doute dans leur esprit en jetant un voile de suspicion sur les causes de la mort qui peut les pousser à introduire un recours devant le juge.

La modification proposée par le projet de loi

L'objectif du texte proposé par l'article 17 est d'indiquer que la cause d'une mort au combat n'est en principe ni suspecte ni inconnue, et d'éviter ainsi que certains événements, même graves, mais inévitables compte tenu de ce qu'est une opération militaire, ne se voient immédiatement appréhendés sur le terrain judiciaire.

La mort d'un soldat est en effet un risque inhérent à l'action de combat. C'est un risque assumé par les militaires, et rappelé dans l'article L.4111-1 du code de la défense : « L'état militaire exige en toute circonstance esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu'au sacrifice suprême ».

L'objectif de la modification proposée est donc d'écarter expressément le risque de systématisation de l'enquête aux fins des recherches des causes de la mort ou des blessures graves survenues en actions de combat.

La position de votre commission

Votre commission est favorable à la modification proposée et considère que la rédaction est satisfaisante.

Plusieurs raisons expliquent cette position :

Tout d'abord, l'article 17 vient en réalité consacrer une pratique qui s'est peu à peu instaurée ces dernières années.

En effet, et d'ailleurs singulièrement depuis la suppression du Tribunal aux armées de Paris, le Parquet est revenu sur la pratique d'une enquête systématique en recherche des causes de la mort. Cette procédure a ainsi été écartée 63 ( * ) pour des militaires morts en Afghanistan, au profit d'un simple « renseignement judiciaire » rédigé par les prévôts (officiers de police judiciaire placés auprès des forces armées déployées en opérations), à partir des informations communiquées par l'autorité militaire.

Cette pratique, développée praeter legem, permet de transmettre des informations à l'autorité judiciaire à toutes fins utiles, sans pour autant déclencher d'enquête préliminaire ou de flagrance, en l'absence d'indices laissant suspecter la commission d'infractions.

Le Parquet de Paris a également désormais pour pratique de limiter l'autopsie judiciaire à des cas particuliers : lorsque le militaire est victime de mouvements terroristes, d'un crime de guerre ou d'un accident hors combat.

Le tableau suivant présente le nombre d'enquêtes parquet ouvertes en recherche des causes de la mort, sur des faits survenus hors du territoire national (forces déployées ou stationnées), de 2007 à 2013. Leur nombre, faible, avait eu tendance à augmenter entre 2009 et 2011, avant de baisser à nouveau.

Enquêtes en recherche des causes de la mort ouvertes entre 2007 et 2013

2007

4

2008

4

2009

6

2010

8

2011

13

2012

0

2013

2

Ensuite, la présomption instaurée est une présomption simple : le parquet de Paris pourra, au cas par cas, décider d'écarter la présomption de mort au combat à la cause connue et non suspecte pour décider l'ouverture d'une enquête aux fins de recherche des causes de la mort.

De manière très concrète, tout élément, quel que soit sa nature, laissant à penser que le décès n'est pas lié aux seules opérations de combat en opération extérieure rendra la cause du décès inconnue ou suspecte et pourra donc donner lieu à application de l'article 74 du code de procédure pénale.

Des constatations matérielles ou médicales (absence d'impacts permettant d'expliquer le décès ou positionnement des impacts par exemple) des circonstances particulières autour du décès (disputes antérieures avec un camarade, menaces...) portées à la connaissance des autorités militaires ou judiciaires pourront ainsi, notamment, amener à suspecter que la mort n'est pas issue des seules opérations de combats.

Il est d'ailleurs souhaitable que les magistrats disposent d'une telle marge d'appréciation : l'article 74 offre, à cet égard, un cadre juridique « pratique » qui leur permet de mener des investigations sans pour autant, à ce stade, qualifier l'infraction. On pourrait ainsi, dans certains cas, éviter la lourdeur d'une enquête classique, voire d'une information judiciaire.

Votre commission a adopté l'article 17 sans modification.

Article 18  (Art. L. 211-11 du code de justice militaire et art. 698-2 du code de procédure pénale) - Monopole du parquet pour la mise en mouvement de l'action publique pour les infractions relatives aux opérations des militaires à l'étranger.

L'article 18 confère au Parquet le monopole de la mise en mouvement de l'action publique pour les infractions commises par des militaires en opération dans l'accomplissement de leur mission.

Le droit en vigueur

Ne sont concernés par l'article 18 que les opérations dites « extérieures » menées en temps de paix par les militaires français en dehors du territoire national. Le projet de loi ne change donc pas le régime juridique applicable au temps de guerre, non plus que celui qui s'applique sur le territoire national. Comme il est brièvement rappelé dans l'encadré ci-après, il faut en effet distinguer trois régimes juridiques distincts : le temps de guerre, le temps de paix sur le territoire national et le temps de paix hors du territoire national (auquel seul s'applique le projet de loi qui nous est soumis).

Les trois régimes juridiques applicables aux militaires

En temps de guerre , le code de justice militaire prévoit la mise en place de trois catégories de juridictions militaires : Tribunaux territoriaux des forces armées, composés de cinq membres dont trois juges militaires ; Haut tribunal des forces armées sur le territoire national, Tribunaux militaires aux armées, comportant quatre juges militaires. La procédure applicable est dérogatoire : le commissaire du Gouvernement (qui exerce les attributions reconnues au Procureur de la République) se borne à donner son avis sur toutes les questions concernant la mise en mouvement de l'action publique, la décision étant prise par le ministre de la défense, qui est investi des pouvoirs judiciaires, ou l'autorité militaire habilitée par lui. La partie lésée ne peut mettre en mouvement l'action publique. En ce qui concerne les débats, le tribunal peut interdire en tout ou partie le compte rendu des débats de l'affaire.

En temps de paix sur le territoire national : les infractions commises par les militaires sur le territoire de la République se voient aujourd'hui traitées dans des conditions très proches de celles du droit commun. Les juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire sont compétentes pour connaître des infractions militaires et des infractions de droit commun commises par des militaires dans l'exercice du service sur le territoire de la République. Il existe un tribunal correctionnel et une cour d'appel spécialisés en matière militaire dans le ressort de chaque Cour d'appel (cf. commentaire des articles 20 et 21 ci-dessous). Le tribunal correctionnel est chargé de l'instruction de toutes les affaires et du jugement des délits, tandis que la cour d'assises juge les crimes. Au total, on compte aujourd'hui 33 juridictions de droit commun spécialisées réparties sur l'ensemble du territoire national.

La procédure applicable devant les juridictions de droit commun spécialisées est désormais très proche des règles du droit commun. Ainsi, aucun militaire ne participe au jugement des affaires portées devant les juridictions de droit commun spécialisées. Les jugements sont susceptibles d'appel.

La spécificité du contentieux militaire est prise en compte par la spécialisation des magistrats de l'ordre judiciaire appelés à connaître des infractions militaires ou des infractions commises par des militaires dans l'exercice du service. Certaines particularités procédurales demeurent : avis du ministre de la défense ; absence de citation directe d'un militaire ; réquisitions préalables adressées à l'autorité militaire pour les investigations au sein d'un établissement militaire ; détention des militaires dans des locaux séparés, absence de contrôle judiciaire et de le régime de semi-liberté pour les militaires.

Les infractions de droit commun commises en dehors de l'exercice du service relèvent, pour leur part, des juridictions de droit commun .

En temps de paix en dehors du territoire national , la formation spécialisée en matière militaire du Tribunal de Grande instance de Paris est compétente pour connaître des infractions commises par ou à l'encontre des militaires. Certaines règles procédurales spécifiques s'appliquent : l'avis du ministre de la défense préalablement à tout acte de poursuite à l'encontre d'un militaire, l'impossibilité pour la victime d'une infraction commise par un militaire de faire citer directement ce militaire devant la juridiction de jugement.

La lecture combinée, dans son arrêt rendu le 10 mai 2012, par la chambre criminelle de la Cour de cassation dans l'affaire d'Uzbin 64 ( * ) , des articles 698-2 du code de procédure pénale et 113-8 du code pénal a conduit à la situation suivante : la mise en mouvement de l'action publique est possible par l'effet de la seule constitution de partie civile pour des délits commis à l'étranger par des militaires, alors que cette mise en mouvement est réservée au Procureur de la République lorsque les délits sont commis à l'étranger par les autres citoyens français.

L'article 113-8 du code pénal réserve au ministère public la poursuite des délits commis par des militaires à l'étranger. Il faut rappeler en effet que ce n'est qu'en 1982 qu'a été reconnu ce pouvoir au Procureur de la République, cette prérogative appartenant auparavant au ministre de la défense. L'impossibilité pour la partie civile de mettre en mouvement l'action publique était justifiée en ces termes 65 ( * ) par notre ancien collègue Robert Badinter, alors Garde des Sceaux : « si l'on reconnaissait à tous ceux qui s'affirment victimes, non seulement le droit de provoquer l'ouverture d'une information, mais - ce qui est beaucoup plus saisissant encore - celui de citer en correctionnelle, à leur gré, tout officier ou tout soldat, on ouvrirait aux fausses victimes, aucunement préoccupées de la sanction de la dénonciation calomnieuse qui n'interviendrait que des mois ou des années plus tard, la possibilité d'entreprises de déstabilisation de l'armée républicaine 65 ( * ) ».

La loi de 1999 portant réforme du code de justice militaire -applicable à partir de 2002- a parallèlement ouvert la possibilité pour les parties civiles de mettre en mouvement l'action publique (art. 698-2 du code de procédure pénale), « dans les conditions déterminées aux articles 85 et suivants » (plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction, à l'exclusion de la citation directe) 65 ( * ) , jugeant que cette évolution correspondait aux attentes des victimes. Les débats n'avaient pas conduit à examiner en détail, à l'époque, les conséquences éventuelles sur le déroulement des actions de combat, non plus que l'articulation avec l'article 113-8 du code pénal.

Dans son arrêt précité de mai 2012, la Cour de Cassation a considéré que l'article 698-2 du code de procédure pénale prévalait sur les dispositions de l'article 113-8 du code pénal, le privant, de fait, de sa portée.

Il en résulte :

- une différence de traitement peu compréhensible entre civils et militaires en matière délictuelle ;

- un risque potentiel, aux yeux de la communauté militaire et du ministère de la défense, d'instrumentalisation de la justice au détriment des militaires et des forces armées, tendant à remettre en cause la politique étrangère et les engagements armés de la France via des actions en justice portant sur les OPEX, par le simple moyen de la constitution de partie civile.

La modification proposée par le projet de loi

L'article 18 du projet de loi de programmation a deux objectifs :

- Modifier l'article L. 211-11 du code de justice militaire, qui définit les règles relatives à la mise en mouvement de l'action publique pour les infractions relevant de la compétence des juridictions de Paris spécialisées en matière militaire (infractions commises hors du territoire de la République par les membres des forces armées françaises ou à l'encontre de celles-ci) afin de rappeler l'application aux militaires (comme c'est aujourd'hui le cas pour les autres citoyens français) de la règle du monopole du Parquet pour les délits commis à l'étranger ;

- Modifier l'article 698-2 du code de procédure pénale afin d'instaurer un monopole du Parquet pour toutes les infractions, cette fois y compris criminelles , commises par des militaires en opération dans l'accomplissement de leur mission.

Le but est de concilier plusieurs impératifs :

- Celui des victimes et ayants droit, qui doivent, comme tous citoyens, pouvoir accéder à la justice ;

- Celui des opérationnels qui doivent pouvoir mener à bien leur mission sans être inhibés à tout instant par l'épée de Damoclès d'une éventuelle incrimination pénale.

La rédaction proposée vise à atteindre un équilibre entre l'accès au juge pour les victimes et leurs ayants-droits et la nécessité de protéger les conditions d'intervention des forces armées en opération.

En particulier, la rédaction proposée, qui est précisément circonscrite, semble compatible avec les principes de la jurisprudence constitutionnelle et conventionnelle 65 ( * ) et en particulier les principes d'égalité devant la loi, et de droit à un recours juridictionnel effectif.

Au regard, tout d'abord, du principe d'égalité devant la loi, et, plus précisément, en matière d'égalité devant la procédure pénale , le Conseil Constitutionnel a déjà jugé 66 ( * ) qu'il est loisible au législateur « de prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, à la condition que ces différences ne procèdent pas de discriminations injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense »

Il y a d'ailleurs un précédent en la matière : dans sa décision n° 2010-612 DC du 5 août 2010 relative à la loi portant adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour pénale internationale , le Conseil constitutionnel n'a pas fait droit au grief tiré de ce que l'article 8 de la loi, qui a inséré un article 689-11 dans le code de procédure pénale, méconnaissait le principe d'égalité devant la justice en confiant au seul ministère public la poursuite des crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale.

Le texte respecte, ensuite, les critères en matière de droit à un recours juridictionnel effectif, garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et formulé en ces termes : « il ne doit pas être porté d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction 67 ( * ) ".

Le Conseil Constitutionnel a par exemple estimé 68 ( * ) que les stipulations de l'accord entre la France et la Roumanie relatif à une coopération en vue de la protection des mineurs roumains isolés sur le territoire français méconnaissaient le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif dès lors « que les stipulations de l'accord contesté instituent une procédure de raccompagnement d'un mineur isolé à la demande des autorités roumaines ; que l'autorisation de raccompagner le mineur est donnée en France par le parquet des mineurs ou par le juge des enfants s'il a été saisi ; que, lorsque la décision est prise par le ministère public, ni les stipulations contestées, ni aucune disposition de droit interne n'ouvrent, au bénéfice de ce mineur ou de toute personne intéressée, un recours contre cette mesure destinée à ce que le mineur quitte le territoire français pour regagner la Roumanie » .

La condition d'" effectivité " du recours au juge consacré par le Conseil Constitutionnel fait écho à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme selon laquelle l'article 6 de la Convention 69 ( * ) consacre un " droit d'accès effectif à la justice " afin que soit assurée " une protection réelle et efficace " du justiciable.

Pour autant, certaines limitations sont acceptées par le Conseil Constitutionnel. La jurisprudence ouvre clairement la possibilité de réglementer le droit d'accès au juge ainsi consacré, notamment par l'édiction de règles de recevabilité des recours, mais sous réserve que ces règles ne portent pas une atteinte " substantielle " à ce droit.

Ainsi, le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 93-327 DC du 19 novembre 1993 relative à la loi organique sur la Cour de justice de la République (considérant 12) a jugé que si l'article 132 de la loi organique « exclut toute constitution de partie civile devant la Cour de justice de la République, il garantit la possibilité d'exercer des actions en réparation de dommages susceptibles de résulter de crimes et délits commis par des membres du Gouvernement devant les juridictions de droit commun ; qu'ainsi il préserve pour les intéressés l'exercice de recours, sans méconnaître les dispositions de la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993 ; que dès lors il ne contrevient à aucune règle ni aucun principe constitutionnel ».

En l'espèce, on peut estimer que dès lors que projet de loi ne prive pas la partie lésée du droit de saisir le juge compétent pour obtenir réparation du préjudice subi, même si l'action publique n'est pas mise en mouvement par le ministère public, il n'est pas porté atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif.

Le Conseil constitutionnel devrait être amené sous peu à préciser encore sa jurisprudence puisqu'il est actuellement saisi par la Cour de Cassation (QPC n°350 du 26 août 2013) de la constitutionnalité des articles 47 et 48 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, desquels il résulte que la poursuite des délits et contraventions de police commis à l'égard des corps constitués et administrations publiques par voie de presse ne peut être exercée que par le ministère public .

La Cour européenne des droits de l'homme a déjà jugé que l'interdiction de se constituer partie civile par voie d'action ne porte pas atteinte au droit à d'accès à un juge si la victime dispose d'une voie de recours lui permettant d'accéder à un tribunal indépendant et impartial pour obtenir réparation de son préjudice. La Cour de cassation , en assemblée plénière, s'est également prononcée en ce sens dans deux arrêts 70 ( * ) relatifs à l'irrecevabilité des constitutions de partie civile devant la Cour de justice de la République.

La position de votre commission

Un équilibre satisfaisant entre plusieurs impératifs

En matière délictuelle, l'article 18 permet un retour au droit commun de l'article 113-8 du code pénal pour les militaires : le Parquet retrouve ainsi son monopole, écarté par l'arrêt de la Cour de cassation du 10 mai 2012 rendu dans l'affaire Uzbin, pour la mise en mouvement de l'action publique pour les faits commis par un militaire à l'étranger.

Ce point ne soulève guère de discussion et il est généralement ressenti par la majorité des personnes auditionnées par votre commission comme le rétablissement opportun d'une discordance de traitement peu compréhensible entre militaires et civils.

Le monopole du parquet pour l'engagement des poursuites en matière criminelle , dans le cadre d'une opération militaire et dans l'accomplissement de leur mission par les militaires , est un choix qui a pu être discuté 71 ( * ) . Il faut en effet mettre en balance plusieurs principes : celui de l'accès de tout citoyen à la justice, et celui de la nécessaire sécurisation juridique des militaires en opération, priorité, à juste titre, mise en avant par le Président de la République.

Il est vrai de dire que ce contentieux n'est pas, quantitativement, un fait massif, comme le montre le tableau ci-dessous. Il a en revanche un impact très important dans la communauté militaire.

OUVERTURES DOSSIERS D'INSTRUCTION - HORS DU TERRITOIRE - 2001-2013

Source : ministèrede la défense. Le tableau synthétise les chiffres d'ouverture d'informations judiciaires pour des faits commis en dehors du territoire national, impliquant des militaires, entre 2001 et ce jour. Il présente ces chiffres d'une part au regard de la nature des faits (criminels, délictuels ou pour recherche des causes de la mort) et d'autre part au regard de l'origine de l'ouverture (parquet ou plainte avec constitution de partie civile)

Votre commission juge que le point d'équilibre proposé par le texte du Gouvernement est satisfaisant.

Le monopole reconnu au Parquet constituera une protection efficace des militaires contre une judiciarisation excessive de leur action, au coeur de leur métier et des risques qu'ils acceptent d'assumer en s'engageant. Il sera également le gage de l'absence d'instrumentalisation de l'action judiciaire par des acteurs qui auraient intérêt à contester, par ce biais, la politique militaire française.

Pour autant, cette réforme ne prive naturellement pas les victimes ou leurs familles de la possibilité de porter plainte ou de s'associer à l'action publique mise en mouvement par le Parquet, ni des possibilités de réparation civile.

Une indispensable information des familles des victimes

Enfin, votre commission a particulièrement insisté auprès du ministère de la défense, du ministre lui-même et de son cabinet, lors de la préparation de l'examen du présent projet de loi, sur l'importance cruciale qui s'attache à apporter aux familles des militaires tués en opération toute l'information sur les circonstances du drame qui les touche , et ce très rapidement après l'événement.

Votre commission connait le travail remarquable effectué par le ministère de la défense pour accompagner les familles des militaires blessés ou décédés en opérations. Le « Bureau d'assistance aux familles », en liaison avec la direction des affaires juridiques, se charge notamment de faciliter l'ensemble des procédures administratives leur permettant de faire valoir leurs droits et d'accéder aux prestations auxquelles elles sont éligibles. Il y a naturellement un accompagnement humain et moral, au sein même des unités, dont votre commission connait la grande qualité. Par ailleurs, une revue complète des « Droits et accompagnement des familles de militaires décédés en OPEX » a récemment 72 ( * ) été effectué par la Direction des affaires juridiques du ministère de la défense, qui montre notamment que les mesures financières, tant statutaires qu'indemnitaires, dont bénéficie la famille d'un militaire décédé en OPEX compensent « le mieux possible » -et en tous cas, d'après cette étude, dans des conditions plus avantageuses que celles offertes aux ayants-droits de salariés de certaines entreprises privés décédés dans des zones à risque- la terrible perte subie.

Pour autant, il faut être conscient qu'à travers le recours au juge, les familles cherchent aussi à avoir accès à la vérité , soit qu'elles estiment que l'institution militaire ne leur a volontairement pas livré toutes les informations en sa possession, soit qu'elles pensent que le juge pourra accéder à des informations classifiées auxquelles elles n'auraient pas accès sans la procédure judiciaire (alors que le secret défense est opposable au juge, qui doit en demander la levée, la déclassification de certaines informations, portant notamment sur les modes opératoires, n'allant pas de soi car pouvant mettre en danger les militaires encore en opérations).

Cette démarche est parfaitement résumée par le général Bentégeat 73 ( * ) : « Chaque année de jeunes Français sont tués ou blessés dans des guerres qui n'osent dire leur nom (...). Ces guerres lointaines, couteuses et risquées sont mal comprises par nos concitoyens qui les jugent sans lien avec leur sécurité quotidienne (...). Et voici que les familles de militaires qui n'avaient pas signé, elles, pour « l'esprit de sacrifice » gravé dans le code de la défense, se révoltent contre la mort au combat de leurs proches et portent plainte « pour que cela ne se reproduise pas. » ».

Il est donc primordial, tant sur le plan humain que pour prévenir toute judiciarisation inutile, d'apporter aux familles, en temps utile, toute l'information nécessaire. Sur la demande expresse du ministre de la défense, les familles des deux jeunes otages du Niger tués au cours de leur tentative de récupération ont ainsi été reçues notamment par le Cabinet et les services du ministère de la défense, et aussi largement informées que possible sur le déroulement des opérations, extraits vidéos à l'appui 74 ( * ) . Ce genre d'initiatives est à souligner et doit être systématisé dans toute la mesure du possible.

Une rédaction à perfectionner faute de ne pas atteindre l'objectif affiché

Afin que l'article 18 atteigne réellement son objet, votre commission vous propose d'en clarifier et préciser la rédaction.

Faute de quoi, la trop grande marge d'appréciation laissée au juge quant à ce que recouvre la notion « d'opération militaire » pourrait donner lieu à une jurisprudence restrictive, contraire à l'intention du législateur.

Tel qu'il est rédigé, l'article 18 n'est pas assez précis quant à son champ d'application : une « opération militaire » en dehors du territoire national. On relève une pluralité de terminologies : les termes « Opération militaire se déroulant à l'extérieur du territoire français » sont par exemple utilisés à l'article L. 4123-12 actuel du code de la défense, alors qu'on retrouve la notion de « mission opérationnelle hors du territoire national » (art L. 4123-2) ou d' « opérations extérieures » (Art L. 4123-4). La notion d' « OPEX » est quant à elle budgétaire et administrative, mais ne donne pas lieu à une définition juridique précise et univoque.

Le souci premier des rédacteurs du texte était de ne pas utiliser le terme « intervention des forces armées à l'étranger » employé à l'article 35 de la Constitution afin de ne pas limiter l'application potentielle du dispositif aux seules opérations faisant l'objet de l'information du Parlement prévue à l'article 35. Le Gouvernement n'a pas non plus souhaité se lancer dans une harmonisation conceptuelle et rédactionnelle des différentes notions existantes, souhaitable, mais qui dépassait le cadre du présent projet de loi.

Pour autant, en ne visant que les termes -sujets à interprétation- d'opération militaire, les rédacteurs du texte ont pris le risque d'une interprétation jurisprudentielle divergente de l'intention du législateur.

Aussi votre commission vous propose-t-elle un amendement tendant à préciser que les faits couverts sont les faits commis dans l'accomplissement de sa mission par un militaire lors d'une opération :

- « mobilisant des capacités militaires » pour introduire une approche matérielle, non subjective. Il faut noter que le terme de « capacités » est volontairement large : outre les matériels, il inclut également les personnels ;

- se déroulant en dehors « des eaux territoriales » (et non seulement du seul « territoire »), ceci notamment dans le cadre des opérations de police en haute mer,

- et visant « y compris la libération d'otages, l'évacuation de ressortissants ou la police en haute mer. »

Il serait ainsi parfaitement clair que les opérations du commandement des opérations spéciales (COS), notamment, ou encore celles menées dans le cadre de la lutte contre la piraterie, par exemple, entreront bien dans le champ d'application. Votre commission a adopté l'article 18 ainsi modifié .

Article 19 (art. L. 4123-11 et L.4123-12 du code de la défense).- Spécificité de l'action de combat pour les délits non intentionnels - Clarification de la portée de l'excuse pénale pour usage de la force

L'article 19 permet aussi la prise en compte des spécificités de l'action de combat pour les délits non intentionnels et explicite le champ de l'excuse pénale (« fait justificatif ») pour usage de la force créée par la loi du 24 mars 2005 portant statut général des militaires et qui figure aujourd'hui au II de l'article L. 4123-12 du code de la défense.

Le droit en vigueur

Violences non intentionnelles en opérations extérieures (1°) :

En déclinaison de la loi « Fauchon » sur les délits non intentionnels, l'article L. 4123-11 du code de la défense énonce que les militaires ne peuvent voir leur responsabilité pénale engagée comme auteurs directs d'infractions non intentionnelles commises dans l'exercice de leur fonction que s'il est établi qu'ils n'ont pas accompli les « diligences normales » de leur fonction. Ainsi la responsabilité pénale ne peut être retenue qu'au regard d'une faute qualifiée à l'appréciation du juge.

Sont notamment en cause non seulement les blessures ou la mort éventuellement infligés à des militaires français ou agissant en coalition (tirs fratricides) mais le cas échéant les « dommages collatéraux » subis par les populations civiles.

Seront cités à titre d'exemples concrets :

- la tentative de libération des deux otages français au Niger/Mali, se traduisant par le décès des otages ;

- l'assaut contre le voilier le Tanit pour libérer les otages retenus par des pirates somaliens, un otage tué ;

- la tentative de libération de l'otage Michel Germaneau, retenu au Mali et exécuté ;

- la sécurisation de l'aéroport de Bangui, 2 civils tués (indien et népalais).

Champ du « fait justificatif » pour usage de la force en opération extérieure (2°) :

À la suite des travaux de la commission Denoix de Saint Marc 75 ( * ) , la loi portant statut général des militaires de 2005 a créé un « fait justificatif 76 ( * ) » pour usage de la force. Il est apparu en effet à la commission que le cadre juridique d'usage de la force en opération extérieure ne correspondait pas aux réalités du terrain : les forces françaises sont amenées à « faire la guerre » en temps de paix, dans un cadre juridique devenu inadapté.

Le rapport Denoix de Saint Marc de 2003 sur le statut général des militaires

Le cadre juridique de l'emploi de la force en opérations extérieures est devenu mal adapté à la diversité des situations et aux nouvelles tâches auxquelles sont confrontés les militaires qui participent à ces interventions. N'étant pas précédées d'une déclaration de guerre par le Parlement, elles n'entraînent pas nécessairement l'entrée en vigueur du droit des conflits armés, lequel justifierait l'usage de la force. (...) Or, les troupes françaises mènent depuis plusieurs années des opérations extérieures en nombre croissant dans des conditions qui ont peu à voir avec celles du temps de paix.

Les règles relatives à la légitime défense et à l'état de nécessité, conçues pour une défense individuelle, sont inadaptées pour couvrir en toutes circonstances les actions collectives nécessaires pour mener à bien les missions, qu'il s'agisse par exemple de défendre un dépôt de munitions, d'interdire le franchissement d'un point de contrôle ou, a fortiori, de prendre de vive force un objectif. (...)

Les militaires ont le sentiment de se trouver ainsi dans une situation parfois inconfortable au regard de l'emploi de la force. Ils sont engagés dans des situations de crise par essence ambiguës, avec des belligérants fondus dans la population et au comportement souvent imprévisible. Les dispositifs militaires sont fréquemment clairsemés et des exécutants de rang modeste doivent donc faire preuve d'une capacité instantanée de compréhension et d'adaptation. Les militaires engagés dans ces conditions difficiles conçoivent mal de risquer des poursuites pénales alors même qu'ils n'auraient pas commis d'erreur manifeste dans l'application des règles d'engagement et que c'est l'accomplissement de leur mission qui les aurait conduits à recourir à la force au-delà des règles de légitime défense définies par le code pénal. Les mises en cause de militaires en raison de leur engagement opérationnel sont certes exceptionnelles et aucun militaire n'a, à ce jour, été condamné pour une mission légitime accomplie dans le cadre des règles d'engagement. (..) Il n'est pas concevable pour autant d'assurer aux militaires une immunité pénale généralisée qui couvrirait sans condition tous les actes accomplis en opération extérieure. Le principe d'égalité devant la loi s'y oppose et il convient en outre que le militaire demeure soumis au droit en tout temps et en tout lieu. Il paraîtrait en revanche opportun d'édicter des dispositions législatives qui confèrent aux opérations extérieures un cadre juridique en rapport avec les conditions effectives d'emploi des armées.

C'est sur le fondement de ce constat très lucide qu'ont été adoptées -à l'issue d'un vote conforme des deux assemblées- et dans les termes proposés par la Commission de révision du statut général, les dispositions du II de l'article 17 du projet de loi de 2005, figurant aujourd'hui à l'article L. 4123-12 du code de la défense, qui dispose que « n'est pas pénalement responsable le militaire qui, dans le respect des règles du droit international et dans le cadre d'une opération militaire se déroulant à l'extérieur du territoire français, exerce des mesures de coercition ou fait usage de la force armée, ou en donne l'ordre, lorsque cela est nécessaire à l'accomplissement de sa mission ».

La modification proposée

- Appréciation des « diligences normales » en opération (1°)

Les infractions involontaires ne sont guère adaptées aux opérations de combat. Visant initialement le respect d'une obligation de résultat en termes de sécurité des travailleurs, ou de sécurisation des activités quotidiennes, cette catégorie se prête mal aux activités « extraordinaires » que sont les actions de combat.

Les décisions intervenant dans le cadre d'opérations militaires sont en effet prises dans un contexte de grande urgence et d'extrême complexité, compte tenu de la difficulté à apprécier les risques liés à l'adversaire.

L'article 19 du projet de loi prévoit donc que la responsabilité pénale des militaires ne peut être engagée pour des faits de violences involontaires qu'après prise en compte par la justice pénale d'un certain nombre de circonstances révélatrices des difficultés propres à l'action militaire. Ainsi, le juge devra tenir compte de l'urgence dans laquelle la mission est exercée, des informations dont disposaient les militaires au moment de l'évènement et des circonstances spécifiques de l'action de combat.

La rédaction du projet de loi permet de marquer, au sein d'une activité militaire qui n'est déjà pas une profession comme une autre lorsqu'elle se déroule en temps de paix, la spécificité irréductible de l'action de combat.

L'intensité des risques liés à l'action de combat sera ainsi intégrée à l'évaluation de la responsabilité pénale des militaires qui y sont engagés, qu'ils la préparent, la commandent ou y participent.

- Précision du champ du « fait justificatif » pour usage de la force en opération extérieure (2°)

Le projet de loi vise à lever toute ambiguïté sur le fait que cette excuse pénale s'applique non seulement pour les « OPEX » (Harmattan en Libye, Serval au Mali etc...) aussi pour des interventions militaires plus ponctuelles de type libération d'otages , évacuation de ressortissants ou police en haute mer , en accolant aux termes « opération militaire » les mots : « quel que soit son objet, sa durée ou son ampleur ».

La position de votre commission

(1°) Appréciation des « diligences normales » en opération

Certains font observer que d'autres professions sont confrontées à des difficultés opérationnelles du fait de la judiciarisation croissante (médecins, forces de l'ordre, enseignants, élus locaux...) et qu'elles n'ont pas pour autant été protégées de toute mise en cause sur le terrain des violences involontaires. Cependant, votre commission soutient le gouvernement lorsqu'il affirme qu'il n'existe pas d'autre profession où la mise en danger de la vie soit à ce point inhérente à l'exercice des missions. C'est là une spécificité qui justifie pleinement les dispositions envisagées.

En complément de la modification législative, bienvenue, opéré par le projet de loi, votre commission ne peut que rappeler la nécessité de faire des efforts pour permettre au monde judiciaire et aux forces armées de mieux connaître leurs contraintes respectives et de mieux appréhender les conditions de leur action.

Ainsi, en matière de formation des magistrats, il va de soi que la spécialisation du contentieux est un gage de bonne prise en compte par les juges des nécessités de l'action, d'autant plus que le plus petit nombre de magistrats potentiellement concernés par ce contentieux permet de mener, le cas échéant, des actions d'immersion ciblée dans les forces armées (comme celles organisées ponctuellement en Afghanistan et à Djibouti), mettant ainsi les magistrats « en situation ». Plus généralement, il existe désormais un module de formation en matière de justice militaire à l'École nationale de la magistrature, afin de sensibiliser les futurs parquetiers et juges d'instruction, au titre de la préparation aux premières fonctions. Au titre de la formation continue des magistrats , sont proposés des stages collectifs « Le militaire et le doit » ou encore « Marine nationale et action de l'État en mer », ayant chacun une douzaine d'inscrits chaque année.

Au 1°, votre commission vous propose un amendement de clarification rédactionnelle (suppression d'un « notamment » au bénéfice d'un « en particulier »).

- Précision du champ du « fait justificatif » pour usage de la force en opération extérieure (2°)

Afin que l'article 19 atteigne réellement son objet, votre commission propose de clarifier et préciser la rédaction. Faute de quoi, la trop grande marge d'appréciation laissée au juge quant aux faits couverts pourrait donner lieu à une jurisprudence restrictive, contraire à l'intention du législateur.

Le texte du II de l'art L 4132-12 du code de la défense deviendrait ainsi (les ajouts proposés apparaissent en italique) : « N'est pas pénalement responsable le militaire qui, dans le respect des règles du droit international et dans le cadre d'une opération mobilisant des capacités militaires , se déroulant à l'extérieur du territoire français ou des eaux territoriales , quels que soient son objet, sa durée ou son ampleur, y compris la libération d'otages, l'évacuation de ressortissants ou la police en haute mer, exerce des mesures de coercition ou fait usage de la force armée, ou en donne l'ordre, lorsque cela est nécessaire à l'exercice de sa mission. »

Votre commission a adopté l'article 19 ainsi modifié.

Article 20 (art L. 211-5 et L. 211-22 du code de justice militaire et art. 698-5 du code de procédure pénale) - Conséquences de la suppression du Tribunal aux Armées de Paris

L'article 20 procède à des corrections techniques de certaines dispositions du code de justice militaire afin de tenir compte de la suppression du Tribunal aux armées de Paris par la loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles.

Le droit en vigueur

Clemenceau estimait que « la justice militaire est à la justice ce que la musique militaire est à la musique » ! De fait, par vagues successives, la justice militaire n'a cessé de perdre ses spécificités pour se rapprocher de plus en plus du droit commun.

Cette évolution de fond a été impulsée par plusieurs lois, dont celle du 8 juillet 1965 portant institution du code de justice militaire, mais surtout celle de 1982 77 ( * ) qui a supprimé, pour le temps de paix, les tribunaux permanents des forces armées et a chargé des chambres spécialisées des juridictions de droit commun d'instruire et de juger, en appliquant désormais le code de procédure pénale, les infractions commises sur le territoire national.

La loi de 1999 portant réforme du code de justice militaire et du code de procédure pénale 78 ( * ) , la loi de 2005 portant statut général des militaires et la loi de décembre 2011 79 ( * ) supprimant le tribunal aux armées de Paris n'ont fait que poursuivre ce mouvement de rapprochement du droit pénal militaire et du droit pénal général.

A l'occasion de l'examen du présent projet de loi, votre commission a demandé au gouvernement un bilan d'application de la loi ayant supprimé le Tribunal aux armées de Paris, d'où il ressort un niveau d'activité comparable pour le TGI de Paris ayant repris ses attributions :

Source : ministère de la défense

Les modifications proposées par le projet de loi

L'article 20 du projet de loi a un objet limité : il s'agit de procéder à des corrections purement techniques de certaines dispositions du code de justice militaire afin de tenir compte de la suppression du Tribunal aux armées de Paris par la loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles.

Le texte consiste à :

- modifier l'article L. 211-5 du code de justice militaire afin de remplacer les termes de « juridictions des forces armées » par « juridictions spécialisées en matière militaire » ;

- modifier l'article L. 211-22 du code de justice militaire afin de remplacer les termes de « tribunal aux armées » par « juridiction de Paris spécialisée en matière militaire » ;

- modifier l'article 698-5 du code de procédure pénale pour ajouter la référence à l'article L. 211-24 du code de justice militaire.

Cette disposition permet de rendre applicable l'article L. 211-24 du code de justice militaire à la procédure suivie par les juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire pour les faits commis sur le territoire national. Cette disposition rappelle qu'en cas de réouverture d'une information pour charges nouvelles, l'avis du ministre de la défense doit être à nouveau sollicité.

La position de votre commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 21  (art. 697 du code de procédure pénale) - Spécialisation des juridictions en charge des affaires pénales concernant les militaires

L'article 21 permet une concentration accrue, sur le territoire national, du contentieux pénal concernant les militaires (hors OPEX) dans les juridictions de droit commun spécialisées.

Le droit en vigueur

Il est question ici des affaires pénales militaires relatives à des faits se déroulant sur le territoire national (le contentieux des OPEX étant, comme cela a été vu, centralisé auprès du TGI de Paris) pour des actes impliquant des militaires dans l'exercice de leurs fonctions (hors exercice de leurs fonctions, les militaires ressortissent des tribunaux de droit commun).

La suppression, en 1982, des tribunaux permanents des forces armées sur le territoire national a conduit au transfert de leur contentieux aux juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire (JDCS) à raison d'une par ressort de cour d'appel.

Le format des armées, les lieux d'implantation des unités et le nombre de dossiers à traiter ont considérablement évolué depuis cette date. Il en résulte une insuffisante spécialisation du traitement des affaires pénales militaires : le nombre trop important de juridictions spécialisées par rapport au nombre d'affaires à traiter a conduit à diluer la spécialisation.

De fait, les 33 juridictions compétentes (cf. carte ci-après) ont des niveaux d'activité très sensiblement différents (cf. graphique ci-après) :

Source : ministère de la défense

Sur 33 JDCS, la moitié a traité en 2012 moins de 50 affaires, (dont 7 moins 20 dossiers ou moins). Seuls Marseille, Metz, Besançon et Nîmes ont traité plus de 200 dossiers.

L'exposé des motifs du projet de loi indique en outre que sur les sept juridictions n'ayant procédé à aucune poursuite en 2010, trois d'entre elles étaient pourtant saisies de 30 affaires environ et deux autres de plus de 50...

Ces chiffres montrent qu'il existe une marge de progression en termes de répartition du contentieux et de spécialisation des magistrats.

Aboutie pour ce qui concerne les opérations se déroulant en dehors du territoire national, dont le contentieux est confié au TGI de Paris, la spécialisation est moindre pour le contentieux des faits commis par les militaires sur le territoire national dans le cadre de leur service, réparti sur l'ensemble des cours d'appel. Cette réorganisation permettra d'accroître la spécialisation des magistrats (et des greffiers militaires qui les assistent) en concentrant l'activité de ceux-ci sur leur coeur de métier, à savoir le droit pénal applicable aux militaires.

Les modifications proposées

Le projet de loi permet d'accroître la spécialisation, en permettant de de concentrer le traitement des affaires pénales au-delà de ce qui est prévu actuellement (passer de une JDCS par ressort de cour d'appel à une JDCS par ressort d'une ou plusieurs cours d'appel).

Cette réforme de la carte judiciaire devrait ainsi donner naissance à des pôles interrégionaux spécialisés en matière militaire.

Il ne s'agit pas de création de nouvelles juridictions mais du transfert de compétences, pour l'instruction et le jugement, du contentieux des affaires pénales militaires vers une juridiction à choisir parmi les actuelles juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire. Sa compétence territoriale serait alors élargie.

Bien que les décisions ne soient pas encore prises, la future carte judiciaire pourrait correspondre au découpage actuel des juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) - qui traitent d'autres types de contentieux spécialisés 80 ( * ) -.

Sous réserve du cas de l'outre-mer (encore à l'étude)  les regroupements suivants pourraient être opérés dans l'hexagone :

- un pôle implanté sur la circonscription territoriale de la JIRS de PARIS rassemblant les actuelles juridictions spécialisées des TGI de PARIS, VERSAILLES, ORLEANS, BOURGES ;

- un pôle implanté sur la circonscription territoriale de la JIRS de LILLE rassemblant les actuelles juridictions spécialisées des TGI de LILLE, AMIENS, ROUEN, REIMS ;

- un pôle implanté sur la circonscription territoriale de la JIRS de NANCY rassemblant les actuelles juridictions spécialisées des TGI de NANCY, METZ, STRASBOURG, DIJON, BESANCON ;

- un pôle implanté sur la circonscription territoriale de la JIRS de LYON rassemblant les actuelles juridictions spécialisées des TGI de LYON, CHAMBERY, GRENOBLE, CLERMONT-FERRAND ;

- un pôle implanté sur la circonscription territoriale de la JIRS de MARSEILLE rassemblant les actuelles juridictions spécialisées des TGI de MARSEILLE, NIMES, MONTPELLIER, BASTIA ;

- un pôle implanté sur la circonscription territoriale de la JIRS de BORDEAUX rassemblant les actuelles juridictions spécialisées des TGI de BORDEAUX, PAU, AGEN, TOULOUSE, LIMOGES ;

- un pôle implanté sur la circonscription territoriale de la JIRS de RENNES rassemblant les actuelles juridictions spécialisées des TGI de RENNES, POITIERS, LE MANS, CAEN.

Cette réforme n'emporterait ni création de postes ni création de parquets spécialisés, puisque les juridictions existantes sont simplement redéployées pour mieux correspondre aux lieux d'implantation des armées et garantir une véritable spécialisation du traitement des procédures pénales militaires.

La position de votre commission

Votre commission avait envisagé dès 2011 un regroupement des juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire au sein de quelques pôles « Affaires militaires ». L'idée était alors de constituer deux ou trois pôles spécialisés :

« Ces pôles, dont le nombre serait plus réduit qu'aujourd'hui, de l'ordre de deux ou trois , auraient à connaître des infractions militaires et des crimes et des délits commis par les militaires dans l'exercice du service, soit en fonction d'un critère géographique (par exemple, Paris, Marseille, Brest et éventuellement Metz), soit d'autres critères (les affaires maritimes et concernant la Légion étrangère étant traitées par exemple à Marseille, les autres à Paris). Le pôle du Tribunal de Grande instance de Paris aurait également compétence pour connaître les infractions de toute nature commises par les militaires hors du territoire national. »

Toutefois, à l'époque la réflexion n'était pas totalement aboutie : certains faisaient valoir qu'un tel regroupement poserait la question de la proximité avec le justiciable militaire. Il aurait pour effet de contraindre les militaires devant être jugés à effectuer de longs déplacements, parfois de plusieurs centaines de kilomètres. Cet éloignement du justiciable (qu'il soit auteur ou victime) poserait des difficultés en matière de contacts avec le conseil du militaire, qui s'il est proche de la juridiction sera éloigné de son client et inversement. Cette situation pouvait avoir des conséquences non négligeables sur le fonctionnement de l'institution militaire, faisait-on valoir, en raison de l'indisponibilité d'au moins une journée pour chaque acte que nécessitera le traitement judiciaire d'une affaire.

En 2011, votre commission souhaitait que la réflexion soit poursuivie : elle ne peut que se féliciter aujourd'hui que cela ait été le cas et que le gouvernement envisage aujourd'hui une telle concentration du contentieux.

Votre commission a par ailleurs interrogé le gouvernement sur les conséquences éventuelles de cette réforme sur le corps des greffiers militaires , qui assurent un lien très utile entre les mondes de la justice et de la défense. La réponse obtenue est plutôt rassurante : « s'il est effectivement prévu de diminuer le nombre de greffiers militaires grâce à cette concentration du contentieux, il n'est pas question de supprimer ces corps », indique la réponse écrite. Plus précisément, il serait prévu, d'après les informations communiquées à votre commission, de passer de 35 greffiers militaires affectés au sein des juridictions de droit commun spécialisée en matière militaire 81 ( * ) à 30 greffiers militaires (8 officiers et 22 sous-officiers) dans les futurs pôles interrégionaux.

Entendus en audition, des représentants du ministère de la défense ont confirmé que, certes dans une logique globale de rationalisation et de resserrement, des recrutements seraient toutefois ouverts à l'avenir afin d'assurer le renouvellement du corps.

Enfin, votre commission se réjouit de ce que cette réforme de l'organisation judiciaire s'accompagne, parallèlement, d'une réforme de la prévôté 82 ( * ) (création d'un commandement de la gendarmerie prévôtale spécifique et rattachement des formations prévôtales à ce nouveau commandement, pour mieux répondre aux particularités et à la diversité des contentieux survenant sur les théâtres d'opérations extérieures) .

Votre commission a adopté cet article sans modification.

CHAPITRE V - DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES HUMAINES

SECTION 1 - DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROTECTION JURIDIQUE

Article 22 - Extension de la protection fonctionnelle aux ayants-droit des militaires décédés en opérations et à certains personnels civils

L'article 22, isolé, a pour objet d'étendre aux ayants droit des militaires décédés à raison de leurs fonctions la protection fonctionnelle (prise en charge par la collectivité publique des frais de justice engagés pour mettre en cause la responsabilité pénale de l'auteur des violences). Le même article crée un dispositif spécifique pour les ayants droit de certains agents civils du ministère de la défense particulièrement exposés.

Le droit en vigueur

La « protection fonctionnelle », autrement appelée « protection juridique », est la protection, par la puissance publique, de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, en cas de mise en cause par des tiers. Ce soutien institutionnel exprime un rapport de solidarité entre l'agent et son administration, et ce dans l'intérêt du service.

La protection fonctionnelle : définition

La protection fonctionnelle a pour objet de protéger les agents de l'État, civils ou militaires, des collectivités territoriales et des établissements hospitaliers, contre les violences, voies de faits, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui a pu en résulter. Elle permet également de protéger tout agent pénalement poursuivi pour des faits qui n'ont pas le caractère de faute personnelle.

Cette protection juridique traduit la volonté des collectivités publiques de défendre leurs collaborateurs attaqués du fait de leurs fonctions et de réparer le tort qui a pu leur être causé. Les agents publics, en raison de la nature de leur action, peuvent voir mise en cause leur responsabilité juridique. À travers eux, c'est, en réalité, souvent l'État, ou la collectivité publique au sein de laquelle ils exercent leurs fonctions, qui est visé. C'est donc dans le but de ne pas laisser les fonctionnaires se défendre seuls et pour préserver la continuité et le bon fonctionnement du service public que le principe de leur protection statutaire a été instauré par le législateur

La protection fonctionnelle se manifeste concrètement, suivant les cas, par la prise en charge des honoraires d'avocat, par la mise à disposition de conseils, par un soutien psychologique ou médical... Une fois la protection juridique accordée dans son principe, il revient à l'administration, dans chaque cas d'espèce et sous le contrôle du juge, de la mettre en oeuvre, sous de multiples formes, pour faire cesser les attaques, réparer les préjudices subis ou, tout simplement, assister matériellement et moralement l'agent.

Ce principe, qui s'est vu reconnaître par la jurisprudence le statut de principe général du droit de la fonction publique, figure dans le statut général des fonctionnaires (article 11 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983).

L'article 25 du projet de loi n° 1278 relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires adopté au conseil des ministres du 17 juillet 2013 prévoit notamment de renforcer la protection fonctionnelle dont peuvent bénéficier les agents à l'occasion des attaques dont ils sont victimes dans l'exercice de leurs fonctions et de l'étendre à leurs ayants-droit.

L' article 25 réécrit l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires relatif à la protection fonctionnelle des agents publics afin de clarifier, d'une part, les droits du fonctionnaire mis en cause, et d'autre part, ceux du fonctionnaire victime et de ses ayant-droits.

La nouvelle rédaction introduit les notions d'atteinte volontaire à la vie et d'atteinte volontaire à l'intégrité de la personne qui, désormais, pourront être mobilisées par l'administration pour fonder l'octroi de la protection dans un certain nombre d'hypothèses. Le bénéfice de la protection est également reconnu lorsque le fonctionnaire est victime d'agissements constitutifs de harcèlement, sexuel ou moral. De même, lorsqu'un agent est entendu en qualité de témoin assisté, placé en garde à vue ou se voit proposer une mesure de composition pénale dans des cas où les faits conduisant à de tels actes de procédure pénale n'ont pas le caractère d'une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions, il est prévu que la protection fonctionnelle lui soit accordée.

Sont bénéficiaires de la protection fonctionnelle prévue par le statut des fonctionnaires :

- tous les agents publics (fonctionnaires et non titulaires des administrations de l'État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics à caractère administratif ainsi qu'aux intérimaires) et ce, quelle que soit leur position statutaire lorsqu'ils formulent leur demande (sont donc visés les personnels retraités, au titre des faits survenus durant la période où ils étaient en activité) ;

- les familles de certaines catégories d'agents, du fait de la nature particulière de leurs fonctions.

Ce projet de loi ne s'applique pas à des agents relevant d'autres dispositifs législatifs. En effet, plusieurs dispositions ont consacré le bénéfice de la protection des agents qui ne sont pas soumis au statut général de la fonction publique. Tel est le cas :

- des magistrats (article 11 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) ;

- des militaires (la protection juridique trouve son fondement dans les dispositions de l'article L.4123-10 du code de la défense) ;

- de certaines catégories de militaires ainsi que leurs ayants-droit (article L.113-1 du code de la sécurité intérieure).

Ces divers textes n'offrent pas exactement les mêmes garanties ni aux agents ni surtout à leurs ayant-droits, ce qui n'est pas toujours très compréhensible.

S'agissant des militaires, des différences existent entre les gendarmes (dont les familles bénéficient d'un régime plus protecteur) et les autres militaires.

Les modifications proposées

Le 1° de l'article 22 vient ajouter les concubins de militaires et partenaires de pacte civil de solidarité, aux côtés des conjoints, au titre des bénéficiaires de la protection fonctionnelle pour les attaques dont ils sont victimes du fait de la profession de ces derniers (comme c'est le cas par exemple pour l'administration pénitentiaire) ;

Le 2° de l'article 22 vient accorder aux ayants droit des militaires un avantage que les ayants droit de certaines autres professions à risque (en charge de la sécurité intérieure) avaient déjà obtenu en 2003 et que le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires présenté au conseil des ministres du 17 juillet 2013 prévoit d'étendre aux ayants droit des fonctionnaires civils.

Il s'agit de prévoir que : " Le conjoint, concubin ou partenaire de pacte civil de solidarité, à défaut, les enfants agissant conjointement, et, à défaut, les ascendants agissant conjointement du militaire victime d'une atteinte volontaire à sa vie du fait de ses fonctions mais hors le cas d'une action de combat bénéficient également de la protection de l'État pour les instances qu'ils décideraient d'engager contre l'auteur de l'atteinte ".

Un décret d'application viendra définir les conditions et modalités financières d'octroi de cette protection et instaurer un mécanisme qui concilie les exigences des règles de la profession d'avocat, en particulier celle du libre choix du conseil par le bénéficiaire de la protection fonctionnelle, avec le principe de bonne utilisation des deniers publics et celui d'égalité (instauration d'un plafonnement de la prise en charge, par exemple).

La position de votre commission

Cette disposition législative trouvera à s'appliquer dans trois dossiers particulièrement sensibles, tels que les affaires relatives aux demandes de protection juridique présentées par les ayants-droit des victimes décédés à la suite des attaques terroristes de Karachi, de Montauban et de Toulouse (trois militaires victimes de M. Mérah) ou les ayants-droit des militaires de l'armée de terre récemment tués en Guyane, dans le cadre d'une opération de lutte contre l'orpaillage illégal.

Elle pourrait par ailleurs s'appliquer dans un certain nombre d'hypothèses dans lesquelles le militaire décède du fait de ses fonctions, victime d'un acte volontaire d'atteinte à sa vie. Les actes de terrorisme illustrent malheureusement ce type de situation. Tel aurait été le cas si le militaire en patrouille Vigipirate, agressé le 25 mai 2013 dans le quartier de la Défense à Paris, était décédé des suites de cette agression. Les ayants-droit de ce militaire auraient pu alors demander le bénéfice de cette disposition législative.

Dispositions relatives aux ayants-droit des militaires victimes

On peut s'interroger : une telle extension de la protection fonctionnelle ne risque-t-elle pas d'alimenter la tendance à la judiciarisation contre laquelle le projet de loi lutte par ailleurs ?

Votre commission estime que trois limitations justifiées viennent encadrer la mise en oeuvre de cette nouvelle protection juridique :

- D'abord, les bénéficiaires étant limitativement énumérés par un ordre de priorité bien établi (conjoint, concubin ou partenaire, d'abord, puis enfants ensuite et enfin ascendants), cela devrait permettre de ne pas entretenir (sur denier publics) le phénomène de "judiciarisation" ;

- Il convient de noter ensuite que la protection juridique ne sera accordée que si le militaire est victime d'une atteinte volontaire à sa vie . Le projet de loi reprend ici à son compte la jurisprudence du Conseil d'État « Afflard » du 9 mai 2005. Dans cette décision, qui concernait l'application de l'article L. 113-1 du code de la sécurité intérieure, le Conseil d'État a souligné que la notion « d'attaques » emportait l'idée d'action délibérée. Ne sont donc absolument pas concernés les cas de violences involontaires. Il n'est évidemment pas question de remettre en cause le principe même de l'existence d'une responsabilité pénale pour des faits non volontaires mais le gouvernement estime -à bon droit- que l'État ne doit pas alimenter financièrement la recherche d'une telle responsabilité. Seules les instances dirigées contre les auteurs d'un homicide volontaire pourront donc être prises en charge financièrement par l'État sur le terrain de la protection fonctionnelle.

- Enfin, et c'est là une particularité propre aux seuls militaires, est également exclu le cas de la mort au combat . Là encore, le gouvernement a entendu, dans la rédaction, exclure que le militaire mort au combat (en opération extérieure) puisse être juridiquement regardé a priori comme la victime d'une infraction.

Pour les ayants-droit de certains agents civils du ministère de la défense

Votre commission s'est interrogée sur l'insertion, dans le projet de loi, d'une disposition propre aux ayants-droit de certains agents civils du ministère de la défense, dans la mesure où ces derniers sont susceptibles d'être couverts par le dispositif de droit commun prévu par l'article 11 de la loi du 13 janvier 1983 présenté ci-dessus.

Le projet de loi insère en effet, « par précaution 83 ( * ) », une disposition spécifique aux ayants-droit de certains agents civils. La protection fonctionnelle serait " également accordée aux ayants droits de l'agent civil relevant du ministère de la défense victime à l'étranger d'une atteinte volontaire à sa vie du fait de sa participation à une mission de soutien à l'exportation de matériels de défense ".

Cette disposition permet de répondre à la volonté exprimée par le Président de la République à l'occasion de la journée nationale d'hommage aux victimes d'actes de terrorisme du 19 septembre 2012, que les familles des ouvriers d'État tués dans l'attentat de Karachi du 8 mai 2002 puissent également bénéficier de la prise en charge par l'État des frais de justice qu'ils ont engagés dans les procédures judiciaires initiées à la suite de l'attentat. S'il est adopté dans sa rédaction présentée en conseil des ministres le 17 juillet 2013, le projet de loi relatif à la fonction publique, qui modifiera notamment l'article 11 de la loi du 13 janvier 1983, ne permettra pas en effet d'accorder la protection juridique du ministère de la défense pour des faits passés et donc pour l'attentat de Karachi. C'est la raison pour laquelle une disposition spécifique a été insérée dans la loi de programmation militaire.

Les victimes de l'attentat de Karachi le 8 mai 2002

Le mercredi 8 mai 2002, à Karachi, un attentat-suicide provoque la mort de quatorze personnes dont onze employés et sous-traitants français de la direction des constructions navales (DCN), travaillant, directement ou en sous-traitance pour la direction des chantiers navals (DCN), à la construction d'un sous-marin pour la marine pakistanaise. Un contrat de construction et de vente de trois sous-marins à propulsion classique avait été signé entre la DCN et le Pakistan le 21 septembre 1994 et la DCN travaillait, au moment de l'attentat, à la construction du deuxième, sur place, au Pakistan. Cet attentat blesse également douze autres personnes.

- Sur le plan financier, dans la mesure où les cas d'octroi de la protection juridique dans de telles hypothèses, particulièrement graves pour la vie d'un agent civil ou militaire du ministère de la défense, seront, a priori, extrêmement rares, il n'a pas été possible au ministère de la défense d'indiquer de montant précis, outre la mention d'un coût « marginal ». Les montants accordés seront plafonnés. Ces dépenses s'imputeront sur le programme 212 « Soutien de la politique de défense » - action 11 « Pilotage, soutien et communication ».

Votre commission a adopté cet article sans modification.

SECTION 2 - DISPOSITIONS RELATIVES À LA GESTION DES PERSONNELS DE LA DÉFENSE

Article 23 - La pension afférente au grade supérieur

L'article 23 crée un dispositif qui concerne les colonels, lieutenants-colonels, commandants, capitaines, adjudants-chefs et adjudants de carrière titulaires d'un droit à pension à jouissance immédiate alors qu'ils se trouvent à plus de cinq ans de la limite d'âge de leur grade.

Le dispositif vise à permettre à cette population de quitter l'institution militaire en échange d'une pension revalorisée.

Le code des pensions civiles et militaires prévoit que les personnels des armées peuvent percevoir une pension s'ils quittent les armées après un nombre d'années de service minimal sans pour autant atteindre l'âge légal de départ à la retraite.

Cette possibilité dont disposent les militaires de quitter le métier des armes encore jeunes répond, en effet, à une triple problématique :

- une problématique de gestion des effectifs et des carrières en vue de maintenir un taux de renouvellement suffisant afin de préserver l'indispensable jeunesse des unités militaires ;

- une problématique de reconversion en permettant à ces militaires effectuant des carrières courtes de réaliser leur reconversion ;

- une problématique de condition militaire, en instituant des contreparties aux contraintes liées à l'état militaire (disponibilité, subordination, discipline, pénibilité,...). La pension militaire est donc au coeur du dispositif de réduction des effectifs car la gestion des flux est la seule garantie de la réalisation du contrat opérationnel.

Sont attribués, en contrepartie de la mise en retraite des militaires en surnombre, des avantages exorbitants du droit commun tels que des bonifications de service visant à reconnaître les périodes d'activités spécifiques, telles que les opérations extérieures, et qui se caractérisent par un accroissement du montant de la pension perçue par les intéressés.

Dans le contexte actuel de déflation des effectifs, la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a augmenté la limite d'âge des grades de deux ans, a encouragé les militaires de carrière à demeurer dans l'institution jusqu'à la limite d'âge pour maximiser le niveau de leur pension : un mouvement contraire à celui souhaité par la précédente LPM et conduisant à un repyramidage des effectifs évoqué dans l'exposé général.

Dans ce contexte, la pension afférente au grade supérieur (PAGS) prévue par le présent article consiste à offrir la possibilité aux colonels, lieutenants-colonels, commandants, capitaines, adjudants-chefs et adjudants de carrière de quitter l'institution militaire de façon prématurée en échange d'une pension à liquidation immédiate revalorisée.

Le I de cet article prévoit que : « Les officiers de carrière servant dans les grades de colonel, de lieutenant-colonel, de commandant, de capitaine ou dans un grade équivalent et les sous-officiers de carrière servant dans les grades d'adjudant-chef, d'adjudant ou dans un grade équivalent qui ont accompli, à la date de leur radiation des cadres, survenue entre le 1 er janvier 2014 et le 31 décembre 2019, la durée de services effectifs prévue respectivement au 1° ou au 2° du II de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite et qui se trouvent à plus de cinq ans de la limite d'âge applicable à leur grade avant l'entrée en vigueur de la présente loi peuvent, sur demande agréée par le ministre de la défense, bénéficier de la liquidation immédiate d'une pension ».

Cette mesure sera en conséquence effective pendant 6 ans, de 2014 à 2019, afin d'inciter les populations visées à bénéficier d'un dispositif qu'elles sauront, par avance, temporaire.

Pour pouvoir bénéficier de cette PAGS, il convient :

- d'être militaire de carrière ;

- d'avoir un grade de colonel, de lieutenant-colonel, de commandant, de capitaine, d'adjudant-chef ou d'adjudant ;

- d'avoir une ancienneté de service supérieure ou égale à celle exigée pour la liquidation immédiate de la pension par le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- d'avoir été promu dans son grade depuis au moins cinq ans ;

- d'avoir un âge inférieur à la limite d'âge du grade diminuée de cinq années.

S'ils réunissent ces conditions, les militaires de carrière concernés pourraient alors, sur demande agréée par l'administration, bénéficier de la PAGS.

Le II de cet article prévoit que « le montant de la pension est calculé en multipliant le pourcentage de liquidation tel qu'il résulte de l'application de l'article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite par la solde afférente à l'indice correspondant à l'échelon unique, pour les colonels, au deuxième échelon, pour les autres officiers, ou au troisième échelon, pour les sous-officiers, du grade immédiatement supérieur au grade détenu, depuis cinq ans au moins, par l'intéressé » 84 ( * ) .

Cette disposition permet, tout à la fois, aux militaires de bénéficier d'une pension revalorisée par rapport à celle qu'ils auraient perçue en quittant présentement l'institution, et au ministère de la défense de réaliser des économies de masse salariale.

En effet, la pension perçue par le militaire demeure inférieure à sa solde, du fait de la non-prise en compte des primes et indemnités dans la pension et du différentiel existant entre la pension et la solde de base à partir de laquelle elle est calculée. Cette différence explique l'économie budgétaire immédiate réalisée par le ministère de la défense.

Le dispositif proposé vise à déroger aux règles de droit commun définies dans la partie législative du code des pensions civiles et militaires de retraite puisqu'il permet de bénéficier d'une pension calculée sur la solde afférente au grade immédiatement supérieur au grade détenu par l'intéressé.

L'étude d'impact de la loi synthèse qui procède à une estimation du résultat de cette mesure, calculée par grade et par ancienneté de services, est fournie dans le tableau suivant :

Pension moyenne actuelle

Colonel

37 179 €

Lieutenant-Colonel

30 909 €

Commandant

26 612 €

Capitaine

22 477 €

Adjudant-Chef

16 344 €

Adjudant

12 075 €

Pension Majorée au Grade Supérieur

Condition d'âge

Condition
d'ancienneté

Colonel

49 563 €

< 53

27

Lieutenant-Colonel

39 161 €

< 53

27

Commandant

33 605 €

< 53

27

Capitaine

29 249 €

< 53

27

Adjudant-Chef

22 003 €

< 52

17

Adjudant

20 581 €

< 46

17

A titre d'illustration, selon l'estimation fournie, comparativement à la situation actuelle, la pension afférente au grade supérieur correspondrait à une revalorisation des pensions des colonels de plus de 25%.

Ce dispositif constituerait également un dispositif financièrement favorable pour l'Etat.

En effet, s'il verse une pension plus élevée à l'intéressé jusqu'à son décès, il économise le versement de sa solde jusqu'à la limite d'âge de son grade. L'économie porte également sur les cotisations sociales « employeurs » et des crédits de fonctionnement liés à l'emploi d'un militaire.

L'économie globale nette a été estimée en tenant compte de ce ciblage et en considérant qu'annuellement un peu plus de 500 militaires (parmi les 21 000 potentiels bénéficiaires du dispositif) demanderaient à recourir à ce nouveau dispositif de départ à 10,8 M€ la première année (en année pleine). Les gains sont d'autant plus accentués que les contingentements visent le grade cible de la mesure, à savoir les lieutenants-colonels.

L'objectif étant de diminuer le nombre de colonels, de lieutenants-colonels, de commandants, de capitaines, d'adjudants-chefs et d'adjudants, des contingentements par grade devront être établis afin de cibler effectivement et efficacement les militaires qu'il est judicieux, pour le ministère de la défense, d'inciter à quitter l'institution.

D'après les informations communiquées à votre rapporteur, les prévisions de contingents d'attribution pour la PAGS sur la période 2014-2019 seraient les suivantes :

Annuité

2014

2015

2016

2017

2018

2019

PAGS OFF

200

280

280

280

280

280

COL

30

42

42

42

42

42

LCL

70

98

98

98

98

98

CDT

40

56

56

56

56

56

CNE

60

84

84

84

84

84

PAGS S/OFF

200

300

300

300

300

300

ADC

70

105

105

105

105

105

ADJ

130

195

195

195

195

195

TOTAL PAGS

400

580

580

580

580

580

Le III de cet article prévoit que «  Le bénéficiaire de la pension qui reprend une activité dans un organisme mentionné à l'article L. 86-1 du code des pensions civiles et militaires de retraite perd le bénéfice de cette pension à compter du premier jour du mois au cours duquel débute cette activité » et que « La pension prévue au présent article est exclusive du bénéfice des dispositifs d'incitation au départ prévus par les articles 24 et 25 de la présente loi ainsi que du bénéfice de la disponibilité prévue à l'article L. 4139-9 du code de la défense »

Autrement dit, la pension afférente au grade supérieur sera exclusive d'un emploi public. Le bénéfice de cette pension sera supprimé si le militaire reprend un emploi, comme fonctionnaire ou contractuel, dans tout organisme public.

Ce dispositif sera également exclusif des autres mesures temporaires d'incitation au départ (pécule d'incitation à une seconde carrière, promotion fonctionnelle...) durant la période 2014-2019.

Le IV de cet article prévoit que « Chaque année, un arrêté conjoint du ministre de la défense, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget détermine le nombre de militaires, par grade et par corps, pouvant bénéficier des dispositions du présent article ».

Le dispositif sera donc contingenté et piloté par grade et par corps conformément au tableau indicatif ci-avant.

Bien qu'à contrecourant de la réforme des retraites qui a reporté l'âge de la retraite, cette mesure semble justifiée par les objectifs ambitieux fixés en matière de déflation, notamment pour les officiers.

Cette mesure a été préférée à une harmonisation de la possibilité d'une jouissance immédiate de la retraite à 17 ou 20 ans qui aurait sans doute eu des effets plus massifs, notamment sur les officiers.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 24 - Promotion fonctionnelle

L'article 24 fait revivre, en l'instituant par la loi, un mécanisme dit de promotion fonctionnelle ou de conditionnalat qui permet au ministère de promouvoir certains militaires dont les capacités et les compétences leur permettent d'occuper de nouvelles responsabilités mais pas d'envisager une évolution continue sur le long terme.

En contrepartie de la promotion accordée, le militaire s'engage donc à quitter les rangs de l'armée après une durée comprise entre vingt-quatre et trente-six mois, avant leur radiation des cadres ou leur admission en deuxième section.

Avant 2005, le conditionnalat constituait une pratique de gestion des effectifs qui proposait à certains militaires d'être promus au grade supérieur pour une durée déterminée d'au moins six mois en échange de leur départ au terme de cette durée avec une pension afférente à l'indice atteint dans ce nouveau grade.

Ce dispositif a permis le départ de très nombreux cadres.

Pour autant, l'engagement à quitter le service avant la limite d'âge ne reposait sur un fondement légal contestable. Il a donné lieu à quelques contentieux tranchés en dernier ressort par le Conseil d'Etat en faveur des militaires requérants.

L'article 24 propose en reprenant un dispositif similaire d'instituer le dispositif de promotion fonctionnelle. Ce dispositif permettra au ministère de la défense de dynamiser les départs de militaires tout en garantissant la préservation de compétences particulières.

Le I de cet article dispose que « Jusqu'au 31 décembre 2019, les officiers et les sous-officiers de carrière en position d'activité peuvent, sur leur demande écrite, bénéficier d'une promotion dénommée ci-après « promotion fonctionnelle », dans les conditions et pour les motifs prévus au présent article. »

Il précise que « La promotion fonctionnelle consiste, au vu de leurs mérites et de leurs compétences, à promouvoir au grade supérieur des officiers et des sous-officiers de carrière afin de leur permettre d'exercer une fonction déterminée avant leur radiation des cadres ou, s'agissant des officiers généraux, leur admission dans la deuxième section. »

Pour bénéficier d'une promotion fonctionnelle, les officiers et les sous-officiers de carrière doivent avoir acquis des droits à la liquidation de leur pension dans les conditions fixées au II de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou pouvoir bénéficier d'une solde de réserve au titre de l'article L. 51 du même code.

Il est précisé qu'un décret en Conseil d'État détermine, pour chaque grade, les conditions requises pour être promu en application du présent article. Ces conditions tiennent à l'ancienneté de l'intéressé dans le grade détenu et à l'intervalle le séparant de la limite d'âge applicable à ce grade avant l'entrée en vigueur de la présente loi.

D'après les informations communiquées à votre rapporteur, en application de ce dispositif, pourront être promus, avec leur accord préalable :

- les adjudants ou premiers maîtres ayant servi au moins sept ans dans ce grade et se trouvant à plus de sept ans de la limite d'âge applicable à ce grade ;

- les adjudants-chefs ou maîtres principaux ayant servi au moins sept ans dans ce grade et se trouvant à plus de six ans de la limite d'âge applicable à ce grade ;

- les commandants, ou les officiers d'un grade équivalent, ayant servi au moins six ans dans ce grade et se trouvant à plus de sept ans de la limite d'âge applicable à ce grade ;

- les lieutenants-colonels, ou les officiers d'un grade équivalent, ayant servi au moins six ans dans ce grade et se trouvant à plus de sept ans de la limite d'âge applicable à ce grade ;

- les colonels ou les officiers d'un grade équivalent ayant servi au moins six ans dans ce grade et se trouvant à plus de six ans de la limite d'âge applicable à ce grade ou, pour les colonels appartenant au corps des officiers de l'air, se trouvant à plus de quatre ans de la limite d'âge applicable à ce grade ;

- les médecins, pharmaciens, vétérinaires et chirurgiens-dentistes chefs des services de classe normale ayant servi au moins deux ans et six mois dans ce grade et se trouvant à plus de quatre ans de la limite d'âge applicable à ce grade ;

- les généraux de brigade et officiers généraux d'un grade équivalent ayant servi au moins deux ans et six mois dans ce grade et se trouvant à plus de quatre ans de la limite d'âge applicable au grade de colonel.

Les objectifs assignés au dispositif de promotion fonctionnelle ne concernent que certains grades de la hiérarchie militaire, sur lesquels repose la réussite de la manoeuvre de déflation des effectifs, conformément à l'objectif de ciblage de la déflation énoncé par le projet de loi. Chaque année, un arrêté interministériel fixera, par grade et par corps, le nombre d'officiers et de sous-officiers appelés à bénéficier des dispositions du présent article.

Ainsi le II de cet article dispose que «  Nul ne peut être promu en application du présent article à un grade autre que ceux d'officiers généraux s'il n'est inscrit sur un tableau d'avancement spécial établi, au moins une fois par an, par corps. »

D'après l'étude d'impact, ce nombre ne pourra excéder, par corps et par grade, le tiers, arrondi à l'unité supérieure, du nombre d'officiers ou de sous-officiers inscrits aux tableaux d'avancement.

Les premières promotions devraient concerner le tableau d'avancement 2015. Les derniers départs s'opéreront en 2022 (promotion en 2019 pour 3 ans).

Délimité dans le temps, la promotion fonctionnelle ayant vocation à être appliquée au cours de la période 2014-2019, ce dispositif devrait contribuer à l'effort de dépyramidage tendant à réduire le pourcentage d'officiers dans la population à statut militaire.

Ce dispositif exigera un travail d'identification des postes susceptibles de recevoir un candidat à la promotion fonctionnelle.

La clause de revoyure permettra d'en mesurer l'efficacité.

Votre rapporteur s'est interrogé sur le fait de savoir si ce dispositif n'encourait les mêmes critiques que le conditionnalat au regard de l'égalité de traitement des fonctionnaires.

A première lecture, la jurisprudence du Conseil d'Etat semble peu favorable au mécanisme de promotion dite fonctionnelle ; le Conseil juge en effet que l'égalité de traitement à laquelle ont droit les fonctionnaires d'un même corps fait obstacle à l'institution de règles d'avancement distinctes pour certaines catégories d'entre eux (Assemblée, 21 juillet 1975, Union interfédérale des syndicats de police, au recueil, n°75225 ou 28 juin 1989, Ministre de l'intérieur c/ Donnadieu et autres, aux tables, n°85193).

Le dispositif de l'article 24 semble toutefois pouvoir échapper à la censure à un double titre : d'abord parce que, précisément, la loi a pour objet de donner à l'avancement, au moins temporairement, un objectif secondaire qui rend pertinent le critère du départ volontaire et d'autre part parce qu'il entre dans la réserve des « circonstances exceptionnelles » prévue par cette même jurisprudence du Conseil d'Etat.

Dans les deux décisions de 1972 et 1989 précitées, comme dans les décisions Bavoil du 8 novembre 2000, n°209105, ou du 28 mai 2003, n°222687, qui portaient spécifiquement sur ce mécanisme de promotion fonctionnelle des militaires, le Conseil d'Etat s'est prononcé au regard du présupposé de départ selon lequel l'avancement au choix des agents publics a pour seul objet de récompenser des mérites et interdit dès lors la prise en compte de tout autre critère, tel celui de l'engagement qu'auraient pris les agents de quitter rapidement le service de l'Etat.

Or, précisément, l'objet des dispositions de l'article 24 consiste à ouvrir, au côté de la voie d'avancement classique, une autre voie, offerte cette fois aux militaires qui, habituellement, ne sont pas promus faute de présenter un fort potentiel d'évolution, mais qui ont des capacités et des compétences - des mérites donc - qui justifient qu'ils soient promus au prochain grade pour exercer des fonctions correspondant à un niveau de responsabilité qu'ils peuvent assumer mais sans que leur soit assurée une évolution ultérieure de carrière qui excéderait leurs compétences.

On notera d'ailleurs que, dans ses conclusions sur la seconde décision Bavoil précitée, Denis Piveteau ne critiquait pas le bien-fondé du dispositif de promotion fonctionnelle mais bien son manque de base légale, manque que la disposition législative proposée aurait pour objet de combler.

Par ailleurs, les deux voies d'avancement ainsi temporairement ouvertes sont toutes deux offertes à tous ceux qui le souhaitent (sous réserve de remplir les conditions d'ancienneté). Le fait que la candidature de certains soit appréciée non pas exclusivement au regard de leurs mérites mais également au regard de l'engagement qu'ils ont pris de quitter le service résulte donc d'un choix volontaire, qui rend moins convaincante l'invocation du principe d'égalité.

Enfin on soulignera qu'il n'existe pas de droit à la promotion ni d'obligation pour les employeurs publics de promouvoir un certain nombre de leurs agents tous les ans si bien que le fait que les militaires promus dans le cadre de la promotion fonctionnelle puisent évincer de l'avancement d'autres militaires qui prétendaient pour leur part à un avancement "classique" n'est pas en soi critiquable.

Pour éviter toute critique sur le risque de mélange de deux populations jugées à deux aunes différentes, il pourrait néanmoins être préférable de prévoir deux tableaux d'avancement distincts répondant donc chacun à leurs règles propres d'établissement.

La deuxième raison pour laquelle le dispositif proposé paraît devoir échapper à la censure tient à la réserve des "circonstances exceptionnelles" que retient la jurisprudence du Conseil d'Etat. Le Conseil reconnaît en effet que ce type de circonstances puisse justifier que des agents d'un même corps fassent l'objet de règles d'avancement distinctes.

Or il paraît très raisonnable de considérer, compte tenu des contraintes budgétaires actuelles et de la nécessité de respecter nos engagements européens en matière de limitation du déficit public, que la nécessité de réduire les effectifs s'assimile à des circonstances exceptionnelles qui justifient des entorses au principe de l'égalité de traitement.

Il existe donc des considérations d'intérêt général fortes pour justifier que la différence de traitement appliquée aux agents selon qu'ils s'engagent ou non à quitter l'armée, à supposer qu'elle constitue réellement une différence non justifiée par une différence de situation, soit en tout cas juridiquement justifiée par des considérations d'intérêt général.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 25 - Prolongation du pécule d'incitation à quitter l'armée

L'article 25 prévoit, dans le prolongement du dispositif applicable au cours de la précédente loi de programmation militaire, l'attribution aux militaires de pécules d'incitation à quitter l'armée. Ces pécules sont attribués en tenant compte des nécessités du service et font l'objet d'un contingentement annuel fixé au niveau interministériel. Ils sont exclus de l'assiette de l'impôt sur le revenu.

Le dispositif proposé reprend des dispositions existant à ce jour, mais modifie les montants de pécules susceptibles d'être accordés. Globalement, les indemnités versées seront calculées sur la base d'une assiette réduite de -10% (par exemple, la catégorie indemnisée sur la base de 40 mois de solde budgétaire le sera désormais sur 36 mois).

Cet article prolonge, le dispositif mis en place par la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 qui a instauré un pécule modulable d'incitation à une seconde carrière au profit des militaires.

Actuellement, le pécule, attribué sur demande agréée par le gestionnaire et exonéré d'impôt sur le revenu, est versé en deux fractions :

- le premier versement intervient au moment de la radiation des cadres ou des contrôles ;

- le second versement s'effectue dès justification d'une activité professionnelle au moins égale à douze mois dans les vingt-quatre mois suivant la radiation des services.

Nombre de pécules attribués et la dépense afférente sur la période 2010-2012.

2010

2011

2012

Nbre

Dépense 1

Nbre

Dépense 1

Nbre

Dépense 1

Officiers

389

90 M€

333

109 M€

484

117 M€

Sous-officiers

931

828

694

TOTAL

1 320

1 161

1 178

1 La dépense affichée intègre le paiement de la 1 ère fraction des pécules accordés au titre de l'année ainsi qu'une partie des 2 èmes fractions des pécules accordés antérieurement .

En loi de finance initiale (LFI) pour 2013, il est prévu d'attribuer 1 280 pécules. La prévision de dépense est de près de  111  M€, intégrant le paiement de la 1 ère fraction des pécules accordés au titre de l'année ainsi qu'une partie des 2 èmes fractions des pécules accordés antérieurement.

La prorogation du pécule modulable d'incitation au départ constitue une mesure conjoncturelle emblématique de rationalisation et de dépyramidage des effectifs militaires.

Il est donc proposé, d'une part, de créer un article spécifique non codifié précisant le régime du pécule, et d'autre part, de modifier l'article 80 du code général des impôts afin de prévoir la prorogation de la défiscalisation du pécule modulable d'incitation au départ.

Le I de cet article dispose que « Peuvent prétendre, à compter du 1 er janvier 2014 et jusqu'au 31 décembre 2019, sur demande agréée par le ministre de la défense et dans la limite d'un contingent annuel fixé par arrêté conjoint du ministre de la défense, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget ».

La mesure proposée s'appliquera donc sur la période comprise entre le 1 er janvier 2014 et le 31 décembre 2019.

Sont concernés : « Le militaire de carrière en position d'activité se trouvant à plus de trois ans de la limite d'âge de son grade pouvant bénéficier d'une solde de réserve en application de l'article L. 51 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'une pension de retraite liquidée dans les conditions fixées aux articles L. 24 et L. 25 du même code ; le militaire engagé en position d'activité rayé des contrôles avant quinze ans de services ; par dérogation, le maître ouvrier des armées en position d'activité se trouvant à plus de trois ans de la limite d'âge qui lui est applicable. »

Le dispositif prévoit qu'un décret détermine, pour chaque catégorie de militaires, les conditions d'attribution ainsi que les modalités de calcul, de versement et, le cas échéant, de remboursement du pécule.

D'après, l'étude d'impact, ce décret prévoira notamment que le pécule sera versé en deux fractions : la première, lors de la radiation des cadres ou des contrôles, et la seconde, un an après cette radiation.

Les militaires concernés bénéficieront du versement d'un pécule dont le montant, fixé par décret, sera inférieur de 10 % à celui versé au cours de la période 2009/2014.

Sur la période 2009-2012, le coût constaté est de 386,19 M€ pour un volume global de 7 159 indemnisations versées (1 ère et 2 ème fraction) soit 53 000 euros par personne.

Sur la période 2014-2019, le coût unitaire de cette mesure devrait être inférieur à celui de la précédente LPM.

Contrairement au dispositif en vigueur sur la période 2009/2014, le versement de la seconde fraction du pécule modulable d'incitation au départ n'est plus conditionné à l'exercice d'une activité professionnelle.

La fin de l'obligation d'exercice d'une activité professionnelle s'appuie sur le bilan de quatre campagnes de pécule d'incitation à une seconde carrière. Ce bilan a montré le caractère peu social du dispositif. En effet, la contrainte, inhérente à cette obligation d'activité, concernait les anciens militaires qui éprouvaient des difficultés de reconversion et qui, de fait, avaient le plus besoin de cette deuxième fraction.

En outre, le pilotage budgétaire de cette part conditionnelle s'est révélé extrêmement difficile à anticiper en raison de multiples causes (non-retour à l'emploi, conditions non remplies, non demandé par l'ancien militaire, etc.) et des délais de prescription quadriennale qui permettent au bénéficiaire de demander la deuxième fraction jusqu'à six ans après l'année d'obtention de la 1 ère fraction.

Naturellement, le pécule modulable d'incitation au départ des militaires est exclusif du bénéfice des dispositifs d'incitation au départ prévus par les articles 23 et 24 de la présente loi ainsi que du bénéfice de la disponibilité.

Le II de cet article insère dans le code général des impôts la référence au présent article afin qu'il continue de bénéficier du régime de l'article 81 du code général des impôts qui exonère le pécule de l'impôt sur le revenu.

Votre commission est favorable à ce dispositif tout en soulignant que l'examen de la période 2009-2012 a montré que ce levier, malgré l'effort consenti pour offrir des montant attractifs, était insuffisant à lui seul pour permettre la déflation et le dépyramidage des effectifs militaires.

Or globalement, les indemnités versées seront calculées sur la base d'une assiette réduite de -10 %. Par exemple, la catégorie indemnisée sur la base de 40 mois de solde budgétaire le sera désormais sur 36 mois. Ce dispositif représente un montant prévisionnel de 71,7M€ au profit des nouveaux pécules accordés pour 2014 contre 111,06 M€ pour 2013.

Dès lors il sera difficile d'attendre de ce dispositif des résultats supérieurs à ceux précédemment obtenus.

La clause de revoyure permettra d'en mesurer l'efficacité.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 26 - Position de disponibilité

L'article 26 permet de placer en position de disponibilité, dans le respect d'un contingent, les officiers de carrière qui en font la demande agréée et qui ont effectué plus de quinze années de service dont six en qualité d'officier.

L'article L. 4139-9 du code de la défense prévoit actuellement parmi les outils de contingentement et d'aide au départ une mesure dite de disponibilité qui concerne une trentaine de personne par an. Cette mesure permet à des personnes d'entreprendre un projet de reconversion avec la possibilité éventuelle en cas d'échec de revenir.

Le I du présent article modifie et rénove cet article L. 4139-9 du code de la défense en disposant que « La disponibilité est la situation de l'officier de carrière qui, ayant accompli plus de quinze ans de services dont six au moins en qualité d'officier et, le cas échéant, satisfait aux obligations de la formation spécialisée prévue à l'article L. 4139-13, a été admis, sur demande agréée, à cesser temporairement de servir dans les armées. ».

Cette disponibilité « est prononcée pour une période d'une durée maximale de cinq années, non renouvelable, pendant laquelle l'officier perçoit, la première année, 50% de la dernière solde perçue avant la cessation du service, 40% de cette solde la deuxième année et 30% les trois années suivantes. »

Le projet de disponibilité rénovée prévoit ainsi que les militaires qui auront effectué plus de quinze années de service dont six au moins en qualité d'officier pourront être placés dans cette position de non-activité sur demande agréée du gestionnaire et dans le strict respect du contingentement de cette mesure. Celle-ci, d'une durée de 5 ans, sera dorénavant non renouvelable alors que, dans le dispositif en vigueur, elle est renouvelable une fois pour une durée totale de 10 ans.

En comparaison du dispositif de disponibilité actuellement applicable, celui prévu par le projet de loi est donc marqué par un raccourcissement de la durée du congé, cinq années au lieu de dix, mais une augmentation de sa rémunération.

Les militaires seront, en effet, mieux rémunérés (la première année ils recevront 50% de la dernière solde perçue avant la cessation du service, 40% de cette solde la deuxième année et 30% les trois années suivantes (au lieu des deux tiers pendant toute la disponibilité actuellement).

Les I et II de cet article prévoient que la disponibilité est exclusive du bénéfice des autres dispositifs d'incitation au départ et que les disponibilités accordées en application de l'article L. 4139-9 du code de la défense avant le 1 er janvier 2014 demeurent régies par les dispositions de cet article dans sa rédaction antérieure à cette date.

La clause de revoyure permettra de mesurer l'efficacité d'une disposition qui touche une population en nombre limité.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 27 - Les limites d'âge

L'article 27 permet de tenir compte, dans l'article L. 4139-16 du code de la défense relatif aux limites d'âge applicables aux différents corps, de la suppression du cadre spécial de l'armée de terre et de la création de deux corps d'officiers à vocation technique.

Le 2° du I de l'article L. 4139-16 du code de la défense définit, par corps, les limites d'âge associées à chaque grade.

Or, dans le cadre de la modernisation du ministère de la défense, il a été décidé de rationaliser le paysage statutaire des différents corps militaires d'officiers exerçant à titre principal, au sein de ce ministère, l'administration générale et le soutien commun (AGSC) des armées.

Le premier volet de cette réforme a vu la création, le 1 er janvier 2013, d'un corps unique des commissaires des armées. Constitué à partir des trois corps des commissaires de l'armée de terre, de la marine et de l'armée de l'air, ce corps offrira, entre le 1 er janvier 2014 et le 31 décembre 2015, une passerelle d'accès à d'autres officiers administratifs, au vu de leur expérience et de leur mérite.

Cette passerelle sera ouverte aux officiers administratifs des corps techniques et administratifs (CTA) de l'armement (DGA), de l'armée de terre, de la marine, du service de santé des armées (SSA) et du service des essences des armées (SEA), ainsi qu'aux officiers des bases de l'air et aux officiers du cadre spécial.

