Rapport n° 272 (2013-2014) de Mme Bernadette BOURZAI , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 8 janvier 2014

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N° 272

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 janvier 2014

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur la proposition de résolution européenne de MM. Jean BIZET et Richard YUNG, présentée en application de
l'article 73
quater du Règlement, sur la mise sur le marché et la brevetabilité des semences et obtentions végétales (texte E 8314),

Par Mme Bernadette BOURZAI,

Sénatrice

et TEXTE DE LA COMMISSION

(1) Cette commission est composée de : M. Daniel Raoul , président ; MM. Martial Bourquin, Claude Bérit-Débat, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Pierre Hérisson, Joël Labbé, Mme Élisabeth Lamure, M. Gérard Le Cam, Mme Renée Nicoux, M. Robert Tropeano , vice-présidents ; MM. Jean-Jacques Mirassou, Bruno Retailleau, Bruno Sido , secrétaires ; M. Gérard Bailly, Mme Delphine Bataille, MM. Michel Bécot, Alain Bertrand, Mme Bernadette Bourzai, MM. François Calvet, Roland Courteau, Marc Daunis, Claude Dilain, Alain Fauconnier, Didier Guillaume, Michel Houel, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Jean-Claude Lenoir, Philippe Leroy, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Michel Magras, Jean-Claude Merceron, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Mireille Schurch, M. Yannick Vaugrenard .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

218 (2013-2014)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

En un demi-siècle, le progrès technique a permis la progression spectaculaire de la production agricole. La mécanisation, l'amélioration des techniques de fertilisation, la meilleure protection des plantes contre les parasites ont grandement contribué à l'augmentation des rendements.

La sélection variétale a joué dans ce mouvement un rôle déterminant , en permettant de mettre à disposition des agriculteurs des variétés cultivées les plus adaptées aux territoires et aux climats. Le développement de l'industrie semencière a été considérable. Le marché des semences représente dans le monde un chiffre d'affaires d'environ 35 milliards d'euros. La France constitue pour sa part le troisième marché avec 2,6 milliards d'euros de chiffre d'affaires 1 ( * ) .

Trois multinationales - Monsanto, DuPont-Pioneer et Syngenta - assurent plus de 50 % de l'approvisionnement du marché. Les conditions de commercialisation des semences ont été progressivement encadrées par la législation nationale mais aussi par le droit européen, reposant sur deux principes : une autorisation de mise sur le marché qui se traduit par une inscription au catalogue des variétés autorisées et une certification des lots de semences vendus aux agriculteurs.

Dans le cadre de la refonte de la politique européenne en matière de santé vétérinaire et phytosanitaire , engagée en juin 2011, la Commission européenne a présenté le 6 mai 2013 un paquet législatif de cinq textes destinés à rassembler les dispositions des quelques 70 textes existants en matière de règlementation de la chaîne de production des denrées alimentaires avec :

- un règlement sur la santé animale et la lutte contre les zoonoses ;

- un règlement relatif à la santé des plantes et à la lutte contre les organismes nuisibles ;

- un règlement sur les contrôles officiels sur la sécurité alimentaire, le respect des signes de qualité et le bien-être animal ;

- un règlement régissant le fonds financier de l'Union européenne dans le domaine de la politique sanitaire et phytosanitaires ;

- et enfin, un règlement sur la commercialisation des semences et matériels de reproduction des plantes (MRP), qui vise à remplacer pas moins de 13 textes européens.

La commission des Affaires européennes du Sénat a examiné le texte relatif à la santé animale, adoptant le 30 octobre 2013 une proposition de résolution, devenue résolution définitive du Sénat le 6 décembre dernier, qui approuve ses orientations générales, tout en présentant quelques réserves, notamment sur l'ampleur des marges de manoeuvres laissées à la Commission européenne par l'adoption d'actes délégués et d'actes d'exécution.

La commission des Affaires européennes du Sénat s'est également saisie du texte sur la commercialisation des semences en adoptant, le 11 décembre 2013, une proposition de résolution de MM. Jean Bizet et Richard Yung, qui est désormais soumise à l'examen de notre commission.

Ce texte revêt une dimension essentiellement technique : il reprend l'essentiel des mécanismes existants en matière de mise sur le marché des MRP, en les étendant à toutes les espèces ainsi qu'au matériel forestier ; il contient également quelques innovations, en unifiant le catalogue au niveau européen, en allongeant la durée d'inscription des variétés, ou encore, en ouvrant la possibilité d'inscriptions simplifiées pour des variétés non homogènes.

Comme sur la proposition de règlement concernant la santé animale, on peut regretter que la Commission européenne prévoie le recours massif à des actes délégués ou des actes d'exécution. Le processus de négociation européenne devrait au contraire permettre de préciser le contenu du texte et de réduire le nombre des actes délégués nécessaires.

La proposition de règlement sur la commercialisation des semences déclenche des oppositions en sens contraire, certains estimant qu'il oblige les petites entreprises à enregistrer leurs semences et donc à faire face à des contraintes administratives importantes, d'autres critiquant la procédure simplifiée prévues pour ces petites entreprises, estimant qu'elle fragilise l'unité du dispositif d'enregistrement des semences. Votre rapporteure considère que ce texte va dans le bon sens, avec cependant quelques réserves mineures .

Au-delà d'ajustements concernant les mécanismes de mise sur le marché des semences, la proposition de résolution soumise à notre examen aborde un second sujet, en réclamant la plus grande vigilance sur l'évolution des règles de propriété intellectuelle concernant les semences . Le système du certificat d'obtention végétale (COV) risque en effet d'être de plus en plus menacé par le système du brevet. Or, si la convention sur le brevet européen (CBE) exclut la brevetabilité des espèces végétales, certaines décisions récentes de l'Office européen des brevets (OEB) semblent contourner cette interdiction et menacer les principes mêmes qui sont à la base du système de propriété intellectuelle sur les plantes, et concilient protection des obtenteurs et encouragement du progrès technique. De ce point de vue, la proposition de résolution tire le signal d'alarme , alors même que le règlement européen sur les MRP ne porte absolument pas sur la propriété intellectuelle sur les plantes.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

LA MISE SUR LE MARCHÉ DES SEMENCES : UN MÉCANISME PRÉSERVÉ ET SIMPLIFIÉ.

ENREGISTREMENT ET CERTIFICATION : LES DEUX PILIERS DU COMMERCE DES SEMENCES.

L'ENREGISTREMENT DES SEMENCES : UNE OBLIGATION PRÉALABLE À LA COMMERCIALISATION.

La France s'est dotée depuis 1932 d'un catalogue officiel des espèces et variétés dont les semences sont autorisées à la vente. Il s'agissait au départ de protéger les acheteurs en définissant un cadre commun, auquel pourraient se référer l'ensemble des agriculteurs.

