AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites est l'aboutissement d'un long processus qui a débuté en juillet 2012 par les discussions engagées lors de la grande conférence sociale.

Suivant la feuille de route définie à cette occasion, l'élaboration du projet de loi a connu trois phases successives.

Le Conseil d'orientation des retraites (COR) a tout d'abord réalisé un état des lieux du système et de ses perspectives financières aux horizons 2020, 2030, 2040 et 2060.

Sur le fondement de ce diagnostic partagé, la commission pour l'avenir des retraites a ensuite formulé des propositions, que sa présidente, Madame Yannick Moreau, a présentées à votre commission au mois de juillet dernier.

Enfin, la conférence sociale de juin 2013 a permis d'ouvrir la phase de concertation avec les partenaires sociaux avant le dépôt du texte au Parlement le 18 septembre dernier.

Le projet de loi entend poursuivre trois objectifs :

- le redressement des comptes des régimes de retraite à court terme et la correction de la trajectoire financière de long terme, à travers notamment la mise en place d'un nouveau mécanisme de pilotage annuel du système reposant sur le COR et la création d'un comité de suivi endossant un rôle d'alerte et de recommandation ;

- l'accent mis sur l'équité, avec une meilleure prise en compte de la diversité des parcours professionnels et des situations sociales dans la constitution des droits à la retraite, pour les assurés travaillant dans des conditions de pénibilité mais aussi pour les femmes et les jeunes générations ;

- l'approfondissement des démarches visant à mettre en oeuvre le droit à l'information des assurés à travers une coordination accrue entre les régimes.

Après un bref rappel des enjeux démographiques et d'équité auquel se trouve confronté notre système de retraite par répartition, votre rapporteure présentera les mesures proposées pour atteindre chacun de ces trois objectifs.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. L'ÉQUILIBRE FINANCIER DU SYSTÈME DE RETRAITE N'EST TOUJOURS PAS ASSURÉ

Depuis les années 1990, notre système de retraite par répartition se caractérise par une évolution financière négative qui met en danger sa pérennité.

Les régimes de retraite sont en effet confrontés à une forte montée en charge des droits acquis, sous le double impact démographique de l'arrivée à l'âge de la retraite des générations nombreuses de l'après-guerre et de l'allongement de l'espérance de vie. A cette dégradation tendancielle du ratio démographique s'ajoute la forte sensibilité du financement du système à l'évolution économique, dans un environnement devenu plus incertain depuis la fin des Trente Glorieuses.

Face au creusement des déficits, les réformes intervenues dans les deux dernières décennies ont principalement cherché à retarder l'âge de départ à la retraite avec l'objectif d'un retour à l'équilibre à l'horizon 2020.

Aujourd'hui cependant, la pérennité financière du système n'est toujours pas garantie. Après une amélioration du solde de la branche vieillesse en 2013, l'absence de mesures de redressement nouvelles conduirait en effet à une nouvelle aggravation du déficit dès 2014 tandis que le besoin de financement du système est évalué à environ 20 milliards d'euros en 2020, dont 7,6 milliards d'euros pour les régimes de base non équilibrés par subvention et le fonds de solidarité vieillesse (FSV).

A. LES RÉGIMES DE RETRAITE ONT FAIT L'OBJET DE RÉFORMES PÉRIODIQUES AU COURS DES DEUX DERNIÈRES DÉCENNIES

1. Des réformes cherchant principalement à retarder l'âge de départ à la retraite
a) L'allongement de la durée d'assurance par les réformes de 1993 et 2003

Les réformes de 1993 et de 2003 ont privilégié le levier de la hausse de la durée d'activité à travers l'allongement de la durée d'assurance requise pour bénéficier d'une retraite à taux plein et l'introduction de dispositifs de maintien en activité :

- le décret du 27 août 1993 relatif au calcul des pensions de retraite 1 ( * ) a porté la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une pension à taux plein dans le régime général et les régimes alignés de 150 trimestres (37,5 ans) à 160 trimestres (40 ans) à raison d'un trimestre supplémentaire par génération ;

- la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites 2 ( * ) a quant à elle prévu l'application du principe, à compter de 2008 et jusqu'en 2020, d'un partage des gains d'espérance de vie à 60 ans entre la durée d'assurance requise pour le taux plein (à hauteur des deux tiers) et la durée passée en retraite (un tiers) au niveau constaté en 2003 .

En vertu de ce principe, entre 2003 et 2008, la durée d'assurance a été stabilisée à 40 ans dans le régime général et les régimes alignés. La réforme de 2003 prévoyait ensuite une augmentation de la durée d'assurance d'un trimestre par an jusqu'en 2012, avant une réévaluation, tous les quatre ans, de la durée d'assurance par une « commission de garantie des retraites ».

Au total, la durée d'assurance requise pour bénéficier d'une retraite à taux plein est passée de 160 trimestres (40 annuités) pour la génération née en 1948 à 166 trimestres (41,5 annuités) pour les générations nées à partir de 1955.