Dans ce cadre, deux corps d'officiers à vocation technique seront créés afin d'accueillir, d'une part, les officiers du cadre spécial et du CTA de l'armée de terre et, d'autre part, les officiers du CTA du SEA : les officiers spécialistes de l'armée de terre (OSAT) et les officiers logisticiens des essences (OLE), corps dont les limites d'âge reprennent celles aujourd'hui en vigueur au sein des différents CTA.

Le 1 er janvier 2016, les officiers du CTA de la DGA et du SSA, tous administratifs, intégreront d'office le corps des commissaires des armées.

En conséquence, il est nécessaire de modifier la liste des corps cités au sein du tableau inscrit au 2° du I de l'article L. 4139-16 du code de la défense et de prévoir les limites d'âge des nouveaux corps des OSAT et OLE.

Aux termes de cet article 27, l'article L. 4139-16 du code de la défense ainsi modifié permettra aux officiers du Cadre spécial et du CTA de l'armée de terre qui rejoindront le corps des OSAT d'intégrer un corps dont les limites d'âge sont identiques à celles des corps supprimés et aux officiers du CTA du SEA qui rejoindront le corps des OLE d'intégrer un corps dont les limites d'âge sont identiques à celles du CTA du SEA.

Avec ce dispositif, le ministère de la défense pourra achever la rationalisation du paysage statutaire des corps d'officiers en charge de l'AGSC, initiée avec la création, le 1 er janvier 2013, d'un corps unique des commissaires des armées.

Quelle que soit l'hypothèse de changement de corps considérée, les officiers qui en feront l'objet ne connaîtront pas de changement de leur limite d'âge. En effet le corps des officiers spécialistes de l'armée de terre reprend les limites d'âge aujourd'hui en vigueur au sein des corps des officiers du cadre spécial de l'armée de terre, d'une part, des officiers du corps technique et administratif de l'armée de terre, d'autre part, et le corps des officiers logisticiens des essences reprend les limites d'âge aujourd'hui en vigueur au sein du corps technique et administratif du service des essences des armées.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 28 - L'indemnité de départ volontaire pour les ouvriers d'État

L'article 28 permet la prorogation d'un dispositif d'indemnités de départ volontaire pour les ouvriers d'État. Comme le pécule attribué aux militaires, cette indemnité est exclue de l'assiette de l'impôt sur le revenu.

L'article 150 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 prévoit qu'« une indemnité de départ volontaire peut être attribuée, à compter du 1 er janvier 2009 et jusqu'au 31 décembre 2014, dans des conditions définies par décret, aux ouvriers de l'Etat du ministère de la défense, lorsqu'ils quittent le service dans le cadre d'une restructuration ou d'une réorganisation. ». Il introduit cette indemnité dans l'article 81 du code général des impôts qui l'exonère de l'impôt sur le revenu et précise enfin que l'octroi de l'indemnité de départ volontaire ouvre droit à une indemnisation au titre du chômage.

Le présent article vise à proroger jusqu'au 31 décembre 2019, terme de la prochaine loi de programmation militaire, ce dispositif actuellement applicable jusqu'au 31 décembre 2014.

L'indemnité de départ volontaire accordée aux personnels ouvriers de l'Etat a permis de réaliser, au titre de la précédente réforme, une réduction d'effectifs de 2 349 ouvriers de l'Etat pour la période 2009-2012.

Dans le cadre de la nouvelle LPM, les effectifs d'ouvriers de l'Etat supporteront la moitié (3 700 emplois) de la réduction de l'ensemble du personnel civil sur un effectif total des ouvriers d'Etat d'environ 20 000 postes.

Pour ces raisons votre commission estime utile que la mesure soit reconduite à l'identique.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

CHAPITRE VI - DISPOSITIONS RELATIVES AUX IMMEUBLES, SITES ET INSTALLATIONS INTERESSANT LA DÉFENSE

Article 29  (article L.3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques) - Cession d'immeubles affectés au ministère de la défense

Lorsqu'ils ne sont plus utilisés par un service civil ou militaire de l'Etat ou par un établissement public de l'Etat, les immeubles du domaine privé peuvent être vendus, selon les dispositions de l'article L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

Avant l'engagement de la procédure de cession, le principe général est celui de la réutilisation en priorité par les autres services de l'Etat.

Cependant, une dérogation a été introduite par l'article 7 de la loi de programmation militaire 2009-2014 85 ( * ) pour les immeubles affectés au ministère de la défense jusqu'au 31 décembre 2014. Ceux-ci peuvent être remis à l'administration chargée des domaines en vue d'une cession sans qu'ils soient reconnus comme définitivement inutiles à l'Etat.

Entre le 1 er janvier 2009 et le 31 août 2013, le ministère de la défense a cédé 502 emprises, pour un montant de plus de 650 M€ 86 ( * ) .

En prorogeant ce dispositif pour la durée de la loi de programmation militaire 2014-2019, la mesure présentée, qui s'intègre dans un dispositif d'ensemble spécifique aux immeubles du ministère de la défense, permet d'accélérer les cessions, dispensant celles-ci de la longue procédure interministérielle d'examen de l'éventuelle utilité du bien pour les services de l'Etat. Les immeubles reconnus inutiles au ministère de la défense sont remis plus rapidement à France Domaine en vue de leur aliénation.

La poursuite des restructurations du ministère de la défense, selon les orientations définies par le Livre blanc de 2013 ainsi que le souci d'assurer au mieux la reconversion de certains sites justifie cette prorogation.

Sa mise en oeuvre fera l'objet d'un dispositif de suivi et d'évaluation commun à celui des opérations d'aliénation du ministère de la défense lequel prévoit la mise en place d'un tableau permettant de retracer, emprise par emprise, la situation des immeubles.

Il convient toutefois de souligner qu'en pratique, ces immeubles sont prioritairement mis à la disposition des services ou établissements de l'Etat qui en ont besoin, dans le cadre d'un changement d'utilisation opéré, en règle générale, à titre onéreux. La mesure dérogatoire ne remet pas en cause les changements d'utilisation effectués à titre gratuit lorsque l'intérêt du patrimoine naturel et sylvicole des parcelles concernées le justifie 87 ( * ) .

Ce dispositif en accélérant les procédures administratives en vue de la cession des actifs immobiliers de la défense devenus inutiles constitue un des moyens d'atteindre plus rapidement l'objectif de ressources exceptionnelles prévues à l'article 3 du présent projet de loi.

Votre Commission a adopté cet article sans modification.

Article 30 (article L.5111-1 et L. 5111-6 du code de la défense) - Régime juridique des polygones d'isolement

La création de « polygones d'isolement », autour des établissements relevant du ministère de la défense dont la spécialité est la conservation, la manipulation et la fabrication des poudres et munitions a été instaurée, en application de l'article L. 5111-1 du code de la défense, pour préserver la sécurité des tiers en imposant des restrictions ou des sujétions aux nouvelles constructions dans ces zones. Cette servitude a également pour objectif de permettre au ministère de la défense d'empêcher que le développement de l'urbanisation autour de ces établissements ne puisse faire obstacle au maintien, voire à une évolution de leurs capacités.

Ces polygones d'isolement sont créés par décret du Premier ministre pris sur proposition du ministre de la défense. Aucune construction de nature quelconque ne peut être réalisée à l'intérieur d'un polygone d'isolement sans l'autorisation préalable du ministre de la défense (article L. 5111-6 du code de la défense).

Au total, on dénombre 80 polygones d'isolement Défense et 10 polygones d'isolement hors Défense.

1. La création de polygone d'isolement

Dans l'état actuel du droit, l'article L. 5111-1 du code de la défense ne permet la création d'un polygone d'isolement qu'autour d'établissements relevant du ministère de la défense. Or, certains établissements, bien que ne relevant pas ou plus organiquement du ministère de la défense, devraient pouvoir disposer (par création ou maintien de l'existant) d'un polygone d'isolement, dans la mesure où leurs activités participent aux missions de la défense nationale dans le domaine des poudres et des explosifs. C'est notamment le cas, depuis sa privatisation de certains établissements de la société nationale des poudres et explosifs (aujourd'hui Herakles Safran) ou de la société Nexter ou encore du Commissariat à l'énergie atomique.

La création ou le maintien d'un polygone autour de ces établissements permettrait de garantir une possible évolution ultérieure de leurs activités sans laquelle certaines missions hautement stratégiques pour la défense nationale pourraient être, à terme, compromises (par exemple, l'approvisionnement en substances propulsives des missiles de la dissuasion nucléaire). En l'absence de cette garantie, les exploitants des établissements concernés pourraient être obligés de délocaliser leur activité, ce qui serait également susceptible de compromettre temporairement certaines missions de la défense nationale.

Dès lors le I. du présent article prévoit de modifier la rédaction de l'article L. 5111-1 du code de la défense pour en étendre l'application aux établissements dont les activités présentent un intérêt pour la défense nationale.

Autour de 5 établissements ayant relevé par le passé du ministère de la défense dont la liste figure dans l'étude d'impact annexé au projet de loi, des polygones d'isolement, seraient recréés au titre des futures dispositions de l'article L. 5111-1 du code de la défense.

Actuellement, aucun établissement n'ayant jamais relevé du ministère de la défense ne serait concerné par l'application de celles-ci. Pour autant, elles permettraient, en cas de besoin, de créer un polygone d'isolement si un nouvel établissement ne relevant pas du ministère de la défense venait à exercer des activités intéressant la défense nationale en matière de conservation, de manipulation ou de fabrication des poudres et munitions.

2. La délégation des décisions d'autorisation de construire à l'intérieur des polygones d'isolement

La rédaction de l'article L. 5111-6 du code de la défense, qui dispose qu' « aucune construction de nature quelconque ne peut être réalisée à l'intérieur du polygone d'isolement sans l'autorisation du ministre de la défense », ne permet pas au ministre de déléguer ses pouvoirs à des autorités du ministère qui lui sont subordonnées pour délivrer cette autorisation préalable, mais seulement à leur consentir une délégation de signature.

Or, les décisions d'autorisation de construire à l'intérieur de polygones d'isolement doivent être prises par des autorités du ministère de la défense ne relevant pas de l'administration centrale, comme les commandants de région « terre » ou d'arrondissement maritime, en raison de leur caractère local. Compte tenu de la mobilité du personnel, l'utilisation de la délégation de signature est insuffisante car elle peut conduire à des périodes où les autorités locales du ministère nouvellement nommées en sont dépourvues. Il est dès lors préférable que ces autorités disposent d'une délégation de pouvoirs à raison de leurs fonctions.

Tel est l'objet de la modification proposée au 2° de l'article 30.

Ces modifications sont justifiées à la fois pour des raisons de sécurité et pour permettre le développement éventuelle de ces établissements. La solution retenue, ainsi qu'il est exposé dans l'étude d'impact, paraît la plus simple et évite de procéder établissement par établissement. Elle permet de surcroît de confier la décision d'autorisation de construire à l'intérieur des polygones d'isolement, compte tenu de son caractère local, à des autorités déconcentrées du ministère de la défense. Il propose en conséquence l'adoption de cet article sans modification.

Votre Commission a adopté cet article sans modification.

Article 31 (article L. 123-2 du code de l'environnement) - Exemptions et aménagements des procédures de l'enquête publique afin d'assurer la protection du secret de la défense nationale

Cet article prévoit de modifier la rédaction de l'article L.123-2 du code de l'environnement afin :

• d'une part, de renforcer la base législative des exemptions ou aménagements des procédures de conduite de l'enquête publique, destinées à assurer la protection du secret de la défense nationale,

• d'autre part, de mettre en cohérence les parties législatives et réglementaires du code de l'environnement dans le même domaine.

1. Renforcer la base législative des exemptions ou aménagements des procédures de conduite de l'enquête publique, destinées à assurer la protection du secret de la défense nationale

Actuellement, les installations et activités nucléaires intéressant la défense (IANID) 88 ( * ) , les autorisations relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) réalisées dans le cadre d'opérations secrètes intéressant la défense nationale 89 ( * ) , les autorisations installations, ouvrages, travaux ou activités (IOTA) réalisés dans le cadre d'opérations secrètes intéressant la défense nationale 90 ( * ) , les plans de prévention de risques technologiques (PPRT) relatifs aux ICPE réalisées dans le cadre d'opérations secrètes intéressant la défense nationale 91 ( * ) , bénéficient d'une exemption d'enquête publique afin de tenir compte des nécessités de la défense nationale.

Cependant, les dispositions de l'article L. 123-2 et de l'article L. 127-1 du code de l'environnement pourraient être interprétées comme procédant à un renvoi trop large au pouvoir réglementaire pour préciser les exemptions d'enquêtes publiques compte tenu de l'évolution de la jurisprudence.

On observera que le recours à la procédure secrète prévue par l'article R. 517-4 du code de l'environnent pour certaines installations classées relevant du ministère de la défense ne signifie pas que le ministère de la défense occulte totalement les informations liées aux caractéristiques et au fonctionnement des emprises concernées et que l'absence dans un tel cas d'enquête publique ne veut pas dire non plus absence totale de concertation.

En pratique, seules les informations protégées par le secret de défense sont masquées. Les documents habituellement rédigés, qui doivent rester opposables, relatifs aux servitudes et aux différentes prescriptions, sont rédigés de telle sorte que les informations nécessaires aux riverains sont bien fournies, sans toutefois donner des éléments qui seraient susceptibles de nuire au secret de la défense nationale.

Selon leur nature et les risques qu'elles engendrent, les installations de défense peuvent faire l'objet de servitudes qui sont intégrées selon les règles de droit commun dans les documents d'urbanisme.

Pour ce qui concerne les IANID, le 4° du I de l'article R. 1333-51-1 du code de la défense dispose que les demandes d'autorisations de rejets d'effluents provenant des installations nucléaires de base secrètes 92 ( * ) sont soumises à enquête publique, alors que les dispositions combinées du III de l'article L. 123-2 et du III de l'article R. 123-1 du code de l'environnement exemptent d'enquête publique l'ensemble des IANID. Dans un souci de sécurité juridique, il apparaît nécessaire de donner un fondement législatif à la réalisation d'enquêtes publiques dans le domaine spécifique des autorisations de rejets d'effluents provenant des INBS.

L'article 236 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dont est issue la rédaction actuelle des articles L. 123-1 à L. 123-19 du code de l'environnement, a supprimé les anciennes dispositions de l'article L. 123-15 dudit code, qui prévoyait que « le déroulement de l'enquête publique doit s'effectuer dans le respect du secret de la défense nationale, du secret industriel et de tout secret protégé dans la loi ». La suppression de ces dispositions prive de base légale certaines dispositions réglementaires relatives aux modalités de prise en compte du secret de la défense nationale, dès lors qu'une enquête publique s'impose, à savoir les articles R. 123-45, R. 123-46, R. 217-3 (2 e alinéa), R. 517-3 (2 e alinéa) et R. 515-50 du code de l'environnement. Par conséquent, il apparaît nécessaire de rétablir la disposition supprimée par l'article 236 de la loi du 12 juillet 2010, pour redonner une base législative à ces modalités particulières d'organisation de l'enquête publique, notamment aux mécanismes de disjonction.

L'intervention du législateur est nécessaire de sécuriser l'ensemble de ces exemptions d'enquête publique dans la partie législative du code de l'environnement.

En effet, il ressort de l'article 7 de la Charte de l'environnement et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel (décision du 19 juin 2008, DC n° 2008-564) 93 ( * ) qu'il n'appartient qu'au législateur de définir des modalités de mise en oeuvre du principe de participation du public et que ne relèvent du pouvoir réglementaire que les mesures d'application des modalités définies par le législateur.

2. Mettre en cohérence des dispositions réglementaires et législatives du code de l'environnement en matière d'exemption d'enquête publique

Enfin l'article procède à la mise en cohérence des dispositions réglementaires et législatives du code de l'environnement en matière d'exemption d'enquête publique par :

- la substitution des termes « intéressant la défense nationale » à l'adjectif « militaire » qualifiant les « travaux, constructions et aménagements d'ouvrages » mentionnés au III de l'article L. 123-2 du code de l'environnement. Certaines de ces installations - installations nucléaires de bases secrètes (INBS) et sites et installations d'expérimentations nucléaires intéressant la défense (SIENID) - ne sont pas des sites militaires, mais relèvent du ministre chargé de l'industrie ;

- l'ajout du terme « installations » aux « travaux, constructions et aménagements d'ouvrages » mentionnés au même III de l'article L. 123-2 du code de l'environnement, afin de prendre en compte l'ensemble des sites, dont certains constituent des installations, intéressant la défense nationale susceptibles d'être concernés par l'application de cet article.

L'article 31 du projet de loi de programmation militaire vise à renforcer le fondement législatif de normes déjà existantes et s'inscrit dans le cadre de la conciliation de deux principes à valeur constitutionnelle : le principe de participation du public et celui du respect du secret de la défense nationale. En termes opérationnels, cette conciliation s'effectue soit par des exemptions d'enquête publique, soit par des modalités particulières d'enquête publique.

Dans sa décision n°2011-192 QPC du 10 novembre 2011 94 ( * ) , le Conseil constitutionnel a considéré que « le secret de la défense nationale participe de la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la nation, réaffirmées par la charte de l'environnement, au nombre desquels figurent l'indépendance de la nation et l'intégrité du territoire ». Il en résulte que le principe de participation du public et celui du respect du secret de la défense nationale, tous deux de valeur constitutionnelle, doivent nécessairement être conciliés. Cette conciliation s'effectue soit par des exemptions d'enquête publique, soit par des modalités particulières d'enquête publique (disjonction au sein des dossiers d'enquête publique, des informations couvertes par le secret de la défense nationale). Dans les deux cas, pour pouvoir continuer à produire leurs effets juridiques, ces mécanismes doivent disposer de bases légales appropriées.

Cet article, pour l'essentiel, ne modifie pas le contenu du droit existant, mais ne fait ajuster le niveau du véhicule normatif nécessaire à la mise en oeuvre des dispositions relatives au droit du public à l'information en matière environnementale en les portant au niveau de la loi.

Votre Commission a adopté cet article sans modification.

Article 32 (article L. 413-5 du code pénal) - Délit d'intrusion frauduleuse dans les ports militaires

Cet article vise à réprimer pénalement l'intrusion non autorisée dans le périmètre d'un port militaire.

L'article 413-5 dispose que : « Le fait, sans autorisation des autorités compétentes, de s'introduire frauduleusement sur un terrain, dans une construction ou dans un engin ou appareil quelconque affecté à l'autorité militaire ou placé sous son contrôle est puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende ».

L'article 413-8 dispose pour sa part que la tentative des délits prévus à l'article 413-5 précité est punie des mêmes peines.

Ce régime apparaît complet pour la protection des zones militaires terrestres, compte tenu de la mention des mots « terrain » et « construction ». En revanche, il comporte une fragilité juridique s'agissant de la protection des ports militaires, définis à l'article R. 3223-61 du code de la défense, dans la mesure où il ne les vise pas expressément.

Si la partie terrestre des ports militaires (comme les quais, par exemple) peut être considérée comme un « terrain » militaire et être, de fait, protégée par les dispositions des articles 413-5 et 413-8 du code pénal, l'absence de la mention expresse pourrait conduire à exclure de l'application des articles susvisés les plans d'eau de ces ports.

Des personnes s'introduisant frauduleusement dans les ports militaires par la voie maritime pourraient ne pas se voir soumises aux sanctions pénales, dès lors qu'elles n'auraient pas pénétré dans leur partie terrestre.

En conséquence, des navires de guerre présents dans ces ports, dont certains revêtent un intérêt majeur pour la défense nationale (comme le porte-avions nucléaire Charles de Gaulle dans le port militaire de Toulon ou encore les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins à l'Ile-Longue (Brest) se trouvent sur un plan d'eau qui n'est pas inclus dans les zones protégées par lesdites sanctions pénales.

Définition des ports militaires

Le port militaire est une notion définie à l'article R. 3223-61 du code de la défense (modifié récemment) : « Un port militaire est une zone militaire au sens de l'article R. 2361-1, comprenant des terrains, des quais, des installations, des équipements et des plans d'eau affectés à l'autorité militaire 95 ( * ) (...) ».

Le ministre de la défense est l'autorité compétente pour fixer les limites des ports militaires. Lorsque le plan d'eau du port militaire inclut un accès nautique à un port maritime civil contigu, la décision du ministre ne peut intervenir qu'après avis de l'autorité portuaire et de l'autorité investie du pouvoir de police portuaire de ce port.

Compte tenu de la définition réglementaire récente de la notion de « port militaire », les arrêtés de délimitation des ports militaires sont en préparation au sein du ministère de la défense. Ils seront publiés au Journal officiel et signalés au Bulletin officiel des armées. La documentation nautique (cartes, instructions, etc.) informera les navigateurs des zones correspondant aux ports militaires. Sur le plan d'eau, un système de balisage (ex. bouées) matérialisera les limites du port militaire.

La délimitation de ces ports militaires par le ministre de la défense est permanente et est donc indépendante de la présence ou non de navires de guerre dans ces zones militaires.

La présence d'un navire de la marine nationale dans un port civil peut faire l'objet de mesures de police administrative de protection de la part de l'autorité portuaire compétente (préfet/président d'exécutif régional ou départemental).

Aujourd'hui, trois espaces portuaires sont considérés comme « ports militaires » : les  bases navales de Cherbourg, Brest (dont le port lui-même et la base de l'Ile Longue) et Toulon. Cette notion pourra, si nécessaire, s'appliquer également aux implantations militaires outre-mer.

Votre Commission a adopté cet article sans modification.

CHAPITRE VII - DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES

Article 33 (article 9 de la loi n°87-59 du 16 juillet 1987) - Conditions d'attribution de l'allocation de reconnaissance aux membres des forces supplétives relevant d'un statut civil de droit local)

La loi n°87-59 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés a créé un régime particulier pour les anciens membres des formations supplétives de l'armée française soumis antérieurement au statut civil de droit local applicable aux populations arabo-berbères d'origine locale. Les autres membres des formations supplétives locales de statut civil de droit commun applicable aux personnes d'origine européenne étaient exclus du bénéfice de ce régime particulier.

L'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962, relative à certaines dispositions concernant la nationalité française prise en application de la loi n° 62-421 du 13 avril 1962, a précisé les conditions de perte ou de conservation de la nationalité française après l'indépendance de l'Algérie. Elle a effectué une distinction entre les personnes de statut civil de droit local et les personnes de statut civil de droit commun.

L'article 1er de cette ordonnance prévoit que les Français de statut civil de droit commun (familles originaires de métropole ou les personnes naturalisées) ont conservé de plein droit la nationalité française, sans effectuer de démarche particulière.

Son article 2 impose aux personnes de statut civil de droit local (familles originaires d'Algérie) souhaitant conserver la nationalité française de souscrire, avant le 23 mars 1967, une déclaration de reconnaissance de la nationalité française. Cette déclaration était prise en compte à la condition que son auteur ait préalablement fixé son domicile en France.

Il s'agissait, en effet, « d'indemniser les forces supplétives de l'armée française en Algérie du préjudice moral spécifique qu'ils ont subi du fait de leur rapatriement 96 ( * ) » ou encore d'attribuer une allocation forfaitaire qui aura « la nature d'un pretium doloris, destiné à compenser le préjudice moral subi par ceux qui ont combattu aux côtés de l'armée française et à faciliter une insertion difficile dans la société française » 97 ( * ) .

Pour établir une distinction entre les membres des forces supplétives, le législateur a subordonné , à l'article 9 de la loi de 1987 précitée, puis, de fait, dans l'ensemble des textes législatifs complétant ou aménageant ce dispositif qui y renvoient 98 ( * ) , l'octroi de l'allocation reconnaissance à une double condition de résidence (en France, voire dans l'Union européenne dans certains cas) et de nationalité française.

Actuellement le nombre d'allocataires est de 6281 et le montant moyen de l'allocation de 2826 € 99 ( * ) . La charge pour le budget de l'Etat était de 20,7 millions d'euros en 2012 (17,5 millions d'euros sont inscrits en loi de finances initiale pour 2013).

Depuis lors, le Conseil d'Etat, par une décision du 27 juin 2005 Madani X., portant sur l'allocation forfaitaire et l'allocation complémentaire servies aux mêmes allocataires, a jugé « qu'une différence de traitement quant à l'octroi de ces allocations selon que les intéressés ont opté en faveur de l'adoption de la nationalité française ou se sont abstenus d'effectuer un tel choix, ne justifie pas, eu égard à l'objet de l'une et l'autre de ces allocations, une différence de traitement ; que les dispositions législatives précitées en ce qu'elles se réfèrent à la nationalité du demandeur sont de ce fait incompatibles avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » aux termes desquels « la jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ».

Dans cette logique et pour le même motif, dans une décision du 6 avril 2007, Comité Harkis et Vérité , le Conseil d'Etat a jugé la condition de nationalité fixée pour obtenir l'allocation de reconnaissance incompatible avec les stipulations de l'article 14 de la CESDH.

Saisi par ce même requérant mais sur le fondement d'une méconnaissance par le législateur du principe d'égalité devant la loi garanti par les articles 1 er et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 1 er de la Constitution du 4 octobre 1958 et les alinéas 1 er et 18 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, le Conseil d'État a transmis au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité.

De manière constante, le Conseil constitutionnel juge que « le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ». Le principe d'égalité implique qu'à des situations semblables, il soit fait application de règles semblables.

Pour autant, il se montre particulièrement vigilant s'agissant de discrimination sur le fondement de la nationalité et a, de façon récurrente, s'agissant des pensions civiles et militaires octroyées aux personnes qui avaient servi la France, des pensions militaires d'invalidité et de retraite du combattant ou de l'attribution de la carte du combattant, estimé que les critères de nationalité ou de résidence étaient contraires au principe d'égalité devant la loi.

Dans sa décision du 4 février 2011 , portant sur la question prioritaire de constitutionnalité suscitée posée par la Conseil d'Etat, le Conseil constitutionnel a jugé que le critère de résidence ou de domicile peut être justifié par l'objet de la loi , qui tient compte des bouleversements liés au déplacement mais aussi des difficultés liées à l'installation (en France ou dans un État de l'Union européenne). Le lien entre installation et critère de résidence est direct. La différence de traitement instituée entre ceux qui sont installés en France ou plus généralement dans l'Union européenne et ceux qui, par exemple, sont installés en Algérie était donc justifiée.

En revanche, comme il l'a fait à propos de l'attribution de la carte du combattant aux anciens membres des forces supplétives en Afrique du Nord, le Conseil a jugé que le critère de nationalité ne pouvait être justifié par l'objet de la loi au regard de la Constitution. Il a donc censuré, dans l'ensemble des dispositions qui lui étaient renvoyées, les termes qui imposaient un critère de nationalité 100 ( * ) et en conséquence abrogé les dispositions législatives qui permettaient de réserver l'allocation de reconnaissance aux seuls membres des formations supplétives qui relevaient avant l'indépendance de l'Algérie d'un statut civil de droit local.

Tirant les conséquences de cette décision, le Conseil d'Etat, dans une décision du 20 mars 2013, a annulé les dispositions de la circulaire du 30 juin 2010 relative à la prorogation des mesures prises en faveur des anciens membres des formations supplétives et assimilées ou victimes de la captivité en Algérie et de leurs familles qui réservaient le bénéfice de l'allocation de reconnaissance aux seules personnes de statut civil de droit local.

La mise à l'écart du critère de nationalité, a eu pour conséquence immédiate d'ouvrir le bénéfice de l'allocation de reconnaissance aux membres des formations supplétives de statut civil de droit commun dont le ministère de la Défense évalue le nombre potentiel à 9 119. Le ministère chiffre le coût de cette extension à plus de 270 millions d'euros 101 ( * ) . A ce jour, la Mission interministérielle aux rapatriés a déjà été destinataire d'environ 300 demandes du bénéfice de l'allocation de reconnaissance de la part de cette catégorie pour un coût total de 9 millions d'euros annuels.

Les dispositions du I du présent article visent donc à empêcher tout effet d'aubaine et à rétablir les intentions du législateur de réserver le bénéfices de l'allocation de reconnaissance aux seuls supplétifs de statut civil de droit local et à leurs ayants droit en introduisant une rédaction conforme tant au principe d'égalité posé par le préambule de la Constitution qu'aux dispositions de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le II précise, en outre, que les dispositions ainsi modifiées sont applicables aux demandes d'allocation de reconnaissance présentées avant leur entrée en vigueur qui n'ont pas donné lieu à une décision de justice passée en force de chose jugée (ce qui est d'ores et déjà le cas , au 29 juin 2013, de quatre dossiers pour un coût de 120 000 €). L'introduction d'une clause de rétroactivité s'impose donc dans la mesure où les anciens supplétifs de statut civil de droit commun pourraient, à défaut, bénéficier d'une allocation substantielle que ni le législateur, ni le juge n'ont jamais voulu leur consentir. L'intervention d'une loi rétroactive pour mettre fin à un effet d'aubaine est d'ailleurs reconnue comme légitime tant par la Cour européenne des droits de l'Homme 102 ( * ) que par le Conseil d'État 103 ( * ) .

Le III fixe à un an suivant l'entrée en vigueur de la présente loi, le délai pour effectuer la demande de bénéfice de l'allocation de reconnaissance prévue à l'article 6 de la loi n°2005-158 du 23 février 2005.

Sur le fond, les dispositions de l'article 33 sont conformes aux intentions initiales et récurrentes du législateur et sont nécessaires pour les raisons présentées dans l'exposé des motifs et dans l'étude d'impact du présent projet de loi et ci-dessus rappelées.

On peut toutefois s'étonner du manque de réactivité du ministère chargé des anciens combattants pour introduire ces dispositions législatives correctrices, lesquelles auraient pu être présentées au lendemain des premières décisions du Conseil d'Etat en 2005, et qu'il ait fallu attendre 18 mois après la décision du Conseil constitutionnel, lequel a précisé explicitement que cette abrogation prenait effet à compter de la publication de sa décision et devait être appliquée à toutes les instances en cours.

Votre Commission a adopté cet article sans modification.

Article 34 - Autorisation donnée au gouvernement de prendre par ordonnances des dispositions relevant du domaine de la loi

Cet article vise, dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution a autorisé le gouvernement à prendre par ordonnances des dispositions relevant du domaine de la loi.

Les ordonnances devront être prises au plus tard le dernier jour du douzième mois suivant la publication de la présente loi de programmation militaire (à l'exception de celle prévue au 8° pour lesquelles l'autorisation est prolongée jusqu'au dernier jour du vingt-quatrième mois). Le projet de loi de ratification de ces ordonnances devra être déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du quinzième mois (du trentième mois pour celles prévue au 8°) suivant la publication de la présente loi.

Cette demande d'autorisation vise un nombre important de dispositions touchant les domaines les plus divers.

1. La mise à jour de certaines dispositions du code de la défense, du code civil et du code de l'environnement à la suite de la création d'un corps unique de commissaires des armées depuis le 1 er janvier 2013.

Le décret n° 2012-1029 du 5 septembre 2012 portant statut particulier du corps des commissaires des armées définit, notamment, les attributions des commissaires dont certaines impliquent des adaptations techniques de certains articles du code la défense, du code civil et du code de l'environnement, par exemple en ce qui concerne les fonctions d'officier d'état civil 104 ( * ) ou l'habilitation à constater les infractions commises en matière de pollution maritime 105 ( * ) .

2. La modification de dispositions du livre III (Régimes juridiques de défense d'application permanente), de la partie 2 de la partie législative du code de la défense concernant les matériels, armes et munitions (Titre III) les armes soumises à interdiction (Titre IV) et les explosifs (Titre V), ainsi que du livre IV (dispositions relatives à l'outre-mer). Il s'agit notamment :

a) d'abroger ou de modifier les dispositions obsolètes, inadaptées ou devenues sans objet.

b) de mettre le code de la défense en conformité avec les dispositions de la loi n° 2012-204 du 6 mars 2012 relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif.

Cette loi a proposé une nouvelle classification des armes, simplifiée qui permet en outre de mettre notre droit en conformité avec nos obligations européennes en la matière.

Elle a substitué au classement des armes en 8 catégories une nomenclature en quatre grandes catégories d'armes 106 ( * ) . Les nouveaux critères de classification retenus correspondent désormais à la dangerosité réelle et ne reposent plus sur le critère du calibre même si les calibres les plus dangereux restent toujours interdits à l'acquisition et à la détention.

Il importe de mettre le code de la défense en conformité avec la nouvelle nomenclature des matériels de guerre, armes, munitions et éléments. Dans la démarche de simplification qui opère une ventilation des armes depuis les anciennes catégories vers les nouvelles catégories simplifiées, le décret n°2013-700 du 30 juillet 2013 portant application de cette loi ne comprend plus la référence à l'acquisition à titre personnel. Il convient donc de supprimer à l'article L. 2335-17 du code de la défense la référence à une acquisition à titre personnel qui n'a plus de sens.

c) d'étendre et d'adapter à l'outre-mer le régime des importations et exportations des matériels de guerre et matériels assimilés, ainsi que les dispositions relatives à l'acquisition et à la détention d'armes et de munitions pour la pratique du tir sportif.

• La loi n° 2011-702 du 22 juin 2011 relative au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés, à la simplification des transferts des produits liés à la défense dans l'Union européenne et aux marchés de défense et de sécurité, a transposé en droit interne la directive 2009/43/CE du 6 mai 2009 simplifiant les conditions des transferts de produits liés à la défense dans l'Union européenne.

L'introduction par la loi du 22 juin 2011 de la notion d'« Etats non membres de l'Union européenne » dans les dispositions du code de la défense relatives aux importations et exportations de matériels de guerre et matériels assimilés hors du territoire de l'Union européenne (articles L. 2335-1 à L. 2335-3) circonscrit le champ d'application territorial de ces dispositions aux flux commerciaux d'armes à destination ou en provenance de pays tiers à l'Union européenne.

La rédaction actuelle des articles L. 2335-1 à L. 2335-3 du code précité ne permet pas de régir les flux d'armes en provenance ou à destination de certaines collectivités françaises d'outre-mer. Eu égard aux territoires douaniers distincts pour ces collectivités ultramarines, un dispositif de contrôle fondé sur le principe de prohibition doit subsister. Les adaptations nécessaires visent donc à maintenir un contrôle de ces flux pour prévenir le risque de réexportation ultérieure des matériels assimilés aux matériels de guerre, qui ne font pas, contrairement à ces derniers, l'objet d'un contrôle à l'importation dans les collectivités.

Des collectivités ultramarines sont en effet exclues du territoire douanier de l'Union européenne, en application de l'article 3 du règlement 2913/92 du 12 octobre 1992 établissant le code des douanes communautaire ; elles constituent en vertu de la décision 2001/822/CE du Conseil du 27 novembre 2001, des pays et territoires d'outre-mer de l'Union européenne (PTOM) 107 ( * ) . Il s'agit de la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie, des îles Wallis et Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon, des Terres australes et antarctiques françaises et, depuis le 1 er janvier 2012, la collectivité de Saint-Barthélemy.

Les collectivités susvisées sont régies en droit européen comme des pays tiers à l'Union européenne, en dépit de leur dépendance à un Etat membre de l'Union européenne. Il est donc envisagé de leur rendre applicable, avec les adaptations nécessaires, les dispositions des articles L. 2335-1 à L. 2335-3 et du livre IV de la deuxième partie du code de la défense.

La modification des dispositions susvisées permet au Gouvernement de définir les modalités d'application des échanges de matériels de guerre et de matériels assimilés qui sont réalisés depuis :

- les collectivités ultramarines vers des Etats non membres de l'Union européenne (Etats tiers) et en sens inverse ;

- depuis la métropole française ou des Etats membres de l'UE vers les collectivités ultra-marines et en sens inverse ;

- entre les collectivités ultra-marines.

Ainsi, le dispositif de contrôle applicable à ces collectivités consiste à les considérer expressément comme des pays tiers dans le traitement des demandes d'autorisation d'importation ou d'exportation. Il permettra d'apprécier l'opportunité des mouvements vers ces destinations, d'avoir une visibilité sur le circuit commercial d'approvisionnement en armes de ces collectivités et ainsi de prévenir les risques de détournement.

• L'article L. 2336-1 du code de la défense prévoit qu'il n'est pas possible de détenir des armes, quelle que soit la catégorie de classement, sans être âgé d'au moins dix-huit ans. Ce même article prévoit deux régimes d'exception, l'un relatif à la chasse et l'autre au tir sportif 108 ( * ) .

Dans les collectivités du Pacifique (Polynésie français, Nouvelle Calédonie et les îles Wallis et Futuna), la compétence en matière sportive ne relève pas de l'Etat mais de chacune de ces collectivités. L'adaptation de l'article 2336-1 du code de la défense dans les collectivités susvisées consiste à prendre en compte l'organisation sportive territoriale propre à chacune d'elles. À cet effet, dans les titres respectivement consacrés à la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et les îles Wallis et Futuna du livre IV de la deuxième partie du code de la défense, seront insérés des articles particuliers.

d) de procéder à quelques ajustements aux dispositions des articles L. 2342-8 et suivants du code de la défense, qui concernent les importations et les exportations de produits chimiques ,

Ces dispositions n'ont pas été modifiées à l'occasion de l'adoption de la loi n° 2011-702 du 22 juin 2011, notamment pour préciser que les transferts de ces produits à destination d'un autre État membre de l'Union européenne sont soumis aux dispositions de l'article L. 2335-9 du code de la défense et que l'introduction en provenance d'un autre État membre de ces produits chimiques est soumise à autorisation en vertu des dispositions de l'article L. 2335-10 du code de la défense.

e) de corriger l'omission de la destruction de la liste des d'opérations dont peuvent faire l'objet les produits explosifs, soumise à agrément technique et autorisations en application de l'article L. 2352-1 du code de la défense.

3. La modification de la partie 5 (Dispositions administratives et financières) de la partie législative du code de la défense , afin notamment de :

a) compléter la codification des dispositions domaniales intéressant la défense nationale avec un titre IV relatif à l'incorporation au domaine de l'Etat des biens des forces ennemies et codifier l'article 1 er du décret-loi du 1 er septembre 1939 relatif aux prises maritimes ;

b) prendre en compte les évolutions des réglementations budgétaire, financière et comptable particulières au ministère de la défense ;

c) abroger ou modifier des dispositions obsolètes, inadaptées ou devenues sans objet.

4. La modification des parties législatives du code de la défense et du code de l'environnement relatives aux installations et activités nucléaires intéressant la défense (IANID).

Ces installations se distinguent des installations nucléaires à usage civil, que sont par exemple les installations nucléaires de base, régies par les dispositions du code de l'environnement (articles L. 593-1 et suivants).

Les IANID sont actuellement régies par les dispositions du III de l'article 2 de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, dite "loi TSN", et par les articles R.* 1333-37 à R.* 1333-67-4 du code de la défense.

Les différentes catégories de IANID sont énumérées à l'article R.* 1333-37 du code de la défense, qui dispose que : « Les installations et activités nucléaires intéressant la défense mentionnées au III de l'article 2 de la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire sont :

1° Les installations nucléaires de base secrètes, classées par décision du Premier ministre ;

2° Les systèmes nucléaires militaires définis par arrêté du ministre de la défense ;

3° Les sites et installations d'expérimentations nucléaires intéressant la défense, dont la liste est fixée par un arrêté conjoint du ministre de la défense et du ministre chargé de l'industrie ;

4° Les anciens sites d'expérimentations nucléaires du Pacifique ;

5° Les transports de matières fissiles ou radioactives liés aux activités d'armement nucléaire et de propulsion nucléaire navale ».

Le régime juridique des IANID vise notamment à assurer la protection des personnes, des biens et de l'environnement contre les dangers ou inconvénients résultant de la création, du fonctionnement, de l'arrêt et du démantèlement des installations, ainsi que des activités couvertes par ce régime.

a) Le 4° de l'article 34 de la LPM vise à permettre l'insertion dans la partie législative du code de la défense de dispositions relatives aux IANID :

• Insertion des dispositions du III de l'art. 2 de la loi du 13 juin 2006, dite « loi TSN » :

La quasi-totalité des dispositions de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire (« loi TSN ») a été codifiée dans le code de l'environnement par l'ordonnance n° 2012-6 du 5 janvier 2012. Afin de poursuivre ce travail de codification et de pouvoir, à terme, abroger en totalité la loi TSN, il est nécessaire d'insérer dans la partie législative du code de la défense, en les adaptant, les dispositions du III de l'article 2 de cette loi relatives aux IANID.

• Insertion des dispositions définissant les différentes catégories de IANID :

Par analogie avec les dispositions relatives aux installations nucléaires de base, qui sont régies par les dispositions législatives du code de l'environnement (articles L. 593-1 et suivants, il s'agit d'élever dans la partie législative du code de la défense les dispositions définissant les différentes catégories de IANID, dont la liste est actuellement fixée par l'article R. 1333-37.

• Insertion de dispositions définissant les obligations d'information applicables aux IANID :

Les dispositions précisant les conditions et limites dans lesquelles doit s'exercer le droit de toute personne d'accéder aux informations relatives aux IANID figurent dans la partie réglementaire du code de la défense (articles R.1333-37-1, R. 1333-38 et R. 1333-39), il convient de les reclasser dans la partie législative de ce code, en les adaptant. En effet, conformément à l'article 7 de la Charte de l'environnement et à la jurisprudence du Conseil constitutionnel (décision n° 2008-564 DC du 19 juin 2008), il appartient au seul législateur de préciser les conditions et limites dans lesquelles doit s'exercer le droit de toute personne d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques. Ne relèvent du pouvoir réglementaire que les mesures d'application des conditions et limites fixées par le législateur.

b) Le 4° de l'article 34 de la LPM vise également à modifier des dispositions du code de l'environnement relatives à la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire afin d'éviter tout problème d'interprétation quant aux catégories de IANID qui sont soumises à ces dispositions :

Les dispositions législatives du code de l'environnement relatives à la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire prévoient (articles L. 597-2 et L. 597-27) que sont soumises à ces dispositions les installations nucléaires intéressant la défense nationale mentionnées au III de l'article 2 de la loi TSN, c'est-à-dire les IANID.

Néanmoins, toutes les IANID n'étant pas des installations nucléaires (c'est le cas notamment des transports de matières fissiles ou radioactives liés aux activités d'armement nucléaire et de propulsion nucléaire navale, mentionnés à l'article R.* 1333-37 du code de la défense), il apparaît nécessaire, dans le souci d'éviter tout problème d'interprétation, de modifier le code de l'environnement afin d'y mentionner expressément les catégories de IANID qui sont soumises à ces dispositions (y seront mentionnées les IANID ayant le statut d'installations nucléaires).

5. La modification des dispositions statutaires relatives aux militaires et aux fonctionnaires civils . Il s'agit :

a) de transposer, au bénéfice des militaires, des dispositions nouvelles relatives au congé parental adoptées pour la fonction publique civile (article 57 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012).

b) d'améliorer le régime des militaires blessés ou ayant contracté une maladie en opération et qui se trouvent dans l'impossibilité d'exercer leurs fonctions à l'issue de leurs congés de maladie.

Ils sont, en l'état actuel de la réglementation, placés en position de non activité avec un régime de rémunération et une situation administrative dégradés.

Les circonstances opérationnelles, retenues par hypothèse, sont considérées comme pouvant justifier, au titre de la reconnaissance de la nation pour le sacrifice consenti, un régime plus favorable. Le congé du blessé offre l'occasion de cette reconnaissance en plaçant le militaire concerné dans une position analogue à celle du congé de maladie durant 18 mois, avec, notamment, solde complète et maintien dans son affectation.

c) de mettre en cohérence le code de la défense et le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre relatives l'attribution de la carte du combattant.

Les articles L. 253 et suivants du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre reconnaissent aux militaires engagés en opération militaire à l'extérieur du territoire national l'attribution de la carte du combattant. Alors que le code de la défense qui ne comprend pas cette disposition.

d) de maintenir aux anciens la limite d'âge afférente à leur grade

Le corps des officiers technique et administratif de la marine (OCTAM) est supprimé dans le cadre de la réforme des corps militaires d'officiers en charge de l'administration générale et du soutien commun des armées et formations rattachées. Ces officiers ont vocation soit à rejoindre le corps des commissaires des armées, corps interarmées, soit le corps des officiers spécialisés de la marine. Or, dans le corps des officiers spécialisés de la marine, les limites d'âge des officiers des corps navigant sont inférieures à celle des OCTAM, il convient donc, pour ces derniers, de maintenir la limite d'âge afférente à leur grade dans le corps d'origine en modifiant l'article L4139-16 du code de la Défense.

e) de renforcer le dispositif d'accompagnement à la reconversion, notamment dans les autres fonctions publiques, soit par la titularisation sur dossier, soit en facilitant l'accès aux concours internes soit, enfin, en améliorant le dispositif de recrutement au titre des emplois réservés.

Ce renforcement est devenu nécessaire en raison de l'évolution du format des armées et de la nécessité d'assurer le renouvellement fréquent de leurs membres.

Les articles L. 4139-2 et L. 4139-3 concernent, respectivement, le dispositif d'accès à la fonction publique hors concours, sur dossier et par titularisation après période probatoire et le dispositif relatif aux emplois réservés, avec accès hors concours, sous réserve, en principe, de conditions restrictives, mais dont l'application a été détournée de son but avec le temps. L'objectif est de refondre ces deux articles en un seul (L. 4139-2) pour rendre le dispositif plus lisible pour les recruteurs publics tout en le recentrant sur l'accès des militaires aux emplois publics, toutes catégories et toutes situations confondues, en y retirant en revanche les anciens militaires qui en bénéficiaient également, à l'encontre des objectifs recherchés.

L'évolution du statut général des fonctionnaires vise à inscrire explicitement dans les titres II à IV de ce statut le dispositif d'accès des militaires à la fonction publique civile.

f) d'instituer une rémunération pour les volontaires dans les armées et pour les élèves ayant le statut de militaire en formation, dans les écoles désignées par arrêté du ministre de la Défense.

Leur rémunération est régie par un dispositif fragile. La possibilité de rémunérer ces militaires au-dessous du SMIC n'est, en effet, actuellement prévu qu'au niveau du décret (article R. 4123-1 du code de la Défense). L'objectif de cet alinéa consiste donc à intégrer la catégorie des volontaires dans les armées dans un article législatif (L. 4123-1) et lever toute ambiguïté juridique les concernant.

6. Le renforcement des attributions des bureaux d'enquêtes accident défense.

Il s'agit de leur attribuer, dans le champ des accidents de tir, de munitions et de plongée intervenant à l'occasion d'activités militaires, les mêmes prérogatives que la loi leur a reconnues pour les accidents de transport et donc leur d'avoir accès aux éléments relatifs à ces accidents figurant dans les enquêtes judicaires. Ceci leur permettra de mieux appréhender les causes techniques ayant conduit à un accident afin de diminuer les risques à venir.

7. Le remplacement dans le code de la défense du terme « zone de défense » par « zone de défense et de sécurité »

8. La refonte du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre pour en améliorer le plan et intégrer des dispositions non codifiée jusqu'à présent.

Par principe, le Sénat est toujours réticent à déléguer une partie des compétences législatives qui lui ont été attribuée par la Constitution.

En l'espèce, s'agissant de dispositifs techniques, de codification ou de mise en cohérence, la délégation semble pouvoir être consentie.

La Commission sera vigilante lors de l'examen des projets de loi de ratification. Elle demande au gouvernement de lui transmettre les textes des ordonnances au fur et à mesure de leur publication et façon à pouvoir en vérifier le contenu.

Votre Commission a adopté cet article sans modification.

Article 35 (loi n°60-769 du 30 juillet 1960, loi n'65-476 du 24 juin 1965, article 10 de la loi n°2008-492 du 26 mai 2008, article L. 211-23 du code de justice militaire, article 149 de la loi n°2008-1425 du 27 décembre 2009) - Abrogation de dispositions législatives

Cet article abroge :

1° la loi n° 60-769 du 30 juillet 1960 relative au corps des commissaires de l'air ;

2° la loi n° 65-476 du 24 juin 1965 créant l'intendance militaire de l'armée de terre , qui comprenait les fonctionnaires de l'intendance, les officiers d'administration de l'intendance militaire, les maîtres ouvriers et des sous-officiers et hommes de troupe.

Ces dispositions législatives sont devenues sans objet depuis la création d'un corps unique des commissaires des armées (décret n° 2012-1029 du 5 septembre 2012) laquelle a entraîné la disparition des corps des commissaires de l'armée de terre, des commissaires de la marine et des commissaires de l'air. La gestion des maîtres ouvriers, sous-officiers et hommes de troupe relève du Service du commissariat des armées (article R. 3232-9 du code de la défense).

L'article 10 de la loi n° 2008-492 du 26 mai 2008 relative aux emplois réservés et portant dispositions diverses relatives à la défense .

Cet article dispose que les polygones d'isolement ayant subsisté autour de certains établissements de la société SNPE en vertu de la loi du 3 juillet 1970, qui a transféré certains sites du service des poudres à cette société, sont maintenus au profit de ces établissements jusqu'à l'approbation des plans de prévention des risques technologiques (PPRT) mentionnés à l'article L. 515-15 du code de l'environnement afin de garantir l'exercice de leurs activités qui intéressent toujours la défense nationale.

En effet, ces établissements, qui ont perdu au moment de leur transfert à cette société en 1970 tout lien organique avec le ministère de la défense, ne répondaient plus aux critères fixés par l'article L. 5111-1 du code de la défense, selon lequel les polygones d'isolement sont réservés aux seuls établissements relevant du ministère de la défense.

Dans la mesure où il est envisagé par l'article 30 du projet de loi de programmation militaire de modifier l'article L. 5111-1 du code de la défense afin d'étendre la possibilité de créer un polygone d'isolement autour de « tous les établissements présentant un intérêt pour la défense nationale », il convient, dans un souci de cohérence juridique, d'abroger l'article 10 de la loi du 26 mai 2008. Cette abrogation permettra de préserver les polygones d'isolement maintenus autour des établissements de la société SNPE qui continuent d'intéresser la défense nationale.

4 ° l'article L. 211-23 du code de justice militaire.

La procédure de contrôle de l'instruction applicable du temps du tribunal aux armées de Paris ne se justifie plus depuis le transfert de compétence de celui-ci au tribunal de grande instance de Paris. Bien que le contentieux pénal militaire soit un contentieux spécifique, la procédure de contrôle de l'instruction est la même que pour les autres contentieux instruits au tribunal de grande instance de Paris. L'article L.211-23 est dès lors obsolète et son abrogation nécessaire.

l'article 149 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 à compter du 1 er janvier 2014)

Cet article a instauré un pécule modulable d'incitation à une seconde carrière au profit des militaires.

L'article 25 de la présente loi de programmation militaire a pour objet de prolonger ce dispositif, moyennant certaines évolutions. La mesure proposée s'appliquera sur la période comprise entre le 1 er janvier 2014 et le 31 décembre 2019. A titre transitoire, les pécules attribués en application de l'article 149 de la loi de finances pour 2009 demeurent régis par les dispositions prévues par cet article.

Votre Commission a adopté cet article sans modification.

Article 36 - Application dans les collectivités d'outre-mer à statuts spécifiques

Cet article permet de s'assurer que les dispositions contenues dans la loi s'appliquent sur l'ensemble du territoire de la République, dont les collectivités d'outre-mer à statuts spécifiques que sont notamment La Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie ainsi que Wallis-et-Futuna.

Pour ces derniers territoires, les dispositions de l'article 31 ne sont pas applicables.

La Polynésie Française et la Nouvelle Calédonie, font l'objet de lois organiques aux termes desquelles l'environnement, auquel se rattache le droit des enquêtes publiques, ne fait pas partie des compétences réservées à l'Etat.

• La Polynésie française est régie par la loi organique 2004 -192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française. L'article 7 de cette loi ne cite pas les dispositions relatives à l'environnement parmi les dispositions législatives et règlementaires applicables dans cette collectivité.

• De même, la loi organique n° 99-2009 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle Calédonie ne compte pas l'environnement parmi les matières législatives et réglementaires applicables de plein droit en Nouvelle Calédonie.

Les autres territoires auxquels les dispositions de l'article 31 ne s'appliqueraient pas sont Wallis et Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).

En effet, le code de l'environnement, qui est modifié par les dispositions de l'article 31, détermine lui-même, au livre VI de sa partie législative, celles de ses dispositions qui s'appliquent en Nouvelle Calédonie, en Polynésie française, à Wallis et Futuna, dans les Terres australes et antarctiques françaises et à Mayotte.

L'article L. 123-2 du code de l'environnement, modifié par l'article 31 ne fait pas partie des dispositions en question, à l'exception du cas de Mayotte. Dans cette dernière collectivité, le principe général est l'applicabilité de ce code, sous réserve de certaines adaptions au contexte institutionnel local, comme le prévoit l'article L.651-1 de ce code.

A cet égard, au titre 5 de ce même livre VI, l'article L. 651-3  prévoit que les dispositions législatives du code relatives à l'enquête publique sont  mises en oeuvre à Mayotte par une procédure de mise à disposition du public du dossier. Un arrêté du représentant de l'Etat définit le contenu de ce dossier, les modalités et la durée de la mise à disposition du public.

Votre Commission a adopté cet article sans modification.

Article 36 bis nouveau - Révision de la Loi de programmation dans un délai de quatre ans

Ce nouvel article, introduit par un amendement de votre commission, vise à prévoir que la présente loi de programmation militaire sera révisée au plus tard quatre ans après sa promulgation, pour conduire à une nouvelle loi de programmation.

Une telle clause figurait initialement dans le rapport annexé, mais votre commission a souhaité l'inclure dans le corps même des articles du projet de loi.

Votre commission a adopté l'article 36 bis (nouveau) ainsi rédigé.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 8 octobre 2013 sous la présidence de M. Jean-Louis Carrère, président, en présence du ministre de la défense, M. Jean-Yves Le Drian, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le rapport de M. Jean-Louis Carrère, rapporteur, sur le projet de loi n° 822 (2012-2013) relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.

M. Jean-Louis Carrère, président . - Avant de passer aux amendements, je souhaite que nous ayons un débat général maîtrisé. Ne changeons pas notre habitude, qui est de préférer aux grandes déclarations polémiques la recherche de l'intérêt général.

Sans revenir sur les analyses effectuées par le nouveau Livre blanc ni sur la nécessité d'une nouvelle loi de programmation militaire, rappelons que cette dernière répond à une double ambition : adapter notre outil de défense aux évolutions du contexte stratégique et préserver notre effort de défense afin de maintenir notre autonomie d'action. Le président de la République a décidé de sanctuariser les moyens financiers dont disposera la défense nationale. Les ressources du ministère de la défense sont maintenues à 31,4 milliards d'euros par an jusqu'en 2016, puis augmenteront progressivement jusqu'à 32,5 milliards en 2019, pour atteindre un total de 190 milliards d'euros sur la période. La France conserve ainsi ses ambitions de défense tout en tenant compte de l'objectif de redressement des finances publiques, dont la dégradation est devenue en elle-même un enjeu de souveraineté.

La défense est le troisième poste de dépense de l'État, après l'éducation, mais aussi après les intérêts de la dette. Or l'ensemble des démocraties occidentales, en Europe mais aussi aux États-Unis, procèdent aujourd'hui à des coupes drastiques dans leur budget de défense. La France sera ainsi l'un des rares pays en Europe capables de protéger de manière autonome son territoire et sa population, de dissuader tout agresseur étatique grâce au maintien de la dissuasion dans ses deux composantes, et d'intervenir militairement hors de son territoire. Même le Royaume-Uni a été contraint de renoncer à certaines capacités militaires, comme ses moyens aériens de patrouille maritime.

Le projet de loi de programmation prolonge, mais de façon plus modérée, la réduction du format de nos armées prévue par la précédente loi ; moins nombreuses, mais mieux armées, nos forces bénéficieront d'équipements nouveaux qui accroîtront leur efficacité opérationnelle : drones de moyenne altitude et longue endurance (MALE), avions de transport tactique A400M et ravitailleurs en vol, dont l'absence a fait défaut en Libye ou au Mali. Il poursuit tous les programmes d'équipements et en lance de nouveaux : seront ainsi livrés le premier sous-marin d'attaque nucléaire Barracuda, six frégates multimissions (FREMM) et des avions de combat Rafale. La modernisation des moyens de transport et de combat terrestre continuera avec le programme Scorpion. Grâce à la priorité donnée aux équipements, au renseignement et à la cyberdéfense, la France disposera d'un outil de défense moderne et adapté. Notre industrie de défense sera sauvegardée et les crédits de la recherche en matière de défense seront sanctuarisés.

Le projet de loi de programmation préserve ainsi l'essentiel ; il est d'une grande cohérence mais relativement fragile de ce fait même : le manque de l'un de ses éléments peut mettre l'ensemble en péril.

Nous ne sommes donc pas entièrement satisfaits, ou plutôt, nous restons inquiets. Aussi un amendement proposera-t-il, en cas de retour à meilleure fortune, de redresser le budget de la défense vers l'objectif de 2% du PIB.

Pour mettre en oeuvre cette loi de programmation, il faudra relever cinq défis. Le premier tient aux recettes exceptionnelles, provenant notamment de la vente de fréquences ou de cessions immobilières, qui viennent compléter les ressources budgétaires à hauteur de 6,1 milliards d'euros sur la période, soit 3% des ressources totales ; pour s'assurer qu'elles seront bien au rendez-vous, au montant et au moment prévus, l'ensemble des rapporteurs budgétaires de notre commission ont signé un amendement prévoyant qu'en cas de non-réalisation, elles seraient intégralement compensées par d'autres recettes ou par des crédits budgétaires sur un financement interministériel. Le deuxième défi est celui de la réussite de la déflation des effectifs et de la maîtrise de la masse salariale. La maîtrise des dépenses de soutien et du maintien en condition opérationnelle représentent un troisième enjeu. Quatrième défi, la préparation opérationnelle ne doit plus servir de variable d'ajustement : il en va de la crédibilité opérationnelle de nos armées et de leur moral. Enfin, cinquième et dernier défi, l'exportation : le maintien d'une industrie de défense forte suppose des succès à l'exportation quand les besoins des armées nationales ne suffisent pas.

Parce que la bonne exécution de la loi de programmation militaire sera déterminante - elle doit être absolument vertueuse ! -, nous proposerons un ensemble d'amendements renforçant le contrôle du Parlement sur cette exécution. La vigilance des élus est une garantie pour que la défense ne soit pas une nouvelle fois une variable d'ajustement.

Les orientations générales méritent d'être approuvées. Sa mise en oeuvre exigera beaucoup d'efforts, mais elle est très attendue par la communauté militaire et le monde de la défense. Elle est surtout dans l'intérêt de notre pays et au service de nos concitoyens et de notre sécurité. Comme l'a illustré son intervention au Mali, notre pays dispose d'équipements de très grande qualité mais surtout de militaires qui ont fait la preuve de leur professionnalisme, de leur dévouement et de leur efficacité. Notre commission et notre assemblée doivent, en approuvant ce projet de loi, témoigner de l'attachement des élus de la Nation à notre défense et aux hommes et femmes qui servent notre pays parfois jusqu'au sacrifice suprême.

M. Daniel Reiner, rapporteur délégué (équipements) . - Jusqu'en 2009, la loi de programmation militaire portait uniquement sur les équipements. On prend désormais en compte les autres agrégats. C'est une bonne chose, tant les interactions entre les grandes masses financières sont fortes. Au demeurant, l'exécution de la précédente loi a moins souffert d'une dérive financière, 3% par rapport au vote d'origine et 1,6% par rapport à la trajectoire rectifiée en 2010, que d'une mauvaise maîtrise de la masse salariale qui est venue amputer les crédits d'équipements. Il faut faire en sorte que cela ne se reproduise plus.

Pour le reste, cette loi de programmation s'inscrit pleinement dans la continuité de la précédente : aucun grand programme d'armement n'est arrêté et aucun n'a été lancé, sauf peut-être les drones et les MRTT dont on parlait déjà. Elle donne la priorité aux équipements : l'agrégat équipements augmentera en valeur absolue de 16 milliards en 2013 à 18,2 milliards en 2019, et cela dans une enveloppe qui stagne en euros courants ; les industriels auraient mauvaise grâce à se plaindre, et ils ne le font pas. Mais cette priorité ne vaut que pour autant qu'elle soit exécutée. Le gouvernement a entendu faire une loi réaliste et sincère, dont nous voudrions qu'elle soit la première à être exécutée conforme. Les lois de Bercy ne sont pas celles de la physique ? Si nous ne sommes pas capables, ni à droite, ni à gauche d'exécuter correctement les lois de programmation, contentons-nous des lois de finances annuelles ! Si au contraire nous souhaitons continuer d'en faire, alors donnons-nous les moyens de faire respecter leur exécution. Cela passe par un renforcement des pouvoirs de contrôle du Parlement, y compris sur pièces et sur place. Nous allons devoir peut-être faire le bonheur du gouvernement malgré lui. Nous n'avons pas accès à des documents importants, comme la version actualisée du référentiel de programmation (VAR), malgré mes demandes répétées. Il n'est plus acceptable que le directeur général de l'armement empêche certains responsables de programmes de venir s'exprimer sur leur exécution. Enfin, il nous semble important que l'État publie sa stratégie d'acquisition, comme cela était prévu dans le précédent Livre blanc.

Il est de l'intérêt de nos industriels de bénéficier de l'éclairage stratégique du client étatique afin qu'ils ne dépensent ni leur temps ni leur énergie sur des recherches ou des démonstrateurs de programmes qui ne verront jamais le jour. Nous vous proposerons en conséquence de sous-amender l'amendement 11 sur la stratégie d'acquisition.

M. Jacques Gautier, rapporteur délégué (équipements conventionnels) . - Ne boudons pas notre plaisir : optiquement au moins, la priorité semble bien donnée aux équipements, dans une loi qui a toujours été une loi d'équipements, et sous réserve que les dérapages de la masse salariale n'amputent pas les crédits des programmes, comme cela avait été le cas dans la précédente LPM. Ces nouvelles marges de manoeuvre n'ont pu être dégagées dans une enveloppe qui stagne en valeur qu'au prix de la diminution du format, de l'étalement des programmes et de la réduction des cibles.

La diminution du format, particulièrement rude dans l'armée de terre et dans l'aviation de chasse, touche aussi bien les équipements que les effectifs. Or, en matière militaire, la qualité de l'équipement est déterminante, mais la quantité compte aussi. Une arme est un système complexe composé d'une plate-forme et de la munition, dans un tel système, c'est la munition qui est la véritable arme. Or la loi de programmation va trop loin dans la réduction des cibles des programmes de missiles et de bombes. La cible du scalp naval, déjà ramenée à 200 unités, passe à 150. C'est trop peu, quand on sait que 170 missiles de croisières ont été envoyés sur la Libye aux premiers jours de l'intervention. C'est vrai également du missile Aster et des kits de guidage des bombes AASM qui permettent d'engager des cibles à haute valeur ajoutée hors zone. Il faut corriger cela, sinon notre armée n'aura d'autre utilité que de faire tourner les chaînes de production de nos industriels et de défiler sur les Champs-Élysées.

La réduction des cibles et l'étalement dans le temps sont les deux pires choses qui puissent arriver à un programme d'armement. Toute réduction des cibles se traduit mécaniquement par une augmentation, voire une explosion des coûts unitaires. Nous aurons au final commandé onze FREMM sur les dix-sept contractualisées, mais nous en aurons payé quatorze, et j'attends de faire le décompte pour le Rafale. En outre, cela rend obsolètes des équipements neufs, et conduit l'État à de coûteuses mises à jour. Quand il s'écoule cinquante ans entre la conception d'un programme et l'arrivée dans les forces du dernier exemplaire, c'est un peu comme si nos soldats s'écriaient : « Magnifique ! Les nouvelles Simca mille sont arrivées ! ».

Quand les gouvernements essaient de dégager des marges de trésorerie, l'État a intérêt à respecter sa parole et à avoir des programmes courts. Il serait ainsi préférable d'élargir les séries non pas dans le temps, mais dans l'espace par la coopération, comme dans le cas de l'avion A400M - ce magnifique appareil, désormais arrivé dans les forces, nous donnera une authentique autonomie stratégique, tactique et industrielle.

Je voudrais terminer sur une note positive ; la programmation va se traduire par l'entrée dans les forces d'équipements, pour la plupart d'entre eux conçus et commandés sous les précédents gouvernements. C'est dire comment la solidarité de ce que nous faisons en cette matière transcende la durée des gouvernements en place et doit être considérée du seul point de vue des intérêts de l'État.

M. Xavier Pintat, rapporteur délégué (nucléaire et espace) . - Je me réjouis du maintien des deux composantes de dissuasion. Le rapport d'information que Didier Boulaud et moi-même avions rédigé l'an dernier a été entendu et j'en félicite le gouvernement. Mais je mettrai néanmoins un bémol. La trajectoire financière qui sous-tend la programmation prévoit que notre effort de défense sera de 1,3% du PIB dans cinq ans : cela veut dire que nous n'aurons plus les moyens de tout faire ; Il faudra choisir, c'est-à-dire renoncer soit à la composante océanique, soit au groupe aéronaval autour du porte-avions, soit à la capacité d'intervention à l'extérieur et aux A400M. Je ne parle même pas de la composante aérienne de la dissuasion dont le coût de l'ordre d'une centaine de millions d'euros par an - hors rénovation - n'est pas à la hauteur des enjeux. D'autant que les missiles ASMP/A sont les seuls missiles porteurs de l'arme capables de traverser les défenses anti-missiles balistiques. Donc je dirai que le feu est à l'orange : ça passe, mais la prochaine fois on risque fort de devoir s'arrêter au feu.

Je me réjouis de l'arrivée des drones Reaper dans les forces. Nous avions pris des positions en pointe sur ce sujet puisque, avec Jacques Gautier, nous nous étions opposés au gouvernement de l'époque, pourtant de la même couleur politique que nous. C'est la grandeur et l'utilité du Sénat que de prendre ses décisions en toute indépendance. Puisque le gouvernement a pris une décision difficile et courageuse, pour laquelle je rends publiquement hommage à Jean-Yves Le Drian, de grâce, ne perdons pas notre temps et notre argent à essayer de franciser un drone qui marche. Gardons-les pour construire, ensemble avec nos amis européens, un drone de troisième génération en proposant une feuille de route réaliste et financée pour le sommet de décembre des chefs d'État et de gouvernement européens de décembre. Sur ce sujet, nous n'accepterons pas que l'État acquière un drone tactique, quel qu'il soit, sans un appel d'offres. Cela serait contraire aux intérêts financiers de l'État et à la satisfaction du besoin opérationnel de nos armées. Tirons les leçons du passé et ne refaisons pas les mêmes erreurs qu'avec le drone Harfang.

Sur l'espace militaire, je me félicite que la programmation poursuive les programmes déjà engagés tels que Musis ( multinational space-based imaging system ) ou Syracuse (système de radiocommunication utilisant un satellite). Je regrette cependant l'absence de l'alerte spatiale ou alerte avancée. On ne peut pas insister à longueur de Livre blanc et de loi de programmation sur la souveraineté nationale, l'indépendance stratégique et l'autonomie d'appréciation et ne rien proposer pour les garantir. Il faut être cohérent : ou bien nous réduisons nos ambitions à la hauteur de nos moyens, ou bien nous nous donnons les moyens de nos ambitions. Cette loi de programmation est ainsi la moins mauvaise possible dans le cadre budgétaire tracé... malheureusement ce cadre budgétaire n'est pas le bon.

M. André Dulait, rapporteur délégué (ressources humaines) . - Cette loi de programmation poursuit la diminution des effectifs : pour les années 2014-2019, l'article 4 prévoit une réduction d'environ 23 000 postes qui s'ajoute à la suppression d'environ 10 000 postes prévue par la précédente loi, soit une déflation totale de 33 000 postes sur la période et 82 000 sur les deux lois.

La grande manoeuvre des ressources humaines est beaucoup plus qu'une réduction des effectifs. C'est une réforme sans précédent du fonctionnement et des méthodes de gestion des armées, indissociable de la dissolution d'unités, d'organismes et de régiments, de la création des bases de défense, de la mutualisation et de la rationalisation du soutien commun. Les réformes menées de front sont inédites par leur ampleur. Peu d'institutions en France ont réussi un pareil tour de force et restructuré ainsi tout en engageant en permanence plus de 10 000 hommes sur le terrain dans plusieurs théâtres d'opération dont le dernier en date, le Mali, a illustré leurs performances - je veux leur rendre hommage. La catastrophe de Louvois est à comprendre dans ce contexte : une réforme sans précédent menée au pas de charge.

Le rythme de la déflation ira en décroissant vers 2019. Elle portera sur le soutien puis sur les forces de combat, affectant pour 78% des effectifs militaires et pour 22% des effectifs civils. Plus les années passent, plus la réduction des effectifs, notamment dans le soutien, devient difficile.

L'application de la précédente loi avait conduit à un maintien, voire à une croissance de la masse salariale, malgré la diminution des effectifs, à cause notamment de l'augmentation de la proportion des gradés, avec un objectif de dépyramidage. Celle-ci imposera au contraire une surdéflation des officiers, de l'ordre de 5 800 postes pour atteindre une proportion de 16% en fin de programmation. Des mesures similaires seront appliquées pour les civils.

De même, le renforcement de l'autorité fonctionnelle de la direction des ressources humaines du ministère de la défense (DRHMD) précisera les responsabilités en matière de suivi de la masse salariale, avec un document budgétaire unique. Enfin, dans la précédente loi, la moitié des gains résultant de la déflation avait été consacrée à l'amélioration de la condition militaire, l'autre moitié allant aux équipements. De moitié inférieure à la précédente, l'enveloppe de mesures catégorielles (45 millions d'euros par an), traduira un retour catégoriel moindre.

Pour atteindre ces objectifs, un certain nombre de dispositions de la partie normative du projet favorisent les départs de militaires, tels que la pension afférente au grade supérieur (article 23), la promotion fonctionnelle (article 24), ou encore la prolongation du pécule d'incitation à quitter l'armée (article 25) et de la mise en position de disponibilité. L'article 28 proroge en outre l'indemnité de départ volontaire pour les ouvriers d'État. Les armées pourront déterminer de façon précise les cibles par grade et par année susceptibles de bénéficier de ces dispositifs. Ces dispositions très classiques n'appellent ni observation ni amendement.

La réussite de la déflation demande que le moral des troupes soit préservé. Une évolution d'une telle envergure ne pourra être conduite efficacement à son terme sans la mobilisation et l'adhésion de l'ensemble des personnels civils et militaires. La condition militaire ne doit pas s'écarter excessivement des conditions de travail des civils ; la qualité du recrutement comme la fidélisation des militaires en dépendent. Une autre condition est la préservation du flux de recrutement, nécessaire au maintien d'une armée jeune, prête au combat. Or la tentation peut être forte de jouer sur les recrutements si les départs anticipés ou les mobilités vers la fonction publique ne sont pas à la hauteur. Les administrations, qui réduisent leurs effectifs, n'accueillent pas nos militaires à bras ouvert !

Je vous proposerai, lors de l'examen des articles, deux amendements : le premier sur le financement des opérations extérieures, le deuxième relatif au contrôle de la masse salariale.

Mme Michelle Demessine, rapporteure déléguée (accompagnement économique, immobilier et infrastructures) . - Soulignons tout d'abord l'engagement de l'État et du ministère de la défense sur l'accompagnement économique des territoires, qui n'existe pas en Grande-Bretagne ou en Allemagne. L'enveloppe de 150 millions d'euros est proportionnée à l'ampleur des restructurations attendues, moindre que dans la précédente loi de programmation. Le rapport annexé indique que les mécanismes de contractualisation avec les communes pour la redynamisation des territoires seront simplifiés et que le régime des prêts participatifs de la Société de financement pour la réforme et le développement (Sofired), désormais au sein de la Banque publique d'investissement (BPI) sera amélioré. La prorogation de la possibilité de cession des emprises militaires délaissées à l'euro symbolique est annoncée pour le projet de loi de finances pour 2015. Il y a peu de précision en revanche, sur l'accompagnement fiscal et sur les dispositifs annexes. Nous vous proposerons quelques amendements pour conforter ce dispositif et pour que le Parlement suive mieux sa mise en oeuvre.

Des ressources exceptionnelles sont attendues des cessions immobilières de la défense : 650 millions d'euros sur la période dont 200 millions par an les trois premières années, en particulier grâce à la cession des emprises parisiennes. L'article 29 proroge la dérogation au code de la propriété des personnes publiques autorisant la remise des immeubles à France Domaines sans avoir à vérifier préalablement leur éventuelle utilité pour d'autres services de l'État. La clause de retour de 100% du produit des cessions au budget de la défense s'achevant à la fin de 2014 serait prorogée dans le projet de loi de finances pour 2015 ; nous vous proposerons de l'inclure dès 2014. Il s'agit enfin de lever des freins à la cession des immeubles, par exemple ceux tenant à la dépollution pyrotechnique.

L'optimisation des infrastructures immobilières se traduira sans doute par une densification des emprises, une rationalisation des structures, mais d'une ampleur plus réduite qu'au cours de la précédente loi. Un effort sera fait pour réaliser certaines infrastructures, décalées au cours de la précédente programmation, concernant la maintenance et les conditions de vie des militaires. Les programmes de réalisation d'infrastructures spécifiques pour accueillir les nouveaux équipements seront poursuivis, comme la rénovation des réseaux électriques des grands ports et celle des hôpitaux. Le réajustement des commandes d'équipement entraînera une adaptation des programmes d'infrastructures qui y sont associés mais dans une moindre mesure : réduisez le nombre de hangars, il faut toujours une piste pour les avions...

M. Joël Guerriau, rapporteur délégué (articles 30, 31 et 32) . - L'article 30 étend le régime juridique des polygones d'isolement autour d'établissements sortis de l'orbite organique du ministère à la suite de privatisations. L'article 31 rehausse au niveau législatif des exemptions et aménagements de nature réglementaire aux procédures de l'enquête publique, afin d'assurer la protection du secret de la défense nationale. L'évolution de la jurisprudence du Conseil constitutionnel y invite. L'article 32 complète un article du code pénal qui sanctionne « les intrusions non autorisées sur un terrain, dans une construction ou dans un engin affecté à l'autorité militaire », parce que les ports militaires étaient couverts de façon insuffisante, notamment pour ce qui concerne les plans d'eau. Nous n'avons pas d'objection à l'adoption de ces articles.

M. Gilbert Roger, rapporteur délégué (préparation opérationnelle et maintien en conditions opérationnelles) . - L'entraînement fonde la valeur opérationnelle des forces armées. Depuis plusieurs années, nous nous alarmons de l'effritement continu et préoccupant des crédits dévolus à la préparation opérationnelle et des conditions d'entraînement des militaires, notamment dans les unités non projetées en OPEX. Dans un contexte de rareté budgétaire et d'engagements nombreux, on a privilégié les interventions extérieures au détriment des missions d'entraînement sur le territoire national. Les jours d'entraînement de l'armée de terre ont fondu comme neige au soleil des 150 jours prévus dans la loi de programmation 2009 aux 83 réalisés en 2013....

La priorité donnée aux opérations s'est également ressentie pour les matériels et équipements utilisés pour l'entraînement, dont la disponibilité opérationnelle s'est trouvée particulièrement contrainte, tandis que les dotations budgétaires consacrées à l'entretien programmé des matériels s'éloignaient progressivement des trajectoires de la loi de programmation. On se trouve aujourd'hui dans l'effet de ciseau de ce qu'on appelle la courbe en baignoire : la maintenance d'un parc d'équipement vieilli et hétérogène devient difficile et plus couteuse ; l'arrivée de nouveaux matériels renchérit également le coût d'entretien, insuffisamment couvert par les dotations budgétaires. Puiser dans le stock de pièces de rechange a fini par affecter directement la disponibilité des matériels. Nous avons ainsi de véritables points noirs bien connus : transport stratégique et tactique de l'armée de l'air, patrouille maritime de la marine, AMX10 de l'armée de terre... La prévision de disponibilité est tombée à 40% pour les véhicules de l'avant blindé (VAB), à 50% pour les frégates et à 60% pour les avions de combat de l'armée de l'air.

L'inversion de cette tendance est une priorité forte du projet de loi de programmation militaire. Les crédits consacrés à l'entretien programmé des matériels progresseront en moyenne de 4,3% par an en valeur pour s'établir à un niveau moyen de 3,4 milliards d'euros courants par an sur la période. Il faudra toutefois agir en deux temps : les deux premières années seront consacrées à la reconstitution des stocks et à la stabilisation de l'activité au niveau d'entraînement, déjà trop juste, de 2013 ; ce n'est qu'à compter de 2016 qu'est prévu un redressement des indicateurs d'entraînement.

Un grand programme de révision de la chaîne logistique ( supply chain ) a été lancé afin de rationaliser toutes les composantes du MCO. Il devrait voir le jour en 2015, pour une mise en oeuvre en 2016.

C'est dans le moyen terme que les efforts paient. Les améliorations ne se feront pas d'un coup de baguette magique, mais avec de la ténacité, dans la durée. Nous soutenons bien sûr l'effort résolu du Gouvernement en la matière, et je vous présenterai tout à l'heure deux amendements pour l'inciter à ne pas flancher en cours de route.

M. André Trillard, rapporteur délégué (recherche et technologie de défense) . - Je me réjouis que les crédits consacrés à la recherche et à la technologie de défense soient en principe sanctuarisés à hauteur de 730 millions d'euros par an, soit un peu plus que dans la précédente loi. Néanmoins, il ne faut pas exagérer l'importance de cette orientation qui résulte de la diminution de la production, de l'étalement des programmes dans le temps et de la réduction des cibles. En d'autres termes, dans une enveloppe budgétaire qui stagne en euros courants, les crédits sont concentrés sur les études plutôt que sur la production. C'est un choix respectable. Imaginer le futur de l'avion de combat et avoir les études sur les drones c'est bien ; avoir les drones en vrai c'est bien aussi. N'exagérons donc pas l'importance donnée aux crédits destinés aux études amont.

Lorsque les temps sont difficiles et les ressources rares il faut dépenser son argent à bon escient. Je regrette que le gouvernement n'ait pas profité de l'occasion pour modifier la démarche stratégique française. Certains documents comme le plan prospectif à trente ans n'ont pas été remis à jour depuis 2011. Cela signifie-t-il que pendant toute la durée de redéfinition du Livre blanc, de la loi de programmation et de la loi de finances, les industriels doivent s'arrêter de travailler ? N'est-il pas dans l'intérêt de ces mêmes industriels, de cette fameuse base industrielle et technologique de défense, de savoir quelles sont les priorités de l'État avant d'investir ? Cela est d'autant plus important pour les PME. MM. Gautier et Reiner défendront un sous-amendement sur le sujet.

De même, je me demande s'il ne faudrait pas dissocier les fonctions d'orientation et d'éclairage stratégique de la recherche des fonctions de conduite des programmes d'armement. Aux États-Unis, la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) est une agence autonome et son action n'est pas absorbée par la lourde responsabilité de définir et de conduire les différents programmes. Or, en France, la Direction générale de l'armement est responsable de tout. Il y a sans doute là une réflexion à mener sur la nécessaire refonte de la démarche stratégique.

M. Jacques Berthou, rapporteur délégué (cyberdéfense) . - Les attaques informatiques représentent aujourd'hui l'une des toutes premières menaces qui pèsent sur notre sécurité nationale. Le nouveau Livre blanc et ce projet de loi en font d'ailleurs une priorité nationale, comme l'avait demandé Jean-Marie Bockel.

On peut distinguer trois grands types d'attaques informatiques : l'espionnage, souvent d'origine étatique, est massif, comme l'illustrent les révélations de l'ex-consultant de la National Security Agency (NSA) Edward Snowden, et touche à tous les domaines de souveraineté ; la déstabilisation est l'attaque la plus médiatisée car la plus visible, avec ses messages de propagande ou d'hostilité placés sur des sites internet mal protégés ou la paralysie de l'accès à des sites internet ou à des services en ligne, dites attaques en déni de service ; le sabotage, enfin, cherche à faire dysfonctionner les installations connectées aux réseaux de communications électroniques, qu'il s'agisse de services bancaires ou de centrales de production d'énergie. On peut ainsi penser au virus informatique Stuxnet, ayant détruit un millier de centrifugeuses de la centrale nucléaire iranienne de Natanz, retardant ainsi le programme nucléaire militaire de l'Iran, ou encore l'attaque subie par le premier producteur mondial de pétrole Saudi Aramco en août 2012.

Certaines de ces cyberattaques peuvent mettre en cause la sécurité nationale : attaques sur des systèmes étatiques, sur des réseaux essentiels touchant à des infrastructures critiques (comme une centrale électrique ou le réseau d'électricité par exemple), sur des systèmes de communication de nos équipements militaires, ou encore tentatives de pénétration des réseaux des administrations, des grandes institutions publiques et des entreprises stratégiques. Cette cybermenace ira inévitablement en s'accentuant : nous sommes tous les jours plus dépendants des systèmes d'information et d'internet, ce qui en fait des cibles particulièrement sensibles ; l'interconnexion des réseaux est croissante et l'utilisation de produits standards, dont les vulnérabilités sont en permanence scrutées par les attaquants, se généralise ; le profil des attaquants se professionnalise, avec l'apparition de véritables groupes de hackers capables de monnayer leur savoir-faire auprès d'un large éventail de commanditaires ; certains États eux-mêmes se dotent de capacités offensives ; enfin, ce type d'attaque reste peu coûteux et peu risqué pour celui qui le met en oeuvre.

Comme le souligne le nouveau Livre blanc, il est indispensable de renforcer la protection et la défense des systèmes d'information et de communication jugés essentiels, comme le prévoit le projet de loi de programmation.

M. Jean-Marie Bockel, rapporteur délégué (cyberdéfense) . - Trois principales mesures sont prévues dans la partie normative. Le projet renforce les moyens d'action de l'État, grâce à l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI). En cas d'attaque informatique grave « portant atteinte au potentiel de guerre ou économique, à la sécurité ou à la survie de la Nation », celle-ci pourra accéder légalement à l'ordinateur utilisé par l'attaquant, surveiller son comportement et éventuellement neutraliser ses effets. Lors de son audition, le directeur général de l'ANSSI, Patrick Pailloux, a comparé cette disposition à la situation des pompiers : en cas d'incendie ils ont le droit d'enfoncer la porte pour sauver les occupants d'un immeuble.

En outre, ce texte renforce, comme nous l'avions demandé, les obligations des quelque 250 opérateurs d'importance vitale en matière de protection de leurs systèmes d'information. Cette loi reprend plusieurs propositions de notre rapport, ainsi que des mesures prévues par une proposition de directive européenne. Ainsi, ces opérateurs signaleront, sous peine de sanction, les incidents informatiques significatifs à l'ANSSI. L'État pourra imposer aux opérateurs des règles de sécurité informatique, définies secteur par secteur, en concertation avec les opérateurs. Il pourra aussi procéder à des audits ou des contrôles en matière de sécurité informatique, comme c'est déjà le cas pour la sécurité physique des installations sensibles. Enfin, en cas de crise informatique majeure, l'État pourra imposer des mesures drastiques, comme la déconnexion de l'Internet.

Le troisième volet renforce la sécurité des grands équipements de réseau, à l'image des routeurs de coeur de réseau, en prévoyant un régime d'autorisation. Il s'agit d'éviter que ces équipements, par lesquels transitent toutes les communications, ne soient utilisés par certains États ou organisations à des fins d'espionnage en y plaçant des dispositifs d'interception.

Au total, les dispositions normatives renforcent la protection de nos systèmes d'information et légalisent des actions que nous serions amenés à mener. Avec Jacques Berthou, nous vous proposerons de compléter ces mesures par deux amendements pour autoriser l'étude des vulnérabilités informatiques des laboratoires de recherche et des entreprises spécialisées dans la sécurité informatique.

Le rapport annexé prévoit un renforcement des moyens humains et financiers des armées, de la DGA et des services spécialisés consacrés à la cyberdéfense, afin de combler notre retard.

Je salue votre engagement, monsieur le Ministre, dans le domaine de la cyberdéfense, qui a été rappelé par le contre-amiral Arnaud Coustillière, officier général à la cyberdéfense, lors de son audition. Malgré la diminution des effectifs du ministère et dans un contexte économique difficile, vous avez récemment annoncé à Rennes que les effectifs et les moyens financiers consacrés à la cyberdéfense seront renforcés. Compte tenu de l'importance de ce sujet, nous avons pensé utile, avec Jacques Berthou et en accord avec notre président, de proposer un amendement afin de graver cela dans le marbre de la loi.

M. André Vallini, rapporteur délégué (judiciarisation) . - Le chapitre 4, dont vous avez bien voulu nous charger, avec Marcel-Pierre Cléach, qui m'a prié de l'excuser, lutte contre la judiciarisation inutile de l'action militaire.

Le Président de la République a pris, dès mai 2012, à la suite de la décision très commentée de la Cour de Cassation dans l'affaire d'Uzbeen, l'engagement de ne pas soumettre les militaires engagés en opérations à un risque juridique excessif, qui viendrait paralyser leur action : « Nos militaires qui assurent la protection de la Nation méritent en retour que la Nation les protège, notamment d'une judiciarisation inutile de leur action » a-t-il dit à l'époque. Le recours croissant au juge dans les rapports sociaux n'est pas spécifique à l'action militaire ; c'est une évolution générale de la société. Pourtant, la situation d'un militaire en opérations étant différente de celle d'un chirurgien ou d'un médecin urgentiste, il convient de prévoir des dispositions pénales particulières.