L'inscription au catalogue doit être demandée par l'opérateur qui souhaite commercialiser la variété concernée. Sur proposition du Comité technique permanent de la sélection (CTPS), organisme associant l'État et les professionnels du secteur des semences, le ministre chargé de l'agriculture prononce par arrêté l'inscription au catalogue à la suite de tests prouvant que la variété concernée est distincte de celles déjà existantes, homogène et stable dans le temps. Ces tests dits de distinction, homogénéité et stabilité (DHS) sont effectués par le groupe d'étude et de contrôle des variétés et des semences (GEVES), un groupement d'intérêt public (GIP) associant l'État, l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et l'interprofession du secteur des semences, le groupement national interprofessionnel des semences et plants (GNIS).

A l'exception des espèces fruitières et potagères, la valeur agronomique et technologique (VAT) est également évaluée : pour les plantes de grandes cultures, seules les variétés contribuant au progrès technique de l'agriculture peuvent donc être inscrites au catalogue. Ce dispositif garantit que les variétés nouvelles apportent une réelle valeur ajoutée aux agriculteurs.

La réglementation européenne a imposé le même mécanisme dans l'ensemble des États membres de l'Union européenne. Un catalogue européen des variétés autorisées et un catalogue européen des variétés et espèces de légumes recense l'ensemble des espèces et variétés autorisées dans les différents États membres. Il compte plus de 18 000 variétés de grande culture et plus de 16 000 variétés potagères 2 ( * ) .

Au niveau national, un catalogue distinct existe pour les variétés pouvant faire l'objet d'une exportation. Il n'existe en revanche pas de catalogue commun des variétés pouvant être exportées au niveau européen.

La durée de validité de l'enregistrement est fixée à 10 ans, et une prolongation peut ensuite être demandée tous les 5 ans.

LA CERTIFICATION DES LOTS DE SEMENCE, SOCLE DE LA CONFIANCE DES UTILISATEURS.

L'inscription au catalogue n'est pas la seule exigence qui pèse sur les entreprises assurant la commercialisation de semences. Celles-ci doivent également faire certifier les lots et assurer un étiquetage approprié . Les obligations à ce titre varient selon les espèces, reposant sur une réglementation européenne assez diverse constituée de plusieurs directives sectorielles.

En France, ce sont les professionnels qui ont d'abord organisé eux-mêmes la certification. Depuis 1962, c'est le service officiel contrôle et de certification (SOC), placé sous l'égide du GNIS, qui assure le contrôle qualité des semences commercialisées, par délégation de l'État, et appose les certificats officiels sur les sacs de semence. Cette technique de contrôle officiel délégué a inspiré la législation européenne.

Le SOC est accrédité par le comité français d'accréditation (COFRAC). La certification garantit à la fois la pureté variétale et la qualité technique des semences, mais couvre également l'aspect sanitaire, particulièrement important pour certaines espèces comme les plants de pommes de terre.

UNE NOUVELLE RÉGLEMENTATION EUROPÉENNE DESTINÉE À SIMPLIFIER ET HARMONISER LA MISE SUR LE MARCHÉ DES SEMENCES.

LE REGROUPEMENT DE DISPOSITIONS SECTORIELLES DANS UN RÈGLEMENT UNIQUE.

La proposition de nouveau règlement présentée en mai 2013 par la Commission européenne 3 ( * ) fait évoluer le dispositif applicable aux semences sans le bouleverser . Sont maintenus les deux piliers de l'encadrement de la commercialisation du matériel de reproduction des plantes : l'enregistrement et la certification.

La principale vertu du nouveau texte est de regrouper dans un instrument juridique unique des dispositions sectorielles dispersées dans pas moins de 13 textes. Il s'agit ainsi d'assurer une meilleure lisibilité de la réglementation.

La proposition élargit le champ d'application des règles relatives à la commercialisation des semences :

- en imposant des règles communes aux espèces agricoles réglementées, mais aussi des règles minimales aux autres espèces agricoles , non réglementées, mais qui doivent répondre à des exigences de base comme l'existence d'une faculté germinative satisfaisante (articles 47 à 50 de la proposition).

- en encadrant les importations et exportations de semences (articles 43 à 46 de la proposition), fixant notamment l'obligation pour les MRP exportées hors de l'Union européenne de respecter les règles du pays importateur ou, à défaut de réglementation dans le pays d'import, les règles internes de l'Union.

- en imposant à l'ensemble des opérateurs professionnels du marché des semences d'être enregistrés auprès des autorités officielles des États membres, en faisant peser sur eux un principe de responsabilité pour les semences qu'ils distribuent et une obligation générale de traçabilité (articles 5 à 8 de la proposition).

Enfin, le texte inclut des dispositions s'appliquant à la commercialisation des matériels forestiers de reproduction , actuellement régis par la directive n° 1999/105 (articles 105 à 139 de la proposition).

Notons que les semences destinées à des recherches scientifiques ou essais, notamment en vue de la création de nouvelles variétés, sont exclues du champ d'application du règlement.

LE CADRE COMMUN EUROPÉEN DE L'ENREGISTREMENT RENFORCÉ.

Outre une extension de son champ d'application, la réglementation européenne relative à la commercialisation des semences est renforcée par une série de dispositions :

- d'abord, alors que l'enregistrement des semences se fait aujourd'hui au niveau des États membres, le catalogue commun des espèces et variétés n'étant qu'une compilation des catalogues nationaux, les opérateurs pourront demain obtenir une inscription directe au catalogue européen. A cet effet, le rôle de l'Office communautaire des variétés végétales (OCVV) est renforcé. Actuellement chargé de gérer seulement le système de protection des obtentions végétales, l'Office rebaptisé Agence européenne des variétés végétales (EAPV) pourrait enregistrer des demandes d'inscription au catalogue et les instruire (articles 93 à 100 de la proposition). L'Agence se voit dotée d'une mission d'harmonisation de l'examen technique des variétés par les organismes nationaux. La proposition de règlement vise à ce qu'existe une dénomination unique dans l'ensemble de l'Union d'une même variété (articles 64 et 95 de la proposition) ;

- ensuite, la durée de validité des inscriptions au catalogue est allongée, passant de 10 ans à 30 ans, et de 5 ans à 30 ans pour les renouvellements d'inscription (articles 82 et 83 de la proposition). Cette prolongation de la durée d'inscription ne fait pas obstacle à un retrait du catalogue avant terme, notamment lorsque personne n'effectue la maintenance de la variété ;

- en outre, il est proposé d'enrichir les critères permettant d'estimer la VAT des variétés nouvelles , en prenant en compte des critères environnementaux et de durabilité pour une liste d'espèces d'importance particulière pour le développement durable de l'agriculture européenne établie par un acte délégué de la Commission européenne (article 56, paragraphe 2 c) de la proposition). Ces critères peuvent être une sensibilité moindre aux organismes nuisibles, une meilleure adaptation aux conditions climatiques ou encore une moindre consommation de ressources (article 59 de la proposition). Là encore, il est proposé que ce soit la Commission européenne qui définisse les critères à prendre en compte pour évaluer la VAT durable , alors que la VAT de base sera évaluée en fonction de critères définis au niveau national, afin de s'adapter aux conditions particulières à chaque territoire (article 58 de la proposition) ;

- enfin, pour alléger les tâches des autorités d'enregistrement, il est proposé de renvoyer la réalisation de l'examen technique préalable à l'enregistrement des nouvelles variétés et notamment les tests de DHS aux demandeurs (article 73 de la proposition).