La réforme de 2003 a en outre instauré un dispositif de surcote visant à inciter les assurés à travailler au-delà de la durée requise pour le taux plein. Elle a reporté l'âge à partir duquel un employeur peut mettre un salarié à la retraite d'office de 60 à 65 ans et limité les dispositifs de préretraite.

b) Le décalage des bornes d'âge par la réforme de 2010

La loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites 3 ( * ) prévoit le relèvement progressif de l'âge légal d'ouverture des droits à la retraite et de l'âge d'annulation de la décote (ou du taux plein automatique). Ces deux bornes sont progressivement augmentées à deux ans entre les générations 1951 et 1956 , passant de 60 à 62 ans et de 65 à 67 ans .

Parallèlement, la réforme de 2010 confirme le principe posé en 2003 d'un allongement de la durée d'assurance requise pour l'obtention d'une retraite à taux plein en fonction des gains d'espérance de vie à soixante ans. Elle charge à ce titre le Conseil d'orientation des retraites (COR) de rendre chaque année un avis sur l'évolution de la durée d'assurance pour la génération atteignant 56 ans cette année-là. La durée est ensuite fixée par décret du Gouvernement .

Selon le droit en vigueur, ce mécanisme devrait s'éteindre en 2020, avec l'adoption en 2016 du décret applicable à la génération 1960. A cet horizon, la durée d'assurance devrait atteindre 41,75 ans d'après les projections disponibles.

c) L'accélération du relèvement de l'âge légal d'ouverture des droits par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012

Conformément à la loi du 9 novembre 2010, le relèvement de quatre mois de l'âge légal de départ en retraite est entré en vigueur le 1 er juillet 2011 pour la génération née en 1951.

La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2012 a prévu une accélération du rythme de recul de l'âge légal de départ en retraite pour que celui-ci atteigne 62 ans dès la génération 1955 (et non plus 1956).

Compte tenu du droit en vigueur aujourd'hui, les bornes d'âge et la durée d'assurance requise pour le taux plein évoluent selon l'échéancier précisé dans le tableau ci-dessous.

Tableau n° 1 : Evolution des bornes d'âge et de la durée d'assurance requise pour une pension à taux plein selon le droit en vigueur

Date de naissance

Age d'ouverture
des droits

Durée d'assurance pour le taux plein

Age d'annulation
de la décote

Avant 1949

60 ans

160 trimestres

65 ans

1949

161 trimestres

1950

162 trimestres

Entre le 1 er janvier
et le 30 juin 1951

163 trimestres

Entre le 1 er juillet
et le 31 décembre 1951

60 ans et 4 mois

163 trimestres

65 ans et 4 mois

1952

60 ans et 9 mois

164 trimestres

65 ans et 9 mois

1953

61 ans et 2 mois

165 trimestres

66 ans et 2 mois

1954

61 ans et 7 mois

66 ans et 7 mois

1955

62 ans

166 trimestres*

67 ans

1956

1957

* Le 25 septembre 2013, le COR a recommandé de maintenir inchangée pour la génération née en 1957 la durée d'assurance pour une retraite à taux plein par rapport à la génération née en 1956, soit 166 trimestres (41,5 ans).

2. L'engagement d'une démarche de rapprochement des règles entre les régimes

Les réformes intervenues dans les vingt dernières années n'ont pas remis en cause la complexe architecture du système de retraite. Si le nombre de régimes et la diversité des règles applicables sont encore élevés, d'importants rapprochements ont néanmoins été opérés entre le secteur privé et le secteur public.

a) Une convergence progressive des conditions d'âge et de durée d'assurance

Si la réforme de 1993 n'a concerné que le régime général et les régimes alignés, celle de 2003 a étendu aux régimes de la fonction publique la mesure d'allongement de 37,5 à 40 annuités de la durée d'assurance requise pour le taux plein (à raison d'une hausse d'un trimestre par an entre 2003 et 2008) 4 ( * ) .

En 2008, la durée d'assurance et de services nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein a ainsi atteint 40 ans dans l'ensemble des régimes concernés par la réforme de 2003 (régime général, régimes alignés, régime des professions libérales, régime des exploitants agricoles et régimes de la fonction publique).

Cette réforme étend également à partir du 1 er janvier 2006 aux régimes de la fonction publique le dispositif de décote pour les personnes liquidant leur retraite avant d'avoir rempli les conditions du taux plein.

La réforme des régimes spéciaux réalisée par voie réglementaire en 2008 conduit à l'alignement progressif des paramètres s'appliquant à sept d'entre eux 5 ( * ) sur ceux de la fonction publique. Outre l'instauration des dispositifs de décote et de surcote, la durée d'assurance exigée pour le taux plein a été allongée de 37,5 ans à 40 ans au 1 er décembre 2012 puis à 41 ans (164 trimestres) en 2016.