Le militaire est naturellement amené à faire usage de la force ; en opérations, l'urgence est son lot commun. Il exerce parfois son métier dans des conditions extrêmes. La mort, dont l'acceptation figure en toutes lettres, sous le terme de « sacrifice suprême », dans le statut général des militaires, est la conséquence ultime d'un engagement, et non un dommage causé à une victime. L'application du droit commun n'est pas totalement adaptée à ces circonstances très particulières. Pour autant, « On est citoyen avant d'être soldat » disait Napoléon, et l'accès des victimes au juge est un principe constitutionnel qui ne peut souffrir que des exceptions limitées.

Conciliant au mieux ces deux impératifs contradictoires, les propositions du groupe de travail entre les ministères de la défense et de la justice reprennent la réflexion menée dans le cadre de la commission Denoix de Saint Marc en 2004 sur le statut général des militaires, qui nous avait conduits à adopter diverses dispositions législatives en 2005.

Il convient tout d'abord de souligner le caractère très spécifique de la mort au combat, dont la cause n'est, en principe, ni suspecte ni inconnue, pour éviter ainsi que certains événements graves mais inhérents à la nature des opérations militaires, ne soient immédiatement appréhendés sur le terrain judiciaire. Le projet de loi met ainsi fin au déclenchement automatique de l'enquête pour recherche des causes de la mort dans le cadre de combats. Les magistrats pourront décider s'il y a lieu à enquête. De plus, le parquet aura le monopole de la mise en mouvement de l'action publique en cas de crimes ou délits commis par un militaire à l'étranger, dans le strict cadre d'une opération militaire et dans l'accomplissement de sa mission.

L'excuse pénale pour le militaire qui, dans le cadre d'une opération militaire se déroulant à l'extérieur du territoire français, exerce des mesures de coercition ou fait usage de la force armée, ou en donne l'ordre, « lorsque cela est nécessaire à l'accomplissement de sa mission », s'appliquera aussi pour des interventions militaires ponctuelles de type libération d'otages, évacuation de ressortissants ou police en haute mer, et pas seulement pour les OPEX stricto sensu . La responsabilité pénale des militaires ne pourra être engagée pour des faits de violence involontaires qu'après prise en compte par la justice d'un certain nombre de circonstances inhérentes aux difficultés particulières de l'action militaire.

Enfin, la spécialisation des juridictions de droit commun en charge des affaires pénales concernant les militaires se poursuit, d'où la concentration du contentieux pour les infractions commises sur le territoire national sur un plus petit nombre de juridiction - elles passeront de 33 à moins d'une dizaine. La concentration et la spécialisation sont nécessaires ; nous l'avions dit dès 2011 lorsque nous avions supprimé le tribunal aux armées de Paris.

Ce volet de la loi de programmation est très attendu de la communauté militaire, et il est bien reçu aussi bien par le ministère de la justice, que par les avocats et magistrats que nous avons rencontrés. De façon générale, on constate un certain rapprochement entre deux mondes qui étaient soit étrangers soit hostiles l'un à l'autre. Nous avons insisté auprès de la chancellerie et des magistrats sur la formation des juges à la chose militaire, et ce dès l'École nationale de la magistrature, et auprès du ministère de la défense sur l'impératif de professionnaliser la prévôté, de renforcer le conseil juridique auprès des chefs de corps mais aussi d'informer et d'accompagner les familles des victimes, car les proches ne partagent pas toujours l'engagement du soldat victime au combat. En cas d'événement grave, des maladresses ont pu être commises par le passé, qui ont précipité la judiciarisation.

La question la plus sensible est celle du monopole des poursuites pour les événements survenus en OPEX. Le filtre du parquet est justifié non seulement en raison du risque d'instrumentalisation des prétoires contre la politique de défense, que Robert Badinter mettait en avant dès 1982, mais aussi à cause des conséquences opérationnelles de la judiciarisation. Le risque pénal inhibe le commandement, alors que l'audace et la prise de risque calculé font partie de la manoeuvre militaire, suivant la devise : « Qui ose gagne ». Avec le risque de judiciarisation, les chefs voudront se couvrir et leur main pourrait passer de l'épée au parapluie. Le risque pénal fragilise la chaîne d'exécution de l'ordre, alors que la discipline et l'obéissance fondent l'efficacité militaire, surtout dans l'armée française, caractérisée par une prise de responsabilité à tous niveaux, notamment dans les forces spéciales.

Le gouvernement nous proposant un bon point d'équilibre, je ne vous présenterai que des amendements de précision.

M. Alain Néri, rapporteur délégué (harkis) . - L'article 33 rétablit les intentions du législateur qui, de façon constante depuis 1987, réserve le bénéfice de l'allocation de reconnaissance servie aux harkis, aux seuls membres des formations supplétives de l'armée française en Algérie, soumis antérieurement au statut civil de droit local applicable aux populations arabo-berbères d'origine locale. La loi de 1987 et les lois en découlant avaient posé deux critères : celui de résidence ou de domicile sur le territoire français ou de l'Union européenne, et celui de nationalité. Le Conseil constitutionnel a considéré à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité, que ce dernier ne pouvait être justifié par l'objet de la loi. En censurant cette disposition, il a de facto rendu bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance de nouvelles catégories. Le coût de cette extension serait de 270 millions pour 9 000 bénéficiaires supplémentaires. Pour éviter cet effet d'aubaine, l'article 33 vise directement « les membres des formations supplétives de statut civil de droit local », pour éviter la référence au critère de la nationalité prohibé par le Conseil constitutionnel. Je vous propose de l'adopter.

M. Jean-Louis Carrère, président (renseignement) . - Le précédent Livre blanc de 2008 avait consacré la nouvelle fonction stratégique « connaissance et anticipation » et fait du renseignement une priorité. La création du coordonnateur national du renseignement, la fusion de la direction centrale des renseignements généraux (RG) et de la direction de la surveillance du territoire (DST) au sein de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), qui s'appellera dans quelques jours la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), ainsi que la création d'une académie du renseignement, ont renforcé les échanges entre les six services de la « communauté française du renseignement » : la DCRI, la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), la direction du renseignement militaire (DRM), la direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD), la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) et Tracfin.

La précédente loi de programmation militaire s'est traduite par une augmentation sensible des moyens humains et budgétaires, principalement au profit de la DGSE. En revanche, les programmes majeurs de renseignement militaire, comme les satellites MUSIS et CERES ont subi des retards très importants.

Enfin, les dysfonctionnements constatés à l'occasion de l'affaire Merah ont démontré qu'il fallait renforcer les moyens du renseignement intérieur, mais aussi prévoir un véritable contrôle parlementaire sur les services de renseignement, afin d'éviter une judiciarisation excessive.

Dans le prolongement du nouveau Livre blanc, qui érige le renseignement en priorité majeure, le projet renforce sensiblement les moyens humains et financiers des services de renseignement, et adapte le cadre juridique de leur action. Le chapitre 2 prévoit ainsi de renforcer la protection de l'anonymat des agents appelés à témoigner lors de procédures judiciaires, d'élargir l'accès des services de renseignement aux fichiers administratifs et de police judiciaire, d'autoriser l'accès des services au fichier des déplacements aériens (API), de créer un nouveau fichier sur les données des passagers aériens (PNR) et de clarifier le cadre juridique de la géolocalisation en temps réel.

Avec Michel Boutant et Jeanny Lorgeoux, nous nous sommes entretenus de ces mesures avec le coordonnateur national du renseignement, M. Alain Zabulon, avec le directeur général de la sécurité extérieure, M. Bernard Bajolet, avec le directeur du projet PNR, M. Evence Richard, ainsi qu'avec les représentants de la CNIL. Il est ressorti de ces auditions, comme des travaux du groupe de travail n° 4 de la commission chargée d'élaborer le Livre blanc, auxquels j'ai participé, qu'il fallait adapter le cadre juridique afin de renforcer l'efficacité d'action des agents des services de renseignement, tout en préservant le respect des libertés et droits fondamentaux. À cet égard, les représentants de la CNIL ont critiqué le nouveau fichier PNR, le jugeant inutile et soulevant des difficultés au regard de la protection des données personnelles. Ce fichier s'inspire d'une proposition de directive de la Commission européenne qui a fait l'objet d'un accord politique au Conseil mais qui a été rejetée par le Parlement européen. Les données PNR sont les données communiquées par un passager lors de la réservation d'un vol. Elles sont particulièrement utiles aux services de renseignement. Ainsi, lors de l'enquête sur Mohammed Merah, il est apparu que celui-ci avait effectué plusieurs séjours au Pakistan et en Afghanistan mais qu'il avait trompé la vigilance des services en effectuant plusieurs escales courtes. De plus, les compagnies aériennes françaises transmettent les données PNR aux États-Unis, au Canada et à l'Australie, en vertu d'accords conclus avec l'Union européenne, alors que nos propres services de renseignement ne peuvent y avoir accès. Nous vous proposerons plusieurs amendements pour renforcer les garanties relatives à la protection des données personnelles.

Jusqu'en 2007, la France était la seule démocratie occidentale à ne pas disposer d'un organe parlementaire dédié au contrôle des services de renseignement. La création en 2007 de la délégation parlementaire au renseignement a corrigé cette anomalie. En tant que membre de cette délégation, avec notre collègue Michel Boutant, je peux témoigner que, depuis plusieurs années, une véritable relation de confiance s'est nouée avec les services.

Cette délégation, à qui le projet confère un pouvoir de contrôle de la politique du gouvernement en matière de renseignement, sera informée de la stratégie nationale du renseignement et du plan national d'orientation du renseignement ; un rapport lui sera transmis tous les ans sur les crédits des services de renseignement. Le texte étend aussi la liste des personnes pouvant être auditionnées. Surtout, la commission de vérification des fonds spéciaux deviendrait une formation spécialisée de la délégation. Jusqu'à présent, les deux organismes étaient concurrents et la commission de vérification disposait de moyens plus importants que la délégation. Ces avancées sont importantes. Nous vous proposerons toutefois plusieurs amendements pour renforcer le contrôle parlementaire, en prévoyant que la délégation puisse auditionner les directeurs mais aussi les agents des services et connaître, sous certaines conditions, les opérations achevées.

M. Jacques Gautier . - Nous vivons un moment important, car nous réfléchissons à l'horizon de six, voire de douze ans. Notre approche doit être la plus constructive possible. Membre du Conseil permanent de sécurité et engagés auprès de divers pays africains, nos responsabilités internationales sont importantes, contrairement à d'autres pays européens, et nous intervenons seuls ou au sein de coalitions régionales ou internationales.

Cette loi de programmation correspond-elle aux besoins de notre pays ? Certains estiment que le ministre a obtenu de réelles avancées. Ce qui est sûr, c'est qu'il a sauvegardé l'essentiel. Aussi une partie du groupe UMP s'abstiendra-t-elle, reconnaissant par là même qu'il a préservé l'avenir, même s'il reste incertain. D'autres insisteront sur la fragilité de cette loi de programmation qui ne fait pas de choix et dont l'ambition dépasse nos moyens budgétaires. Dénonçant un manque de courage politique, ils voteront contre. Chacun se prononcera avec sincérité pour que notre pays tienne sa place dans le monde, quitte à revoir ses ambitions.

M. Jean-Marie Bockel . - Les auditions ont été très intéressantes, notamment la vôtre, monsieur le Ministre, mais aussi celles des chefs d'état-major des différentes armes ; certains ont été enthousiastes, d'autres plus réservés.

Reste le débat sur la dissuasion nucléaire : a-t-elle encore un sens, en avons-nous encore les moyens ? Ces questions sont légitimes. Dans le monde actuel, j'estime toutefois que cet outil d'influence conforte notre rôle dans diverses instances internationales. Le groupe UDI se réunira mardi prochain pour déterminer son vote ; en ce qui nous concerne, nous ne prônerons pas un vote négatif.

Mme Michelle Demessine . - Cette loi de programmation a le grand mérite de préserver l'essentiel de notre outil militaire, maintenant ainsi notre rang stratégique et notre influence internationale. Notre pays va continuer, pour combien de temps encore ?, à mener de front la dissuasion nucléaire, des OPEX exigeantes et il va accroître ses efforts dans le domaine du renseignement.

Notre commission a joué son rôle, et elle a déposé des amendements. Pourtant, je doute que les moyens soient alloués objectifs stratégiques du Livre blanc. Nos capacités militaires correspondront-elles aux ambitions du gouvernement ? Des économies sont réalisées au prix d'une réduction drastique des effectifs : 82 000 emplois en douze ans ! Même si nos forces opérationnelles sont les moins touchées, à terme, cette saignée affaiblira nos capacités.

Enfin, nous sommes fondamentalement opposés à la dissuasion nucléaire : ses crédits sont sanctuarisés alors que l'arme nucléaire ne faisant plus face aux menaces actuelles, il est inutile de la moderniser. Ses crédits seraient bien plus utiles à l'armée de terre.

Conscient néanmoins des efforts du gouvernement, le groupe CRC s'abstiendra.

Mme Kalliopi Ango Ela . - Le groupe écologiste se réunira la semaine prochaine pour décider de son vote.

M. Jean-Pierre Chevènement . - Le groupe RDSE votera cette loi de programmation militaire, d'autant que le ministre n'a pas ménagé ses efforts et qu'il a obtenu un résultat très au-dessus de ce que l'on pouvait craindre.

Le déclassement stratégique de la France que pourrait entraîner une prolongation de la stagnation économique, serait grave car notre équation politique est particulière, notre protection est assurée par la dissuasion. Je ne partage d'ailleurs pas ce qui vient d'être dit. Nous ne sommes pas à l'abri de surprises stratégiques, les révolutions arabes l'ont montré et l'Asie est le continent de toutes les tensions à venir. Nous ne sommes pas à l'abri de frappes venues de très loin. Ceux qui souhaiteraient que notre pays se défasse de cette arme oublient qu'elle a été conçue pour que la France reste, le cas échéant, en dehors d'un conflit où ses intérêts vitaux ne seraient pas engagés.

M. Jean Besson . - Très bien !

M. Jean-Pierre Chevènement . - Quant aux OPEX, nous devons remplir nos obligations dans le cadre de la légalité internationale. C'est une fonction dont il faut savoir user avec modération.

M. Daniel Reiner . - Les commissaires socialistes soutiendront ce projet de loi, non pas uniquement par solidarité majoritaire, mais parce qu'ils estiment que le ministre a obtenu ce qu'il pouvait espérer dans les circonstances actuelles. La souveraineté de notre pays est assurée. Comme l'aurait dit le général de Gaulle, il y a une ardente obligation de retrouver des équilibres budgétaires qui conservent à la France toute la force de sa voix. Ce projet de loi est en adéquation avec le Livre blanc, et il préserve la cohérence générale de notre armée, ce qui est essentiel.

Nous mesurons néanmoins les insuffisances et les risques - l'histoire nous a montré qu'aucune loi de programmation n'a été respectée. Nous souhaitons que celle-ci le soit et vous trouverez, monsieur le Ministre, l'ensemble des membres de cette commission à vos côtés pour faire en sorte qu'elle le soit.

M. Jean-Louis Carrère, président . - Nous avons travaillé depuis deux ans à l'élaboration du Livre blanc et nous avions conscience de l'âpreté des temps, la crise érodant la fin de l'exécution de la loi de programmation militaire. La commission toute entière, au-delà des divergences politiques, a travaillé à proposer des solutions les meilleures possibles et dignes de l'intérêt général.

Sur la maritimisation ou maritimité, grâce à la pertinence de nos rapports nous avons joué un grand rôle à l'intérieur de la commission de revue du Livre blanc. Les groupes de travail ont présenté diverses propositions. Le Livre blanc a été écrit et la commission unanime a estimé que l'outil de défense était adapté aux grands enjeux de notre pays.

Vous avez beaucoup travaillé, monsieur le Ministre et, de notre côté, nous n'avons pas ménagé notre peine pour obtenir les meilleurs arbitrages. À quelques heures des décisions finales, nous n'étions pas sûrs d'arriver à ce niveau. Indiscutablement, cette victoire est collective. Le Sénat a obtenu 1,5% du PIB, qui était le plancher en-dessous duquel nous aurions refusé de voter le budget. Comme l'ont dit MM. Gautier, Pintat et d'autres encore, la loi de programmation peut pourtant nous entraîner en-dessous de ce seuil en fin de parcours.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense . - S'il y a de la croissance....

M. Jean-Louis Carrère, président . - Si elle revenait avec plus de force, il faudrait aller vers deux points du PIB.

Avec nos rapports, avec les amendements que nous proposons, nous faisons oeuvre utile. Quand je vois notre influence, je suis fier du rôle joué par notre commission et le Sénat : nous aurons renforcé le bicamérisme.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - J'ai reconnu dans vos propos un certain nombre de mes préoccupations. Vos travaux m'ont servi sur plusieurs sujets. La continuité républicaine doit prévaloir pour le dispositif de défense et c'est pourquoi je n'ai pas l'intention de polémiquer avec mes prédécesseurs. En dépit de la situation économique, j'ai défendu la pérennité de notre effort de défense.

La critique que je pourrais formuler à l'égard de cette loi de programmation n'est pas celle de l'insuffisance, mais du risque que disparaisse l'un des éléments de l'équilibre. - je sais pouvoir compter sur la vigilance de votre commission.

J'ai signé hier soir avec le roi d'Arabie Saoudite un contrat à l'exportation de 1,3 milliard ce qui prouve d'une part tout l'intérêt que porte le roi à ce contrat, lui qui n'était pas apparu en public depuis deux ans et, d'autre part, la capacité d'exportation de nos entreprises. Les sept grands industriels de la défense ont publié un texte rappelant les risques mais disant leur volonté de s'imposer. J'en ai la conviction, nous allons gagner.

La dissuasion est un élément majeur de la loi de programmation. Il ne faut ni surestimer son poids financier (12% du budget total), ni sous-estimer son poids politique et sécuritaire. La dissuasion assure une influence internationale, comme l'a dit M. Bockel, mais aussi notre sécurité finale. Un général en retraite s'est fait une spécialité de dire qu'il fallait réduire la dissuasion pour accroître le budget consacré à l'armée de terre. Je ne partage pas ce point de vue et j'aimerais que d'autres porte-parole défendent un concept qui n'a jamais été aussi nécessaire.

Dans Vers l'armée de métier , le général de Gaulle disait que nous ne devions pas construire l'armée de notre héritage mais l'armée de nos besoins. C'est ce qui a guidé ma réflexion tout au long de ce travail.

Examen des amendements

M. Jean-Louis Carrère, président . - Je vous propose de réserver l'article 2 et le rapport annexé : plusieurs amendements transférant dans la partie normative des paragraphes du rapport annexé, il est préférable d'examiner d'abord les dispositions normatives afin de mettre ensuite en cohérence le rapport annexé.

L'article 2 est réservé, ainsi que le rapport annexé.

Article 1 er

L'article 1 er est adopté.

Article 3

M. Jean-Louis Carrère, président . - L'amendement n° 7, cosigné par tous les rapporteurs budgétaires de la mission défense, porte sur les recettes exceptionnelles et garantit la sincérité de la programmation financière en s'assurant que, si les recettes exceptionnelles affectées à la mission défense provenant notamment de la vente de fréquences ou des cessions immobilières ne sont pas bien réalisés au montant et au moment prévus, elles seront intégralement compensées par d'autres recettes exceptionnelles ou par des crédits budgétaires sur la base d'un financement interministériel.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Avis défavorable du gouvernement.

M. Jean-Louis Carrère, président . - Pour garantir la sincérité de la programmation, je maintiens l'amendement.

L'amendement n° 7 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article additionnel après l'article 3

M. André Dulait, rapporteur délégué . - Afin de sécuriser le financement des OPEX, la programmation repose depuis la précédente loi de programmation militaire sur une dotation prévisionnelle annuelle dans le budget de la mission « Défense » et un financement interministériel en cas de dépassement. Ce mécanisme assurait une budgétisation sincère pour des dépenses non prévisibles et un financement interministériel afin d'éviter ainsi qu'elles soient gagées par des annulations de crédit d'un montant équivalent en dépenses d'équipement et bouleversent ainsi l'équilibre de la programmation.

Ce projet de loi prend en compte la limitation de nos engagements et les priorités stratégiques définies dans le Livre blanc, dont le montant inscrit dans l'annexe est de 450 millions, contre 630 en loi de finances pour 2013. Nous n'avons pas remis en cause ce montant, même si les menaces internationales ne diminuent pas. Durant ces dix dernières années, les surcoûts moyens des OPEX étaient supérieurs à 500 millions. Nous souhaitons en revanche que cette disposition figure dans le corps du texte et non dans son annexe, d'où l'amendement n° 15. En outre, l'importance de ces opérations justifie qu'elles fassent l'objet d'un débat annuel au Parlement sur les engagements de la France en dehors du territoire national et d'un bilan politique auprès des commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Enfin, le mécanisme prévu dans le rapport annexé pour la gestion des surcoûts nets non couverts par cette dotation nous apparaît trop complexe et c'est pourquoi nous vous proposons d'en revenir à la rédaction de la précédente loi de programmation militaire.

M. Jean-Louis Carrère, président . - J'invite M. Gournac à cosigner cet amendement.

M. Alain Gournac . - D'accord.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Avis favorable, sous réserve que cela figure aussi dans le rapport annexé.

M . Jean-Louis Carrère, président . - Votons l'amendement, nous en tirerons ensuite les conséquences sur le rapport annexé...

M. Pierre Bernard-Reymond . - Soit.

L'amendement n° 15 rectifié est adopté.

Article 4

M. Gérard Larcher . - L'armée de nos besoins ? Nous avons plutôt celle de nos moyens. J'ai de fortes réticences sur les articles 4 et 5 ainsi que sur les amendements n° s 12, 18, 19, 20 et 21, car l'article 35 de notre Constitution confère à l'exécutif la responsabilité d'engager nos forces armées. La révision constitutionnelle de 2008 a donné au Parlement des pouvoirs de contrôle. Je ne suis pas pour leur augmentation excessive, d'autant que la Délégation parlementaire au renseignement a été créée en 2007. Ne passons pas à un autre système. Mon expérience m'incite à ne pas modifier un équilibre institutionnel qui me tient à coeur. Pour ces raisons, je ne voterai pas les amendements sur les articles additionnels après l'article 4 ainsi que sur l'article 5.

M. Alain Gournac . - Moi non plus !

L'article 4 est adopté.

Article additionnel après l'article 4

M . Jean-Louis Carrère, président . - L'amendement n° 9 insère une clause de revoyure, ainsi qu'une clause de retour à meilleure fortune. Avant la fin 2015, la trajectoire financière, l'activité opérationnelle, les équipements majeurs, les déflations d'effectifs et la mise en oeuvre des réformes seront actualisés. La norme de 2 % du PIB est réaffirmée. Je souhaite que l'amendement soit rectifié afin d'ôter la référence à l'OTAN.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - D'accord sur l'actualisation, qui interviendra en 2015 ; sur la clause de retour à meilleure fortune, je suis en revanche réservé.

M . Jean-Louis Carrère, président . - Mieux vaut écrire « La présente programmation ». Nous estimons néanmoins qu'il n'est pas de mauvaise méthode psychologique d'afficher nos objectifs. Je vous propose en conséquence de maintenir l'amendement.

M. Jacques Gautier . - 2% du PIB représentent 43 milliards d'euros : même si nous atteignons 1,5% grâce à 21 milliards de ressources exceptionnelles, nous pourrons sabler le champagne !

M . Alain Néri . - Il s'agit de lever de légitimes inquiétudes...

M . Jean-Louis Carrère, président . - Tel est précisément l'objet de notre amendement rectifié.

L'amendement n° 9 rectifié est adopté et l'article additionnel inséré.

Division additionnelle après l'article 4

M . Jean-Louis Carrère, président . - L'amendement n° 24 insère un chapitre I er bis intitulé « Dispositions relatives au contrôle parlementaire de l'exécution de la loi de programmation ».

L'amendement n° 24 est adopté et la division additionnelle insérée.

Articles additionnels après l'article 4

M . Jean-Louis Carrère, président . - L'amendement n° 12 confère aux commissions de l'Assemblé nationale et du Sénat chargées de la défense des pouvoirs de contrôle et d'investigation sur pièces et sur place, pour l'application de la loi de programmation, analogues à ceux déjà reconnus au rapporteur général et aux rapporteurs spéciaux de la commission des finances, qui ne sont nullement remis en cause. À la différence des membres de la commission des finances, les membres de notre commission peuvent se voir opposer le secret de la défense nationale et ainsi ne pas obtenir communication de documents pourtant critiques, comme la version actualisée du référentiel de programmation (VAR). Les responsables de certains programmes d'armement, comme l'avion militaire A400M, n'ont pu être entendus par nos rapporteurs.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Autant j'ai donné un avis de sagesse ou favorable sur de nombreux amendements, autant je suis défavorable à celui-ci qui pose un problème constitutionnel...

M. Alain Gournac . - J'allais le dire...

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - En outre, je ne peux m'associer à la levée du secret de la défense nationale. Je comprends vos préoccupations, monsieur le Président, mais ne peux vous suivre.

M. Gérard Larcher . - Absolument ! Je voterai contre.

M . Jean-Louis Carrère, président . - L'argument constitutionnel est contestable : le juge constitutionnel tranchera. Les pouvoirs dont il s'agit sont en tous points identiques à ceux reconnus par la LOLF à la commission des finances, à la seule exception du secret-défense. Notre amendement respecte en outre la décision du Conseil constitutionnel 2011-192-QPC, selon laquelle le secret de la défense nationale est lié aux prérogatives de l'exécutif et au principe de la séparation des pouvoirs, étant entendu que le Conseil a admis des exceptions à deux reprises, en faveur des membres de la délégation parlementaire au renseignement et de la commission de vérification des fonds spéciaux. En attendant, je rectifie l'amendement, en précisant qu'ils sont astreints au respect du secret de la défense nationale, et pour que la première phrase se lise : « disposent des pouvoirs d'investigation les plus étendus sur pièces et sur place pour suivre et contrôler de façon permanente l'emploi des crédits inscrits dans la loi de programmation militaire ainsi que ceux inscrits en loi de finances concernant la mission « Défense ».

Notre rédaction reprend mot pour mot les termes de l'article 3 de la loi de programmation culturelle relatifs au contrôle par le rapporteur de la commission des affaires culturelles du musée d'Orsay...

M. Gérard Larcher . - Ce n'est pas la même matière !

M. Alain Gournac . - Pas du tout !

M . Jean-Louis Carrère, président . - Le contrôle de la programmation militaire n'est pas moins important. Je vous propose de réfléchir, d'ici à la séance publique du 21 octobre, à une nouvelle rédaction.

L'amendement n° 12 rectifié est adopté, et l'article additionnel inséré.

M . Jean-Louis Carrère, président . - L'amendement n° 13 consacre dans la loi le contrôle semestriel du budget de la défense.

L'amendement n° 13 est adopté, et l'article additionnel inséré.

M . Jean-Louis Carrère, président . - L'amendement n° 6 prévoit la transmission directe aux commissions de la défense et des affaires étrangères des communications de la Cour des comptes intéressant leur domaine.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Avis favorable.

L'amendement n° 6 est adopté, et l'article additionnel inséré.

M . Jean-Louis Carrère, président . - L'amendement n° 11 renforce également le contrôle du Parlement sur l'exécution de la loi de programmation, puisqu'il prévoit, avant le débat d'orientation budgétaire, le dépôt d'un rapport annuel du gouvernement, pouvant faire l'objet d'un débat.

M. Pierre Bernard-Reymond . - C'est normal.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Avis favorable.

M . Daniel Reiner, rapporteur délégué . - Nous avons déposé un sous-amendement issu de nos réflexions sur les capacités industrielles critiques, afin d'informer les entreprises du secteur de la stratégie d'acquisition de l'État. Cette stratégie pourrait préciser quand l'Etat souhaite passer des marchés de gré à gré et quand il souhaite au contraire procéder par voie d'appel d'offres ? Un document de l'État en la matière serait utile aux industriels. Les États-Unis et le Royaume-Uni le font. Pourquoi pas la France ? Comment les « plans étude amont » (PEA) seront-ils élaborés, autour de quelles orientations ? L'État doit avoir une stratégie et la faire connaître aux entreprises, afin qu'elles se positionnent. Cela servirait d'autant plus aux PME qui sont désavantagées par rapport aux grandes entreprises...

M. Jean-Louis Carrère, président . - L'amendement n° 38 demande un rapport annuel du Gouvernement au Parlement sur les dispositifs d'accompagnement des territoires affectés par les restructurations.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - De même que pour l'amendement précédent, je suis favorable à l'inclusion de ces informations dans le rapport annuel du gouvernement sur l'exécution de la loi de programmation.

M. André Trillard, rapporteur délégué. -Rectifions l'amendement n° 11 en ce sens.

M. Jean-Louis Carrère, président . - D'accord.

M. Alain Gournac . - Nous nous abstiendrons.

L'amendement n° 11 rectifié est adopté et l'article additionnel inséré.

Article 5

M. Jean-Louis Carrère, président . - Les amendements n° s 18, 19, 20 et 21 clarifient les missions et renforcent les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement, ainsi que son information. L'amendement n° 18 prévoit d'informer la délégation sur la stratégie nationale du renseignement.

M. Gérard Larcher . - Je me suis exprimé sur cette question.

M. Jean-Louis Carrère, président . - Je vous en donne acte.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Le chapitre II renforce déjà le contrôle parlementaire.

M. Gérard Larcher . - Il faudrait modifier la Constitution de la Ve République pour aller plus loin.

L'amendement n° 18 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n° 19.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Je n'étais pas contre les amendements précédents, mais je m'oppose à l'amendement n° 20, qui propose que la délégation entende les agents des services, pour des raisons de sécurité.

M. Jean-Louis Carrère, président . - S'il n'est pas adopté, il n'y aura pas de vrai contrôle parlementaire. Les agents ne seront entendus qu'après accord de leur chef de service et uniquement par des parlementaires habilités au secret-défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Il en va de la sécurité et de la sérénité du personnel concerné ; j'y suis défavorable.

M. Jean-Louis Carrère, président . - Je vous comprends, mais il faudra en assumer les conséquences devant l'opinion publique.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Nous avons déjà fait progresser le contrôle parlementaire ; il n'est pas possible d'aller plus loin.

M. Jean-Pierre Chevènement . - L'amendement n° 18 se bornait à demander la communication de la stratégie nationale du renseignement, c'est-à-dire d'un document qui a vocation à être rendu public...Je sens un certain flottement, ne peut-on voter à nouveau ?

M. Jean-Louis Carrère, président . - Le vote négatif est acquis.

M. Gérard Larcher . - Il n'y a aucun flottement.

L'amendement n° 20 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n° 21.

M. Michel Billout . - Nous nous abstenons sur l'article 5.

L'article 5 est adopté.

Article 6

M. Jean-Louis Carrère, président . - L'amendement n° 22 porte sur la commission de vérification des fonds spéciaux, formation spécialisée de la délégation.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Favorable : le gouvernement laisse le soin à la délégation de s'organiser en interne comme elle l'entend, cela ne pose pas de problème majeur.

M. Xavier Pintat . - Il n'est pas précisé que les deux députés et deux sénateurs doivent être également répartis entre majorité et opposition...

M. Jeanny Lorgeoux . - Ce sont des concepts variables.

M. Jean-Louis Carrère, président . - Il est clair que l'opposition sera représentée.

M. Xavier Pintat . - Ce n'est pas écrit.

M. Jean-Louis Carrère, président . - Le III de l'article 6 nonies de l'ordonnance dispose que les membres de la délégation sont désignés « de manière à assurer une représentation pluraliste. »

L'amendement n° 22 n'est pas adopté.

M. Jean-Louis Carrère, président . - L'amendement n° 34 concerne le secrétariat de la commission de vérification.

L'amendement n° 34 n'est pas adopté.

M. Michel Billout . - Nous nous abstenons sur l'article.

L'article 6 est adopté.

Article 7

L'article 7 est adopté.

Article 8

L'article 8 est adopté.

Article 9

L'article 9 est adopté.

Article 10

M. Jean-Louis Carrère, président . - L'amendement n° 29 exclut les données à caractère personnel sensibles du traitement automatisé.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Favorable.

M. Alain Gournac . - Je suis contre.

M. Jacques Gautier . - Ce sont des éléments qui peuvent servir à caractériser la menace. Il peut être essentiel de mentionner la religion.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Je suis absolument contre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Le traitement automatisé de telles données n'est pas autorisé par la CNIL.

M. Pierre Bernard-Reymond . - Serait-il possible de le retirer ?

L'amendement n° 29 est rejeté.

M. Jean-Louis Carrère, président . - L'amendement n° 30 fixe une durée maximale de conservation des données de cinq ans.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Favorable.

M. Alain Gournac . - Je suis pour.

L'amendement n° 30 est adopté.

L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 11

M. Jean-Louis Carrère, président . - Les services de renseignement relevant de Bercy, comme la DNRED (direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières) ou Tracfin, doivent pouvoir vérifier les antécédents judiciaires aux fins de recrutement.

M. Alain Gournac . - Je suis contre.

M. Jeanny Lorgeoux . - Pourquoi ? C'est une question d'efficacité...

M. Jean-Louis Carrère, président . - ...qui doit se concilier avec le droit.

M. Alain Gournac . - Je suis contre l'élargissement des pouvoirs au Parlement.

M. Jean-Louis Carrère, président . - Il s'agit de sécuriser les recrutements ! La mesure accroît les pouvoirs des services, pas du Parlement.

M. Gérard Larcher . - C'est le bon sens !

M. Alain Gournac . - Soit.

L'amendement n° 31 est adopté.

L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 12

L'article 12 est adopté.

Article 13

M. Jean-Louis Carrère, président . - L'amendement n° 1, présenté par notre collègue Jean-Jacques Hyest, procède à une nouvelle rédaction de l'article, qui donne une base légale pérenne à la géolocalisation. Avant d'adopter une réforme d'une telle ampleur, je vous propose d'attendre l'avis de la commission des lois...

M. Alain Gournac . - Tout à fait.

M. Jean-Louis Carrère, président . -...et de surseoir jusqu'à l'examen des amendements extérieurs.

L'amendement n° 1 n'est pas adopté.

L'article 13 est adopté.

Article 14

L'article 14 est adopté.

Article 15

L'article 15 est adopté.

Article 16

L'article 16 est adopté.

Articles additionnels après l'article 16

M. Jacques Berthou, rapporteur délégué . - L'agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) reçoit régulièrement des adresses « IP » localisées en France, correspondant à des équipements industriels vulnérables ou susceptibles de faire l'objet d'une attaque informatique. Or elle ne peut alerter le détenteur ou l'exploitant d'une telle installation en danger. Cet article vise à la doter l'ANSSI d'agents assermentés pouvant obtenir des opérateurs de communications les coordonnées des utilisateurs des adresses internet correspondant à un système d'information vulnérable ou compromis.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Favorable.

L'amendement n° 32 est adopté et l'article additionnel inséré.

M. Jacques Berthou, rapporteur délégué . - L'amendement n° 33 renforce l'armature juridique de l'activité de recherche en sécurité informatique, qui doit utiliser, afin de développer des produits et services adaptés, des programmes destinés à attaquer les systèmes d'information. Or l'article L. 323-3-1 du code pénal interdit, sauf motif légitime, l'importation, la détention, l'offre ou la cession de tels programmes. En France, contrairement aux États-Unis, des sociétés de sécurité informatique ont été poursuivies sur le fondement de cet article. Afin de lever toute ambiguïté, et de renforcer nos capacités de recherche et de développement de produits et services aptes à lutter contre les attaques informatiques, cet amendement clarifie la rédaction de l'article L. 323-3-1 du code pénal, ainsi que de l'article L. 122-6-1 du code de la propriété intellectuelle.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Favorable.

L'amendement n° 33 est adopté et l'article additionnel inséré.

Article 17

L'article 17 est adopté.

Article 18

M. André Vallini, rapporteur délégué . - L'amendement n° 4 précise le champ d'application de l'article en remplaçant la notion « d'opération militaire », pour laquelle l'action publique ne peut être mise en mouvement que par le Procureur de la République, par la notion d'« opération mobilisant des capacités militaires » et en visant explicitement la libération d'otages, l'évacuation de ressortissants et la police en haute mer.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Je vous remercie de votre initiative, favorable à la sécurisation judiciaire du personnel militaire en opération et je me rallie volontiers à cette nouvelle rédaction.

M. Alain Gournac . - Nous aussi.

L'amendement n° 4 est adopté.

L'article 18 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 19

M. André Vallini, rapporteur délégué . - L'article 19 décline la loi Fauchon, appelée « loi Fauchon plus » par les militaires.

M. Jeanny Lorgeoux . - D'après l'ancien sénateur du Loir-et-Cher !

M. André Vallini, rapporteur délégué . - Il dispose : « Ces diligences normales sont appréciées au regard notamment de l'urgence dans laquelle ils ont exercé leurs missions, des informations dont ils ont disposé au moment de leur intervention et des circonstances liées à l'action de combat ». L'amendement n° 41 remplace ce « notamment », trop vague, par « en particulier », qui est plus heureux. Sur le fond, il s'agit de permettre aux magistrats de prendre en compte ce fameux « brouillard de la guerre » dans lequel évolue le soldat selon Clausewitz.

M. Pierre Bernard-Reymond . - D'accord.

L'amendement n° 41 est adopté.

M. André Vallini, rapporteur délégué . - Dans le même esprit, l'amendement n° 5 précise la notion d' « opération militaire ».

L'amendement n° 5 est adopté.

L'article 19 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 20

L'article 20 est adopté.

Article 21

L'article 21 est adopté.

Article 22

L'article 22 est adopté.

Article 23

L'article 23 est adopté.

Article 24

L'article 24 est adopté.

Article 25

L'article 25 est adopté.

Article 26

L'article 26 est adopté.

Article 27

L'article 27 est adopté.

Article 28

L'article 28 est adopté.

Article 29

L'article 29 est adopté.

Article additionnel après l'article 29

Mme Michelle Demessine . - L'amendement n° 37 prolonge jusqu'au 31 décembre 2019 le dispositif de cession à l'euro symbolique aux collectivités territoriales de certaines emprises libérées par le ministère de la Défense.

M. André Trillard, rapporteur délégué . - Avis défavorable. L'État ne peut à la fois demander des recettes exceptionnelles et brader son patrimoine. Le ministre est mieux placé pour distinguer les biens qui ont de la valeur de ceux qui représentent une charge. Laissons-le négocier avec Bercy ou avec les maires et ne fixons pas un cadre rigide et uniforme jusqu'en 2019.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Ce dispositif de cession concerne uniquement les communes victimes de restructurations. Il sera reconduit dans la loi de finances pour 2014. Même si je suis favorable sur le fond à cet amendement, mon avis est défavorable car il est contraire à la Constitution d'inscrire dans la loi de programmation une disposition qui relèvera de la loi de finances pour 2015.

M. Joël Guerriau . - Pourtant la loi Duflot, qui prévoit une décote de 100 % pour le logement social, n'est pas une loi de finances.

M. André Trillard, rapporteur délégué . - Toutes les implantations militaires n'ont pas la même valeur. À Nantes, par exemple, les immeubles de la place Foch, baptisée « place Louis XVI » par les Nantais, ont une valeur inestimable. Il n'est pas possible de traiter de la même manière un terrain d'entraînement et un hôtel particulier. Le ministre est mieux placé pour apprécier selon les cas.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Dans l'annexe, il est précisé que le dispositif sera reconduit pour les collectivités les plus affectées par les restructurations.

L'amendement n° 37 est retiré.

Article 30

L'article 30 est adopté.

Article 31

L'article 31 est adopté.

Article 32

L'article 32 est adopté .

Article 33

L'article 33 est adopté.

Article 34

L'article 34 est adopté.

Article 35

L'article 35 est adopté.

Article 36

L'article 36 est adopté.

Article additionnel après l'article 36

M. Jean-Louis Carrère, président . - L'amendement n° 25 prévoit que la loi de programmation sera révisée au plus tard quatre ans après sa promulgation.

L'amendement n° 25 est adopté et devient article additionnel.

Article 2 et rapport annexé (précédemment réservé)

M. Jean-Louis Carrère, président . - L'amendement n° 17 réaffirme l'objectif de parvenir à terme à une défense européenne crédible et autonome.

M. Jean-Pierre Chevènement . - Comme Jésus a ressuscité Lazare, vous ressuscitez l'Europe de la défense, qu'un rapport récent de MM. Reiner, Gautier, Pintat et Vallini enterrait il y a peu. Bravo !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Ma seule observation est de forme. Le gouvernement déposera un amendement rédactionnel.

L'amendement n° 17 est adopté.

M. Jean-Louis Carrère, président . - L'amendement n° 28 précise les crédits et le nombre de postes supplémentaires dont bénéficieront les services de renseignement sur la période 2014-2019.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Là encore, mes réserves concernent la forme. En effet, la DCRI ne relève pas de mon ministère. Quant aux chiffres cités ils sont inexacts et je ne souhaite pas les divulguer.

M. Jeanny Lorgeoux, rapporteur délégué . - Vous estimez que le nombre de postes budgétaires créés consacrés au renseignement est secret ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Ces chiffres ne sont pas justes et ne correspondent pas à la réalité.

M. Jean-Louis Carrère, président . - Je retire cet amendement. Je m'inspirais des bonnes initiatives prises par la droite qui avait respecté l'objectif qu'elle avait fixé dans la précédente loi de programmation et augmenté le nombre de postes de la DGSE.

L'amendement n° 28 est retiré.

M. Jean-Louis Carrère, président . - L'amendement n° 23 poursuit les mêmes objectifs que le précédent mais concerne la cyberdéfense.

M. Jacques Berthou, rapporteur délégué . - Le rapport annexé, dans sa rédaction actuelle, mentionne uniquement un renforcement significatif des moyens dévolus à la cyberdéfense. L'amendement n° 23 donne des précisions chiffrées. Ainsi l'agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) devra disposer d'un budget de 90 millions d'euros et compter 500 agents en 2015. Les effectifs spécialisés dans ce domaine des armées et de la direction générale à l'armement augmenteront respectivement de 350 et 300. Il s'agit des chiffres avancés par le ministre dans son discours de Rennes en juin.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Comme précédemment, je n'ai pas de réserves sur le fond, mais je suggère aux auteurs de l'amendement de proposer une nouvelle rédaction. L'ANSSI ne dépend pas de mon ministère. Quant à la hausse des effectifs consacrés à la cyberdéfense, annoncée à Rennes, elle a déjà commencé.

M. Jean-Louis Carrère, président . - Soit nous adoptons cet amendement, que nous modifierons ultérieurement, soit nous le retirons et déposerons un amendement extérieur.

M. Alain Gournac . - Ne changeons pas d'avis. Nous y étions favorables.

M. Jean-Louis Carrère, président . - Adoptons-le et prenons l'engagement de modifier sa rédaction pour éviter qu'il ne tombe sous le coup de l'article 40 en séance.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Le gouvernement proposera une autre rédaction.

L'amendement n° 23 est adopté.

M. Gilbert Roger, rapporteur délégué . - L'amendement n° 2 précise que l'indicateur de préparation opérationnelle de l'armée de terre fixé à 90 jours s'entend hors participation aux opérations extérieures et intérieures.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Avis favorable. Cet amendement place la barre haut mais correspond à mes engagements.

L'amendement n° 2 est adopté.

M. Gilbert Roger, rapporteur délégué . - Les indicateurs d'activité opérationnelle approuvés par le Parlement ne doivent pas constituer un simple affichage. Aussi l'amendement n  3 remplace-t-il, à l'alinéa 252, les mots « tendre vers » par « atteindre ».

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Avis défavorable.

M. Jean-Louis Carrère, président . - L'objectif sera sans doute difficile à atteindre en 2016. Mais, monsieur le ministre, mieux vaut fixer un objectif ambitieux que renoncer. Nous maintenons cet amendement.

L'amendement n° 3 est adopté.

M. Joël Guerriau, rapporteur délégué . - L'article 47 de la de la loi de finances pour 2006, modifiée, indique que le ministère de la défense bénéficie intégralement des produits de cessions de ses immeubles domaniaux jusqu'au 31 décembre 2014. Le Conseil constitutionnel considérant que l'affectation des ressources ne peut procéder que de dispositions inscrites dans les lois de finances, il n'était pas envisageable d'introduire un article modifiant l'article 47 dans le texte de la loi de programmation militaire. Aussi, afin de sécuriser l'affectation de ces ressources exceptionnelles, l'amendement n° 36 modifie la rédaction du rapport annexé pour inviter le législateur à proroger ce dispositif jusqu'en 2019.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Je n'ai pas d'objections de principe mais la rédaction doit être revue car certaines de ses dispositions relèvent de la loi de finances pour 2015.

M. Jean-Louis Carrère, président . - Adoptons-le. Le gouvernement pourra déposer un amendement.

L'amendement n° 36 est adopté.

M. Jean-Louis Carrère, président . - L'amendement n° 8 rectifié est de coordination. Il modifie la rédaction de la clause de sauvegarde portant sur les recettes exceptionnelles adoptée dans le corps de la loi.

L'amendement n° 8 est adopté.

M. Jean-Louis Carrère, président . - L'amendement n° 16 rectifié est de coordination. Il concerne les opérations extérieures.

L'amendement n° 16 rectifié est adopté.

M. André Dulait, rapporteur délégué. - La régulation de la masse salariale du ministère de la défense ne peut être effectuée que sur les dépenses sur lesquelles il dispose de leviers d'action. C'est pourquoi l'amendement n° 14 exclut les dépenses "hors socle".

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Avis défavorable. C'est une question de solidarité gouvernementale.

L'amendement n° 14 est adopté.

L'amendement n° 40 est devenu sans objet.

Mme Michelle Demessine, rapporteure déléguée . - L'amendement n° 35 inscrit explicitement le fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées (FSCT) dans le rapport annexé. Il s'agit de garantir son maintien jusqu'au 1 er janvier 2022, soit deux ans après l'échéance de la présente loi, afin de soutenir les collectivités ou leurs services publics affectés par une restructuration importante.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Avis favorable.

L'amendement n° 35 est adopté.

Mme Michelle Demessine, rapporteure déléguée . - Le dispositif préalable spécifique lié à l'état de pollution pyrotechnique présumé des terrains cédé par le ministère de la défense accroît de manière significative les délais de vente et a un effet sur les recettes. Les services du ministère de la défense ont engagé une réforme du cadre juridique de ce dispositif, notamment du décret du 4 mars 1976. Elle vise à modifier le partage des responsabilités entre les ministères de la défense et de l'intérieur et comporte plusieurs mesures destinées à protéger les intérêts financiers de l'État ou à assouplir certaines dispositions du décret du 26 octobre 2005 relatif aux règles de sécurité applicables lors des travaux réalisés dans le cadre d'un chantier de dépollution pyrotechnique.

L'amendement n° 39 introduit un alinéa spécifique, dans le rapport annexé, qui précise que la réforme du cadre juridique de la dépollution pyrotechnique devra avoir été mise en oeuvre avant le 31 décembre 2014. Il s'agit de soutenir la mise en oeuvre de cette réforme et de montrer l'importance de la conduite rapide de cette réforme.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Avis très favorable.

L'amendement n° 39 est adopté, ainsi que les amendements de coordination n° 10, 27 et 26.

L'article 2 et le rapport annexé sont adoptés dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le projet de loi et le rapport annexé sont adoptés dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Tableau récapitulatif sur le sort des amendements :

Auteur

Objet

Sort des amendements

CHAPITRE I er

Article 3

M. CARRÈRE

7

Renforcer la portée de la « clause de sauvegarde » portant sur les recettes exceptionnelles

Adopté

Article additionnel après l'article 3

M. CARRÈRE

15

Insérer une clause de sauvegarde pour le financement des OPEX

Adopté avec rectification

Article additionnel après l'article 4

M. CARRÈRE

9

Insérer une « Clause de revoyure » et une « clause de retour à meilleure fortune »

Adopté avec rectification

Division additionnelle après l'article 4

M. CARRÈRE

24

Dispositions relatives au contrôle de l'exécution de la présente loi de programmation

Adopté

Articles additionnels après l'article 4

M. CARRÈRE

12

Pouvoirs d'investigation des commissions de la défense en matière de contrôle de l'exécution

Adopté avec rectification

M. CARRÈRE

13

Consacrer au niveau législatif les réunions de contrôle du budget de la défense

Adopté

M. CARRÈRE

6

Élargir aux commissions chargées de la défense et des affaires étrangères le bénéfice de la transmission des communications de la Cour des comptes

Adopté

M. CARRÈRE

11

Prévoir un rapport annuel au Parlement sur l'exécution de la présente loi de programmation militaire

Adopté avec rectification

M. CARRÈRE

38

Rapport annuel sur la mise en oeuvre des dispositifs pour l'accompagnement des territoires affectés par les conséquences des mesures de restructuration de la défense

Satisfait

CHAPITRE II

Article 5

M. CARRÈRE

18

Clarifier les missions de la délégation parlementaire au renseignement

Rejeté

M. CARRÈRE

19

Renforcer les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement

Rejeté

M. CARRÈRE

20

Possibilité pour la délégation parlementaire au renseignement d'entendre les agents de ces services

Rejeté

M. CARRÈRE

21

Possibilité pour la délégation parlementaire au renseignement de faire état de graves dysfonctionnements constatés dans l'action des services

Rejeté

Article 6

M. CARRÈRE

22

Simplifier l'organisation et la composition de la commission de vérification des fonds spéciaux

Rejeté

M. CARRÈRE

34

Fusion du secrétariat de la commission de vérification des fonds spéciaux et du secrétariat de la délégation parlementaire au renseignement

Rejeté

Article 10

M. CARRÈRE

29

Prévoir l'exclusion du fichier PNR des données sensibles

Rejeté

M. CARRÈRE

30

Prévoir dans la loi une durée maximale de conservation des données API et PNR

Adopté

Article 11

M. CARRÈRE

31

Possibilité pour les services de renseignement relevant de Bercy d'accéder aux fichiers de police judiciaire à des fins de recrutement

Adopté

Article 13

M. HYEST

1

Réformer le régime juridique en matière d'accès aux données de connexion

Rejeté

CHAPITRE III

Article additionnels après l'article 16

M. CARRÈRE

32

Prévoir l'accès de l'ANSSI aux coordonnées des utilisateurs des adresses Internet

Adopté

M. CARRÈRE

33

Clarifier et renforcer la sécurité juridique des activités de recherche ou industrielle et de service en matière de sécurité informatique

Adopté

CHAPITRE IV

Article 18

M. CARRÈRE

4

Clarifier et étendre le champ d'application de l'article 18 (monopole du Parquet pour engager les poursuites)

Adopté

Article 19

M. CARRÈRE

41

Amendement de précision rédactionnelle sur l'appréciation des « diligences normales » en cas de violences involontaires

Adopté

M. CARRÈRE

5

Clarifier et étendre le champ d'application de l'article 19 (excuse pénale pour usage de la force par les militaires)

Adopté

CHAPITRE VI

Article additionnel après l'article 29

M. CARRÈRE

37

Prolongation de la durée d'application du dispositif de cession à l'euro symbolique jusqu'à la fin de la loi de programmation 2014-2019

Retiré

CHAPITRE VII

Article additionnel après l'article 36

M. CARRÈRE

25

Révision de la présente loi quatre ans après sa promulgation

Adopté

Article 2 du rapport annexé (précédemment réservé)

M. CARRÈRE

17

Avancer vers un renforcement de la politique de sécurité et de défense commune de l'Union européenne

Adopté

M. CARRÈRE

28

Préciser l'augmentation des moyens humains et budgétaires des services de renseignement

Retiré

M. CARRÈRE

23

Donner des précisions chiffrées concernant le renforcement des moyens et des effectifs consacrés à la cyberdéfense

Adopté

M. CARRÈRE

2

Préciser que les 90 jours de préparation opérationnelle de l'armée de terre s'entendent bien hors participation de l'armée de terre aux opérations extérieures et intérieures

Adopté

M. CARRÈRE

3

Indiquer que les normes d'entraînement fixées par le projet de loi seront effectivement atteintes en 2016

Adopté

M. CARRÈRE

36

Proroger le dispositif de retour à 100 % des produits de cession au profit du ministère de la défense dès la loi de finances pour 2014

Adopté

M. CARRÈRE

8

Amendement de coordination

Adopté avec modifications

M. CARRÈRE

16

Amendement de coordination

Adopté avec rectification

M. CARRÈRE

14

Amendement de précision portant sur la masse salariale

Adopté

M. CARRÈRE

40

Amendement de coordination

Tombé

M. CARRÈRE

35

Sécuriser le maintien du fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées jusqu'au 1 er janvier 2022

Adopté

M. CARRÈRE

39

Montrer l'importance de la conduite rapide de la réforme du cadre juridique de la dépollution pyrotechnique

Adopté

M. CARRÈRE

10

Amendement de coordination

Adopté

M. CARRÈRE

27

Amendement de coordination

Adopté

M. CARRÈRE

26

Amendement de coordination

Adopté

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

²

PROJET DE LOI

LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE

COM-7

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 822)

3 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

MM.  CARRÈRE, REINER, J. GAUTIER, PINTAT, ROGER et DULAIT, Mme DEMESSINE et MM.  LORGEOUX, TRILLARD et GUERRIAU, rapporteurs

_________________

ARTICLE 3

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

Dans l'hypothèse où le montant de ces recettes exceptionnelles ou le calendrier selon lequel les crédits correspondants sont affectés au budget de la défense ne sont pas réalisés conformément à la présente loi de programmation, ces ressources sont intégralement compensées par d'autres recettes exceptionnelles ou par des crédits budgétaires sur la base d'un financement interministériel.

Dans l'hypothèse, à l'inverse, où le montant des ressources exceptionnelles disponibles sur la période 2014-2019 excède 6,1 milliards d'euros, l'excédent, à concurrence de 0,9 milliard d'euros supplémentaires, bénéficie au ministère de la défense.

OBJET

Cet amendement vise à renforcer la portée de la "clause de sauvegarde" portant sur les recettes exceptionnelles. Cette "clause de sauvegarde", qui figure actuellement aux alinéas 313 et 314 du rapport annexé, serait transférée dans la partie normative et sa rédaction serait modifiée.

Les ressources définies par la présente loi de programmation se composent sur la période 2014-2019 de crédits budgétaires, à hauteur de 183,9 Md€ d'euros courants, et de ressources exceptionnelles, à hauteur de 6,1 Md€. Ces ressources exceptionnelles proviennent notamment de l'intégralité du produit de cessions immobilières utilisées par le ministère de la défense, d'un nouveau programme d'investissement d'avenir financé par le produit de cessions de participations d'entreprises publiques, du produit de la mise aux enchères de la bande de fréquences hertziennes, de redevances versées par les opérateurs privés au titre des cessions de fréquences déjà réalisées lors de la précédente loi de programmation, et, le cas échéant, du produit de cessions additionnelles de participations d'entreprises publiques.

Toutefois, afin de garantir la réalisation de la programmation budgétaire, il convient de prévoir une "clause de sauvegarde" permettant de mobiliser d'autres recettes exceptionnelles ou des crédits budgétaires sur la base d'un financement interministériel, si le produit de ces recettes exceptionnelles ou le financement prévu s'avère insuffisant. Dans ce cas, ce montant serait intégralement compensé par d'autres recettes exceptionnelles ou par des crédits budgétaires sur la base d'un financement interministériel.

En sens inverse, si le montant des ressources disponibles devait excéder les 6,1 Md€ prévus, la Défense en bénéficiera à hauteur de 0,9 Md€ supplémentaires.

Cet amendement vise donc à garantir la sincérité de la programmation financière en s'assurant que les recettes exceptionnelles affectées à la mission "Défense" seront bien réalisées au montant et au moment prévus et, qu'à défaut, elles seront intégralement compensées par d'autres recettes exceptionnelles ou des crédits budgétaires sur la base d'un financement interministériel.

PROJET DE LOI

LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE

COM-15

RECT 109 ( * )

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 822)

3 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

MM.  CARRÈRE et DULAIT, rapporteurs, M.GOURNAC

_________________

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 3

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La dotation annuelle au titre des opérations extérieures (OPEX) est fixée à 450 millions d'euros. En gestion, les surcoûts nets (hors titre 5 et nets des remboursements des organisations internationales) non couverts par cette dotation qui viendraient à être constatés sur le périmètre des opérations extérieures font l'objet d'un financement interministériel.

Les opérations extérieures en cours font, chaque année, l'objet d'un débat au Parlement.

Le Gouvernement communique préalablement aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat un bilan politique, opérationnel et financier des OPEX en cours.

OBJET

Afin de sécuriser le financement des Opérations Extérieures (OPEX), la programmation repose sur une dotation prévisionnelle annuelle dans le budget de la mission « Défense » et d'un financement interministériel en cas de dépassement.

C'était l'une des grandes avancées de la LPM (2009-2014). Conformément au souhait du Parlement, ce mécanisme permettait une budgétisation la plus sincère possible pour des dépenses par nature non prévisibles et un financement interministériel afin d'éviter ainsi qu'elles soient gagées par des annulations de crédits d'un montant équivalent en dépenses d'équipement et bouleversent ainsi l'équilibre de la programmation.

Par rapport à la période précédente, le projet de loi prend en compte la limitation de nos engagements en adéquation avec les nouveaux contrats opérationnels et les priorités stratégiques définies dans le Livre blanc.

Le montant prévu de cette dotation dans la présente programmation est de 450 millions d'euros inscrits dans le rapport annexé, contre 630 en loi de finances pour 2013.

Votre commission ne souhaite pas remettre en cause ce montant, même si elle en mesure les conséquences dans un contexte international où les menaces ne vont pas en diminuant. Elle constate que sur les dix dernières années le montant moyen du surcoût OPEX était supérieur à 500 millions d'euros.

Elle souhaite, en revanche, que cette disposition relative à des opérations engageant la Nation, qui font, par ailleurs, l'objet d'une procédure constitutionnelle d'autorisation, figure dans le corps du texte et non dans son annexe. C'est pourquoi, cet amendement premièrement insère ce dispositif dans un article additionnel après l'article 3 dans le corps du texte.

L'importance stratégique et diplomatique de ces opérations, leur impact sur l'équilibre financier de la programmation justifient deuxièmement qu'elles fassent l'objet d'un débat annuel au Parlement sur les engagements de la France en dehors du territoire national et d'un bilan politique, opérationnel et financier communiqué préalablement aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat que prévoit le présent amendement.

Enfin, la nouvelle rédaction du mécanisme prévu dans le rapport annexe pour la gestion  des surcoûts nets non couverts par cette dotation qui viendraient à être constatés sur le périmètre des opérations extérieures lui apparaît trop complexe, source de contentieux et de nature à ce qu'une part croissante de ces dépenses soit de nouveau gagée par des annulations de crédits d'équipement.

C'est pourquoi cet amendement tout en retenant la dotation prévue, revient troisièmement à la rédaction antérieure issue de la précédente LPM.

PROJET DE LOI

LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE

COM-9 RECT

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 822)

3 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

MM.  CARRÈRE, REINER, J. GAUTIER et PINTAT, rapporteurs

_________________

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 4

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La présente programmation fera l'objet d'actualisations, dont la première interviendra avant la fin de l'année 2015. Ces actualisations permettront de vérifier, avec la représentation nationale, la bonne adéquation entre les objectifs fixés dans la présente loi et les réalisations. Elles seront l'occasion d'affiner certaines des prévisions qui y sont inscrites, notamment dans le domaine de l'activité des forces et des capacités opérationnelles, de l'acquisition des équipements majeurs, du rythme de réalisation de la diminution des effectifs et des conséquences de l'engagement des réformes au sein du ministère.

Ces actualisations devront également tenir compte de l'éventuelle amélioration de la situation économique et de celle des finances publiques afin de permettre le nécessaire redressement de l'effort de la Nation en faveur de la défense et tendre vers l'objectif d'un budget de défense représentant 2 % du PIB.

OBJET

Cet amendement vise à insérer dans la partie normative une "clause de revoyure" ainsi qu'une "clause de retour à meilleure fortune".

Afin de garantir la meilleure exécution possible de la présente loi de programmation, il est important de prévoir une première actualisation fin 2015 afin notamment de faire le point sur la trajectoire financière, l'activité opérationnelle, les équipements majeurs, les déflations d'effectifs et la mise en oeuvre des réformes.

Cette actualisation doit également permettre de tenir compte de l'éventuelle amélioration de la situation économique et des finances publiques, afin de permettre le nécessaire redressement de l'effort de la Nation en faveur de la défense et tendre vers l'objectif d'un budget de la défense représentant 2 % du PIB.

PROJET DE LOI

LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE

COM-24

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 822)

3 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

MM.  CARRÈRE, REINER, J. GAUTIER et PINTAT, rapporteurs

_________________

DIVISION ADDITIONNELLE APRÈS L'ARTICLE 4

Après l'article 4, insérer une division additionnelle ainsi rédigée :

Chapitre Ier bis

Dispositions relatives au contrôle parlementaire de l'exécution de la loi de programmation

OBJET

Il convient de prévoir dans la partie normative des dispositions relatives au contrôle de l'exécution de la présente loi de programmation.

PROJET DE LOI

LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE

COM-12 rectifié

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 822)

8 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

M. CARRÈRE, rapporteur

________________

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 4

Après l'article 4,  insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Indépendamment des pouvoirs propres des commissions chargées des finances, les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées de la défense disposent des pouvoirs d'investigation les plus étendus sur pièces et sur place, pour suivre et contrôler de façon permanente l'emploi des crédits inscrits dans la loi de programmation militaire, ainsi que ceux inscrits en loi de finances concernant la mission défense. Ces pouvoirs sont confiés à leur président, ainsi que, dans leurs domaines d'attributions, à leurs rapporteurs budgétaires et, le cas échéant, à un ou plusieurs de leurs membres spécialement désignés à cet effet. Ils procèdent à toutes auditions qu'ils jugent utiles et à toutes investigations sur pièces et sur place auprès du ministère de la défense, des organismes de la défense et des établissements publics compétents, ainsi que, le cas échéant, auprès du ministère de l'économie et des finances. Ils sont astreints au secret-défense.

Tous les renseignements et documents d'ordre financier et administratif qu'ils demandent, y compris tout rapport établi par les organismes et services chargés du contrôle de l'administration, réserve faite du respect du secret de l'instruction et du secret médical, doivent leur être fournis. Le secret de la défense nationale ne peut leur être opposé.

Les personnes dont l'audition est jugée nécessaire par le président et le ou les rapporteurs de la commission, dans leur domaine d'attribution, ont l'obligation de s'y soumettre. Elles sont déliées du secret professionnel sous les réserves prévues au premier alinéa.

Lorsque, la communication des renseignements demandés en application du présent article ne peut être obtenue au terme d'un délai raisonnable, apprécié au regard de la difficulté de les réunir, les présidents des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées de la défense peuvent demander à la juridiction compétente, statuant en référé, de faire cesser cette entrave sous astreinte.

OBJET

Le respect de la trajectoire budgétaire initiale conditionne le succès ou l'échec de la programmation militaire. Les commissions parlementaires doivent donc être en mesure de veiller à la bonne exécution de cette trajectoire.

Or, en l'état actuel du droit elles n'ont aucun moyen d'obtenir la communication de documents, couverts ou non par le secret de la défense nationale, pourtant critiques pour apprécier tout écart à la trajectoire initiale. Ainsi en est-il par exemple de la « VAR » (Version Actualisée du Référentiel de programmation), ou en matière de réforme du ministère, des documents préparés en vue du comité de réforme du ministère de la défense. Ainsi en est-il également des relevés de décision du Comité Ministériel d'Investissement qui décident des choix des principaux programmes d'armement.

Par ailleurs, certains de vos rapporteurs se sont vu refuser des refus d'audition de certains responsables de programmes d'armement, comme par exemple dans le cas de l'avion militaire A400M, ce qui a altéré leur compréhension du programme.

Le présent article a pour objet de conférer aux commissions chargées de la défense des deux assemblées des pouvoirs identiques à ceux dont disposent déjà les commissions des finances. Toutefois, il est prévu que dans ce cas, le « secret de la défense nationale » ne puisse être opposé aux parlementaires qui sont eux-mêmes habilités.

Cet article a ainsi pour ambition de contribuer au bon respect de la programmation militaire.

PROJET DE LOI

LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE

COM-13

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 822)

3 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

MM.  CARRÈRE, REINER, J. GAUTIER et PINTAT, rapporteurs

_________________

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 4

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Chaque semestre, le ministère de la défense présente aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat un bilan détaillé de l'exécution de la loi de finances et de la présente loi de programmation militaire.

OBJET

Cet amendement vise à consacrer au niveau législatif les réunions de contrôle du budget de la défense, qui réunissent, généralement chaque semestre, au ministère de la défense, les représentants du ministère de la défense et les députés et sénateurs, les présidents et rapporteurs spéciaux de la commission des finances et les présidents et les rapporteurs budgétaires membres des commissions chargées de la défense de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Il s'inscrit dans le cadre des mesures prévues pour renforcer le suivi et le contrôle de l'exécution de la présente loi de programmation.

PROJET DE LOI

LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE

COM-6

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 822)

3 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

MM.  CARRÈRE, REINER, J. GAUTIER et PINTAT, rapporteurs

_________________

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 4

Après l'article 4,  insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 143-5 du code des juridictions financières est ainsi modifié :

Dans la première phrase, après les mots : « affaires sociales », sont insérés les mots : « de la défense et des affaires étrangères »

OBJET

Le code des juridictions financières limite aujourd'hui aux commissions chargées des finances et des affaires sociales, et, dans certaines conditions, aux commissions d'enquête, le bénéfice de la transmission des communications de la Cour des comptes aux ministres, ainsi que, à leur demande, des observations définitives de la Cour des Comptes.

Cet amendement tend à élargir cette possibilité aux commissions chargées de la défense et des affaires étrangères, pour ce qui les concerne, afin d'améliorer le contrôle exercé par le Parlement sur le Gouvernement, conformément à l'article 47-2 de la Constitution qui dispose que "La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'action du Gouvernement. Elle ?assiste le Parlement et le Gouvernement (...) dans l'évaluation des politiques publiques."

PROJET DE LOI

LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE

COM-11 rect

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 822)

3 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

MM.  CARRÈRE, REINER, J. GAUTIER et PINTAT, rapporteurs

_________________

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 4

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement présente chaque année au Parlement, préalablement au débat d'orientation budgétaire, un rapport sur l'exécution de la présente loi de programmation. Ce rapport peut faire l'objet d'un débat au Parlement.

Ce rapport décrit la stratégie d'acquisition des équipements de défense du gouvernement. Cette stratégie définit les grandes orientations en matière de systèmes d'armes et précise les technologies recherchées.

Ce rapport décrit également la mise en oeuvre des dispositifs budgétaires, financiers, fiscaux et sociaux, instauré pour l'accompagnement économique des territoires affectés par les conséquences des mesures de restructuration de la défense.

OBJET

I.- Le rapport annuel : cet amendement vise à prévoir un débat annuel au Parlement sur l'exécution de la présente loi de programmation militaire.

Un tel débat, ainsi que le rapport annuel d'exécution, devraient permettre à l'Assemblée nationale et au Sénat d'être pleinement et régulièrement informés de l'exécution de la loi de programmation militaire et de débattre avec le Gouvernement en cas de non-respect de la programmation prévue.

II.- La publication de la stratégie d'acquisition : le volume limité de l'enveloppe des PEA impose à l'Etat d'être stratège dans sa démarche. Cela suppose qu'il fasse des choix judicieux dans le long terme quant aux briques technologiques et aux systèmes d'armes qu'il juge indispensable d'acquérir. Il ne s'agit pas de faire de la R & T pour faire de la R & T ; Il faut certes être à l'écoute des évolutions technologiques et des ruptures scientifiques. Mais cette écoute, cette recherche, doivent être éclairées par ce que seront les programmes futurs.

Il convient également dans les programmes d'études amont de bien doser l'effort entre, d'une part, les démonstrateurs de systèmes et, d'autre part, le développement des briques technologiques. Il faut un mélange harmonieux des deux. Une très bonne vision des systèmes d'armes ne fera pas un système d'armes performant s'il n'y a pas les bons capteurs, les bons senseurs et les bons armements.

Pour leur part, les industriels doivent nécessairement avoir un éclairage de la part de leur client, c'est-à-dire l'Etat. Car sans perspective de programme, ni de démonstrateur, ils ne peuvent faire de la recherche pour la recherche dans le domaine militaire. Cet éclairage stratégique est d'autant plus important que l'on descend dans la chaîne d'approvisionnement. Il est assez facile pour les grands groupes d'avoir une vision assez bonne de ce que pourrait être, par exemple, le futur drone de combat. Tel n'est pas le cas pour les PME.

Ces considérations militent en faveur de la publication de la stratégie d'acquisition de l'Etat et l'amélioration de sa démarche stratégique.

III.- La publication de la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement économique des territoires affectés par les restructurations de défense.

L'expérience de la LPM 2009-2014 a montré que la Délégation aux restructurations (DAR) ne réalisait le suivi que du volet budgétaire du plan d'accompagnement économique de territoires affectés par des restructurations et se trouvait dans l'incapacité de fournir aux rapporteurs pour avis du projet de loi de finances des éléments sur l'exécution du volet fiscal.

Il importe que l'instance en charge du pilotage de ce plan puisse coordonner l'ensemble des dispositifs ou au moins être informée de leur mise en oeuvre.

La communication des mesures d'accompagnement permettra au Parlement de suivre l'exécution de l'ensemble des dispositifs.

PROJET DE LOI

LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE

COM-30

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 822)

3 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

MM.  CARRÈRE, BOUTANT et LORGEOUX, rapporteurs

_________________

ARTICLE 10

Alinéa 5

Après cet alinéa, insérer un alinéa ainsi rédigé :

IIIbis. Les données mentionnées au II. ne peuvent être conservées que pour une durée maximale de cinq ans.

OBJET

Il importe de prévoir dans la loi une durée maximale de conservation des données API et PNR.

PROJET DE LOI

LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE

COM-31

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 822)

3 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

MM.  CARRÈRE, BOUTANT et LORGEOUX, rapporteurs

_________________

ARTICLE 11

Alinéa 3

Dans cet alinéa, remplacer les mots :

désignés par le ministre de la défense

par les mots :

mentionnés au III de l'article 6 nonies de l'ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires

OBJET

Les services de renseignement relevant du ministère de l'économie et des finances, comme la DNRED ou tracfin, doivent pouvoir également accéder aux fichiers de police judiciaire à des fins de recrutement.

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COM-32

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(n° 822)

3 OCTOBRE 2013

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présenté par

MM.  CARRÈRE, BERTHOU et BOCKEL, rapporteurs

_________________

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 16

Après l'article 16, est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

I. Après l'article L. 2321-2 du code de la défense, est inséré un article L. 2321-3 ainsi rédigé :

Art. L 2321-3. - Pour les besoins de la sécurité des systèmes d'information de l'Etat et des opérateurs mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2, les agents de l'autorité nationale de sécurité des systèmes d'information, habilités par le Premier ministre et assermentés dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, peuvent obtenir des opérateurs de communications électroniques, en application du III. de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, l'identité, l'adresse postale et l'adresse électronique d'utilisateurs ou de détenteurs de systèmes d'information vulnérables, menacés ou attaqués.

II. La première phrase du III de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifiée :

1°) Après les mots :

article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle,

sont insérés les mots :

ou pour les besoins de la prévention des atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données prévues et réprimées par les articles 323-1 à 323-3-1 du code pénal

2°) Après les mots :

article L. 331-12 du code de la propriété intellectuelle,

sont insérés les mots :

ou de l'autorité nationale de sécurité des systèmes d'information mentionnée à l'article L. 2321-1 du code de la défense.

OBJET

L'agence nationale de la sécurité des systèmes d'information reçoit régulièrement des adresses Internet correspondant à une localisation française (adresses "IP") transmises par des partenaires étrangers correspondant :

- soit à un équipement industriel connecté à Internet et présentant une vulnérabilité exploitable à distance par une personne ou un groupe malintentionné ;

- soit à un serveur compromis par un code malveillant, utilisé au sein d'un "botnet" pour relayer une attaque informatique en déni de service ou comme serveur relais de commande d'autres machines infectées et utilisées, par exemple, à des fins d'espionnage.

Que ce soit à des fins de prévention d'attaques informatiques ou à des fins de traitement de ces attaques, l'autorité nationale de sécurité des systèmes d'information n'a aujourd'hui aucun moyen de connaître l'identité de l'utilisateur d'une adresse IP correspondant à une vulnérabilité ou à une compromission. Il s'ensuit une incapacité à alerter le détenteur ou l'exploitant d'une installation industrielle en danger comme d'inviter voire d'aider le détenteur d'un serveur compromis à traiter l'attaque informatique dont il est victime.

Cette incapacité peut se révéler désastreuse en cas de crise informatique majeure dont un des invariants est la nécessité d'agir dans un délai court pour éviter son expansion.

L'introduction dans le code de la défense d'un nouvel article L. 2321-3, accompagné de la modification de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, vise à combler cette lacune.

Ce nouvel article vise à prévoir que l'autorité nationale de sécurité des systèmes d'information dispose d'agents assermentés pouvant obtenir auprès des opérateurs de communications électroniques les coordonnées des utilisateurs des adresses internet correspondant à un système d'information vulnérable ou déjà compromis.

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COM-33

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MM.  CARRÈRE, BERTHOU et BOCKEL, rapporteurs

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ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 16

Après l'article 16 est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

I. A l'article 323-3-1 du code pénal, après les mots :

sans motif légitime

sont insérés les mots :

, notamment de recherche ou de sécurité informatique,

II. Au III. de l'article L. 122-6-1 du code de la propriété intellectuelle, après les mots

tester le fonctionnement

sont insérés les mots :

ou la sécurité

OBJET

Cet amendement vise à clarifier et à renforcer la sécurité juridique de l'activité de recherche comme celle de nombreuses entreprises industrielles ou de services qui détiennent et utilisent des programmes, équipements ou instruments informatiques, afin de développer des produits ou services de sécurité informatique.

Les attaques contre les systèmes d'information sont généralement réalisées par des programmes informatiques spécialement conçus ou adaptés à cette fin. Ces programmes exploitent les "failles" ou "vulnérabilités" qui existent dans les programmes.

Actuellement, l'article L. 323-3-1 du code pénal interdit, sauf motif légitime, l'importation, la détention, l'offre, la cession ou la mise à disposition de ces programmes.

Certes, on peut penser que l'activité de recherche ou de développement de produits ou de services de sécurité font partie des motifs légitimes, mais la rédaction actuelle est ambiguë et est laissée à l'interprétation de la jurisprudence.

Or, pour être efficace, le développement de produits et de services de sécurité informatique implique de tester la résistance de ces produits et services à ces programmes, leur capacité à les détecter, à les analyser afin d'élaborer les parades susceptibles de contrer les attaques. De même, l'activité de recherche en sécurité informatique implique de connaître et d'analyser ce type de programmes.

Cette situation a pour conséquence de brider la recherche nationale en matière de sécurité informatique et de faire peser sur le secteur d'activité de la sécurité numérique une insécurité juridique qui peut entraver l'activité ou des décisions d'investissement et de développement.

L'amendement proposé vise donc à clarifier la rédaction de l'article L. 323-3-1 du code pénal.

Il propose également de modifier la rédaction de l'article L. 122-6-1 du code de la propriété intellectuelle afin de préciser qu'on peut, sans l'autorisation de l'auteur, observer, étudier ou tester non seulement le fonctionnement d'un logiciel mais aussi sa sécurité.

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COM-4

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présenté par

MM.  CARRÈRE, VALLINI et CLÉACH, rapporteurs

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ARTICLE 18

Rédiger comme suit l'alinéa 5 :

« Toutefois, l'action publique ne peut être mise en mouvement que par le Procureur de la République lorsqu'il s'agit de faits commis dans l'accomplissement de sa mission par un militaire engagé dans le cadre d'une opération mobilisant des capacités militaires, se déroulant à l'extérieur du territoire français ou des eaux territoriales, quels que soient son objet, sa durée ou son ampleur, y compris la libération d'otages, l'évacuation de ressortissants ou la police en haute mer. »

OBJET

Afin que l'article 18 atteigne réellement son objet (lutter contre une judiciarisation inutile de l'action militaire en dehors du territoire national), il est proposé de clarifier et préciser la rédaction. Faute de quoi, la trop grande marge d'appréciation laissée au juge quant à ce que recouvre la notion « d'opération militaire » pourrait donner lieu à une jurisprudence restrictive, contraire à l'intention du législateur.

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COM-41

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3 OCTOBRE 2013

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présenté par

MM.  CARRÈRE, VALLINI et CLÉACH, rapporteurs

_________________

ARTICLE 19

Alinéa 3

remplacer les mots :

au regard notamment

par les mots :

en particulier au regard

OBJET

Amendement de précision rédactionnelle. Le terme de "notamment" est trop vague.

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COM-5

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3 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

MM.  CARRÈRE, VALLINI et CLÉACH, rapporteurs

_________________

ARTICLE 19

Rédiger comme suit l'alinéa 4 :

2° Après les mots  : « des règles du droit international », la fin du II de l'article L. 4123-12 du code de la défense est ainsi rédigé : « et dans le cadre d'une opération mobilisant des capacités militaires, se déroulant à l'extérieur du territoire français ou des eaux territoriales, quels que soient son objet, sa durée ou son ampleur, y compris la libération d'otages, l'évacuation de ressortissants ou la police en haute mer, exerce des mesures de coercition ou fait usage de la force armée, ou en donne l'ordre, lorsque cela est nécessaire à l'exercice de sa mission. »

OBJET

Afin que l'article 19 atteigne réellement son objet (lutter contre une judiciarisation inutile de l'action militaire en dehors du territoire national), il est proposé de clarifier et préciser la rédaction. Faute de quoi, la trop grande marge d'appréciation laissée au juge quant à ce que recouvre la notion « d'opération militaire » pourrait donner lieu à une jurisprudence restrictive, contraire à l'intention du législateur.

Le texte du II de l'art L 4132-12 du code de la défense deviendrait ainsi :

N'est pas pénalement responsable le militaire qui, dans le respect des règles du droit international et dans le cadre d'une opération mobilisant des capacités militaires, se déroulant à l'extérieur du territoire français ou des eaux territoriales, quels que soient son objet, sa durée ou son ampleur, y compris la libération d'otages, l'évacuation de ressortissants ou la police en haute mer, exerce des mesures de coercition ou fait usage de la force armée, ou en donne l'ordre, lorsque cela est nécessaire à l'exercice de sa mission.

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COM-25

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3 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

MM.  CARRÈRE, REINER, J. GAUTIER et PINTAT, rapporteurs

_________________

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 36

Après l'article 36, est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

La présente loi sera révisée au plus tard quatre ans après sa promulgation pour conduire à une nouvelle loi de programmation.

OBJET

Cet amendement se justifie par son texte même.

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COM-17

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3 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

M. CARRÈRE, rapporteur

_________________

ARTICLE 2

Rapport annexé

Alinéa 30

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La France oeuvrera avec ses principaux partenaires européens, et aux premiers rangs desquels le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Pologne, l'Espagne et l'Italie, en faveur du renforcement de la politique de sécurité et de défense commune de l'Union européenne, conduisant à une défense commune européenne crédible et autonome.

OBJET

Il est important de rappeler dans le rapport annexé que l'un des objectifs majeurs de la France est d'avancer vers un renforcement de la politique de sécurité et de défense commune de l'Union européenne, conduisant à terme à une défense européenne crédible et autonome.

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COM-23

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3 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

MM.  CARRÈRE, BERTHOU et BOCKEL, rapporteurs

_________________

ARTICLE 2

Rapport annexé

Alinéa 118

Après la deuxième phrase de cet alinéa, insérer deux phrases ainsi rédigées :

En particulier, le budget et les effectifs de l'agence nationale de la sécurité des systèmes d'information, qui devront atteindre 90 millions d'euros et 500 agents en 2015, seront régulièrement augmentés, à la hauteur des efforts consacrés par nos principaux partenaires européens. Les moyens et les effectifs des armées et de la direction générale de l'armement consacrés à la cyberdéfense seront également sensiblement renforcés, avec un effort d'au moins 360 millions d'euros supplémentaires et le recrutement d'au moins 350 personnels supplémentaires pour les armées et d'au moins 300 personnels supplémentaires à la direction générale de l'armement sur la période 2014-2019.

OBJET

La cyberdéfense étant l'une des premières priorités du nouveau Livre blanc et du projet de loi de programmation militaire, il convient de donner des précisions chiffrées concernant le renforcement des moyens et des effectifs consacrés à la cyberdéfense.

Tel est précisément l'objet de cet amendement.

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COM-2

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3 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

MM.  CARRÈRE et ROGER, rapporteurs

_________________

ARTICLE 2

Rapport annexé

À l'alinéa 232, après les mots :

Préparation opérationnelle

Insérer les mots :

(hors opérations extérieures et intérieures)

OBJET

La préparation opérationnelle est la clé de la crédibilité des forces armées. Elle s'est dégradée ces dernières années, et s'établit désormais 15% en dessous des standards fixés par la précédente de loi de programmation militaire. Le Gouvernement entend, à juste titre, en faire une priorité de la prochaine programmation.

Le périmètre de l'indicateur d'entrainement pour l'armée de terre est modifié et désormais fixé à 90 jours (contre 150 jours dans l'ancien indicateur, qui incluait les opérations).

La cible de 90 jours est "juste suffisante" pour permettre à l'armée de terre de remplir son contrat opérationnel, indépendamment des opérations où elle est ou non engagée. Elle comprend la formation initiale, la préparation opérationnelle générique et les mises en condition avant projection.

Cet amendement vise, dans ce cadre, à préciser que les 90 jours de préparation opérationnelle de l'armée de terre s'entendent bien hors participation de l'armée de terre aux opérations extérieures et intérieures. Cette précision permettra d'éviter toute interprétation erronée de cet indicateur.

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COM-3

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(n° 822)

3 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

MM.  CARRÈRE et ROGER, rapporteurs

_________________

ARTICLE 2

Rapport annexé

À l'alinéa 252, remplacer les mots :

de tendre vers

par les mots :

d'atteindre

OBJET

Le Gouvernement entend à juste titre faire du redressement de la préparation opérationnelle une priorité de la prochaine programmation.

Cet amendement vise à indiquer que les normes de préparation opérationnelle fixées par le projet de loi seront effectivement atteintes en 2016, après une période de redressement progressif en 2014 et 2015.

Il convient en effet d'éviter que les indicateurs d'activité opérationnelle soumis au vote du Parlement ne soient qu'un simple affichage.

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COM-36

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 822)

3 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

M. CARRÈRE, Mme DEMESSINE et M. GUERRIAU, rapporteurs

_________________

ARTICLE 2

Rapport annexé

Alinéa 306

Compléter l'alinéa par la phase suivante : « Les dispositions prévues à l'article 47 de la loi n°2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, modifiée, seront prorogées jusqu'au 31 décembre 2019 dans la loi de finances pour 2014»

OBJET

Le projet de loi de programmation militaire prévoit l'affectation de ressources exceptionnelles au ministère de la défense, pour un montant de 6,1 milliards d'euros sur la période 2014-2019.

Le produit des cessions des immeubles domaniaux occupés par le ministère de la défense est compris dans ces ressources exceptionnelles.

L'article 47 de la de la loi n°2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, modifiée,  indique que les produits des cessions des immeubles domaniaux occupés par le ministère de la défense ne sont pas soumis à l'affectation partielle (30% du montant en 2014) au désendettement de l'Etat, jusqu'au 31 décembre 2014.

Le Conseil constitutionnel considérant que l'affectation des ressources ne peut procéder que de dispositions inscrites dans les lois de finances, il ne paraît pas envisageable d'introduire un article modifiant l'article 47 de la loi n°2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, modifiée dans le texte de la loi de programmation militaire.

Néanmoins, afin de sécuriser l'affectation de ces ressources exceptionnelles, indispensables à l'équilibre de la loi de programmation militaire, il est proposé, en précisant la rédaction du rapport annexé, d'inviter le législateur à proroger le dispositif de retour à 100% des produits de cession au profit du ministère de la défense  dès la loi de finances pour 2014.

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COM-8 RECT

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(n° 822)

3 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

M. CARRÈRE, rapporteur

_________________

ARTICLE 2

Rapport annexé

Alinéas 313 et 314

Rédiger ainsi ces deux alinéas :

Dans l'hypothèse où le montant de ces recettes exceptionnelles ou le calendrier selon lequel les crédits correspondants sont affectés au budget de la défense ne sont pas réalisés conformément à la présente loi de programmation, ces ressources sont intégralement compensées par d'autres recettes exceptionnelles ou par des crédits budgétaires sur la base d'un financement interministériel.

Dans l'hypothèse, à l'inverse, où le montant des ressources exceptionnelles disponibles sur la période 2014-2019 excède 6,1 milliards d'euros, l'excédent, à concurrence de 0,9 milliard d'euros supplémentaires, bénéficie au ministère de la défense.

OBJET

Amendement de coordination

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COM-16 rect.

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(n° 822)

8 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

MM.  CARRÈRE et DULAIT, rapporteurs

_________________

ARTICLE 2

Rapport annexé

Alinéa 327

Rédiger ainsi cet alinéa :

En gestion, les surcoûts nets (hors titre 5 et nets des remboursements des organisations internationales) non couverts par cette dotation qui viendraient à être constatés sur le périmètre des opérations extérieures font l'objet d'un financement interministériel.