DES AMÉNAGEMENTS ET DÉROGATIONS POUR PRENDRE EN COMPTE DES SITUATIONS PARTICULIÈRES.

La proposition de règlement de la Commission européenne ouvre la possibilité de déroger au cadre général de l'enregistrement des semences de manière plus large qu'aujourd'hui :

- L'enregistrement n'est pas exigé pour les matériels destinés uniquement à la conservation des ressources phylogénétiques et les variétés traditionnelles agricoles pourront être enregistrées sans tests DHS, sur la base d'une simple description officielle reconnue.

- Il sera possible d'enregistrer des matériels hétérogènes , ne pouvant prétendre à une définition en tant que variété, afin de répondre à la problématique de la préservation de la diversité biologique des espèces. La définition d'un cadre juridique particulier est renvoyée à l'adoption d'un acte délégué de la Commission européenne pour les mélanges (articles 32 et 33 de la proposition).

- Des règles simplifiées pourront être édictées par la Commission européenne au moyen d'actes délégués pour les matériels de niche (article 36 de la proposition).

- Afin de ne pas pénaliser les petits acteurs de la recherche variétale et les collectifs d'agriculteurs-sélectionneurs, les micro-entreprises (moins de 10 salariés ou moins de 2 millions de chiffre d'affaires annuel) seront exonérées du paiement des redevances lors de l'enregistrement.

Le périmètre plus large des dérogations possibles à la norme générale concernant la commercialisation des semences devrait permettre de donner un cadre légal aux pratiques des agriculteurs tendant à utiliser et maintenir des variétés anciennes, contribuant ainsi à la préservation de la biodiversité génétique des plantes et de ne pas connaître une excessive standardisation des variétés cultivées.

LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION : UNE VALIDATION DU RÈGLEMENT RELATIF AUX SEMENCES MOYENNANT QUELQUES RÉSERVES DE PROCÉDURE ET DE FOND.

LA FRANCE PEUT ÊTRE GLOBALEMENT FAVORABLE AU RÈGLEMENT SUR LES SEMENCES, AVEC QUELQUES RÉSERVES.

La proposition de résolution présentée par MM. Jean Bizet et Richard Yung salue l'effort de rationalisation des textes juridiques européens concernant la mise sur le marché de semences et soutient le maintien des deux piliers du dispositif européen : l'enregistrement des variétés et la certification des semences.

Elle relaie cependant les réserves des autorités françaises sur certains points :

- L' alinéa 7 de la proposition de résolution ne va pas jusqu'à réclamer que les durées d'inscription au catalogue restent fixées à 10 ans, et cinq ans pour les renouvellements, mais émet une réserve sur l'allongement de la durée de validité de l'inscription à 30 ans, craignant qu'un délai aussi long incite moins à l'innovation variétale et au final ralentisse le renouvellement variétal.

- Dans l' alinéa 8 , la proposition de résolution de la commission des Affaires européennes exprime un désaccord avec les possibilités d'établir des dérogations aux règles d'enregistrement des semences et de certification pour les opérateurs non professionnels. Votre rapporteur souligne que cette réserve n'a pas été officiellement exprimée par les autorités françaises.

- Dans l' alinéa 9 , la proposition de résolution rejette le mécanisme consistant à définir non plus au niveau national mais directement au niveau européen la valeur agronomique et technologique (VAT) des variétés nouvelles candidates à l'inscription au catalogue. La prise en compte des caractéristiques agricoles et climatiques de chaque État-membre, voire de chaque région au sein d'un même État-membre, justifie que la VAT soit appréciée au plus près du terrain.

- Enfin, l' alinéa 11 propose d'exclure du champ du règlement les matériels forestiers de reproduction, dans la mesure où les cycles forestiers sont des cycles longs et la problématique des plants forestiers reste spécifique.

DE TROP GRANDES MARGES DE MANoeUVRES LAISSÉES À LA COMMISSION EUROPÉENNE À TRAVERS UN LARGE RECOURS AUX ACTES DÉLÉGUÉS.

La proposition de résolution émet en outre une critique plus générale, qui s'applique à de nombreux textes européens, sur le recours excessif à des actes délégués.

La proposition de règlement prévoit en effet que la Commission pourra adopter des actes délégués notamment pour établir la liste des genres et espèces dont le matériel de reproduction sera soumis à certification, pour établir la liste des espères pour lesquelles des exigences particulières en matière de durabilité seront imposées dans le cadre de l'examen de la VAT, pour définir les règles spécifiques de mise sur le marché du matériel de reproduction non enregistré ne correspondant pas à une variété identifiée, des mélanges, du matériel de niche, du matériel importé, pour définir les règles de composition et d'étiquetage des lots de semences, ou encore les exigences pesant sur les organismes de certification.

Le règlement propose également, très classiquement, d'attribuer à la Commission une compétence d'exécution pour définir le cadre applicable aux mesures d'urgence, aux autorisations temporaires de mise sur le marché, pour fixer le format des registres nationaux et européen.

Le recours à des actes délégués se justifie techniquement par le temps long nécessaire pour adopter selon la procédure de codécision un règlement modifiant le règlement de base . Toutefois, il existe un vrai risque dans les domaines délégués de faire un chèque en blanc à la Commission européenne, qui pourra ensuite adopter des dispositions contre lesquelles une majorité qualifiée de blocage au Conseil est quasiment impossible à obtenir.

LES ACTES DÉLÉGUÉS DANS LA LÉGISLATION EUROPÉENNE

Le traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1 er décembre 2009, a profondément modifié le système de comitologie qui conférait à la Commission européenne le pouvoir de prendre elle-même des mesures d'exécution des politiques de l'Union européenne, sous le contrôle des représentants des États membres et, le cas échéant, du Parlement européen.

L' article 290 du traité de Lisbonne a créé les actes délégués. Lorsque de tels actes sont prévus par un texte européen, la Commission européenne est autorisée à intervenir pour compléter ou modifier la législation européenne existante.


• L'acte législatif de base doit définir les objectifs, le contenu, la portée et la durée de la délégation attribuée par le législateur européen à la Commission européenne, ainsi que les conditions de cette délégation.


• La Commission peut ensuite présenter un projet d'acte délégué qui, dans les domaines soumis à la codécision - c'est désormais la procédure standard de décision au sein de l'Union - est présenté simultanément au Parlement européen et au Conseil. Ceux-ci disposent alors d'un délai défini par l'acte législatif de base pour s'opposer à l'acte délégué.

Une telle opposition n'intervient que si le Parlement européen en décide à la majorité absolue, ou si le Conseil en décide à la majorité qualifiée.

À côté des actes délégués, l' article 291 du traité de Lisbonne permet d'attribuer à la Commission européenne compétence pour adopter des actes d'exécution, soit selon la procédure de consultation, qui permet simplement de consulter des comités consultatifs, sans être liés par leur avis, soit selon la procédure d'examen, qui donne un pouvoir de blocage temporaire au Parlement européen et au Conseil.

LA POSITION DE VOTRE COMMISSION.

LA NÉCESSITÉ D'UNE RÉGLEMENTATION DE LA MISE SUR LE MARCHÉ DES SEMENCES PLUS SIMPLE ET PLUS EFFECTIVE.