La convergence entre le régime général, la fonction publique et les régimes spéciaux a été poursuivie par la loi du 9 novembre 2010 . Le relèvement de deux ans de l'âge d'ouverture des droits et de l'âge du taux plein s'est appliqué dans des conditions identiques aux salariés et non-salariés du secteur privé et à la fonction publique . La réforme de 2010 relève également de deux ans les bornes d'âge pour les catégories actives 6 ( * ) de la fonction publique (pour lesquelles l'âge d'ouverture des droits est fixé à 52 ans ou 57 ans selon les cas) ainsi que pour les régimes spéciaux à compter de 2017 . Ce décalage des bornes d'âge s'applique à des générations plus jeunes selon un échéancier particulier.

Est en outre supprimé dans la fonction publique, à compter du 1 er janvier 2012, le dispositif de retraite anticipée des parents de trois enfants au bout de quinze ans de service.

Pour mémoire, la réforme de 2010 a également aligné les taux de cotisation des fonctionnaires sur ceux des salariés du secteur privé à l'horizon 2020 (+ 0,27 % par an) et rapproché les règles du minimum garanti de celles du minimum contributif.

L'ensemble des mesures d'âge et de durée d'assurance a conduit à élever globalement l'âge effectif de départ à la retraite aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public.

Corrigé des effets du dispositif de retraite anticipée, l'âge moyen de départ en retraite au régime général est ainsi passé de 61,9 ans en 2003 à 62,1 ans en 2011 et il devrait atteindre 62,4 ans en 2012 selon le programme de qualité et d'efficience (PQE) associé au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2014.

Comme le montre le tableau ci-dessous, on observe également une progression constante de l'âge moyen de départ en retraite au sein de la fonction publique d'État, où il a augmenté de deux ans entre 2003 et 2012. De même, l'âge moyen de départ en retraite des fonctionnaires des collectivités territoriales et hospitalières a globalement progressé depuis 2003, avec un gain de 1,7 an pour les premières et de 2,1 ans pour les secondes.

Tableau n° 2 : Evolution des âges effectifs de départ en retraite

2003

2010

2011

2012 (p)

Cnav

61,9

61,5

62

62,2

MSA salariés

61,7

61,1

61,4

61,6

MSA non-salariés

62,1

61,5

61,9

62,2

RSI commerçants

nd

62,2

61,6

63,0

RSI artisans

61,2

61,2

61,6

61,9

FPT

58,2

59,9

58,9

61,2

FPH

54,6

56,7

55,1

58,6

FPE

58,6

59,8

60,2

60,7

Source : PQE, PLFSS 2014

b) Des modes de calcul des pensions qui restent différents mais qui ne doivent pas occulter la proximité des taux de remplacement

Les réformes passées n'ont pas harmonisé les modes de calcul des pensions entre les différents régimes.

La réforme de 1993 a allongé, pour le régime général et les régimes alignés, la période de référence prise en compte pour le calcul du salaire moyen de 10 à 25 ans, à raison d'une année supplémentaire par année civile de naissance. Cette montée en charge progressive s'est achevée en 2008 pour le régime général et le régime des salariés agricoles et en 2013 pour le régime social des indépendants (RSI).

Les régimes de retraite de la fonction publique prennent quant à eux en compte le traitement de référence des dix derniers mois sans y inclure les primes, tandis que la création d'un régime complémentaire obligatoire sous la forme du régime additionnel de la fonction publique (RAFP) incluant les primes ne date que de 2004.

Malgré ces différences, les taux de remplacement assurés par les pensions de retraite restent assez comparables entre secteur privé et secteur public.

En 2008, le montant de pension de droit propre mensuel moyen pour un homme mono-pensionné à carrière complète s'élevait à 1 969 euros pour un assuré du régime général, 2 479 euros pour un fonctionnaire civil d'Etat et à 1 935 euros pour un fonctionnaire territorial ou hospitalier. Mais ces écarts sont imputables à des différences de structure , tenant aux niveaux de qualification globalement plus élevés au sein de la fonction publique d'Etat.

Ainsi, comme l'indique la commission Moreau, « malgré des modes de calcul des pensions différents, le taux de remplacement médian est proche pour la génération 1942 entre les salariés du secteur privé (74,5 %) et les salariés civils du secteur public (75,2 %) » 7 ( * ) .

Par ailleurs, le mode de revalorisation des pensions applicable au régime général et aux régimes alignés - où il est fonction des prix depuis 1987 - a été étendu au régime de la fonction publique en 2003 et aux régimes spéciaux en 2008.


* 1 Décret n° 93-1022.

* 2 Loi n° 2003-775, dite « Fillon ».

* 3 Loi n° 2010-1330.

* 4 La durée d'assurance fait néanmoins l'objet de définitions différentes (durée calendaire dans la fonction publique et référence aux 200 heures rémunérées au Smic pour les salariés).

* 5 SNCF, RATP, CNIEG, Banque de France, Opéra national de Paris, Comédie française, régime des clercs et des employés de notaires (CRPCEN).

* 6 Certains emplois de la fonction publique sont classés en catégorie active car il s'agit de métiers à risque ou qui se caractérise par une exposition particulière à des facteurs de pénibilité. Ils permettent à certains agents publics ayant effectué 17 ans de service dans ces emplois de partir en retraite avant l'âge légal d'ouverture des droits.

* 7 « Nos retraites demain : équilibre financier et justice », juin 2013.

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