OBJET

Amendement de coordination

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COM-14

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 822)

3 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

MM.  CARRÈRE et DULAIT, rapporteurs

_________________

ARTICLE 2

Rapport annexé

À l'alinéa 358, après les mots :

En cas de risque de dépassement de la masse salariale

Insérer les mots :

(hors dépenses "hors socle")

OBJET

En matière de maîtrise de la masse salariale, objectif essentiel à l'économie générale de la loi de programmation, il convient de distinguer les dépenses récurrentes de rémunération (rémunérations principales y compris primes et indemnités) dont le ministère de la défense a la pleine responsabilité, par opposition aux « dépenses hors socle » qui sont des dépenses non récurrentes liées aux restructurations, aux allocations servies aux familles, aux indemnités chômage des militaires, aux indemnisations des accidents travail et maladies professionnelles, ou aux cessations anticipées d'activité liées à l'amiante, et au fonds de concours du service de santé des armées qui sont des dépenses "de guichet" dont le ministère n'a pas, du fait de leur nature, la maîtrise.

Autant, il importe de rendre le ministère responsable des dépenses qu'il doit pouvoir maîtriser telles que les rémunérations les primes et indemnités, autant cela n'aurait pas de sens de s'interdire de pouvoir, le cas échéant, abonder le budget de la défense, si une de ces dépenses, par exemple l'indemnisation chômage, venait à dépasser les prévisions en raison d'un contexte économique qui rendrait les reconversions plus difficiles.

Le dispositif proposé tend à ce que la régulation de la masse salariale du ministère de la défense ne s'opère que sur le fondement de dépenses sur lesquelles il dispose de leviers d'action à l'exclusion des dépenses  "hors socle".

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COM-35

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(n° 822)

3 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

M. CARRÈRE, Mme DEMESSINE et M. GUERRIAU, rapporteurs

_________________

ARTICLE 2

Rapport annexé

Après l'alinéa 412

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées (FSCT) instauré par l'article 173 de la loi n° 2008-1425 de finances pour 2009 (article L. 2335-2-1 du code des collectivités territoriales) pour leur apporter une aide au fonctionnement sera maintenu jusqu'au 1 er janvier 2022 ».

OBJET

Un fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées (FSCT) a été instauré par l'article 173 de la loi n° 2008-1425 de finances pour 2009 (article L. 2335-2-1 du code des collectivités territoriales) pour leur apporter une aide au fonctionnement. Ce fonds a été doté de 5 millions d'euros en 2009 et de 10 millions d'euros depuis 2010.

Au stade actuel des études, le ministère de la défense est favorable à la reconduction de ce dispositif qui relève toutefois du ministère de l'intérieur. Une disposition législative serait nécessaire pour le supprimer ou l'adapter. Il conviendra donc de s'assurer lors de l'examen des prochaines lois de finances, du niveau de la dotation qui sera inscrite à ce titre dans la mission « relation avec les collectivités territoriales ».

Cet amendement en mentionnant explicitement de Fonds dans le rapport annexé a pour objectif de sécuriser son maintien pour une période allant jusqu'au 1er janvier 2022, soit deux ans après l'échéance de la présente loi, afin de soutenir les collectivités ou leurs services publics affectés par une restructuration importante.

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COM-39

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 822)

3 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

M. CARRÈRE, Mme DEMESSINE et M. GUERRIAU, rapporteurs

_________________

ARTICLE 2

Rapport annexé

Après l'alinéa 420

Insérer un alinéa rédigé comme suit : « Une réforme du cadre juridique de la dépollution pyrotechnique sera mise en oeuvre avant le 31 décembre 2014 pour faciliter la cession des emprises immobilières»

OBJET

La mise en oeuvre des cessions d'emprises du ministère de la défense nécessite un dispositif préalable spécifique lié à l'état de pollution pyrotechnique présumé, puis, le cas échéant, avéré du terrain. Ce dispositif peut accroître de manière significative les délais de cession et impacter les recettes.

En raison des difficultés récurrentes rencontrées pour la mise en oeuvre du dispositif lors des cessions immobilières, les services du ministère de la défense ont engagé une réforme du cadre juridique de la dépollution pyrotechnique.

Ces propositions portent principalement sur le décret n°76-225 du 4 mars 1976 modifié.

Il s'agit de prévoir une évolution du partage de responsabilité existant actuellement entre les deux ministères de la Défense et de l'Intérieur. Serait consacré le principe de l'intervention de la sécurité civile en cas de découverte fortuite sur tous les terrains, civils et militaires, l'intervention du ministère de l'intérieur sur les terrains militaires étant toutefois circonscrite aux seuls cas de découverte d'objets pyrotechniques isolés .

Il est également proposé, dans un objectif de protection des intérêts financiers de l'Etat plusieurs mesures :

- la nécessité de la dépollution pyrotechnique serait déterminée après analyse quantitative du risque, et non plus systématiquement aux seules vues des résultats de la recherche historique établissant une suspicion de pollution ;

- dans les cas de cession autres que celles à l'euro symbolique, le coût définitif de la dépollution pyrotechnique pris en charge par l'Etat ne pourrait excéder le prix de la vente du terrain. De plus, le bénéficiaire supporterait le financement et la réalisation matérielle des opérations de dépollution pyrotechnique, assurées actuellement par le ministère de défense, pour toutes les opérations autres que les cessions (changements d'utilisation, occupations constitutives de droits réels) ;

- les modalités de détermination de l'usage futur du terrain par l'acquéreur seraient renforcées. Cependant, pour tenir compte du fait que les acquéreurs sont souvent dans l'impossibilité de déterminer un usage futur, un mécanisme de dépollution par zones polluées serait institué.

Enfin, pour améliorer la fluidité des procédures relatives aux chantiers de dépollution pyrotechnique, certaines dispositions du décret n ° 2005-1325 du 26 octobre 2005 relatif aux règles de sécurité applicables lors des travaux réalisés dans le cadre d'un chantier de dépollution pyrotechnique pourraient être assouplies

La révision de ces règles relatives à la dépollution pyrotechnique revêt une importance particulière dans le cadre de la présente loi de programmation militaire. Elle constitue un moyen de sécuriser les ressources exceptionnelles apportées par les cessions immobilières en évitant des retards préjudiciables. Elle est aussi un moyen de conforter le dispositif de cession à l'euro symbolique dans le cadre du plan d'accompagnement territorial des restructurations, en ne retardant pas à l'excès la mise à disposition des terrains et immeubles nécessaires aux projets de revitalisation et tout particulièrement ceux qui prévoient la réutilisation des emprises abandonnées.

En introduisant un alinéa spécifique dans le rapport annexé, il s'agit de montrer l'importance de la conduite rapide de cette réforme.

PROJET DE LOI

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COM-10

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 822)

3 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

M. CARRÈRE, rapporteur

_________________

ARTICLE 2

Rapport annexé

Alinéa 434

Supprimer cet alinéa

OBJET

Amendement de coordination

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COM-27

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 822)

3 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

M. CARRÈRE, rapporteur

_________________

ARTICLE 2

Rapport annexé

Alinéa 436

Supprimer cet alinéa

OBJET

Amendement de coordination

PROJET DE LOI

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N

COM-26

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 822)

3 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

M. CARRÈRE, rapporteur

_________________

ARTICLE 2

Rapport annexé

Alinéa 437

Supprimer cet alinéa

OBJET

Amendement de coordination

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

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COM-38

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 822)

3 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

M. CARRÈRE, Mme DEMESSINE et M. GUERRIAU, rapporteurs

_________________

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 4

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement communique chaque année, aux assemblées parlementaires, avant le 1 er juin, un rapport sur la mise en oeuvre, au cours de l'année précédente, des dispositifs budgétaires,  financiers, fiscaux et sociaux, instaurés pour l'accompagnement économique des territoires affectés par les conséquences des mesures de  restructuration de la défense.

OBJET

L'expérience de la LPM 2009-2014 a montré que la Délégation aux restructurations (DAR) ne réalisait le suivi que du volet budgétaire du plan d'accompagnement économique de territoires affectés par des restructurations et se trouvait dans l'incapacité de fournir aux rapporteurs pour avis du projet de loi de finances des éléments sur l'exécution du volet fiscal.

Il importe que l'instance en charge du pilotage de ce plan puisse coordonner l'ensemble des dispositifs ou au moins être informée de leur mise en oeuvre.

La communication d'un rapport annuel sur la mise en oeuvre des dispositifs budgétaires, financiers, fiscaux et sociaux instaurés pour l'accompagnement économique des territoires affectés par les conséquences des mesures de  restructuration  de  la défense, permettra au Parlement de suivre l'exécution de l'ensemble d'entre eux.

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COM-18

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(n° 822)

3 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

MM.  CARRÈRE, BOUTANT et LORGEOUX, rapporteurs

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ARTICLE 5

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° Le premier alinéa du III est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

III. - Sans préjudice des compétences des commissions permanentes, la délégation parlementaire au renseignement exerce le contrôle parlementaire de l'action du Gouvernement en matière de renseignement et évalue la politique publique en ce domaine. Elle exerce le suivi de l'activité et des moyens des services spécialisés à cet effet placés sous l'autorité des ministres chargés de la sécurité intérieure, de la défense, de l'économie et du budget.

La stratégie nationale du renseignement, le rapport annuel de synthèse des crédits du renseignement et le rapport annuel d'activité de la communauté française du renseignement lui sont transmis. Le plan national d'orientation du renseignement lui est présenté.

OBJET

Cet amendement vise à clarifier les missions et à renforcer les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement.

Il a d'abord pour objet de clarifier les missions de la délégation parlementaire au renseignement, qui seraient définies non pas au I. mais au III. de l'article 6 nonies de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

Il vise ensuite à renforcer l'information de la délégation parlementaire au renseignement, en prévoyant la transmission de la stratégie nationale du renseignement.

PROJET DE LOI

LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE

COM-19

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 822)

3 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

MM.  CARRÈRE, BOUTANT et LORGEOUX, rapporteurs

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ARTICLE 5

Alinéa 2

Après cet alinéa, insérer un alinéa ainsi rédigé :

1°bis La deuxième phrase du deuxième alinéa du III est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

Sauf exceptions décidées par le Premier ministre, ces informations et ces éléments d'appréciation ne peuvent porter sur les activités opérationnelles de ces services, les instructions données par les pouvoirs publics à cet égard et le financement de ces activités. Ces informations et éléments d'appréciation ne peuvent porter sur les opérations en cours, ni sur les échanges avec des services étrangers ou avec des organismes internationaux compétents dans le domaine du renseignement.

OBJET

Cet amendement vise à renforcer les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement qui pourrait dorénavant avoir connaissance de certaines activités opérationnelles ou de leur financement, sous réserve de l'accord du Premier ministre.

La loi dispose actuellement que les informations et les élements d'appréciation portés à la connaissance de la délégation parlementaire au renseignement "ne peuvent porter ni sur les activités opérationnelles de ces services, les instructions données par les pouvoirs publics à cet égard et le financement de ces activités, ni sur les échanges avec des services étrangers ou avec des organismes internationaux compétents dans le domaine du renseignement".

Afin de permettre une meilleure information du Parlement, tout en veillant au respect du principe de la séparation des pouvoirs et dans un souci de préserver à la fois l'efficacité de l'action des services et la confidentialité des informations, cet amendement introduit des exceptions à cette interdiction générale. Par décision du Premier ministre, la délégation parlementaire au renseignement pourrait avoir connaissance des activités opérationnelles des services de renseignement.

Cette possibilité serait toutefois exclue dans deux cas :

- D'une part, les opérations en cours, en reprenant les termes utilisés par le Conseil constitutionnel, afin de veiller à la fois au respect du principe de la séparation des pouvoirs et de préserver absolument la confidentialité des opérations non achevées ;

- D'autre part, les échanges avec les services étrangers, afin de respecter les règles habituelles de confidentialité et de non transmission à un tiers qui régissent ces échanges.

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COM-20

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(n° 822)

3 OCTOBRE 2013

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MM.  CARRÈRE, BOUTANT et LORGEOUX, rapporteurs

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ARTICLE 5

Alinéa 3

Après cet alinéa, insérer un alinéa ainsi rédigé :

2°bis La deuxième phrase du troisième alinéa du III est ainsi rédigée : " La délégation peut entendre les directeurs et les agents des services mentionnés au premier alinéa du présent III."

OBJET

La délégation parlementaire au renseignement doit pouvoir entendre non seulement les directeurs des services de renseignement mais aussi les agents de ces services.

Tel est précisément l'objet de cet amendement.

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COM-21

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(n° 822)

3 OCTOBRE 2013

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présenté par

MM.  CARRÈRE, BOUTANT et LORGEOUX, rapporteurs

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ARTICLE 5

Alinéa 6

Après cet alinéa, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

4°bis le premier alinéa du VI est complété par la phrase suivante :

" Elle peut faire état de graves dysfonctionnements constatés dans l'action des services."

OBJET

A la lumière des affaires récentes, à l'image de l'"affaire Merah", la délégation parlementaire au renseignement doit pouvoir faire état des graves dysfonctionnements constatés dans l'action des services de renseignement non seulement lorsqu'elle adresse ses recommandations et ses observations au Président de la République et au Premier ministre, mais aussi dans son rapport public.

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COM-22

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 822)

3 OCTOBRE 2013

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MM.  CARRÈRE, BOUTANT et LORGEOUX, rapporteurs

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ARTICLE 6

Alinéa 3

Remplacer les alinéas 3 et 4 par un alinéa ainsi rédigé :

"II. - La commission de vérification constitue une formation spécialisée de la délégation parlementaire au renseignement. Elle est composée de deux députés et de deux sénateurs, membres de la délégation parlementaire au renseignement." ;

OBJET

Il n'appartient pas au Gouvernement de s'immiscer dans l'organisation interne d'un organe parlementaire.

La délégation parlementaire au renseignement doit pouvoir décider elle-même de la composition de la commission de vérification des fonds spéciaux et éventuellement désigner en son sein ses membres et son président.

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COM-34

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 822)

3 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

MM.  CARRÈRE, BOUTANT et LORGEOUX, rapporteurs

_________________

ARTICLE 6

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

4° Le VII bis est ainsi rédigé : " VII bis. - Son secrétariat est assuré par le secrétariat de la délégation parlementaire au renseignement."

OBJET

Cet amendement vise à préciser que le secrétariat de la commission de vérification des fonds spéciaux est assuré par le secrétariat de la délégation parlementaire au renseignement.

Rappelons que ce dernier est assuré par des agents des assemblées parlementaires spécialement désignés et habilités à connaître des informations classifiées.

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COM-29

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 822)

3 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

MM.  CARRÈRE, BOUTANT et LORGEOUX, rapporteurs

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ARTICLE 10

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Sont exclues de ce traitement automatisé de données, les données à caractère personnel susceptibles de révéler l'origine raciale ou ethnique d'une personne, ses convictions religieuses ou philosophiques, ses opinions politiques, son appartenance à un syndicat, ou les données qui concernent la santé ou la vie sexuelle de l'intéressé.

OBJET

Il convient de prévoir dans la loi l'exclusion des données à caractère personnel.

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LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE

COM-1

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 822)

2 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

M. HYEST

_________________

ARTICLE 13

L'article 13 est ainsi rédigé :

L'alinéa 1er de l'article L.244-2 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

I- Le Premier Ministre ou, uniquement en ce qui concerne l'exécution des mesures prévues à l'article L. 241-3, le ministre de la défense ou le ministre de l'intérieur, peuvent recueillir, auprès des personnes physiques ou morales exploitant des réseaux de communications électroniques ou fournisseurs de services de communications électroniques, les informations ou, documents qui leur sont nécessaires, traités ou conservés par leurs réseaux ou services de communications électroniques, y compris les données techniques relatives à l'identification des numéros d'abonnement ou de connexion à des services de communications électroniques, au recensement de l'ensemble des numéros d'abonnement ou de connexion d'une personne désignée, aux données relatives à la localisation des équipements terminaux utilisés ainsi qu'aux données techniques relatives aux communications d'un abonné portant sur la liste des numéros appelés et appelants, la durée et la date des communications.

II - Pour les motifs visés à l'article L 241-2, à titre exceptionnel, ces données peuvent être recueillies sur sollicitation du réseau, après conservation ou en temps réel. Ces mesures font l'objet d'une demande écrite et motivée du ministre de la défense, du ministre de l'intérieur ou du ministre chargé des douanes, ou des personnes que chacun d'eux aura spécialement déléguées.

L'autorisation est accordée par décision écrite du Premier ministre ou des personnes spécialement déléguées par lui, après avis de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, pour une durée maximum de soixante-douze heures. Elle ne peut être renouvelée que dans les mêmes conditions de forme et de durée.

Une information sur le déroulement et l'issue de chacune des mesures autorisées est transmise, par le ministère bénéficiaire, au Premier ministre et à la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité.

III - Cette instance a accès de façon sécurisée au dispositif de recueil de données techniques. Elle peut à tout moment procéder à des contrôles relatifs aux opérations de collecte et de communication de ces données. Lorsqu'elle constate un manquement aux règles définies par le présent article ou une atteinte aux droits et libertés, elle saisit le Premier ministre d'une recommandation. Celui-ci lui fait connaître dans un délai de quinze jours les mesures qu'il a prises pour remédier aux manquements constatés.

Les modalités d'application des dispositions du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, qui précise notamment la procédure de suivi des demandes et les conditions et durée de conservation des données transmises.

Le recueil des données techniques de communications peut, le cas échéant, permettre la réalisation et l'exploitation des interceptions autorisées par la loi.

OBJET

La géolocalisation est une méthode permettant d'obtenir et de transmettre, au besoin en temps réel, la position géographique d'une personne ou d'un objet. Elle peut passer par la localisation d'un équipement permettant des échanges par la voie des communications électroniques.

Or, en l'état actuel de la législation, la géolocalisation en temps réel n'est prévue par aucun texte et ce contrairement à ce qui existe dans d'autres pays (par exemple l'Allemagne). Cette mesure ne fait pas partie des données techniques de communications conservées et traitées par les opérateurs de communications électroniques en application de l'article L34-1 du code des postes et des communications électroniques. Elle nécessite en effet l'envoi de requêtes volontaires récurrentes obligeant le terminal de l'utilisateur à se localiser.

La Cour européenne des droits de l'Homme s'est prononcée sur cette question de droit, à l'occasion d'une affaire où la géolocalisation en temps réel a été utilisée en matière de terrorisme. Elle a estimé que l'usage de cette mesure consistait à recueillir des données sur la vie privée de la personne visée et qu'elle devait donc être prévue par la loi, conforme au principe de subsidiarité, proportionnée au but poursuivi, limitée dans sa durée, et soumise à un contrôle.

Le présent projet de loi entend donner une base juridique à cette mesure d'investigation. Toutefois, l'actuelle rédaction de l'article 13 prévoit d'insérer cette mesure de géolocalisation à l'article L34-1-1 du code des postes et des communications électroniques, relatif notamment aux obligations imposées aux opérateurs, pour ne le limiter qu'à la prévention du terrorisme par les services du ministère de l'intérieur, dans le cadre expérimental de la loi du 23 janvier 2006 qui disparaîtra, au plus tard, le 31 décembre 2015.

Or, en ce qu'elle apporte des éléments extrêmement utiles à l'avancement des enquêtes menées pour la recherche de renseignements intéressant la sécurité nationale, la sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France, ou la prévention du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance organisées et de la reconstitution ou du maintien de groupements dissous, il paraît au contraire important d'inscrire cette mesure dans le cadre pérenne du titre IV du livre II code de la sécurité intérieure issu de la loi n°91-646 du 10 juillet 1991, afin de permettre une mise en oeuvre de cette technique d'enquête par un dispositif interministériel, placé sous l'autorité du Premier ministre, ouvert aux trois ministères habilités à effectuer des interceptions de sécurité et des recueils administratifs de données techniques de communications (défense, intérieur et budget), pour les cinq motifs précités, le tout sous le contrôle d'une autorité administrative indépendante : la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité. Cet amendement vise donc à créer un régime légal adapté aux besoins des services de renseignement et conforme aux exigences de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme.

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COM-37

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 822)

3 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

M. CARRÈRE, Mme DEMESSINE et M. GUERRIAU, rapporteurs

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ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 29

Après l'article 29, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Dans le premier paragraphe du  I de l'article 67 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 (modifiée) remplacer « 31 décembre 2014 » par « 31 décembre 2019 »

II. Les pertes de recettes résultant pour l'État du I sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

OBJET

Selon le rapport annexé, le dispositif de cession à l'euro symbolique de certaines emprises libérées par la défense prévu à l'article 67 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 sera reconduit par la loi de finances, moyennant quelques aménagements, pour les collectivités les plus fortement affectées par les restructurations.

Ces cessions permettent la réalisation de projets dans la cadre de la redynamisation des territoires touchés par des restructurations.

Elles ont également pour avantage de permettre des transferts d'emprises dans des délais courts et d'épargner aux armées les charges de leur gardiennage et de leur entretien.

Cette mesure est toutefois présentée, au conditionnel, dans l'étude d'impact comme s'intégrant dans un dispositif d'ensemble spécifique aux immeubles du ministère de la défense, et devant être inscrite dans un projet de loi de finances.

Il s'agit par cet amendement, qui prolonge la durée d'application du dispositif de cession à l'euro symbolique jusqu'à la fin de la loi de programmation 2014-2019,  de clarifier la situation, de rassurer les collectivités concernées et d'éviter tout malentendu au moment de l'annonce  des restructurations.

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COM-28

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(n° 822)

3 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

MM.  CARRÈRE, BOUTANT et LORGEOUX, rapporteurs

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ARTICLE 2

Rapport annexé

Alinéa 60

Avant la dernière phrase de cet alinéa, insérer trois phrases ainsi rédigées :

Le renseignement intérieur fera l'objet d'une attention prioritaire. La transformation de la DCRI en une direction générale de la sécurité intérieure, directement rattachée au ministre de l'intérieur, s'accompagnera d'un effort budgétaire de 55 millions d'euros supplémentaires et du recrutement d'au moins 430 personnels supplémentaires sur les cinq prochaines années. Pour leur part, les services de renseignement relevant du ministère de la défense bénéficieront d'un effort financier de l'ordre de 920 millions d'euros supplémentaires sur la période 2014-2019 et de la création d'au moins 345 postes supplémentaires au profit de la direction générale de la sécurité extérieure.

OBJET

Le renforcement de la fonction "connaissance et anticipation" est l'une des priorités du nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale comme de la présente loi de programmation militaire. Ce renforcement doit se traduire par une augmentation significative des moyens budgétaires et humains des services de renseignement. Comme c'était le cas lors de la précédente loi de programmation militaire, il est important de préciser dans le rapport annexé les crédits supplémentaires et le nombre de postes supplémentaires dont bénéficieront les services de renseignement sur la période 2014-2019, conformément aux engagements pris par les ministres de l'intérieur et de la défense et validés par le Président de la République.

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COM-40

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(n° 822)

3 OCTOBRE 2013

A M E N D E M E N T

présenté par

M. CARRÈRE, Mme DEMESSINE et M. GUERRIAU, rapporteurs

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ARTICLE 2

Rapport annexé

Alinéa 408

Dans  la dernière phrase de l'aliéna remplacer l'expression « sera reconduit par la loi de finances, moyennant quelques aménagements » par l'expression « est reconduit »

OBJET

Coordination après adoption de l`article additionnel après l'article 29.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

I - AUDITIONS EN COMMISSION

- M. Jean-Yves LE DRIAN, Ministre de la défense ;

- Amiral Edouard GUILLAUD, Chef d'état-major des armées ;

- M. Francis DELON, Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale ;

- M. Laurent COLLET-BILLON, Délégué général pour l'armement ;

- Général Bertrand RACT-MADOUX, Chef d'état-major de l'armée de Terre ;

- Général Denis MERCIER, Chef d'état-major de l'armée de l'Air ;

- Amiral Bernard ROGEL, Chef d'état-major de la Marine ;

- M. Jean-Paul BODIN, Secrétaire général pour l'administration au ministère de la Défense ;

- M. Christian MONS, Président du Conseil des industries de défense ;

- Les représentants des syndicats des personnels civils de la défense.

II - AUDITIONS DU RAPPORTEUR ET DES RAPPORTEURS DÉLÉGUÉS

A - Sur le volet « renseignement » 110 ( * )

- M. Alain ZABULON, Préfet, Coordonnateur national du renseignement (CNR), et M. Jérôme POIROT, adjoint du CNR ;

- M. Bernard BAJOLET, Directeur général de la Sécurité Extérieure (DGSE) ;

- M. Evence RICHARD, Préfet, directeur du projet PNR.

- M. Hervé MACHI, directeur des affaires juridiques, internationales et de l'expertise, M. Emile GABRIE, juriste au service des affaires juridiques et M. Geoffroy SIGRIST, attaché parlementaire, CNIL.

B - Sur le volet « cyberdéfense » 111 ( * )

- M. Patrick PAILLOUX, Directeur général de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), et M. Christian DAVIOT, Conseiller stratégie ;

- Contre-Amiral Arnaud COUSTILLIERE, Officier général à la cyberdéfense à l'état-major des armées.

C - sur le volet « judiciarisation » 112 ( * )

- Maître Alexis GUBLIN, avocat à la Cour ;

- Cabinet du ministre de la justice : M. Philippe ASTRUC, conseiller chargé de la politique pénale et de l'action publique au cabinet de la Garde des Sceaux, Mme Martine TIMSIT, conseillère parlementaire ;

- Cabinet du ministre de la défense : M. Jean-Claude MALLET conseiller spécial, Mme Christine MOUNEAU-GUY, conseillère parlementaire, accompagnés de Mme Claire LANDAIS, Directrice des affaires juridiques du ministère de la défense et du Colonel Pascal IANNI, adjoint au chef de cabinet du chef d'état-major des armées ;

- M. François CAPIN-DULHOSTE, sous-directeur de la justice pénale générale, direction des affaires criminelles et des grâces, ministère de la justice ;

- M. Jean-Baptiste PARLOS, premier vice-président du Tribunal de grande instance de Paris ;

- M. François MOLENS, Procureur de Paris ;

- Colonel Olivier KIM, Commandant la Gendarmerie Prévôtale de la Direction des Opérations et de l'Emploi à la Direction Générale de la Gendarmerie Nationale ;

- MM. Jacques BESSY, Président, et Michel BAVOIL, Vice-président de l'ADEFDROMIL, association de défense des droits des militaires.

D - sur le volet « équipement des forces » 113 ( * )114 ( * )

- M. Eric TRAPPIER, Président-directeur général de Dassault Aviation ;

- M. Thierry GAIFFE, Comité Richelieu, commission des PME de défense ;

- Général SERRA, MM. Pierre FAUCOUP et Benoit de MAUPEOU, Astrium ;

- M. Philippe BURTIN, Président-directeur général de Giat Industries et de Nexter Systems ;

- M. Patrick BOISSIER, Président-directeur général de DCNS ;

- M. Jean-Bernard LEVY, Président-directeur général de Thales ;

- M. Antoine BOUVIER, Président-directeur général de MBDA ;

- M. Jean-Paul HERTEMAN, Président-directeur général de Safran ;

- M. Bruno EVEN, Directeur général de Sagem ;

- M. Marwan LAHOUD, Président d'EADS France.

E - Sur le volet « Ressources humaines » 115 ( * )

- M. Jacques FEYTIS, Directeur des ressources humaines du ministère de la défense.

COMPTES RENDUS DES AUDITIONS DE LA COMMISSION

M. Jean-Yves LE DRIAN
Ministre de la défense
le 3 septembre 2013

M. Jean-Louis Carrère, président . - Nous entendons M. le ministre de la défense nous présenter le projet de loi de programmation militaire.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Je ne vais pas revenir sur l'actualité, qui met en évidence, une fois de plus, la nécessité de disposer d'une défense forte et de moyens garantissant notre autonomie stratégique. Tel est l'enjeu du projet de loi de programmation militaire que j'ai présenté en Conseil des ministres le 2 août dernier et qui décline les orientations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, approuvées par le Président de la République le 29 avril dernier. Le Livre blanc fixait un cap sur quinze ans, la loi définit un cadre précis pour les six ans qui viennent. Comme le président de la République l'a rappelé lors de la conférence des ambassadeurs, le niveau des risques et des menaces qui pèsent sur la sécurité collective de la France et de l'Europe ne baisse pas et impose de maintenir à un bon niveau notre effort de défense.

Pendant trois ans le budget de la défense sera maintenu au niveau actuel, soit 31,4 milliards d'euros courants. Puis, entre 2016 et 2019, il augmentera progressivement, pour atteindre 32,5 milliards d'euros courants. Les crédits budgétaires progresseront en valeur dès 2016, puis en volume à compter de 2018. Les ressources programmées sur la période 2014-2019 atteignent ainsi 190 milliards en euros courants. Cet arbitrage constitue une décision politique forte : les crédits de la défense, contrairement à ceux des autres ministères, seront préservés dans leur intégrité car il s'agit d'un effort que la nation fait, non pour les armées, mais pour sa propre sécurité. Un effort significatif n'en est pas moins consenti pour contribuer au redressement des comptes publics : les ressources programmées entre 2014 et 2016 sont stabilisées et les effectifs diminueront. Des ressources exceptionnelles compléteront les ressources budgétaires à hauteur de 3% du total, sur la période. L'engagement du président de la République a aussi porté sur la transparence de nos choix dans ce domaine délicat des ressources exceptionnelles. Le rapport annexé au projet de loi expose de façon précise, à la différence du précédent, les différentes origines de ces ressources. Il s'agit de l'intégralité du produit de cession d'emprises immobilières utilisées par le ministère de la défense ; d'un nouveau programme d'investissement d'avenir (PIA), financé par le produit de cession de participations d'entreprises publiques, au profit de l'excellence technologique des industries de défense ; du produit de la mise aux enchères de la bande de fréquences comprise entre les fréquences 694 MHz et 790 MHz ; des redevances versées par les opérateurs privés au titre des cessions de fréquences antérieures ; et, enfin, du produit des cessions additionnelles de participations d'entreprises publiques qui se révèleraient nécessaires pour compléter ces moyens.

L'évaluation des produits de cession étant par nature délicate, une clause de sauvegarde a été prévue, conformément au souhait émis par le Sénat. Elle permettra de mobiliser d'autres ressources exceptionnelles, si le produit ou le financement des ressources évoquées s'avère insuffisant. Et si le montant des ressources disponibles excédait les 6,1 milliards prévus, la défense en bénéficierait à hauteur de 0,9 milliard.

Concernant le financement des opérations extérieures, une dotation prévisionnelle annuelle, de 450 millions d'euros, figure désormais dans le budget de la mission « Défense ». Elle est un peu inférieure à la précédente, mais elle tient compte de la nouvelle définition de nos contrats opérationnels. Là encore, une clause de sauvegarde garantit la soutenabilité budgétaire d'éventuelles décisions d'engagement militaire de la France : les surcoûts résultant soit de nouvelles opérations, soit du renforcement des opérations existantes seront couverts par un financement interministériel ad hoc .

M. Jean-Louis Carrère, président. - Très bien !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Ainsi, nous avons voulu garantir un niveau de ressources ambitieux mais réaliste. Ambitieux, en raison de la trajectoire arrêtée par le président de la République. Réaliste, grâce à la diversification des ressources et aux mécanismes de sauvegarde, gages in fine de la sincérité de cette programmation. Ce qui répond à un voeu formulé par votre commission.

Avec ce projet de loi de programmation, le Gouvernement entend maintenir le rang stratégique de la France ainsi que sa capacité à intervenir dans les situations où ses intérêts de sécurité ou ses responsabilités internationales sont en jeu. Nous resterons l'un des rares pays dans le monde à pouvoir assumer simultanément la protection du territoire et de la population, la dissuasion nucléaire, appuyée sur deux composantes distinctes, et l'intervention sur des théâtres extérieurs, pour des missions aussi bien de gestion de crise que de guerre.

La répartition des crédits traduit les priorités assignées par le président de la République, en particulier la préparation opérationnelle et l'équipement des forces. Sans préparation efficace, point de capacité militaire ni d'armée professionnelle crédible. Il s'agit de l'une de mes préoccupations majeures. Or, depuis 2011-2012, on observe un fléchissement des activités opérationnelles, dû à l'épuisement des stocks dans lesquels nos armées ont puisé ces dernières années, au vieillissement des parcs, mais aussi à l'arrivée de matériels de nouvelle génération au coût d'utilisation et d'entretien plus élevé. La conjoncture financière a pesé sur l'activité et l'entraînement. Cette évolution n'est pas acceptable. Aussi, en 2014-2015, l'activité sera stabilisée à un niveau comparable à celui de 2013, pour augmenter ensuite. L'effort financier est conséquent : les crédits consacrés à l'entretien programmé des matériels progresseront en moyenne de 4,3 % par an en valeur, soit 3,4 milliards d'euros courants par an sur la période, contre 2,9 en loi de finances initiale pour 2013. Bref, nous résistons à la facilité, car on a toujours la tentation de rogner sur ces postes, peu visibles bien qu'essentiels.

En outre, un effort conséquent sera accompli pour l'équipement : les crédits augmenteront de manière constante au cours de la période 2014-2019, passant de 16 milliards d'euros en 2013 à 18,2 milliards en 2019. Ainsi le renouvellement de nos équipements sera assuré et notre base industrielle préservée. Quatre principes déterminent les choix. D'abord, nous voulons préserver la dissuasion, gage de notre autonomie stratégique. La livraison du missile M51.2, la mise en service du laser Mégajoule, le lancement des travaux d'élaboration du futur sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) de 3 e génération, ou encore, dans le domaine du renseignement, le développement du satellite Ceres, en vue d'un lancement en 2019, y contribueront directement. Nous renforcerons également les capacités destinées à prendre l'initiative dans les opérations, qu'il s'agisse du renseignement (avec la livraison de deux satellites Musis, de drone Male et de drones tactiques), de nos forces spéciales, ou encore des capacités qui sont engagées au contact de l'ennemi (les programmes Rafale, Fremm, missiles MMP et Scorpion). Enfin, nous consoliderons notre capacité à intervenir au sein d'une coalition, en développant nos moyens de frappes précises dans la profondeur, avec la livraison de 250 missiles de croisière ou la révision du missile Scalp à mi-parcours.

Deuxièmement, il s'agit de veiller à la cohérence du modèle par rapport aux situations dans lesquelles la France est susceptible d'engager ses armées. Pour répondre aux menaces d'emploi de la force par des Etats, outre la dissuasion, nous nous appuyons sur les frégates multimissions Fremm, les sous-marins nucléaires d'attaque, les avions Rafale, le lancement de la rénovation du char Leclerc, l'hélicoptère NH90 et l'adaptation des Tigre. Pour conduire les opérations de gestion de crise dans la durée, ce projet de loi prévoit la prolongation des Mirage 2000, la rénovation des frégates légères furtives et le remplacement de nos véhicules de l'avant blindés (VAB) comme de nos AMX 10 RC. De plus, les programmes Sccoa, plusieurs programmes de moyens navals de surveillance et d'intervention, ainsi que des investissements dans le domaine nucléaire, biologique et chimique (NBC), renforceront nos capacités, pour la protection du pays et de ses intérêts de sécurité.

Troisièmement, le principe de différenciation conduit à distinguer les forces et leur entraînement en fonction des missions qu'elles sont appelées à remplir : dissuasion, protection, gestion de crise, coercition. Les forces terrestres compteront deux brigades lourdes adaptées à l'entrée en premier, équipées notamment de chars Leclerc et de VBCI, trois brigades multi-rôles destinées à la gestion de crise avec des VAB et les premiers VBMR, et deux brigades légères adaptées à l'action d'urgence. Dans le domaine naval, les six premières Fremm, le premier SNA de type Barracuda, ainsi que la rénovation des frégates légères furtives renforceront les capacités de combat dans les opérations de haute intensité. L'armement de nouveaux patrouilleurs et la transformation des avions de surveillance conforteront le contrôle et l'intervention dans de vastes espaces maritimes, sur nos côtes comme outre-mer. Enfin les forces aériennes recevront 26 Rafale supplémentaires, à quoi s'ajoute l'arrivée des A400M et MRTT. Ces forces conserveront un nombre d'aéronefs suffisants, grâce au prolongement d'avions plus anciens, à l'instar des Mirage 2000.

Enfin, la mutualisation, dernier principe, consiste à affecter un noyau de capacités polyvalentes et rares à plusieurs missions. Elle a aussi contribué aux choix d'équipements en permettant de définir des cibles pour les Rafale, les MRTT, les SNA, les Fremm dotées de capacités anti-sous-marines ou encore les Missiles de croisière navals : ces armements sont en effet multimissions. Mais, dans le cadre d'une relance pragmatique de l'Europe de la défense, ce principe nous incite aussi à envisager ensemble certaines capacités critiques. Le projet de loi préserve ainsi tous les grands programmes conduits en coopération et prévoit le lancement de plusieurs autres, comme l'Antinavire léger (ANL) ou le système de lutte anti-mines futur (Slamf). Dans le domaine du renseignement enfin, la mutualisation de certaines capacités techniques s'impose. L'ajustement du calendrier des programmes répond aux contraintes financières, mais l'effort, 17,1 milliards d'euros par an sur la période contre 16 en 2013, est significatif et bénéficie aussi à nos industries de défense.

L'exigence de sincérité m'incite à tenir, comme sur le Livre blanc, un discours de vérité. Cette programmation est ambitieuse mais difficile. Les efforts qui figurent dans le projet de loi s'entendent dans un double sens : effort de la nation pour sa propre sécurité, l'effort du ministère pour le redressement des comptes publics. Des mesures d'économies sont aussi prévues, qui rendent crédible la programmation dans la conjoncture financière actuelle. Sur un plan budgétaire d'abord, la reconduite du budget en valeur jusqu'en 2016 constitue un effort conséquent. La progression prévue par mes prédécesseurs était devenue irréaliste depuis la crise de 2008. Concernant les ressources humaines, la déflation des effectifs se poursuivra, en cohérence avec les contraintes financières et le nouveau modèle d'armées inscrit dans le Livre blanc ; 10 175 emplois seront supprimés au titre de la précédente programmation, et 23 500 au titre de la présente loi. Les forces opérationnelles et le soutien opérationnel seront préservés. Les forces de combat ne supporteront qu'environ un tiers des déflations nouvelles envisagées. Autre priorité, maîtriser la masse salariale : le taux d'encadrement diminuera après cinq années de hausse significative. Ce dé-pyramidage se traduira par une baisse du nombre d'officiers. Enfin, dernière priorité, amorcer un certain rééquilibrage des effectifs globaux du ministère au profit du personnel civil dans les secteurs non opérationnels.

Je mesure le prix de ces nouvelles réductions, après les précédentes. J'entends donc procéder selon une analyse attentive et proche. La valeur que les hommes et les femmes de la défense montrent au quotidien les honore et nous oblige. Parce que leur engagement peut aller jusqu'au sacrifice ultime, nous leur devons le plus grand respect. Lequel doit inspirer toute notre politique de ressources humaines. C'est pour moi une préoccupation profonde. Concrètement, le projet de loi de programmation militaire prévoit un large plan de mesures d'accompagnement : renforcement de la politique de reconversion pour le personnel militaire, reclassement dans les fonctions publiques, aide à la mobilité externe pour les agents du ministère, incitations au départ et à la mobilité. A cet effet 933 millions d'euros sont prévus sur la durée de la programmation. Quatre mesures seront proposées : la « promotion fonctionnelle », la pension afférente au grade supérieur, le pécule d'incitation au départ et la « disponibilité rénovée ». Il n'y aura donc ni dégagement des cadres ni mesures brutales. La déflation des effectifs sera obtenue par les départs naturels, les départs incités et un ajustement des recrutements, pour tenir compte des impératifs opérationnels qui réclament un personnel jeune et physiquement apte.

Le ministère a connu trop de réformes appliquées de manière brutale. Une période de concertation, d'écoute et d'analyse fonctionnelle précèdera donc les réductions. J'en ai confié la responsabilité au secrétaire général pour l'administration et au directeur des ressources humaines, en lien avec les états-majors. L'objectif n'est pas de rechercher des coupes purement arithmétiques mais d'aboutir à un modèle simplifié, davantage cohérent. De même, le dialogue et la concertation permettront d'améliorer la condition du personnel et des militaires en particulier. C'est un élément important de la capacité opérationnelle de nos armées. Un plan ministériel est inscrit dans la loi de programmation, concernant le logement, l'aide sociale, le soutien familial.

La même méthode s'appliquera aux restructurations. Là encore, nous prendrons le temps nécessaire. Nous annoncerons à la fin de ce mois les sites concernés par les restructurations en 2014, liées pour la plupart à la précédente programmation. Je connais toute l'importance du dialogue avec les élus. Je n'oublie pas ma vie antérieure ni mon expérience d'élu local dans un territoire qui a connu deux restructurations. Il importe de préserver les liens entre les armées et les territoires. Notre objectif est aussi, pour les sites amenés à fermer, d'organiser une transition dans les meilleures conditions. Nous tirons les enseignements des précédentes restructurations : désormais, pour éviter l'éparpillement des fonds publics, l'intervention de l'Etat sera recentrée sur un nombre limité d'actions, les plus efficaces pour la redynamisation des bassins d'emploi. Au total, 150 millions d'euros y seront consacrés.

Ce projet de loi de programmation militaire prépare l'avenir en adaptant l'armée d'aujourd'hui aux guerres de demain. Notre politique industrielle de défense s'appuie sur 4 000 entreprises, dont une majorité de PME et d'ETI, 165 000 emplois directs hautement qualifiés et donc peu délocalisables. Elle réalise un chiffre d'affaires de 15 milliards d'euros, dont 30 à 40 % à l'exportation. C'est un outil exceptionnel de notre autonomie stratégique. Derrière chaque succès des armes, comme tout récemment au Mali, se trouvent des réussites technologiques et industrielles. Préparer nos futurs engagements, c'est donc aussi s'assurer de disposer des équipements au meilleur niveau. Notre industrie de défense contribue aussi au dynamisme de notre économie. Elle est l'une des premières du monde, comme en témoignent les grands contrats obtenus aux Emirats. Elle doit le demeurer. Elle est donc au coeur du projet de loi de programmation. Les crédits consacrés à l'investissement et à l'équipement de nos forces concernent chacun des neufs secteurs industriels majeurs. Afin de maintenir un effort substantiel de recherche et de progrès technologique, plus de 730 millions d'euros en moyenne annuelle seront consacrés aux études amont, en hausse par rapport à la période précédente, en privilégiant à la fois le renouvellement des deux composantes de la dissuasion, l'aéronautique de combat, la lutte sous-marine, la protection des véhicules, des équipages et des hommes, le renseignement, la cyberdéfense et l'espace. La coopération avec la recherche civile sera poursuivie, notamment par l'augmentation du soutien aux entreprises innovantes par le pacte défense PME. Dans la même perspective, le régime d'appui aux PME pour l'innovation duale, Rapid, sera pérennisé et renforcé avec 50 millions d'euros par an, contre 40 en 2013.

La préparation de l'avenir, c'est aussi l'évolution du cadre juridique de notre défense. Ce projet de loi de programmation contient plusieurs novations normatives importantes. Dans le domaine du renseignement il renforce, autant que l'autorise la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la séparation des pouvoirs, le rôle et les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement. Ce contrôle accru permettra d'ouvrir ou de sécuriser certains dispositifs de collecte de données et de consultation de fichiers existants. Les services de renseignement ont en effet besoin d'avoir accès à une information riche et diversifiée pour repérer les signaux faibles et détecter suffisamment tôt les risques d'atteinte à nos intérêts fondamentaux. Le projet de loi innove aussi dans le domaine de la cyberdéfense en précisant, pour la première fois, les obligations que l'Etat peut imposer aux opérateurs d'importance vitale pour la France en matière de sécurisation de leurs systèmes d'information. Pour la première fois, le droit prend en compte le besoin pour l'Etat de défendre ses systèmes d'information sensibles contre les attaques informatiques, y compris par des procédés qui, s'ils ne visaient pas la protection de la sécurité nationale, seraient pénalement répréhensibles.

Enfin, comme le président de la République l'a expressément demandé, le projet de loi met en place divers outils juridiques destinés à prévenir une judiciarisation inutile de l'action des militaires engagés en opération extérieure : il ne s'agit pas d'instaurer une immunité pénale au profit des militaires mais de prendre en compte la réalité des conflits armés, de trouver un compromis entre un droit pénal d'exception, celui du temps de guerre, qui n'a heureusement plus servi en France depuis le dernier conflit mondial, et le droit commun du temps de paix, parfois inadapté aux réalités des conflits dans lesquels nos militaires sont prêts à donner leur vie... comme à donner la mort. Je veillerai à ce que les mécanismes d'information, d'accompagnement et d'indemnisation des familles des militaires blessés ou tués au combat soient encore améliorés.

La préparation de l'avenir implique également la réforme de la gouvernance au ministère et le regroupement des états-majors, directions et services centraux sur le site de Balard. Cela facilitera aussi la modernisation des conditions de travail, pour les agents civils et militaires.

Concernant le renseignement et la cyberdéfense, la loi de programmation comporte une nouvelle donne stratégique : adaptation du droit, renforcement des capacités, mise en place d'une chaîne opérationnelle centralisée, études amont renforcées. Des moyens nouveaux y sont consacrés et le contrôle parlementaire, je l'ai dit, est renforcé.

La préparation de l'avenir, c'est enfin le renforcement du lien armée-nation, avec comme enjeu la cohésion nationale, l'adhésion de la nation à la politique de défense, mais également la reconnaissance du métier des armes, le recrutement et la résilience des populations face aux crises. La réserve militaire, dans ses deux composantes opérationnelle et citoyenne, sera rénovée, tout comme le parcours de citoyenneté, avec notamment une réflexion sur la journée défense et citoyenneté. Je souhaite aussi renforcer l'information des parlementaires - suivi des dotations financières, des opérations extérieures ou encore des exportations d'armement. Je présenterai du reste dans les prochains jours le rapport annuel au Parlement sur les exportations d'armement.

En conclusion, l'exécution, quelque peu heurtée, de la précédente loi de programmation militaire a démontré la nécessité de prévoir suivi et actualisation. Un suivi annuel sera désormais effectué, au niveau du Conseil de défense.

M. Jean-Louis Carrère . - Très bien !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Un rapport annuel d'exécution sera transmis aux commissions compétentes du Parlement. Une première actualisation aura lieu fin 2015, occasion de faire le point sur l'activité opérationnelle, les équipements majeurs, les déflations d'effectifs et la mise en oeuvre des réformes. Dans quatre ans, la présente loi sera révisée pour conduire à l'élaboration de la suivante.

Ce projet de loi de programmation fixe un cadre équilibré. Nous avons eu le souci constant d'une répartition équitable de l'effort entre les trois armes et entre les différentes entités du ministère. Il nous faut adapter nos armées aux menaces de demain, dans une conjoncture difficile. Nous sommes fiers de ce texte, aboutissement d'un travail de plusieurs mois des états-majors, de la direction générale à l'armement, du secrétariat général pour l'administration et de l'ensemble des services du ministère. Nous avions constamment à l'esprit l'opération Serval, qui se déroulait dans le même temps, ainsi que le désengagement progressif d'Afghanistan. Nous n'avons donc à aucun moment oublié la raison d'être de notre défense ni l'engagement de ceux qui la servent.

M. Jean-Louis Carrère, président . - En raison de contraintes d'agenda, le débat précédent ayant été particulièrement dense, une autre séance sera consacrée aux questions sur ce texte.

Monsieur le ministre, je note avec satisfaction que vous avez pris en compte les travaux de notre commission. Des points restent à améliorer mais nous retrouvons l'esprit, voire la lettre, de nos propositions.

M. Daniel Reiner . - Compte tenu des lacunes capacitaires apparues lors des derniers conflits, quels sont les points de fragilité, ceux appelant une particulière vigilance dans l'exécution de la loi de programmation ?

M. Jacques Gautier . - Ce texte soulève plusieurs questions. Trois points sont à mes yeux essentiels : d'abord la garantie de l'affectation des ressources exceptionnelles, qu'il convient d'inscrire dans le marbre, ensuite la clause de rendez-vous, et la clause de retour à meilleure fortune pour le budget de la défense, que nous souhaitons voir garantie. Nous serons nous-mêmes vigilants...

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Ce texte est conforme à tout ce que j'ai annoncé cette année. C'est le cas avec la clause de sauvegarde - dont je n'imaginais pas, je l'avoue, qu'elle pût être inscrite dans une loi de programmation. La vigilance s'imposera. En particulier en 2016, pour passer la première étape d'une augmentation des crédits, puis les suivantes.

M. Jean-Louis Carrère, président . - Notre obsession est que le budget de la défense atteigne deux points de PIB !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Beaucoup d'interrogations se sont exprimées sur les ressources exceptionnelles. Néanmoins, cette année, comme l'an dernier, celles qui étaient prévues ont été effectivement engrangées - ce qui ne doit pas diminuer notre vigilance, j'en conviens.

Monsieur Reiner, ma première préoccupation concerne la préparation opérationnelle des troupes : celle-ci ne doit pas constituer pas une variable d'ajustement budgétaire. En matière capacitaire, le Sénat a identifié des pistes d'action. Il fallait prendre une décision sur les drones. J'ai tranché !

M. Jean-Louis Carrère, président . - Nous vous avons soutenu !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Les deux premiers drones auront été livrés et seront opérationnels à Niamey avant la fin de l'année. La cyberdéfense est une autre priorité et sur ce sujet les travaux du Sénat sont essentiels. La fourniture d'avions ravitailleurs constitue un autre chantier majeur. Tous ces dossiers présentent des aspects non seulement financiers, mais aussi techniques, industriels ou politiques, auxquels il faut veiller.

M. Jean-Louis Carrère, président . - Je vous remercie.

M. Jean-Yves LE DRIAN
Ministre de la défense
Le 12 septembre 2013

M. Jean-Louis Carrère, président . - Nous recevons aujourd'hui M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, pour évoquer la loi de programmation militaire (LPM) dont il nous a fait une présentation générale la semaine dernière. La commission des finances s'en est saisie pour avis, de même que la commission des lois pour examiner les questions de judiciarisation et de renseignement.

M. Daniel Reiner . - Le rapport annexé à la loi de programmation, qui comporte des éléments importants, a-t-il la même valeur juridique que celle-ci ? Si ce n'était pas le cas, nous déposerions des amendements pour transférer certains de ses éléments dans la loi.

L'autonomie stratégique est l'un des quatre principes fondateurs de notre politique de défense. Sur quels grands équipements s'appuie-t-il ? Le spatial devrait en être une composante essentielle : c'est manifestement un volet distinct. En matière d'alertes spatiales ou d'écoutes électromagnétiques, nous nous sentons en retard.

Parmi les huit programmes majeurs, lesquels ont d'ores et déjà fait l'objet de renégociations avec les industriels ?

Notre commission salue l'augmentation des crédits de recherche et l'engagement à les porter à 730 millions d'euros par an. Comment seront-ils ventilés ? En vertu de la loi de programmation, les crédits de recherche relatifs à la dissuasion nucléaire risquent d'augmenter dans les années à venir : il y a là un risque d'éviction des autres crédits.

M. Jacques Gautier . - Cette loi de programmation n'est certes pas parfaite, mais je veux saluer, au nom du groupe UMP, l'engagement du ministre dans son élaboration.

Le rapport annexé indique que « dans l'hypothèse où le montant de ces recettes exceptionnelles, ou le calendrier selon lequel les crédits correspondants pourraient être affectés au budget de la défense feraient l'objet d'une modification substantielle, ayant une conséquence significative sur le respect de la programmation, d'autres recettes exceptionnelles seront mobilisées ». Il serait plus sûr de transférer cette précision dans le corps de la loi.

Le texte prévoit en outre l'adaptation des deux derniers sous-marins nucléaires lanceurs d'engin (SNLE) aux missiles M 51 : les quatre que nous possédons auront ainsi été rénovés et adaptés à ce missile plus performant. Mais vous engagez déjà les travaux d'élaboration des SNLE de troisième génération et le développement des M 51.3. Or les discussions sur la limitation de l'armement nucléaire pourraient reprendre. En outre, l'évolution des technologies et de la connaissance du champ électromagnétique peuvent freiner la sécurisation des SNLE. Enfin, des effets d'éviction sont en effet à craindre. Ne vaudrait-il pas mieux maintenir des crédits de recherche et repousser les décisions en 2020, puisque les SNLE de deuxième génération et les M 51, nous sommes tranquilles pour une quinzaine d'années ?

Le principe de différenciation des forces armées découle du Livre blanc sur la défense. Son application pour l'armée de l'air et la marine se comprend. Mais dans l'armée de terre, il ne faudrait pas aboutir à une armée à deux vitesses, qui distinguerait les guerriers - envoyés dans les opérations extérieures, les entrées en premier et la stabilisation des situations dans les moments de haute intensité - et les métros chargés de la protection du territoire dans le cadre du plan Vigipirate : ce serait une catastrophe.

La LPM n'évoque pas la légalisation des sociétés militaires privées. Le ministère y réfléchit depuis longtemps. Nous savons que le dépavillonnement des navires n'est pas rare. Nous sommes prêts à déposer une proposition de loi pour y remédier : est-ce nécessaire ?

M. André Vallini . - La LPM procède à évolution juridique en matière judiciaire. Comment pensez-vous que cette évolution sera perçue par les familles de militaires victimes, qui réclament davantage de transparence - souvenez-vous de l'affaire d'Uzbin ? En particulier, confier le monopole de l'action publique au parquet ne risque-t-il pas d'être mal perçu par l'opinion ?

Enfin, que pensez-vous de la proposition de loi du député Jacques Myard pénalisant la participation de Français à des conflits armés hors du territoire de la République sans accord de la France ?

M. Gilbert Roger . - La préparation opérationnelle, inférieure de 15% aux normes en vigueur, devrait augmenter vers 2016. Pour les pilotes d'hélicoptère, nous sommes 25% en dessous des normes fixées par l'OTAN. Comment conserver notre crédibilité dans ce contexte ?

La gouvernance du ministère sera réformée ; pourtant, cela ne marche pas si mal...

Enfin, les élus savent que de nouvelles fermetures de bases sont envisagées. Quelles sont les fermetures prévues pour 2014 ? Sont-elles vraiment indispensables ?

M. Yves Pozzo di Borgo . - Les sociétés militaires privées représentent un marché estimé entre 200 et 400 milliards de dollars. En la matière, notre pays a des atouts à faire valoir, notamment par rapport à la concurrence anglo-saxonne, mais nous souffrons de l'absence de réglementation claire. À terre, notre réticence s'explique par le monopole public de l'emploi de la force armée, mais si nous n'avançons pas dans le domaine de la protection en haute mer par exemple, les armateurs français risquent de dépavillonner leurs navires.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense . - Je suis favorable à la reconnaissance des sociétés militaires privées dans le domaine du transport maritime, car la marine nationale ne peut pas tout faire. Je l'ai fait savoir aux acteurs du secteur. Nous sommes proches d'aboutir. J'y suis défavorable en revanche pour les activités terrestres, car cela s'apparenterait à du mercenariat, ce qui est contraire à notre tradition républicaine et à nos convictions. Vous pouvez d'ores et déjà rassurer nos armateurs : un projet de loi pourrait être bientôt déposé par Frédéric Cuvillier.

Le rapport annexé à la LPM n'a pas valeur normative. Je ne suis pas opposé à ce que les points sensibles soient transférés, par vos amendements, dans le corps de la loi.

Au sein du renseignement, le spatial est un volet essentiel de cette loi de programmation, car c'est une composante majeure de notre souveraineté et de notre autonomie stratégique. Nous allons renouveler nos capacités dans tous les domaines. Dans l'observation spatiale d'abord, notamment l'imagerie haute résolution : nos satellites Helios 2 et le système Pléiades seront complétés par la nouvelle génération de satellites Musis, plus performants. Dans les capacités de renseignement spatial ensuite, avec le programme d'écoute électromagnétique Ceres, entièrement financé par la loi de programmation. Celui-ci ne sera opérationnel qu'en 2020 : c'est le délai incompressible de développement technique. Nous nous dotons en outre d'une nouvelle génération de satellites de télécommunications spatiales Sicral 2 et Athena-Fidus, développés avec nos partenaires italiens, puis en fin de période des satellites Comsat nouvelle génération en remplacement des Syracuse III. Une dizaine de satellites seront ainsi lancés d'ici 2020.

En matière de surveillance de l'espace, nous avons besoin d'une approche européenne pour pérenniser l'outil existant - radar Graves - et développer de nouveaux moyens. S'agissant des lanceurs spatiaux, en particulier d'Ariane 6, des décisions restent à prendre qui seront mises en oeuvre avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est un sujet peu débattu, mais de première importance.

Les grands équipements qui répondent aux enjeux de notre autonomie stratégique sont, outre ceux relatif à la dissuasion, au renseignement, et à l'espace, ceux qui renforcent nos outils de lutte contre la cybermenace et nos capacités de frappe de précision à distance - missiles Scalp et missiles de croisière navals.

Les drones, cheval de bataille du Sénat, sont une priorité de notre politique de renseignement. La LPM prévoit l'acquisition de douze drones Reaper de moyenne altitude longue endurance (Male). Nous avons dû les acheter sur étagère - ce qui n'était pas initialement prévu. Les deux premiers seront en fonction dès cette année à Niamey. Il faudra européaniser les dix autres, c'est-à-dire adapter les capteurs et charges utiles au ciel européen. Nous attendons les industriels européens sur cette question, qui peut être réglée rapidement. Italiens et Britanniques sont confrontés au même problème d'insertion de leurs drones Reaper dans leur ciel. C'est pourquoi j'ai proposé de créer un club d'utilisateurs de Reaper, dont la porte reste ouverte à ceux qui n'ont pas encore choisi, comme les Allemands.

Ces acquisitions ont vocation à être dépassées par la prochaine génération de drones, qu'il faut anticiper pour être prêts, d'ici 2023-2025. Lors du salon du Bourget, trois grands groupes industriels ont manifesté leur intention de travailler de concert : je m'en félicite.

M. Jean-Louis Carrère, président . - EADS, Dassault...

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - ...et Finmeccanica.

Les 730 millions d'euros de crédits de recherche sont garantis annuellement. Ils seront ventilés en fonction de la montée en puissance des différents projets.

Les programmes pour lesquels les négociations avec les industriels ont repris sont Barracuda et les hélicoptères NH 90. Nous les abordons tout juste pour les frégates multi-missions (Fremm), les hélicoptères Tigre et les avions de transport A 400M. Il restera à ouvrir les discussions sur le Felin et le Rafale. Elles devraient prendre fin avant la fin de l'année.

Lors de l'université d'été de la défense à Pau, sept grands groupes industriels ont pris une position publique forte. Je l'approuve.

Cette loi de programmation est cohérente et équilibrée, et n'a de sens que si elle est réalisée totalement : enlevez une pierre de l'édifice et vous le ferez s'écrouler. Je suis conscient de cette fragilité. Certains beaux esprits me disent qu'aucune loi de programmation n'a été entièrement réalisée : je le sais, mais j'espère être le premier à réussir !

M. Jean-Pierre Chevènement . - Je rejoins Jacques Gautier sur le risque d'éviction des crédits de dissuasion. Attention aussi à la péremption. Avez-vous un calendrier pour le développement du nouveau SNLE de nouvelle génération, celui de troisième génération, et le M 51.3 ? Bref, comment envisagez-vous la dissuasion à l'horizon 2020 ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Les crédits de dissuasion s'élèvent à 23,3 milliards d'euros d'ici 2020, soit 12% du total des crédits de la LPM.

M. Jean-Pierre Chevènement . - Comment sont-ils ventilés ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - L'élaboration du SNLE de troisième génération et la mutation des têtes nucléaires font partie des décisions prises par le président de la République lors du dernier conseil des armements nucléaires. Je pourrais vous communiquer les détails pour les futurs M 51.2 et M 51.3, mais l'agenda des travaux du prochain SNLE n'est pas encore arrêté. Une partie des 730 millions d'euros de crédits de recherche seront affectés à ces programmes.

M. Jean-Pierre Chevènement . - Cela renforce mes craintes relatives aux propos de Jacques Gautier.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Non : 23 milliards d'euros sont d'ores et déjà affectés à la dissuasion. Ne restent que les études en amont sur le SNLE de troisième génération.

M. Jacques Gautier . - Jean-Pierre Chevènement veut être sûr qu'ils feront partie de la programmation, moi je ne veux pas que le SNLE de troisième génération concentre tous les crédits d'étude.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Je rassure Jean-Pierre Chevènement : nous garantirons la dissuasion sur la longue durée. Les décisions de principe concernant l'évolution du M 51 et les têtes nucléaires ont été prises. La mise en service du nouveau SNLE est prévue pour les années 2030. La rénovation à mi-vie du missile air-sol moyenne portée améliorée (Asmpa) sera pour sa part effectuée grâce à la ligne de 23,2 milliards d'euros et non grâce aux crédits d'étude.

Monsieur Gautier, je suis favorable à ce que les engagements de révision des crédits soient placés dans le corps de la loi.

Le risque de différenciation des brigades que vous soulignez n'est pas fictif, mais je le crois secondaire. La maquette de la future armée de terre prévoit deux brigades adaptées à l'entrée en premier et au combat de coercition, trois brigades multi rôles, équipées et entraînées pour la gestion de crise, et deux brigades légères, susceptibles d'intervenir rapidement dans des milieux difficiles. Chacune ont leur mission. Il n'y a pas de brigade plus valorisante qu'une autre. Que les militaires affectés dans les bases de défense se sentent dévalorisés par rapport aux autres, et que les dispositifs s'ignorent mutuellement, voilà le véritable risque.

Sur la judiciarisation, ce texte témoigne d'un souci d'équilibre entre les dispositions pénales adaptées à l'action de combat et les réponses à apporter aux attentes des familles de victimes. Pour l'instant, il n'y a pas eu d'événement de judiciarisation autres que symboliques. La LPM ne fait que renforcer certaines mesures procédurales. Le parquet détenait déjà le monopole de l'action publique pour les Français commettant des délits à l'étranger, à l'exclusion des militaires : cette exception est supprimée. Ce n'était en revanche pas le cas pour les crimes, il nous a semblé nécessaire de le faire dès lors qu'il s'agissait de militaires dans l'accomplissement de leurs missions opérationnelles. Nous avons clarifié la situation afin que les possibilités d'action en justice ne mettent pas en cause le fonctionnement de nos opérations extérieures.

M. Jean-Louis Carrère, président . - Qui ne sont pas des crimes.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - En effet. L'affaire d'Uzbin a montré que le droit n'était pas adapté. Confier le monopole de l'action publique au parquet n'empêche nullement les familles de porter plainte, ni le parquet de s'autosaisir : les responsables des armées ne sont en aucun cas en position d'immunité. Les armées ont mis en place des dispositifs d'accompagnement des blessés et des familles de militaires victimes. J'en ai rencontré de nombreuses. Elles doivent avoir le droit de saisir la justice, mais il ne faut pas tomber dans le travers d'une judiciarisation excessive.

M. André Vallini . - Il est vrai que la voie entre ces deux exigences est très étroite. Je suis élu d'un département qui a vu disparaître plusieurs soldats en Afghanistan. Toutes les familles m'ont assuré de l'efficacité des dispositifs de soutien psychologique et moral que dispense l'armée. Celle-ci est véritablement, toutes le disent, une grande famille.

M. Jean-Marie Bockel . - Pouvez-vous préciser votre méthode en matière de restructurations ? L'est de la France a subi les conséquences de la première révision générale des politiques publiques, et devrait souffrir à nouveau : nous aimerions être associés aux décisions prises. Quelle incidence faut-il en attendre sur les 1 100 personnes qui composent les forces pré-positionnées ? Ne sommes-nous pas allés au bout de la logique d'économies dans le soutien ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Je ferai connaître le premier train de restructurations à la fin du mois, pour ce qui concerne les restructurations mises en oeuvre en 2014 : il faut prévenir les services et les unités suffisamment tôt. Je prendrai le temps nécessaire pour mesurer les conséquences de chaque mesure. Les décisions qui concernent la période 2015-2019 seront prises à l'été ou l'automne 2014.Une analyse fonctionnelle, plus longue et plus délicate, est nécessaire, afin de partager les efforts entre services centraux et services de soutien.

La déflation des forces pré-positionnées s'élève en effet au nombre de 1 100 si l'on inclut les forces outre-mer. La carte des forces pré-positionnées proprement dites sera surtout revue en Afrique. Elles se trouvent pour l'heure à Dakar, Libreville, Djibouti. Il faut y ajouter les opérations extérieures qui se prolongent : à N'Djamena, Niamey, Ouagadougou, Abidjan, Bamako, Bangui. La priorité est de conserver une réactivité, celle sans laquelle nous n'aurions pu intervenir au Mali, en République centrafricaine pour protéger l'aéroport de Bangui ou au Niger pour aider le président Issoufou contre les attaques terroristes dont Niamey a fait l'objet. Une réorganisation intelligente consiste à diminuer nos effectifs en augmentant notre présence.

Nous ne sommes pas hostiles à la proposition de loi de Jacques Myard, à condition qu'elle ne soit pas redondante avec l'arsenal législatif existant.

Monsieur Roger, les indicateurs dont nous disposons ne sont pas ceux que vous avez indiqués. Alors que la préparation opérationnelle est un enjeu fondamental, elle a souvent servi, par facilité, de variable d'ajustement pour financer des programmes d'investissement. Je m'y refuse. La LPM a vocation à arrêter la baisse tendancielle de ses crédits, et même à les augmenter pour nous faire rentrer dans les normes réactualisées. Les chefs d'état-major des armées y sont, à juste titre, très attentifs.

Vous estimez que la situation du ministère n'était pas si mauvaise et ne justifiait pas une réorganisation. Dois-je rappeler que j'ai trouvé en arrivant un report de charges de 3 milliards d'euros, le désastre du système Louvois, une baisse d'effectifs engagée par le précédent gouvernement qui se traduisait par une hausse du nombre d'officiers et une dérive salariale permanente ? C'était la faute de tout le monde et ce n'était celle de personne : le système était ainsi fait. Il fallait y remédier, faute de quoi l'équilibre de la LPM aurait été impossible à atteindre.

J'ai donc voulu un système de gouvernance plus clair, plus simple, où chacun - le chef d'état-major des armées, le directeur général de l'armement, le secrétaire général pour l'administration - est doté de compétences bien définies. Les crédits de personnel ont été unifiés, l'autorité fonctionnelle des directions des affaires financières et des ressources humaines renforcée, l'organisation territoriale des soutiens simplifiée.

Vous n'ignorez pas quelles étaient auparavant les redondances et l'absence de communication entre réseaux verticaux, les dysfonctionnements des bases de défense que j'ai constatés personnellement... Pour changer une ampoule à la caserne de Sarrebourg, il fallait remonter jusqu'à Paris !

M. Gilbert Roger . - Le rapport que j'ai écrit avec M. Dulait mentionnait d'autres exemples similaires à Charleville et Toulouse...

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Il fallait donc simplifier l'organisation du ministère, y compris l'attribution des compétences : c'est l'objet d'un décret adopté hier en conseil des ministres.

Quant aux bases de défenses, certaines seront peut-être regroupées, mais je ne peux encore vous dire lesquelles : il me faut du temps.

Mme Michelle Demessine . - Comment la nouvelle LPM compte-t-elle renforcer l'accompagnement économique des restructurations ? Vous avez dit à Pau vouloir tirer les leçons des expériences précédentes. Un calendrier a-t-il été fixé ? Comment associerez-vous les élus locaux à ce travail ? Et quel avis portez-vous sur la restructuration des bases aériennes, par exemple celle de Cambrai ?

On parle beaucoup des recettes exceptionnelles. À combien évaluez-vous le produit des ventes immobilières ?

L'entretien des surfaces d'entraînement, indispensable au maintien en condition opérationnelle des troupes, a souvent servi de variable d'ajustement lors de l'exécution des précédentes lois de programmation. Qu'est-ce qui garantit que ce ne sera plus le cas à l'avenir ?

M. Jeanny Lorgeoux . - À Djibouti ne devraient plus rester que 600 soldats. Ne faudrait-il pas réaménager le collier de perles de nos bases africaines ? Et qu'en est-il de la « pérennité temporaire », si j'ose cet oxymore, de nos soldats au Mali ?

Pouvez-vous en dire plus sur le nouveau décret relatif à la répartition des attributions au sein du ministère ?

M. Marcel-Pierre Cléach . - La judiciarisation que nous constatons est-elle, selon vous, la conséquence de la disparition des tribunaux des forces armées ou de l'évolution de la société ?

Quel bénéfice escomptez-vous du regroupement des pôles compétents pour instruire et juger les affaires liées aux opérations extérieures ? La spécialisation des magistrats compensera-t-elle l'éloignement des lieux où les faits sont commis ?

M. Jacques Berthou . - La cyberdéfense joue un rôle grandissant. Comment entendez-vous coordonner l'action du ministère, des industriels et des autres acteurs économiques, afin d'éviter la dispersion des réflexions et des moyens ?

M. Jean-Louis Carrère, président . - Pour assurer le respect de la programmation, le projet de loi contient des clauses de sauvegarde pour les ressources exceptionnelles, les opérations extérieures et le coût des carburants, mais aussi une clause de revoyure et un rapport annuel d'exécution. Nous nous en félicitons. Mais peut-être faut-il renforcer encore ces garanties, pour que l'exécution de la loi y soit aussi fidèle que possible : je sais que vous y êtes attaché. La clause de sauvegarde des ressources exceptionnelles pourrait ainsi être incluse dans la partie normative du texte, et il pourrait être prévu - car j'ai entendu le Président de la République parler de crédits budgétaires - que si les recettes escomptées ne sont pas au rendez-vous, d'autres ressources seront dégagées sur la base d'un financement interministériel. Je ne veux pas vous attirer les foudres de vos collègues, monsieur le ministre. Nous prendrions nous-mêmes les devants.

En outre, pourquoi ne pas prévoir au Parlement un débat annuel sans vote sur l'exécution de la loi de programmation, au moment du dépôt du rapport ? Cela renforcerait le contrôle de l'exécution budgétaire, mais cela nous donnerait aussi l'occasion de vous aider. Peut-être direz-vous que cela alourdirait excessivement la procédure, mais je reste très attaché à cette idée.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Je suis tout à fait favorable à ce que le Parlement exerce régulièrement son contrôle sur l'exécution de la loi de programmation, sans doute parce que j'ai longtemps été moi-même parlementaire. Tout ce qui garantit la bonne exécution du texte - rapport annuel, clauses de sauvegarde, révision en 2015 - me satisfait pleinement, mais tout ne dépend pas de moi. De même, j'appuierai tout ce qui peut conforter l'équilibre et la cohérence du texte. Cette loi sera difficile à mettre en oeuvre, mais les efforts demandés sont indispensables pour que les avancées prévues par ailleurs se traduisent dans les faits.

Madame Demessine, je ne suis pas encore tout à fait prêt à vous répondre sur l'accompagnement des restructurations. Je constate seulement que les sommes prévues lors des précédentes programmations n'ont pas toujours été bien utilisées. Il faut trouver les voies d'un accompagnement efficaces.

Nous escomptons environ 200 millions d'euros par an de ressources immobilières.

Sur la base aérienne de Cambrai, comme sur les autres sites, je ne prendrai pas d'engagement que je ne pourrai pas tenir.

Quant aux sites d'entraînement, je vais en visiter un cet après-midi, pour marquer l'importance que j'y attache. Ils sont indispensables à la préparation opérationnelle de nos troupes.

Monsieur Lorgeoux, il n'est pas question de renoncer à nos implantations en Afrique mais de les organiser différemment. Je n'ai pas tranché sur le périmètre, mais sur un chiffre global. Compte tenu du contexte international, la base de Djibouti conservera évidemment un rôle très important.

Au Mali, nous avons maintenu un peu plus longtemps que prévu des troupes nombreuses pour assurer une présence visible de nos soldats lors des élections présidentielles récentes, puis des prochaines législatives. La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) ne sera pas encore complètement installée à cette date. Mais en fin de compte, il ne devrait plus y avoir que 1 000 soldats français environ au Mali en 2014.

La judiciarisation est-elle liée à la disparition des tribunaux des forces armées ? Je la crois plutôt due aux évolutions sociales. Quoi qu'il en soit, je ne pouvais pas rester sans réagir, car cette tendance risquait de désorganiser profondément l'action militaire : un officier doit pouvoir donner un ordre sans craindre que celui-ci soit invalidé par un tribunal. Le regroupement des pôles compétents et la spécialisation des magistrats auront pour effet, j'en suis sûr, que les affaires seront mieux jugées.

En ce qui concerne la cyberdéfense, je crois que M. Montebourg annonce en ce moment même que la cybersécurité a été retenue parmi les filières industrielles éligibles au soutien de l'État. La cyberdéfense en fait partie. Il s'agit bien de créer une culture partagée. Je me suis saisi très tôt de cette question, et vous avez pu constater les avancées très importantes du projet de LPM dans ce domaine, qu'il s'agisse de l'évolution du droit ou de l'augmentation des effectifs.

Le décret adopté hier sur les attributions ne fait que revenir au statu quo ante 2009 pour éviter une double chaîne hiérarchique. Le Président de la République, le Premier ministre, le ministre de la défense, le chef d'état-major des armées ont chacun leurs compétences. Ce dernier est placé sous l'autorité du ministre, sans préjudice des attributions particulières du Président de la République dans le domaine nucléaire. Le ministre de la défense doit jouer son rôle dans l'emploi des forces. Pour ma part, j'entretiens des relations très fluides avec le Président de la République, mais je pense surtout à mes successeurs.

M. Jean-Louis Carrère, président . - Monsieur le ministre, merci.

Amiral Edouard GUILLAUD
Chef d'état-major des armées

Le 12 septembre 2013

M. Jean-Louis Carrère, président. - Amiral, nous vous souhaitons la bienvenue.

Nous sommes désireux d'entendre vos analyses sur le projet de loi de programmation militaire (LPM), dont le Sénat est saisi, ce qui devrait permettre, je l'espère, son adoption rapide.

Je serai donc bref, en vous livrant cependant quelques questions...

Le nouveau format permettra-t-il de sauvegarder la cohérence de notre modèle d'armée, de préserver nos compétences, et de remonter en puissance quand le retour à bonne fortune économique le permettra ? Il y a là une forte interrogation...

La trajectoire financière est-elle en ligne avec les ambitions affichées ? Est-elle soutenable, avec 6 milliards de ressources exceptionnelles ? Nous avons fait savoir au ministre, peu de temps avant votre venue que, quel que soit l'avis du Gouvernement, nous pensions protéger ces 6 milliards dans la partie normative, et que nous avions l'ambition de mettre en oeuvre un système de contrôle et d'accompagnement des plus précis, au plus près de son exécution.

Un tiers des déflations d'effectif portera sur les unités opérationnelles : c'est considérable. Nous sommes très attachés au moral et à la manière dont on traite les hommes. Quelle répartition entre armées, civils et militaires, et quand sera annoncée la prochaine carte militaire ? Je rappelle que nous devrions perdre une brigade interarmes...

La « différenciation » n'est-elle pas l'appellation pudique d'une armée à deux vitesses, tant en matière d'entraînement que d'équipement ? Comment la mettre en oeuvre dans les différents milieux ? Nous ne sommes guère favorables à ce type d'armée et aimerions être rassurés...

Enfin, comment les personnels de la défense vivent-ils cette période ? Nous avons quelques idées pour les rassurer. Nous allons essayer de les mettre en oeuvre au moment du vote de la loi, mais si vous avez une demande à formuler auprès de nous, elle sera écoutée avec beaucoup d'attention.

Je vous cède à présent la parole...

Amiral Edouard Guillaud, chef d'état-major des armées. - Je vous remercie de me recevoir et mesure toute la difficulté que présente l'exercice. J'espère, après l'audition du ministre de la défense, pouvoir vous apporter quelques compléments.

Une partie de vos questions trouvera ses réponses dans le corps de mon exposé. Je les compléterai directement, si vous en êtes d'accord, avant que l'on ne passe aux questions.

J'ai bien noté vos interrogations ; elles ne me surprennent pas. Je les partage pour tout dire en grande partie, car il existe toujours des risques dans ce que nous faisons.

Comme vous le savez, la LPM 2014-2019 constitue la première étape vers la réalisation du modèle d'armée défini par le Livre blanc. Avant de rentrer dans le vif du sujet, je voudrais vous faire part de trois remarques.

Tout d'abord, la réalisation d'un modèle d'armée constitue toujours un défi ; ce défi repose sur deux paris.

Le premier est parier que d'ici à 2025, c'est-à-dire dans douze ans, le monde évoluera comme nous l'imaginons aujourd'hui. Or, il y a douze ans, presque jour pour jour, les attentats de New York et Washington bousculaient un monde que nous pensions recomposé. L'Europe de la défense était encore pleine de promesses, et le retour de la France dans la structure intégrée de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) n'était pas à l'ordre du jour.

Le second pari est celui du volontarisme budgétaire, au regard de nos besoins et du contexte économique. Or, les besoins des armées évoluent et, souvent, la réalité économique diverge des prévisions. Ici également, l'histoire récente invite à la prudence.

Pourtant, la France doit relever ce défi de la réalisation du modèle d'armée. C'est une responsabilité de la Nation. Nos forces engagées sur le terrain doivent avoir les moyens de remplir leurs missions et, pour cela, disposer d'équipements adaptés, d'un entraînement suffisant, de conditions de vie et de travail satisfaisantes. Ce sera encore vrai en 2025. C'est dire l'importance que revêt la LPM.

Deuxième remarque : nous disposons aujourd'hui d'une armée immédiatement employable, efficace mais fragilisée.

A l'heure où je vous parle, un peu plus de 8 000 soldats, aviateurs et marins français sont en opération extérieure (OPEX), sur un peu plus de 20 000, déployés hors du territoire métropolitain -Afrique, Moyen-Orient, Asie, Balkans. D'autres sont mobilisés sept jours sur sept, que ce soit dans les missions de dissuasion ou pour la protection de nos concitoyens. D'autres encore sont en alerte, prêts à intervenir où et quand il le faudra. Cette diversité des postures correspond à la réalité du monde et à celle de nos missions : des théâtres variés, des menaces diversifiées, des conditions d'emploi allant de l'action ponctuelle à l'engagement durable, en national ou en coalition.

Les récents succès de nos armées ne doivent rien au hasard. Ils reposent sur quatre paramètres : la cohésion des femmes et des hommes de la défense, la préparation opérationnelle, la disponibilité d'un matériel de qualité, et enfin la réactivité. Ces quatre facteurs et une organisation adaptée donnent à nos autorités politiques une véritable liberté d'action. C'est un capital qui doit être préservé : toute fragilisation de l'un ou l'autre de ces paramètres affecterait la liberté d'action politique.

Or, avec des marges de manoeuvre financières de plus en plus limitées, la gestion passée a rendu délicat l'arbitrage permanent entre les capacités dont nous avons besoin aujourd'hui et celles dont nous aurons besoin demain. Aujourd'hui, celles qui concourent à la protection de nos concitoyens et du territoire national sont précarisées. Deux exemples : la couverture radar de notre espace aérien n'est pas optimisée ; les capacités nécessaires à l'action de l'État en mer sont déficitaires, notamment en patrouilleurs. La posture de dissuasion est tenue, mais sous forte contrainte. Les opérations extérieures soulignent à chaque fois nos principales insuffisances dans des capacités indispensables au renseignement et à la projection de nos forces : drones, transport aérien, ravitaillement en vol, hélicoptères de manoeuvre et hélicoptères lourds. Enfin, la préparation opérationnelle est grevée par l'augmentation des coûts du soutien. La situation actuelle est rendue plus instable par l'empilement des réformes conduites sur fond d'engagement permanent.

Troisième remarque : le Président de la République a choisi de conserver un niveau d'ambition stratégique élevé pour la France. Dans le contexte économique que nous connaissons, cette décision n'allait pas de soi. Je voudrais à cette occasion souligner la détermination du ministre de la défense.

Le Livre blanc 2013 exprime une ambition nationale inchangée dans ses grands objectifs, avec une stratégie militaire articulée autour de trois grandes missions : la protection des Français et du territoire national, la dissuasion nucléaire, la capacité d'intervention à l'extérieur du territoire national. Il définit le modèle d'une armée encore réduite dans son format, mais qui se veut « complet » et financièrement soutenable.

J'en arrive à la LPM. Mon analyse s'articule autour de trois idées. Premièrement, le projet de LPM prend en compte les priorités de nos armées pour le court et le moyen terme. En conséquence, et deuxièmement, des domaines jugés moins prioritaires à court terme sont mis sous tension. Troisièmement, je voudrais attirer votre attention sur certains aspects de la programmation qui, au-delà même de la cohérence du modèle, déterminent sa viabilité dès maintenant.

Les ressources budgétaires inscrites au projet de LPM s'élèvent à 183,9 milliards d'euros courants sur la période. Ces crédits sont complétés par d'importantes ressources exceptionnelles concentrées sur les quatre premières années : 6,1 milliards d'euros courants au total. Nous devrions donc compter sur 190 milliards d'euros courants pour l'ensemble de la législature. Cela représente un engagement fort de l'État. Nous en sommes pleinement conscients.

Au regard des priorités de nos armées, la LPM permet de conjuguer engagement opérationnel et préparation de l'avenir. Elle marque un effort au profit de la préparation opérationnelle, socle de l'efficacité d'une armée. Cet effort, qui porte principalement sur l'entretien programmé des matériels, permettra dans un premier temps de disposer d'un niveau de préparation opérationnelle globalement comparable aux prévisions de 2013, niveau toutefois inférieur de 15 à 20 % aux normes communément admises. Il devrait, à partir de 2016, tendre vers ceux-ci.

Cet effort est malgré tout indispensable. Ces dernières années, les indicateurs d'activité opérationnelle ont connu une érosion continue, qui s'est accentuée en 2012. Elle s'explique par des crédits d'entretien programmé du matériel (EPM) insuffisants, alors que les coûts augmentaient. Ni la diminution des parcs, ni le prélèvement de pièces détachées dans les stocks n'ont permis de les compenser. Les tensions créées sur de nombreux stocks ont fini par affecter la disponibilité des matériels, notamment des plus anciens. Cette année, la prévision de la disponibilité est de 40 % pour les véhicules de l'avant-blindé (VAB), 48 % pour les frégates, et 60 % pour les avions de combat de l'armée de l'air.

Pourtant, les crédits consacrés à l'EPM dans le cadre de ce projet de loi progresseront en valeur de 4 % par an en moyenne sur la période 2014-2019, et de 5,5 % dès 2014. C'est donc un point de satisfaction.

Les effets de ces efforts financiers devraient être renforcés par l'application du principe de différenciation, qui commande d'équiper et d'entraîner nos forces au juste besoin, des forces que l'on distinguerait plus finement en fonction de leurs missions les plus probables. Nous n'en mesurons pas encore tous les bénéfices en termes de coût et d'organisation, mais c'est l'un des fondements du nouveau modèle, et chaque armée travaille à sa mise en oeuvre. J'aurais du mal à être plus précis pour le moment. D'une certaine façon, la différenciation existait déjà. Nous l'identifions mieux et allons voir si nous pouvons en tirer plus de bénéfices.

Un exemple de différenciation réside dans le fait que tous les pilotes n'ont pas toutes les qualifications pour certaines missions. On ne demande pas à tous les navires d'être simultanément au maximum de leur savoir-faire....

M. Jean-Louis Carrère, président. - Tous les pilotes n'ont pas non plus toutes les qualifications sur tous les appareils.

Amiral Edouard Guillaud, chef d'état-major des armées. - Il s'agit donc de bien l'identifier en termes de savoir-faire opérationnel...

Le projet de LPM prend donc en compte l'une de nos principales difficultés mais permet par ailleurs d'investir dans les équipements, en cohérence avec les priorités du Livre blanc. L'agrégat « équipements » sera doté de 102 milliards d'euros courants sur la période, soit 54 % des ressources totales. A ce propos, je voudrais souligner quelques points.

Premièrement, en euros 2013, la trajectoire des crédits d'équipement est quasiment stable à 16,1 milliards d'euros annuels en moyenne sur la période 2014-2019, c'est-à-dire au niveau de la loi de finances initiale (LFI) 2013. Or, le coût des facteurs -qui englobe le prix des matières premières, de la technologie ainsi que les coûts de production industrielle- est toujours supérieur à l'inflation. Dans le monde occidental, il est, sur les trente dernières années, en moyenne, supérieur à l'inflation de 1 %. Conséquence immédiate, nous serons tenus, sur la période de la LPM, de poursuivre les efforts de productivité au sein de l'ensemble du ministère de la défense, pour compenser les effets de l'érosion inéluctable du pouvoir d'achat dans ce domaine.

Deuxièmement, l'effort d'équipement porte prioritairement sur les programmes dits « à effet majeur ». Ils représentent 34 milliards d'euros entre 2014 et 2019, soit 5,7 milliards d'euros par an en moyenne. Point positif, il n'y aura ni abandon, ni renoncement. En revanche, tous les programmes seront touchés : cadences de livraison revues à la baisse, échéances de lancement de programme ou de livraison de matériel décalées.

L'exemple emblématique est le Rafale. Nous en réceptionnerons vingt-six sur l'ensemble de la période, au lieu de onze par an.

M. Jean-Louis Carrère, président. - N'était-ce pas plus que ce que le prévoyait la LPM précédente ?

Amiral Edouard Guillaud, chef d'état-major des armées. - En effet. Celle-ci avait été construite sous un certain nombre de contraintes, mais c'était le minimum pour éviter de passer de l'industrialisation à l'artisanat d'art !

Ce ralentissement de cadence représente cependant 47 %. Il se répercute évidemment directement sur la montée en puissance des unités. Au lieu de transformer un escadron en deux ans, il en faudra cinq ! Cela signifie inévitablement des réductions temporaires de capacités. J'espère qu'elles ne deviendront pas définitives. C'est l'un de mes sujets de préoccupation...