Votre rapporteure partage l'appréciation générale positive des auteurs de la proposition de résolution européenne sur la proposition de règlement relatif à la mise sur le marché des semences . La simplification de l'arsenal réglementaire doit être encouragée, en particulier pour assurer une lisibilité du droit européen pour les acteurs économiques des filières .

L'existence de dénominations communes des variétés enregistrées dans les différents États membres améliorera également l'information des utilisateurs, tandis que l'enregistrement des variétés nouvelles au niveau européen évitera aux opérateurs économiques ayant une activité dans plusieurs États-membres de devoir accomplir des formalités multiples redondantes.

Votre rapporteure partage aussi le souci de distinguer les mécanismes applicables à la mise sur le marché des matériels de reproduction des végétaux destinés à la production agricole et des matériels forestiers de reproduction , car la forme que prennent les matériels est différente et les enjeux en termes de durée de production diffèrent également. Les dispositions relatives aux matériels forestiers de reproduction devraient donc être exclus du texte présenté par la Commission européenne et se retrouver dans un texte distinct.

UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION AMENDÉE POUR MIEUX RÉPONDRE À LA DIVERSITÉ DES ATTENTES EN MATIÈRE DE SEMENCES.

À l'initiative de M. Joël Labbé, d'une part, et de votre rapporteure, d'autre part, votre commission a adopté plusieurs amendements qui visent à compléter la proposition de résolution européenne, afin de favoriser les mécanismes dérogatoires pour certaines catégories de semences et ainsi, mieux répondre aux attentes des agriculteurs.


• Le premier amendement concerne les modalités d'examen des variétés . Il n'est pas sain que les tests de distinction, homogénéité et stabilité (DHS) soient réalisés par les opérateurs eux-mêmes, demandeurs de l'inscription au catalogue. La confiance des agriculteurs dans le processus d'inscription passe par des contrôles indépendants, relevant d'un organisme chargé d'une mission de service public. La proposition de résolution a ainsi été complétée.


• Le deuxième amendement revient sur la réserve concernant l'allongement à 30 ans de la durée d'inscription des variétés au catalogue . Une durée plus longue permet en effet de continuer à utiliser des variétés anciennes qui présentent un intérêt agronomique. Au demeurant, le droit de propriété intellectuelle sur les semences conféré par le certificat d'obtention végétale (COV) est valable 25 ans. L'argument tenant au ralentissement de la diffusion du progrès technique généré par les nouvelles variétés n'est pas très convainquant : si une variété nouvelle apporte une réelle valeur ajoutée pour les agriculteurs, elle supplantera les variétés plus anciennes, mais dans le même temps, il faut pouvoir laisser un éventail de choix aux agriculteurs de conserver leurs variétés anciennes si celles-ci correspondent à leurs besoins locaux.


• Le troisième amendement, présenté par M. Joël Labbé , revient sur une position exprimée dans la proposition de résolution, qui porte une appréciation trop négative sur les mécanismes dérogatoires. En effet, il est indispensable de permettre aux opérateurs non professionnels d'échapper aux règles strictes qui s'appliquent à la production de masse de semences certifiées, afin de conserver une biodiversité cultivée importante . Les réseaux locaux d'échanges de semences ne sont pas en concurrence avec l'industrie semencière car ils répondent à des logiques de production différentes. Plutôt que de les opposer les uns aux autres, la proposition de règlement permet d'organiser leur coexistence, au bénéfice de l'agriculture dans son ensemble.

UNE VIGILANCE NÉCESSAIRE POUR EMPÊCHER LA BREVETABILITÉ DU VIVANT

LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE SUR LES VARIÉTÉS VÉGÉTALES PROTÉGÉE PAR LE DISPOSITIF PARTICULIER DES CERTIFICATS D'OBTENTION VÉGÉTALE, PRÉFÉRÉ AU BREVET.

LE CERTIFICAT D'OBTENTION VÉGÉTALE, UN SYSTÈME PARTICULIER DE PROTECTION DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE.

La propriété intellectuelle sur les variétés végétales est régie depuis 1961 par un dispositif particulier : le COV. Régi par la convention internationale pour la protection des obtentions végétales (dite convention UPOV), le dispositif des COV permet à leur titulaire de se voir reconnaître un monopole d'exploitation commerciale de la variété qu'il a créée, pendant une période qui est désormais de 25 ans, portée à 30 ans pour les plants de pomme de terre.

Le monopole d'exploitation des variétés couvertes par un COV ne vaut que pour l'exploitation de la variété considérée, et ne fait pas obstacle à l'utilisation de cette variété comme source de nouvelles variétés obtenues par croisement : le COV ne bloque donc pas l'arbre de l'innovation technologique, grâce à cette « exception du sélectionneur ».

Signataire de la convention UPOV en 1995, l'Union européenne avait adopté dès 1994 une réglementation des obtentions végétales respectant les principes de l'UPOV et qui s'impose à l'ensemble des États membres, et permet le dépôt soit d'un COV au niveau national, offrant une protection juridique dans le seul périmètre national, soit au niveau européen, qui offre une protection juridique pour l'ensemble de l'Union européenne.

Le système des COV constitue donc une alternative beaucoup plus ouverte que le système du brevet.

La proposition de règlement de la Commission européenne examinée dans le cadre de la présente proposition de résolution concerne la mise sur le marché des semences, et non pas la protection de la propriété intellectuelle des sélectionneurs qui créent de nouvelles variétés. Pourtant, ce sont bien souvent les mêmes entreprises du secteur des semences qui sont concernées à la fois par l'enregistrement au catalogue des semences commercialisables et par le dépôt d'un dossier de protection de leur propriété intellectuelle au titre du COV. Au demeurant, les mêmes tests de DHS sont exigés pour reconnaître une variété nouvelle au catalogue et pour enregistrer un COV. Lorsque le test a été effectué au titre de la seconde réglementation, il n'est pas nécessaire de le faire de nouveau pour la première.

L'EXCLUSION DE LA BREVETABILITÉ DES PLANTES.

La convention sur le brevet européen (CBE) ou convention de Munich, signée en 1973, a visé à unifier les différents dispositifs nationaux de protection de la propriété intellectuelle par des brevets.

Alors que le droit applicable dans plusieurs pays anglo-saxons reconnaît la possibilité de breveter des plantes, l'article 53 de cette convention exclut de la brevetabilité les variétés végétales ou les races animales, ainsi que les procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux ou d'animaux, c'est-à-dire les méthodes d'obtention des végétaux consistant en des phénomènes naturels, tels que le croisement par voie sexuée et la sélection. Sont également exclues de la brevetabilité les techniques modernes d'aide à l'amélioration des plantes, comme l'utilisation de marqueurs moléculaires génétiques.

Cette interdiction de principe de la brevetabilité des variétés végétales est également posée par l'article 4 de la directive n° 98/44 CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques.

