B. LE BREVET EUROPÉEN : UN SYSTÈME QUI A FAIT SES PREUVES MAIS QUI SE HEURTE À DES LIMITES

1. Le système du brevet européen
a) L'origine du brevet européen

Le brevet européen est né de la volonté des États d'édifier un système de brevets unifié à l'échelle de l'Europe dans un souci de simplification et de réduction des coûts pour les déposants.

A la suite de l'échec des tentatives pour instituer un brevet communautaire, une Convention sur la délivrance des brevets européens (CBE) a été signée à Munich le 5 octobre 1973, qui instaure le brevet européen et crée l'Office européen des brevets (OEB). Cette convention est entrée en vigueur le 7 octobre 1977 après avoir été ratifiée par sept États, dont la France.

La Convention sur le brevet européen (CBE), également appelée « Convention de Munich », est un traité interétatique classique, dont le champ géographique est plus étendu que celui de l'Union européenne puisqu'il couvre aujourd'hui 38 États. L'ensemble des vingt-sept États membres de l'Union européenne sont parties à la convention.

La Convention de Munich fournit un cadre juridique pour la délivrance des brevets européens, par l'intermédiaire d'une procédure unique et harmonisée devant l'Office européen des brevets.

b) Le brevet européen : un faisceau de brevets nationaux

Bien que le terme de « brevet européen » soit employé pour désigner les brevets accordés par l'Office européen des brevets, la délivrance d'un tel brevet ne donne pas droit à un titre unitaire, mais à un faisceau de titres nationaux.

Le système européen des brevets se caractérise par une procédure unique de délivrance des brevets par le biais de l'Office européen des brevets. Une demande de brevet unique dans une seule langue peut être déposée qui permet de bénéficier d'une protection dans tout ou partie des pays parties à la convention.

Une fois délivré, le brevet européen éclate en un faisceau de brevets nationaux dans les États que son titulaire a désignés comme ceux dans lesquels il souhaitait que son invention soit protégée. De ce fait, le brevet européen n'est donc pas un titre unitaire mais il demeure régi par les lois nationales, notamment en ce qui concerne le contentieux des brevets.

La procédure du brevet européen se distingue de la procédure du brevet national en ce que s'y ajoutent deux exigences particulières que sont la « désignation » et la « validation ».

La « désignation » consiste à déterminer le champ territorial de la protection de l'invention. Cette opération de « désignation » se traduit par l'énumération de la liste des États où le déposant souhaite que son invention soit protégée.

En matière de désignation, la France figure (avec un taux de désignation de 94 %) au deuxième rang des pays membres de l'OEB, derrière l'Allemagne (avec un taux de 98 %), mais devant le Royaume-Uni (avec un taux de 93 %).

Afin qu'un brevet européen produise des effets juridiques dans chacun des États désignés par le breveté, il est ensuite nécessaire de procéder à une « validation ».

Avant l'entrée en vigueur du Protocole de Londres, la validation consistait dans le dépôt, auprès de l'office national de la propriété industrielle de chacun des États en cause, de la traduction intégrale du brevet (description et revendications) dans une langue officielle de cet État.

2. La réforme du système européen des brevets
a) La réforme du régime linguistique : le Protocole de Londres

L'accord sur l'application de l'article 65 CBE - dit Protocole de Londres - est un accord facultatif visant à réduire les coûts liés à la traduction des brevets européens. Il est le fruit de longs efforts visant à obtenir un régime de traduction post-délivrance attractif du point de vue des coûts.

Ce processus a débuté dans les années 90 dans le cadre de l'Organisation européenne des brevets, avant de s'accélérer lors de la Conférence intergouvernementale tenue à Paris les 24 et 25 juin 1999. L'accord a été conclu lors de la Conférence intergouvernementale tenue à Londres le 17 octobre 2000.