M. Jean-Louis Carrère, président. - La commission estime que si Dassault réussit à exporter et signe son contrat, tout se passera conformément à nos souhaits, mais la clause de revoyure nous permet de reconsidérer le rythme en cas de mauvaise fortune !

Amiral Edouard Guillaud, chef d'état-major des armées. - Je terminerai sur la clause de revoyure et sur son importance...

Troisièmement, le reste de l'agrégat « équipements » se répartit principalement sur trois domaines. Il s'agit de l'EPM, dont j'ai déjà parlé -21 milliards d'euros- la dissuasion -23 milliards d'euros, soit une progression de près de 30 % sur la période pour assurer le renouvellement des deux composantes. A l'origine, elle devait augmenter davantage...

Le troisième domaine, d'un montant de 25 milliards d'euros, concerne des programmes d'armement moins emblématiques, mais gages de la cohérence organique et capacitaire des forces, des opérations d'infrastructure et des études -même s'il a été rappelé, à l'occasion de l'université d'été de la défense, que nous conservions un niveau important d'études. Dans le contexte de vieillissement des parcs et de l'infrastructure, la dotation de ce domaine est donc, si l'on est optimiste, juste suffisante et, si l'on est pessimiste, juste insuffisante.

Ce budget doit permettre de financer les priorités du Livre blanc : connaissance et anticipation, cyberdéfense et préparation de l'avenir. Le renforcement de la fonction connaissance et anticipation sera poursuivi, en particulier dans le domaine du renseignement spatial, avec les programmes MUSIS pour l'imagerie et CERES pour le renseignement d'origine électromagnétique. Au titre de la montée en puissance de la cyberdéfense, plusieurs centaines de postes seront créés sur la période 2014-2019 dans le domaine de la lutte informatique et de la sécurité des systèmes d'information.

Enfin, l'effort est marqué pour la préparation de l'avenir, soit 748 millions d'euros au titre du projet de loi de finances pour 2014, et une moyenne de 730 millions d'euros sur la période sur la période 2014-2019. Le Délégué général pour l'armement vous en parlera plus savamment que moi en détail. C'est un point de satisfaction. Il n'était pas évident de continuer à pouvoir prendre en compte le court et moyen terme, et préparer l'avenir sans obérer le présent.

Deuxième idée directrice : le financement des priorités que je viens d'évoquer créera d'inévitables tensions sur les armées, dans deux domaines en particulier, le fonctionnement et la masse salariale.

S'agissant du fonctionnement, dont une part significative contribue directement à l'activité opérationnelle des forces -crédits d'entraînement et carburants opérationnels par exemple- de nouvelles économies très volontaristes sont programmées à hauteur de plus de 600 millions d'euros sur la période 2014-2019, soit près de 100 millions dans le projet de loi de finances 2014. Ces mesures d'économie s'appliqueront alors que le fonctionnement est déjà marqué par une très forte rigidité des dépenses. Au bilan, l'objectif est de contenir les coûts de structure hors OPEX à environ 3,5 milliards d'euros par an en moyenne sur la période 2014-2019.

Cette très forte contrainte sur le fonctionnement se répercutera sur les conditions de vie et de travail du personnel, d'autant que, dans le domaine de l'infrastructure, les ressources ne permettront plus de satisfaire nos objectifs de maintenance préventive. Le ratio de maintenance par mètre carré restera ainsi très inférieur au ratio considéré comme satisfaisant : 4 euros par mètre carré alors qu'on estime qu'il en faut 11 !

Concernant les dépenses de personnel, la programmation du titre II prend en compte une économie de l'ordre de 4,5 milliards d'euros sur la période, au titre de la déflation des effectifs et des mesures de « dépyramidage ». Ainsi, les crédits budgétaires programmés passent de 11,2 milliards d'euros en loi de finances initiale 2013 à 10,4 milliards d'euros en 2019, soit 64 milliards d'euros, hors OPEX et pensions, sur la LPM, représentant 34 % des ressources totales.

De plus, la programmation du titre II prend en compte une enveloppe de mesures catégorielles plafonnée à 45 millions d'euros par an, c'est-à-dire diminuée de moitié par rapport à la précédente LPM, alors que de nouveaux efforts sont demandés au personnel.

Cette réduction des dépenses de la masse salariale est un défi pour le ministère de la défense et donc pour les armées, ministère qui devra supprimer 34 000 postes entre 2014 et 2019, et dépyramider. Il est notamment prévu de supprimer de 1 000 à 1 100 postes d'officiers par an, soit trois fois et demie la déflation moyenne réalisée sur la période 2008-2013, dans un contexte de réforme des retraites, et alors même que les reconversions dans le secteur privé sont de plus en plus difficiles en raison de la crise économique. J'observe à cet égard que le taux d'encadrement des armées mesuré ou pris stricto sensu est déjà inférieur à l'objectif moyen annoncé de 16 %.

Enfin, concernant le budget des OPEX, le projet de LPM prévoit une provision à hauteur de 2,7 milliards d'euros sur la période 2014-2019, soit 450 millions d'euros par an, contre 630 millions d'euros en loi de finances initiale 2013. Cette provision est adaptée aux nouveaux contrats opérationnels et à une reconfiguration du dispositif en Afrique et des forces prépositionnées. La maîtrise de cette enveloppe relève en partie de décisions politiques, faute de quoi le financement des dépenses liées aux OPEX pèserait sur les équipements.

Ma troisième idée directrice est que l'équilibre physico-financier de la programmation est fragile. La construction de la LPM intègre des hypothèses volontaristes, sur lesquelles il convient d'être particulièrement attentif. C'est pour moi un point de vigilance.

Les ressources ont en effet été programmées dans un contexte de forte contrainte budgétaire, ce qui fait évidemment peser des risques significatifs sur son exécution, si les principales hypothèses de construction ne se vérifient pas. Ces risques concernent en particulier les ressources, la masse salariale, les dépenses d'équipement, et le fonctionnement.

Les risques financiers liés aux ressources sont de deux types.

D'abord, les conditions d'entrée en LPM : tout abattement de ressources en 2013 -annulation partielle de la réserve de précaution initiale, ou autofinancement des surcoûts OPEX- amplifierait le report de charges que nous prévoyons pour la fin 2013, déjà proche de 3 milliards d'euros. Une dégradation déstabiliserait de facto l'entrée en LPM.

Le deuxième risque est lié aux ressources exceptionnelles. La stabilité en valeur des ressources totales de la « mission défense », les trois premières années de la LPM, telle qu'elle a été rappelée par le Président de la République et demandée avec force par le ministre de la défense, est conditionnée par la mise à disposition effective des ressources exceptionnelles, dont le montant prévisionnel représente près du double de la précédente loi. Or, la mise à disposition de ces ressources doit encore être consolidée sur l'ensemble de la période.

Dans l'hypothèse d'une non-réalisation partielle de ces ressources, le projet de loi comprend une clause de sauvegarde de nature à rassurer, pour autant que les notions de « modification substantielle » ou « de conséquence significative sur le respect de la programmation » ne fassent pas l'objet d'une lecture exagérément restrictive par les services financiers de l'État. Il est par conséquent important que le texte garantisse explicitement l'obtention de l'intégralité des ressources, telles qu'elles ont été programmées dans le projet de LPM.

Le second risque financier réside évidemment dans la masse salariale, enjeu essentiel.

La déflation des effectifs et le dépyramidage des effectifs militaires sont conditionnés par l'application des mesures d'aide financières au départ et le reclassement du personnel militaire dans les fonctions publiques. A défaut, les dépenses de masse salariale risquent de ne pas être tenues, en particulier l'objectif d'un glissement-vieillesse-technicité (GVT) quasiment nul -( +5 M€ par an). Le troisième risque financier concerne les dépenses d'équipement.

Dans l'attente de la renégociation des grands contrats avec les groupes industriels, différentes hypothèses ont été retenues pour établir un référentiel de programmation des programmes à effet majeur. Ces hypothèses sont très naturellement optimistes avec, pour l'exportation du Rafale, deux contrats d'exportation à moyen terme et un à plus long terme ; s'ils ne se concrétisaient pas, la programmation serait gravement affectée.

De même, les besoins de l'infrastructure ont été fortement contraints, en prenant en compte le décalage des livraisons et les réductions de cible des grands programmes d'armement, réduisant de facto les besoins pour les grandes opérations. Pour autant, l'impact financier des restructurations dans ce domaine devra être consolidé lorsque les décisions politiques sur les sites concernés auront été prises. Les décisions ne sont pas encore prises...

Pour finir, il existe des risques associés aux autres dépenses. J'en retiens deux...

Les carburants opérationnels : une clause de sauvegarde est prévue par le projet de rapport annexé pour couvrir les éventuels surcoûts liés à une hausse du prix des produits pétroliers et ainsi garantir les volumes de carburants nécessaires à la réalisation de l'activité opérationnelle des forces. Cette clause de sauvegarde existait déjà dans la loi de programmation militaire 09-14 et a effectivement été utilisée. Par contre, d'autres, comme celle relative à la masse salariale, n'ont pas été acceptées par Bercy. Second risque, celui du fonctionnement : la réalisation d'importantes économies nécessitera un effort de rationalisation supplémentaire et donc de réorganisation, alors que les réformes liées à la précédente LPM ne sont pas encore achevées, y compris les déflations prévues, 10 000 sur 34 000 restant à mettre en oeuvre...

Enfin, le projet de LPM prévoit l'élaboration d'un plan ministériel d'amélioration de la condition du personnel (PACP). Ce plan répond à une forte attente de la communauté militaire, tout comme le chantier de la réforme du régime de rémunération des militaires. Je me réjouis tout particulièrement des mesures visant à protéger les militaires en opérations des risques de judiciarisation de leurs actions -énorme avancée selon moi- et également de celles destinées à améliorer la protection des familles de soldats blessés en opérations. Elles sont une avancée très positive.

La préservation du moral est en effet l'une des premières conditions du succès des réorganisations qui s'annoncent. L'accumulation des réformes de structure et la nécessité de maîtriser les dépenses courantes de fonctionnement ont un impact évident sur l'état d'esprit de la collectivité militaire et de tous ceux qui servent la défense. Ces mesures manifestent la reconnaissance de l'engagement de nos militaires, ainsi que des spécificités de leurs missions : ce sont des points essentiels pour le moral et l'efficacité des armées.

Pour conclure, en raison du contexte géostratégique, économique et financier, cette nouvelle LPM sera particulièrement complexe à mettre en oeuvre. Il importera d'en mesurer les premiers résultats dès 2015, pour être en mesure d'instruire de façon efficace la clause de revoyure prévue. Il faudra donc s'assurer de la cohérence des choix opérés. Vous avez dit, Monsieur le Président, que vous porteriez une attention particulière à leur réalisation : cela rejoint tout à fait ma préoccupation.

Le chef des armées -le Président de la République- a pris des engagements forts. Le ministre de la défense les porte avec détermination. Votre vigilance, Mesdames et Messieurs les parlementaires, sur les conditions d'exécution du budget et les ressources exceptionnelles sera cruciale. C'est un combat collectif que nous devons mener ensemble. C'est un combat que nous devons gagner, pour la défense de nos concitoyens, de notre pays et de ses intérêts.

Vous m'avez demandé si le format resterait cohérent, permettrait de préserver nos compétences et d'envisager une remontée en puissance. J'ai dit qu'il s'agissait bien, selon moi, de pouvoir remonter en puissance après retour à meilleure fortune. C'est toujours un exercice difficile, mais ceci implique la préservation d'un certain nombre de compétences. Certains avaient par exemple envisagé de supprimer notre savoir-faire en termes de capacités de largage à très grande hauteur. Nous sommes à peu près les seuls, avec les Etats-Unis, à savoir encore le faire. Ceci a été utilisé en Afghanistan, dans des régions montagneuses, mais également au Mali, où il fallait que les avions volent très haut pour ne pas être entendus au sol. C'est une petite niche, que nous essayons de préserver. Nous sommes les seuls en Europe à savoir le faire.

La cohérence découle de tout ceci. Il s'agit pour nous de ne pas nous reposer sur d'autres, dont nous ne pourrions garantir la disponibilité en cas de besoin. C'est là tout le débat sur la mutualisation capacitaire -le « pooling and sharing ».

Quant aux trajectoires financières, on est juste suffisant si l'on est optimiste, juste insuffisant si l'on est pessimiste. Je souligne qu'il est important que les ressources exceptionnelles soient au rendez-vous à la date prévue. Cela n'a pas été le cas lors de la précédente LPM. En outre, il faut que les lois de finances exécutées ressemblent un peu plus que ce n'est aujourd'hui le cas aux lois de finances initiales et que, 15 jours après qu'elles soient entrées en vigueur, on ne nous supprime plusieurs centaines de million d'euros !

M. Jean-Louis Carrère, président. - C'est en effet déjà arrivé !

Amiral Edouard Guillaud, chef d'état-major des armées. - Cela remonte à quelques dizaines d'années...

Je ne puis malheureusement vous donner l'impact des déflations sur la carte militaire. Le ministre prévoit de faire les premières annonces à la fin du mois. Par ailleurs, s'agissant de la répartition, lors des précédentes LPM, on était partis sur 75 % pour les militaires, 25 % pour les civils. On est arrivé à 78-22. Il est intéressant de voir pourquoi. On prétend augmenter le taux de civils. Mais la réduction des effectifs vise principalement le soutien, là où les civils sont les plus nombreux. Difficile alors de la réaliser sans toucher aux opérationnels. Jusqu'à présent, ce ne sont pas les civils qui partent en opération !

Savez-vous combien l'opération Serval comptait de civils ?... Deux ! Il s'agissait d'anciens militaires, agents sous contrat de l'économat des armées -de quasi-agents de l'Etat. Mes homologues britanniques et américains m'ont demandé comment je m'y étais pris au Mali avec tous les civils. Je leur ai expliqué que je n'en avais pas. Ce sont des gens qui sont en uniforme, et qui sont régulièrement obligés de tenir un fusil pour se défendre, à Gao ou à Tombouctou.

La répartition entre civils et militaires n'est donc pas simple. Elle ne l'est pas non plus lorsqu'un certain nombre de postes sont ouverts aux civils dans les bases de défense et qu'on ne trouve pas de candidat ! Or, ces postes doivent être tenus. N'arrivant pas à trouver de civils, je nomme donc des militaires ! Cela augmente artificiellement leur proportion. Commençons par fournir tous les postes ouverts aux civils -ce qui est loin d'être le cas !

Il y a quelques années, on avait prévu des chefs de groupement de soutien de bases de défense civils. Il y en a eu, mais parfois, faute de candidats, on a été obligés de nommer des militaires.

Il ne s'agit pas simplement de catégories C, mais également de catégories B et A !

Cela n'aide pas au changement de répartition ou au rééquilibrage -appelons-le comme on veut ! C'est une réalité vécue chaque jour, et un vrai souci. On en arrive à conseiller à certains militaires de devenir civils pour pouvoir les engager ! C'est ce qui s'est passé à Cherbourg, où la même personne, sur le même poste, est passée instantanément de cinq galons panachés au statut d'administrateur civil !

Ce n'est pas plus simple dans les autres ministères, où les commissions mixtes paritaires (CAP) émettent un veto quasiment systématique à l'intégration de militaires !

Tous les cinq ou six ans, on nous dit que nous allons pouvoir partir dans les autres administrations. Ce n'est pas vrai ! J'ai même vu un officier recruté comme inspecteur des finances. Au bout d'un an, le corps des inspecteurs des finances a décidé qu'il ne pouvait intégrer un officier ayant fait une grande école militaire.

Vous avez également évoqué la différenciation. Le risque réside évidemment dans une armée à deux vitesses -et les trois chefs d'état-major sont d'accord avec moi. C'est évidemment ce que nous voulons éviter. Cela aurait des influences énormes sur le moral et sur le recrutement. Ce serait extrêmement discriminant. Nous y faisons très attention...

Je n'ai pas de recette miracle, mais on apprend en marchant !

M. Jean-Louis Carrère, président. - Il doit exister des passerelles.

Amiral Edouard Guillaud, chef d'état-major des armées. - C'est bien ce que nous voulons établir.

Enfin, le moral, comme dans toute période de restrictions, est évidemment un sujet de préoccupation majeure, d'autant qu'il s'agit de réformes incessantes. La dernière LPM a eu lieu en même temps que la révision générale des politiques publiques (RGPP), qui s'est déroulée à la hache. Il nous faut donc des outils de communication interne, d'aide à la reconversion, et d'aide au départ.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Nous réfléchissons à un débat sur le suivi de l'exécution de la LPM devant le Parlement, à la suite d'un rapport annuel. Nous suggérerons sans doute que le plancher de ressources prévu puisse être le point de départ d'une amélioration que nous souhaitons tous. Ceci fera certainement l'objet d'amendements que l'on inclura dans la partie normative. Nous y sommes très attentifs !

La garantie sur les ressources exceptionnelles (REX) -à moins que nous soyons mis en minorité ?- devrait figurer dans la partie normative. Nous avons tous en tête les paroles du Président de la République, lorsqu'il a parlé de crédits budgétaires. Avec Bercy et d'autres, c'est compliqué, mais nous irons aux arbitrages !

S'agissant du Rafale, je ne sais ce que décidera la commission, mais la clause de revoyure doit nous permettre de réexaminer le sujet le moment venu. Si Dassault réussit à remporter un certain nombre de contrats à l'exportation, nous en serons ravis pour elle, pour la France et pour la LPM. Sinon, nous n'allons pas prendre le risque de mettre à mal ses chaînes de fabrication !

Si nous réfléchissons à un retour à bonne fortune, si nous avons cette clause de revoyure, et si nous insistons sur le mécanisme d'exécution annuelle, ainsi que sur le débat au Parlement, c'est parce que nous sommes particulièrement vigilants.

Par ailleurs, les clauses de sauvegarde des REX, des OPEX et des carburants sont ce qu'elles sont, mais il n'est pas question de laisser s'amorcer un risque de dérive.

Que personne ne compte sur moi pour engager une polémique entre une LPM et une autre. Ce n'est, selon moi, pas une bonne méthode politique. Nous pouvons cependant retenir les bonnes solutions et essayer de corriger les moins bonnes.

De votre côté, il faut que vous nous teniez informés des risques de lissages budgétaires auxquels vous faisiez référence. Nous suivrons également avec grande attention le démarrage de la LPM pour éviter qu'elle ne soit différée.

Je suis néanmoins en désaccord avec vous au sujet de la masse salariale. Il s'agit d'un désaccord mineur, qui touche la formulation. Je ne me suis jamais prononcé contre les réductions à la hache prévues par la LPM précédente et la RGPP. J'en ai suivi l'évolution, mais j'ai constaté un accroissement du nombre d'officiers peu compatible avec une réduction de la masse salariale. Je n'ai rien contre les officiers -au contraire- et je pense qu'une armée bien dirigée est plus efficiente encore. Toutefois, le système de rémunération des armées, qui était totalement loufoque, pose encore quelques problèmes auxquels il faut remédier...

La parole est maintenant aux commissaires...

M. Jacques Gautier. - Nous avons évoqué avec le ministre l'achat de drones Reaper , leur arrivée progressive et la création d'un club avec les Britanniques et les Italiens. Nous estimons qu'il s'agit d'une excellente idée. Si les Allemands finissent par nous suivre, ce sera intéressant.

Le ministre nous a indiqué qu'il s'agissait pour lui de la base d'un groupement futur pour le drone de troisième génération. Les industriels de ces pays disent qu'ils sont prêts à travailler ensemble. Le ministre nous a rassurés en disant qu'il peut financer les recherches en cas de besoin véritable. Il me semble qu'il appartient aux états-majors de ces pays de définir les besoins opérationnels. Qu'attendez-vous d'un drone de troisième génération, à échéance de 2002-2025 ? Doit-il être interthéâtre ? Si vous ne définissez pas ensemble ces besoins, il n'y en aura jamais et, si nous en avons besoin, nous finirons par acheter le Predator 3 C Avenger !

Vous avez par ailleurs évoqué la faiblesse des forces navales en patrouilleurs océaniques. Le remplacement, à coût constant, de la dixième FREMM par six ou sept patrouilleurs Adroit vous choque-t-il ?

Concernant les forces spéciales, deux écoles s'opposent. Certains ont réclamé la création d'une unité supplémentaire. Tous les retours que l'on peut avoir du terrain indiquent qu'il conviendrait plutôt d'étoffer les équipes, en passant de dix à treize. Quel est votre point de vue sur ce dossier ?

Enfin, on parle depuis longtemps du remplacement du fusil d'assaut de la manufacture d'armes de Saint-Étienne (FAMAS). Il figure dans l'armement individuel du futur (AIF). Il n'existe plus d'industrie en France, mais les Belges, les Allemands, les Espagnols, les Italiens -et peut-être même les Coréens- fabriquent ce type de matériel. On sait que les Allemands vont remplacer le leur. Les états-majors peuvent-ils définir ensemble une commande, quitte à ce qu'elle soit décalée d'un an ou deux, selon les pays ?

M. Christian Cambon. - Les mesures précédentes, qui ont été particulièrement sévères pour les armées puisqu'elles ont quasiment supprimé 40 000 postes, n'ont pas véritablement permis d'enrayer la progression de la masse salariale. Quels éléments vous permettent-ils de penser que la LPM va vous permettre de tenir vos engagements ?

D'autre part, en matière d'effectifs, vous avez longuement parlé du moral du personnel. J'ai interpellé le ministre à plusieurs reprises au sujet de la situation du système Louvois. Malgré les affirmations répétées, les graves désagréments que subit ce système n'entretiennent pas le moral des armées !

Je voudrais également recueillir votre avis sur un sujet plus large. On ne peut dire que les menaces s'éloignent, bien au contraire. Par ailleurs -et l'on peut appuyer ou non cette prise de position- le chef de l'Etat souhaite que la France exerce ses responsabilités en tant que membre du Conseil de sécurité. Pensez-vous que le modèle d'armée réduit que cette LPM met en place va nous permettre de nous adapter aux nouvelles menaces qui ne cessent de surgir, que ce soit en Méditerranée, en Afrique ou au Moyen-Orient ? On a vu, depuis dix-huit mois, fleurir de nouveaux conflits. La France doit être en mesure d'y répondre. Va-t-elle pouvoir le faire compte tenu de cette LPM ?

Amiral Edouard Guillaud, chef d'état-major des armées. - S'agissant du Reaper , le principe du club est agréé par les Allemands, les Britanniques, et les Italiens.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Bonne nouvelle !

Amiral Edouard Guillaud, chef d'état-major des armées. - Nous pourrions relancer avec les Allemands l'idée d'une brigade aérienne franco-allemande, que j'avais exposée ici, il y a deux ans. Cela signifie des entraînements, une maintenance et éventuellement un stationnement communs. La cocarde ne sera pas la même, et les déploiements seront différents, mais c'est mieux que rien !

Grâce à ce club, on saura un peu mieux ce que l'on veut. On a déjà parlé ici du développement incrémental par des charges utiles européennes. C'est un des points que le ministre négocie actuellement avec les Etats-Unis, le plus important, dans un drone, étant la charge utile.

Nous avons donc bien l'intention de travailler en commun. Nous avons montré que nous en étions capables. Actuellement, les essais du Watchkeeper , qui n'est toujours pas déclaré opérationnel, se poursuivent au Royaume-Uni et en France. La version définitive n'est toujours pas acquise. Les résultats ne sont pas encore ceux que nous espérions. C'est un vecteur israélien, avec une charge utile Thales-UK. Nous sommes montés dans le train sans ajouter de sur-spécifications, qui auraient rendu la coopération impossible, retardé le système, et rendu le projet financièrement bien plus difficile. Notre volonté dans ce domaine est très nette.

La troisième génération serait certes un bel objectif, mais peut-être ne faut-il pas afficher trop vite nos ambitions,

Pour ce qui est des forces navales, remplacer une FREMM par six ou sept Adroit a certainement du sens. A ma connaissance, la marine ne tient toutefois pas son contrat avec onze FREMM...

M. Jean-Louis Carrère, président. - On avait parlé de treize...

Amiral Edouard Guillaud, chef d'état-major des armées. - Voire quatorze, le contrat pouvant être inférieur aux besoins.

L'une de nos préoccupations est le retour des sous-marins, notamment en Asie. L'Adroit est un formidable patrouilleur, et constitue une belle coopération entre le l'industrie et le ministère de la défense, mais il ne s'agit pas d'un bâtiment de lutte anti-sous-marine.

A l'origine, on était à 11 FREM-ASM et 6 bâtiments d'action vers la terre, soit 17 au total, qui en remplaçaient déjà 34 bateaux. On peut souvent compenser la quantité par la qualité, mais pas tout le temps !

Quant aux forces spéciales, l'augmentation de plus 1 000 hommes mérite réflexion. En tout état de cause, je suis pour renforcer les structures existantes. La dernière unité à avoir été créée est le commando Kieffer, unité dite technologique, actuellement la plus utilisée. Il faut huit ans de travail pour créer un tel commando de marine...

Les forces spéciales jouissent d'une aura, mais leur vocation n'est pas de tenir le terrain. Si l'on veut que les forces spéciales françaises conservent leur niveau exceptionnel, mondialement reconnu, il faut un vivier suffisant au sein de nos armées dont les effectifs baissent. On peut sans doute augmenter un peu le volume des forces spéciales, mais je préfère renforcer les structures existantes, plutôt que de créer une nouvelle unité.

Vous avez évoqué le successeur du FAMAS. J'ai consulté mes homologues. Je suis demain à Budapest. Sur les 28 membres de l'OTAN, 26 sont en Europe, et 22 dans l'Union européenne. Les calendriers sont quelquefois relativement divergents. Le choix sera fait entre les Allemands, les Belges et les Italiens. Nous n'irons pas nous fournir en Corée. Je ne le veux pas, de même que je souhaite un drone de troisième génération européen. Je n'ai rien contre les Etats-Unis, mais l'autonomie stratégique que notre pays veut conserver passe par la maîtrise de ses approvisionnements. J'étais favorable au Reaper pour « boucher un trou », mais cela ne peut constituer une solution durable. Si nous pouvons le faire ensemble, nous le ferons bien évidemment.

Comment faire au sujet de la progression de la masse salariale et des effectifs ? Nous avons été accusés de ne pas tenir notre masse salariale. On a oublié qu'on nous a demandé de prendre sous enveloppe les retraites, l'augmentation des cotisations et les effets de guichet, ce qui n'était pas prévu. C'est nous qui payons l'allocation-chômage et non le budget de l'Etat ! On nous a en outre imposé des GVT à 0, voire négatifs.

Enfin, nous sommes entrés dans la dernière LPM avec une avance de déflation de 1 500 hommes !

M. Jean-Louis Carrère, président. - Et on a réintégré le commandement intégré de l'OTAN !

Amiral Edouard Guillaud, chef d'état-major des armées. - On était là dans l'épure...

Si on nous impose la même chose, le résultat sera identique.

Certes, nous avons péché dans certains domaines, en particulier en matière de gestion des officiers supérieurs. J'y ai mis un terme il y a plus de deux ans. Cela n'a pas amélioré la situation, mais c'est marginal.

Suite à la réforme de la gouvernance, c'est désormais la direction des ressources humaines du ministère de la défense qui va devoir affronter les difficultés de gestion du T2.

Cela m'amène à Louvois. Il y a un an, je disais qu'il fallait changer de calculateur. J'ai une certaine expérience en informatique et en matière de grands systèmes. Cela a été une partie de ma formation et de ma pratique d'officier. Fin août, on a dépassé 50 % d'erreurs ! Nous sommes sûrs que le calculateur lui-même -coeur du système- est déficient. Il y en un an, c'était encore une querelle d'experts. Maintenant, tout le monde est d'accord. Il faut donc faire quelque chose. Louvois coûte cher : on dépasse largement les 100 millions d'euros d'indus !

Un nouveau calculateur coûte plusieurs dizaines de millions d'euros, non budgétés. Ce sera donc sous enveloppe. Trois ans sont nécessaires. Je ne suis donc vraiment pas enthousiaste !

M. Jean-Louis Carrère, président. - On va poser la question au moment du débat sur la LPM...

Amiral Edouard Guillaud, chef d'état-major des armées. - Enfin, comme souvent, même un Livre blanc fait l'objet de compromis entre diverses forces. Le Président de la République a parlé de trois missions : protection des Français et du territoire, dissuasion nucléaire comme assurance ultime, force d'intervention.

Vous avez fait référence à notre positionnement au sein du Conseil de sécurité, que personne ne remet en cause pour l'instant, alors que nous ne sommes que 65 millions. Nous devons être capables d'intervenir rapidement, puissamment, là où c'est nécessaire. Cela ne veut pas dire que nous devions forcément rester. On utilise souvent l'expression « hit and run ». Pour nous, historiquement cela a parfois été « hit and stay ». Je pense que nous montrons, avec la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), que nous pouvons changer de paradigme et faire du « hit and transfer ».

Oui, le modèle d'armée est réduit, mais une frappe suivie d'un transfert à d'autres peut fonctionner. La communauté internationale attend que les membres permanents donnent l'exemple ! C'est ce qu'on est en train de faire au Mali. La MINUSMA ne fonctionne pas si mal ! Elle avance même plus vite que prévu. Hier, pour la première fois, la MINUSMA a mené une opération où elle a arrêté elle-même des djihadistes et a trouvé des caches d'armes. Nous n'étions pas avec elle... Certes, une hirondelle ne fait pas le printemps, mais cela fait trois ou quatre semaines qu'elle semble prendre son autonomie. Je suis un incurable optimiste !

M. Francis DELON
Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale

11 septembre 2013

M. Jean-Louis Carrère, président . - Monsieur le secrétaire général de la défense nationale, vous avez la parole...

M. Francis Delon, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale. - Merci. Je vous avais apporté en avant-première, en juillet dernier, un certain nombre d'informations sur l'élaboration de la loi de programmation militaire (LPM).

Je suis aujourd'hui en mesure d'être plus précis et concentrerai mon propos sur la sécurité des systèmes d'information, le renseignement et la création d'une plateforme dite « Passenger name record » (PNR), les sujets liés à la programmation militaire relevant plutôt, me semble-t-il, du ministre de la défense et de ses services. Je répondrai toutefois à vos questions si vous en avez...

En premier lieu, le président Carrère et les vice-présidents Reiner et Gautier, membres de la commission du Livre blanc, savent combien la sécurité des systèmes d'information nous a occupés lors des travaux menés dans le cadre de cette commission. Les dispositions que je vais vous présenter reprennent pour l'essentiel celles que nous vous avions présentées en juillet avec Patrick Pailloux, directeur général de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI).

Au préalable, je souhaite vous rappeler en quelques mots les cybermenaces auxquelles nous sommes confrontés...

L'espionnage tout d'abord. Les informations visées peuvent être de nature politique, militaire, diplomatique ou économique lorsqu'un État est visé, technologiques, commerciales ou financières lorsque l'attaque cible certains acteurs publics ou des entreprises. La situation que nous observons est préoccupante. L'espionnage, souvent d'origine étatique, est massif. En matière industrielle, il atteint tous nos secteurs de souveraineté. Or ce n'est qu'une fois l'attaque réussie et le pillage accompli que les entreprises victimes comprennent la nécessité de renforcer la sécurité de leurs systèmes d'information. Nous ne voulons pas attendre que toutes nos entreprises se rendent compte au moins une fois d'une atteinte grave à leur compétitivité avant de réagir, d'où le choix du Gouvernement de proposer des mesures appropriées au Parlement. Les efforts déployés doivent aussi contribuer à protéger la compétitivité de nos entreprises nationales.

Le deuxième objectif possible pour un attaquant est la déstabilisation. L'attaque est alors médiatisée. Il s'agit de messages de propagande ou d'hostilité, placés sur des sites internet mal protégés, à l'occasion d'un conflit, armé ou non, ou bien même d'une décision politique qui suscite la controverse. On se souvient par exemple du black-out de l'internet estonien en 2007, qui a privé ce pays de l'accès aux services bancaires et à l'administration en ligne.

Le troisième objectif possible est le sabotage. L'attaquant cherche alors à perturber le fonctionnement d'installations connectées aux réseaux de communications électroniques. Il peut s'agir d'un service bancaire, d'un château d'eau de l'une de nos communes, d'une centrale de production d'énergie. L'exemple le plus frappant nous est donné par le virus informatique Stuxnet, qui a perturbé le fonctionnement des centrifugeuses de la centrale de Natanz, en Iran, détruisant un millier d'entre elles et retardant ainsi le programme nucléaire iranien.

Les précisions sur le cyberespionnage figurant dans le rapport de la société de sécurité informatique américaine Mandiant confirment le caractère méthodique d'un pillage systématique effectué à distance par des unités militaires. Depuis quelques mois, les révélations quasi quotidiennes issues des documents de l'ex-consultant en sécurité de la National security agency (NSA), Edward Snowden, montrent l'ampleur de l'espionnage et les moyens considérables qui y sont alloués...

Si les protestations diplomatiques et politiques sont indispensables et pleinement justifiées, elles ne sont pas suffisantes pour nous protéger. Il est urgent de renforcer de manière significative la sécurité des systèmes d'information de nos opérateurs les plus importants.

Les dispositions proposées dans le chapitre III du projet de loi, ont deux objectifs.

Le premier objectif est politique. Il est l'affirmation de la nature interministérielle et stratégique de la sécurité et de la défense des systèmes d'information. Le Livre blanc a placé les cyberattaques parmi les menaces majeures auxquelles nous sommes exposés. Et à travers l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information qui m'est rattachée, je suis témoin, au quotidien, de la réalité de cette menace, qui vise et touche tant le gouvernement et les administrations que les entreprises.

Le Parlement est également exposé, comme l'a montré l'attaque en déni de service dont a été victime le site internet de la Haute assemblée fin 2011.

Il s'agit ici de donner un signe à tous les acteurs concernés, y compris à ceux qui nous attaquent, de notre volonté collective de faire face à cette menace en adaptant notre droit, notre organisation et nos moyens.

Le second objectif découle du premier. Il s'agit d'accroître de manière sensible le niveau de sécurité des systèmes d'information les plus critiques pour la Nation.

J'en viens maintenant aux détails des dispositions qui vous sont proposées...

L'article 14 du projet de loi insère deux articles dans le chapitre consacré à la sécurité des systèmes d'information du code de la défense. Il précise les responsabilités du Premier ministre, qui a la charge de la définition de la politique en matière de défense et de sécurité des systèmes d'information, et coordonne à ce titre l'action gouvernementale.

Le Premier ministre dispose de l'agence nationale de sécurité des systèmes d'information (ANSSI) pour l'assister dans cette mission ; elle est chargée 24 heures sur 24 de prévenir et de réagir aux attaques contre nos infrastructures les plus importantes. Rattachée au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), son domaine d'intervention, initialement centré sur les administrations et les organismes dépendant de l'Etat s'est rapidement élargi aux opérateurs d'importance vitale (OIV) et aux entreprises indispensables à notre stratégie de sécurité nationale.

L'article 14 a aussi une vocation opérationnelle et politique.

Opérationnelle, car il faut mettre un terme à la situation actuelle dans laquelle l'attaquant a tous les droits et ceux qui sont chargés de la défense, à peu près aucun. L'attaquant a généralement l'avantage sur le défenseur. Les agents de l'État chargés de la sécurité et de la défense des systèmes d'information doivent être en mesure d'utiliser toutes leurs capacités pour mieux appréhender la nature et l'ampleur d'une attaque, en prévenir et en atténuer les effets, ou la faire cesser lorsque les circonstances l'exigent.

Il est arrivé que, dans le cadre du traitement d'une attaque informatique en cours contre un fleuron de notre industrie, les ingénieurs de l'ANSSI soient en mesure de collecter des informations susceptibles d'anticiper les mouvements de l'attaquant. Ils auraient dû, pour cela, accéder au système d'information utilisé par l'attaquant. Ils ne l'ont pas fait : une telle intrusion aurait été illégale.

Dans l'état de notre législation, les agents de l'ANSSI comme ceux du ministère de la défense ou d'autres administrations de l'État compétentes, ne sont pas autorisés par la loi à effectuer toutes les opérations techniques qui leur permettraient d'être pleinement efficaces dans leurs actions. Ainsi, le code pénal prohibe-t-il de manière générale la pénétration de systèmes de traitement automatisé de données.

Le projet de loi vise donc à rétablir une forme d'équilibre, en permettant au défenseur d'accéder aux systèmes d'information participant à l'attaque, d'en collecter les données disponibles et, en tant que de besoin, de mettre en oeuvre des mesures visant à neutraliser les effets recherchés par l'attaquant qui « porte atteinte au potentiel de guerre ou économique, à la sécurité ou à la capacité de survie de la Nation ».

M. Jean-Louis Carrère, président. - Cela me paraît intéressant...

M. Francis Delon. - Dans le même esprit, le deuxième alinéa de l'article L. 2321-2 du code de la défense permet aux services désignés par le Premier ministre de détenir des programmes informatiques malveillants, d'en observer le fonctionnement et d'en analyser le comportement. Dans ce cas, il s'agit également de corriger la situation actuelle dans laquelle, en la transposant dans le monde médical, le chercheur n'aurait pas le droit de détenir ou d'étudier un virus pathogène meurtrier afin de fabriquer le vaccin correspondant.

Vous l'aurez compris, l'article 14, au-delà de ses aspects organisationnels et techniques, traduit la volonté du gouvernement de ne pas rester passif face à des attaques informatiques qui portent aujourd'hui atteinte à notre compétitivité et qui demain pourraient mettre gravement en cause notre sécurité ou perturber la vie des Français.

J'en viens à l'article 15 du projet de loi... Il vise à augmenter de manière significative le niveau de sécurité des systèmes d'information des opérateurs d'importance vitale, publics et privés.

Les nouvelles dispositions permettent au Premier ministre d'imposer des règles techniques aux opérateurs d'importance vitale. Il s'agit d'opérateurs « dont l'indisponibilité risquerait de diminuer d'une façon importante le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la Nation », selon les termes de l'article L. 1332-1 du code de la défense. Ils sont environ 200.

Le Premier ministre pourra également demander des audits ou des contrôles de sécurité à ces opérateurs qui devront par ailleurs notifier les incidents affectant leurs systèmes d'information. Pour les situations de crise informatique majeure, un article précise que le Premier ministre pourra, lorsque la situation l'impose, soumettre les opérateurs à des mesures d'exception.

L'expérience opérationnelle de l'ANSSI acquise lors du traitement d'attaques informatiques montre que le niveau de sécurité des systèmes d'information des entreprises et administrations désignées comme opérateurs d'importance vitale est en général très insuffisant pour permettre à ces opérateurs d'assurer leur mission dans des conditions de sécurité acceptables. Certains systèmes très critiques doivent impérativement être strictement déconnectés de l'Internet pour garantir qu'aucun attaquant ne pourra facilement les pénétrer. Or, l'Etat n'est pas, à ce jour, en mesure d'imposer une telle règle aux opérateurs concernés.

Il est arrivé que l'ANSSI aide une grande entreprise française à reprendre le contrôle de son système d'information, et lui conseille la mise en place de règles techniques destinées à renforcer la sécurité de son réseau. Il est arrivé aussi que l'ANSSI découvre un peu plus tard que cette même entreprise avait subi une nouvelle attaque car elle n'avait pas appliqué l'ensemble des mesures proposées.

Quelques précisions concernant ces dispositions...

Si le projet est adopté, le Premier ministre disposera tout d'abord de la capacité d'imposer des règles de sécurité, organisationnelles ou techniques, susceptibles de renforcer la sécurité des systèmes d'information des opérateurs d'importance vitale. Il pourra, par exemple, imposer à un tel opérateur d'installer un dispositif de détection d'attaques informatiques.

Comme le Livre blanc le souligne, la capacité à détecter des attaques informatiques relève de la souveraineté nationale. Ce dispositif devra en conséquence s'appuyer sur des équipementiers de confiance labélisés par l'ANSSI, car le concepteur d'un équipement de sécurité est toujours le mieux placé pour contourner les règles de sécurité. L'exploitation de ces équipements devra être effectuée sur le territoire national, afin d'éviter toute interception ou compromission des données, et réalisée par les prestataires qualifiés par l'ANSSI ou par l'ANSSI elle-même.

Le projet de loi instaure aussi une obligation de notification d'incidents affectant le fonctionnement ou la sécurité des systèmes d'information des opérateurs d'importance vitale.

A ce jour, l'approche reste empirique : les attaques informatiques sont souvent découvertes tardivement. L'expérience acquise par l'ANSSI, après trois années de traitement d'attaques informatiques de grande ampleur montre, par exemple, que lorsqu'un opérateur est attaqué à des fins d'espionnage, il est vraisemblable que les opérateurs appartenant au même secteur d'activité d'importance vitale subissent, souvent au même moment, les mêmes attaques. Il est donc indispensable que l'Etat ait connaissance au plus vite de ces attaques, afin d'en informer les autres opérateurs du secteur concerné.

Le projet de loi propose aussi d'étendre à l'ensemble des opérateurs d'importance vitale, le droit pour le Premier ministre de procéder à des audits ou à des contrôles de leurs systèmes d'information. Cette disposition s'applique déjà aux opérateurs de communications électroniques, mais l'expérience montre que le niveau de sécurité des opérateurs d'importance vitale est très souvent très en deçà de ce qui leur permettrait de résister à des attaques informatiques de niveau intermédiaire.

Il est de la responsabilité de l'État de connaître le niveau de sécurité des systèmes d'information des infrastructures critiques de la Nation. Aujourd'hui, malheureusement, l'État n'a pas la possibilité d'opérer ni de faire opérer des audits ou des contrôles chez les opérateurs du secteur privé, à l'exception du secteur des communications électroniques. Cette disposition permettrait à l'État de disposer de cette capacité.

Enfin, en cas de crise informatique majeure -par exemple une infection virale destructive touchant nos secteurs d'activité les plus sensibles- qui exigerait la mise en oeuvre de contre-mesures dans des délais courts, la loi donnerait au Premier ministre la possibilité d'imposer des mesures techniques aux opérateurs concernés. L'ANSSI aurait alors la capacité d'imposer les mesures nécessaires pour réagir.

L'inscription dans la loi de cette disposition permet également, dans cette circonstance particulière et exceptionnelle, de dégager les opérateurs concernés de leurs responsabilités vis-à-vis de leurs clients.

Des dispositions d'accompagnement complètent ces articles. Elles assurent la confidentialité des informations recueillies dans le cadre des audits. L'effectivité des mesures prescrites est confortée par un dispositif de sanction en cas de manquement après mise en demeure.

Un mot du contrôle des équipements d'interception...

L'article 16 du projet de loi, dont l'actualité révèle la pertinence, vise à mieux maîtriser le risque d'espionnage à grande échelle des réseaux de communications électroniques.

Les opérateurs de télécommunication sont tenus de disposer de moyens d'interceptions afin de répondre, dans le cadre de la loi, aux réquisitions des magistrats pour des interceptions judiciaires, ou du Premier ministre pour les interceptions de sécurité.

Les équipements conçus pour réaliser les interceptions présentent un risque pour le respect de la vie privée de nos concitoyens. Ils ne peuvent donc être fabriqués, importés, détenus que sur autorisation délivrée par le Premier ministre comme le prévoient les articles R 226-1 et suivants du code pénal.

Les interceptions des communications étaient autrefois effectuées par des équipements dédiés. Or, les évolutions technologiques montrent que de plus en plus d'équipements de réseau, sans être des moyens d'interception en eux-mêmes, possèdent des fonctions qui pourraient être aisément utilisées pour intercepter le trafic du réseau.

A cet égard, les fonctions de duplication ou de routage du trafic de certains équipements de réseau, configurables et accessibles à distance, sont susceptibles de permettre des interceptions. Par exemple, certains équipements de coeur de réseau, alors même qu'ils n'ont pas été spécifiquement conçus à des fins d'interception légale, sont susceptibles, selon leurs caractéristiques, de permettre des interceptions du trafic.

N'étant pas spécifiquement conçus pour les interceptions, ces équipements ne sont pas actuellement soumis à l'autorisation prévue par l'article 226-3 du code pénal, qui ne porte que sur les appareils conçus pour réaliser les interceptions. Or ces équipements présentent les mêmes risques pour la sécurité des réseaux et des communications que ceux destinés spécifiquement à l'interception.

La modification législative qui vous est proposée permettrait donc d'étendre la délivrance d'une autorisation à l'ensemble des équipements susceptibles de permettre des interceptions, et ainsi d'assurer une plus grande sécurité des réseaux et des communications

J'en viens au renseignement...

Le bilan de ces dernières années en matière de connaissance et d'anticipation, et les travaux du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, ont montré la pertinence d'élever le renseignement au rang de priorité majeure. C'est ce que fait le projet de LPM dans sa partie programmatique et dans sa partie normative. Les propositions qui y figurent sont la conséquence de cette démarche.

L'effort d'équipement en matière de renseignement vise à conforter nos capacités d'appréciation autonome des situations. Dans le rapport annexé au projet de loi, la priorité est donnée aux composantes spatiales et aériennes, pour l'imagerie et pour l'interception électromagnétique.

L'effort sur les capacités du renseignement s'accompagne, dans la partie normative du projet de loi, de dispositions visant à clarifier et à renforcer le cadre juridique de l'action des services spécialisés.

Les travaux du Livre blanc ont mis en évidence le nécessaire équilibre entre l'accroissement des moyens mis à la disposition des services concernés et leur contrôle démocratique. C'est le sens de l'accroissement des moyens du contrôle parlementaire sur ce volet de l'activité gouvernementale.

Au-delà des dispositions relatives à la délégation parlementaire au renseignement sur lesquelles je vais venir dans un instant, le Président de la République a souhaité la création d'une inspection du renseignement, commune à l'ensemble des services spécialisés. Les travaux sont engagés pour une mise en place prochaine de cette inspection, qui se fera par le biais d'un acte réglementaire.

Le chapitre II de la partie normative du projet de LPM comporte donc diverses dispositions relatives au cadre juridique de l'activité des services de renseignement, qui traitent à la fois de l'accroissement des moyens mis à la disposition des services concernés et de leur contrôle démocratique.

Les mesures proposées partent d'un constat : en dépit des efforts importants réalisés, depuis le Livre blanc de 2008, le cadre juridique dans lequel les services de renseignement exercent leur activité est encore insuffisant sur plusieurs points pour leur permettre de répondre efficacement aux défis auxquels ils sont confrontés.

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 insiste de nouveau sur l'importance stratégique de la lutte contre le terrorisme et sur la contribution essentielle qu'apportent à cette lutte les services de renseignement. Il souligne en effet que le renseignement joue un rôle central dans la fonction connaissance et anticipation et qu'il irrigue chacune des autres fonctions stratégiques de notre défense et de notre sécurité nationale.

Il rappelle aussi les nouveaux défis auxquels doivent s'adapter les services de renseignement. Les guerres et les crises perdurent mais prennent des formes diverses et parfois difficiles à anticiper.

Le cadre juridique régissant l'activité des six services spécialisés de renseignement -Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), DGSE, Direction du renseignement militaire (DRM), la Direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD), Tracfin et Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)- a été renforcé et précisé par la création en 2007 de la délégation parlementaire au renseignement et par la précédente loi de programmation militaire du 29 juillet 2009.

Conformément aux recommandations formulées par le Livre blanc de 2008, la gouvernance et la coordination des services de renseignement a été réorganisée avec la création du conseil national du renseignement et celle de la fonction de coordonnateur national du renseignement (CNR).

En 2010, la création de l'académie du renseignement a également permis de doter les services d'une structure de formation commune.

Ces mesures de gouvernance ont été accompagnées d'une réflexion sur les modalités d'action et les moyens mis à la disposition des services. Plusieurs outils ont été créés afin de faciliter l'action de ces derniers et de renforcer la sécurité de leurs agents.

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 va plus loin pour traduire l'importance stratégique de la lutte contre le terrorisme et les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation et la contribution essentielle qu'apportent à cette lutte les services de renseignement.

Il souligne que le renseignement « joue un rôle central dans la fonction connaissance et anticipation » et qu'il irrigue chacune des autres fonctions stratégiques de notre défense et de notre sécurité nationale, mais il rappelle aussi les nouveaux défis auxquels doivent s'adapter les services de renseignement, qui les contraignent à s'intéresser à un grand nombre de menaces et à une grande variété d'acteurs aux intérêts parfois convergents.

C'est pourquoi, en matière de renseignement, le projet de LPM contient des dispositions sur trois types de sujets :

- la protection de l'anonymat des agents ;

- l'accès aux fichiers ;

- la géolocalisation.

S'agissant du renforcement de la protection de l'anonymat des agents des services appelés à témoigner, la protection de l'anonymat des agents est essentielle, tant pour assurer la sécurité des agents et de leur famille que pour garantir l'efficacité de leur action. La loi du 14 mars 2011, dite LOPPSI II, a ouvert aux agents des services de renseignement la possibilité de recourir à une fausse identité ou à une identité d'emprunt. Elle a également inséré dans le code pénal un article protégeant l'identité des personnels, des sources et des collaborateurs des services de renseignement.

La procédure actuelle, qui prévoit une protection de l'identité réelle des agents, est cependant, apparue insuffisante. La présence physique des agents devant une juridiction à la suite d'une convocation, et leur participation à des comparutions présentent en effet le risque de dévoiler leur couverture, et de mettre en danger leur sécurité et l'efficacité de leurs missions.

Il a donc semblé nécessaire de faire évoluer la procédure afin de la faciliter la manifestation de la vérité tout en renforçant la protection de l'anonymat des agents. Le projet de loi, en son article 7, prévoit que, dans l'hypothèse où l'autorité hiérarchique de l'agent indique que l'audition comporte des risques pour l'agent, ses proches ou son service, celle-ci pourra être effectuée dans un lieu assurant son anonymat et la confidentialité, pas nécessairement au palais de justice, comme aujourd'hui.

Concernant l'accès des services de renseignement à certains fichiers administratifs et de police judiciaire, les menaces auxquelles doivent faire face les services de renseignement dépassent aujourd'hui le seul cadre de la lutte contre le terrorisme. Il s'agit de la prolifération d'armes de destruction massive -nucléaires, biologiques et chimiques- de la dissémination d'armes conventionnelles, des menaces des services d'États non coopératifs ou hostiles, de la criminalité transnationale organisée, etc.

Plus globalement, nos services de renseignement, intérieur et extérieur, s'attachent à préserver les intérêts fondamentaux de la Nation. Cette notion est clairement définie dans l'article L. 410-1 du code pénal : "Les intérêts fondamentaux de la Nation s'entendent au sens du présent titre de son indépendance, de l'intégrité de son territoire, de la forme républicaine de ses institutions, des moyens de sa défense et de sa diplomatie, de la sauvegarde de sa population en France et à l'étranger, de l'équilibre de son milieu naturel et de son environnement et des éléments essentiels de son potentiel scientifique et économique et de son patrimoine culturel".

Le Conseil d'Etat, dans un avis du 5 avril 2007, puis le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 10 novembre 2011 sur le secret de la défense nationale, ont rappelé les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation.

Le projet de LPM comporte une disposition permettant un accès élargi des services de renseignement aux fichiers administratifs mentionnés à l'article L. 222-1 du code de la sécurité intérieure. Il s'agit des fichiers nationaux des immatriculations, des permis de conduire, des cartes nationales d'identité et des passeports, des dossiers des ressortissants étrangers en France -visa et séjour.

Le texte prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat déterminera les services concernés ainsi que les modalités d'accès. Il est envisagé de faire figurer parmi ces modalités le fait que tous les accès aux fichiers feront l'objet d'une traçabilité et que la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) sera en mesure de les contrôler.

L'article 8 aligne, pour l'ensemble des services spécialisés de renseignement, les droits d'accès à certains fichiers administratifs déjà reconnus aux services relevant du ministère de l'intérieur. L'accès sera élargi aux services spécialisés de renseignement déterminés par le décret en Conseil d'Etat.

Par ailleurs, les motifs de consultation, aujourd'hui limités à la seule prévention des actes de terrorisme, seront étendus à la prévention des atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation.

Les articles 11 et 12 permettent aux services de renseignement relevant du ministre de la défense d'accéder directement à certaines données des fichiers de police judiciaire respectivement dans un objectif de recrutement d'un agent ou de délivrance d'une autorisation aux fins de vérifier le passé pénal du candidat et dans le cadre de missions ou d'interventions présentant des risques pour les agents, lorsqu'il s'agit de vérifier la dangerosité des individus approchés. Jusqu'à présent, la consultation de ces fichiers de police judiciaires était possible pour les enquêtes administratives, par l'intermédiaire de policiers ou de gendarmes spécialement habilités à cet effet.

L'objectif de cette disposition est notamment de permettre une sécurisation accrue des missions ou des interventions particulièrement dangereuses menées par les services de renseignement du ministère de la défense. Un décret en Conseil d'Etat encadrera les conditions d'accès pour s'assurer qu'elles sont adaptées et proportionnées aux besoins des services.

J'en viens à la géolocalisation en temps réel...

L'article 13 de la LPM autorise expressément les services de police et de gendarmerie chargés de la prévention du terrorisme à accéder en temps réel à des données de connexion mises à jour, ce qui leur permet de géolocaliser un terminal téléphonique ou informatique, et de suivre ainsi, en temps réel, certaines cibles. Cette disposition vise à lever une incertitude sur la base juridique des pratiques de géolocalisation, soulignée par la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité.

Comme le rappelle le rapport parlementaire sur l'évaluation du cadre juridique applicable aux services de renseignement, les services chargés de la lutte contre le terrorisme ont besoin de pouvoir agir le plus en amont possible, au besoin pour écarter d'éventuels soupçons. En outre, il leur faut pouvoir agir en temps réel, dans l'urgence, pour vérifier des renseignements, par exemple sur l'imminence d'un attentat.

L'accès à ces données répond à un besoin opérationnel de première importance. Ces données sont cruciales pour les services compétents, elles contribuent de façon déterminante aux enquêtes.

Ces mesures appellent un renforcement du contrôle démocratique sur la politique du Gouvernement en matière de renseignement.

C'est pourquoi le projet de LPM 2014-2019, dans ses articles 5 et 6, renforce les compétences de la délégation parlementaire au renseignement (DPR) en modifiant les dispositions de l'article 6 nonies de l'ordonnance du 17 novembre 1958, relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, ainsi que celles de l'article 154 de la loi de finances pour 2012 du 28 décembre 2011.

L'élargissement des compétences de la DPR va dans le sens souhaité par les quatre parlementaires membres du groupe de travail sur le renseignement au sein de la commission du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013, et dans celui des préconisations du rapport Urvoas, établi par la mission d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale relative à l'évaluation du cadre juridique applicable aux services de renseignement.

La DPR avait, jusqu'à présent, un pouvoir d'information et de suivi. Le projet de LPM innove, en lui confiant un pouvoir de contrôle et d'évaluation de la politique du Gouvernement en matière de renseignement.

Le projet de LPM confie à la DPR l'exclusivité, en matière de renseignement, des pouvoirs de contrôle et d'évaluation de l'action du Gouvernement dévolus au Parlement par l'article 24 de la Constitution. Cette disposition respecte le principe de séparation des pouvoirs, dont le Conseil constitutionnel a rappelé, en 2001, qu'il faisait obstacle à ce que les parlementaires interviennent dans le champ des opérations en cours.

Aujourd'hui, la délégation peut entendre aujourd'hui le Premier ministre, les ministres, le secrétaire général de la défense et la sécurité nationale et les directeurs des services de renseignement. Le projet de LPM permet en outre l'audition du coordonnateur national du renseignement et du directeur de l'académie du renseignement, ainsi que celle, après accord des ministres dont ils relèvent, des directeurs d'administration centrale ayant à connaître des activités des services spécialisés de renseignement. Il prévoit également l'audition des présidents de la Commission consultative du secret de la défense nationale et de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Le terme « après accord » présente un léger problème. Nous y reviendrons...

M. Francis Delon. - Le projet prévoit également que la DPR est informée de la stratégie nationale du renseignement qui, en l'état des travaux du Livre blanc, devait comporter une partie publique et une partie confidentielle. Il s'agit donc de communiquer la partie confidentielle à la DPR. Il prévoit également que la DPR est informée du plan national d'orientation du renseignement. Il prévoit aussi que soit présenté à la délégation un rapport annuel de synthèse des crédits du renseignement -rapport classifié- ainsi que le rapport annuel d'activité de la communauté française du renseignement établi pour le Président de la République et pour le coordonnateur.

Les dispositions actuelles permettent à la DPR d'adresser des observations au Président de la République et au Premier ministre. Le projet de LPM prévoit de permettre également à la délégation d'adresser à chacun des ministres chargés de la sécurité intérieure, de la défense, de l'économie et du budget, des recommandations et des observations relatives aux services spécialisés de renseignement placés sous leur autorité respective.

Le transfert au profit de la DPR des compétences de la commission de vérification des fonds spéciaux est un point majeur du dispositif proposé par le Gouvernement.

L'article 6 du projet de loi confie à la DPR les missions de cette commission. Il prévoit que ces missions seront assurées par une formation spécialisée de la délégation, constituée de la moitié des députés et des sénateurs membres de la délégation. Cette composition restreinte, proche de la composition actuelle de la commission de vérification des fonds spéciaux, répond à l'impératif de stricte confidentialité des informations qui seront examinées par cette formation.

Le projet maintient au profit de la formation spécialisée les pouvoirs particulièrement étendus de la commission de vérification des fonds spéciaux, notamment en matière de communication de pièces et de contrôle des documents utiles. Le rapport qu'elle établira sur les conditions d'emploi des crédits, sera présenté à l'ensemble des membres de la délégation parlementaire, au même titre qu'au Président de la République et aux ministres concernés.

S'agissant de la création d'un fichier PNR, dans la lutte contre le terrorisme, le domaine de la sûreté aérienne tient une place particulière, encore renforcée depuis les attentats du 11 septembre 2001. Les menaces sur le transport aérien font l'objet depuis une décennie d'efforts considérables en matière de sécurité dans le monde entier. Ces efforts portent notamment sur l'ensemble de la sûreté aéroportuaire et s'appliquent aussi bien aux personnes qu'au fret.

Le transport aérien étant en expansion permanente, terroristes et trafiquants utilisent de plus en plus ce mode de déplacement, comme tout un chacun, mais ils savent fractionner leurs itinéraires pour concilier rapidité et discrétion.

Or, la particularité du transport aérien, par rapport à d'autres modes de transport, est que chaque passager est nominativement enregistré. C'est pourquoi les dispositions de sécurité liées à l'exploitation des données d'embarquement -Advance passenger information (API)- et de réservation -PNR- ont été élaborées au niveau international depuis 2004.

A l'échelon européen, les transporteurs aériens ont obligation de transmettre aux autorités nationales les données API depuis la directive 2004-82 du Conseil. Par ailleurs, des accords existent depuis plusieurs années entre l'Union européenne et les Etats-Unis, l'Australie et le Canada, sur l'échange des données PNR. Nous nous trouvons donc dans la situation paradoxale où ces données, qui concernent les passagers européens comme les autres, existent, sont fournies à trois pays amis qui, eux, les utilisent pour surveiller les vols entrant et sortant de leur territoire, alors même que nous ne sommes pas encore en mesure de les exploiter pour notre propre sécurité nationale !

Au sein de l'Union européenne, seul le Royaume-Uni, pour le moment, avec son programme appelé « e borders », exploite les données PNR à grande échelle. D'autres Etats membres utilisent les données PNR comme les Pays-Bas, la Belgique, la Suède, le Danemark, mais sur de plus faibles volumes, et de manière moins automatisée. Dans ces Etats, comme en France, le respect de la vie privée et l'équilibre entre sécurité et libertés individuelles sont l'objet d'une grande vigilance, illustration que les dispositions européennes sont bien compatibles avec un respect strict de la liberté des citoyens européens.

Au niveau national, la directive 2004-82 du Conseil a été transposée en droit français par la loi antiterroriste de 2006, en l'élargissant à l'obligation de transmission de données PNR, comme la directive l'autorise. Le Gouvernement a décidé, en 2010, de créer une plateforme d'exploitation des données API et PNR, en s'appuyant sur le projet de directive PNR déposé par la Commission européenne en février 2011.

Au Conseil Justice et affaires intérieures (JAI) d'avril 2012, ce projet de directive a fait l'objet d'un consensus politique. Le texte est actuellement soumis à l'examen du Parlement européen, où les discussions sont difficiles. Le Gouvernement français est favorable à une adoption rapide de la directive.

En attendant, notre pays ne dispose pas encore du dispositif concret qui permettrait d'exploiter ces données. C'est pourquoi l'article 10 du projet de loi prévoit un dispositif qui sera applicable jusqu'au 31 décembre 2017. Si la directive européenne PNR devait être adoptée avant 2017, la France transposerait ce texte.

Il est important de préciser à quoi sert le dispositif PNR proposé dans le cadre de la LPM de 2013, et quelles sont les nombreuses garanties prévues pour préserver l'équilibre entre sécurité et libertés individuelles.

Le dispositif envisagé a pour unique finalité la lutte contre les formes les plus graves de criminalité, à savoir le terrorisme et les crimes graves, tels que définis par l'Union européenne, et de défendre les intérêts supérieurs de la Nation, tels que définis dans le code pénal.

La plateforme d'exploitation des données permettra d'effectuer les opérations suivantes :

Tout d'abord, le ciblage des passagers sera fondé sur l'analyse du risque, à partir de critères objectifs, qui, combinés entre eux, permettent de repérer en amont du départ du vol des comportements spécifiques ou atypiques de passagers. Les critères de ciblage, prédéterminés, peuvent être modifiés en fonction de l'évolution des trafics et des modes opératoires des réseaux criminels et terroristes. Les résultats du ciblage feront l'objet d'une analyse humaine avant qu'une action soit décidée -surveillance, contrôle ou interpellation. Les services européens exploitant les données PNR ont constaté une très forte augmentation de taux de contrôle positif et de résolution d'affaires.

Ensuite le criblage : la plateforme nationale de chaque Etat membre permet de confronter les données PNR et API aux bases de données utiles à la prévention et à la répression du terrorisme et des formes graves de criminalité, dont les bases de données concernant les personnes et les objets recherchés. Le résultat du criblage est une correspondance potentielle entre les informations croisées, qui pourra être discriminée de façon intelligente, afin de réduire au maximum les erreurs.

Enfin, l'inclusion des vols vers les départements et collectivités d'outre-mer, et les vols intracommunautaires, semble indispensable, en raison du fractionnement des déplacements effectués par les terroristes et les trafiquants, à l'image des candidats français au Djihad, qui ne partent généralement pas directement de Roissy vers les pays sensibles, ou des trafiquants de drogue sud-américains, qui transitent de plus en plus par les Antilles-Guyane.

Les données PNR seront transmises une première fois entre 24 et 48 heures avant le départ du vol. Pendant ce laps de temps, les services peuvent commencer à exploiter les données, et préparer si nécessaire une éventuelle action ou surveillance. Un second envoi sera effectué à la clôture du vol avec les données API. Ce second envoi permet de savoir si certains voyageurs ont réservé à la dernière minute, ce qui peut être un indice intéressant pour les services.

Les données PNR sont riches dans leur contenu : elles permettent par exemple de savoir à quel moment le passager a réservé son vol, et où il a effectué sa réservation. Elles apportent des informations sur l'agence de voyage auprès de laquelle le passage a réservé. Le mode de paiement a également son utilité.

Ainsi, lors de l'enquête sur Mohammed Merah, il a été relevé que le dispositif actuel n'avait pas permis d'évaluer la radicalisation de l'intéressé, malgré les informations potentiellement disponibles dans différents fichiers. Pourtant, Mohammed Merah avait suivi une évolution caractéristique en ayant passé plus de six mois au Moyen-Orient en 2010-2011, après avoir notamment emprunté de nombreux vols.

Dans ce cas précis, les données PNR auraient permis d'aller plus vite lors de l'enquête.

Le système envisagé prévoit de nombreuses garanties protectrices des libertés individuelles aux différents stades de traitement des données -collecte, conservation, échanges vers les Etats fiables. La mise en place de ce système d'information fera l'objet d'un décret pris en Conseil d'Etat après avis de la CNIL qui précisera l'ensemble de ces éléments.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Si on ne peut vous poser toutes nos questions, nous vous les poserons par écrit.

M. Jeanny Lorgeoux . - Qui fait obstruction à l'établissement du fichier PNR en Europe ? Un certain nombre d'Etats l'utilisent déjà, et il apparaît évident que cet outil est indispensable !

M. Francis Delon. - C'est une discussion compliquée, qui a pour l'instant connu des hauts et des bas. Le projet de directive a été examiné par la commission Libertés civiles, justice et affaires intérieures (LIBE) du Parlement européen, et a été rejetée à l'issue de la discussion. Cette commission a estimé que toutes les garanties nécessaires à la protection de la vie privée n'étaient pas réunies. L'affaire est revenue en plénière devant le Parlement européen, qui a décidé qu'on ne pouvait s'arrêter là, prenant en compte le fait que certains Etats européens ont déjà un dispositif PNR, et qu'il était paradoxal de s'interdire un tel dispositif pour lutter contre le terrorisme, alors que nous communiquons ces données à des tiers, l'accord avec les Etats-Unis par exemple, ayant été approuvé par les instances communautaires...

Le Parlement a donc décidé de renvoyer le dossier à la commission LIBE pour un nouvel examen. Le projet de directive de la commission va donc probablement faire l'objet d'amendements. L'idée du Parlement européen est de parvenir au juste équilibre entre la protection des données, celle de la vie privée, et les nécessités opérationnelles de la lutte contre le terrorisme. C'est l'objet du débat...

M. Jean-Marie Bockel . - Concernant la protection des opérateurs d'importance vitale, vous avez repris une des propositions du rapport de la commission sur l'obligation de déclaration d'incidents. C'est fort bien. N'est-il pas paradoxal d'aller plus loin sans publier la liste de ces opérateurs ? Certains pays l'ont fait. Ce serait un plus, surtout vis-à-vis des personnes concernées, ce qui constitue un secret de polichinelle.

Pour de nombreux hackers, la publication des failles informatiques que prévoit la législation française constitue une forte incitation. Ne pourrait-on envisager, à l'inverse de la question précédente, de modifier la législation sur ce point ?

Si on avait eu davantage de temps, j'aurais engagé avec vous le dialogue sur les routeurs de coeur de réseau. Ce que le texte propose est assez intelligent : on n'interdit pas les routeurs de telle ou telle origine, ce qui avait été un temps évoqué dans des déclarations gouvernementales, mais on laisse l'ANSSI faire vers le travail. Pourquoi pas ?

M. Francis Delon. - Il existe aujourd'hui environ 200 OIV. Chaque opérateur d'importance vitale sait qu'il est OIV ; ses agents le savent également. L'arrêté fixant la liste n'est pas publié au Journal officiel. Il nous a en effet semblé que cela pourrait avoir pour effet de désigner des cibles. On ne voit pas très bien quel serait l'intérêt d'une telle publication ; les choses fonctionnant aujourd'hui fort bien sur le plan opérationnel.

Pour ce qui est de la publication des failles, la législation, sur ce sujet, est assez balancée. Il s'agit, d'une part, d'éviter que des failles encore inconnues soient révélées au grand jour, au risque d'affaiblir la sécurité des systèmes. A ce stade, nous avons estimé préférable de ne pas toucher à l'état du droit sur ce point. Nous sommes toutefois prêts à en discuter...

M. Jean-Louis Carrère, président. - Voilà tout l'intérêt d'une audition !

Je me félicite de ce que vous avez proposé, que nous avions réclamé. Cela avait fini par faire l'unanimité du groupe de travail. C'est très bien ainsi.

La fusion avec la vérification des fonds spéciaux me paraît également rationnelle.

Je pense cependant que, sur certains aspects, nous aurions pu aller plus loin... Tout d'abord, la délégation parlementaire au renseignement, selon moi, pourrait être destinataire de la stratégie nationale du renseignement et du plan national du renseignement, et non simplement « informée ». Comment la délégation pourrait-elle évaluer efficacement l'action des services de renseignement si elle ne connaît pas précisément les objectifs assignés à ces services ?

Je pense par ailleurs que la délégation devrait pouvoir entendre tout agent des services de renseignement. Nous pouvons le faire à huis clos, en mettant en place des garde-fous.

Vous avez évoqué l'accord des ministres de tutelle : je ne suis pas du tout d'accord ! Ce n'est pas que je n'ai pas confiance dans les ministres, quelle que soit leur famille de pensée, mais un pouvoir de contrôle du Parlement, s'il est soumis à l'accord des ministres, ne constitue plus un pouvoir de contrôle ! Le ministre peut être « informé » d'une perspective de contrôle et avoir son mot à dire...

A la lumière de l'affaire Merah, il me semble qu'il faudrait clarifier les missions de la délégation en précisant expressément que la délégation est chargée de contrôler les graves dysfonctionnements constatés dans l'action opérationnelle des services, à l'exclusion des opérations en cours.

Par ailleurs, le rôle du Parlement est bien de contrôler. Or, les parlementaires détiennent des prérogatives dont ils n'usent pas. Utilisons-les ! Peut-être faudrait-il changer la dénomination de délégation au renseignement, en y ajoutant le mot de contrôle, afin de le marquer symboliquement. On ne peut concevoir des services de renseignement à la discrétion du seul exécutif, sans contrôle parlementaire !

M. Francis Delon. - La définition des pouvoirs de la délégation parlementaire constitue un exercice de haute couture, mené en conservant constamment à l'esprit le principe de séparation des pouvoirs, la question constitutionnelle planant sur tout cela.

Ce dispositif évolue. Je l'ai rappelé, la délégation parlementaire a été créée en 2007. On a réalisé là un pas considérable ; aujourd'hui, chacun est globalement satisfait, les services les premiers. On progresse et c'est ce que reflètent le projet de loi présenté par le Gouvernement, tout comme les discussions du GT 4 au sein de la commission du Livre blanc.

On peut bien sûr faire différemment et, en théorie, aller plus loin, mais je précise qu'il s'agit d'un équilibre. Il faudra voir dans le détail, point par point, ce qu'il en est.

Je peux vous apporter cependant quelques réponses...

La question de la communication, de l'information, de la stratégie du renseignement et du Plan national d'orientation du renseignement (PNOR) peuvent trouver des solutions. Je n'ai pas beaucoup de doutes à ce point.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Je le crois aussi...

M. Francis Delon. - La question de l'audition des agents demeure, elle, un sujet très délicat. En effet, un service de renseignement, plus que tout autre, est extrêmement hiérarchisé et centralisé. Seul le responsable détient toutes les informations, qu'il peut replacer dans leur contexte.

Autoriser un agent qui traite un sujet particulier à communiquer sur un sujet peut le conduire à révéler certaines informations liées à une opération en cours, sans qu'il le sache lui-même.

Sur ce point, je pense que le Gouvernement va s'en tenir à son texte...

M. Jean-Louis Carrère, président. - Nous connaissons les procédures et savons faire voter des amendements !

M. Francis Delon. - C'est pourquoi on prévoit un accord du ministre pour les auditions des directeurs d'administration centrale qui utilisent le renseignement. L'exécutif est organisé ainsi, mais cela ne veut pas dire que les ministres vont refuser !

Vous avez évoqué le nom de la délégation...

M. Jean-Louis Carrère, président. - La fonction de contrôle n'apparaît pas. Peut-on y remédier ? C'est de l'affichage plus qu'autre chose...

M. Francis Delon. - C'est un point à étudier. Le texte de loi parle de contrôle de la politique du Gouvernement en matière de renseignement. On respecte donc les termes de la Constitution.

Quant au contrôle des dysfonctionnements, on joue là aussi sur des équilibres. C'est un point dont il faudra discuter avec le ministre. Je ne m'avance pas davantage sur ce sujet...

M. Jean-Louis Carrère, président. - Merci beaucoup de vos réponses.

M. Jean-Paul BODIN
Secrétaire général pour l'administration du ministère de la défense

11 septembre 2013

M. Jacques Gautier, président. - Monsieur le Secrétaire général, nous vous accueillons dans le cadre de nos auditions sur le projet de loi de programmation militaire 2014-2019. Nous avons entendu la présentation du ministre, mardi dernier. Il reviendra demain matin à 9 heures 30 pour répondre à nos questions. Nous entendrons à votre suite l'ensemble des plus hauts responsables de la défense.

Durant cette période, le ministère de la défense devra relever de nombreux défis, j'en relèverai quatre qui concernent directement vos attributions, lesquelles se trouvent d'ailleurs renforcées :

- la poursuite de la réforme engagée avec des mouvements de réductions des effectifs et de restructurations qui comportent également, y compris dans le dispositif législatif, des mesures d'accompagnement et de reconversion des personnels militaires et civiles, mais aussi des collectivités territoriales et des sites affectés ;

- la poursuite de la réforme du ministère, avec de nouvelles attributions transversales confiées au secrétariat général, notamment dans le domaine des ressources humaines ;

- les efforts à conduire pour répondre avec des moyens limités au maintien des ambitions, ce qui touche au premier chef la réalisation, la modernisation et la gestion des infrastructures nécessaires pour accueillir les nouveaux équipements, assurer le maintien en conditions opérationnelles de nos armées et les conditions de vie des militaires.

Enfin, le suivi de la disponibilité des ressources financières, notamment des ressources exceptionnelles.

Vous nous direz comment ont été définis les objectifs et les moyens nécessaires à leur réalisation et comment le ministère de la défense entend les mettre en oeuvre au cours de cette période.

Mes collègues et moi vous interrogerons à la suite de votre exposé. Je vous laisse la parole.

M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration. - Je reviendrai en premier lieu sur les ressources humaines et la maîtrise de la masse salariale, enjeux très lourds de la prochaine loi de programmation (LPM). Le ministre l'a dit à plusieurs reprises : c'est un des sujets les plus difficiles pour nous, les réductions d'effectifs qui s'annoncent venant après des mouvements déjà très importants. L'objectif politique a été de préserver cependant au maximum l'outil opérationnel. Je dirai ensuite quelques mots de la mobilisation des ressources financières et des recettes exceptionnelles. Je reviendrai sur les restructurations et l'infrastructure et dirai quelques mots de la mise en place du nouveau mode de gouvernance du ministère.

La mise en oeuvre de la LPM est conditionnée par la réussite de la manoeuvre liée aux ressources humaines et la maîtrise de la base salariale. La LPM prévoit une déflation de 33 675 équivalents temps plein (ETP), 10 175 au titre des réformes précédentes et 23 500 au titre de la nouvelle déflation. 645 postes seront créés dans des domaines bien spécifiques -lutte informatique défensive, DGSE, prise en compte des exigences liées à sûreté de la propulsion nucléaire.

Comme par le passé, la nature des déflations des 23 500 ETP, est double. Une part résulte de l'adaptation des armées aux nouveaux objectifs capacitaires ; elle se monte à environ 8 000 ETP, auxquels il convient d'ajouter une part du reste à faire au titre de la LPM 2009-2014 et environ 1 000 ETP sur les forces prépositionnées. Une des priorités du projet de LPM étant de préserver les forces opérationnelles, la plus grande part des déflations (14 500) proviendra de la transformation de l'environnement des forces.

On reproduira un taux d'effort proche de celui de la précédente LPM. Toutefois, la volonté étant d'augmenter la place des civils dans les services de soutien, ce taux se répartira entre 78 % pour les militaires et 22 % pour les personnels civils contre 75/25 lors de la précédente loi.

Comment allons-nous faire ? On s'est fixé comme objectif principal de rechercher des gains de productivité dans l'ensemble du dispositif de soutien, d'administration et dans les états-majors. Cela va nous conduire à un travail en profondeur sur l'ensemble des processus, afin d'essayer de simplifier les modes de travail au sein du ministère.

C'est une démarche complexe, qui s'inscrit dans le cadre de la modernisation de l'action publique et qui concerne l'ensemble de l'Etat. La semaine dernière, nous avons arrêté, avec le major général des armées et l'adjoint du DGA, une liste de trente chantiers, qui vont faire l'objet d'une analyse en profondeur afin d'essayer de dégager des gains de productivité. Ces grandes fonctions sont par exemple la fonction achats, la fonction financière, le traitement des factures, ou la maintenance immobilière.

Comme dans la précédente programmation, chaque responsable de chantier recevra une lettre de mission avec un calendrier, et rendra compte périodiquement de l'état d'avancement.

Je ne cache pas que les choses vont être assez difficiles, car nous avons déjà profondément réorganisé la chaîne des soutiens, avec la création des bases de défense et le développement de structures interarmées. Mais, nous allons capitaliser sur tout cela, par exemple dans le domaine financier, en nous appuyant bien plus sur les services du commissariat des armées, en particulier les plateformes achats finances, pour accroître la productivité de ces plateformes et leur faire remonter un certain nombre de tâches administratives qui peuvent être aujourd'hui exercées par les bases de défense.

Pour autant, la manoeuvre va également reposer sur des mécanismes de départ des personnels avec tout un dispositif d'accompagnement.

Plusieurs mesures en faveur du personnel militaire doivent faciliter la mise en oeuvre de la LPM, comme les mécanismes de promotion fonctionnelle ou de paiement de pensions au grade supérieur, afin de soutenir le flux des départs. Le mécanisme des pécules, qui existe déjà, sera reconduit mais aménagé, le pécule étant antérieurement versé en deux fractions, la seconde partie étant conditionnée à la reprise d'une activité professionnelle dans le secteur privé. Cette condition de reprise d'activité sera supprimée.

On modifiera aussi le mécanisme de disponibilité, en rémunérant mieux les militaires qui choisiront de profiter de ce dispositif.

Nous avons essayé de calibrer ces dispositifs de telle sorte qu'ils nous permettent d'atteindre le dépyramidage, la LPM prévoyant de supprimer 5 800 postes d'officiers, à hauteur de 1 000 par an, afin d'essayer de retrouver un taux d'encadrement de 16 %. Nous étions environ à 15,5 % en 2007, et sommes actuellement à 16,75 %. Nous voudrions revenir à 16 % de la population militaire.

C'est un objectif ambitieux. La suppression de 5 800 postes d'officiers sous-entend, en effet, de revoir les conditions d'emploi de ce personnel en veillant à ce que les armées ne privilégient pas la satisfaction de leurs besoins propres au détriment de l'ensemble du dispositif interarmées qui s'est mis peu à peu en place.

La présence d'officiers dans des structures interarmées est indispensable. J'ai besoin dans mes services d'officiers ayant eu un parcours opérationnel. Quand on traite de crédits relatifs au programme d'armement à la direction des affaires financières, il faut avoir des ingénieurs de l'armement et des officiers des armes qui savent parfaitement de quoi on parle pour traduire tout cela sous l'angle financier.

La manoeuvre nécessitera la mise en oeuvre des mesures d'aide évoquées. L'ensemble du dispositif d'accompagnement des restructurations se situera à hauteur de 933 millions d'euros durant la période. C'est une somme conséquente. On devra par ailleurs renforcer le dispositif d'aide à la reconversion. On a créé, lors de la précédente LPM une agence de reconversion unique pour l'ensemble du personnel, "défense mobilité", qui va se doter d'une structure dédiée, chargée de s'occuper des officiers supérieurs. Ce dispositif sera analogue à celui existant pour les officiers généraux.

On devra également travailler au rééquilibrage entre personnels civils et militaires, notamment dans les tâches de soutien. Le ministre a confié au directeur des ressources humaines une mission d'analyse des emplois. On s'aperçoit, à la fin de l'actuelle LMP, qu'il existe des sureffectifs de personnels civils localisés dans certains bassins d'emploi. Nous sommes en train de les analyser, nous recensons les compétences des personnels et étudions comment pourvoir certains emplois, par exemple dans les groupements de soutien des bases de défense, aujourd'hui occupés par du personnel militaire mais qui pourraient être occupés par du personnel civil.

En matière de ressources humaines, l'autre défi est bien sûr celui de la maîtrise de la masse salariale. Vous avez évoqué la réforme prévue par le ministre sur ce point : c'est une réforme qui porte sur deux volets. Le premier concerne le regroupement de l'ensemble des crédits de ressources humaines dans un programme unique. On ne sait pas encore si l'on créera un programme spécifique à côté du programme 212 ou si on intègrera ces crédits au programme 212. Des discussions sont en cours avec la direction du budget.

Le secrétaire général pour l'administration (SGA) aura la responsabilité de l'ensemble de ces crédits, qui seront répartis au sein de budgets opérationnels de programmes (BOP), vraisemblablement par gestionnaire d'armée. Ainsi, le gestionnaire du BOP terre serait le directeur des ressources humaines de l'armée de terre ; nous y retrouverons les crédits de rémunérations de l'ensemble des personnels portant un uniforme de l'armée de terre, qu'ils soient employés dans l'armée de terre ou dans d'autres structures du ministère.

Nous étudions aussi comment regrouper dans un BOP unique les crédits relatifs à certaines populations. Je pense au contrôle général des armées, aux ingénieurs du service d'infrastructures, aux personnels du service des essences. Il existera également un BOP unique pour l'ensemble du personnel civil, dont un service de la direction des ressources humaines sera gestionnaire.

Pour gouverner l'ensemble de ces crédits, le SGA s'appuiera sur la direction des ressources humaines du ministère, qui bénéficiera d'une autorité fonctionnelle renforcée vis-à-vis de l'ensemble des directions en charge des questions de ressources humaines au sein du ministère.

Nous avons eu en interne un débat sur l'autorité fonctionnelle renforcée et l'autorité hiérarchique. Nous n'avons pas retenu l'autorité hiérarchique ; la gestion des personnels devant rester de la responsabilité des armées. Ce n'est pas à la direction des ressources humaines du ministère de la défense (DRH-MD) de s'occuper de notation, de discipline ou du moral ! En revanche, la DRH-MD doit étudier les processus de recrutement et d'avancement par exemple, afin de savoir à quel moment elle peut intervenir ? Comment intervenir avec un visa, un avis, un droit de veto ?, pour garantir le respect de la masse salariale.

Nous avons jusqu'à la fin de l'année pour jeter les bases de ce système. 2014 sera une année de calage pour tester le dispositif, qui se traduira en construction budgétaire dans le PLF 2015.

Le SGA s'appuiera aussi, dans ce domaine, sur la direction des affaires financières, car il existe, dans le suivi de la masse salariale, un certain nombre d'éléments que la direction des affaires financières maîtrise, par exemple l'appréciation du glissement vieillesse technicité (GVT).

Il s'agit d'une réforme très ambitieuse. Vous avez évoqué le fait que le transfert de responsabilités vers l'état-major des armées, intervenu en 2009, avait suscité quelques difficultés de mise en oeuvre. Il est bien évident que le SGA ne pourra pas résoudre par un coup de baguette magique le problème auquel est confronté le ministère depuis des années en matière de ressources humaines et de maîtrise de sa masse salariale. Cela nécessite donc un travail collectif.

Le directeur des ressources humaines aura notamment pour adjoint un officier général quatre étoiles, qui le secondera et sera l'interlocuteur des directions des ressources humaines d'armée. C'est un travail en commun que nous devons réaliser pour définir les responsabilités de chaque acteur -responsable de programmes, responsable de BOP, mais aussi gestionnaire et préciser les modalités d'exercice de cette autorité fonctionnelle.

Les objectifs en matière de masse salariale seront d'autant plus lourds que nous devons réaliser 4,4 milliards d'euros d'économies sur l'ensemble de la période. Or, si nous n'arrivons pas à maîtriser la masse salariale, nous devrons prendre sur nos propres ressources les moyens de retrouver l'équilibre -sauf pour les mesures résultant de l'application de mesures générales relative à la fonction publique comme la revalorisation du point d'indice de la fonction publique.

Je pense que tout ceci nous conduira inévitablement, dans le cours de la LPM, à modifier la politique des ressources humaines, notamment en ce qui concerne les militaires. Nous allons en effet devoir nous interroger sur les processus de sélection, d'avancement, de déroulement de carrière. Nous devrons intégrer des mesures relatives à l'évolution des textes en matière de retraites, nécessitant de revoir les créneaux d'avancement de grade, l'allongement des carrières, etc.

Des questions se feront également jour en termes de recrutement : combien d'officiers recrutés dans les grandes écoles militaires, ou déjà formés à l'extérieur, mais pour des contrats et des périodes plus courtes ? Tous ces éléments de politique des ressources humaines devront être réexaminés en commun. L'état-major des armées y tiendra une place très importante : principal employeur du ministère, c'est à lui de définir les besoins relatifs à la politique des ressources humaines...

M. Jean-Louis Carrère, président. - On évitera les errements que l'on a connus, au cours desquels on a vu la masse salariale s'envoler parce qu'on avait créé beaucoup de postes d'officiers supérieurs, etc.

M. Jean-Paul Bodin. - C'est l'élément à maîtriser.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Cela me paraît nécessaire !

M. Jean-Paul Bodin. - Il faut reconnaître que nous avons eu, dans la mise en oeuvre des dispositifs d'accompagnement de l'actuelle LPM, une gestion généreuse. Un certain nombre de personnes qui ont pu partir en bénéficiant des mécanismes d'aide au départ ont été remplacées dans leur grade. Ce dispositif a donc nécessairement un impact sur la masse salariale.

D'un autre côté, cela a permis de faire passer les réformes...

M. Jean-Louis Carrère, président. - A quoi cela sert-il de supprimer des postes dans ces conditions ?

M. Jean-Paul Bodin. - Il faudra également travailler à un plan d'accompagnement du personnel. Le ministre l'a indiqué à plusieurs reprises, et cela figure dans le rapport annexé à la LPM.

Il faut aussi remettre sur la table l'ensemble du dispositif indemnitaire. Une de nos principales difficultés réside dans la multiplicité des primes, que nous n'appliquons pas de manière homogène entre armées. En général, cet examen se fait plutôt par un alignement par le haut ; le problème est qu'il faut revoir le dispositif indemnitaire à ressources constantes. Il va donc falloir du temps, de la persuasion et trouver les bons points d'équilibre.