La Grande chambre de recours de l'Office européen des brevets (OEB) a précisé en 1998 dans le cadre de l'affaire G2/98 qu'aucun brevet ne pourrait être délivré pour une variété végétale. Cette limite serait strictement observée par les divisions d'examen de l'OEB saisies de demandes d'attribution de brevets. La même Grande chambre de recours a indiqué le 9 décembre 2010 dans les affaires G2/07 et G1/08 que l'obtention de plantes nouvelles par le mélange naturel des gènes issu d'une reproduction sexuée ne rendait pas la plante brevetable, même si des gestes techniques sont effectués pour faciliter la sélection.

Il existe donc un socle juridique solide pour faire du COV l'instrument de la protection de la propriété intellectuelle dans le secteur végétal, de préférence au brevet.

LE BREVET, INSTRUMENT DE LA PROTECTION DES INVENTIONS BIOTECHNOLOGIQUES, REVIENT EN FORCE.

LE DROIT GÉNÉRAL DES BREVETS APPLICABLE AUX BIOTECHNOLOGIES.

Si les textes sur le brevet européen excluent la brevetabilité des variétés végétales ou des procédés essentiellement biologiques d'obtention des végétaux, il n'existe pas d'exception générale s'étendant au-delà de ces limites.

Concrètement, les inventions biotechnologiques peuvent faire l'objet de dépôts de brevets, dès lors qu'elles répondent aux trois conditions générales du droit des brevets : il faut que l'innovation en question constitue effectivement une nouveauté , résulte d'une activité inventive du demandeur de brevet et soit susceptible d'application industrielle .

L'article 4 de la directive n° 98/44 CE précise en effet que l'absence de brevetabilité des variétés végétales ne fait pas obstacle à la brevetabilité « d'inventions ayant pour objet un procédé microbiologique, ou d'autres procédés techniques, ou un produit obtenu par ces procédés ». Concrètement, les plantes obtenues par transgénèse, mutagénèse ou fusion cellulaire sont brevetables. De même, les gènes et séquences de gènes sont brevetables, même s'ils existent à l'état naturel, lorsqu'ils sont produits ou isolés à partir d'un procédé technique qui ne résulte pas directement d'un croisement classique. Les inventions ne portant pas sur une espèce particulière de plante sont ainsi brevetables.

PLUSIEURS ATTRIBUTIONS DE BREVET PROFONDÉMENT CONTESTABLES.

L'OEB a délivré en juin 2013 un brevet européen à la société Seminis Vegetable Seeds Oxnard/Californie, concernant un type de brocoli spécialement adapté pour en faciliter la récolte. Il couvre non pas une variété de brocoli mais une caractéristique technique susceptible de s'appliquer à toute une série de variétés végétales. Une autre affaire concerne par ailleurs la tomate et se pose dans des termes similaires.

L'attribution des deux brevets est contestée et pose une question juridique de fond : les plantes obtenues par des procédés non brevetables sont-elles par ailleurs susceptibles de bénéficier d'une protection par un brevet européen ? La Grande chambre de recours de l'OEB devrait se prononcer à la mi-2014 sur cette question. Dans l'attente, l'OEB a suspendu toutes les procédures portant sur des demandes de brevets portant sur des plantes obtenues par un procédé essentiellement biologique.

La pratique de l'OEB consistant à accepter assez facilement la brevetabilité d'inventions portant sur du matériel végétal ou encore à valider des revendications larges et susceptibles de larges applications a été critiquée par le comité économique éthique et social (CEES) du Haut Conseil des Biotechnologies (HCB) dans une recommandation du 12 juin 2013 intitulée « biotechnologies végétales et propriété industrielle ».

Constatant le nombre croissant de brevets attribués sur des gènes et caractères natifs de plantes non transgéniques, le HCB craint que ce phénomène ne complique le processus d'innovation, en particulier pour les petites et moyennes entreprises, menant à une concentration du secteur économique du génie végétal autour de quelques grands groupes multinationaux.

Or, le brevet offre une protection de la propriété intellectuelle plus étendue que celle offerte par le COV : avec le brevet, il existe une exception de recherche, mais pas d'exception du sélectionneur : ainsi, un sélectionneur qui obtiendrait par un processus classique de croisement une nouvelle variété contenant un gène breveté, pourrait déposer un COV, mais risquerait dans le même temps d'être poursuivi pour contrefaçon du fait de la présence d'un gène ou caractère protégé, même si ce gène ou caractère breveté de la plante existe à l'état naturel.

LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION : UNE PRISE DE POSITION FORTE POUR PRÉSERVER LE SYSTÈME DES OBTENTIONS VÉGÉTALES FACE AU BREVET.

UNE POSITION DÉJÀ EXPRIMÉE PAR LE PARLEMENT EUROPÉEN.

Chassée par la porte, la brevetabilité des végétaux revient donc par la fenêtre. Le Parlement européen a déjà adopté le 10 mai 2012 une proposition de résolution, certes non contraignante, mais qui rappelle l'attachement des députés européens à quelques principes fondamentaux :

Si le Parlement européen reconnaît le rôle que doivent jouer les brevets dans la protection de la propriété intellectuelle, il considère aussi que, « lorsque les brevets apportent une protection trop large, celle-ci est susceptible de faire obstacle à l'innovation et au progrès et de porter préjudice aux petits et moyens obtenteurs en leur bloquant l'accès aux ressources génétiques animales et végétales ».

Le Parlement rappelle ensuite son attachement au COV comme instrument de la protection de la propriété intellectuelle sur les variétés végétales. S'il ne rejette pas toute idée de brevet dans le secteur du génie génétique, il demande de fixer des limites très strictes à la brevetabilité du vivant dans le secteur végétal.

En particulier, le Parlement européen invite l'OEB à exclure de la brevetabilité les produits dérivés de l'obtention classiques et toutes les techniques classiques d'obtention. Il suggère également de modifier le droit des brevets pour faciliter le travail des obtenteurs en créant à leur bénéfice une exemption générale.

LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION DU SÉNAT : UN SIGNAL D'ALARME.

Après avoir rappelé son attachement au système des COV comme fondement de la propriété intellectuelle sur les variétés végétales, la proposition de résolution européenne adoptée par la Commission des affaires européennes exprime une inquiétude face à une dérive tendant à la délivrance de brevets « à l'étendue incertaine » concernant les plantes . L'imbrication entre brevets et COV est de plus en plus complexe, et le brevetage de gènes natifs constitue une réelle menace sur l'innovation variétale, les entreprises créant des variétés nouvelles par voie conventionnelle finissant par dépendre systématiquement de brevets et ne bénéficiant plus des bénéfices de l'exception du sélectionneur du système du COV. Il existe là un véritable risque de verrouillage de l'innovation variétale qui conduirait à une concentration de l'industrie semencière .

La proposition de résolution souligne également que l'information des sélectionneurs sur les brevets déposés par d'autres acteurs économiques portant sur des gènes natifs ou caractéristiques de plantes est mal assurée , ce qui peut les amener à être des contrefacteurs sans même le savoir. La proposition de résolution propose que l'information sur les brevets déposés et leur portée conditionne la recevabilité des actions en contrefaçon engagées par les titulaires de ceux-ci.

