D. L'ASSEMBLÉE NATIONALE A APPROUVÉ D'UNE MANIÈRE GÉNÉRALE LES PRINCIPALES MODIFICATIONS INTRODUITES PAR LE SÉNAT SUR LE VOLET NORMATIF

L'Assemblée nationale a très largement approuvé les modifications introduites par le Sénat sur les aspects normatifs de la LPM.

1. La réforme du cadre juridique de l'accès aux données de connexion et de la géolocalisation en temps réel

Initialement, l'article 13 du projet de loi présenté par le Gouvernement visait uniquement à clarifier le régime juridique de la géolocalisation en temps réel par l'accès aux données de connexion des personnes surveillées.

Toutefois, lors de la discussion en séance publique, le Sénat a adopté, avec l'avis favorable de votre commission et du gouvernement, un amendement présenté par le Président de la commission des Lois, M. Jean-Pierre Sueur, ayant un objet beaucoup plus large, puisqu'il vise à refondre le régime juridique de l'accès administratif aux données de connexion en le rapprochant de celui relatif aux interceptions de communication issu de la loi du 10 juillet 1991.

Compte tenu du caractère plus intrusif dans la vie privée que constituerait la géolocalisation en temps réel d'une personne par rapport au simple recueil a posteriori de données de connexion, la commission des Lois du Sénat a, en effet, proposé d'aligner son dispositif non pas sur le régime de l'accès aux données de connexion mais sur celui - plus protecteur des libertés publiques - des interceptions de sécurité.

Le Sénat a donc inséré, au sein du code de la sécurité intérieure, un dispositif complet de recueil administratif des données techniques de connexion et de géolocalisation en temps réel, applicable au 1 er janvier 2015.

Il faut bien voir que le dispositif adopté par le Sénat est à la fois plus protecteur des libertés publiques que celui initialement prévu par le projet de loi, mais également plus adapté aux besoins opérationnels des services , car il sera ouvert à tous les services de renseignement, et pour des motifs plus larges.

Il sera plus protecteur des libertés publiques :

- par un accroissement du contrôle effectué par la CNCIS ;

- les demandes de géolocalisation en temps réel, motivées, devront émaner du ministre et non uniquement des personnes désignées et habilitées.

Ce dispositif n'entrera en vigueur que le 1er janvier 2015, afin de laisser le temps nécessaire à la préparation de ce nouveau système.

L'Assemblée nationale n'a pas remis en cause, en dehors de quelques modifications, en commission et en séance publique, d'ordre rédactionnel, l'économie générale du texte adopté par le Sénat. L'unique changement important porte sur la durée de l'autorisation pour la géolocalisation en temps réel.

Alors que le Sénat avait retenu un délai maximal de dix jours , la commission des Lois de l'Assemblée nationale, saisie pour avis, a souhaité porter la durée des autorisations de géolocalisation à quatre mois . Elle a estimé, en effet, que dans la mesure où le procédé de géolocalisation est moins intrusif dans la vie privée qu'une interception de sécurité, la durée de l'autorisation pour la géolocalisation en temps réel devrait être alignée sur celle applicable en matière d'interception de sécurité, soit quatre mois.

La commission de la défense de l'Assemblée nationale, saisie au fond, n'a cependant pas suivi l'avis de la commission des Lois, puisqu'elle a estimé qu'un délai de quatre mois serait excessif. Elle a préféré retenir un délai de trente jours .

Rappelons à cet égard que le délai prévu initialement par la commission des Lois du Sénat était de trois jours , mais qu'il avait été porté à dix jours à la demande de votre commission, afin de tenir compte des nécessités opérationnelles des services.

Votre commission estime qu'un délai de trente jours représente un équilibre raisonnable pour concilier l'impératif d'efficacité et la nécessaire protection des droits et libertés individuelles. Le procédé de géolocalisation en temps réel peut certes être considéré comme moins intrusif que l'accès au contenu même des communications mais il représente néanmoins un procédé sensible du point de vue des droits et libertés des individus, notamment de la liberté d'aller et venir, puisqu'il permet de suivre tous les déplacements d'une personne.

2. La protection des militaires engagés en OPEX face au risque de judiciarisation

L'Assemblée nationale a souscrit à l'analyse du Sénat en ce qui concerne la nécessité de préciser le champ d'application des dispositions relatives à la lutte contre la judiciarisation excessive de l'action militaire .

En effet, les rédactions initiales des articles 18 et 19 avaient été modifiées en première lecture par le Sénat, afin de leur permettre d'atteindre réellement leur objet. Faute de quoi, la trop grande marge d'appréciation laissée au juge quant à ce que recouvrait la notion initialement employée « d'opération militaire » aurait pu donner lieu à une jurisprudence restrictive, contraire à l'intention du législateur.

Aussi le Sénat avait-il entendu couvrir les faits commis dans l'accomplissement de sa mission par un militaire lors d'une opération :

- « mobilisant des capacités militaires » pour introduire une approche matérielle, non subjective. Il faut noter que le terme de « capacités » est volontairement large : outre les matériels, il inclut également les personnels ;

- se déroulant en dehors « des eaux territoriales » (et non seulement du seul « territoire »), ceci notamment dans le cadre des opérations de police en haute mer,

- et visant « y compris la libération d'otages, l'évacuation de ressortissants ou la police en haute mer. »

Il était ainsi parfaitement clair que les opérations du commandement des opérations spéciales (COS), notamment, ou encore celles menées dans le cadre de la lutte contre la piraterie, par exemple, entreraient bien dans le champ d'application

Loin de vouloir revenir au texte initial proposé par le Gouvernement, l'Assemblée nationale a au contraire souscrit à l'analyse et à la rédaction du Sénat.

Il faut noter que cette adhésion s'est manifestée tant au niveau de la commission de la Défense de l'Assemblée qu'au sein de la commission des Lois, saisie pour avis.

Les députés ont même souhaité apporter une précision utile (mention des eaux territoriales « françaises »).

3. Le renforcement de la protection des systèmes d'information

Enfin, l'Assemblée nationale a approuvé les dispositions relatives au renforcement de la protection des systèmes d'information des opérateurs d'importance vitale face à la cybermenace , telles qu'adoptées par le Sénat.

En particulier, elle a approuvé, sous réserve d'une modification rédactionnelle, les compléments apportés par le Sénat visant à permettre à l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) d'obtenir des opérateurs de communications électroniques, l'identité, l'adresse postale et l'adresse électronique d'utilisateurs ou de détenteurs de systèmes d'information vulnérables, menacés ou attaqués, aux seuls fins de les alerter sur la vulnérabilité ou la compromission de leur système (article 16 bis) .

Elle a aussi adopté conforme le nouvel article 16 ter , introduit à l'initiative de votre commission, qui vise à clarifier et à renforcer la sécurité juridique de l'activité de recherche ou de développement de produits ou de services en matière de sécurité informatique.

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