Le second point concerne la mobilisation des ressources financières, et notamment les recettes exceptionnelles. Vous connaissez les chiffres.

Parmi ces recettes, une part incombe directement à mes services. Il s'agit des recettes liées à l'immobilier. On en a beaucoup parlé dans la précédente LPM ; on n'a pas complètement atteint le montant attendu, mais l'on arrive tout de même à environ 670 millions d'euros sur la période, en ayant vendu un certain nombre d'immeubles en province, et passé un bail de longue durée pour la gestion du parc de logements domaniaux avec la Société nationale immobilière (SNI).

D'où viendront les recettes exceptionnelles du domaine immobilier ? Principalement des immeubles parisiens, que nous allons abandonner pour rejoindre Balard à l'été 2015.

Les bâtiments qui devaient nous être livrés fin 2014 le seront à partir de fin février 2015, pour la partie construite sur la parcelle ouest -celle des nouveaux bâtiments de commandement. Une partie des bâtiments à rénover de la parcelle est seront, quant à eux, livrés en avril. Les emménagements pourront donc commencer à partir de cette date.

Pourquoi existe-t-il un décalage dans le calendrier ? On a tout simplement rencontré des difficultés classiques dans ce type d'opérations -désamiantage et dépollution plus importants que prévus, en particulier des sols sur lesquels était installé le bassin d'essais des carènes. Nous avons, par ailleurs, essuyé des aléas climatiques. Ce sont là des problèmes classiques, mais ce retard ne provient pas, comme on l'a dit, de difficultés avec la ville de Paris. Nous les avons réglées, ce n'est donc pas le motif.

Nous allons donc vendre les immeubles que nous occupons ; nous avons entamé les discussions et plusieurs bâtiments seront vendus dès cette année : le bâtiment de La Pépinière, derrière le Cercle national des armées, à Saint-Augustin, sera vendu comme immeuble de bureaux, après discussions avec la ville de Paris ; les immeubles de Bellechasse-Penthemont seront également mis en vente cette année, puis Saint-Thomas d'Aquin et enfin l'îlot Saint-Germain.

Ce dernier sera le plus difficile à vendre, mais nous avons d'ores et déjà des pistes intéressantes. Il faut des intervenants financièrement solides car nous vendons un emplacement et des façades, l'ensemble du bâtiment devant être entièrement refait. Après discussions avec la ville de Paris, les objectifs en matière de logement social ne devraient s'appliquer que sur une partie de cet immeuble et pas aux autres, ce qui constitue un élément très important pour la vente, ces immeubles pouvant être vendus comme immeubles de bureaux.

Nous devrions atteindre les objectifs en matière de ressources immobilières. Un certain nombre d'autres immeubles en vente en province devraient également rapporter des sommes conséquentes.

Les redevances des opérateurs au titre des cessions de fréquences antérieures devraient également être obtenues sans difficulté.

Une partie des recettes exceptionnelles résulte du programme d'investissement d'avenir, et ce dès 2014. Les discussions avec la direction du budget destinées à bien déterminer les flux, les mécaniques et la technique financière ne sont pas encore totalement bouclées. Faire passer des crédits de plan d'investissement d'avenir sur des programmes d'armement n'est en effet pas aisé. Nous travaillons en particulier sur des opérations relatives au Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et à l'Agence spatiale française (CNES). Nous pensons raisonnablement trouver rapidement toute la tuyauterie financière qui convient.

M. Jean-Louis Carrère, président. - C'est le Président de la République qui a la voix la plus forte en matière de crédits budgétaires !

M. Jean-Paul Bodin. - En effet. Les clauses de sauvegarde sont là, ainsi que les engagements du Président de la République.

Peut-être rencontrera-t-on plus de difficultés sur la cession de nouvelles fréquences, en particulier sur la bande de 700 MHz...

M. Jean-Louis Carrère, président. - On l'a déjà vécu. Ces bandes de fréquences sont-elles intéressantes ?

M. Jean-Paul Bodin. - Oui, ce sont celles utilisées pour la Télévision numérique terrestre (TNT) ; elles nécessiteront des investissements de la part des opérateurs. Il y aura donc forcément un calendrier, plutôt vers la fin de la période que vers le début...

M. Jean-Louis Carrère, président. - Est-on au clair pour la loi de finances 2014 ?

M. Jean-Paul Bodin. - Nous travaillons sur environ 200 millions dans le domaine immobilier, sur les fréquences payées par les opérateurs au titre des cessions de fréquences antérieures et sur le plan d'investissement d'avenir, sur lequel nous avons, ainsi que vous l'avez rappelé, des garanties claires du Président de la République et du Premier ministre. Il faut en bâtir la « tuyauterie », afin que cela fonctionne.

En matière de maîtrise des ressources financières, j'appelle par ailleurs votre attention sur le fait que la stabilisation des dépenses de fonctionnement courant s'établit autour de 3,5 milliards d'euros. Cette stabilisation va se traduire par une baisse en volume de 12 % sur la période, soit environ 100 millions d'euros par an, après une baisse de 7 % des crédits de fonctionnement en 2013. Ce sont là des efforts importants à réaliser.

Cela a conduit l'administration centrale à mettre en place des mesures d'économies très importantes en matière par exemple de véhicules ; elles s'appliquent à l'ensemble du ministère et se traduisent par le retrait de véhicules dans les bases de défense. Cela nous conduit également à revoir -et c'est plutôt positif- une grande partie des contrats en matière d'énergie. Nous allons profiter de l'évolution de la réglementation en matière d'énergie, gaz et électricité, pour passer des marchés groupés.

Je ne vous cache pas que ce qui nous est demandé sera difficile. On a d'ores et déjà des difficultés de fonctionnement importantes dans les bases de défense.

Cela me conduit à dire que nous devons réfléchir à nos implantations territoriales et à la façon dont nous allons gérer les prochaines restructurations. C'est là mon troisième point...

Je pense personnellement qu'il faut réaliser des restructurations avec abandon complet d'emprise et éviter, comme dans la précédente LPM, des transferts d'unités importants entraînant des dépenses d'infrastructures conséquentes. On a consacré entre 400 et 700 millions d'euros par an à ces dépenses d'accompagnement. Je crois que nous ne pourrons pas le faire dans la prochaine LPM.

Cela suppose aussi, pour permettre aux bases de défense une meilleure maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement, d'abandonner complètement les emprises et de ne pas prévoir de maintenir des éléments, pour des raisons d'accompagnement économique et social des territoires. Si l'on veut réaliser des économies de fonctionnement, il faudra être à l'avenir plus rationnel.

Cela amène aussi à se poser quelques questions en matière de dépenses d'infrastructures. Devons-nous être propriétaires de l'ensemble de nos immeubles de bureaux en centre-ville ? Ne pouvons-nous pas, dans certains cas, être locataires ? Durant les cinq années écoulées, on a transformé un certain nombre de bâtiments pour accueillir des états-majors, des organismes d'administration, etc. et aujourd'hui, on se pose des questions sur leur maintien. On aurait loué des bureaux, on ne se poserait pas les mêmes questions. Il faut orienter l'ensemble des dépenses de fonctionnement vers les unités opérationnelles.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Dans quels délais devez-vous réaliser ces économies ?

M. Jean-Paul Bodin. - Nous avons des économies à réaliser dès 2014. Nous y travaillons actuellement avec l'état-major des armées...

M. Jean-Louis Carrère, président. - Vous contribuez aux 15 milliards...

M. Jean-Paul Bodin. - En effet. Nous devons trouver 500 millions d'euros d'économies. Nous nous y employons. Nous étudions tout le fonctionnement des structures centrales. Avec l'état-major des armées, nous cherchons à réduire un certain nombre de dépenses des bases, mais on a de réelles difficultés à atteindre l'objectif...

M. Jean-Louis Carrère, président. - On va vous y aider !

M. Jean-Paul Bodin. - Nous sommes preneurs d'idées !

M. Jean-Louis Carrère, président. - Je pense aux logements de fonction et aux voitures de service...

M. Jean-Paul Bodin. - Le parc de voitures de service est déjà en réduction très sensible : il passera de 19 000 à 13 600...

M. Jean-Louis Carrère, président. - Je le ferais passer à moins !

M. Jean-Paul Bodin. - Je ne vous cache pas que cela pose de très grosses difficultés dans le fonctionnement quotidien des structures...

M. Jean-Louis Carrère, président. - C'est là qu'il faut faire des économies ! On n'a plus les moyens d'avoir ce genre de dispositif. Il en va de même pour nous !

M. Jean-Paul Bodin. - Nous y travaillons, et toutes les propositions seront étudiées. Il faut aussi tenir compte de l'impact que cela peut avoir sur le moral des personnels. On doit procéder par étapes, en accompagnant les choses.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Il s'agit surtout de donner du travail à ceux qui n'en ont pas !

M. Jean-Paul Bodin. - Je vous comprends. Les choses ne seront donc pas simples...

Nous avons par ailleurs prévu dans la loi un certain nombre de dispositifs d'accompagnement, dont nous avons besoin. Nous devons notamment récupérer la totalité des produits des cessions immobilières. Le dispositif sera donc reconduit en loi de finances.

D'autre part, nous envisageons de revoir le dispositif d'accompagnement économique tel qu'il a été mis en place dans la précédente loi. Un rapport récent de la Cour des comptes nous aide à recentrer le dispositif. Dans un certain nombre de garnisons, on a accompagné la mise en place de projets, mais ceux-ci ne se sont pas forcément réalisés sur les emprises militaires. On se retrouve donc avec de grandes emprises qui n'ont pas été reconverties.

La question de la reconversion des bases aériennes notamment est très difficile, compte tenu de leur étendue, du niveau de pollution qu'elles peuvent connaître, et du fait que certaines se retrouvent sur plusieurs communes, voire sur plusieurs départements. Il faut absolument cibler davantage le dispositif d'accompagnement.

Un mot des livraisons d'infrastructures... Il y aura, avec l'arrivée des nouveaux matériels, des dépenses conséquentes à réaliser. Certaines sont liées à l'A 400M. Nous avons déjà commencé à nous en occuper dans la précédente loi, mais il faudra les compléter. Les frégates multimissions (FREMM) entraînent également d'importants travaux, notamment à Toulon -dragage, quais nouveaux. Le Barracuda engendre également des travaux importants, tant pour l'accueil que pour préparer les premières opérations de rénovation. Le programme d'accompagnement relatif à l'arrivée des hélicoptères de nouvelle génération devra en outre être achevé. Nous avons ainsi, pour l'accueil du multi-role transport tanker (MRTT), 77 millions d'euros de dépenses d'infrastructures à réaliser en 2014 et 2015. Nous devons prévoir 162 millions d'euros pour préparer l'arrivée du Barracuda. Ce sont là des sommes et des opérations très lourdes...

M. Jean-Louis Carrère, président. - Êtes-vous sérieux ?

M. Jean-Paul Bodin. - Je le suis !

M. Jean-Louis Carrère, président. - Ne l'aviez-vous pas prévu ?

M. Jean-Paul Bodin. - Si, cela fait partie des dépenses d'infrastructures prévues dans la LPM de même que les dépenses très lourdes de réfection de l'ensemble des installations électriques des deux grands ports.

Le besoin initial pour les infrastructures avait été évalué à 7 Md€ sur l'ensemble de la période. Les économies ont pu être dégagées après un examen très précis de l'ensemble des projets avec l'EMA afin de rationaliser les projets, de décaler les mois urgents, seules solutions pour faire face aux enjeux qui nous attendent et de rester dans l'enveloppe fixée de 6,1 Md€ sur la période, soit environ 1 Md€ chaque année.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Je suppose que vous étalez les dépenses consacrées aux deux ports ?

M. Jean-Paul Bodin. - Si on ne le faisait pas, on n'y parviendrait pas !

C'est à l'occasion de cet examen que l'on se pose des questions sur l'ensemble de l'immobilier administratif et sur les normes que l'on met en oeuvre en matière d'immobilier opérationnel, si l'on considère, par exemple, la différence de technicité entre le hangar d'accueil du Rafale à Saint-Dizier et celui prévu à Djibouti pour les avions de chasse!

Enfin, je voudrais aborder la nouvelle gouvernance. La direction des affaires financières a, au cours de l'actuelle LPM, connu toute une série de simplifications de l'organisation de la fonction dans le cadre du chantier Aramis, qui a conduit à un échange bien plus important qu'auparavant entre l'état-major des armées, la DGA et la direction des affaires financières.

Cependant, des difficultés persistent, du fait de systèmes d'information qui ne sont pas communs. En outre, il existe, dans le domaine financier, une autorité fonctionnelle mais aussi des autorités organiques, par exemple dans le secteur de la programmation. Il faut donc essayer de rassembler ces différentes responsabilités et travailler de façon plus solide qu'auparavant.

On a tiré un certain nombre d'enseignements du travail de préparation de la LPM où on a mis en relation les équipes de la DGA, de l'EMA et de la DAF pour échanger le plus d'informations possible sur les programmes d'armement. Les difficultés ont porté sur l'évaluation des programmes d'armement et des coûts de dépenses de maintien en condition opérationnelle (MCO). Le ministre en a tiré la conclusion qu'il fallait revoir la répartition des compétences, et donner à la direction des affaires financières une autorité fonctionnelle sur les services financiers du ministère.

Un débat a eu lieu sur le thème de l'autorité hiérarchique et de l'autorité fonctionnelle. Les services financiers du commissariat restent sous l'autorité du directeur central du commissariat et de l'état-major des armées, mais la direction des affaires financières doit avoir la capacité de donner un certain nombre de directives en matière de programmation, de préparation du budget et d'exécution financière. Elle doit pouvoir mesurer l'exécution de ces directives. Le directeur des affaires financières doit avoir la capacité d'apprécier le travail mené par les services financiers.

C'est pourquoi un examen de l'ensemble des procédures est engagé. Nous sommes aidés par le contrôle général des armées et avons jusqu'à la fin de l'année pour définir de nouvelles procédures dans lesquelles la direction des affaires financières pourra s'insérer et donner son avis.

Par ailleurs, on indique dans le rapport annexé à la LPM que le service du commissariat aura autorité sur l'ensemble de la fonction administrative, notamment dans les bases de défense. La direction des affaires financières interviendra du point de vue fonctionnel sur la fonction administrative et financière. Cette évolution entraînera une réorganisation des bases de défense. Les régies consacrées à l'infrastructure mises à la disposition du commandement sont appelées à rejoindre le service infrastructures de la défense. On espère faire des économies importantes grâce à ce regroupement. Cela aura aussi des conséquences sur mes services.

La mise en oeuvre de cette nouvelle gouvernance sera facilitée par l'installation à Balard, où il est prévu que les services soient regroupés sur un même étage selon une logique fonctionnelle.

Notre objectif est de réduire l'effectif de l'administration centrale de 15 et 20 %. Il faudra bien y parvenir, sans quoi nous ne parviendrons pas à atteindre l'objectif global du ministère.

Avec une direction financière de 250 personnes composée principalement de cadre de catégorie A, une telle réduction est assez sensible. Quand on augmente en outre les responsabilités de cette direction, il faut bien viser pour y parvenir.

Je pourrais revenir sur les dispositions juridiques lors de vos questions... Mme Landais, que vous avez prévu d'auditionner, sera en mesure de vous expliquer les raisons pour lesquelles on a proposé telle ou telle mesure au ministère.

M. Jean-Louis Carrère, président. - La commission des lois du Sénat et celles des finances se sont saisies pour avis.

La parole est aux commissaires...

M. Jacques Gautier. - Merci de cette intervention, Monsieur le Secrétaire général, et pour nous avoir parlé des difficultés qui sont les vôtres pour obtenir les résultats ambitieux que l'on vous a fixés. Nous savons que c'est indispensable pour permettre l'application et la réalisation de cette LPM, qui se veut vertueuse et porte les espoirs de nos armées, malgré les difficultés.

Vous avez longuement parlé de la direction des infrastructures, notamment des travaux que vous devez réaliser pour l'accueil de l'A 400 M. Quelques-uns ici ont pu voir, à Orléans, les simulateurs et les hangars nécessaires à cet accueil. Vous avez également évoqué les FREMM et le sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) Barracuda, ainsi que le MRTT. Il est vrai qu'il faut, pour accueillir ces matériels nouveaux et différents, créer des installations adéquates.

Vous avez aussi abordé la différenciation de normes et des spécifications entre les Opérations extérieures (OPEX) et la métropole. Au Gabon, les Transall sont rénovés sous la pluie, à l'extérieur. Il y a peut-être un équilibre à trouver !

La direction des infrastructures semble ne pas avoir totalement anticipé les difficultés budgétaires qui sont les nôtres. Elle continue à proposer des projets très ambitieux, mais très chers, que nous ne pourrons malheureusement pas réaliser ! C'est un peu comme certaines spécifications de la DGA : vous n'avez pas les budgets, et ce qui est essentiel à nos forces n'est pas réalisé !

Des rénovations sont à entreprendre dans l'ensemble des unités. Cela représente des centaines de millions d'euros. Vous avez évoqué des sommes allant jusqu'à 1 à 1,5 milliard d'euros par an, alors qu'il ne faudrait pas dépasser le milliard, avec des dossiers prioritaires. Un message ne doit-il pas être adressé à cette direction, pour lui faire comprendre que concevoir est une chose, mais que payer en est une autre et qu'il faut, dès la conception, prévoir des économies de réalisation et de fonctionnement ?

M. Jean-Paul Bodin. - Je partage entièrement votre analyse. Cette direction est composée d'ingénieurs, qui ont le souci et la volonté de bien faire, et de mettre en oeuvre toutes les techniques qu'ils maîtrisent. Il y a aussi, dans certains cas, de la part des états-majors, des demandes importantes, plus en ce qui concerne l'environnement des forces que les forces. On a eu des discussions sur certains investissements que l'on peut considérer comme n'étant pas possibles compte tenu de nos ressources.

Pour que la discussion ne se déroule pas en vase clos, entre la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives, qui a la responsabilité des crédits d'infrastructure, et le service d'infrastructure, on a considéré que les commandements des bases de défense devaient avoir beaucoup plus de responsabilités dans la définition des besoins et dans la programmation. On a donc confié la responsabilité des schémas directeurs d'infrastructures aux commandants de bases de défense. La demande part bien du terrain et remonte vers les états-majors centraux, mais aussi vers l'état-major des armées.

Puis, tous les trimestres, avec le major général des armées et l'adjoint du DGA, nous revoyons la programmation et le calendrier des opérations, afin de pouvoir les ajuster aux ressources. Le débat sur les spécifications a eu lieu lors des travaux de définition de la LPM, suscité par l'état-major des armées et par des officiers, qui ont amené un certain nombre d'exemples de surspécifications.

Nous sommes convenus que nous devions monter un dispositif d'examen de l'ensemble des devis. On est donc en train de se donner la capacité d'examiner les devis pour les très grosses opérations.

Cela suppose que nous dégagions une expertise technique, afin que l'état-major des armées puisse avoir l'explication technique.

Nous sommes également convenus, à la demande du ministre, que nous lui présenterions en comité ministériel d'investissement -où nous examinons les principaux investissements- les conclusions de ces travaux. On a bien pris conscience de cette question et savons que la ressource n'est pas là pour faire ce que voudraient faire certains...

M. Jean-Louis Carrère, président. - Je suis étonné quand j'entends dire ici ou là que la ressource n'y est pas. Y était-elle l'an dernier ? On va finir par croire que vous n'avez plus d'argent !

M. Jean-Paul Bodin. - Je n'ai pas dit cela ! La ressource, dans la future LPM, est équivalente à la précédente, mais il y a une différence entre la ressource dont nous disposons et la masse des projets que nous voudrions réaliser.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Je l'entends beaucoup mieux ainsi !

M. Jean-Paul Bodin. - On s'est posé la question de savoir si l'on pouvait maintenir l'enveloppe de crédits d'infrastructures autour d'un milliard d'euros en moyenne. Nous y sommes parvenus, sauf en matière d'entretien et de maintenance courante. On a là quelques difficultés, mais je pense que le travail de spécifications doit être effectué.

M. Gilbert Roger. - Monsieur le Secrétaire général, vous l'avez dit, des fermetures de bases de défense sèches et définitives vont avoir lieu...

M. Jean-Louis Carrère, président. - Je dirai rationnelles...

M. Gilbert Roger. - Mais il y a souvent eu de l'irrationnel ! Il pleut toujours bien là où c'est mouillé ! J'attends donc de voir. Ce n'est pas à Lorient qu'il va y avoir une fermeture définitive d'une base de défense ! Il vaut mieux que ce soit moi qui le dise !

Vous vous tournez vers les collectivités territoriales : les élus, autour de la table, sont des élus du territoire, qui ne sont pas réellement bien traités par l'État, par rapport aux obligations qui sont faites aux uns et aux autres !

La ville dont j'ai été le maire jusqu'à mon entrée au Sénat vient de se lancer dans la réforme Peillon. Il a fallu trouver dans notre budget 700 000 euros pour l'appliquer -et l'année n'est pas terminée ! Vous dites que l'on va étudier la façon dont les territoires vont pouvoir absorber des fermetures sèches. Quelles sont les bases de défense qui vont être concernées ? A quel moment allons-nous le savoir ? Des élections municipales, cantonales et régionales doivent avoir lieu, et il serait inadmissible que des élus locaux, de quelque bord que ce soit, découvrent les choses dans un entrefilet après les élections.

En second lieu, j'aimerais qu'on nous communique le chiffre très précis, pour les deux dernières exécutions budgétaires et pour la loi de programmation à venir, un comparatif des contrats de prestation.

On prétend souvent diminuer les effectifs qui s'occupent de la restauration, ou de l'informatique, alors qu'on ouvre la vanne des contrats de prestations, parce qu'il faut réaliser les missions quotidiennes. J'aimerais donc savoir s'il n'existe pas une sorte de vase communicant entre la baisse artificielle de la masse salariale et l'augmentation des prestations externes.

Par ailleurs, va-t-on encore aider les petites et moyennes entreprises (PME) qui travaillent dans les territoires ? Ainsi, à Metz, la base aérienne devait être reconfigurée. A part trois centres commerciaux, il n'existait en réalité aucun projet viable. Le responsable de la Délégation aux restructurations espérait que les collectivités reprennent ce secteur, sans savoir comment, ni pour quoi faire...

Enfin, je suis élu territorial de banlieue. Cela fait bien longtemps que l'armée n'y est plus. Vous espérez vendre à bon prix un certain nombre de locaux que vous possédez dans Paris. Le bon prix va se traduire par l'inflation du mètre carré. Les classes moyenne et populaire pourront de moins en moins se loger dans Paris, et on va les retrouver en banlieue ! Vous participez donc, d'un certain point de vue, à un déséquilibre entre la capitale et les collectivités territoriales de périphérie !

Mme Michelle Demessine. - Après avoir eu la satisfaction de limiter les dégâts dans le Livre blanc, on entre dans le détail. On sent bien que les choses vont être difficiles, et chacun est habité par le doute. Cela ne va pas être simple...

Une question sur l'accompagnement social des restructurations : quelles hypothèses ont permis d'évaluer le plan d'accompagnement à 933 millions d'euros pour la durée de la LPM ?

Est-il possible de distinguer les montants affectés aux personnels militaires et aux personnels civils ? Les syndicats sont très inquiets...

Disposez-vous d'une évaluation du coût des dispositifs qui seront mis en oeuvre, et notamment de ceux prévus dans la partie normative de la LPM ?

Quant à l'accompagnement des restructurations, toutes les collectivités, quelles qu'elles soient, sont en difficulté pour accompagner de nouveaux projets...

M. Jean-Louis Carrère, président. - Pas toutes ! Je peux en citer certaines...

Mme Michelle Demessine. - J'ai bien noté le problème des bases militaires dans la dernière LPM. Je pense qu'il faudrait, pour la crédibilité du prochain plan, régler le sujet plus efficacement. Sur quelle hypothèse l'enveloppe des 150 millions d'euros affectés à l'accompagnement économique a-t-elle été déterminée ?

En ce qui concerne les ressources exceptionnelles, combien attendez-vous des cessions immobilières ?

Enfin, la mise à disposition des espaces d'entraînement est un élément important du maintien en conditions opérationnelles de nos armées, lequel est devenu un objectif important de la LPM. Ces crédits, comme ceux affectés aux conditions de vie des militaires, ont souvent constitué des variables d'ajustement dans l'exécution des précédentes LPM, notamment lors des arbitrages au sein des programmes d'infrastructures. Qu'est-ce qui garantit la réalisation de ces objectifs pour l'avenir ?

M. Jean-Claude Peyronnet. - Vous avez affirmé qu'il était plus intéressant de vendre que de louer. Est-ce bien sûr ? Cela dépend où on loue. Pour avoir été membre d'une autorité administrative indépendante lorsque j'étais à la commission des lois, je puis vous dire que la location avenue Floquet coûte bien plus cher qu'une location en banlieue ! A-t-on bien analysé ces points ? Lorsqu'il s'agit de bureaux, il peut être intéressant d'avoir des bureaux dans une banlieue bien desservie...

En outre, pourriez-vous faire le point sur l'opération Balard sur trente ans ? Est-ce si intéressant -même si je ne conteste pas l'intérêt fonctionnel de l'opération ?

M. Raymond Couderc. - Avez-vous une idée du rapport coût efficacité en matière de reconversion, à la lumière de ce qui s'est passé au cours des dernières années ?

Pourriez-vous par ailleurs ajouter un mot sur la demande faite aux collectivités territoriales, au cours des dernières années, pour intégrer du personnel ? Quel en a été le résultat ?

M. Jean-Louis Carrère, président. - Notre commission, ainsi que celle de l'Assemblée nationale, vont vraisemblablement demander que les contrôles de l'exécution budgétaire soient plus fréquents. Que pensez-vous de contrôles trimestriels ? Cela présente-t-il un intérêt ? Est-ce farfelu ? Cela a-t-il du sens ou non ?

M. Jean-Paul Bodin. - Le calendrier des restructurations des bases de défense pour 2014 devrait être connu à la fin de ce mois septembre. Les choses ne sont pas totalement calées. Les mesures applicables pour 2015, 2016, jusqu'à la fin de la période, seront annoncées dans un an, en 2014.

A ce stade, je ne puis dire combien de bases de défense pourraient être fermées. Il y a encore des discussions très importantes au sein du ministère à ce sujet. On ne peut donner d'informations précises.

Pour ce qui est des contrats de prestations, il existe un bilan assez précis de l'externalisation dans le domaine de l'alimentation. Je pourrais vous communiquer ces éléments. Je n'ai par contre pas d'indications globales...

M. Jean-Louis Carrère, président. - Ce serait pourtant intéressant...

M. Gilbert Roger. - Les collectivités territoriales savent le faire. On peut vous y aider !

M. Jean-Paul Bodin. - Je vous ferai parvenir les chiffres dont nous disposons...

La vente des immeubles parisiens risque-t-elle d'entraîner une inflation du prix du mètre carré à Paris ? Une grande partie de ces immeubles va être vendue comme immeubles de bureaux. Il a été fait en sorte que l'objectif de logement social porte sur une partie de l'îlot Saint-Germain. Les immeubles de Bellechasse, de Saint-Thomas d'Aquin ou de rue de La Pépinière seront vendus comme immeubles de bureaux. Je ne sais quelles conséquences cela aura sur le prix du mètre carré des immeubles de bureau...

M. Jean-Louis Carrère, président. - Je ne suis pas sûr que cela en ait beaucoup, compte tenu du peu de gens qui y sont pour l'instant logés...

M. Jean-Paul Bodin. - Concernant l'accompagnement social des restructurations, nous disposons d'un tableau extrêmement précis du coût du plan, année après année, pour les civils comme pour les militaires. Nous allons vous le faire parvenir. Les choses sont détaillées par indemnité, avec indication des volumes de personnels pouvant en bénéficier et du coût.

Quant à l'accompagnement économique, l'enveloppe de 150 millions d'euros a été établie après les discussions avec la DATAR, à partir des dépenses faites dans l'actuelle LPM. On a déterminé un montant moyen par emploi supprimé. On y a affecté un mécanisme de pondération, selon la situation économique des territoires, pour aider les communes les plus impactées, et celles qui ont le plus de difficultés économiques. On pourra là aussi vous communiquer ces éléments.

Vous avez évoqué l'infrastructure opérationnelle et les centres d'entraînement. Tout un travail a été fait pour la mise à niveau des grands camps d'entraînement de l'armée de terre, où l'on a des problèmes d'infrastructures, d'accueil, d'hébergement, mais aussi de dépollution, de centres de tir et autres.

Il y a dans l'enveloppe des crédits d'infrastructures une partie spécifique consacrée à la partie entraînement des armées. On pourra vous en donner le chiffre précis.

Vous m'avez par ailleurs interrogé sur le sujet des locations et de la vente d'immeubles de bureaux. Si l'on réfléchit à la location, ce n'est pas pour s'installer en centre-ville ! Nous possédons encore, dans quelques grandes villes de province, quelques casernes qui abritent uniquement des bureaux. Quand nous nous interrogeons pour savoir si nous les conservons ou non, ce n'est pas pour relouer à prix élevé, en centre-ville !

Sur le bilan financier de l'opération Balard, je vous ferai parvenir un document sur ce sujet, avec une analyse de la répartition des loyers et des économies que l'on doit faire. L'opération Balard est financée par les économies de fonctionnement que nous pensons réaliser grâce au regroupement, mais aussi grâce à la diminution d'emplois, notamment dans les structures de soutien, où l'on transforme des crédits de titre II en crédits de fonctionnement. On pourra vous faire parvenir ces éléments...

Quant au rapport coût efficacité de la reconversion, des analyses ont été réalisées par l'agence de reconversion sur le nombre de personnels que l'on a réussi à aider. On est autour de 74 à 76 % de reclassement. Des analyses des coûts de fonctionnement interne, mais aussi des coûts de prestations, de formations et autres ont été menées. On peut donc vous apporter des éléments sur ce point.

S'agissant du reclassement du personnel militaire au sein des collectivités locales, les résultats sont moins importants que ceux attendus. Cependant, les reclassements en début de période, dans l'ensemble de la fonction publique d'Etat, ont approximativement été ceux que l'on espérait, mais ils commencent à connaître des aléas, les autres ministères ayant eux-mêmes des difficultés de gestion de leurs personnels.

Sur le contrôle de l'exécution budgétaire, Monsieur le Président, vous avez fait allusion aux réunions que nous avons périodiquement avec vous...

M. Jean-Louis Carrère, président. - On n'a pas défini de fréquence, ni de rythme...

M. Jean-Paul Bodin. - Aujourd'hui, c'est de l'ordre de deux réunions par an.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Il est peut-être compliqué pour vous de nous fournir les réponses aux questions que nous vous adressons...

M. Jean-Paul Bodin. - Il faudrait que l'on puisse faire coïncider ces réunions avec celles du comité de gestion interne du ministère, au cours duquel on présente des éléments d'analyse au ministre. On peut alors prendre un certain nombre de décisions de réorientation en matière de gestion. Il faut que l'on essaye de bâtir un calendrier...

M. Jean-Louis Carrère, président. - Je propose que les services du ministère et des deux commissions puissent travailler pour trouver la bonne méthode...

M. Jean-Paul Bodin. - Je vous propose d'aborder cette question avec la direction des affaires financières, qui prépare l'ensemble des dossiers pour les réunions que nous avons avec vous.

Pour ce qui est d'une réunion trimestrielle, nous allons avoir un problème avec le premier trimestre de l'année. Il va falloir étudier comment organiser cela.

Général Bertrand RACT-MADOUX
Chef d'état-major de l'armée de Terre

Le 18 septembre 2013

M. Jean-Louis Carrère, président . - Mon général, c'est toujours avec un grand plaisir que nous vous accueillons. Permettez-moi tout d'abord de vous remercier très chaleureusement pour votre accueil aux universités d'été de la défense à Pau, au cours desquelles nous avons pu mesurer l'étendue des savoir-faire de l'armée de Terre ... Et l'étendue de ses besoins en matière de modernisation des équipements.....

Le projet de loi de programmation militaire est désormais soumis à notre examen. Nous souhaitons entendre vos analyses. Aussi, je serai très bref et me bornerai à quelques grandes interrogations :

- Le nouveau contrat opérationnel de l'armée de Terre vous semble-t-il cohérent et soutenable compte tenu des moyens alloués ?

- Quelle part l'armée de Terre prendra-t-elle aux futures déflations d'effectifs, qui porteront pour un tiers sur l'opérationnel ? Vous disiez préférer des fermetures à des réductions saupoudrées, qui anémient les unités : qu'en sera-t-il ?

- Que signifiera concrètement la « différenciation » - n'est-ce pas un cache misère de l'instauration d'une armée à deux vitesses, tant en termes d'entraînement que d'équipement ?

- La préparation opérationnelle et la disponibilité des matériels ne se redresseront au mieux qu'en 2016. La LPM fixe un objectif à 90 jours d'entraînement (plus les OPEX), alors que nous considérions les 105 jours actuels de l'armée de Terre comme insuffisants... Comment l'armée de Terre va-t-elle vivre cette période ?

- Qualité du recrutement, fidélisation et cohésion civils-militaires me semblent trois points de fragilité en matière de ressources humaines. Quelle est votre analyse ?

- Enfin, quel est votre principal point de vigilance : le lancement du programme SCORPION ?

Nous serons collectivement - et peut-être même unanimement ? - attachés à renforcer, dans le projet de loi de programmation, le contrôle parlementaire de son exécution. Je suis aussi très attentif à tout ce qui peut renforcer le lien armée-nation, et ouvert à vos suggestions dans ce domaine. Vous avez la parole.

Général Betrand Ract-Madoux, chef d'état-major de l'armée de Terre - Je vous remercie de m'offrir l'opportunité de m'exprimer devant la représentation nationale. Le Livre blanc, sur lequel vous m'aviez entendu le 12 juin dernier, franchit avec ce projet de loi de programmation militaire 2014-2019 une étape décisive. Les contextes géopolitique et économique nous rappellent avec acuité la portée stratégique de cette loi, mais aussi l'enjeu ambitieux et complexe qu'elle porte.

Ce projet de loi me semble rechercher le meilleur point d'équilibre possible entre l'indispensable redressement des comptes publics et l'absolue nécessité pour la France de conserver une défense forte. Dans ce but, la Nation s'apprête à consentir un effort important en sanctuarisant pendant trois ans le budget de la Défense. Cet effort a pour objectif de maintenir la France au premier rang stratégique. Pour ce faire, le projet de loi de programmation militaire met en avant d'une part le rôle déterminant de la préparation opérationnelle et d'autre part l'importance des équipements pour disposer de forces opérationnelles performantes.

De fait, les objectifs de préparation opérationnelle fixés dans le projet de loi permettent à l'armée de Terre de satisfaire son contrat tandis que le plan d'équipement poursuit le renouvellement des matériels terrestres les plus essentiels. Toutefois, l'atteinte de ces objectifs est subordonnée à la bonne exécution de la programmation telle qu'elle est prévue. Elle nécessitera donc un volontarisme budgétaire dont la précédente LPM n'a pas pu bénéficier compte tenu du contexte économique. Deux défis majeurs attirent toute mon attention : en premier lieu l'effort considérable de réduction d'effectifs car il pourrait avoir des effets sur la cohérence du modèle d'armée ; en second lieu les conditions d'exercice du métier militaire et de vie du personnel car elles conditionnent notre capacité à réussir cette réforme. De ce point de vue, le moral de nos hommes, qui découle directement de leur condition de vie et de travail, constitue à mes yeux un enjeu central d'autant plus qu'il est un des facteurs de leur efficacité opérationnelle. Mes responsabilités dans ces domaines m'imposent donc de disposer des leviers d'action pour pouvoir les exercer en toute plénitude.

Pour commencer, l'effort conséquent marqué dans la loi de programmation militaire sur l'équipement des forces permet de poursuivre le processus de renouvellement des matériels. Il permettra à l'armée de Terre de disposer des capacités essentielles dont elle a besoin. Pour s'adapter au nouveau contrat opérationnel et aux ressources budgétaires, le futur plan d'équipements prévoit malheureusement des reports d'opérations, des réductions de cibles et un étalement des livraisons des matériels. Ceci nécessitera donc de trouver un équilibre entre le prolongement des parcs les plus anciens et un rythme de modernisation progressif. Cet équilibre imparfait fera apparaître des réductions temporaires de capacité. Le volontarisme budgétaire et l'application rigoureuse de la programmation éviteront d'en aggraver les effets et de dégrader ainsi la capacité opérationnelle de l'armée de Terre.

Le lancement dès 2014 de la première étape du programme Scorpion permet d'entamer le renouvellement des équipements médians et de moderniser les capacités des unités de combat à l'horizon 2020. L'inscription dans le projet de loi de programmation militaire de cette opération fondamentale pour l'avenir de l'armée de Terre constitue donc une source de soulagement. Toutefois, ce programme devra faire l'objet d'un suivi et d'un effort prononcé pour garantir le remplacement à temps du véhicule de l'avant blindé -le VAB- de l'AMX 10 RC et de l'ERC 90, sous peine de devoir les employer jusqu'en 2030. L'AMX 10 RC aura alors 50 ans ! Le respect du cadencement et des cibles de livraison des systèmes structurants que sont le véhicule blindé multi-rôle (le VBMR), l'engin blindé de reconnaissance et de combat (l'EBRC) et le système d'information Scorpion (SICS) est donc devenu capital. Ce volontarisme budgétaire est d'autant plus important que la LPM précédente, n'ayant pas réellement respecté la priorité que prévoyait le Livre blanc de 2008 sur la remise à niveau des moyens aéroterrestres, a vu le programme Scorpion reporté d'environ trois ans. Par ailleurs, les réductions de cibles dont il a été l'objet méritent également d'être soulignées car elles nous imposent de prolonger les parcs anciens. Si la précédente LPM prévoyait d'équiper deux régiments en EBRC en 2020 et de livrer près de 1 000 VBMR, la prochaine LPM permettra quant à elle d'équiper un seul peloton EBRC à la même date et de livrer 200 VBMR. Le retard ainsi accumulé ne pourra pas être rattrapé. Tout nouveau report du programme ou toutes nouvelles réductions de cibles entraîneraient de fait une rupture capacitaire sur les moyens de combat médians. Cette situation serait difficilement compréhensible au regard des renoncements qu'a acceptés l'armée de Terre sur d'autres matériels.

Surtout, il ne faut pas écarter les risques que nous ferions prendre à nos hommes en ne leur permettant pas de disposer au bon moment du bon matériel.

Concernant les autres fonctions opérationnelles, les trajectoires envisagées font apparaître de longues réductions temporaires de capacité. La diminution du parc d'hélicoptères de manoeuvre - Puma, Cougar, Caracal et NH90 - d'environ 20% fragilisera la capacité d'héliportage de l'armée de Terre. La fonction logistique est la plus touchée. Les besoins liés au remplacement des camions ne seront couverts qu'à hauteur de 40%. Ces réductions temporaires de capacité ne pourront être atténuées que par un vieillissement prolongé des matériels actuels.

Malgré la baisse programmée du nombre d'équipements, le besoin en entretien augmente sous l'effet conjugué de la coexistence des matériels d'ancienne et de nouvelles générations, de l'allongement du cycle de renouvellement des équipements et des hausses économiques du coût des facteurs. À cela, s'ajoute une pression supplémentaire liée à la remise aux standards « métropole » des matériels fortement sollicités, lors des opérations du Liban, d'Afghanistan, de Libye et du Mali et dont une grande partie nécessite des réparations très lourdes. Cette augmentation du coût de l'entretien programmé des matériels n'est qu'imparfaitement compensée par l'accroissement des crédits correspondants.

La priorité accordée au soutien aux opérations extérieures permet d'atteindre une disponibilité technique très satisfaisante de l'ordre de 92%. Mais cet effort se fait au détriment des unités stationnées en métropole, en particulier les unités d'hélicoptères, portant préjudice à la qualité de leur préparation opérationnelle.

Le maintien de la capacité opérationnelle des forces et de leur dotation en équipements repose donc sur la volonté d'exécuter fidèlement les dispositions du projet de loi de programmation et sur le suivi régulier de cette exécution.

La préparation opérationnelle constitue la seconde priorité du projet de loi de programmation militaire. Les objectifs que celui-ci fixe en matière d'activités permettront à l'armée de Terre de remplir dans la durée son contrat opérationnel. Cependant, le maintien, au moins jusqu'en 2016, d'un niveau d'entraînement d'emblée inférieur aux objectifs pose un défi de taille. L'expérience accumulée au cours des récentes opérations ainsi que les bonnes pratiques mises en oeuvre par l'armée de Terre amortissent les effets négatifs de cette situation. Sans garanties budgétaires, ces bonnes pratiques ne suffiront cependant pas à écarter le risque d'une dégradation progressive de la capacité opérationnelle à plus long terme.

Vous le savez, la préparation opérationnelle est un facteur clef de l'efficacité des forces terrestres. En effet, comme les démonstrations aux universités d'été de la Défense à Pau vous l'ont montré, la diversité et la complexité des missions exigent un niveau d'entraînement adapté à la spécificité de chaque engagement. Nous n'attendons évidemment pas les mêmes réactions de nos hommes selon qu'ils opèrent au service de nos concitoyens en mission de protection du territoire national ou qu'ils se battent sur un théâtre d'opérations extérieures face à un ennemi acharné et déterminé. Pour autant, il s'agit bien des mêmes soldats qui, à quelques mois d'intervalle, devront gérer la complexité propre à chacune de leurs missions et dont nous exigeons qu'ils emportent la décision. Enfin, il n'y a pas d'opérations sans risque. Pour y faire face, nos soldats ont besoin d'être correctement entraînés car leur meilleure protection repose sur la qualité de leur préparation opérationnelle.

La réalisation de l'objectif fixé dans le projet de loi de programmation militaire, de 90 journées de préparation opérationnelle et de 180 heures de vol, hors simulation, permet à l'armée de Terre de remplir dans la durée son contrat opérationnel. Néanmoins, pas plus qu'en 2013, le niveau de ressource inscrit ne permettra d'atteindre ces cibles en 2014 et en 2015. Il ne devrait pas être possible de réaliser plus de 83 journées de préparation opérationnelle et 156 heures de vol. Cette situation perdurant depuis trois ans, l'armée de Terre « vit sur ses acquis ». Les raisons tiennent essentiellement aux mesures d'économies décidées entre 2009 et 2012. Elles ont, entre autres, eu pour effet de réduire les crédits d'activités, ceux dédiés à l'entretien programmé des matériels et aux opérations d'infrastructures associées, produisant par voie de conséquence une dégradation progressive des conditions d'entraînement. L'effort inscrit en LPM au profit de l'activité devrait permettre d'enrayer ce processus en stabilisant le niveau de préparation opérationnelle à terme.

Si les conséquences de cette dégradation ne se font pas sentir en opérations extérieures, où les forces terrestres continuent à se comporter remarquablement, c'est en raison de leur expérience, acquise au fil des projections et des bonnes pratiques adoptées par l'armée de Terre en matière d'entraînement. Pour autant, il faut redouter les effets de cette dégradation à plus long terme si les objectifs du projet de LPM en matière de préparation opérationnelle se révélaient hors d'atteinte.

Le taux élevé d'engagement des forces terrestres contribue encore actuellement à aguerrir nos hommes et à entretenir leurs compétences. De fait, les forces Terrestres ont profité au Mali d'un capital constitué par l'expérience acquise notamment en Côte d'Ivoire et en Afghanistan, mais aussi outre-mer. Or ce capital se réduira s'il n'est pas entretenu. C'est pourquoi, l'armée de Terre privilégie l'armement des forces prépositionnées et des forces de présence par du personnel en mission de courte durée. Outre les économies générées par rapport au personnel permanent outre-mer, cela permet chaque année à plus de 60 unités de combat de remplir des missions contribuant directement à leur préparation. C'est également la raison qui nous conduit à employer nos soldats pour la protection de nos emprises, économisant ainsi des forces dédiées à cette seule mission.

En outre, afin d'optimiser l'emploi de ressources comptées, l'armée de Terre décline de longue date les principes de différenciation de la préparation et le principe de mutualisation des moyens, prescrit par le Livre blanc. Ainsi, la préparation opérationnelle différenciée adapte depuis 2008 la durée et le contenu de la préparation au type d'engagement, permettant d'en contenir les coûts. De même, l'emploi mutualisé et la gestion spécifique des parcs pratiqués depuis 2006, l'utilisation de matériels de substitution et le recours à la simulation optimisent quant à eux l'emploi des engins et réduisent leur coût d'entretien. Cependant, ces politiques innovantes mises en oeuvre pour optimiser les ressources de l'armée de Terre dans une logique de préparation opérationnelle et d'emploi produisent maintenant tous les effets attendus. Il n'existe de ce fait plus beaucoup de marges d'optimisation au sein de l'armée de Terre.

En matière d'infrastructure, telle que les stands de tir et les camps d'entraînement, la poursuite des efforts programmés devrait permettre aux forces terrestres de disposer d'ici 2020 des moyens dont elles ont besoin.

Dans l'hypothèse où l'objectif d'activité fixé dans la LPM à 90 journées de préparation opérationnelle et à 180 heures de vol hors simulation ne serait pas atteint en 2016, cela signifierait une diminution de la capacité opérationnelle et le risque d'une baisse du niveau de qualification du personnel devant être engagé en opération. Il s'agit d'un enjeu important qui mérite une très grande vigilance afin de remonter à temps, au niveau voulu.

La diminution des effectifs prévue dans le projet de loi de programmation militaire représente un effort considérable pour les armées. Elle est de ce fait sans doute perçue comme la mesure la plus difficile à mettre en oeuvre. Une répartition équilibrée de la charge de déflation entre tous les acteurs au sein du ministère me semble centrale car elle conditionnera à la fois la cohérence du modèle d'armée avec le contrat opérationnel et l'acceptation de la réforme.

Le projet de LPM prévoit la suppression de 23 500 postes au sein de la mission Défense dont 9 000 postes au sein des forces opérationnelles et 14 500 postes au sein du soutien, de l'administration et de l'environnement. S'agissant de l'armée de Terre, la stratégie de défense fixe à 66 000 hommes projetables, c'est-à-dire entraînés, aptes et disponibles, le format de la force opérationnelle terrestre, aujourd'hui ce format étant de 71 000 hommes. Cela se traduira par la déflation du volume d'une brigade interarmes, nécessitant par voie de conséquence la fermeture de plusieurs garnisons.

L'objectif de déflation hors forces opérationnelles constitue à mes yeux un défi d'ampleur compte tenu des difficultés qu'il posera pour être atteint. Il me semble d'abord utile de rappeler que les fonctions de soutien, les structures organiques, l'environnement et l'administration ont déjà supporté un effort important de rationalisation et de réorganisation lors de la précédente réforme. L'identification des marges de rationalisation restantes sera donc difficile. Il est par ailleurs indispensable que cette réorganisation ne débouche ni sur une dégradation du soutien aux activités opérationnelles ou à leur sécurité, ni sur des défauts d'administration préjudiciables à la condition du personnel. La volonté du ministre de la Défense de « prendre le temps » nécessaire pour analyser et pour dialoguer est de ce point de vue un gage d'assurance. Surtout, il faut considérer la part de déflation qui sera imputée aux services interarmées et aux directions du ministère, au sein desquels le personnel de l'armée de Terre occupe une place importante. L'expression de la volonté politique de préserver les forces opérationnelles fait porter l'effort le plus important sur les autres secteurs de la mission défense. Elle appelle donc une répartition équilibrée des volumes de déflation et la juste identification des contributions de chaque armée et de chaque service, au risque de voir in fine la charge se reporter sur les forces opérationnelles.

Le second défi concerne les objectifs liés au taux d'encadrement. L'effort de dépyramidage qui vise à porter à 16% le pourcentage d'officiers se traduit par un objectif de diminution au sein du ministère d'environ 5 800 postes de cette catégorie. Concernant l'armée de Terre, il me semble utile de préciser que son taux d'encadrement est actuellement d'environ 12% et qu'il ne représente plus que 8% au sein de la force opérationnelle terrestre, un des taux les plus bas comparé aux armées européennes équivalentes. Ce taux est d'ailleurs stable depuis 2010 puisque l'armée de Terre a diminué le nombre de ses officiers au même rythme que les autres catégories de personnel.

Si la poursuite de cet objectif ministériel devait se traduire par une telle déflation, réduisant encore le taux d'encadrement dans l'armée de Terre, les conséquences en seraient particulièrement déstructurantes. Il me semble donc légitime que cet objectif ambitieux soit équitablement réparti au sein du ministère, entre armées et services, entre personnels civils et personnels militaires, pour que l'armée de Terre n'ait pas, en fin de LPM, un taux d'encadrement en officier et en sous-officier déraisonnablement bas.

Le dernier défi à relever, étroitement conditionné par le précédent, est lié à la maîtrise des dépenses de masse salariale. Son évolution est dictée par le respect des trajectoires de déflation et l'application des arrêtés de contingentement par grade qui touchent trop drastiquement le corps des officiers et celui des sous-officiers. Cette nouvelle règle contraint fortement la manoeuvre de réduction de postes. La difficulté consiste à concilier l'application de ces dispositions sans remettre en cause le nouvel ordre de bataille de l'armée de Terre.

La remarquable capacité d'adaptation et l'abnégation dont notre personnel a fait preuve pour mettre en oeuvre avec un certain succès la précédente réforme, tout en apportant la contribution humaine la plus forte aux engagements opérationnels, justifient l'attention qui lui est due. Ce nouvel effort a bien naturellement des effets sur le moral. Le contexte économique national amplifie d'ailleurs la perception globalement pessimiste que partagent nos concitoyens quant à leur avenir. Tout ceci accentue donc les inquiétudes du personnel et contribue à alimenter un sentiment de lassitude, voire de mécontentement. Vous avez compris que la question des effectifs que je viens d'évoquer constitue le point clé de mon appréciation de situation.

Le réalisme et la sincérité nous obligent à constater qu'avec un niveau de ressource constant jusqu'en 2015, la priorité donnée aux équipements et à la préparation des forces se traduira mécaniquement par des tensions dans plusieurs domaines que je souhaite évoquer devant vous. Contraignant les conditions d'exercice du métier militaire et les conditions de vie, ces tensions pourraient avoir des effets sur la capacité opérationnelle et sur le moral.

Dans le domaine de l'infrastructure, je redoute une dégradation des conditions de vie et de travail dans les régiments. Les renoncements sur la période 2009-2014, d'un volume de 34% des crédits initialement programmés ont conduit à reporter sur la période 2014-2019 et au-delà, la réhabilitation des infrastructures de vie courante. A titre d'exemple, initialement prévue en 2013, la fin du plan d'hébergement des militaires du rang, le plan Vivien, a dû être reporté en 2017, obligeant beaucoup d'entre eux à être logés dans des conditions précaires. Ces reports d'investissement se traduisent donc par d'importants besoins en maintien en condition que la LPM 2009-2014 n'a pas permis de satisfaire. Il en résulte un retard dans les opérations de maintenance qui exigera un effort accru en ressources pour être comblé. Il s'agit d'une préoccupation majeure car touchant les conditions de vie et de travail, ces mesures affectent directement le moral du personnel.

S'agissant du soutien de l'homme, le cadrage budgétaire du projet de loi de programmation militaire pourrait obliger à revoir à la baisse le standard d'équipement du combattant (les tenues de combats, les équipements individuels et les éléments de protection) et à diminuer ses droits à dotation. Cela se traduit aussi par des tensions sur notre capacité à équiper les forces, risquant de créer une situation de pénurie temporaire en cas de déclenchement d'une intervention d'urgence.

Les mesures d'économie sur le fonctionnement touchent également les conditions de vie et d'exercice du métier dans le domaine de l'alimentation et de la formation. J'ai ainsi été amené en 2013 à réduire, pour l'armée de Terre, le coût des denrées par repas à 3,20 euros. S'agissant de la formation, une mesure envisagée de suppression du stage de nos jeunes officiers au centre d'aguerrissement du désert de Djibouti et au centre d'aguerrissement en forêt équatoriale de Guyane les priverait d'évidence d'une expérience opérationnelle pourtant indispensable.

Au bilan, il faut éviter que la dégradation des conditions de vie et de travail et que l'enchaînement des réformes n'affectent la motivation et la satisfaction que leur engagement procure à nos soldats.

Enfin je souhaiterais aborder le sujet de la modernisation de la gouvernance du ministère. L'objectif consistant à clarifier les responsabilités est capital pour conduire efficacement cette réforme et en garantir l'acceptation. Il me semble donc crucial que les chefs d'état-major d'armée puissent conserver les leviers leur permettant de garantir la cohérence de l'armée dont ils ont la charge. Nous avons expérimenté, avec la défaillance de l'écosystème de solde, les limites d'une approche trop fonctionnelle. Pour renforcer la nouvelle gouvernance du ministère et dans la logique de la priorité à l'opérationnel, il est indispensable de mettre en place des mécanismes de coordination et de subsidiarité permettant aux chefs d'état-major d'armée d'être d'une part les responsables, mais surtout les chefs d'orchestre de la préparation de leur force et d'assurer la cohérence des moyens mis à leur disposition.

En conclusion, la loi de programmation 2009-2014 s'est révélée inatteignable en raison d'hypothèses budgétaires volontaristes qui n'ont finalement pas pu être tenues. L'armée de Terre n'a pas pu bénéficier de tout l'effort prévu pour renouveler ses équipements. De même, les mesures d'économies dont elle a fait l'objet ont hypothéqué l'atteinte de ses objectifs d'activités. Le projet de LPM 2014-2019 me semble quant à lui se présenter aujourd'hui convenablement, à la manoeuvre de déflation des effectifs près, qui restera délicate à conduire.

Permettez-moi pour finir, de vous remercier chaleureusement du soutien apporté par votre commission aux hommes et femmes de l'armée de Terre, que ce soit sur les théâtres d'opérations, au côté de nos familles et de nos soldats dans les moments difficiles et plus récemment à l'occasion des travaux du Livre blanc et des universités d'été de la Défense.

M. Jean-Louis Carrère, président . - Sans préjuger des décisions de la commission, je pense que nous aurons à coeur de renforcer les clauses de sauvegarde financière, en particulier concernant les recettes exceptionnelles, d'instaurer une clause de « retour à meilleure fortune » permettant d'envisager une augmentation ultérieure des crédits consacrés à la défense, en fonction de la croissance. Le « plancher » de dépenses actuel n'est pas notre objectif ultime, qui reste, je l'ai dit maintes fois, celui de 2% du PIB en norme OTAN. Le renforcement du contrôle parlementaire de l'exécution pourrait prendre deux formes : des réunions plus fréquentes qu'actuellement avec le Gouvernement, je l'ai déjà proposé au ministre, voire un rapport et un débat annuels au Parlement sur l'exécution de la loi de programmation militaire. Notre volonté est de s'assurer que, cette fois-ci, la programmation sera bien respectée.

Les objectifs de déflation d'effectifs sont en effet importants et je reçois votre argumentation sur la nécessité d'une harmonieuse répartition des déflations entre armées et services. J'observe toutefois que la suppression de 20 000 emplois lors de la précédente loi de programmation ne s'est pas traduite par une diminution de la masse salariale à la hauteur de nos attentes....

Je partage votre analyse en matière de préparation opérationnelle, et aussi, je le dis, de maintien en condition opérationnelle, dont le coût ne cesse de croître. Nous serons vigilants sur le respect des engagements du gouvernement.

S'agissant du moral, avec des objectifs clairs et précis, nous pouvons mobiliser les personnels. Je m'inquiète toutefois du fossé qui se creuse entre l'armée et la Nation.

Général Betrand Ract Madoux - Concernant le lien Armée - Nation, je crois que l'armée de Terre l'incarne admirablement. Notre ancrage territorial et la diversité de notre recrutement nous rapprochent naturellement de nos concitoyens qui, de leur côté, perçoivent le rôle de l'armée de Terre comme celui le plus important pour leur défense.

L'absence de réduction de la masse salariale et l'augmentation des taux d'encadrement constituent des raisons volontiers invoquées pour dépyramider et pour civilianniser. Ces prétextes suscitent d'autant plus d'incompréhension dans les rangs qu'ils reposent sur un argumentaire discutable. Ainsi, il faut rappeler que la réforme précédente prévoyait de revaloriser la condition militaire en y consacrant la moitié des économies réalisées. En la matière, nous n'avons fait qu'appliquer la loi, la Défense étant d'ailleurs loin de l'évolution connue dans certains autres ministères. Le Livre blanc de 2008, quant à lui, a décidé d'orientations stratégiques nécessitant du personnel expérimenté et hautement qualifié : la réintégration de la France dans l'OTAN et le renforcement de la fonction connaissance-anticipation. Enfin, l'armée de Terre a également dû généraliser le statut officier à 490 sous-officiers pilotes d'hélicoptères pour s'aligner sur les autres armées. Je souligne que le taux d'encadrement de l'armée de Terre est malgré tout resté stable. S'agissant de la civilianisation, nous sommes naturellement très attachés au personnel civil. Toutefois, la comparaison de la rentabilité entre ce dernier et le personnel militaire, mesurée par les coûts et le temps de travail, me semble contestable dans les chiffres et inopportune dans son approche. Ce type d'analyse, rarement bien perçue par ceux qui en font l'objet, présente le risque de fragiliser la cohésion entre le personnel militaire et le personnel civil, par ailleurs très solide dans l'armée de Terre.

M. Jacques Gautier . - Je voulais tout d'abord souligner la qualité des démonstrations de l'armée de Terre lors des Universités d'été de la défense à Pau, qui ont montré une grande maîtrise de savoir-faire de haut niveau. Rencontrez-vous toujours les problèmes de recrutement connus par le passé, avec 1,3 candidat pour un poste à pouvoir ? Pour les équipements, nous connaissons les étalements et les réductions de cibles s'appliquant à l'armée de Terre : s'il n'y avait qu'un seul programme à soutenir, lequel serait-ce ? Qu'en est-il du VBAE (Véhicule Blindé d'Aide à l'Engagement) que nous avons vu apparaitre, puis disparaitre... La réduction des cibles est importante pour les hélicoptères, qu'il s'agisse des hélicoptères de manoeuvre ou de combat. Envisageriez-vous de rénover une quinzaine de Gazelle pour prolonger leur service de 10 ans ? Nous connaissons les difficultés rencontrées en matière de pièces de rechange -aujourd'hui l'ALAT ne peut faire voler qu'un hélicoptère sur deux !-. Pourquoi avoir choisi de mettre en concurrence une société portugaise, pour le maintien en condition opérationnelle, avec le service industriel de l'aéronautique (SIAé) ?

M. Daniel Reiner . - Je partage ces questions et comme nous nous voyons prochainement de façon plus approfondie, mon Général, je me bornerai ici à une seule interrogation : quelle est la méthode retenue pour ventiler les déflations d'effectifs entre les trois armées ?

M. Joël Guerriau . - Quelles seront les unités concernées par des fermetures -on parle du 3 ème RPIMA de Carcassonne, unité prestigieuse- ? Prendre le temps du dialogue est une bonne chose, mais les inquiétudes montent.

Général Bertrand Ract Madoux - Le VBAE est repoussé au-delà de l'horizon de la loi de programmation militaire, nous prolongerons donc le véhicule blindé léger (VBL) qui a fait merveille au Mali. Vous avez raison, les réductions de cibles sont drastiques pour les hélicoptères mais les programmes sont cependant consolidés. La cible du Tigre passe de 80 à 60 appareils mais dans la version appui-destruction (HAD) c'est à dire la plus puissante. S'agissant du NH90, même si nous nous réjouissons de la commande de 34 appareils passée en mai dernier, la cible passe de 133 à 68 hélicoptères. Nous devrons donc « tenir » grâce au prolongement des Gazelle et des Cougar. Comme vous le savez, l'armée de Terre a dû supprimer 3 900 postes de mécaniciens depuis 2008. Le recours à des marchés d'externalisation pour assurer la maintenance des matériels est donc inévitable. Le cas que vous citez concerne un appel d'offre émis pour assurer le soutien du Puma. Une société portugaise, effectuant ce type de prestation depuis 2003, a effectivement répondu à l'appel d'offre.

Concernant le recrutement, nous avons désormais trois candidats pour un engagé volontaire. Les problèmes de recrutement sont donc derrière nous, en raison notamment d'une meilleure fidélisation. L'armée de Terre récolte ainsi les fruits de la politique volontariste entamée depuis plusieurs années de ce domaine.

Vous le savez, nous allons perdre l'équivalent d'une brigade interarmes, soit un état-major de brigade, qui est choisi et qui sera désigné fin 2014 ; 2 régiments d'infanterie, l'un est choisi et sera désigné à la fin du mois, l'autre sera choisi parmi plusieurs propositions. Le 3 ème RPIMA, parmi d'autres régiments, fait partie des hypothèses de travail. Un régiment de cavalerie sera également dissout, il sera désigné à fin du mois et un régiment de cavalerie sera déplacé. J'espère ne pas avoir à dissoudre plus de 4 - voire 5 - régiments. En complément, des ajustements capacitaires seront effectués, en particulier dans le génie et les transmissions.

Il me semble que la problématique des restructurations territoriales ne soit pas le marquant de cette loi de programmation. La difficulté principale se posera dans l'environnement des forces. Le défi consistera à identifier les postes à supprimer dans des fonctions déjà rationnalisées depuis des années. Nous savons bien qu'il n'y a pas beaucoup de marge : ce sera donc très difficile.

M. André Vallini . - Quelle est votre appréciation sur les dispositions tendant à lutter contre la judiciarisation inutile de l'action des militaires en opérations ?

M. Jean-Marie Bockel . - Que répondez-vous à ceux qui prédisent un décrochage de notre outil militaire, l'opération Serval étant en quelque sorte le « chant du cygne » de l'armée française ?

M. Jacques Berthou . - S'agissant du moral des militaires, comment réagissent-ils face à la technicité croissante de leurs équipements ? Les sous-officiers ont aujourd'hui des qualifications comparables à celle des ingénieurs du civil, et sont confrontés à des carrières aux perspectives limitées. Quelle incidence cela a-t-il ?

M. André Trillard . - Louvois a été une catastrophe pour le personnel et en termes d'images pour l'armée. Les problèmes de paiement de la solde sont-ils résolus ? Les arriérés ont-ils été réglés et les trop-perçus ont-ils été récupérés ?

Général Bertrand Ract Madoux - S'agissant des dispositions permettant de protéger les militaires contre une judiciarisation excessive, elles me semblent satisfaisantes et reçoivent donc mon soutien. Je fais naturellement confiance à la sagesse des magistrats, mais il me semble difficile d'apprécier a posteriori toute la complexité d'une action de combat. Je crois donc que les évolutions prévues dans le projet de LPM vont dans le bon sens.

Serval ne sera heureusement pas le « chant du cygne » de l'armée française et la loi de programmation n'organise pas le décrochage de l'outil militaire. Je n'aurais jamais avalisé le nouveau contrat opérationnel si j'avais eu des doutes sur notre capacité à reconduire une opération comme celle du Mali.

Vous avez raison de souligner que l'environnement dans lequel évoluent nos soldats est devenu particulièrement technique. Cette technicité est parfaitement bien perçue par le personnel car elle leur confère un niveau de responsabilité qui les valorise et les motive. Il existe en outre des fonctions qui requièrent de moindres qualifications. La question des perspectives limitées de carrière est plus liée à l'impact qu'aura la réforme sur l'avancement que sur le niveau de technicité de nos emplois.

Nous avons encore des incidents sur la paie qui perdureront tant que le calculateur ne sera pas soit stabilisé soit remplacé, cette décision n'étant pas encore prise. Le drame de Louvois réside dans l'enchaînement de décisions imprudentes ayant abouti à mettre en service un calculateur défaillant, dans un contexte de réforme précipitée par la fermeture simultanée des centres payeurs, les CTAC.

M. Jean-Louis Carrère, président . - Mon Général, je vous remercie pour cet échange particulièrement franc et instructif.

Amiral Bernard ROGEL
Chef d'état-major de la Marine

Le 19 septembre 2013

M. Jean-Louis Carrère, président. - Amiral, c'est avec un plaisir toujours renouvelé que nous vous accueillons à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Il n'y a pas très longtemps, vous avez été auditionné par notre commission. C'était en juin dernier. Vous nous aviez donné à l'époque un bon éclairage sur le Livre blanc et le format des armées qui en découle.

Pour nos trois armées nous ne pouvons qu'être frappés par la difficulté de contrôler des espaces aussi vastes avec de moins en moins de moyens. Mais, cela est particulièrement valable pour la marine dont l'espace de déploiement couvre tous les océans et en particulier les 11 millions de km 2 de zone économique exclusive.

Aujourd'hui, votre audition, après celle du CEMA et avec celle des autres chefs d'état-major, s'inscrit dans la perspective de la loi de programmation militaire.

Ma question est simple, je l'ai posée à vos collègues de l'armée de terre et de l'air : considérez-vous que la LPM traduit fidèlement le Livre blanc et, si oui, que le nouveau format de la marine sera cohérent avec les missions, les contrats opérationnels qui lui sont assignés ?

En un mot amiral, est-ce que nous devons voter ce texte ?

Avant de vous laisser répondre à cette question, je peux vous dire que l'ensemble de la commission soutient l'effort de défense et la démarche engagée collectivement à travers le Livre blanc. Je crois pouvoir dire que grâce à la mobilisation de l'ensemble des membres de la commission, indépendamment des couleurs politiques, nous avons contribué, je crois, à éviter le pire. Nous allons étudier ce texte avec vigilance en particulier s'agissant des garanties sur les ressources exceptionnelles et des modalités de contrôle de l'exécution de la LPM.

J'ai par ailleurs trois questions ponctuelles : quels sont les bâtiments français actuellement engagés dans l'opération Atalanta ? Où en est le bâtiment Aquitaine ? Avez-vous des projets en matière de mutualisation qui pourraient être évoqués lors du sommet de décembre ?

Amiral Bernard Rogel, chef d'état-major de la marine - Monsieur le Président, mesdames et messieurs les sénateurs, je suis heureux de revenir devant vous en cette rentrée pour débattre du projet de loi de programmation militaire. Vous avez bien voulu m'entendre en juin pour vous parler du Livre blanc. Nous voici à nouveau ensemble presque 3 mois jour pour jour après cette rencontre et il est prévu que nous nous revoyions à nouveau le mois prochain pour parler du projet de loi de finance 2014.

Je vous sais gré de cet intérêt, tant il me semble effectivement que les décisions qui sont susceptibles d'être prises engagent la nation et la marine pour longtemps. Car, comme vous le savez, la marine s'inscrit dans le temps long. En matière d'équipements navals, nous raisonnons en décennie. Ce que nous mettons en place aujourd'hui servira donc les générations suivantes.

Mon propos complètera ceux du ministre de la défense et du chef d'état-major des armées. Je vais m'attacher à détailler la partie qui concerne la marine.

Tout d'abord, à l'heure où nous parlons, nos forces navales sont toujours engagées. Elles réalisent des opérations tous les jours : nos moyens aéromaritimes sont déployés en ce moment en Méditerranée orientale dans le cadre de la fonction connaissance anticipation.

J'insiste sur le caractère fondamental de cette mission qui complète les informations obtenues par les moyens satellitaires. Elle prend une acuité tout à fait particulière aujourd'hui, mais, en réalité, cela fait des années que nous les réalisons ; nous ne sommes pas les seuls ! Les marines russes et américaines sont également présentes devant les côtes syriennes.

Nos commandos et nos Atlantique II poursuivent leur participation à l'opération Serval au Mali.

Le patrouilleur l'Adroit a appareillé il y a quelques jours pour participer dans le cadre du dispositif FRONTEX à une mission de surveillance de l'immigration illicite.

Pas plus tard que la semaine dernière, un de nos avisos et un remorqueur ont, avec l'appui de la Douane française, intercepté un bâtiment transportant une importante cargaison de drogue, le LUNA.S. L'opération s'est révélée d'ampleur après que l'équipage a mis le feu au bâtiment pour échapper au contrôle et détruire la marchandise. Nous estimons à 22 tonnes de drogue cette prise.

La semaine dernière également, la frégate de surveillance Nivôse, basée à La Réunion, en mission de souveraineté et de police des pêches, a appréhendé un bâtiment de recherche pétrolière en train de mener des activités illégales de recherche scientifiques dans notre ZEE dans le canal du Mozambique.

Ou encore nos multiples participations à l'action de l'Etat en mer : 121 opérations pour les seuls mois de juillet et août.

Au demeurant, si on revient quelques années en arrière sur la période de la LPM précédente, je constate que les opérations extérieures ont été nombreuses : mission de lutte contre la piraterie en Somalie en dans le Golfe de Guinée, mission de soutien en Côte d'Ivoire, intervention en Libye, intervention en Somalie. Or, la situation internationale n'est pas moins instable qu'il y a cinq ans, loin s'en faut. Voilà qui confirme, tant est que cela soit encore nécessaire, toute la pertinence des orientations proposées par le Livre blanc et ce projet de loi pour les années qui viennent.

Ces tendances, vous les aviez clairement analysées, ne serait-ce que par les enjeux maritimes, dont vous aviez détecté l'importance, et la croissance rapide de la présence en mer. Les faits vous donnent bien raison. Mais il faut continuer cette information car, vous le savez, beaucoup encore refusent obstinément de tourner leurs yeux vers la mer.

Nous avons, au bilan, une marine opérationnelle à la crédibilité internationale reconnue et à la réactivité exceptionnelle. Et je veux devant vous une nouvelle fois rendre hommage aux marins qui la servent.

Je constate que les marins mettent au quotidien toute leur énergie pour parvenir à ces résultats, en dépit des difficultés qu'ils rencontrent parfois. Ils témoignent d'un attachement fort à l'institution et leur enthousiasme est intact. C'est important de le noter.

J'en viens maintenant plus spécifiquement au projet de loi de programmation militaire.

En premier lieu, je voudrais revenir sur la cohérence. Ce texte me paraît cohérent à double titre :

- cohérent, tout d'abord, avec les orientations du Livre blanc et les principes énoncés. Il traduit, en particulier, concrètement, pour la marine, ce compromis recherché entre autonomie stratégique et effort budgétaire ;

- cohérent, également, avec la loi de programmation précédente, laquelle avait repoussé au-delà de 2014 le renouvellement des équipements aéromaritimes. Je me réjouis dans une situation budgétaire difficile que la logique initiée alors se poursuive dans ce projet de loi.

Notre pays s'apprête ainsi à acquérir de nouvelles capacités qui s'avèreront déterminantes pour ses futures missions :

- je pense au missile de croisière naval, qui nous permettra d'effectuer des frappes à grande distance à partir des frégates FREMM ou des sous-marins Barracuda ;

- je pense au tandem composé de la frégate multi-missions et de l'hélicoptère NH90 ou « Caïman Marine », qui nous redonnera des capacités anti-sous-marines performantes ;

- je pense à la livraison du premier sous-marin Barracuda en fin de LPM pour remplacer notre SNA de plus de trente ans d'âge, le Rubis.

A l'horizon 2025, une aurons une marine resserrée mais cohérente.

La cohérence, c'est aussi celle de la priorisation des dépenses, en particulier l'effort fait sur le maintien en condition opérationnelle, c'est-à-dire l'activité. Il est essentiel que cette priorité soit tenue, faute de quoi nous mettrions en péril nos capacités d'action, et ce à double titre :

Tout d'abord, parce que, comme je le disais à l'instant, nous réalisons des opérations permanentes qui constituent un socle d'activités incompressible.

Mais également parce que la force de la marine réside dans le savoir-faire et le professionnalisme de ses équipages, qui mettent en oeuvre des systèmes complexes à haute valeur ajoutée qui vont, faut-il le rappeler, du catapultage d'avions de chasse à la mise en oeuvre de centrales nucléaires, en passant par le lancement de missiles balistiques ou le suivi de données de situation sous-marines. Ce sont des savoir-faire qui se perdent facilement. Ces savoir-faire ne peuvent être gardés à leur meilleur niveau qu'au prix d'un entraînement soutenu, c'est-à-dire d'un volume suffisant d'activité à la mer ou en plongée et d'heures de vol.

La construction de nos nouveaux outils y contribuera, car elle s'inscrit dans une logique de maîtrise des coûts de mise en condition opérationnelle. Celui-ci est en effet contractualisé dès la conception. C'est le cas notamment pour les FREMM et les BARRACUDA.

La cohérence, enfin, c'est la réaffirmation pour la marine des principes de différenciation et de mutualisation pour conserver le spectre des missions dans un volume plus restreint. Ces principes, la marine les mettait déjà en oeuvre.

Nous différencions déjà :

- entre aviation de surveillance maritime pour l'action de l'Etat en mer et aviation de patrouille maritime pour les missions de haute intensité.

- ou encore entre les patrouilleurs et frégates de surveillance d'un côté et les frégates lourdes de l'autre.

Au large de la Syrie, nous avions au début une frégate légère furtive dès que la tension est montée, nous avons envoyé la frégate Chevalier Paul. Les deux niveaux sont utiles et se succèdent.

Nous mutualisions déjà nos moyens entre les différentes missions mais aussi entre les différentes nations :

- au plus fort d'Harmattan, nous avons dû désarmer temporairement à la fois notre présence dans le Golfe de Guinée, notre contribution à ATALANTA et une partie de nos missions permanentes assurées par nos sous-marins nucléaires d'attaque. Nous avons aussi parfaitement opéré avec la Royal Navy, ce qui a été à n'en pas douter le point de départ du Combined joint expeditionary force (force projetable interarmées multinationale) ;

- pendant le Mali, nous avons dû retarder la formation des équipages ab-initio des avions Atlantique II ;

- depuis la montée des tensions en Méditerranée orientale, nous avons allégé le dispositif en ATALANTA, puisque plus aucune de nos frégates ne participe aujourd'hui à cette mission.

Mais leur inscription dans le projet de loi permet de fixer un cap clair quant à l'emploi de nos moyens.

Ce projet de LPM est cohérent et réaliste, donc. Mais tout l'enjeu sera de faire en sorte que la feuille de route soit respectée comme elle est prévue, sans accroc ni à-coup dans son exécution afin de garantir l'efficacité de nos capacités d'action. Car le compromis décidé par le Livre blanc et le projet de LPM a été calculé au plus juste.

En juin dernier, je vous avais parlé des fragilités potentielles pour la marine. Je vous propose de les évoquer à nouveau à la lumière du texte du projet de loi pour illustrer ce qui devient désormais des points de vigilance, vigilance que, j'en suis certain, vous ferez vôtre.

Premier point de vigilance : la tension sur les effectifs. La principale difficulté, pour la marine, sera celle de la déflation des officiers. Il est prévu une déflation des officiers de l'ensemble des armées afin de maîtriser la masse salariale; c'est ce que l'on appelle le dépyramidage. Pour réussir cela il va falloir réussir à jouer sur les deux robinets qui régulent le flux : celui des recrutements et celui des départs : j'ai déjà fait prendre des mesures pour resserrer le recrutement ; par ailleurs, les mesures d'incitation au départ permettront sans doute d'affiner le haut de la pyramide. L'adoption de ces mesures est vitale sinon nous ne réussirons pas cette manoeuvre. Mais je vous l'ai dit à plusieurs reprises, il conviendra d'être particulièrement vigilant. C'est d'ailleurs, je ne vous le cache pas, mon principal sujet de préoccupation. La marine est une armée hautement technique : on parle ici de cadres qui doivent être capables de maîtriser des systèmes très complexes, des installations nucléaires, certes, mais ce ne sont pas les seules : centres de défense aérienne ou sous-marine, conduite de bâtiments complexes.

Avec les FREMM, nous passerons d'un équipage de 300 à un équipage de 100 marins mais cela est dû à l'automatisation poussée de tous les équipements. Vous pensez bien que ce que l'on cherche à préserver ce sont nos officiers et officiers mariniers de haut niveau. Cela devra être pris en compte lorsque les arbitrages seront pris.

Autre sérieux point de vigilance, celui du maintien des compétences. La gestion en micro-flux va s'accroître du fait de la coexistence d'outils de générations très différentes liée à l'étalement des programmes. Pour vous donner un exemple : le calculateur du système de combat central de nos frégates anti-sous-marines - aujourd'hui prévues d'être maintenues jusqu'en 2025 - date des années 70. Songez seulement à ce que représente un ordinateur de l'époque : ce qui tient aujourd'hui dans une micro-puce dans les téléphones que vous avez dans la poche occupe sur certains de nos bateaux la taille d'une armoire normande pleine de fils soudés. A la vitesse des évolutions technologiques, il y a un monde entre ces technologies.

Ces frégates restent néanmoins efficaces. Mais vous comprendrez que le maintien de compétences pour de tels équipements nécessite des formations très spécifiques qu'on ne trouve plus sur le marché. Ces spécialistes devront être sélectionnés parmi des viviers qui vont se restreindre au fil des déflations d'effectifs.

Il me faudra donc être très prudent sur cette gestion des flux de recrutement et de départ. La sensibilité aux à-coups pourrait s'accroître. Mais nous sommes condamnés à réussir cette manoeuvre, qui n'a rien d'évident.

Deuxième point de vigilance : une réduction des effectifs « hors forces » au-delà de 2014 qui doit être faite par une analyse fonctionnelle soignée. Je veux parler ici de la réduction de ce que l'on appelle le « hors forces » c'est-à-dire les 14 400 postes qu'il reste à identifier. Cette réduction d'effectifs porte en germes de nouvelles tensions. Et je pense naturellement aux organismes de soutien. La tension sur les bases de défense a un impact direct sur le fonctionnement des unités opérationnelles, je vous le disais en juin dernier.

Cette réduction ne doit pas être aveugle ni homothétique et nécessitera une étude approfondie par chaîne fonctionnelle afin de ne pas briser un soutien déjà fragile Cette analyse fonctionnelle, le ministre l'a décidée et réaffirmée, et je m'en réjouis car je l'ai personnellement appelée de mes voeux.

Cette analyse, qui permettra d'identifier les marges de manoeuvre sur l'ensemble du ministère, est indispensable. Et, une fois ces décisions prises, il faudra s'y tenir sur l'ensemble de la période sans coups de rabots supplémentaires imprévus.

Troisième point de vigilance: l'activité des forces ! Je vous disais à l'instant toute l'importance de la priorité qu'il faut accorder aux crédits qui lui sont consacrés. Car le taux d'activité consacre non seulement l'aptitude aux missions des équipages, mais aussi leur moral. Il est difficile de circonscrire à un périmètre restreint les crédits d'activité. S'il est évident que les crédits d'EPM et de MCO en font partie, les crédits d'achat de munitions, d'équipements embarqués, de fonctionnement y contribuent également. C'est pour cela que l'équilibre interne des budgets est essentiel. Or, je voudrais revenir sur les crédits de fonctionnement dans leur globalité. Ceux de la marine sont essentiellement dévolus à des dépenses incompressibles : l'affrètement (remorqueur, BSAD), les plastrons au profit de l'entraînement, les munitions, les achats, au profit de l'entretien des navires et de la vie quotidienne des ports.

La conclusion, c'est que la cohérence organique de la marine, je l'affirme une nouvelle fois, est celle d'une armée réduite qui a, de longue date, optimisé son fonctionnement et son organisation.

Quatrième point de vigilance : le respect du calendrier des livraisons. L'analyse conduite par le Livre blanc a abouti à la construction d'un nouveau contrat opérationnel pour les armées, qui se traduit par un resserrement du format et un aménagement du calendrier de livraison des programmes majeurs : décalages de livraisons, ralentissement de cadence ou réduction de cibles.

Le maintien du spectre de nos missions en dépit de la contrainte financière induit un étalement de certains programmes, ce qui a une double conséquence assumée :

- la première conséquence est le prolongement d'équipements anciens, nous l'avons vu. Je vous parlais en juin des risques d'arrêt brutaux de parcs hors d'âge, tels que ceux que nous avons connus pour le Nord 262 ou le Super Frelon. Le risque se porte désormais, à mon sens, sur des équipements tels que l'Alouette III - qui date des années 60, tout de même ! - mais aussi sur nos pétroliers ravitailleurs. Le projet de loi prévoit de ne les remplacer qu'au-delà de 2020. Leur état devra requérir la plus grande attention de notre part afin de les faire durer le temps nécessaire.

Je pense également aux petits bâtiments de soutien, aujourd'hui de 40 ans d'âge et dont le remplacement par les BSAH est prévu au plus tôt en fin de période.

- la deuxième conséquence est l'acceptation de réductions dites « temporaires » de capacités. Elles me préoccupent pour la flotte des petits bâtiments armés, en particulier outre-mer. Certains bâtiments ne pourront être remplacés avant l'arrivée des nouveaux bâtiments de surveillance et d'intervention maritime, les BATSIMAR. Certains seront remplacés à minima par des bâtiments civils militarisés pour la circonstance, les « bâtiments multi-missions » ou B2M. Ces remplacements doivent être garantis, faute de quoi nous n'aurons vraiment plus grand-chose pour assurer la souveraineté de notre zone économique outre-mer.

En conclusion, je dirais que, si cette loi me paraît cohérente avec les objectifs du Livre blanc, son application méritera la plus grande attention dans le respect de son cadencement et dans la garantie de conserver un cap constant. Lorsque l'on navigue par gros temps, on réduit la voilure - nous l'avons fait en adaptant le format - on définit un cap - le projet de LPM le fixe - puis on fait en sorte de barrer, c'est-à-dire de suivre ce cap, de la façon la plus stable possible. Car tout écart de cap ou tout mouvement brusque sur la barre se paye immédiatement par des pertes importantes sur la route suivie ou des dommages irréparables sur le navire. C'est ce qui me paraît essentiel.

Outre l'efficacité de notre outil, l'ensemble de ces mesures porte également le risque de toucher à ce que nous avons de plus précieux, à savoir le moral des marins. Car le combat est affaire de volonté, et on n'emmène pas des marins pendant plusieurs mois en mer, loin de leurs proches et dans des conditions parfois spartiates, sans entretenir un moral fort. Les marins, je l'ai dit, sont attachés à l'institution. Je pars dans un tour des ports pour expliquer aux marins les tenants et les aboutissants de cette loi.

Une fois que la loi sera votée, ils mettront toute leur énergie à réussir sa mise en oeuvre, comme ils l'ont fait jusqu'à présent. Ils réussiront car ils ont l'habitude de naviguer dans le gros temps. Mais en contrepartie, il faut être en mesure de leur montrer que les efforts qui leur sont demandés sont réalisés sur la base de données fiables, jusque dans les détails et selon le calendrier prévu.

Monsieur le président, cette LPM peut nous conduire dans une zone d'eaux plus calmes vers 2025, en préservant la cohérence de la Marine, dans un format resserré. C'est ce que nous avons prévu et accepté dans le Livre blanc. C'est ce que nous assumerons, conscients de l'effort de la nation, dans une situation budgétaire difficile, pour sanctuariser le budget de la défense à son niveau actuel. Mais ce ne sera pas facile. C'est une manoeuvre délicate qui s'engage, mais je suis confiant dans notre capacité à la réussir, sous réserve que ce soit un jeu collectif.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous attendons de vous, comme vous nous l'avez dit à plusieurs reprises, la plus extrême vigilance pour aider le ministère de la défense à réussir cette manoeuvre.

Ces efforts sont assumés mais il faut impérativement que la programmation budgétaire soit tenue à la lettre car, si ce n'était pas le cas, ce serait tout l'édifice qui serait mis en grave péril.

Enfin, je voudrais conclure sur la nécessité de voter cette loi. Si ce n'était pas le cas, nous perdrions notre cap à long terme et serions soumis pendant une longue durée à des bourrasques fortes qui rendraient le navire incontrôlable. Nous devons maintenant arrêter de discuter, cela a été fait dans le Livre blanc, et sans tarder nous mettre à l'oeuvre.

M. Yves Pozzo di Borgo . - On observe que les producteurs de drogue d'Amérique latine passent aujourd'hui par le golfe de Guinée. Est-ce que ce phénomène est en voie de développement ou de régression ? Pouvez-vous nous donner votre évaluation de la situation en mer de Chine où les tensions s'exacerbent ?

M. André Trillard . - Pouvez-vous nous faire un point sur l'impact des dysfonctionnements du logiciel Louvois dans la Marine ? Pouvez-vous nous indiquer combien d'officiers dans la Marine sont affectés à l'OTAN ? Nous avons une des plus grandes zones économiques exclusives du monde dont 80 % se situe dans le Pacifique dans une zone qui fait presque deux fois l'Union européenne. Quels moyens consacrez-vous à la surveillance maritime de nos intérêts dans cette zone ? Et enfin quelles sont les perspectives concernant l'Adroit ?

M. Joël Guerriau . - Quelles sont les perspectives en matière de mutualisation européenne dans le domaine maritime ? Je suis étonné de constater qu'il y a encore de très nombreux progrès à faire ne serait-ce que dans le domaine de la surveillance maritime des côtes européennes.

M. Jeanny Lorgeoux . - On évoque un étalement des livraisons des FREMM et éventuellement une réduction de leur nombre. Quand on réduit le nombre de commandes, DCNS se voit contraint d'en augmenter le prix unitaire, est-ce que vous pouvez nous indiquer les ordres de grandeur des gains financiers attendus ?

Amiral Bernard Rogel, chef d'état-major de la marine - Aucun bâtiment français ne participe actuellement à Atalanta. Les bâtiments des différentes marines européennes engagées dans Atalanta se relaient. C'est une application de la mutualisation et actuellement nous ne faisons pas partie de l'opération. La situation s'améliore au large de la corne de l'Afrique, c'est le signe de l'efficacité de la mission. En revanche, la situation me paraît de plus en plus inquiétante dans le Golfe de Guinée.