Au final, la proposition de résolution demande que des limites strictes soient fixées en matière de brevetabilité des plantes, en excluant de manière plus claire la brevetabilité de plantes issues de précédés essentiellement biologiques ainsi que des gènes natifs. Dans cette optique, la proposition de résolution demande une modification des lignes directrices de l'OEB voire une modification de la directive 98/44 CE.

LA POSITION DE VOTRE COMMISSION.

DÉFINIR STRICTEMENT LE CHAMP DU BREVET ET PRIVILÉGIER LE CERTIFICAT D'OBTENTION VÉGÉTALE.

Votre rapporteur exprime tout d'abord son plein accord l'idée de préserver le COV comme instrument prioritaire de la protection de la propriété intellectuelle sur les végétaux, rejetant le système du brevet, qui est moins adapté aux plantes.

La proposition laisse ouverte la possibilité de breveter les inventions biotechnologiques, comme la CBE et la directive de juillet 1998 l'autorisent. Mais il s'agit d'organiser une coexistence plus harmonieuse entre les deux systèmes, préservant la logique du COV.

De ce point de vue, la recommandation précitée du CEES du HCB propose plusieurs pistes pour lutter contre une place trop large faite au brevet dans le processus d'appropriation du vivant.

Votre commission a adopté un amendement de M. Gérard Le Cam proposant une formulation générale rappelant que les plantes issues de la sélection génétique traditionnelle ne doivent pas pouvoir être brevetées. Il s'agit là d'un rappel de la philosophie générale du droit de la propriété intellectuelle sur le vivant absolument indispensable.

EXTRAIT DES RECOMMANDATIONS DU HCB

Soucieux de préserver une innovation diversifiée, le CEES suggère les 5 évolutions suivantes :

- Accès à l'information sur les brevets.

Face au manque d'information, le CEES a mesuré les inconvénients du statu quo, qui consisterait à laisser les sélectionneurs rechercher les informations pertinentes, ce pour quoi ils n'ont aujourd'hui guère de temps et de moyens. Tout comme les auteurs du rapport « Semences et agriculture durable », le CEES estime préférable que les sélectionneurs aient accès de façon précoce à l'information pertinente sur les brevets déposés et délivrés, afin de pouvoir vérifier si les éléments brevetés sont présents dans le matériel végétal qu'ils manipulent ou produisent et, ce faisant, de déterminer leur « liberté d'exploitation ». Le CEES propose ainsi : 1. que l'information soit accessible via une base de données rendues publiques et comportant, pour chaque variété mise sur le marché, le lien avec les brevets s'y rapportant ; 2. qu'il revienne aux professionnels titulaires des brevets d'informer ainsi les sélectionneurs (et les agriculteurs). Le CEES constate les avancées entreprises en ce sens par l'European Seed Association (ESA) et par l'Union française des semenciers (UFS) ; 3. afin de garantir l'efficacité de ce dispositif, le CEES estime que l'absence d'une telle information devrait être sanctionnée par l'irrecevabilité de l'action en contrefaçon que ce dernier entendra éventuellement mettre en oeuvre (l'idée étant qu'il n'a pas informé, il ne peut agir en contrefaçon).

- Retour aux exigences du droit commun des brevets.

La propriété intellectuelle étant une exception au principe de liberté d'entreprise (et, du même coup, à la libre copie), les membres du CEES rappellent que ne doivent être brevetables que les inventions, lorsqu'elles sont décrites de manière complète et compréhensible, et lorsqu'elles satisfont strictement les conditions de brevetabilité , en particulier la nouveauté et l'activité inventive (cette dernière notion devant s'entendre comme la non-évidence pour l'homme du métier, et donc être appréciée en fonction des connaissances disponibles et non simplement des difficultés techniques surmontées). Doivent enfin être proscrites les revendications trop larges et poursuivi le mouvement que l'OEB semble avoir commencé à engager dans ce sens.

- Approche stricte de la brevetabilité des procédés.

Le CEES insiste sur l'importance de ne breveter les procédés que lorsque l'intervention humaine a un impact déterminant sur l'objet obtenu et lorsque le procédé intervient directement au niveau du génome (à condition que le titulaire du brevet, en cas d'action en contrefaçon, puisse prouver que c'est bien le procédé breveté qui a été utilisé et non un autre). L'OEB devrait maintenir ce cap tracé dans les décisions Brocoli et Tomate ridée, de sorte que ne soit pas contournée l'exclusion des procédés essentiellement biologiques.

- Approche stricte de la brevetabilité des produits.

S'agissant de la brevetabilité des produits issus des biotechnologies végétales, le CEES a débattu des scénarios suivants, actuellement envisagés dans différentes enceintes :

1. Introduire une pleine exception de sélection en droit des brevets, de sorte qu'à l'instar du COV, les sélectionneurs puissent utiliser librement le matériel breveté à des fins de sélection et de commercialisation d'une nouvelle variété (l'étendue du monopole sur les procédés restant quant à elle inchangée). Cette proposition formulée par un récent rapport hollandais serait de nature à maintenir un large accès aux ressources génétiques. Mais elle requiert de lourdes modifications textuelles ; elle est par ailleurs de nature à rendre purement et simplement inopérants, et donc sans valeur, les brevets sur les produits, puisque deviendrait gratuitement exploitable non pas le matériel génétique à la base de l'innovation (cas du COV, l'innovation elle-même restant le monopole de son titulaire), mais l'innovation elle-même. Certains doutent par ailleurs de la pertinence économique de cette proposition lorsque le brevet porte sur un OGM pour lequel le breveté doit supporter d'importants coûts d'autorisation de mise sur le marché.

2. Restreindre la sphère du brevetable en excluant de la brevetabilité :

- a. Les plantes issues de procédés essentiellement biologiques (même si ces plantes ne constituent pas des variétés végétales au sens de l'UPOV, variétés instables, espèces etc...).

- b. L'ensemble des gènes, y compris lorsqu'il s'agit de gènes isolés dont la structure et la fonction ont été modifiés ; les acteurs défendant ce scénario estiment que la brevetabilité des gènes est fondamentalement choquante, car la reconnaître signifie s'approprier la connaissance même, sans avoir « inventé » à proprement parler (au point que certains membres du CEES font le lien entre la colonisation de nouveaux territoires dès le XVIème siècle et l'appropriation du vivant par les multinationales). Dans ce contexte, observent-ils, les gènes devraient relever du patrimoine commun de l'humanité et donc échapper à toute protection par brevet, de sorte que soit respectée l'une des exigences fondamentales de la recherche, à savoir la libre circulation des connaissances. Cette voie requiert toutefois des modifications textuelles lourdes et politiquement extrêmement difficiles à mettre en oeuvre à l'échelle internationale. Elle risque par ailleurs d'entraîner une rupture de concurrence entre les nouveaux demandeurs et ceux qui sont déjà détenteurs de brevets sur des gènes.

- c. les gènes (allèles) et caractères natifs. Ne serait pas brevetable un gène qui existe dans une espèce vivante ou toute forme mutante ou allélique d'un gène qui peut être obtenue par l'effet de mutations spontanées ou provoquées par mutagenèse physique (rayonnement) ou chimique (agents mutagènes). Seuls échapperaient à l'exclusion les gènes résultant d'une activité d'ingénierie moléculaire, qui ne sont pas la copie d'un gène de la catégorie précédente et dont l'obtention par mutagenèse est improbable dans le cadre des activités de la sélection semencière.