Les Etats parties à la Convention de Munich qui ont ratifié l'accord ou qui y ont adhéré s'engagent à renoncer, en tout ou dans une large mesure, à l'exigence de produire des traductions des brevets européens. En vertu de l'article premier, paragraphes 1, 2 et 3 de l'accord de Londres,

- un Etat ayant une langue officielle en commun avec une des langues officielles de l'OEB (c'est-à-dire l'anglais, le français ou l'allemand) renonce totalement aux exigences en matière de traduction prévues à l'article 65(1) CBE ;

- un Etat n'ayant aucune langue officielle en commun avec une des langues officielles de l'OEB renonce aux exigences en matière de traduction prévues à l'article 65(1) CBE, si le brevet européen a été délivré dans la langue officielle de l'OEB prescrite par cet Etat, ou traduit dans cette langue et fourni dans les conditions prévues à l'article 65(1) CBE. Ces Etats peuvent toutefois exiger qu'une traduction des revendications dans une de leurs langues officielles soit fournie.

En outre, tous les pays participant à l'accord gardent le droit d'exiger qu'en cas de litige fondé sur un brevet, une traduction complète du brevet soit fournie par le titulaire dans la langue nationale du pays.

L'accord de Londres est entré en vigueur le 1 er mai 2008, après que treize Etats parties à la CBE - dont les trois Etats dans lesquels le plus grand nombre de brevets européens a pris effet en 1999, à savoir l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni - eurent déposé leurs instruments de ratification et d'adhésion.

En France, la ratification de l'accord de Londres a été autorisée par la loi n° 2007-1477 du 17 octobre 2007.

b) La création d'un système juridictionnel

Cette piste a été engagée à l'occasion de la conférence intergouvernementale de Paris en 1999. Elle a conduit à la rédaction d'un projet d'accord sur le règlement des litiges en matière de brevet européen - aussi désigné sous le nom d'EPLA (« European Patent Litigation Agreement ») - qui vise à instituer une juridiction centralisée compétente pour traiter des actions relatives à la validité et à la contrefaçon du brevet européen, avec une Cour européenne des brevets, comprenant un tribunal de première instance et une cour d'appel. Il s'agissait d'un système facultatif qui avait vocation à s'appliquer aux seuls États membres de l'OEB qui décideraient d'y adhérer.

Ce projet n'a cependant pas abouti.

3. Un système qui connaît encore des limites

Le système européen des brevets se heurte à une double limite.

a) Un coût financier non négligeable

La première limite est d'ordre financier. Le coût d'accès au brevet européen est sensiblement plus élevé que celui du brevet américain ou japonais. On considère généralement qu'il est au moins 2 à 3 fois plus coûteux de protéger une invention en Europe qu'au Japon ou aux Etats-Unis.

D'après l'étude d'impact annexée au projet de loi, le coût d'un brevet européen peut aller jusqu'à 36 000 euros (pour une validation dans les 27 Etats membres selon l'étude d'impact de la Commission européenne), dont 23 000 euros pour les seules traductions, contre 2 000 euros aux Etats-Unis et 600 euros en Chine.

Cela tient à la multiplicité des procédures de validation, à l'existence de taxes de maintien en vigueur dans l'ensemble des pays désignés et à l'exigence d'une traduction du brevet dans les langues des pays désignés.

b) Une sécurité juridique incertaine

La seconde limite a trait à la sécurité juridique en l'absence d'harmonisation des litiges. Chaque brevet européen relève, en matière de contentieux, du juge national. En cas d'infraction, le titulaire du brevet est donc amené à saisir plusieurs juridictions nationales, lorsque l'infraction a été commise sur plusieurs territoires. Et rien de garantit qu'une décision d'un juge dans un pays fasse l'objet, pour un litige identique, d'une même décision dans un autre pays.

Ce sont les PME, compte tenu de leurs moyens d'expertise et de financement limités, qui pâtissent le plus de ce système, alors même qu'elles disposent d'un important potentiel d'innovation.

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