L'Aquitaine est à Brest et poursuit ses essais en vue de son admission au service actif.

S'agissant des projets européens, nous travaillons actuellement sur des domaines comme l'amphibie ou le porte-avions notamment avec les Britanniques. Du point de vue opérationnel, nous réalisons l'opération Atalanta, qui est un succès. Le vrai problème de la mutualisation n'est pas militaire, ni technique, il est avant tout politique. Il s'agit de définir nos intérêts communs et de partager in fine une partie de ce qui est aujourd'hui un pouvoir souverain de chaque État. Mais à notre niveau, nous avançons entre militaires sur des projets de mutualisation. Vous avez raison de souligner que dans le domaine de la sûreté maritime, nous ne sommes pas en ordre de bataille notamment en raison des différences d'organisation entre les pays. De ce point de vue, une initiative politique européenne qui puisse inciter chacun à avoir un point de contact unique permettrait de faire avancer les choses dans un secteur où nous avons un intérêt commun évident à sécuriser les voies maritimes d'approvisionnement du continent européen.

Vous avez raison, il existe manifestement une voie de la drogue entre les Caraïbes et le golfe de Guinée et entre le Sud et le Nord de la Méditerranée. Nous avons saisi dans ces zones 35 tonnes de drogue en deux ans. Il faut rester vigilant, il n'y a pas de raison que ce trafic diminue. La Marine participe activement à cette lutte contre les trafics illicites.

En ce qui concerne la mer de Chine, les tensions concernent avant tout la captation des ressources naturelles sous-marines. Ces contentieux ne nous concernent pas encore. Dans la zone, nous avons une collaboration fructueuse avec le Japon et la Malaisie. En revanche, dans le canal de Mozambique, il y a des tensions qui nous concernent puisque comme je vous l'ai dit, nous avons intercepté des bâtiments d'exploration pétrolière dans notre zone économique exclusive. Ces tensions sur les ressources en hydrocarbures ou en minéraux vont devenir de plus en plus fréquentes, elles ne concernent pas seulement la mer de Chine. En Méditerranée, les découvertes au large de Chypre de réserves gazières suscitent des convoitises et pourraient provoquer demain de graves tensions.

S'agissant de Louvois, nous avons limité les effets des dysfonctionnements grâce à la mise en place à Toulon d'une task-force d'une quarantaine de personnes qui sont particulièrement sollicitées. Mais le logiciel est instable est cela me préoccupe.

En ce qui concerne l'OTAN, nous avons 170 marins.

L'Adroit est un concept particulièrement intéressant pour la surveillance maritime. L'accord avec DCNS est une première puisqu'il a été mis à disposition de la marine, ce qui nous permet de préparer le programme BATISMAR. Il nous permet également d'expérimenter l'emploi du drone Schiebel, dont les résultats sont très intéressants. Ca ne remplace pas un hélicoptère mais c'est un vrai démultiplicateur d'effets à coût réduit.

Dans le Pacifique, nous disposons de deux patrouilleurs et deux frégates de surveillance qui j'espère à terme seront renforcées par les B2M en attendant la livraison du programme BATISMAR. Il faut savoir que les patrouilleurs P400 sont particulièrement anciens et l'allongement de leur durée de vie présente des risques que nous sommes contraints d'assumer. S'agissant des FREMM vous avez raison de dire que la diminution des commandes augmente le coût unitaire. L'ordre de grandeur est qu'en passant de 17 à 11, nous renchérissons le coût de la commande d'environ deux FREMM. Le format prévu par le Livre blanc devrait nous conduire à 11 FREMM avec une commande ferme de 8 et une option pour trois bâtiments supplémentaires. Nous devrions donc pouvoir aligner 15 frégates de premier rang en 2025.

M. Jean-Louis Carrère, président . - Madame Aïchi qui est excusée souhaiterait savoir dans quelle mesure la dimension environnementale est prise en compte dans la destruction de vos navires ?

Amiral Bernard Rogel, chef d'état-major de la marine - Le démantèlement des bâtiments se fait selon des normes européennes. Il nous faut obtenir un passeport vert qui garantisse le respect de ces normes. Nous y consacrons plus de 10 millions d'euros par an. La marine est d'autant plus respectueuse de l'environnement marin qu'à travers la surveillance maritime, elle est un acteur majeur de la protection des côtes et de la lutte contre la pollution.

Général Denis MERCIER
Chef d'état-major de l'armée de l'Air

Le 19 septembre 2013

M. Jean-Louis Carrère, président - Mon général, Il n'y a pas très longtemps, vous avez été auditionné par notre commission. C'était le 11 juin dernier. Vous nous aviez donné à l'époque un bon éclairage sur le Livre blanc et le format des armées qui en découle. Depuis, beaucoup de choses se sont passées, notamment en Syrie. Peut-être aurez-vous l'occasion de nous en dire quelques mots. Aujourd'hui, votre audition, après celle du CEMA et avec celle des autres chefs d'état-major, s'inscrit dans la perspective de la loi de programmation militaire. Je vous cède la parole.

Général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'air - Monsieur le président, Mesdames, Messieurs les sénateurs, c'est toujours avec fierté et plaisir que je m'exprime devant vous en tant que chef d'état-major de l'armée de l'air.

Après une année passée à la tête de l'armée de l'air, j'ai pu mesurer avec beaucoup de satisfaction combien les hommes et les femmes de l'air savaient être au rendez-vous lorsque notre pays fait appel à eux quand les circonstances l'exigent. Ce fut le cas en début d'année au Mali où la totalité de nos capacités ont été mobilisées avec une extrême réactivité et une grande efficacité. C'est le cas aussi, et il ne faut pas l'oublier, au quotidien lorsque nous assurons nos missions de dissuasion et de protection sur le territoire national. Partout où ils sont engagés, les aviateurs forcent mon admiration par leur motivation et leur niveau opérationnel fondé sur une formation et un entrainement de haut niveau mais aussi et surtout sur leur aptitude à toujours innover, à travailler ensemble et avec leurs partenaires des autres armées ou d'armées de l'air alliées et à s'adapter à toutes les situations. Ils sont la première capacité de l'armée de l'air et ce sont eux qui nous ont permis les nombreux succès que nous avons connus dans l'exécution de nos missions permanentes ou extérieures.

Dans le cadre des travaux de rédaction du dernier Livre blanc auxquels j'ai eu l'honneur de contribuer, j'ai toujours défendu l'idée que, au-delà des formats, le maintien de la cohérence entre les capacités est essentiel. Les choix que nous avons proposés et qui ont été repris dans la loi de programmation militaire 2014-2019 permettent à l'armée de l'air de maintenir cette cohérence.

Même si d'importants efforts nous sont demandés, la poursuite de la modernisation de nos équipements et le maintien d'une activité opérationnelle suffisante sont les leviers qui préservent cette cohérence. Ces leviers devront s'accompagner d'une diminution des effectifs que le contexte budgétaire rend nécessaire pour atteindre les objectifs fixés dans la LPM. Ces trois points sont pour moi essentiels : ils concernent directement les aviateurs à travers leur aptitude à assurer leurs missions, la garantie de leurs conditions de vie et de travail et la valorisation de leurs compétences. Ce sont les domaines que je souhaiterais aborder devant vous avant de répondre à vos questions.

Depuis le début des années 1960, l'armée de l'air s'est structurée autour de deux missions permanentes : la protection de notre espace aérien national et la mission de dissuasion avec la mise en oeuvre de la composante aéroportée. Deux missions dont l'importance est confirmée dans le Livre blanc de 2013.

Ces deux missions exécutées vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, nécessitent un système d'alerte performant, la mise en réseau de nos bases aériennes avec des centres de commandement et de conduite armés en permanence, une capacité d'appréciation juste et précise des situations, des équipements, des systèmes d'armes et un personnel très entrainé en raison de la complexité et de la grande réactivité des missions qui leurs sont confiées.

La mission de sûreté aérienne est une mission permanente qui garantit la souveraineté de notre espace aérien national. Grâce à la couverture radar de cet espace aérien et la mise en oeuvre de capacités d'intervention immédiates, nous sommes en mesure de faire face à l'ensemble des situations qui peuvent se présenter comme l'interception d'un aéronef hostile ou l'assistance à des appareils en difficulté. La loi de programmation 2008-2013 a décalé de plusieurs années la rénovation de nos radars. La quatrième étape du système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA) a été scindée en deux phases dans la précédente LPM, avec un décalage de trois ans a minima de la livraison de nouveaux radars de surveillance et de défense aérienne. Nous ne pouvons plus décaler les livraisons de ces radars car les obsolescences profondes du parc actuel, aux coûts de maintenance élevés, fragilisent la protection du territoire national.

La LPM 2014-2019 a pris en compte ce besoin avec l'inscription de la poursuite du programme SCCOA qui amènera les centres français de détection et de contrôle au standard OTAN en 2015 et débutera le renouvellement indispensable des radars de défense aérienne.

Deuxième de nos missions permanentes : la mise en oeuvre de la composante aéroportée de la dissuasion. C'est une mission dont nous célèbrerons le cinquantième anniversaire l'année prochaine. Depuis 1964 l'armée de l'air contribue à la préservation de nos intérêts vitaux. C'est une composante, dont le coût actuel ne représente que 7% du budget global alloué à la dissuasion et qui a été réduite d'un tiers lors de la précédente LPM puisque nous sommes passés de trois à deux escadrons de chasse. La modernisation de cette composante a été prise en compte dans la prochaine LPM avec la rénovation à mi vie du missile ASMP-A et les premiers travaux pour la définition de son successeur, la transformation du second escadron actuellement équipé de Mirage 2000N sur Rafale, la rénovation de systèmes de transmissions nucléaires et l'arrivée tant attendue des deux premiers avions ravitailleurs de type MRTT. Je souligne que les avions des forces aériennes stratégiques, les FAS, ne sont pas dédiés exclusivement à la mission nucléaire, ils sont capables d'agir sur tout le spectre des missions conventionnelles. Ce fut le cas lors des opérations en Libye et au Mali où des avions et des équipages des FAS ont été engagés avec succès. La préparation et l'exécution des raids lointains de Rafale armés de missiles de croisière SCALP présentent de nombreuses similitudes avec les missions exécutées dans le cadre de la dissuasion.

Je tiens à le préciser car nos deux missions structurantes de défense aérienne et de dissuasion nous ont permis de construire, autour d'une permanence forte centrée sur la réactivité, nos capacités de planification et de conduite des opérations aériennes, notre aptitude à recueillir et à fusionner tous les types de renseignement, à travailler en réseau, à basculer instantanément du temps de paix au temps de crise et à conduire des missions longues et complexes depuis le territoire national. Agrégées ensemble, ces capacités nous permettent d'être capables d'intervenir en toute autonomie dans une vraie cohérence d'ensemble. Si une de ces capacités venait à manquer, c'est l'efficacité globale du dispositif qui serait menacée.

Aujourd'hui, l'armée de l'air dispose d'une véritable capacité d'intervention dans un large spectre de crises. Parce que nous disposons d'avions ravitailleurs, nous sommes en mesure d'agir, à partir de nos bases aériennes, avec une très forte réactivité pour atteindre n'importe quel point dans la zone géographique d'intérêt définie par le Livre blanc. C'est ce que nous avons pu démontrer en Libye en 2011 et au Mali cette année. Capable de monter en puissance de façon très discrète au sein de nos bases aériennes, ou au contraire de façon visible, l'armée de l'air a démontré qu'elle pouvait offrir au décideur politique une large variété de modes opératoires, réversibles et dont la force peut être adaptée au contexte particulier de chaque crise.

La loi de programmation militaire 2014-2019 nous garantit le maintien de cette cohérence parce que, justement, elle préserve ces capacités socles en les modernisant, sans en privilégier une par rapport à une autre. Une modernisation qui se fera à un rythme moins rapide que nous l'avions souhaité initialement, une modernisation qui se fera sur des formats plus réduits, mais une modernisation qui privilégiera la cohérence de notre capacité opérationnelle globale.

L'opération Serval au Mali a démontré le potentiel et le niveau d'expertise acquis par l'armée de l'air qui, pour la première fois depuis très longtemps, a mené une opération multinationale en assumant sous l'autorité du CEMA le commandement de la composante aérienne. Nous avons pu planifier et conduire des opérations aériennes complexes à partir de la métropole, comme le 13 janvier lorsque nous avons conduit le raid aérien le plus long de l'histoire de l'armée de l'air et comme le 27 janvier avec l'opération aéroportée sur Tombouctou, la plus importante depuis Kolwezi en 1978. Cette capacité de commandement et de contrôle sera modernisée dans la LPM avec l'évolution de nos centres d'opérations et de nos centres de contrôle vers le système ACCS de l'OTAN, un système otanien mis en oeuvre par les Européens et développé avec l'industrie européenne. L'interopérabilité avec nos partenaires de l'Alliance atlantique constitue un axe majeur de la modernisation de ces moyens. La poursuite de la rénovation de nos centres de contrôle locaux et de nos avions AWACS contribuera à améliorer encore cette capacité de commandement et de contrôle.

Ces avions AWACS participent également à notre capacité à recueillir du renseignement. Au coeur de la fonction connaissance anticipation, l'armée de l'air possède une aptitude naturelle à recueillir du renseignement parce qu'elle agit dans tout le spectre de la troisième dimension. Sur la période 2014-2019, cette capacité bénéficiera de l'acquisition de nombreux équipements comme en atteste la commande prévue de quatre systèmes de drones MALE représentant 12 vecteurs. Afin de répondre au besoin opérationnel immédiat, deux Reapers ont été commandés pour être déployés au Niger et compléter l'action de nos Harfang très sollicités sur ce théâtre puisqu'ils viennent récemment de franchir la barre des deux mille heures de vol depuis leur engagement le 17 janvier dernier.

Des avions légers de surveillance et de renseignement, dont l'emploi sera mutualisé avec les services de renseignement, permettront de compléter le dispositif d'évaluation et de suivi des crises. Les capacités d'écoute électronique du Transall Gabriel, appareil indispensable présent sur tous les théâtres d'opérations, seront remplacées, à l'horizon de l'arrêt de la flotte Transall, avec l'entrée en service de la charge universelle de guerre électronique CUGE, qui sera mise en oeuvre sur un vecteur à déterminer. Enfin, le domaine spatial bénéficiera de la consolidation de moyens existants de surveillance de l'espace extra-atmosphérique ainsi que de la mise sur orbite de deux nouveaux satellites d'observation MUSIS et du développement du programme CERES.

Comme vous pouvez le constater, la LPM nous permet d'accroitre de façon importante notre capacité à recueillir du renseignement. C'est pourquoi nous travaillons actuellement sur l'organisation destinée à tirer le meilleur parti de tous ces capteurs afin d'être capables de traiter la considérable quantité d'informations qu'ils permettront d'obtenir, en temps différé ou en temps réel selon la situation.

Nos capacités d'intervention vont se moderniser avec la poursuite de la montée en puissance de la flotte Rafale dont la livraison s'effectuera à un rythme différent de celui qui était prévu : 26 Rafale rejoindront l'armée de l'air et la marine nationale sur la période. En parallèle de ces livraisons, les capacités des Rafale en service vont évoluer puisque la LPM prévoit l'intégration sur cet appareil du missile air-air longue portée METEOR et du pod de désignation de dernière génération. Le ralentissement des livraisons de Rafale sera compensé par la rénovation des Mirage 2000D et l'utilisation prolongée de flottes plus anciennes comme celle des Mirage 2000-5, ce qui nous permettra de préserver la cohérence de notre aviation de chasse en suivant le principe de différenciation des forces défini par le Livre blanc. La répartition Rafale-Mirage 2000 évoluera dans le temps en fonction des besoins de remplacement de la flotte Mirage 2000 après 2020 et nous travaillons à un schéma directeur de l'aviation de combat qui éclairera l'avenir afin d'y intégrer les réflexions sur les futures évolutions du Rafale et l'arrivée des futurs systèmes de combat aériens.

Je rappelle que le format de notre aviation de chasse aura été diminué deux fois d'un tiers en deux lois de programmation. La première diminution en 2008 a été compensée par la polyvalence du Rafale. Celle à venir le sera grâce aux efforts portés sur le MCO et à la différenciation de l'entraînement mise en place au travers du projet Cognac 2016. Cette dernière évolution est la dernière marche pour que notre aviation de chasse reste encore une capacité de combat majeure capable d'être engagée sur tous les théâtres d'opérations extérieures et sur le territoire national.

La cohérence passe nécessairement par la détention de capacités de projection qui sont essentielles à l'ensemble de nos missions.

Les avions ravitailleurs sont la clé de voute de toutes nos opérations aériennes. Sans eux, nous ne pouvons disposer de la réactivité, de l'allonge et de l'endurance nécessaire pour assurer nos missions de dissuasion et d'intervention. Sans eux, l'emploi de notre aviation de chasse serait peu ou prou limité au territoire national. Sans eux, il n'y aurait pas de composante aéroportée de la dissuasion. Le raid du 13 janvier vers le Mali a nécessité cinq ravitaillements en vol impliquant 3 C135. L'âge avancé de ces 14 appareils, bientôt cinquante ans, fait peser un risque de rupture capacitaire constant et leur utilisation impose de nombreuses heures de maintenance. Leur remplacement constitue pour moi une priorité essentielle. Le Livre blanc prévoit leur renouvellement par 12 avions de type MRTT dont deux seront livrés sur la période de la LPM. Il s'agit d'une avancée importante mais qui nous impose une vigilance accrue sur nos C135 que nous allons conserver de nombreuses années encore en raison du calendrier de livraison. Si nous devions connaître une embellie budgétaire dans les années à venir, je recommande que la priorité soit donnée à l'accélération des livraisons des MRTT, projet par ailleurs porteur de belles coopérations européennes.

Dans le domaine du transport tactique, nous disposerons en fin de LPM de 15 A400M. L'opération Serval a démontré combien cette composante était indispensable à la manoeuvre aéroterrestre pour se poser au coeur des zones de combat sur des terrains sommaires. L'A400M va donner une nouvelle dimension à notre aviation de transport et la faire entrer dans une nouvelle ère. Le premier appareil a été livré début août et je serai heureux de vous accueillir, aux côtés de monsieur le ministre de la Défense, sur la base d'Orléans, le 30 septembre pour la cérémonie officielle marquant ce moment important de la vie de l'armée de l'air.

Le décalage du calendrier de livraisons de ces appareils nous oblige à maintenir en service 14 C160 afin de préserver les compétences tactiques de nos équipages et notre capacité opérationnelle. C'est le même principe qui a prévalu pour l'aviation de chasse : maintenir des flottes plus anciennes pour pallier l'étalement des livraisons et préserver la cohérence d'ensemble. C'est une nécessité mais aussi un défi. Je suis également très satisfait de la rénovation des 14 C130, utilisés notamment par les forces spéciales, indispensables pour l'exécution de leurs missions dans l'avenir.

Enfin la modernisation de nos équipements prévue dans la LPM prend également en compte nos capacités d'entraînement qui sont essentielles pour que nous disposions d'équipages prêts à intervenir sans délais. Pour cela la refonte de l'entraînement et de la formation des pilotes de chasse dans le cadre du projet Cognac 2016 est fondamentale. Ce projet s'appuie sur l'acquisition d'avions d'entrainement turbopropulsés de dernière génération. Ils nous permettront de mieux entrainer nos jeunes pilotes et de mettre en oeuvre le principe d'un entrainement différencié qui garantira notre aptitude à assurer les missions les plus exigeantes et à soutenir les opérations dans la durée, malgré la diminution de nos formats. C'est une approche innovante, dont je constate qu'elle intéresse de nombreuses armées de l'air, qui permet de nous adapter de façon réaliste au contexte budgétaire tout en modernisant nos capacités de formation. C'est un projet structurant pour l'armée de l'air, tant au plan budgétaire qu'au plan opérationnel.

La modernisation de nos équipements constitue donc ma priorité pour préserver la cohérence de l'armée de l'air. Elle est indissociable du maintien d'une activité aérienne suffisante qui représente aussi une priorité. Une priorité essentielle parce que toutes les opérations récentes ont démontré que, pour réaliser les missions les plus difficiles, notamment l'entrée en premier sur un théâtre d'opérations, qui se joue toujours en quelques heures après la décision du Président de la République, il est indispensable de disposer d'équipages entrainés au meilleur niveau.

Notre capacité opérationnelle repose sur le maintien en conditions de nos matériels aéronautiques qui nécessite un pilotage au plus près des forces et de leur activité réelle et une dotation suffisante en entretien programmé du matériel, l'EPM.

Le MCO aéronautique est le coeur du domaine d'expertise de la SIMMAD et de l'armée de l'air. Nous avons réorganisé nos structures et mobilisé tous les acteurs du MCO, les forces bien sûr mais aussi l'industrie étatique et privée. La SIMMAD, aux côtés des unités de soutien aéronautique et en lien avec les industriels et la DGA, a ainsi fait évoluer les marchés d'une logique de disponibilité vers une logique d'activité, en préservant la flexibilité exigée par les surprises opérationnelles et avec un souci constant de maitrise et de réduction des coûts. Le plus important est de disposer du nombre suffisant d'aéronefs disponibles lorsque nous en avons vraiment besoin. La mise en place de plateaux techniques dans la dynamique du pôle de MCO aéronautique bordelais a très rapidement porté ses fruits. L'identification des difficultés technico-logistiques et la définition en commun de solutions appropriées ont permis d'aboutir à des résultats significatifs. A Saint-Dizier par exemple, la qualité de l'activité des Rafale a été considérablement augmentée alors que la disponibilité en OPEX reste exceptionnelle. Ces résultats démontrent la pertinence et la cohérence des choix qui ont été faits dans le domaine de la gouvernance du MCO, tant au niveau de la SIMMAD qu'à celui du soutien opérationnel sur les bases aériennes. Ces succès nous encouragent à poursuivre dans cette voie, mais il ne s'agit que d'une première étape, de nombreux efforts restent à faire.

Le MCO aéronautique nécessite également de disposer d'une dotation suffisante en entretien programmé du matériel, l'EPM. Cela n'a pas été le cas lors de la précédente LPM puisque la sous dotation de l'EPM a conduit à un déficit, sur la période 2009-2014, de plus de 1 milliard d'euros de crédits d'activité par rapport au besoin. En 2013, l'armée de l'air a dû limiter l'activité des équipages et prendre des mesures affectant le niveau de formation et d'entraînement telles que l'annulation de notre participation à des exercices majeurs, comme Red Flag aux Etats-Unis par exemple et à retirer de façon anticipée des équipages des unités de combat.

Les perspectives 2014-2015 conduisent à maintenir le niveau d'activité de 2013, grâce à l'effort financier important consenti sur l'EPM par la LPM, mais cette activité restera insuffisante (environ -20% par rapport aux normes d'entraînement). Elle ne pourrait être maintenue à ce niveau dans le temps sans dégradation considérable du niveau opérationnel. C'est pour moi une préoccupation majeure car le maintien de certaines compétences est dès à présent fragilisé. La rejointe du nouveau modèle, la mise en place de l'entrainement différencié et un plan d'optimisation du MCO élaboré par la SIMMAD en associant bien sûr la DGA nous permettront de remonter l'activité aérienne au niveau requis après 2016.

Enfin, la dernière priorité, la plus importante, que je souhaiterais aborder devant vous, concerne les hommes et les femmes de l'armée de l'air. Au cours de la dernière loi de programmation, ils ont su faire face avec beaucoup d'abnégation aux différentes réformes qui les ont directement touchés. Je rappelle que suite aux réformes annoncées en 2008, nous avons dû procéder à la fermeture de 12 bases aériennes et à la dissolution d'une quinzaine d'unités majeures ainsi qu'à la diminution de nos effectifs de 15 900 personnes sur la période de la LPM précédente, ce qui correspond à une baisse du quart de nos effectifs.

De nouveaux efforts importants seront demandés aux aviateurs. Les cibles en effectifs définies dans la LPM prévoient une réduction de 34 000 postes au sein du ministère sur la période 2014-2020.

Pour l'armée de l'air, qui vient de mener une réforme importante depuis 2008, il n'y a quasiment plus de réduction d'effectifs possibles par des réorganisations fonctionnelles. Nous les avons faites lors de la précédente LPM. Réduire les effectifs nécessite donc la mise en place d'un nouveau plan de restructurations. Pour parler franchement, j'appelle ce plan de mes voeux car en densifiant certaines de nos emprises, nous offrirons à notre personnel de meilleures conditions de vie et de travail grâce à une meilleure concentration des budgets d'infrastructure. Certains rapprochements permettront aussi de mieux fonctionner, pour une armée de l'air resserrée mais dont la réussite opérationnelle est conditionnée par son aptitude à engager toutes ses capacités dans une manoeuvre d'ensemble.

Ces restructurations ne peuvent être conduites isolément. Elles prennent en considération les bases de défense, dont j'aime souligner qu'elles participent aux missions opérationnelles de l'armée de l'air qui opère au quotidien à partir de ses implantations, que ce soit pour les missions permanentes ou pour les missions d'intervention. Elles intègrent aussi les services et directions interarmées dans lesquels travaillent 22% des aviateurs.

Nous conduisons une vaste réflexion sur le modèle RH futur de l'armée de l'air prenant en compte notamment l'aspect « échantillonaire » de certaines spécialités, le recrutement, l'avancement dans le contexte de limites d'âge allongées, la mobilité, etc. C'est un chantier important qui prend en compte les aspirations de notre personnel et vise avant tout à le valoriser car comme je le soulignais au début de cette intervention, il constitue notre première capacité opérationnelle. Ce travail s'accompagne d'une réflexion sur l'identité de l'aviateur dans le contexte interarmées que nous connaissons.

Pour conclure, je souhaiterais vous indiquer que les aviateurs sont conscients de l'effort que la Nation réalise à travers cette loi de programmation pour préserver leur capacité à exécuter leurs missions. Ils sont aussi conscients des efforts qui leur seront demandés pour que les objectifs de cette loi de programmation soient atteints.

Avec eux j'ai souhaité mettre en place un projet « Unis pour Faire Face » afin de ne pas subir notre destin mais de le prendre en main. C'est un projet qui s'inscrit dans les priorités du Livre blanc et de la loi de programmation que nous venons d'évoquer : modernisation de nos capacités, activité aérienne, simplification de nos structures, ouverture vers l'extérieur, valorisation des aviateurs, sont autant d'axes d'effort portés par ce projet. Ce dernier donne à l'armée de l'air une direction cohérente avec les moyens qui nous sont alloués. Cette modernisation est lancée, elle nous permettra de nous ouvrir toujours plus vers l'extérieur car les projets qu'elle porte sont des viviers de coopération formidables, notamment au niveau européen.

L'A400M, porté par sept pays européens, va donner une dynamique encore plus forte au commandement du transport aérien européen qui est engagé sur une voie d'ouverture et de standardisation des normes européennes. S'agissant des ravitailleurs MRTT, nous travaillons à la mutualisation de leur emploi avec six autres nations européennes dans des domaines ciblés comme la formation et la maintenance. L'acquisition de drones Reaper ouvre la voie à la création d'un groupe d'utilisateurs européens, l'évolution du SCCOA vers le système ACCS va renforcer les coopérations, la mise en oeuvre de normes européennes communes est un chantier prometteur. Ces quelques exemples montrent que la future LPM ouvre de nombreuses opportunités dans le domaine aéronautique que nous devons absolument saisir pour avancer de façon réaliste et pragmatique vers une défense plus européenne sans abandonner notre autonomie d'action et de décision.

Cette ouverture concerne aussi directement nos bases aériennes. Elles évoluent, je les souhaite ouvertes vers la société civile car elles présentent pour cela des atouts remarquables pour notre Nation et son développement. Le tutorat de jeunes lycéens par nos élèves officiers est un projet superbement réussi qui profite à tous et que je souhaite voir étendu à l'ensemble de nos bases aériennes. Ces dernières peuvent être le creuset de rapprochement entre les mondes de l'enseignement, de l'industrie, de la recherche ainsi qu'avec les collectivités.

Vous le constatez, notre projet est résolument tourné vers l'avenir et vers l'extérieur. Un avenir qui nous est ouvert par les perspectives de la loi de programmation. De sa réalisation, plus tendue que les précédentes mais je l'espère plus vertueuse, dépendra notre cohérence et notre capacité à assurer nos missions. L'exercice est difficile mais je peux vous assurer que notre pays pourra compter sur les capacités d'adaptation et d'innovation des aviateurs pour parvenir aux objectifs fixés.

M. André Trillard . - Est-ce que tous les avions ravitailleurs du programme MRTT seront identiques ?

Général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'air - C'est mon objectif.

M. Daniel Reiner. - Pourriez-vous préciser le nombre exact de ravitailleurs MRTT et le nombre des avions qu'ils remplaceront. L'annexe de la loi de programmation n'est pas très claire de ce point de vue.

Général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'air - Les douze MRTT remplaceront 14 avions ravitailleurs C-135 et KC-135, mais aussi 3 avions de transport stratégique A 310. En revanche, nous prolongerons les 2 A340 que nous avons. Ils nous servent au transport de troupes sur de longues distances.

M. Jean-Marie Bockel . - Quelles sont les perspectives de réaliser le contrat Rafale en Inde ? Je suis persuadé que la réalisation de ce contrat va débloquer d'autres contrats exports dans d'autres pays.

Général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'air - Je suis confiant quant à la signature de ce contrat. Mais le transfert technologique est d'une telle ampleur qu'il est normal que cela prenne du temps pour être finalisé.

M. Yves Pozzo di Borgo . - Et au Brésil ? Où en sommes-nous ?

Général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'air - La vraie question qui se pose est celle de la façon dont les Brésiliens voient leur aviation de combat future et à quelles échéances. Nous avons en outre d'excellents rapports avec l'armée de l'air brésilienne.

M. Gilbert Roger . - J'étais au Brésil du temps de Lula et leurs conseillers nous expliquaient déjà pourquoi ils n'achèteraient jamais les avions français. Cette décision s'explique par l'hostilité de l'entourage des ministres et également des chefs militaires vis-à-vis de la France.

M. Jean-Marie Bockel . - Je confirme cette analyse. Du reste, le pont entre le Brésil et la Guyane n'est toujours pas ouvert.

Général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'air - Je ne peux pas vous parler des relations politiques, mais je vous confirme qu'il existe une amitié profonde entre l'armée de l'air brésilienne et l'armée de l'air française. Bon nombre de leurs pilotes ont été formés chez nous et ils s'en souviennent parfaitement. Il y a d'ailleurs une journée spéciale organisée par les anciens, les « Dijon Boys » comme ils les appellent - qui ont été formés sur Mirage III - et au cours de laquelle ils rendent honneur aux traditions françaises. C'est aussi le cas en Inde.

M. Robert del Picchia. - Pouvez-vous nous parler de la coopération indo-russe sur les avions de cinquième génération ?

Général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'air - Oui effectivement, ils coopèrent sur le projet de chasseur russe T 50 ; mais je ne suis pas sûr que les Russes leur consentent autant de transferts technologiques que nous. Ils ont une double source d'approvisionnement et essaient de bénéficier de transferts de technologie. Compte tenu de la dimension de leur flotte de combat, très supérieure à la nôtre, cela me semble normal.

M. Jean-Louis Carrère, président - Ma première question est simple : considérez-vous que le projet de loi de programmation traduit fidèlement le Livre blanc et si oui, que le nouveau format de l'armée de l'air sera cohérent avec les missions et les contrats opérationnels qui lui sont assignés ? Pouvez-vous nous parler de la Syrie, et de la façon dont les opérations se dérouleraient si le Président décidait une action ? Pouvez-vous nous reparler du plan « unis pour faire face » ? Quelles propositions concrètes feriez-vous pour le sommet de Bruxelles ? Est-ce que vous pourriez refaire le Mali avec le nouveau format ? Faut-il voter cette LPM ? Enfin les prochaines Universités d'été de la défense mettront à l'honneur l'armée de l'air. Avez-vous déjà réfléchi à leur localisation ?

Général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'air - Concernant votre première question, la réponse est oui. Au demeurant le Livre blanc avait été très précis sur le format, ce qui amène toujours la question de savoir jusqu'à quel niveau descendre ? Le niveau de détail du Livre blanc nous a permis d'aller vite dans la rédaction de la LPM. La concordance entre les deux documents est donc très forte. La difficulté tient dans l'étalement de l'arrivée des nouveaux équipements, qui nous impose de maintenir en service des flottes anciennes sur lesquelles nous devons demeurer vigilants. La LPM doit être sincère. Etre sincère c'est se caler sur la situation économique au moment de l'élaboration. Si la situation évoluait favorablement, il faudrait certainement se pencher à nouveau sur le calendrier de certaines livraisons.

Le plan « unis pour faire face » a été élaboré pour que les aviateurs s'y reconnaissent et afin de placer l'humain au coeur du système. Depuis plusieurs années différentes réformes complexes se sont télescopées et ont conduit à des organisations auxquelles nous devons apporter plus de cohérence et de simplicité. Un de nos axes d'effort consistera notamment à rapprocher certaines structures et remettre des échelons de commandement clairs là où ils sont nécessaires.

Sur la Syrie, je demande la confidentialité des débats.

M. Jean-Louis Carrère, président - Elle vous est accordée.

Général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'air - Sur le sommet européen de décembre, c'est un sommet porteur d'avenir. Il faut effectivement des avancées concrètes, mais ce n'est pas à moi d'en décider.

Est-ce que nous serions capables de refaire le Mali dans le nouveau format ? La réponse est oui, et nous serions même capables de faire mieux, parce que nous aurons l'A400M, les drones Reaper et les premiers ravitailleurs MRTT.

Faut-il voter la LPM ? Ce n'est pas à moi d'en juger, mais si je pouvais le faire je voterai oui sans hésitation. Le problème sera celui de son exécution. Le tropisme général est de prendre des marges de manoeuvre, « d'en garder sous le pied » comme on dit. Or cette fois nous n'avons rien gardé sous le pied. Nous avons joué le jeu ce qui nécessite une application sincère, dont je constate qu'elle fait l'objet d'un engagement fort du Président de la République.

M. Jean-Louis Carrère, président - ... et du Parlement.

Général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'air - Pour ce qui concerne la prochaine université d'été de la défense, nous étudions plusieurs sites. Mais si je puis me permettre de faire une suggestion : il faudra faire parler davantage les hommes et les femmes du terrain qui ont beaucoup de choses à vous raconter.

M. Jacques Gautier . - Je souhaiterais tout d'abord vous féliciter pour votre approche qui traduit une vision globale et qui est empreinte en même temps d'une grande humanité. Plutôt que de subir vous positivez. Et vous avez raison. C'est comme cela que l'on fait avancer les choses. Ma question concerne l'école de pilotage de Cognac. Où en êtes-vous dans vos réflexions ? Pouvez-vous nous faire part de votre vision concernant le soutien ? L'A400M : arriverons-nous à mettre en place un fonds commun de pièces de rechanges entre les nations membres ? Le drone Reaper : quels liens de dépendance induit-il avec les forces américaines ? Nous ouvrent-ils des portes ?

Général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'air - Aujourd'hui, pour exécuter leurs missions, nos unités de première ligne doivent disposer d'équipages très entraînés. Afin de garantir cet entraînement, nous avons diminué le format de notre aviation de chasse. Mais dans le même temps nous devons maintenir notre capacité à durer. C'est ce que permet le nouveau principe de l'entrainement différencié qui se traduit par la mise en place de deux cercles d'équipages. Un premier cercle qui doit s'entraîner sur tout le spectre des opérations et un deuxième cercle utilisé pour durer. Les équipages du deuxième cercle seront issus du premier cercle et voleront comme instructeurs sur des avions de complément. Après une phase de remontée en puissance sur avions d'armes, ils pourront assurer la relève en opérations des équipages du premier cercle, pour des missions moins exigeantes que celles du premier jour. Ces avions de compléments, qui coûteront beaucoup moins cher à l'heure de vol, pourront être configurés comme des avions de combat. Ce sont les principes du projet Cognac 2016. Deux options se présentent à nous. La première consisterait à réaliser ce projet intégralement sous la forme d'un partenariat public-privé. La seconde porterait sur une acquisition patrimoniale des aéronefs avec une externalisation de la maintenance, des simulateurs et de l'infrastructure. Un comité ministériel d'investissement en novembre doit examiner ces deux options. Il ne faut pas oublier que l'école des pilotes de chasse est une école franco-belge. Un partenariat public privé, de mon point de vue, compliquerait considérablement ce partenariat mais les deux options sont encore à l'étude. Pour ce qui est du soutien, j'ai demandé au nouveau commandant de la SIMMAD, le général de corps aérien Guy Girier, de développer un plan d'optimisation du MCO que nous présenterons au ministre. Ce plan doit associer la DGA et permettre de tirer le soutien au plus près de notre activité.

Concernant l'A400M, nous avons signé un premier contrat de soutien pour une durée de dix-huit mois et prévoyons ensuite une coopération avec les Britanniques. Les Allemands, pour l'instant, ont choisi pour des raisons industrielles une autre voie. Nous avons d'autres partenaires, avec lesquels nous discutons et nous avons signé à plusieurs un engagement d'interopérabilité au sein du Groupe aérien européen. Je suis certain qu'à la fin nous arriverons à faire du soutien en commun de façon plus large.

M. Daniel Reiner. - Je m'associe à l'appréciation de Jacques Gautier. Du reste, je visite souvent les bases aériennes et le personnel apprécie beaucoup cette attitude positive. C'est fait intelligemment. Je voudrais avoir des explications plus claires concernant le format de l'aviation de combat, la rénovation des Mirage 2000 et enfin les drones de troisième génération. Les industriels ont manifesté leur intention de coopérer. Mais avez-vous eu des contacts avec vos homologues européens pour définir le besoin opérationnel ? Est-ce que l'on pourra avancer sur cette question au sommet de Bruxelles ?

Général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'air - Les premiers drones Reaper qui nous seront livrés le seront au standard block 1. Ils seront ensuite rétrofités. Le partage de renseignement nécessite une vraie confiance mutuelle. C'est notamment le cas aujourd'hui avec nos alliés américains au Niger. Si les drones britanniques Reaper revenaient en Europe, il pourrait être intéressant d'élargir la coopération avec eux sur la surveillance de la bande du Sahel. Le fait d'avoir les mêmes drones va nous aider énormément. D'ailleurs au plan européen, l'idée d'un « club Reaper » fait son chemin.

S'agissant du drone MALE de troisième génération, je l'appelle de mes voeux. Mais ce ne sera pas avant 2020. Je suis de ceux qui pensent qu'il y a là un véritable marché prometteur. Cet avis est contesté - je le sais - mais il faut penser à l'export vers tous les grands pays qui ont de vastes frontières à surveiller. Faire voler un drone MALE nécessite une véritable expertise dans la gestion des réseaux utilisant les liaisons satellitaires. Après cela, viendront les UCAS ( Unmanned combat air system ), les drones de combat. Nous y réfléchissons intensément dans le cadre de l'élaboration d'un schéma directeur de l'aviation de combat, pour le futur.

Concernant la rénovation des Mirage 2000, elle se fera à un périmètre très réduit par rapport à ce qui était initialement envisagé. C'est aujourd'hui une capacité qu'il faut faire durer pour conserver la cohérence de notre aviation de combat. Tout ou partie de ces appareils seront par la suite remplacés par des Rafale. C'est tout l'objet du schéma directeur sur l'aviation de combat.

M. André Trillard. - Quelle est, d'une façon générale, notre degré d'indépendance par rapport aux forces américaines ? Le recrutement des mécaniciens aéronautiques est-il satisfaisant ? Combien de personnels avez-vous à l'OTAN ?

Général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'air - Nous avons toute notre indépendance par rapport aux Etats-Unis. Et nous l'avons démontré dans la planification de nombreuses opérations. Nous l'avons aussi démontré dans notre capacité à recueillir du renseignement et à effectuer une appréciation autonome des situations, ce qui est essentiel. Pour ce qui est des techniciens aéronautiques, nous avons un bon recrutement direct à l'école de sous-officiers de Rochefort et une filière d'excellence avec le lycée de Saintes et le cours de l'école d'enseignement technique de l'armée de l'air. Cette voie nous permet d'alimenter l'école de formation des sous-officiers et de recruter des spécialistes en maintenance aéronautique, qui disposent de véritables compétences. Le problème consiste plutôt à les fidéliser. L'armée de l'air participe depuis longtemps aux structures de l'Alliance atlantique, actuellement nous avons 217 aviateurs à l'OTAN, dont 120 officiers.

M. Yves Pozzo di Borgo . - Est-ce bien le génie de l'air qui a reconstruit la piste de Douchambé ?

Général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'air - C'est bien lui. C'est une unité, comme toutes nos unités d'infrastructure opérationnelles, qui effectue un travail remarquable.

Mme Leila Aïchi. - Je suis responsable au sein de mon groupe politique des questions de défense. Nous nous efforçons d'élaborer un Livre vert de la défense. Je souhaiterais savoir comment vous intégrez la baisse de la consommation des énergies fossiles dans l'armée de l'air ? Qu'en est-il des normes européennes pour le démantèlement des équipements ?

Général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'air - La réduction de la consommation et la question des énergies futures est un problème sur lequel nous avons, je crois, insuffisamment réfléchi. En revanche, nous nous sommes totalement inscrits pour nos infrastructures dans une démarche écologique. C'est par exemple le cas sur la base aérienne d'Orléans qui fait l'objet d'une priorité dans ce domaine. S'agissant du démantèlement, il n'y a pas de démarche européenne, mais nous travaillons sur un projet autour de partenariats innovants avec des entreprises.

M. Robert del Picchia. - Je vous félicite à mon tour pour votre vision de l'avenir. Vous avez pris une position courageuse concernant la manoeuvre des ressources humaines. Vous incitez le départ des officiers. Mais est-ce que ceux qui partent ne vous manquent pas trop ?

Général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'air - Je ne souhaite pas que les officiers restent dans l'armée de l'air, uniquement par confort. Nous ne pourrons offrir l'accès aux plus hautes responsabilités à tous. Je souhaite donc développer une démarche nouvelle qui permette à nos officiers de construire de façon positive et réfléchie le choix qu'ils devront faire entre une deuxième partie de carrière permettant d'occuper des postes de haut niveau dans la Défense ou une deuxième carrière dans le secteur civil. Il nous faut pour cela réfléchir à un nouveau modèle de gestion des ressources humaines qui prenne en compte cette nouvelle approche. Mais c'est vrai pour toutes les catégories de populations.

M. Laurent COLLET-BILLON
Délégué général pour l'armement

Le 1 er octobre 2013

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement.- Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Sénateurs, je vous remercie de me recevoir aujourd'hui pour vous présenter ma perception du projet de loi de programmation militaire (LPM) actuellement en cours d'instruction.

J'ai bien noté vos interrogations qui devraient trouver directement des réponses dans le corps de mon exposé. Je les compléterai ultérieurement si vous souhaitez les approfondir naturellement.

Laissez-moi toutefois revenir immédiatement sur votre interrogation sur la cohérence globale du modèle et à notre capacité à parer aux menaces de demain.

Je ne m'aventurerai pas sur le terrain de l'analyse prospective des menaces et préfère revenir à des horizons plus certains. L'expérience nous a montré toute la difficulté qu'il y avait à prévoir les grands bouleversements géostratégiques à l'avance.

Par contre, cette LPM traduit clairement le maintien de nos ambitions stratégiques, en cohérence avec les orientations du Livre blanc, sur les trois missions fondamentales :

- de dissuasion, dans ses deux composantes complémentaires,

- de protection du territoire et des populations,

- d'intervention sur les théâtres extérieurs.

Malgré un contexte budgétaire contraint, marqué par l'impératif de redressement des finances publiques, le Président de la République a ainsi personnellement choisi de maintenir un effort de défense significatif, afin de donner à la France les moyens de mettre en oeuvre un modèle d'armées ambitieux à l'horizon 2025.

Cela a été un exercice difficile. Un exercice difficile qui a visé à conjuguer souveraineté stratégique et souveraineté budgétaire, dans la situation économique d'aujourd'hui, a été demandé à la mission Défense.

Un autre paramètre aura pris une place majeure, celle de la préservation de notre outil industriel. C'était un « impératif » pour le Président et le ministre de la défense qui a pesé lourd dans les débats, à laquelle toute leur attention et autorité ont été portées.

Il a fallu ainsi trouver un équilibre financier sous fortes contraintes alors que :

- la trajectoire de besoin financier pour les équipements conventionnels prévoyait auparavant une forte croissance sur la période 2015-2020, en raison de la poursuite du renouvellement des capacités engagé avec la LPM précédente, de nombreux grands programmes étant en cours de réalisation ;

- les besoins financiers de la dissuasion, qui sont nécessaires pour des échéances de 2030 qui peuvent paraître lointaines mais qui sont en réalité très proches pour les techniciens, mais également ceux de la préparation opérationnelle, en particulier de l'entretien programmé des matériels, sont en croissance, mettant sous pression les ressources disponibles pour le reste.

La DGA a insisté pour chaque secteur industriel, de manière à trouver le juste équilibre entre développements et production, de façon à concilier les impératifs de viabilité de l'activité industrielle (bureaux d'études et supply chain ), avec les contraintes calendaires d'équipement nécessaire aux capacités militaires.

Il s'agit en quelque sorte d'un équilibre entre le court terme et le moyen-long terme, un équilibre délicat et donc sensible. J'y reviendrai.

Pour le programme P146 « équipements des forces », qui est le principal programme suivi par la DGA, les ressources prévues pour les opérations d'armement (programmes à effet majeur [PEM] plus les autres opérations d'armement [AOA] plus la dissuasion) s'élèvent à environ 10 milliards d'euros annuels, soit 59,5 milliards sur la période, se répartissant en 34 milliards d'euros pour les PEM, 7,1 milliards pour les AOA, qui sont les opérations qui ne sont pas suivies en programme mais nécessaires à la cohérence du dispositif, et 18,4 milliards d'euros pour la dissuasion.

C'est en retrait sensible (-30%) par rapport à la programmation précédente, devenue intenable budgétairement, qui prévoyait une augmentation des ressources de 1 milliard d'euros par an en moyenne ; ce retrait est très sensible sur les PEM (-41%), mais également pour la dissuasion (-11%) et les AOA (-18%), ce qui est extrêmement fort mais a été décidé en concertation avec les états-majors.

Une part significative de ces ressources (5,5 milliards d'euros courants soit 9%) sont attendues de ressources exceptionnelles, principalement concentrées en début de période en 2014 (1,5 milliard d'euros) et 2015 (1,6 milliard d'euros).

Sous l'hypothèse des ressources prévues, j'y reviendrai, le report de charges du P146 sera stabilisé durant la nouvelle LPM à son niveau de fin 2013, prévu à environ 2 milliards d'euros, ce qui n'est pas rien en regard des environ 10 milliards d'euros de dépenses annuelles, les ressources prévues ne permettant pas de le résorber. Il n'y a donc pas de marges pour gérer des aléas sur les ressources.

Le P146 est souvent été mis à contribution dans le passé pour abonder les ressources nécessaires aux dépassements de titre II, aux surcoûts des opérations extérieures (OPEX), aux besoins d'infrastructures. Ce ne sera plus possible à l'avenir, sauf à ce que l'exécution de la LPM devienne particulièrement difficile.

Les études amont font l'objet d'un effort particulier avec un flux moyen de 0,73 milliard d'euros courants par an sur 2014-2019, à comparer aux 685 millions d'euros en moyenne de la période précédente.

Cet effort significatif sur la recherche est certainement l'un des « marqueurs » de cette LPM pour l'armement. Elle a été une priorité pour le ministre de la Défense, personnellement, dès le début des travaux d'élaboration de la LPM sur laquelle il n'a jamais varié de position.

Ce maintien de notre investissement en R&T est absolument critique pour le maintien de la compétitivité de nos entreprises et leur capacité à répondre aux besoins futurs de nos armées.

Ces crédits bénéficieront par exemple :

- à la poursuite de la préparation du renouvellement des deux composantes de la dissuasion ;

- à la montée en puissance de la coopération franco-britannique dans le domaine de l'aéronautique de combat (FCAS DP qui est le drone de combat armé) et des missiles (préparation du futur missile de croisière) ;

- à l'augmentation de l'effort sur l'innovation, et notamment au soutien des PME-PMI. Le dispositif RAPID (régime d'appui aux PME pour l'innovation duale) sera pérennisé et renforcé, en rejoignant progressivement 50 millions d'euros par an, ainsi que le dispositif ASTRID pour les projets de recherche portés par des laboratoires académiques et les PME ;

- à la montée en puissance des travaux sur la cyberdéfense ;

- au maintien de l'excellence des compétences industrielles dans les autres domaines même s'il est possible que toutes les compétences ne puissent être maintenues durablement à leur niveau actuel.

Je l'ai dit en introduction, l'impact économique et social de notre industrie, fournisseur d'emplois hautement qualifiés et non délocalisables, aura été reconnu tout au long des débats.

Les modèles de rupture qui auraient pu sacrifier un secteur ont été ainsi écartés.

Les 10 milliards d'euros par an que la DGA injectera globalement dans l'industrie de défense devront permettre de maintenir à terme les compétences critiques à notre autonomie stratégique.

La LPM préserve globalement les neuf grands secteurs industriels :

- dans le domaine du renseignement et de la surveillance, c'est près de 4,9 milliards d'euros sur la période qui sont prévus, avec un effort particulier sur l'Espace 2,4 milliards ;

- dans le domaine de l'aéronautique de combat, 4,6 milliards d'euros avec la poursuite de l'amélioration du RAFALE et de ses livraisons ;

- dans le domaine des sous-marins, avec 4,6 milliards d'euros et la poursuite du programme BARRACUDA et du futur moyen océanique de dissuasion (FMOD),

- dans le domaine des navires armés de surface, avec 4,2 milliards d'euros la poursuite des livraisons des FREMM ;

- dans le domaine de l'aéronautique de transport et de ravitaillement, avec 3,9 milliards d'euros et la poursuite des livraisons des avions A400M et la commande des avions MRTT l'année prochaine ;

- dans le domaine des hélicoptères, avec 3,7 milliards d'euros et la poursuite des livraisons des programmes TIGRE et NH90, qui sont d'ailleurs d'excellentes machines ;

- dans le domaine des communications et des réseaux, la poursuite d'un effort significatif, avec 3,2 milliards d'euros et la poursuite de CONTACT (successeur du PR4G) et le lancement de COMSAT NG ;

- dans le domaine des missiles, avec 2,7 milliards d'euros et le maintien de la filière avec une trame de programmes nouveaux comme le missile moyenne portée MMP (successeur du MILAN) ou le missile antinavire léger (ANL), en coopération avec les Britanniques,

- dans le domaine terrestre, que nous avons sauvé, avec 2,5 milliards d'euros et le lancement de SCORPION en fin d'année prochaine.

Si l'exécution de la programmation est conforme, il ne devrait y avoir aucune catastrophe majeure, mais bien sûr il y aura des ajustements.

L'impact sera ainsi limité sur les investissements du P146, et minimisé par rapport à ce qu'il aurait pu être dans le contexte budgétaire difficile que l'on traverse actuellement.

Les industriels responsables l'ont bien compris.

Il faudra redoubler d'efforts pour conquérir de nouveaux marchés à l'export afin de trouver des ressources extérieures pour assurer des plans de charge plus confortables.

Afin de dégager des marges de manoeuvre pour lancer de nouveaux programmes et répondre aux besoins capacitaires, les calendriers des livraisons des nouveaux matériels - exemple avion de transport A400M, hélicoptères NH90 et TIGRE, avion de combat RAFALE, frégates FREMM, sous-marin nucléaire d'attaque BARRACUDA, système FELIN, missile d'interception à domaine élargi (MIDE) - seront aménagés tout en permettant la poursuite du renouvellement des capacités initié sur la loi de programmation précédente.

Les conditions de réalisation de certains programmes ont déjà fait l'objet d'un accord avec l'industrie.

Ainsi concernant le programme BARRACUDA, le calendrier de livraison des sous-marins a été étiré au maximum, tout en préservant Cherbourg.

Je souhaite d'ailleurs que DCNS ait des succès à l'export, sur le Scorpène, afin d'améliorer le plan de charge de Cherbourg. Le ministre de la Défense s'y attache avec détermination et dynamisme.

Un sous-marin sera livré tous les deux ans et demi en moyenne.

Quant au NH90 un engagement industriel sur l'étalement, conformément à nos capacités de paiement, a été obtenu au moment de la contractualisation des 34 TTH, portant le nombre de TTH commandés à 68 au total, plus 27 NFH.

Pour les autres, l'ajustement des calendriers de production est en cours de discussion avec les industriels afin de garantir la viabilité de l'activité industrielle sans obérer la tenue des contrats opérationnels fixés par le Livre blanc.

Ce sera difficile sur certains programmes mais nous visons de les rendre conformes avec la LPM qui sera votée, avec les capacités de paiement qu'elle nous octroiera.

Le projet de LPM prévoit la livraison de 26 avions Rafale sur la période, avec l'hypothèse de contrats export permettant de maintenir le rythme de production industriel.

Par ailleurs, les 10 RAFALE Marine livrés entre 1999 et 2001 seront rénovés au dernier standard fonctionnel.

Le projet prévoit également que l'intégration de nouvelles capacités [missiles air-air longue distance MIDE/METEOR et systèmes de pod de désignation laser de nouvelle génération (PDL-NG)], sera réalisée dans le cadre du développement d'un nouveau standard (F3R) et appliquée sur l'ensemble de la flotte Rafale air et marine déjà livrée. Il pourrait être notifié avant la fin de l'année, en fonction de l'exécution du budget de fin 2013.

Pour mémoire, le Livre blanc a fixé la cible à terme à 225 avions de combat tout compris.

Le premier A400M a été livré en août dernier à l'armée de l'air. Le projet de LPM prévoit la livraison de 15A400M d'ici 2019. Ces livraisons permettront de poursuivre le retrait déjà engagé de la flotte C160. À terme, le Livre blanc a fixé la cible globale à 50 avions de transport tactique. Pour ce programme, un aménagement du rythme de production est envisagé et l'export sera nécessaire pour maintenir des flux de production corrects.

Le projet de LPM prévoit un étalement du rythme de livraison des FREMM. Six FREMM en version anti sous-marine seront livrées d'ici à 2019, les deux suivantes ayant en plus une capacité de défense aérienne.

Une décision devra être prise en 2016 sur les modalités de rejointe du format du LBDSN de quinze frégates de premier rang.

Cette décision portera sur la réalisation des trois dernières frégates du programme FREMM, le programme de rénovation des FLF et un nouveau programme de frégate de taille intermédiaire (FTI) en intégrant l'actualisation du besoin militaire et la situation de l'industrie sur le marché export des frégates de premier rang.

Une telle décision est aujourd'hui prématurée.

La période de LPM sera marquée par la fin des livraisons des 630 VBCI en 2015, dont 95 disposeront d'un niveau de protection adapté aux théâtres d'opérations les plus exigeants.

Cette adaptation conduit à une augmentation de la masse, qui s'élèvera à 32 tonnes pour ces véhicules extrêmement protégés, et dont l'A400M assurera, grâce à ses capacités, le transport.

Concernant les nouveaux programmes, je rappelle que leur lancement a été retardé dans l'attente du Livre blanc de 2013 et de cette nouvelle LPM, afin de ne pas en préempter les choix.

Une vingtaine de programmes nouveaux seront lancés sur la période de cette LPM. Je ne citerai que les exemples les plus emblématiques.

Dans le domaine de l'aviation de combat, il est prévu le lancement pour le RAFALE d'un nouveau standard F3R, dont j'ai déjà parlé. Il contribuera au maintien de l'activité des bureaux d'études, en lien avec les négociations sur l'étalement de la production des avions de la quatrième tranche de production.

Dans le domaine terrestre, le lancement du programme SCORPION, essentiel au maintien des compétences de l'industrie terrestre, est prévu en fin d'année prochaine. C'est le programme majeur pour la modernisation des matériels de l'armée de terre.

Le programme d'avions ravitailleurs MRTT sera lancé pour préparer le remplacement de C135 vieillissants. C'est un programme essentiel en particulier pour la dissuasion.

Dans le domaine du renseignement, plusieurs programmes nouveaux seront lancés. Je citerai les drones MALE, dont une première acquisition est en cours, le système de renseignement d'origine électromagnétique spatial CERES, la Charge utile de guerre électronique (CUGE) ainsi que les drones tactiques SDT.

Le domaine spatial, outre CERES déjà cité, connaîtra le lancement du programme COMSAT NG, successeur du système de télécommunications militaires par satellites SYRACUSE 3. Pour le domaine naval, les principaux nouveaux programmes prévus sur la période de la LPM sont le Bâtiment de soutien et d'assistance hauturier (BSAH), la rénovation des frégates de type La Fayette, le système de lutte anti sous-marine (SLAMF), qui viendra compenser le vieillissement de nos chasseurs de mines tripartites, et les navires logistiques (FLOTLOG).

Enfin, le domaine des missiles verra aussi plusieurs lancements de programmes : l'ANL prévu dès cette année, comme le MMP, et plus tard sur la période, la rénovation des missiles de croisière SCALP et le successeur du missile MICA. Ces programmes sont indispensables au maintien des compétences de la filière missile.

Un certain nombre de ces nouveaux programmes sont prévus en coopération européenne, en particulier avec notre partenaire britannique : c'est le cas de SLAMF et de l'ANL.

Au-delà de ces programmes nouveaux, les programmes conduits en coopération européenne sont tous maintenus : MUSIS, FREMM, A400M, METEOR, ou encore TIGRE, NH90 et ASTER... Pour ces programmes, les ajustements seront menés en coordination avec nos partenaires étrangers, en particulier l'Allemagne et l'Italie.

On pourrait également citer comme programme européen les avions ravitailleurs MRTT, dont le premier exemplaire devrait être livré en 2018.

La coopération doit permettre, au travers des mutualisations ou des partages capacitaires développés dans le cadre de l'Union européenne, de favoriser l'émergence ou la consolidation de solutions européennes dans des domaines tels que ceux du renseignement et des communications d'origine satellitaire, du déploiement et l'exploitation des drones de surveillance, du transport stratégique ou du ravitaillement en vol.

C'est un sacerdoce mais nous y travaillons avec beaucoup de détermination.

La DGA prendra naturellement part à l'effort de déflation du ministère mais j'ai beaucoup insisté pour que la DGA soit la moins atteinte possible.

En effet, cette LPM n'induit aucun abandon de capacité technique, technologique ou industrielle, et donc aucun abandon de capacité pour la DGA.

Le maintien de l'ensemble des programmes en cours, les nouveaux programmes à lancer et les négociations requises avec l'industrie pour adapter les échéanciers de livraison, nécessitent que les unités de management, les centres techniques et le service de la qualité puissent assurer la charge correspondante.

Par ailleurs, le développement de la politique de soutien aux exportations conforte la DGA dans cette mission.

J'estime qu'il n'est pas souhaitable que l'Etat économise là-dessus. C'est d'autant plus vrai que le projet de LPM appelle même au renforcement de certains domaines comme la cyberdéfense.

Dans ce domaine, nous réussissons à recruter très facilement des candidats de très bon niveau, qui sont ravis de se mettre au service de l'Etat. Cela est un objectif que la DGA reste attractive pour les nouveaux ingénieurs, afin de régénérer sa compétence technique.

D'ailleurs, je ne me retrouve pas dans les questions de dépyramidage des officiers, il faut relever que les cadres de la DGA ne constituent pas une pyramide d'encadrement au sens militaire, mais bien un ensemble de compétences techniques et managériales adapté aux missions confiées aujourd'hui à la DGA.

Un ingénieur en chef est d'abord un ingénieur, avant d'être un militaire à cinq barrettes.

Le dépyramidage pour la DGA n'a pas de réalité et serait contraire à l'objectif poursuivi de maintenir un haut niveau de compétences techniques et managériales, de plus en plus reconnu au sein du ministère, l'important étant la qualité du recrutement.

La DGA a effectué depuis 2008 un effort sans précédent de restructuration et de rationalisation :

Elle a effectué des regroupements de centres passant de quinze centres sur vingt-et-un sites à neuf centres sur quinze sites impliquant des fermetures et des transferts.

Elle a externalisé massivement son soutien auprès d'autres opérateurs ministériels même si le fonctionnement de ce récent dispositif de soutien reste à rôder sous nombre d'aspects.

Je rappelle à ce titre les conclusions du CGA Weber sur les centres techniques de la DGA : « il est impossible de poursuivre les rationalisations sans remettre en cause l'existence de un ou deux centres ou sans les adosser à un industriel du secteur. »

La DGA est actuellement dans un format resserré par rapport à ses missions et elle n'a quasiment plus aucune fonction de soutien en son sein.

Mais nous contribuerons naturellement à l'effort budgétaire demandé. Sur la période 2013-2019, la baisse des ressources allouées à la DGA est de :

- 10,1% sur le périmètre fonctionnement P144et P146 ;

- 7% sur le périmètre total fonctionnement et investissement (P144et P146), mais en absorbant dans cette enveloppe les 50 millions d'euros d'investissements liés à la cyberdéfense.

Je souhaite continuer à investir dans les moyens d'essais des centres, en particulier dans le domaine des essais de missiles, pour qu'ils conservent leur place d'excellence européenne.

Ces baisses de ressources sont en milliards d'euros courants, la diminution du pouvoir d'achat sera encore accentuée par l'inflation.

Je souhaite revenir sur quelques hypothèses fortes qui conditionnent la réalisation de cette LPM. Cela reste des points d'attention particuliers pour le ministère.

Le premier d'entre eux est naturellement la disponibilité des ressources exceptionnelles pour le P146.

Les 1,5 milliard d'euros de ressources prévues pour le P146 pour 2014 sont d'ores et déjà identifiées : il s'agit du programme d'investissements d'avenir. Ces crédits sont présentés au titre du PLF 2014. Les modalités pour leur consommation sont en cours de consolidation.

Dans les grandes lignes, la quasi-totalité sera consacrée au CEA, sur des volets de développement et de recherche qui restent dans l'esprit d'investissement du PIA, et au CNES sur MUSIS dans une moindre mesure.

Au-delà de 2014, l'identification précise des REX est en cours.

Elles pourront provenir du produit de la cession des fréquences entre 694 MHz et 790 MHz [fréquences de la TNT].

La question qui se pose est : quand ces fréquences seront-elles cédées et quand les produits de cession seront-ils utilisables sur le P146 ?

En complément, on pourrait avoir recours à la cession de participations de l'Etat, sous la forme par exemple d'une société, qui recueillerait les produits de cession de participation des entreprises publiques, et dont les dépenses d'investissement seraient orientées vers des matériels militaires répondant aux besoins des armées suivant des modalités à définir.

La deuxième hypothèse forte est plus spécifiquement liée au programme RAFALE, pour lequel le projet de LPM table sur un démarrage effectif de l'exportation dès le début de la période.

Cette hypothèse est crédible au regard de l'avancement d'un certain nombre de perspectives, que je ne détaillerai pas, et des qualités exceptionnelles de cet appareil.

A ces hypothèses s'ajoutent les conditions d'entrée en gestion de la LPM qui sont essentielles.

Actuellement, un peu plus de 700 millions d'euros de crédits 2013 sont encore gelés (surgel et réserve de précaution initiale). Si ces crédits ne sont pas débloqués, ou s'il faut financer les surcoûts OPEX, cela déstabiliserait fortement ce point d'entrée, compte tenu des montants en jeu et de l'absence de marges de manoeuvre sur le report de charges.

Le report de charges du P146 prévu aujourd'hui pour fin 2013 est d'environ 2 milliards d'euros. Une augmentation nous mènerait à des conditions d'exécution du budget 2014 qui seraient pénibles.

En tout état de cause, la LPM prévoit une clause de revoyure fin 2015 qui permettra de vérifier la bonne adéquation entre les prévisions et la réalisation.

Elle paraît d'autant plus nécessaire que la réalisation des trois grandes hypothèses que j'ai citées porte sur le court voire très court terme et conditionne l'équilibre financier de la LPM dès le début de période.

Pour conclure, ce projet de LPM marque le maintien d'un effort de Défense significatif malgré un contexte budgétaire contraint.

L'industrie de défense et la préparation de l'avenir sont en particulier au coeur de ce projet de loi de programmation militaire qui tient compte de l'impératif industriel.

Il est vain pour certains industriels de continuer d'essayer de ramener dans leur domaine des ressources de la LPM prévues pour d'autres.

Cela se ferait au détriment des autres domaines et mettrait en péril tout l'équilibre de ce projet.

Ceci clôt mon propos. Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Sénateurs, merci pour votre attention.

Vous avez posé une question sur le programme TIGRE. Il était prévu au début la mise sous cocon de vingt TIGRE HAP ; c'est pourquoi les lots de rechange de ces vingt TIGRE HAP n'ont jamais été achetés et ce en accord avec l'armée de terre. Le nouveau projet revoit le concept d'emploi des TIGRE ; ce nouveau concept est fondé désormais sur une cible de soixante appareils avec une homogénéisation et une transformation des HAP en HAD ; les nouveaux lots de rechange seront bien évidemment dimensionnés pour soixante HAD.

M. Jean-Louis Carrère, président - Puisque nous sommes dans un échange d'une grande sincérité, je tenais à vous dire que nous adopterons vraisemblablement en commission des amendements afin d'insérer une clause de garantie des ressources exceptionnelles. La question que je me pose est de savoir si le programme d'investissement d'avenir sera abondé par des crédits budgétaires, des cessions de participations ou les deux ?

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement - Ce sont des cessions de participations. C'est le début d'un exercice qui consiste à céder des participations que l'Etat détient dans des grandes entreprises. Il ne vous a pas échappé par exemple que l'Etat a déjà cédé 3% de sa participation dans SAFRAN, passant de 30 à 27%. La question que l'on doit se poser est de savoir quelle est la doctrine de la participation de l'Etat dans les entreprises qui ont des activités dans des domaines aussi variables que dans les domaines de l'énergie, des transports ou de la défense.

M. Jean-Louis Carrère, président - Nous préférerions que ce programme soit abondé par des crédits budgétaires.

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement - David Azema, commissaire aux participations de l'Etat, et moi-même, sommes convaincus qu'il y a des sociétés dans lesquelles l'avenir stratégique n'est pas arrêté et là il n'est pas question de lâcher quoi que ce soit du contrôle de ces sociétés. A l'inverse, il y a des sociétés relativement indépendantes de la Défense. C'est du cas par cas, avec une analyse à mener sur l'intérêt stratégique industriel et pour l'Etat.

M. Jean-Louis Carrère, président - Sur le RAFALE et l'export nous avons parfaitement compris que c'était un problème de chaîne de production. Mais cela veut dire que si d'aventure nous étions obligés de prendre en compte cette préoccupation, il faudra que l'on dise collectivement comment l'on fait.

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement - Pour le RAFALE, il y a plusieurs prospects, avec des définitions différentes dans les différents cas et il est sera donc important de savoir quel prospect débouche en premier. Pour l'Inde, le RAFALE s'inscrit dans une flotte aéronautique indienne qui dispose déjà d'équipements propres, ce qui nécessite des adaptations de l'avion. Pour le Qatar par contre, la définition est très proche de celle de la France, ce qui donne plus de souplesse pour la gestion de la production. Je suis confiant sur le fait que le RAFALE s'exporte, la seule question est de savoir quand.

M. Jacques Gautier . - Je remercie le délégué général pour sa présentation toujours aussi transparente, claire, précise et qu'il est le seul à pouvoir nous effectuer de cette façon. Une question générale, d'ordre financier : il semble qu'avant l'été les services de la DGA aient demandé à un certain nombre d'industriels de revoir les modalités de paiement des contrats. Je m'explique : il s'agirait de reporter les paiements en fin de contrat et non pas tout au long de son exécution, comme c'est le cas habituellement. Ce qui aurait pour inconvénient de reporter sur ces entreprises le portage financier de ces contrats. L'Etat pourrait ainsi s'endetter sans que cela ne se voie dans l'endettement public. Cela rendrait totalement irréaliste l'exécution de la loi de programmation. Par ailleurs, qu'en est-il du standard F3R du RAFALE avec le pod de désignation laser nouvelle génération - qu'en est-il des ATL2 et de la rénovation, mais je n'ose plus employer le mot tellement le périmètre a rétréci, des MIRAGE 2000 ? Vous avez évoqué DCNS, la marine et les FREMM ; nous avons remarqué et nous ne sommes pas les seuls, qu'il faudrait effectivement développer un navire moins important pour l'export - les frégates de taille intermédiaire - nous avons également noté les possibilités de développer de nouveaux radars plus performants que ceux actuels. Est-ce que vous envisagez de donner les technologies de 2015 aux frégates qui sortiront en 2022 ou bien les laisserez-vous avec les technologies radar du début des années 2000 ?

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement - Est-ce que nous avons demandé aux entreprises de les payer à la fin des contrats ? La réponse est non. Cela fait partie des choses que l'on pourrait envisager dans le cadre des grands contrats que nous sommes en train de renégocier et ne poserait pas de problèmes à certaines entreprises. Je vais en citer deux : Dassault, qui a une trésorerie tout à fait significative et qui a déjà pratiqué ce genre d'exercice par le passé avec l'Etat, et DCNS, qui a une trésorerie de deux milliards d'euros. Cela fait partie des choses que l'on pourrait demander s'il y a des choses qui ne convergent pas comme il faudrait. Mais pour l'instant nous ne l'avons pas fait. D'abord parce que ce n'est pas de bonne politique d'une façon générale. Et puis parce que cela nous prive d'un moyen d'action vers les industriels en cours d'exécution des contrats et donc je n'y suis pas favorable.

Le standard F3R aura bien évidemment le pod de désignation laser de nouvelle génération.

Pour la rénovation ATL2 : rendez-vous à Brest vendredi.

Le contrat pour les MIRAGE 2000 sera commandé en 2015 avec un contenu technique qui reste à affiner.

Sur les FREMM, nous sommes bien conscients des problèmes d'obsolescence qui affectent les radars HERAKLES ; mais comment anticiper le passage à la mature intégrée ? Nous allons étudier cela et c'est pour cela qu'il y aura une décision à prendre en 2016. Exporter des bâtiments de surface est indispensable. Les FREMM supposent que l'Etat acquéreur ait une marine de haut niveau pour qu'elles puissent être manoeuvrées par des équipages très réduits en nombre.

M. Daniel Reiner . - Sur les reports des charges - c'est irritant. On nous avait parlé de trois milliards, maintenant c'est deux, c'est mieux.

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement - Trois milliards c'est pour l'ensemble du ministère - deux milliards c'est uniquement pour le P146...

M. Daniel Reiner . - C'est mieux, mais j'aimerais savoir exactement de quoi il s'agit ? Ce sont des commandes pour lesquelles il n'y avait pas de trésorerie ?

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement - Ce sont des annulations de crédit en cours d'années, des transferts de crédits vers d'autres programmes LOLF au fil de l'eau, et puis ça s'accumule, ça grossit - le cumul est là. Cela a un effet important sur les PME ; on a toujours pris les mesures nécessaires pour garder un peu d'argent en fin d'exercice afin de pouvoir quand même payer les PME. On peut le faire quand on a une visibilité précise sur la gestion de fin d'année et pas quand on est devant des choses qui s'arrêtent au mois de septembre.

M. Daniel Reiner . - C'est un système qui n'est pas satisfaisant. Je pose une seule question : le ministère a mis en place un pacte défense PME ; nous avons rencontré des PME et des grands groupes également. Il y a une demande forte d'un observatoire de mise en place de ce pacte. Il y a un besoin de mettre un peu d'huile dans les rouages de ce point de vue-là.

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement - Il y a un délégué ministériel pour l'application de ces mesures aux PME et il est hébergé à la DGA ; comme vous le savez, nous avons largement contribué à l'élaboration de ce pacte. Les grands industriels ont quand même accepté des mesures beaucoup plus contraignantes que le droit contractuel normal. Alors dans quelle mesure faut-il mettre en place un observatoire, je ne sais pas. Il s'agit d'un pacte de bonne conduite et non pas d'un pacte réglementaire. On peut discuter de cela avec le comité Richelieu si c'est lui qui a eu l'idée, mais de grâce ne multiplions pas les observatoires, même si celui-ci pourrait être justifié. On a essayé quand même de simplifier beaucoup les choses et en particulier les délais de paiement de l'Etat. Mais effectivement cela ne sert à rien de réduire les délais vers les grands groupes si ceux-ci ne répercutent pas vers les PME...

M. Xavier Pintat . - Les drones tactiques - on a beaucoup parlé du Watchkeeper - où en êtes-vous de leur acquisition ? La défense antimissiles balistiques - la France s'est engagée à soutenir l'initiative de Lisbonne, or aucun élément ne semble apparaître dans la LPM, pouvez-vous nous en dire plus ? La simulation en matière nucléaire - où en sommes-nous des grands projets, le laser mégajoule, le programme TEUTATES, EPURE, pouvez-vous nous en dire plus ?

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement - Nous avons expérimenté le drone Watchkepper pendant plusieurs mois dans les établissements de la DGA ; la maturité du produit pourrait être meilleure. Pour que nous acceptions de le considérer il faudra nous démontrer que sa maturité est supérieure à celle que nous avons constatée. Un appel d'offres pourquoi pas, mais pour le Watchkeeper il y avait quelque chose-là qui était très séduisant qui allait au-delà de la simple acquisition et s'intégrait dans une coopération opérationnelle.

Concernant la DAMB, nous avons proposé d'apporter des modifications à l'Aster block 1NT - nous avons eu des discussions avec les Italiens et les Britanniques. On va voir comment tout cela évolue, mais notre contribution à la DAMB de l'OTAN va être modeste. Ce qui nous importe c'est la protection de corps d'armées projetés sur des théâtres extérieurs. C'est donc l'ASTER block 1NT. Pour aller au-delà, il faut également développer des radars de beaucoup plus grande portée ce qui nécessite des efforts financiers que nous n'envisageons pas dans cette LPM.

Enfin, la simulation continue. Des moyens d'évaluation sont mis en place avec les Britanniques. Les premières expériences sur le LMJ auront lieu l'an prochain, indépendamment des Britanniques pour la première. La mise en service de TEUTATES et d'Airix évolue.

M. André Trillard . - Quelles sont les capacités de nos industriels à changer les cadences de production en cas de conflits sérieux. Nous avons subi trois conflits en série qui n'ont pas été très coûteux en matière d'équipements - la Côte d'Ivoire, la Libye, le Mali. Mais ce qui a failli se produire en Syrie eût été beaucoup plus dispendieux en termes de consommation de moyens de frappe dans la profondeur. Il faut des industriels qui arrivent à gagner leur vie sur ces séries limitées, mais qu'ils soient également capables de recompléter en cas de conflits. Est-ce que c'est un sujet sur lequel vous réfléchissez.

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement - Oui évidemment. En matière d'aviation de combat nous sommes dans des délais de l'ordre de trois ans. On ne pourrait pas recompléter très facilement. On peut accélérer la fabrication des munitions, mais par exemple en matière de moteurs d'avions, pour lesquels certaines pièces comme les aubes de turbine ont été produites par « batch », c'est compliqué.

Mme Michelle Demessine. - Je tiens à affirmer l'attachement des membres de mon groupe à la préservation de l'outil industriel de défense. Or la situation est difficile. Nous avons visité le chantier de DCNS à Lorient. Les efforts sont importants. Il y a une vraie bataille pour la préservation de l'emploi industriel. Je souhaiterais vous entendre sur ce sujet. Quel va être le résultat de ce que vous allez négocier ?

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement - C'est vrai que la situation est difficile, mais elle est difficile partout, pas uniquement à Lorient. Cette LPM est un équilibre entre les neuf grands agrégats industriels et nous avons dit qu'il n'était pas question pour nous de procéder à des échanges entre les sous-marins, les avions de combat, les avions de transport, les missiles, les moyens d'observation, l'industrie d'armement terrestre etc... Les impacts industriels sont difficiles à mesurer. Il faut absolument aller à l'export. La LPM prévoit une stabilisation en euros courants sur les PEM, c'est-à-dire une diminution en euros constants. On ne va pas se le cacher. Il faut rappeler toutefois que globalement sur l'ensemble de l'agrégat équipement, le montant est en augmentation.

M. Christian MONS
Président du Conseil des industries de défense

Le 2 octobre 2013

M. Jacques Gautier, président. - Monsieur le Président, mes chers collègues, le Président Carrère est actuellement à Matignon ; il va nous rejoindre d'un instant à l'autre.

Nous ne pouvons vous faire attendre plus longtemps ; il m'incombe donc de présider cette ouverture. Je vous souhaite la bienvenue et irai droit au but avec quatre questions...

Tout d'abord, quel est l'impact de la Loi de programmation militaire (LPM) sur notre base industrielle et technologique de défense ?

En second lieu, comment voyez-vous la question de la consolidation de la base industrielle de défense européenne, et en particulier dans le secteur que vous connaissez bien des industries d'armement terrestre ?

Troisièmement, comment voyez-vous le marché de l'armement à l'exportation, qui est essentiel à l'équilibre de la LPM, notamment sur les pays émergents ? Cela pourra-t-il suffire à compenser les diminutions de crédits nationaux ? Certains industriels qui, sans exportations, ont de plus en plus de mal à s'en sortir, envisagent même des cessations d'activités ou des suppressions de postes...

Enfin, pensez-vous qu'il faille améliorer la démarche stratégique française, en faisant en sorte, par exemple, que l'Etat publie sa stratégie d'acquisition, ce qui orienterait la recherche et technologie (R et T) et la recherche et développement (R et D) ?

La LPM a prévu de maintenir 730 millions d'euros par an. Chacun s'en félicite, mais il faut concentrer cette somme sur ce qui apparaît comme utile et indispensable en matière d'armement futur, en évitant de faire de la recherche pour la recherche, ce qui est hors de notre portée financière.

Il pourrait donc être intéressant que l'Etat, souvent client unique de certains industriels, fasse savoir longtemps à l'avance ce sur quoi il a besoin que les industriels travaillent, dans leur intérêt même, afin que ceux-ci n'explorent pas de voies sans garantie de marchés. Qu'en pensez-vous ? Vous parlez ici pour un certain nombre d'industries, vos fonctions de président vous amenant à assurer cette responsabilité...

M. Christian Mons, président du CIDEF. - Je tiens d'abord à vous remercier, au nom du CIDEF, pour votre mobilisation, au printemps, lorsque les pires scénarii ont circulé.

Le niveau budgétaire de la LPM n'est certes pas satisfaisant, mais on doit néanmoins reconnaître que vous vous êtes fortement impliqués pour essayer de diminuer l'impact que cette LPM pourrait avoir sur nos industries.

Celle-ci n'est pas parfaite ; beaucoup de mes collègues l'ont déjà exprimé devant la commission de la défense de l'Assemblée nationale et, je le pense, également devant cette instance. Elle devrait toutefois, sous réserve d'être exécutée dans sa totalité -ce qui n'est arrivé à aucune LPM- continuer à assurer une continuité d'activités au sein de nos bureaux d'études et de nos lignes de production, principalement parce qu'aucun programme n'est pour l'instant annulé.

Notre industrie pèse 17 milliards d'euros, exporte 35 % de sa production, dégage un solde commercial très positif, emploie 175 000 personnes à forte valeur ajoutée, peu voire pas délocalisables. Elle est organisée autour de quelques grands systémiers, mais regroupe 4 000 petites et moyennes entreprises (PME) et entreprises de taille intermédiaire (ETI), très largement réparties sur les territoires, qui ont un poids économique très structurant pour de nombreux bassins d'emploi -Bourges, Brest, Cherbourg, Cholet, Fougères, Lorient, Roanne, Bordeaux, Toulon...

Elles se caractérisent par un effet d'endettement technologique important, du fait de la grande technicité de nos produits, du caractère dual de certaines de nos techniques, et du lien qui existe entre les donneurs d'ordre et les entreprises sous-traitantes.

J'ai coutume de dire que l'industrie de défense demeure aujourd'hui l'un des rares secteurs qui, tout en assurant sa mission première de participation à la souveraineté, génère un volume élevé de production sur le territoire national. Je dirais même que c'est une industrie à caractère keynésien : tout investissement dans les équipements de défense a, sur l'emploi et sur les compétences, un effet d'entraînement éminent. Selon nos calculs, en France, tout euro investi dans l'industrie de défense, au titre d'achats d'équipements ou d'études, rapporte 1,30 euro à l'Etat, et 1,6 euro en Angleterre.

L'exportation a, en la matière, un effet important : quand on exporte, on crée de la richesse, on paie des charges sociales, des impôts. Chaque emploi créé génère par ailleurs des emplois induits.

Cette industrie joue également un rôle politique éminent dans la défense des intérêts de la France dans le monde.

La LPM, telle qu'elle nous a été présentée, aura indéniablement des conséquences en matière de suppressions d'emplois. On peut estimer celles-ci, de façon très grossière, à une vingtaine de milliers sur la période concernée. Ceci peut toutefois être atténué si l'on retarde les engagements. Mais un certain nombre de nos industriels doivent être en sous-charge dès le début de 2014, certaines s'y trouvant déjà.

Ce chiffre de 20 000 emplois est certainement contestable. Toutes choses égales par ailleurs, il nous manque un milliard d'euros par an. A raison d'environ 100 000 euros par emploi, cela représente à peu près 20 000 emplois, 10 000 directs et 10 000 indirects.

L'impact pourrait être pire ! Le budget comporte des frais de personnel très élevés. S'ils ne se réduisent pas, ce sont les achats d'équipement qui constitueront la variable d'ajustement du ministère de la défense. Les frais de fonctionnement et de personnel s'imposent. L'état-major ne sait pas encore très bien à quel rythme il va pouvoir faire baisser ses effectifs...

M. Jean-Louis Carrère, président. - Et si la loi n'est pas votée ?

M. Christian Mons. - C'est un autre sujet...

Quels sont les points de fragilité du dispositif ? Les ressources exceptionnelles et les conditions de renégociation des contrats déjà signés nous semblent constituer un point de difficulté. Le ministère de la défense, tout comme nous, devra suivre au plus près ces vulnérabilités. Nous avons identifié trois points clés...

En premier lieu, il ne faut pas relâcher l'effort sur la R et T. Vous avez cité le chiffre de 730 millions d'euros : c'est la condition du maintien de nos bureaux d'études. Certes, il nous faudrait au moins un milliard, mais il faudrait aussi que l'industrie d'armement terrestre reçoive plus que les 50 millions d'euros qui y sont affectés, les 730 millions étant pour moitié captés par le nucléaire stratégique et par la Direction des applications militaires du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA DAM).

Le nucléaire représente environ 200 millions sur 730. Il est toujours difficile de définir précisément le nucléaire stratégique, dont font partie le Rafale, les missiles, le porte-avions et son escadre...

M. Jean-Pierre Chevènement. - On ne peut avoir une définition aussi englobante ! Le porte-avions, le Rafale, etc., sont multi-rôles...

M. Christian Mons. - Le Groupement des industries françaises de défense terrestre (GICAT) ne reçoit que 50 millions d'euros de R et T sur les 730, ce qui est très peu pour une industrie importante, et pour une armée qui est engagée très régulièrement dans les opérations extérieures...

M. Jean-Pierre Chevènement. - On ne peut réduire cela à un petit agrégat !

M. Jeanny Lorgeoux . - Vous voulez dire que l'armée de terre est moins bien lotie que les autres...

M. Christian Mons. - Absolument !

M. Jean-Pierre Chevènement. - L'industrie d'armement terrestre est beaucoup moins puissante que des groupes comme EADS, ou Thales...

M. Christian Mons. - Thales fait partie de l'armement terrestre. EADS également...

Thales vient d'être attributaire du contrat « Contact », qui constitue un élément de Scorpion, et qui concerne les communications numériques modernes. Les activités de recherches terrestres obtiennent moins de subsides.

M. Jean-Pierre Chevènement. - Les blindés n'ont plus guère de progrès à faire...

M. Christian Mons. - Ils continuent à en faire ! Les blindés de la précédente génération ne résistent pas aux menaces actuelles. On va être obligé de les surprotéger...

Le maintien en condition opérationnelle (MCO) constitue un point dur, qui peut déstabiliser toute la programmation. On doit trouver ensemble les moyens de contrôler les coûts et de mieux planifier, afin d'éviter les surprises. La solution passe selon nous par une redéfinition de la relation entre l'Etat et l'industrie, dans la gestion et la mise en oeuvre du MCO. L'industrie est prête à prendre plus de travail en matière de soutien, sans pour autant aller jusqu'à une externalisation complète, qu'il serait difficile d'opérer.

L'exportation reste un point clé : la LPM rend obligatoire l'obtention de contrats à l'exportation très significatifs, afin d'éviter les conséquences sociales de l'étalement des principaux programmes d'armement. Il faut être réaliste : je ne suis pas certain que les perspectives actuelles permettront de compenser les futures baisses du marché national !

M. Jean-Louis Carrère, président. - Pensez-vous que Dassault ne puisse pas vendre ses Rafale ?

M. Christian Mons. - J'espère qu'il n'en sera rien ! Si tel n'était pas le cas, ce serait pire : nous serions obligés d'en acheter une partie...

M. Jeanny Lorgeoux. - Supposons qu'il les vende...

M. Christian Mons. - Cela aura une conséquence positive sur une bonne partie de l'industrie.

M. Jeanny Lorgeoux. - Poursuivez votre raisonnement...

M. Christian Mons. - Nos ventes à l'exportation sont plates. Depuis quelques années, elles n'augmentent plus.

M. Jeanny Lorgeoux. - Pour quelles raisons ?

M. Christian Mons. - A cause de la concurrence ! Les budgets de défense augmentent essentiellement en Asie, en Asie centrale et en Russie...