Après avoir apprécié la plus ou moins grande pertinence de ces scénarios :

- la plupart des membres du CEES recommandent d'exclure de la brevetabilité l'ensemble des gènes, y compris lorsqu'ils ont été modifiés en laboratoire (seul scénario techniquement réalisable d'après eux, même s'il impose de lourdes modifications des textes) ;

- à défaut (c'est-à-dire si cette première recommandation n'était pas possible à mettre en oeuvre) : ils soutiennent la proposition d'introduire une pleine exception de sélection en droit des brevets ; ils estiment de toute façon nécessaire d'exclure de la brevetabilité les gènes (allèles) et caractères natifs ainsi que les plantes issues de procédés essentiellement biologiques ; ils invitent la Grande Chambre de recours de l'OEB, appelée à se prononcer sur la brevetabilité de ces plantes, à répondre par la négative. Tous les membres du CEES soutiennent cette solution a minima.

V. - Modification des textes pertinents en matière de contrefaçon.

Enfin, par souci de justice, en cas de dépendance à l'égard de brevets déjà délivrés (sachant que la recommandation première du CEES reste que les gènes natifs soient désormais exclus de la brevetabilité), le CEES considère que les textes relatifs à la contrefaçon devraient être modifiés :

1. Sur les conditions de poursuite pour contrefaçon : sans préjudice du 2, les actes réalisés par le sélectionneur ou l'agriculteur sélectionneur avant la délivrance effective de l'information, ne devraient pouvoir donner lieu à poursuite pour contrefaçon; en conséquence, la recevabilité de l'action en contrefaçon devrait être subordonnée à l'information préalable du sélectionneur ou de l'agriculteur-sélectionneur par le breveté, ses licenciés, sous-licenciés, distributeurs (l'idée étant qu'en paralysant ainsi son droit d'action, le breveté sera incité à informer le plus tôt possible)

2. Sur le fond

- le sélectionneur ou l'agriculteur sélectionneur devrait être reconnu contrefacteur s'il est établi (la charge de la preuve incombant au titulaire du brevet) qu'il a exploité sciemment un élément breveté (cas où l'information avait été placée d'emblée sur la base de données ou elle avait été acquise par le sélectionneur par un autre moyen) ;

- le sélectionneur ou l'agriculteur sélectionneur ne devrait pas être reconnu contrefacteur lorsque la variété a été développée et exploitée dans l'ignorance du ou des éléments brevetés (par exemple lorsque l'information n'a pas été placée ou a été placée tardivement sur la base de données); il devrait alors pouvoir : se prévaloir d'une « possession personnelle antérieure » à la délivrance du brevet, en faisant la démonstration de ce qu'il « possédait » l'invention antérieurement, ce qui lui permettrait de continuer à exploiter cette dernière à titre personnel (sans toutefois pouvoir donner de licence d'exploitation) ; voire purement et simplement poursuivre librement l'exploitation entière de sa variété, à condition qu'il n'excipe pas de la caractéristique conférée par l'élément breveté dès lors que cette caractéristique est nouvelle et non « native ».

REDÉFINIR LES CONTOURS DE LA NOTION DE CONTREFAÇON CONCERNANT LES VÉGÉTAUX.

Le respect du droit de la propriété intellectuelle nécessite un dispositif de sanction des violations de ce droit.

Toute atteinte aux droits du propriétaire du brevet ou du COV est qualifiée de contrefaçon , qui se manifeste le plus souvent au moment de la commercialisation d'un bien ou service par le contrefacteur.

La contrefaçon peut concerner les entreprises qui commercialisent des semences, qui violeraient soit un COV soit un brevet. Mais elle peut aussi concerner des agriculteurs, l'étendue de la protection juridique offerte par le droit de la propriété intellectuelle allant jusqu'aux produits réalisés à l'aide de matériels couverts par le COV ou le brevet.

Or, les incertitudes croissantes concernant les droits de propriété intellectuelle sur les semences peuvent conduire des personnes de bonne foi à être qualifiés comme tels.

C'est pourquoi votre commission a souhaité que la contrefaçon concernant les plantes soit définie de manière circonscrite . Votre rapporteure a donc présenté un amendement réclamant une remise à plat de la notion de contrefaçon, pour ne pénaliser ni les obtenteurs ni les agriculteurs de bonne foi. Votre commission a également adopté un amendement rédactionnel de M. Joel Labbé, ainsi que deux amendements du même auteur précisant que l'information sur les brevets existants doit être disponible pour les sélectionneurs mais aussi pour les agriculteurs, concernés au premier chef.

*

* *

Réunie le 8 janvier 2013, sous la présidence de Daniel Raoul, la commission a adopté la proposition de résolution européenne dans la rédaction reproduite ci-après.

EXAMEN EN COMMISSION - (Mercredi 8 janvier 2014)

Au cours de sa réunion du mercredi 8 janvier 2014, la commission des Affaires économiques a examiné le rapport et le texte de la commission sur la proposition de résolution européenne n° 218 (2013-2014) présentée par MM. Jean Bizet et Richard Yung, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur la mise sur le marché et la brevetabilité des semences et obtentions végétales.

M. Richard Yung . - Le COV est une invention française, prise dans une confrontation entre pays anglo-saxons et pays latins. Les États-Unis, par exemple, protègent par le brevet et ne reconnaissent pas les COV. Et ils gagnent des positions fortes ! Or nous avons une grosse industrie des semences.

M. Daniel Raoul, président . - Nous sommes le premier exportateur européen de semences.

M. Richard Yung . - Nous devons donc nous défendre. L'articulation entre brevet et COV est complexe : il peut y avoir dans un COV un élément breveté, suite à une opération humaine. Dans ce cas, qu'est-ce qui protège : COV ou brevet ? Si c'est le brevet, la protection se renouvelle-t-elle à chaque génération de plante ? C'est un débat qui a conduit à suspendre l'octroi de brevets dans le domaine végétal. L'OEB rassemble 37 pays, dont certains ne veulent pas suivre cette voie.

La Commission européenne propose une durée d'inscription au catalogue de trente ans alors que les brevets durent vingt ans : c'est très long. L'argument pour, c'est que cela augmente la stabilité ; l'argument contre, que cela octroie un monopole pour une durée trop longue ; c'est aussi ce que pense le gouvernement. Je suis enfin tout à fait d'accord avec vous pour ne pas déléguer les tests DHS aux obtenteurs, qui seraient alors juge et partie.

M. Daniel Raoul, président . - C'est le même problème que pour les médicaments.

M. Richard Yung . - En France, nous avons les services publics qu'il faut pour faire ces tests, comme le Groupement national interprofessionnel des semences et plants (Gnis).

M. Daniel Raoul, président . - Oui, nous avons des outils remarquables tels que l'Institut national de la recherche agronomique (Inra), la Station nationale d'essai de semences (Snes), le Gnis, le groupe d'étude et de contrôle des variétés et des semences (Geves). Cela pourrait aussi être confié à l'Office communautaire des variétés végétales (OCVV).