M. Jeanny Lorgeoux. - Nos produits sont-ils mauvais ? Les vend-on mal ?

M. Christian Mons. - Nos produits sont excellents et au niveau de compétitivité souhaité. Les produits de très haute technologie -aéronautique et missiles- n'ont que peu de concurrence étrangère. Les Chinois viennent toutefois de vendre des missiles de défense aérienne aux Turcs. On l'a annoncé il y a deux jours... Cela doit faire réfléchir ! C'est très inquiétant.

Nous avons, dans le domaine des plates-formes terrestres, par rapport à des pays émergents comme la Turquie, la Corée du Sud, l'Afrique du Sud, le Brésil ou Israël, des produits certes excellents et compétitifs, sûrement meilleurs que les leurs, mais qui ne font pas la différence compte tenu de l'écart de prix ! A tonnage équivalent, à puissance moteur équivalente, à niveau de protection équivalent, ils sont deux fois moins chers que les nôtres !

M. Jean-Louis Carrère, président. - On vient de perdre le marché turc, qui a préféré les missiles chinois...

M. Daniel Reiner. - Ce n'est pas signé !

M. Christian Mons. - Cela a été annoncé ! On a indéniablement un problème de compétitivité : nos coûts horaires sont élevés.

Quand on vend de l'aéronautique, la barrière d'entrée est très élevée. Les concurrents sont donc moins durs, mais sur des produits où la technologie est plus facile à acquérir, on a face à nous des pays très compétitifs et dangereux, qui freinent nos exportations. C'est un constat que l'on est obligé de faire.

M. Gilbert Roger. - Il faut donc vous assurer des commandes minimales, ne pas exiger trop à l'export parce qu'on est moins bons que les autres et, en outre, que le niveau de rémunération soit le plus bas possible !

Je suis fondamentalement en désaccord avec vous ! Vous vous trompez ! Plus la masse salariale est basse, avec des gens peu formés, moins vous serez compétitifs et performants !

M. Christian Mons. - Nos personnels sont très bien formés, et ont de très bons salaires...

M. Gilbert Roger. - Vous nous expliquez depuis un quart d'heure qu'il ne faudrait pas que ce soit le cas : c'est insupportable !

M. Christian Mons. - Non ! J'ai expliqué que d'autres n'avaient malheureusement ni ces salaires, ni ces conditions de travail, mais que, dans certains cas, leur productivité pouvait être comparable.

L'exportation est vitale pour nos industries et la préservation de notre savoir-faire. Nous demandons que la réforme de la gouvernance du ministère de la défense, dans son volet consacré aux relations internationales, ne désorganise pas ce mécanisme. Les grands contrats font l'objet d'une mobilisation forte du Gouvernement, du ministère de la défense et de la représentation nationale, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.

L'effort doit être maintenu, car tous les systémiers sont concernés par les étalements de programmes, avec un impact direct sur leurs fournisseurs.

Je tiens à saluer à nouveau ici l'investissement des parlementaires, au travers des missions conduites dans des pays disposant d'un Parlement, qui participent à l'effort national au service des exportations de la défense. La poursuite de cette mobilisation personnelle des plus hauts représentants de l'Etat et du Parlement est vitale, face à une concurrence acharnée, dont les tenants se mobilisent très largement auprès des autorités étatiques et politiques.

Je voudrais plaider également pour un effort particulier en faveur des PME, ainsi que des contrats de taille moyenne. Les très grands contrats bénéficient du soutien des instances gouvernementales, mais le degré de mobilisation n'est pas aussi important pour les contrats de taille moyenne.

La mesure n° 15 du pacte de défense des PME, présenté il y a près d'un an par le ministre de la défense, va dans ce sens, puisqu'elle crée un label « DGA testé » permettant aux PME de garantir qu'un de leurs produits a été testé selon les processus en vigueur à la Direction générale de l'armement (DGA). Ce label est destiné à permettre à nos PME et ETI de gagner de nouveaux marchés. Le premier label a été délivré en juin dernier. J'espère qu'il y en aura d'autres, car cela correspond aux besoins de nos PME.

La mesure n° 16 du pacte annonce que le réseau international du ministère sera mobilisé pour accompagner les PME à l'exportation, faciliter leur positionnement et leurs contacts. Afin de rendre cette mesure pleinement opérante, il conviendrait que le dispositif soit renforcé, notamment à l'échelle des postes d'attachés d'armement, qui sont peu nombreux...

M. Jean-Louis Carrère, président. - Faites-vous allusions aux ambassades ?

M. Christian Mons. - Oui.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Tout cela représente des impôts supplémentaires ! Le ministre des affaires étrangères, que nous avons entendu ce matin, nous disait qu'il comprimait des postes et les mutualisait...

M. Christian Mons. - Il nous faut des exportations !

D'autre part, l'une des spécificités de la défense réside dans le fait que les étrangers ne veulent pas être le client de lancement d'un produit. Ils n'achètent que ce qui est déjà utilisé par le client national. C'est pourquoi le rôle de soutien des armées à nos actions à l'exportation est fondamental. Nous apprécions tout particulièrement les prêts de matériels pour des démonstrations à l'étranger, ainsi que la participation à des missions à l'étranger, sous réserve que les coûts laissés à la charge des industriels soient raisonnables, notamment pour les PME.

Les deux derniers documents de l'EMA-RI devraient apporter une meilleure cohérence des procédures et réglementations de mise à disposition des moyens des armées aux industries de défense, mais il ne faudrait pas que l'application à la lettre de ces réglementations génère une rigidité excessive du dispositif, nuisible aux industriels, notamment les PME de la défense. Il faut en fait comprendre que les prix de ces interventions vont considérablement augmenter.

D'autre part, le CIDEF recommande et appelle de ses voeux depuis assez longtemps la création, au sein des armées, d'une cellule apte à assurer la présentation des équipements utilisés en opération, comme le font les Britanniques. On s'est rendu compte, à l'usage, qu'un certain nombre de présentations de matériel, surtout dans le domaine terrestre, étaient ratées, dont des présentations importantes à la presse, l'état-major n'ayant pas mis les meilleures compétences en ligne pour assurer la démonstration. Lors de l'Eurosatory, l'année dernière, Caesar a fait trois fois long feu, les militaires l'utilisant étant équipés d'AuF1 et ne connaissant pas ce matériel. Devant la presse étrangère, c'est du meilleur effet !

Les Britanniques sont très efficaces dans ce domaine : c'est une brigade spécialisée qui réalise les démonstrations ; elle s'entraîne dans cette optique, et soutient les industriels régulièrement. Si on le fait artisanalement, on manque d'efficacité.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Par qui sont-ils payés ?

M. Christian Mons. - Je pense qu'ils sont payés par les impôts et, en partie, par les industriels. Les industriels veulent bien payer des prestations, à condition qu'elles soient de qualité. Dans le domaine aéronautique, cela se passe très bien. L'armée de l'air est très efficace, et les essais en vol très performants.

L'attribution de subventions via les groupements professionnels est un élément très important pour les PME. Les exposants du pavillon France aident beaucoup les entreprises à exposer à l'étranger, de façon qu'elles puissent promouvoir leurs produits. Les subventions que l'on reçoit sont donc essentielles pour accompagner les PME sur les salons de défense internationaux, et je souhaite que l'on protège ces dépenses, qui ont un rôle important d'entraînement et de multiplication.

En matière de contrôle, nous nous félicitons de la mise en oeuvre prochaine des nouveaux outils et procédures de contrôle, prévus avant la fin de l'année ; ceci devrait permettre de remédier à un certain nombre de difficultés que nous rencontrons encore trop souvent, et accélérer les procédures de contrôle pour les entreprises. Cette mise en oeuvre devra faire néanmoins l'objet d'une vigilance toute particulière, afin de prévenir tout dysfonctionnement d'un système qui a pour objectif de permettre aux industriels d'exporter dans de meilleures conditions, tout en garantissant le strict respect des principes fondamentaux de contrôle des exportations de la France.

Nous allons changer de système informatique : il ne faudrait pas qu'un blocage intervienne à cette occasion. Je ne reviens pas sur les problèmes de Chorus, ou de Louvois. Cela peut induire des délais néfastes pour nos exportations. Nos autorisations d'exportation sont toujours sur le fil du rasoir. On est souvent obligé de demander des dérogations et une accélération de la procédure. Il faut rester très vigilant...

M. Jean-Louis Carrère, président. - Avez-vous été associés à la définition du système ?

M. Christian Mons. - Absolument. Nous réalisons en ce moment des tests à blanc, mais je rappelle qu'il existe 600 à 700 commissions interministérielles pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEMMG) par mois. Un système administratif se grippe assez vite lorsqu'il est soumis à de tels chiffres. Une CIEMMG est une instance assez complexe, qui implique beaucoup de ministères et de fonctionnaires...

M. Jean-Louis Carrère, président. - La parole est aux commissaires...

M. Jean-Pierre Chevènement. - Pouvez-vous nous parler du Giat ?

M. Christian Mons. - C'est l'une des questions que M. Jacques Gautier m'a posée.

Nos industries n'ont pas toutes besoin d'être consolidées de la même manière. Dans le domaine aéronautique, elles ont à présent la taille critique ; le domaine naval est un sujet complexe, où les choses restent sûrement en partie à réaliser, mais DCNS a indéniablement une taille européenne, voire mondiale. Elle dispose de beaucoup de produits, dont certains très performants. L'urgence est donc moindre par rapport au domaine terrestre, où rien n'a été fait -ou pas grand-chose, en dehors de ce qu'ont réalisé les industriels privés, comme Renault Trucks, en consolidant ACMAT et Panhard, et quelques autres.

La question de Giat et de Nexter est ouverte, mais nécessite une décision politique. Tant que celle-ci ne sera pas prise, rien ne se passera. Cela fait plusieurs années qu'on en parle. La décision politique ne venant pas, le dispositif est bloqué.

Une opportunité se dessine avec le lancement de Scorpion, pour ce qui concerne les plates-formes terrestres, certaines parties étant déjà lancées, comme la communication, ou les systèmes d'information. On a devant nous deux très gros lancements, celui du véhicule blindé multi-rôles (VBMR) et de l'engin blindé de reconnaissance et de combat (EBRC). C'est sur la base de ces projets qu'il faudrait assurer une consolidation industrielle.

Malheureusement, il n'existe jusqu'à présent aucune industrie de défense européenne, ni de politique européenne de défense des industries d'armement. En effet, on n'a pas été capable d'harmoniser les demandes des différents états-majors, de façon à pouvoir faire converger les consolidations industrielles sur des programmes multilatéraux. Il existe actuellement en Europe onze programmes de 8 x 8...

M. Jean-Louis Carrère, président. - Qu'est-ce que le 8 x 8 ?

M. Christian Mons. - Il s'agit du véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI). Aux Etats-Unis, il n'y a qu'un seul programme. Au total, il devrait y avoir en Europe environ 4 000 8 x 8. Cela en fait très peu par programme : 600 VBCI pour la France...

M. Jean-Pierre Chevènement. - Le Giat avait été doté de statuts qui lui permettaient d'évoluer, il y a de cela une douzaine d'années. Il n'a pas su prendre le tournant qui a accompagné la fin de la guerre froide, et s'est retrouvé avec le char Leclerc sur les bras, une réduction de cible, etc.

Du point de vue de l'artillerie, un certain nombre de matériels ont bien sûr évolué, comme l'AuF1, ou le Caesar. Qu'est-ce qui explique l'atrophie de l'industrie française d'armement terrestre par rapport à l'industrie allemande ?

La taille de l'armée allemande n'est pas tellement supérieure à la nôtre. La force des groupes allemands, comme Krauss-Maffei et Rheinmetall, vient des liens qu'ils entretiennent entre eux, et d'une volonté politique de les maintenir. Je suis surpris que notre industrie d'armement terrestre s'étiole au fil des ans. Giat Nexter est toujours en activité, mais les groupes allemands prospèrent, et il en va de même dans l'industrie navale allemande. Il y a là quelque chose qui m'échappe...

M. Christian Mons. - L'industrie navale allemande ne va pas aussi bien que cela. La situation de ThyssenKrupp n'est pas si bonne...

Pour ce qui est de Krauss-Maffei Wegmann et de Rheinmetall, ce que vous dites est juste. Ce sont des entreprises prospères. Krauss-Maffei est un « single player » de l'armement terrestre, alors que Rheinmetall est un « dual player ». Son activité civile automobile lui permet de jongler élégamment avec les contracycliques.

Ces industries sont fortement soutenues par leur Gouvernement, en particulier à l'exportation ; elles ont réussi à vendre le Leopard à quatorze pays. Krauss-Maffei, qui est une entreprise légèrement plus grosse que Nexter, qui représente environ un milliard d'euros de chiffre d'affaires, a plus de 4 milliards d'euros de carnets de commande, ce qui lui assure plusieurs années de plan de charge...

M. Gilbert Roger. - Le problème de Chorus et de Louvois vient du fait qu'ils ont été conçus par des sociétés privées qui n'étaient pas des entreprises de premier plan. Nous avons appris hier qu'on allait lancer un appel international. Il semble qu'il n'existe que deux entreprises étrangères capables de livrer un nouveau logiciel d'ici à deux ou trois ans. L'Etat n'est donc pas toujours le seul à se tromper. Il arrive parfois que ce soit le cas des entreprises privées !

Un certain nombre de représentants de l'industrie, persuadés que leurs produits sont bons, semblent faire preuve de suffisance, et ne se posent pas les bonnes questions. Les exemples du char Leclerc ou du Rafale montrent une certaine limite de nos compétences !

Par ailleurs, comment les entreprises de grande taille pourraient-elles aider les PME à l'exportation ? Les choses sont tellement compliquées qu'on a le sentiment que ces dernières ne savent pas comment faire. Comment améliorer la situation ?

M. Christian Mons. - Les grandes entreprises exportatrices emmènent très souvent les PME et leurs sous-traitants sur leurs marchés à l'exportation, notamment ceux qui demandent des compensations locales.

Parmi les 4 000 PME et ETI du secteur de la défense, il existe des compétences originales. Celles-ci sont, dans une certaine mesure, protégées, les grands groupes en ayant besoin. Ce sont les entreprises qui fournissent des ressources qui sont les plus menacées. Lorsqu'on réduit la taille du gâteau, les grandes entreprises, assez naturellement, ont tendance à charger leur propre personnel et à moins sous-traiter. On ne peut le leur reprocher.

Les grandes entreprises prennent soin de leurs partenaires qui ont des compétences critiques, mais une bonne moitié peut servir de variable d'ajustement en période de crise. C'est humain, et l'on peut difficilement aller contre.

M. Jean-Louis Carrère, président. - J'étais avec le Premier ministre pour essayer de faire accélérer la procédure d'instruction de la LPM, car je pense que plus on la diffère, plus on risque de pénaliser ce secteur. Je ne suis pas sûr d'avoir obtenu gain de cause, mais j'espère y être parvenu...

Tous les bancs partagent ici la même analyse, et nous avons évité de faire preuve de sectarisme. Quelle est la ligne de conduite d'une commission comme la nôtre pour essayer d'aller vers la moins mauvaise solution budgétaire ? Nous nous sommes battus, dans une période objectivement complexe, pour essayer d'imposer, par le biais des arbitrages du chef des armées, un budget qui ne condamne pas la défense de notre pays, ni ses industries. Nous avons considéré le format des armées, l'état des risques, la nécessité de mettre en chantier des matériels qui assurent à notre armée une plus grande performante. Nous avons pris en compte les 160 000 et quelques emplois de l'industrie de la défense. Nous nous sommes battus sur tous les fronts, avec une convergence absolue.

Nous sommes arrivés à un arbitrage -je vous le dis sans détour- qui ne nous agrée pas, mais que nous considérons comme le moins mauvais possible...

M. Christian Mons. - Je vous en ai d'ailleurs rendu hommage dans mon introduction...

M. Jean-Louis Carrère, président. - On est maintenant à la croisée des chemins. La LPM est ce qu'elle est, mais c'est la moins mauvaise déclinaison possible du Livre blanc. Nous nous sommes, dès lors, attelés à son instruction.

On peut, considérant que cette loi comporte trop d'insuffisances, la refuser. On a aussi la possibilité, sachant que l'on peut difficilement infléchir son volume, de la sécuriser au maximum, de travailler sur les ressources exceptionnelles, les OPEX et le contrôle, afin qu'il y ait le moins possible de lissage et de prélèvements momentanés.

J'ai écouté avec grand intérêt toutes les personnes que nous avons auditionnées. On peut se demander si on ne se trompe pas en voulant sécuriser cette LPM. C'est la question que je pose -et que je vous adresse...

M. Christian Mons. - Je ne sais pas y répondre. Vous avez choisi de préserver l'ensemble des programmes ; c'est très bien d'une certaine façon, mais cela présente un risque de sous-criticité de l'ensemble. A force de délayer, on finit par n'avoir que des programmes déliquescents. Les coûts unitaires montent, et la compétitivité globale en pâtit. C'est le choix du père de famille qui préserve tous ses enfants. Ce n'est pas toujours le choix économiquement le plus viable...

M. Jeanny Lorgeoux. - S'il avait fallu faire le choix de la criticité, quels programmes auriez-vous supprimés ?

M. Christian Mons. - Je ne sais pas. Il y a en ce moment beaucoup de débats autour de la composante aérienne nucléaire, etc. C'est une décision politique...

Le choix que vous avez fait s'inscrit dans la continuité ; il essaye de préserver l'ensemble des programmes et l'équipement de l'ensemble des forces.

Le véhicule de l'avant blindé (VAB) a plus de quarante ans de service, et va encore être en service durant une dizaine d'années. Il aura alors un demi-siècle. Pour un camion blindé, c'est très long ! Nos industriels gardent leurs camions trois ans !

M. Jean-Louis Carrère, président. - Il était quasiment indispensable de tout maintenir. Si on n'avait pas agi ainsi, qu'est-ce qui prouve qu'on n'aurait pas pioché plus encore dans l'armée de terre ?

M. Jeanny Lorgeoux. - Cela dépend aussi de la capacité de ceux qui ont la charge de la mettre en oeuvre de le faire !

M. Christian Mons. - Oui, mais la DGA est très performante en matière d'organisation des programmes, tout comme nos états-majors le sont en matière de définition de besoins.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Un général avec qui j'ai récemment discuté dans les Landes, qui n'est plus en exercice, mais qui a commandé une base stratégique importante, m'a posé la question : pourquoi ne réduit-on pas ou n'abandonne-t-on pas notre effort en matière de dissuasion nucléaire, quitte à avoir un format d'armée de nature différente ?

M. Jeanny Lorgeoux. - J'y faisais allusion !

M. Xavier Pintat. - Il s'agit d'une fausse économie, qui représente 300 millions sur 3 milliards. La composante nucléaire a été refaite à neuf. Elle est composée d'avions multi-rôles. J'ai cru comprendre que certains missiles embarqués dans les sous-marins ne fonctionnaient pas toujours. Il est donc utile d'avoir deux composantes crédibles modulables. En outre, ces économies ne s'appliqueront qu'en 2025 ou 2030... Cela ne solutionne donc pas immédiatement nos problèmes.

Vous avez souligné l'effort particulier en faveur des PME. Je crois qu'il est bon de les aider à se diversifier, même les moins fragiles. Certes, cela concerne la LPM, mais pas seulement. Peut-être y a-t-il des actions à mener à l'échelon européen et régional. Comment les choses se passent-elles ailleurs ?

M. Christian Mons. - En Allemagne, la structure industrielle est différente de celle que l'on trouve en France. Il existe moins de grandes croupes et plus d'ETI. D'autre part, la structuration des grandes industries est assez différente de la structuration française. Elle s'appuie sur les Länder, avec l'aide des Konzern. Les grandes entreprises allemandes vivent avec un tissu de PME qui leur sont attachées, qui font partie de leur territoire et de leur famille. Ces PME ont pour caractéristique de ne pratiquement travailler que pour les groupes auxquels elles sont attachées.

La structuration anglaise est plus proche de la nôtre. Les PME anglaises ont une caractéristique que n'ont pas nos sociétés, le marché américain leur étant pratiquement ouvert. Les entreprises françaises ont beaucoup plus de difficultés à le pénétrer.

M. Daniel Reiner. - Vous représentez les industries de la défense. Nous avons rencontré les représentants et quelques patrons de PME de la défense à l'occasion de cette LPM. Tous se félicitent de ce pacte européen de défense, mais souhaitent que les choses soient mises en oeuvre. Ils souhaitent toutefois savoir comment contrôler ce sujet. Votre organisme a-t-il mis en place un observatoire de la bonne application de cette charte ?

M. Christian Mons. - Non, mais cela fait partie des suggestions à étudier. On a beaucoup de mal à suivre les PME. Nos organisations professionnelles comptent des spécialistes. Je suis président du GICAT, où des permanents s'occupent spécifiquement de suivre les PME. 220 sont adhérentes, ainsi qu'une quinzaine de grands groupes et d'ETI.

Il est très difficile de suivre 200 PME. L'un de mes collaborateurs est chargé d'avoir un contact par an avec chacune d'elles, soit un par jour ouvrable, pour connaître leur état d'esprit, en tirer une synthèse, et être à l'affût des difficultés qu'elles peuvent rencontrer, afin de les aider. On essaie de faire remonter ces informations ; parfois, on réussit à faire en sorte que certaines sociétés soient reprises, fusionnent ou soient absorbées par d'autres. On évite ainsi qu'elles ne disparaissent. Une PME peut disparaître très vite, sans que personne ne s'en émeuve, mis à part le député ou le sénateur.

Les 20 000 emplois dont je parlais se trouvent en grande partie dans les PME. Les grands groupes ont bien souvent des activités duales, qui leur permettent d'équilibrer les charges entre le civil et le militaire, et bénéficient de variables d'ajustement. Les PME, qui sont en bout de chaîne, sont très vulnérables, réparties sur vos territoires, et peuvent disparaître sans qu'on s'en rende compte.

M. Daniel Reiner. - Ma question allait au-delà des emplois. Elle était liée à la relation entre la PME et la grande entreprise. Il y a une relation de sujétion entre l'une et l'autre, qui comporte parfois des excès et, en même temps, l'incapacité pour les PME d'exprimer réellement les choses, craignant en permanence de se voir exclues du système. Nous suggérons donc la mise en place d'une sorte d'observatoire, afin qu'il existe un lieu permettant d'éviter le face-à-face.

M. Christian Mons. - Nous allons suggérer à la DGA ou au ministère de la défense de créer une structure qui permette de suivre ce sujet et de dresser un bilan réel de l'efficacité de l'action.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Votons-nous cette LPM ?

M. Christian Mons. - Je pense que c'est la moins mauvaise que l'on pouvait espérer. Malheureusement, je crois que vous êtes obligés de la voter à peu près en l'état.

M. Jean-Louis Carrère, président. - On va essayer de la sécuriser...

M. Jean-Pierre Chevènement. - Comment voyez-vous la suite du FAMAS ?

M. Christian Mons. - Cela pourra être une production française, mais probablement sous licence industrielle européenne. On n'a plus de petits calibres en France. Tout a été arrêté, même la fabrication de munitions, depuis que l'usine de Tulle a été fermée. On n'a plus de produits...

M. Jean-Pierre Chevènement. - N'est-ce pas l'occasion de remuscler la production ?

M. Christian Mons. - Je pense qu'il n'y en a pas assez...

M. Jean-Pierre Chevènement. - C'est un choix important, sans qu'on en soit vraiment conscient.

M. Christian Mons. - C'est un choix qui a été arrêté en son temps, en concertation entre l'état-major, la DGA et l'industrie.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Monsieur le président, je vous remercie et vous promets que nous essaierons de prendre en considération l'essentiel de vos observations. Nous en tiendrons compte au moment de notre débat, et lors du vote de la LPM.

Représentants des syndicats
des personnels civils de la défense

Le 17 septembre 2013

M. Jean-Louis Carrère, président.- Je vous remercie d'avoir bien voulu accepter de venir devant notre commission pour échanger sur le projet de loi de programmation militaire. Je tenais à avoir le point de vue des représentants des syndicats des personnels civils de la défense :

- MM. Gilles Goulm et Yves Peyffer, de la Fédération syndicaliste FO de la défense, des industries de l'armement et des secteurs assimilés ;

- MM. Christophe Henri et Gildas Peron de la CFDT - Fédération des établissements et arsenaux de l'Etat ;

- MM. Alain Le Cornec et Flavien Labille, de la Fédération des travailleurs de l'Etat - FNTE-CGT ;

- Mme Véronique Denancé et M. Laurent Tintignac, de l'UNSA Défense ;

- MM. Henri-Philippe Bailly et Roland Denis, de la Fédération CGC-Défense ;

- MM. Yves Naudin et Erick Archat, de la Fédération CFTC du personnel du ministère de la défense et des établissements et structures connexes.

J'ai souhaité en effet que les syndicats des personnels civils de la défense puissent nous apporter leur éclairage sur ce projet de loi. Cette réforme met largement à contribution les personnels civils aussi bien dans la diminution des effectifs que dans les restructurations ou la mise en place des bases de défense. Sans plus attendre, je vous laisse la parole.

M. Gilles Goulm, pour la Fédération syndicaliste FO de la défense, des industries de l'armement et des secteurs assimilés. - Pour Force Ouvrière, le projet de loi de programmation militaire (LPM) pose plus de questions qu'il ne donne de réponse. Nous ne nous exprimerons pas sur la politique de défense de la France, qui n'est pas de notre responsabilité, mais sur trois points.

Tout d'abord, la question budgétaire se présente comme constante sur les prochaines années, néanmoins elle pose des questions tout comme la précédente. En particulier, nous émettons des réserves sur les recettes exceptionnelles, comme c'était déjà le cas lors de la dernière LPM. Celles-ci ont servi, dès le projet de loi de finances 2009, à équilibrer le budget de la défense, mais n'ont jamais été réalisées à hauteur de ce qui était envisagé, expliquant en partie le manque de 3 milliards d'euros pour finaliser la précédent loi.

Le Ministre de la défense, cette année, insiste sur le fait que c'est un engagement du Président de la République et donc sera réalisé. Néanmoins nous souhaitons que la représentation nationale vérifie que ces recettes exceptionnelles sont bien au rendez-vous.

Ensuite, concernant les effectifs, la LPM supprime 24 000 emplois ! C'est encore le personnel qui fait l'effort. Nous rappelons que la RGPP au Ministère de la défense s'est poursuivie et qu'il reste, à ce titre, 10 000 suppressions d'emplois à effectuer. Ce n'est pas acceptable ! Nous sommes aux limites de l'exercice concernant les fonctions de soutien ! La réforme territoriale de 2008 a aggravé la situation, et le soutien n'est pas à hauteur de ce qu'il devrait être ! Cela influe sur les conditions de vie, d'hygiène, de sécurité ou encore les conditions de travail.

Les personnels civils, qui étaient de 145 000 il y a quinze ans et moins de 64 000 aujourd'hui, devront supporter encore 7 400 suppressions d'emplois, dont la moitié concernera les ouvriers d'État. Cela va à l'encontre de la civilianisation des effectifs sur les fonctions de soutien ! La proportion de civils par rapport aux militaires est globalement restée la même en début et en fin de RGPP. Nous demandons le rééquilibrage des effectifs militaires et civils sur les fonctions de soutien.

Concernant la réserve opérationnelle, nous demandons que des études soient menées quant à l'utilisation de cette réserve. Nous avons le sentiment qu'une vision idyllique prévaut, et qui se traduit par un budget, maintenu, de 70 millions d'euros. Certes, c'est un point important, néanmoins leur utilisation est trop souvent dévoyée, trop de réservistes sont employés pour combler les baisses d'effectifs des personnels civils sur des tâches administratives et de soutien.

Enfin, s'agissant des équipements, nous insistons sur le maintien en condition opérationnelle (MCO). Il y a pour nous une incohérence quand on parle du SIAé (service industriel de l'aéronautique) et des suppressions d'emplois : comment peut-on dire dans le projet de LPM que les suppressions d'emplois porteront exclusivement sur les dépenses de personnel du ministère de la défense titre II, et dans le rapport annexé indiquer que certaines porteront sur le service industriel de l'aéronautique, qui ne rémunère pas ses personnels sur le titre II ?

M. Jean-Louis Carrère, président.- Sur les recettes exceptionnelles, nous travaillons actuellement pour qu'elles soient intégrées dans la partie normative et non annexée. Nos préoccupations sont les mêmes que les vôtres, et nous emploierons les mêmes termes que ceux employés récemment par le Président de la République : qu'il y ait plusieurs séquences de prise en compte des recettes exceptionnelles ne nous désole pas, mais à la fin, si elles ne sont pas réalisées, que ce soit des crédits budgétaires.

Concernant les effectifs, notre modèle d'armée est différent du modèle précédent. Ce modèle, plutôt préconisé par le Livre blanc, ne projette pas le même nombre d'hommes, mais 30 000, nous avons donc fatalement une vision réduite. Le budget actuel de l'Etat ne permet pas de faire face aux effectifs que vous souhaiteriez, mais nous souhaitons introduire dans la loi les termes de notre volonté politique à tous : le niveau plancher auquel nous aspirons, comme étant le moins mauvais, doit évoluer jusqu'à atteindre 2 points de PIB norme OTAN en cas de retour à bonne fortune économique.

Enfin, s'agissant du MCO, nous tenons à tout ce qui englobe la préparation des forces, et maintien en condition opérationnelle. On veut un parc qui corresponde à nos besoins et qui soit maintenu en condition opérationnelle.

M. Christophe Henri, pour la CFDT - Fédération des établissements et arsenaux de l'Etat.- La CFDT avait remis un document retraçant ses analyses et propositions pour la défense de demain et a saisi le chef des armées sur les risques d'une trop grande réduction de la part consacrée au budget de la défense. Nous préconisons la tenue d'États Généraux de la défense, rassemblant tous les acteurs concernés, afin de débattre des choix visant à préparer la défense de demain.

Le projet de LPM suit les principes posés par le Livre blanc, évitant un scénario catastrophe, tout en ajoutant 24 000 suppressions d'emplois au plan social en cours.

Nous avons été reçus par le Ministre de la défense et fait part de nos inquiétudes sur plusieurs sujets. Déjà, nous demandons à être associés aux travaux de la civilianisation, dont la feuille de route a été confiée à la direction des ressources humaines du ministère.

Les services du ministère de la défense sont en sous-effectifs et en surcharge de travail, nous contestons donc toute nouvelle coupe, prévue d'ici à 2019, qui ne pourra qu'ajouter de la souffrance au travail et des risques à la qualité du soutien aux armées.

La DGA, qui compte environ 10 000 agents, s'oriente vers un renforcement de sa capacité d'ingénierie. Elle a réduit ses implantations géographiques et subi de fortes réorganisations en termes de soutien. Ainsi, le transfert du soutien de l'infrastructure des centres d'essais vers le SID ne donne pas aujourd'hui satisfaction ! Les relations entre agents soutenants et soutenus sont dégradées, les procédures cloisonnées et inadaptées à la réactivité attendue de la DGA. En matière de cyberdéfense, pour être à même de faire face aux enjeux, la DGA doit maintenir ses effectifs et son soutien logistique. La réorganisation, depuis 2008, a eu des répercussions sur le moral des personnels. Or, l'efficacité de la DGA est déterminante !

Concernant les secteurs industriels sous tutelle, les salariés de DCNS et NEXTER ont démontré qu'une entreprise publique pouvait être performante et se développer. L'Etat actionnaire doit désormais leur donner les moyens de construire leur avenir.

Pour DCNS, les programmes FREMM et BARRACUDA sont maintenus dans leur intégralité mais avec un calendrier de livraison modifié. Pour le FREMM, cela aura des conséquences sur le plan de charge des établissements. DCNS se positionne également dans le secteur de l'énergie et a besoin de ces développements adjacents pour maintenir et développer les emplois industriels.

Pour NEXTER, c'est l'attente d'une vente de VBCI à l'export. Quant aux VBMR et EBRC, nous attendons que la notification de ces programmes coïncide avec la fin des programmes en cours pour lisser les plans de charge.

L'heure est au soutien de l'innovation, des études amont et aux recrutements nécessaires, ainsi qu'au développement d'activités duales. Le contexte de crise ne doit pas inciter à baisser la garde, au contraire ! La CFDT attend de l'Etat actionnaire un autre comportement face aux dividendes issus des résultats des entreprises et de l'implication de leurs salariés.

Enfin, nous sommes favorables à une Europe de la défense, synonyme de progrès, cohésion, au service des Etats membres, mais sans oublier les enjeux d'emploi et le progrès social.

M. Alain Le Cornec, pour la Fédération des travailleurs de l'Etat - FNTE-CGT.- Nous notons 3 éléments depuis 2012 : le sommet de Chicago, qui a réaffirmé la place de la France au sein du commandement intégré de l'OTAN ; l'arrêté de suppression de 7 200 emplois au sein du ministère de la défense pour l'année 2013 ; et enfin le blocage des revalorisations des traitements et salaires des personnels civils.

A cela il faut ajouter la parution du nouveau Livre blanc dont découle la LPM. Celui-ci consacre son analyse à la structuration d'une armée de corps expéditionnaire prête à de multiples interventions extérieures, à la cybercriminalité, à l'Europe de la défense, aux éventuelles restructurations et disparitions d'emplois et d'entreprises et à la consolidation de l'OTAN pour s'occuper de la défense de l'Europe. Tout ceci dans un climat social et économique tendu.

Concernant la LPM, comment expliquer que la loi de finances va être présentée avant que les débats de la LPM n'aient eu lieu ? Quid du travail des Parlementaires sur cette LPM ? Le budget prévisionnel est de 190 milliards d'euros.

Concernant les recettes exceptionnelles, elles s'élèvent à 6,12 milliards d'euros, après la vente des fréquences et de biens immobiliers. Néanmoins, nous émettons de forts doutes quant à la possibilité de faire rentrer entièrement ces recettes. Un manque éventuel pourrait être pallié par la vente de parts de l'Etat dans les secteurs industriels de défense et autres, mais pour nous, rien ne peut justifier un tel bradage de notre industrie !

Concernant le budget, il est prévu des rentrées financières en fonction des multiples exportations d'armement. Nous estimons néanmoins que la France doit mener une réflexion sur sa politique d'exportation, car les armes ne sont pas des marchandises comme les autres. Nous notons également la signature du traité sur le commerce des armes.

Autre point, la consécration de 3 milliards par an à la force de dissuasion nucléaire pour les deux composantes océanique et aérienne. La CGT prône une défense suffisante et non agressive et s'oppose au maintien de cette arme de destruction massive.

Enfin, dernier point, nous souhaitons le respect des montants et de l'exécution budgétaire de la LPM.

Il doit y avoir des effectifs suffisants pour faire le travail, or nous constatons une déflation des effectifs de 34 000 postes, dont 7 400 postes de personnels civils, parmi lesquels 6 000 seront des personnels d'exécution. La mise en place d'environ 1 milliard d'euros pour encourager au départ est un gâchis financier, cette somme aurait été mieux employée à la revalorisation salariale de l'ensemble des personnels civils du ministère. La LPM marque un plan d'extinction des personnels d'exécution, nous ne devons pas transférer aux industriels nos savoir-faire. Ainsi la SIMMAD vient de donner le marché de MCO des hélicoptères PUMA à une entreprise espagnole pour la maintenance en métropole et à une entreprise portugaise pour celle hors métropole. La SIMMAD considère que nous ne pouvons satisfaire les commandes, mais comment le faire sans le personnel nécessaire en nombre et en qualification ?

Le corollaire à la suppression de 34 000 emplois est la fermeture de bases, de régiments et établissements. La liste connue des futures bases impactées ne cesse de croître, tant dans l'armée de l'air que l'armée de terre, particulièrement dans l'est de la France.

Pour les équipements, le projet de LPM prévoit la réduction approximative de 1 300 équipements. Cela ne tient pas compte de l'approvisionnement Félin, mais des avions, chars, camions, bateaux ... De nouveaux équipements devraient également être mis en place, d'autres mis à l'étude.

Néanmoins, la réduction du parc d'engins va poser la question du MCO. En effet, l'entretien se fait le plus souvent par des personnels de niveau 3, or le projet de loi préconise la suppression de 6 000 emplois d'exécution. Pour la CGT, il n'est nul besoin de prévoir 1 milliard pour faire partir les personnels, mais il faut des ressources financières pour un plan d'embauche à la hauteur de notre indépendance. Toute externalisation du MCO vers des entreprises privées a un coût financier, humain, ainsi qu'en termes d'aménagement du territoire. Nous encourageons les parlementaires que vous êtes à prévoir les amendements nécessaires pour le maintien des compétences au sein du ministère de la défense.

Concernant DCNS, les salariés et sous-traitants sont dans une situation incertaine. Outre l'incertitude du nombre de FREMM pour la France, entre 8 et 11, certains discours lors des dernières universités d'été annoncent la suppression de 2 000 postes à DCNS si l'Etat ne prend pas de position ferme quant au respect de la LPM.

Les PDG des industries majeures de défense ont écrit au Président de la République à propos de l'avenir de leurs entreprises. Nous n'accepterons pas la destruction des droits statutaires des agents pour les seuls intérêts financiers des grands groupes.

Nous notons aussi, dans ce projet de LPM, un manque d'ambition concernant la mise en place et le financement de filières de déconstruction de navires et d'aéronefs, porteurs d'emplois industriels.

Enfin, nous ne pouvons passer sous silence la question de la mise en place d'une Europe de la défense et d'une industrie de défense européenne, chère à ce gouvernement. Puisque la France a consolidé sa place au sein du commandement intégré de l'OTAN, l'idée de défense européenne est nulle et non avenue ! Nous ne pouvons soutenir les deux doctrines financièrement. Le secteur industriel insiste pour que soit mise en place une industrie de défense européenne. Deux axes peuvent émerger : la coopération, sur laquelle la CGT ne s'oppose pas car cela permet à chaque pays de garder son autonomie de défense, ou la mutualisation, à laquelle nous nous opposons car elle provoquerait de facto la fermeture de sites.

La CGT prône une industrie souveraine et indépendante, structurée autour d'une doctrine de défense suffisante, dénucléarisée et non agressive.

M. Henri-Philippe Bailly, pour la Fédération CGC-Défense et l'UNSA Défense. - Merci de recevoir les organisations syndicales dans le cadre du débat sur le projet de loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019. Cette loi sur laquelle vous allez avoir à vous prononcer engagera la nation sur une durée bien plus longue que les six années à venir.

En préambule, UNSA Défense et Défense CGC veulent exprimer leur attachement à préserver une capacité de défense et de sécurité nationale assurant la souveraineté de la France. Elles sont néanmoins conscientes de la nécessité de préserver les finances publiques. Trouver un équilibre entre ces deux enjeux pour la nation nécessite la mise en place de modèles de gestion modernisés et efficients. Des enjeux qui nécessitent de la représentation nationale, comme de toutes les parties prenantes, une réelle volonté de changement traduite par des décisions courageuses, des actions volontaristes validées dans leur opportunité et leur faisabilité, un accompagnement à visage humain et une évaluation objective.

UNSA Défense et Défense CGC veulent aussi affirmer l'intérêt qu'elles portent à un dialogue responsable, innovant, toujours constructif mais sans faiblesse. Dialogue qui cherchera toujours à concilier développement économique, service public, progrès social et développement durable. Sans parti pris et sans corporatisme.

Fidèles à leurs engagements, nos organisations, dans le cadre de l'élaboration du Livre blanc 2013 sur la défense et la sécurité nationale et de la loi de programmation militaire 2014-2019, ont porté à tous les niveaux de décision leur analyse de la situation et leurs contributions positives principalement articulées autour de quatre axes :

- la Défense a déjà payé un lourd tribut aux restructurations perdant une grande partie de sa capacité industrielle et réduisant à un seuil critique son niveau de compétence technique. Dans le même temps, de nombreuses emprises et établissements ont été fermés ou restructurés, engendrant localement des situations sociales difficiles, très difficiles même. Dans les choix à venir, la compétence technique doit être préservée, les efforts devant porter principalement sur la réduction des coûts de structures.

L'armée française doit être dimensionnée, entraînée et dotée d'équipements et d'un soutien logistique opérationnel performants, adaptés à ses missions de défense et de sécurité nationale. Elle doit être respectée et reconnue dans son rôle ;

- les emplois à caractère non opérationnel (ceux qui ne nécessitent pas l'emploi des armes) doivent être civilianisés et valorisés au travers de parcours professionnels attractifs. Ces derniers, par le biais d'une gestion unique des ressources humaines, devront assurer une complémentarité entre personnels militaires et civils. La civilianisation sera porteuse de gains significatifs sur la masse salariale du ministère que nos organisations estiment de l'ordre de 3 Md€ par an au terme de la démarche de rééquilibrage, hors gains induits sur les autres dépenses (habillement, restauration, logement, mobilité, formation, équipement des forces,...) ;

- le dialogue social doit être réellement modernisé et s'ouvrir sans tabou à l'organisation et au fonctionnement des services conformément à la loi sur la modernisation du dialogue social. Les comités techniques doivent avoir compétences pour traiter de ces aspects. Pour cela, il conviendra d'abandonner la dérogation propre à la Défense interdisant le dialogue à ce niveau (loi 84-16 - article 15).

UNSA Défense et Défense CGC ont retrouvé dans le Livre blanc et dans le projet de LPM des lignes d'actions qu'elles ont défendues. Elles sont néanmoins conscientes, compte tenu des forts enjeux de modernisation du ministère dans sa culture, son organisation et son fonctionnement, du manque d'ambition de certaines et des risques d'affaiblissement, voire de dénaturation d'autres.

Parmi les mesures qui manquent d'ambition, citons :

- la cible 2019 en matière d'effectifs qui, au-delà d'un simple repyramidage, ne consacre en rien une civilianisation des emplois, tout juste une stagnation du ratio entre personnels militaires et personnels civils (3 militaires pour 1 civil). Une cible qui n'optimise donc pas les gains sur la masse salariale ;

- des dispositions en faveur des départs volontaires (IDV) des personnels civils fonctionnaires qui restent insuffisantes et surtout continuent de marquer une iniquité de traitement avec les personnels militaires et civils à statut ouvrier. Comme pour ces derniers, l'IDV des fonctionnaires doit être défiscalisée ;

- des dispositions très insuffisantes en matière d'encouragement et d'accompagnement de la mobilité des personnels civils. Ces dispositions sont essentielles pour mettre en oeuvre une politique dynamique de parcours et d'évolutions professionnels.

Parmi les mesures qui présentent des risques d'affaiblissement, voire de dénaturation, figurent les ressources exceptionnelles (6,1 Md€ pour la période 2014-2019), certes détaillées dans le projet de LPM mais qui demeurent incertaines, voire hypothétiques ou basées sur l'abandon par l'Etat de certaines de ses participations industrielles. Le budget n'est pas encore voté, mais c'est malheureusement déjà une quasi-certitude : il ne sera pas tenu. Or l'expérience du passé démontre que les personnels sont les premières victimes des dépassements. Pour nos organisations, c'est totalement inenvisageable tant la contribution des personnels avec 34 000 suppressions de poste est hors norme. La LPM doit sanctuariser le fait que ces ressources exceptionnelles seront obligatoirement compensées chaque année par un abondement équivalent des crédits budgétaires si elles venaient à ne pas être réalisées en totalité ou en partie.

De la même façon, il nous paraît important d'évoquer ici la conduite des opérations industrielles, souvent envisagées sous l'angle du « faire faire » plutôt que du « faire ». Ainsi, nombre de mesures d'externalisations semblent conduites de façon dogmatique, occultant les compétences internes et privilégiant des économies à court terme. Les opérations de maintien en conditions opérationnelles (MCO) des matériels, pour ne citer qu'elles, sont de celles-ci. Les établissements du ministère qui concourent à ce dernier doivent être au contraire soutenus et avoir la confiance des armées. De trop nombreux exemples récents démontrent que, parfois, tout semble fait pour éviter de recourir aux prestations internes au bénéfice de l'externalisation.

Ceci n'est pas acceptable pour nos organisations et nous sommes prêts à débattre de façon particulière sur ce thème à la lumière d'exemples concrets.

L'analyse fonctionnelle des emplois du ministère demandée par le ministre au directeur des ressources humaines : ce mandat ministériel qui ne fait l'objet que de quelques lignes laconiques dans le rapport annexé du projet de LPM (page 41) doit dresser l'état des postes opérationnels (ceux qui nécessitent l'emploi des armes) et non opérationnels. Pour ce faire, il est absolument nécessaire que le projet de LPM chiffre et planifie le rééquilibrage entre personnels militaires et personnels civils. Nos organisations estiment l'équilibre à 120 000 militaires et 120 000 civils dont une partie pourra être composée des anciens militaires poursuivant leur carrière en tant que civils (donc réservistes potentiels) ou des militaires dans un emploi dit « de respiration » (donc non projetables durant cette période sauf absolue nécessité). Cette mission, essentielle pour la réforme de l'organisation et de la gouvernance du ministère, devra rouvrir la porte aux recrutements externes pour pouvoir faire face au renouvellement des compétences et au rajeunissement de la communauté des personnels civils. Elle doit donc être mieux décrite en termes d'organisation, de calendrier, d'objectifs, ainsi que d'engagement à donner suite dans les domaines tels que la caractérisation de parcours professionnels, l'accompagnement de la mobilité, les évolutions statutaires et règles de gestion associées. Une mission hautement sensible où il n'est pas question de « jouer aux apprentis sorciers » comme de la laisser dénaturer par corporatisme, d'un côté comme de l'autre.

UNSA Défense et Défense CGC concluront sur une contribution qui n'a pas formellement trouvé échos dans le projet de LPM malgré l'écoute qu'elle a reçue du ministre de la défense : un dialogue social qui se doit d'être ouvert sur les questions d'organisation et de fonctionnement du ministère. La lourdeur de la modification du Code de la défense a été évoquée. A la lecture du projet de LPM force est de constater le nombre important d'articles de ce dernier qui vont faire l'objet de modifications. Le frein est donc ailleurs. Pour répondre aux enjeux de la modernisation du ministère et se mettre aussi dans l'esprit de la loi sur la modernisation du dialogue social, les questions d'organisation et de fonctionnement du ministère doivent pouvoir être librement débattues avec les organisations syndicales du ministère afin de leur permettre de tenir leur rôle.

M. Yves Naudin, pour la Fédération CFTC du personnel du ministère de la défense et des établissements et structures connexes . - Le calendrier parlementaire proposé par le gouvernement fait que le projet de LPM passe en 1 ère lecture devant vous avant l'Assemblée nationale, et pour la 1 ère fois, de manière très singulière, avant que le ministre de la Défense nous l'ait présenté lui-même en tant que membre de l'exécutif ! Nous vous l'avons dit. Devant cet exercice nouveau, nous vous demandons d'excuser par avance la nature de certaines de nos remarques ou de nos questions pour lesquelles l'éclairage du ministre prévu lors de la réunion du 4 septembre mais reportée par lui à cause de la Syrie aurait été nécessaire !

La LPM contient des choses positives comme le maintien en euros constants de l'effort budgétaire Défense ou le lissage de programmes d'armement au lieu d'une simple suppression..., ce qui amoindrit les craintes que nous avions d'entendre, pendant les campagnes électorales, certaines composantes de la nouvelle majorité de remettre en cause profondément les choix militaires de la France ! « Trouver le bon équilibre entre les contraintes budgétaires de l'État tout en préservant un outil de défense performant ; vérité et ambition, c'est cette double volonté qui apparaît déjà dans le livre blanc et que je compte mettre en exergue dans la préparation de la loi de programmation militaire », comme le disait M. Le Drian lors de la présentation du Livre blanc, nous voulons bien le croire mais son projet comprend beaucoup de flou dans les questions relatives aux personnels.

Donc de manière très scolaire qui n'est pas pour vous déplaire, nous avons feuilleté ce projet de loi, la partie normative (avec une version à 36 articles répartis en 7 chapitres) et la partie annexée de 43 pages.

A l'article 3 : 190 milliards de CP euros courants, hors pensions, de 2014 à 2019 complétés par 6,1 milliards de ressources exceptionnelles ! Faut-il croire ces prévisions de ressources ?

A l'article 34, qui autorise le gouvernement à procéder par ordonnances dans 8 domaines différents, concernant 29 sous-rubriques, sorte de panier à la Prévert, de l'accessoire au plus sérieux, le 5° paragraphe s'intitulant « modifier les dispositions statutaires relatives aux militaires et aux fonctionnaires civils » a particulièrement retenu notre attention : « e) modifier les dispositions organisant l'accès à la fonction publique afin notamment de modifier les titres II, III et IV du statut général des fonctionnaires, afin de permettre aux militaires de se porter candidat aux concours internes des 3 FP ». Quelle est la nécessité d'une telle mesure, et quelles sont les modalités d'application d'un article L.4139-1 qui existe déjà ?

Nous demandons une ordonnance pour l'harmonisation fiscale des primes de restructuration des fonctionnaires sur celles des OE et des PM.

L'Europe de la Défense est en panne. Nous sommes d'accord avec M. Reiner, auteur du rapport du 3 juillet 2013 « Pour en finir avec L'Europe de la défense- vers une défense européenne » ! Oui c'est une nécessité que de la relancer toujours et encore. Il est écrit dans le rapport annexé (page 7) qu'en raison des menaces et des risques auxquels les Européens sont pareillement exposés, une impulsion - nous rajoutons très forte - provienne du Conseil européen : opérations conjointes de prévention, sur les opérations extérieures et sur des programmes d'armements les plus onéreux ! On peut regretter qu'il n'y ait aucune perspective de coopération pour remplacer le Charles de Gaulle...

Au moment où la France s'apprête à consacrer 190 milliards d'euros courants sur la période à raison de 31 milliards par an, elle continue à s'obliger de respecter les fameux 3% d'endettement de son PIB, tout comme le Luxembourg ou les autres pays aux budgets de la Défense si ridiculement bas ! Nous continuons à vous pousser de demander à déroger à ce critère dit de Maastricht, qui s'applique de la même façon à tous les partenaires européens, quel que soit le pourcentage budgétaire consacré à leur défense et rapporté à leur PIB !

A la page 32 du rapport annexé : Coopération industrielle : « La dispersion et la fragmentation actuelles de l'industrie de défense en Europe sont une source de duplications inutiles et coûteuses, un facteur de faiblesse sur le plan de la compétitivité économique comme sur le plan politique par les divisions qu'elles entraînent ». Ce n'est pas la 1 ère LPM qui dresse ce constat ; on en est toujours au même point ! Quelle initiative la nouvelle majorité peut-elle prendre pour que dans 6 ans on ne ré-écrive pas encore la même chose ?

Nous notons, non sans perplexité, que nous continuerons à consacrer près de 4 milliards d'euros par an pour le maintien en condition de notre force nucléaire à deux composantes. Certains parlementaires s'en étonnent aussi en disant qu'on aurait dû réviser la force de dissuasion. Peut-on encore s'offrir deux composantes, au moment où nous avons trop de trous capacitaires ? Le chef des armées en a décidé ainsi.

A la page 14, cyberdéfense : « les ressources humaines seront accrues grâce à un plan de renforcement concernant notamment plusieurs centaines de spécialistes ». De quelle nature est le statut du recrutement ?

A la page 20 : « 26 nouveaux Rafale -seulement- seront livrés sur la période à l'armée de l'air et à la marine, livraisons à l'exportation de Rafale comprises, hypothétiques, bien sûr, à moins que vous ayez des éléments plus concrets.

A la page 21 : « ce nouveau format d'armée induit de nouvelles restructurations ... », que pouvez-vous nous dire sur l'impact de ces nouvelles restructurations sur le soutien central et déconcentré et l'impact sur le personnel civil ?

« Le SSA engagera une reconfiguration obéissant à un double principe de concentration sur ses missions majeures et d'ouverture dynamique sur la santé publique » : des rumeurs fortes circulaient lors de la préparation du Livre blanc sur la possible fermeture de deux HIA. Qu'en est-il ? Surtout qu'en page 41, il est écrit : «  il est nécessaire de mener une rénovation lourde des hôpitaux des armées ». Avec quelle enveloppe et suivant quelles priorités ?

A la page 28 : « la préparation opérationnelle Terre » passe de 150 jours annuels à 90 jours !

A la page 29 : « politique industrielle : l'État mettra en oeuvre une politique d'actionnaire dynamique, d'association des salariés, privilégiant l'accompagnement des entreprises dans leurs choix stratégiques, le contrôle des activités de souveraineté etc. » Nous demandons des précisions et notamment quelles seront les conséquences pour NEXTER, DCNS, etc.

A la page 34 : « le financement des opérations extérieures : 450 millions d'euros seulement sont prévus annuellement au lieu de 630 millions auparavant ». Pourquoi diminuer alors que les interventions conventionnelles pourraient se multiplier ? Quel fut le coût pour l'opération au Mali ? Des États européens pourraient-ils cofinancer au moins de telles opérations dans l'avenir s'ils ne peuvent engager des troupes ?

A la page 35 : « Politique de RH et évolution des effectifs », on peut lire : « ce sont 82 000 suppressions de postes, hors externalisation, qui auront été réalisées au ministère de la défense en 12 ans, entre 2008 et 2019 ». Ce sont des chiffres édifiants d'une même politique qui perdure quel que soit le gouvernement !

Comment mieux maîtriser la masse salariale qu'en redéployant du personnel civil sur les postes qui leur reviennent naturellement ? On ne cesse de vous le dire depuis 2008 : oui nous apprécierons à sa juste mesure, le moment venu, le « triple principe de prévisibilité, d'équité et de transparence », pour ce qui concernera les réductions d'effectifs, davantage de réductions d'officiers et de sous-officiers que de personnels civils notamment dans le soutien non opérationnel, par exemple. Nous ne résistons pas au plaisir de vous faire part d'une citation du rapport que viennent de rendre les députés Gosselin-Fleury et Meslot dans le cadre de leur mission sur le suivi de la réorganisation du ministère de la défense : « on assiste à un curieux paradoxe : moins le ministère a d'effectifs, plus il a de dépenses de personnel ! »

La recherche de l'équité entre des personnels relevant des différents statuts, mais appartenant tous à la même communauté de la défense nous semble une idée importante à défendre.

A la page 40, sur « la déconcentration en province des services dont le maintien en région parisienne n'est pas indispensable », nous demanderons au ministre sa liste définitivement détaillée.

« Des restructurations seront coordonnées afin d'optimiser le plan de stationnement du ministère de la défense, dans un souci de mutualisation des soutiens, de densification des emprises etc. Un accompagnement immobilier en découlera ». Nous n'avons aucune information sur ces questions immobilières concernant la convention SEVELOR SNI pour les agents contraints de revendre leurs logements, ou concernant le devenir des friches Défense pour lesquelles ces mêmes agents ont contribué à leur entretien, ou sur tous les schémas directeurs immobiliers des nouvelles BDD.

Au chapitre 6 : « Politique de Ressources humaines et évolutions des effectifs », le Livre blanc de 2008 préconisait un nouvel équilibre, au sein du ministère de la défense, entre personnel militaire et personnel civil, en appelant à un recentrage des militaires sur les fonctions opérationnelles et une spécialisation des civils sur les fonctions administratives et de soutien. La mise en oeuvre de la déflation de 40 000 postes entre 2008 et 2012, sur les 54 900 prévus par le Livre blanc de 2008 pour la période 2009-2015, n'a pas permis d'amorcer suffisamment ce rééquilibrage, qui doit être poursuivi de façon volontariste. Il s'agit d'orienter chacune des catégories, civiles et militaires, vers son coeur de métier. Autre citation du rapport des députés Gosselin-Fleury et Meslot dans le cadre de leur mission sur le suivi de la réorganisation du ministère: « c'est l'une des marges de manoeuvre dont dispose le ministre ; on pourrait dégager des marges de manoeuvre en augmentant la proportion de civils. »

Dans le cadre de la modernisation, de la simplification et de l'optimisation de l'organisation territoriale des soutiens, il est prévu que les groupements de soutien de base de défense (GSBDD) seront intégrés dans le service du commissariat. Voilà la belle affaire ! Le bruit courait depuis juin. Pourquoi une telle décision technique ? Quelle sera la mission résiduelle du Centre de pilotage et de conduite du soutien (CPCS) et des États-majors de soutien Défense (EMSD) ?

Nous sommes enfin dans l'attente d'une communication du ministre sur l'employabilité de la réserve opérationnelle sur des postes extrêmement éloignés de l'opérationnel. Des postes d'administration générale et de soutien commun (AGSC).sont ainsi « cannibalisés par des réservistes.

« Le Président de la République a souhaité aussi, que la France tire le meilleur parti, pour sa défense, de la construction européenne et de son insertion au sein d'alliances, en particulier l'Alliance atlantique ». C'est la quatrième orientation du Livre Blanc, qui devra trouver un point d'orgue lors du prochain Conseil européen des chefs d'Etat et de gouvernement qui se réunira à la fin décembre et qui aura cette grande question à l'ordre du jour.

M. André Dulait. - Quelle est votre appréciation sur la reconversion des personnels après restructuration ? Disposez-vous d'éléments statistiques sur les personnels reconvertis ?

M. Gilles Goulm. - Nous ne disposons pas de chiffres précis. Les éléments qui ressortent des comités de suivi concernent les versements d'indemnités de départ volontaire ou les reclassements. Il faut également prendre en considération, chez les personnels reclassés, les conséquences indirectes, notamment celles des mobilités éloignées. Quant aux reclassements dans les autres fonctions publiques, sauf exception, les résultats ont été décevants. Ce n'est d'ailleurs pas anormal car l'ensemble des administrations d'État, locales et hospitalières connaissent des restructurations et des déflations d'effectifs.

M. Alain Le Cornec - Nous n'avons pas de chiffres. Il faut aussi insister sur les conséquences familiales : les cas de divorces ou de pertes d'emploi des conjoints. Nous avons demandé des études, mais en vain, au ministère de la défense.

M. Erick Archat, pour la Fédération CFTC du personnel du ministère de la défense et des établissements et structures connexes. - Lors de la dernière commission de suivi des restructurations, il a été indiqué que 13 500 personnes avaient bénéficié d'une indemnisation sur la durée de la loi de programmation, cela inclut les déménagements après reclassement fonctionnel à plus de 20 km du lieu de travail précédent.

M. Christophe Henri - Le ministère de la défense a joué le jeu lorsque d'autres administrations ont connu des restructurations, mais les autres ministères n'ont pas joué le jeu vis-à-vis de la Défense, ni les collectivités territoriales, et notamment pour les ouvriers de l'Etat malgré le dispositif de mise à disposition compensée.

M. Daniel Reiner. - Nous partageons certains de vos commentaires sur le montant maintenu de l'enveloppe financière, sur le niveau des ressources exceptionnelles et sur les effectifs qui sont la conséquence du format défini par le Livre blanc.

Sur les équipements, il y a des programmes qui sont décalés dans le temps. Observons que 8 programmes majeurs consomment plus de 80% des crédits. Les décalages touchent l'ensemble des programmes y compris certains programmes majeurs comme le Rafale. Le pari est fait que les exportations viendront compenser pour l'industriel, cet étalement. A défaut, compte tenu des obligations contractuelles, il y aura une clause de revoyure, car on ne va pas laisser s'effondrer la filière de construction des avions de chasse.

La défense ne peut pas vivre sans les exportations d'armements. C'est une nécessité absolue pour maintenir l'effort de recherche et de développement pour l'ensemble des produits. Certains demandent un contrôle parlementaire comme dans certains pays européens, mais cela peut conduire à des difficultés à exporter un certain nombre de produits dès lors qu'il y a une multiplication des intervenants.

Nous sommes condamnés à trouver des solutions aussi intelligentes que possible pour réaliser des économies. Nous avons des exemples de mutualisations réussies et efficaces comme celle l'EATC (European Air transport Command). Si on trouve des formules de ce type, on ne peut qu'y être favorable. On ne peut être dogmatique sur ce sujet.

Les groupes de travail au sein de la commission du Livre blanc ont abordé la question de la répartition entre industriels et service de l'Etat pour l'entretien programmé du matériel. Ce qui doit nous guider, c'est la recherche de la solution la plus efficace, ce qui conduit à un partage. Il faut aussi aller raisonnablement, dans certains cas, au moindre coût, quitte à recourir à des marchés publics. Les coûts du maintien en conditions opérationnelles (MCO) augmentent de plus en plus et il est nécessaire de rechercher des solutions plus économes.

De la même façon, il n'y a pas de théologies sur le sujet des externalisations. Elles sont intéressantes, dans certains cas, mais l'objectif n'est pas d'élargir le périmètre de l'externalisation au-delà de ce qui est raisonnable. Nous sommes aussi conscients que pour maintenir le caractère opérationnel, il faut recourir à des forces propres.

Nous allons regarder de près le contenu de l'article 34. Le Parlement est toujours réticent lorsqu'il s'agit de confier au gouvernement le soin de légiférer par ordonnance.

M. Laurent Tintignac, pour l'UNSA Défense.- S'agissant des reconversions, il faut souligner la spécificité de certains métiers de la défense que l'on ne retrouve pas dans d'autres collectivités ou administrations et sur l'insuffisance de la formation au sein de la défense qui ne permet pas des reconversions avec des parcours professionnels adaptés.

Nous devons aussi faire part de notre inquiétude, si les projets d'exportation du Rafale ne se concrétisaient pas et sur les conséquences que cela impliquerait sur le budget de la défense.

Il faut souligner que la coopération européenne ou internationale sur certains programmes d'armement peut induire des demandes particulières, qui, comme ce fut le cas pour l'A400M, peuvent conduire à renchérir le coût du programme.

S'agissant des externalisations, nous nous sommes souvent heurtés à une attitude dogmatique du ministère qui préfère souvent le « faire faire » au « faire ». On l'a vu dans le cas de du parc de véhicules de la gamme commerciale. Pour l'habillement, il semble que l'on s'oriente vers une régie rationalisée en interne, ce qui est plutôt positif. Mais nous avons un exemple tout récent où l'armée de l'air, qui est pourtant adossée à un service industriel interne pour réparer ses propres matériels, et qui vient de confier l'entretien de certains hélicoptères à une entreprise portugaise. Dans ce cas, au-delà de la question de l'externalisation, se pose la question du maintien des emplois en France. Il est choquant que le ministère de la défense confie son entretien à une entreprise étrangère.

M. Gilles Goulm - Nous nous interrogeons sur la volonté de l'armée de l'air de conforter le SIAé (service industriel de l'aéronautique), qui pourtant lui appartient. Lorsque l'on relit les débats du comité de surveillance du SIAé, nous trouvons l'armée de l'air très frileuse s'agissant de l'entretien de l'A400M ou du MRTT : comment s'effectuera la répartition de l'entretien entre les escadrons, avec des personnels militaires, le SIAé, et les entreprises privées sous forme de prestations externalisées ? Il serait souhaitable que l'armée de l'air clarifie sa position.

On ne peut pas demander au SIAé de se comporter en industriel en lui mettant des boulets aux pieds. On ne lui demande pas aujourd'hui d'adapter ses effectifs à sa charge, mais d'adapter sa charge à ses effectifs. Il se retrouve alors en situation de refuser de la charge parce qu'il ne peut pas renouveler ses effectifs. On nous explique alors que l'externalisation est indispensable et qu'on ne peut pas faire autrement.

On doit s'interroger sur les 10% d'hypertechnologies qu'on a dans les programmes. Correspondent-ils toujours aux besoins des armées. Il y a souvent un décalage entre les besoins des armées et les « délires » d'ingénieurs qui se font ainsi financer de la recherche et développement sur les programmes d'armement.

M. Jacques Gautier. - Le défi du programme A400M est plus l'accord entre les Britanniques et les Allemands que l'accord franco-français !

M. Flavien Labille, pour la Fédération des travailleurs de l'Etat - FNTE-CGT.- La politique menée de suppressions d'emplois conduira nécessairement à l'externalisation ! En 1980, il y avait 85 000 ouvriers d'Etat, l'an dernier ils n'étaient plus que 21 000. Et on en supprime encore 3 700 ! A force, nous n'avons plus les personnels pour faire l'entretien.

M. Alain Le Cornec - On tourne en rond ! Si on n'a pas les effectifs qualifiés pour faire le travail, alors nécessairement le travail ne sera pas fait. Or, c'est une décision politique que celle du recrutement.

Autre point, il faut différencier industrie de défense européenne et défense européenne. Or, les deux sont parfois confondues. De plus, il va falloir choisir entre défense européenne et OTAN, car on ne peut pas financer les deux doctrines ! Nous prônons la conservation de notre indépendance et de notre industrie de défense.

Sur le MCO, la question va aussi se poser pour les armements terrestres.

Enfin, s'agissant des exportations, il convient d'être vigilant sur les destinataires de celles-ci !

M. Erick Archat - Le dossier Louvois a été un véritable traumatisme. Or, actuellement, un problème latent à la sous-direction des pensions laisse présager un Louvois II ! 45 000 dossiers sont en souffrance. On envisage une nouvelle méthode de travail à la sous-direction, avec un sous-effectif chronique, ce n'est pas opportun dans ce contexte !

M. Jean-Louis Carrère, président - La Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées va recevoir les chefs d'État-major, nous porterons vos interrogations dans la mesure où elles relèvent de notre compétence.

M. Jacques Gautier. - Vous avez évoqué l'article 28, celui-ci exclut de l'assiette de l'impôt sur le revenu le pécule versé.

M. Alain Le Cornec - La CGT s'inquiète que les drones achetés sur étagère aux États-Unis soient testés au Niger par des personnels civils.

M. Henri-Philippe Bailly.- Pour nous, deux points sont essentiels : la démarche RH et ses enjeux pour moderniser le ministère, et l'ouverture nécessaire du dialogue social, avec des points de rendez-vous réguliers.

Enfin, nous considérons qu'il ne faut pas continuer à saupoudrer la réduction des effectifs mais regarder la valeur ajoutée dans les différentes structures !

M. Jean-Louis Carrère, président - Les législateurs doivent rester dans leur domaine de compétence ! Nous pouvons porter auprès des états-majors vos revendications sur lesquelles notre avis est légitime : le MCO, les équipements, la réserve opérationnelle, l'entrainement ... Mais ne revenez pas auprès de nous sur certaines problématiques, comme le nucléaire. Le Président de la République est le chef des armées et il a réaffirmé la conservation de la dissuasion nucléaire avec ses deux vecteurs !

Pour nous, la clause de revoyure à fin 2016 est très importante. Si d'aventure, il n'y avait pas de vente de Rafales sur la période, nous ne laisserons pas les capacités de production péricliter. Nous mettrons donc cette clause à profit pour chercher des solutions si jamais la mauvaise fortune empêchait les débouchés à l'international.

Nous insistons sur le codicille des 2 points de PIB norme OTAN pour pouvoir faire des ajustements en fonction de l'avenir économique ! Notre combat sera d'avoir une capacité d'expertise quasi-permanente sur l'exécution budgétaire annuelle, afin de conserver nos moyens, année après année.

Notre démarche au sein de la commission n'est pas d'éroder les différences, mais, sur les aspects de défense et de diplomatie, nous savons que l'accord, en interne, nous rend plus fort face à l'exécutif. Face à des tentations fortes d'entrainer le budget de la défense dans une spirale négative, nous avons tenu bon collectivement pour maintenir à un niveau le moins mauvais possible. Nous aspirons, aujourd'hui, à aller vers le meilleur. Nous serons attentifs à l'exécution budgétaire et au retour à bonne fortune économique.

Nous interpellerons les chefs d'état-major sur les remarques que vous avez portées auprès de nous aujourd'hui.


* 1 MM. Daniel Reiner, Jacques Gautier et Xavier Pintat sur les équipements, M. André Dulait sur le volet « ressources humaines », M. Gilbert Roger sur le maintien en condition opérationnelle, Mme Michelle Demessine et M. Joël Guerriau sur le soutien, MM. Jeanny Lorgeoux et André Trillard sur l'environnement et la prospective de la politique de défense, MM. Michel Boutant et Jeanny Lorgeoux sur la partie « renseignement », MM. Jacques Berthou et Jean-Marie Bockel sur la partie « cyberdéfense », MM. André Vallini et Marcel-Pierre Cléach sur la partie « judiciarisation », ainsi que M. Alain Néri sur la partie relative aux formations supplétives engagées aux côtés de l'armée française lors de la guerre d'Algérie et Mme Joëlle Garriaud-Maylam et M. Michel Boutant sur les réserves.

* 2 Rapport d'information Sénat n°713 (2012-2013) présenté par MM. Daniel Reiner, Jacques Gautier, André Vallini et Xavier Pintat, co-présidents : « Pour en finir avec « l'Europe de la défense » - vers une défense européenne ».

* 3 Rapport général n°107 (2011-2012) fait au nom de la commission des finances du Sénat - tome III - annexe 8 - Défense - MM. Yves Krattinger et François Trucy - p. 59 http://www.senat.fr/rap/l11-107-38/l11-107-381.pdf

* 4 Rapport d'information n°680 (2011-2012) de MM. Jean-Marc PASTOR, André DULAIT, Jacques BERTHOU, Mme Michelle DEMESSINE, MM. Jacques GAUTIER, Alain GOURNAC, Christian NAMY et Alain NÉRI, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat - 18 juillet 2012

* 5 Standards OTAN

* 6 Voir notamment le rapport n° 150 (2012-2013) de MM. Gilbert ROGER et André DULAIT , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 22 novembre 2012, sur le projet de loi de finances pour 2013

* 7 Cour des Comptes, « Bilan à mi-parcours de la loi de programmation militaire », rapport public thématique, juillet 2012.

* 8 Source : projet annuel de performance, projet de loi de finances pour 2013

* 9 Source : Document remis aux rapporteurs budgétaires de la commission dans le cadre du contrôle parlementaire de l'exécution budgétaire 2013 (septembre 2013), page 24

* 10 Le bilan à mi-parcours de la loi de programmation militaire, Cour des comptes 2012 http://www.ccomptes.fr/index.php/Publications/Publications/Le-bilan-a-mi-parcours-de-la-loi-de-programmation-militaire

* 11 Rapport d'information n°713 (2012-2013) « Pour en finir avec l'Europe de la défense -Vers une défense européenne », présenté par MM. Daniel Reiner, Jacques Gautier, André Vallini et Xavier Pintat, au nom de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat, et publié le 3 juillet 2013.

* 12 Intégrant les nouveaux équipements et les matériels plus anciens

* 13 Renseignement d'origine électromagnétique

* 14 Major Joint Operation : Dans le vocabulaire OTAN, opération du niveau corps d'armée pour l'armée de terre, de niveau JFACC 350 sorties/jour pour l'armée de l'air et de niveau Task Force pour la marine

* 15 Small Joint Operation : Dans le vocabulaire OTAN, opération du niveau division ou équivalent

* 16 Nombre inférieur au format Livre blanc, dû à la diminution naturelle de ce parc d'ancienne génération

* 17 Deux frégates anti-sous-marines d'ancienne génération (désarmées post 2019 en fonction de l'admission au service actif des FREMM pour maintenir au niveau requis la capacité de lutte sous la mer), 5 FREMM (sur 6 livrées, la dernière étant en essais en fin de période), 4 frégates de défense aérienne (dont 2 FAA d'ancienne génération) et 5 frégates légères furtives (à rénover)

* 18 Compte tenu de leur âge, un pétrolier-ravitailleur est maintenu en réserve en cas d'avarie grave sur l'un des 3 autres

* 19 Selon la date exacte de retrait des FALCON F 200 arrivant en fin de vie

* 20 Le nombre d'avions dans les forces, transitoirement inférieur au format du Livre blanc, rejoindra ce format par la suite grâce à la poursuite des livraisons RAFALE et aux opérations de prolongement de vie des MIRAGE 2000D et MIRAGE 2000-5. Au sein des armées, sera étudiée l'utilisation optimale des flottes en cours de retrait pour réaliser l'activité organique des équipages nécessaires aux contrats

* 21 Les C 135FR/KC 135, aux capacités sensiblement inférieures à celles des MRTT et à la disponibilité incertaine, seront retirés du service dès que possible au fur et à mesure de la livraison de ces derniers, de façon à ce que les contrats de dissuasion soient assurés sans restriction

* 22 Outre le ravitaillement en vol et le transport stratégique, les MRTT possèderont des capacités améliorées de transports de fret et d'évacuation sanitaire aérienne lourde

* 23 Cette flotte sera constituée de 15 A400M, de 14 C 160 maintenus en service pour compenser partiellement le décalage des livraisons A400M et de 14 C 130

* 24 La flotte d'hélicoptères moyens comprendra des PUMA, des SUPER PUMA, des EC 225 et des EC 725 CARACL

* 25 SLAMF : système de lutte anti-mines futur, à base de drones et en coopération franco-britannique

* 26 Rapport d'information de MM. Gilbert ROGER et André DULAIT, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées n° 660 (2011-2012) - 11 juillet 2012

* 27 Source : réponse écrite à la question n°67 de votre commission sur le projet de loi de programmation militaire

* 28 En 2014, un régiment sera transféré d'Orange (Vaucluse) à Carpiagne (Bouches-du-Rhône), où un autre est dissous, quatre sites de l'armée de l'air seront affectés par des restructurations (dont une fermeture de site), et, en interarmées, les états-majors de soutien de défense vont être dissous. Le transfert à la DRM à Balard dans la perspective du regroupement des états-majors, directions et services sur un site unique a également été annoncé.

* 29 La Cour des comptes a présenté des conclusions provisoires au ministère de la défense sur les dispositifs d'accompagnement des restructurations mis en oeuvre pendant la loi de programmation militaire 2009-2014. La procédure étant en cours, et le phase contradictoire n'étant pas achevée votre rapporteur n'a pu en prendre connaissance.

* 30 Sénat n°660 (2011-2012) http://www.senat.fr/notice-rapport/2011/r11-660-notice.html

* 31 Sénat n°150 - tome VII (2012-2013) http://www.senat.fr/rap/a12-150-7/a12-150-7.html

* 32 L'analyse de l'ensemble des contrats de redynamisation des sites de défense (CRSD) et des plans locaux de redynamisation (PLR) signés au titre du plan de restructuration 2008-2015 ne fait pas apparaître de différences notables dans leur mode d'élaboration, de suivi et de mise en oeuvre, ni de différences significatives dans la typologie des actions contractualisées.

* 33 Sénat n°150 - tome VII (2012-2013) http://www.senat.fr/rap/a12-150-7/a12-150-7.html

* 34 Le FRED est un fonds dont les modalités de mise en oeuvre permettent d'intervenir sur un domaine plus large que celui du FNADT (en particulier en faveur des entreprises).

* 35 Une extension aux établissements publics fonciers est envisagée.

* 36 La MRAI, « l'Agence immobilière » du ministère de la Défense rattachée à la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA), négocie la vente du patrimoine dont les armées n'ont plus l'utilité, en liaison avec le service France Domaine.

* 37 Sénat n°150 - tome VII (2012-2013) http://www.senat.fr/rap/a12-150-7/a12-150-7.html

* 38 Renseignement d'origine électromagnétique

* 39 Rapport d'information n° 681 (2011-2012) sur la cyberdéfense de M. Jean-Marie BOCKEL, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat - 18 juillet 2012

* 40 Rapport n° 491 (2012-2013) de MM. Jacques BERTHOU et Jean-Marie BOCKEL, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 10 avril 2013, et proposition de résolution européenne n° 138 (2012-2013), devenue résolution du Sénat le 19 avril 2013

* 41 Edition l'Harmattan, « La judiciarisation des opérations militaires : Thémis et Athéna », janvier 2013

* 42 Source : Ibid

* 43 C'est notamment l'analyse d'Alexandra Onfray, magistrate, dans « Le glaive et la balance : à la recherche d'un équilibre », dans la revue Inflexions n°15, « La judiciarisation des conflits », la documentation française, 2010

* 44 Article précité d'Alexandra Onfray

* 45 Voir notamment la décision n° 2011-138 QPC du 17 juin 2011 : Considérant 4. « Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; qu'est garanti par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif ».

* 46 Exposé des motifs du projet de loi

* 47 « N'ayons pas peur des juges ! », Arnaud Crézé, in Inflexions n°24, « L'autorité en question : obéir, désobéir », 2013, la documentation française

* 48 Livre précité de Christophe Barthélémy « La judiciarisation des opérations militaires ».

* 49 Attribuée au Général Bentégeat, ancien chef d'état-major

* 50 Cette analyse est développée dans l'article précité d'Arnaud Crézé

* 51 Article D 4122-3 du code de la défense

* 52 Notamment lors des Universités d'été de la défense à Pau le 10 septembre 2013

* 53 Source : rapport de la commission de révision du statut général des militaires

* 54 Paragraphe 6.2 du rapport annexé de la loi de programmation militaire 2009-2014

* 55 Rapport d'information Sénat n°713 - juillet 2013 « Pour en finir avec l'Europe de la défense - vers une défense européenne » http://www.senat.fr/rap/r12-713/r12-7131.pdf

* 56 Les journées de préparation opérationnelle de l'armée de terre s'ajoutent à la participation aux opérations, alors que dans tous les autres cas les normes d'activité intègrent à la fois le besoin en entraînement et la part d'activité opérationnelle prévisible.

* 57 Décret n°2012-652 du 4 mai 2012

* 58 Rapport d'information n°1022 (XIVe législature) déposé le 14 mai 2013 par la commission des Lois de l'Assemblée nationale et intitulé « Pour un « Etat secret » au service de notre démocratie »

* 59 Rapport d'information n°681 (2011-2012) sur la cyberdéfense présenté par M. Jean-Marie Bockel au nom de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat, le 18 juillet 2012

* 60 Rapport d'information n°681 (2011-2012) sur la cyberdéfense présenté par M. Jean-Marie Bockel au nom de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat, le 18 juillet 2012

* 61 Rapport n° 491 (2012-2013) de MM. Jacques Berthou et Jean-Marie Bockel, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, déposé le 10 avril 2013 et la résolution européenne du Sénat n°138 (2012-2013), adoptée le 19 avril 2013.

* 62 Comme le souligne à juste titre l'exposé de motifs du projet de loi, p. 38

* 63 Source : auditions menées par la commission dans le cadre de l'examen du projet de loi

* 64 Sur les conclusions contraires de l'Avocat général près la Cour de Cassation

* 1 Pour des détails sur cette question, voir le rapport pour avis de votre commission n°367, 2011, sur projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles (M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur).

* 2 Journal Officiel Assemblée nationale, 2ème séance du 14 avril 1982, p. 1129.

* 3 http://www.assemblee-nationale.fr/11/rapports/r0959.asp, rapport de la commission de la défense de l'Assemblée nationale, voir les commentaires sous l'article 46

* 65 Cour européenne des droits de l'homme

* 66 Décision n° 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011, M. Xavier P. et autre, considérant n°8

* 67 Décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996 sur la loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française

* 68 Décision n° 2010-614 DC du 4 novembre 2010, Loi autorisant l'approbation de l'accord entre la France et la Roumanie relatif à une coopération en vue de la protection des mineurs roumains isolés sur le territoire français , cons. 5

* 69 L'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme garantit à toute personne le droit à droit ce que sa cause soit entendue par un « tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».

* 70 Ass. Plen. 21 juin 1999, 99-81.927 ; Ass. Plen. 12 juillet 2000, 00-83.577 00-83.578

* 71 D'ailleurs au sein même du Conseil supérieur de la fonction militaire, comme le montre son avis lors de la 89 ème session bis de juillet 2013 (avis défavorable sur les dispositions sur le projet concernant la protection des militaires contre une judiciarisation dans l'exercice de leurs missions militaires).

* 72 Avril 2011

* 73 Préface du livre de Christophe Barthélémy précité

* 74 Source : audition du cabinet du ministre de la défense.

* 75 Rapport de la Commission de révision du statut général des militaires, Renaud Denoix de Saint Marc, novembre 2003

* 76 Les faits justificatifs sont des circonstances qui justifient ou légitiment une infraction. L'exemple type est celui de l'ambulancier commettant un excès de vitesse pour conduire un blessé à l'hôpital, ou du pompier faisant une violation de domicile pour éteindre un incendie.

* 77 Loi n° 82-621 du 21 juillet 1982, relative à l'instruction et au jugement des infractions en matière militaire et de sûreté de l'État.

* 78 Voir le rapport pour avis de M Serge Vinçon, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, n°226 (98-99)

* 79 Loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles - voir le rapport n°367, Sénat, 2011, de M Marcel-Pierre Cléach au nom de la commission des Affaires étrangères et de la défense

* 80 Créées par la loi du 9 mars 2004 et mises en place en octobre 2004, les juridictions inter-régionales spécialisées (JIRS) regroupent des magistrats du parquet et de l'instruction possédant une expérience en matière de lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière dans des affaires présentant une grande complexité. La loi a donné une compétence inter-régionale à 8 juridictions implantées, eu égard à l'importance des contentieux traités et aux aspects liés à la coopération transnationale, à Paris, Lyon, Marseille, Lille, Rennes, Bordeaux, Nancy et Fort de France

* 81 Certains greffiers militaires sont affectés hors juridictions : état-major, préfecture maritime, prévôté...

* 82 Voir le décret n° 2013-231 du 19 mars 2013 relatif au commandement de la gendarmerie prévôtale et à la brigade de recherches prévôtales

* 83 Source : réponse écrite au questionnaire de votre commission

* 84 L'article 13 du Code des pensions civiles et militaires de retraite dispose que :

I.- La durée des services et bonifications admissibles en liquidation s'exprime en trimestres. Le nombre de trimestres nécessaires pour obtenir le pourcentage maximum de la pension civile ou militaire est fixé à cent soixante trimestres. Ce pourcentage maximum est fixé à 75% du traitement ou de la solde mentionné à l'article L. 15. Chaque trimestre est rémunéré en rapportant le pourcentage maximum défini au deuxième alinéa au nombre de trimestres mentionné au premier alinéa.

* 85 Modifiant l'article 73 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 modifiée tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière

* 86 Ce montant est celui qui figure sur les actes de vente, il ne s'agit pas des encaissements.

* 87 Il s'agit, d'une part, du transfert au ministère de l'agriculture des espaces boisés relevant du ministère de la défense, d'autre part, des espaces littoraux et lacustres transférés au conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres.

* 88 en vertu des dispositions combinées du III de l'article L. 123-2 et du III de l'article R. 123-1 du code de l'environnement

* 89 en vertu des dispositions combinées du III de l'article L. 123-2, du III de l'article R. 123-1 et de l'article R. 517-4 du code de l'environnement

* 90 en vertu des dispositions combinées de l'article L. 127-1 et de l'article R. 127-7 du code de l'environnement

* 91 en vertu des dispositions combinées de l'article L. 515-25 et du III de l'article R. 515-50 du code de l'environnement

* 92 les INBS, qui sont l'une des catégories de IANID mentionnées à l'article R.* 1333-37 du code de la défense

* 93 http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2008/2008-564-dc/decision-n-2008-564-dc-du-19-juin-2008.12335.html

* 94 http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2011/2011-192-qpc/decision-n-2011-192-qpc-du-10-novembre-2011.103708.html

* 95 le commandant d'arrondissement maritime

* 96 André Santini, secrétaire d'État aux anciens combattants, Sénat, séance du 17 juin 1987).

* 97 Claude Barate, Rapport fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi, modifié par le Sénat, relatif au règlement de l'indemnisation des rapatriés , Assemblée nationale, VIIIe législature, n° 882, 19 juin 1987.

* 98 - article 2 de la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie ;

- article 47 de la loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999 de finances rectificative pour 1999 ;

- article 67 de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002 ;

- et articles 6, 7 et 9 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ;

* 99 Les allocataires pouvaient opter pour un versement total ou partiel sous forme d'un capital.

* 100 http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank/download/

201093QPCccc_93qpc.pdf

* 101 Sur l'hypothèse d'un versement en capital de 30.000 €

* 102 Décision du 27 août 2007 - OGIS Institut Stanislas c/ France

* 103 CE (Assemblée) - 5 décembre1997 - Lambert

* 104 Article 93 du code civil.

* 105 Article L. 218-26 du code de l'environnement.

* 106 Catégorie A : les matériels de guerre et les armes « interdits à l'acquisition et à la détention » ; Catégorie B : armes « soumises à autorisation » ; Catégorie C : armes « soumises à déclaration » ; Catégorie D : les autres armes, celles soumises à enregistrement et celles dont la détention est libre.

* 107 Mayotte accèdera au statut de région ultrapériphérique à compter du 1 er janvier 2014 et sera soumis à ce titre au droit européen. Il a, par conséquent, été jugé inutile d'élaborer des dispositions spécifiques à cette collectivité, compte tenu du calendrier d'élaboration de la LPM.

* 108 Ainsi, l'article L.2336-1 prévoit que peuvent déroger " les activités encadrées par la fédération sportive ayant reçu, au titre de l'article L. 131-14 du code du sport, délégation du ministre chargé des sports pour la pratique du tir ".

* 109 La rectification porte sur les signataires

* 110 M. JEAN-LOUIS CARRÈRE, RAPPORTEUR, MM. MICHEL BOUTANT ET JEANNY LORGEOUX, RAPPORTEURS DÉLÉGUÉS

* 111 MM. JACQUES BERTHOU ET JEAN-MARIE BOCKEL, RAPPORTEURS DÉLÉGUÉS

* 112 MM. ANDRÉ VALLINI ET MARCEL-PIERRE CLÉACH, RAPPORTEURS DÉLÉGUÉS

* 113 MM. DANIEL REINER, JACQUES GAUTIER ET XAVIER PINTAT, RAPPORTEURS DÉLÉGUÉS

* 114 MM. DANIEL REINER, JACQUES GAUTIER ET XAVIER PINTAT, RAPPORTEURS DÉLÉGUÉS

* 115 M. ANDRE DULAIT, RAPPORTEUR DELEGUE

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