M. Joël Labbé . - Ce texte n'apporte pas de réponses satisfaisantes aux problématiques des semences de ferme et des semences paysannes. La protection juridique ne doit pas entraver l'innovation in situ ayant pour objectif l'adaptation aux terroirs et au changement climatique : échanges réguliers de petites quantités de semences entre agriculteurs et multiplications successives dans chaque terroir, pour fixer la variété. Les variétés du domaine public libres de tout droit de propriété intellectuelle devraient être exemptées d'enregistrement. Sur les variétés à faible diffusion, dont parfois quelques exemplaires seulement subsistent, comment amortir le coût et la bureaucratie d'un enregistrement au catalogue ? Ces variétés pourraient disparaître. Le matériel hétérogène, dont la diffusion doit permettre aux cultures de disposer d'une plus grande diversité variétale, et le matériel de niche ne doivent plus être brevetables. C'est un service public indépendant des obtenteurs qui doit être chargé du contrôle. Il faut protéger les agriculteurs contre la présence fortuite d'éléments brevetés dans ses cultures, résultant de flux de pollen combinés à l'octroi de brevet sur des gènes naturellement présents dans ses plantes. Aujourd'hui la récolte peut être saisie par l'obtenteur ! C'est inacceptable.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - L'amendement n° 12 propose que l'enregistrement et la certification des semences relèvent d'une mission de service public, garantissant la confiance des utilisateurs.

M. Joël Labbé . - Il satisfait mon amendement n° 4 que je retire.

L'amendement n° 12 est adopté. L'amendement n° 4 est retiré.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - Je préfère ne pas prendre position sur la durée proposée par la Commission, de trente ans. Je signale que le COV est déjà valable pendant vingt-cinq ans - et trente ans pour les pommes de terre. Nous conserverons ainsi des variétés anciennes au catalogue. C'est l'objet de l'amendement n° 13.

M. Joël Labbé . - Mon amendement n° 5 va dans le même sens. Je me félicite en effet de cet allongement.

L'amendement n° 13 est adopté. L'amendement n° 5 devient sans objet.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - L'amendement n° 6, saluant les dérogations pour les opérateurs non professionnels procédant à des échanges de semences issues de la sélection paysanne, appuie le nouveau règlement européen qui les ouvre davantage, et s'oppose à la proposition de résolution qui veut les circonscrire. Il n'y a pas lieu d'opposer les deux systèmes : le système normé des semences certifiées, et le système moins normé. Libre au paysan de choisir son modèle. Avis favorable.

L'amendement n° 6 est adopté.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - L'amendement n° 11 interdit que les régimes dérogatoires applicables aux matériels de niche ou aux matériels hétérogènes profitent aux semences affectées par les droits de propriété intellectuelle. Cette rédaction obscurcit la compréhension et pourrait avoir des effets pervers. Avis défavorable.

L'amendement n° 11 n'est pas adopté.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - L'amendement n° 1 porte sur la contrefaçon. J'y suis défavorable, proposant moi-même un amendement sur le sujet en fin de texte.

M. Joël Labbé . - Cet amendement me semble intéressant. Je le voterai.

L'amendement n° 1 n'est pas adopté.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - L'amendement n° 7 est rédactionnel. Avis favorable.

L'amendement n° 7 est adopté.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - L'amendement n° 8 prévoit une obligation d'information des agriculteurs et des jardiniers sur la propriété intellectuelle portant sur les plantes. Je demande à Joël Labbé de le rectifier en supprimant la mention des jardiniers, qui doivent être traités différemment, car leur vocation n'est pas de vendre des produits.

M. Joël Labbé . - Les semences potagères peuvent faire l'objet d'une sélection in situ . C'est pourquoi nous avons ajouté les jardiniers.

M. Daniel Raoul, président . - Les jardiniers n'ont pas vocation à vendre. Ils peuvent échanger des semences, mais ce n'est pas à proprement parler du commerce.

M. Joël Labbé . - Soit.

L'amendement n° 8 ainsi rectifié est adopté.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - L'amendement n° 2 rappelle une position philosophique hostile à la brevetabilité des plantes issues des processus classiques de sélection. Cette idée, sous-jacente aux alinéas précédents, gagnerait à être exprimée plus clairement : avis favorable.

L'amendement n° 2 est adopté.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - L'amendement n° 9 concerne également les jardiniers. Je demande qu'il soit rectifié comme l'a été l'amendement n° 8.

L'amendement n° 9 ainsi rectifié est adopté.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - Mon amendement n° 14 vise à ce que la notion de contrefaçon en matière de semences et plants soit définie de manière plus circonscrite car il y a des malentendus sur cette notion. Le rapporteur de la loi d'avenir de l'agriculture à l'Assemblée nationale, M. Germinal Peiro, a d'ailleurs déposé un amendement en ce sens.

M. Richard Yung . - Comment définir cette notion de manière plus circonscrite ? Il existe des principes généraux et, pour une vingtaine de variétés, des accords entre les obtenteurs et les grandes fédérations agricoles. Mais quid des autres variétés ? Grâce au privilège de l'agriculteur, les cultivateurs peuvent réutiliser une partie des semences dans des proportions raisonnables. Pour le reste, ils doivent payer, mais ne le font pas puisqu'il n'y a aucun accord. Ils ne sont pas poursuivis, mais craignent de l'être un jour.

M. Daniel Raoul, président . - C'est le débat sur la contribution volontaire obligatoire (CVO). Il y a là un vrai problème. Si les semences sont utilisées non seulement dans la ferme mais aussi pour nourrir du bétail qui sera ensuite mis sur le marché, il y a concurrence déloyale entre ceux qui paieront la CVO et les autres.

M. Bruno Sido . - Réutiliser ce qu'on a récolté, comment cela peut-il être une fraude ?

M. Daniel Raoul, président . - L'idéal serait d'arriver à un accord comparable à celui qui a été passé sur le blé tendre.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - Adoptons cet amendement en attendant le débat sur la loi d'avenir de l'agriculture.

M. Bruno Sido . - Pour le colza, on ne peut plus acheter de produit pour traiter les semences. Il est donc impossible de semer son propre colza. La même chose se passera un jour ou l'autre pour les céréales.

M. Daniel Raoul, président . - Pas s'il y a un accord, comme sur le blé tendre. Un tel accord coûte moins cher aux agriculteurs.

M. Bruno Sido . - Pourquoi ne pas remplacer « circonscrite » par « restrictive » ?

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - Car le mot « restrictive » rendrait la phrase ambiguë.

M. Joël Labbé . - L'amendement pose la question de la présence fortuite.

M. Daniel Raoul, président . - C'est aussi le problème des OGM.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - L'amendement de M. Germinal Peiro propose que la protection de la propriété intellectuelle « ne s'applique pas en cas de présence fortuite ou accidentelle d'une information génétique brevetée dans des semences, du matériel de multiplication des végétaux, des plantes ou des parties de plantes. »

M. Joël Labbé . - Nous soutenons cet amendement.

M. Daniel Raoul, président . - Il y a un vrai problème : certains utilisent des OGM de mauvaise foi, y compris dans les fromages !

L'amendement n° 14 est adopté. L'amendement n° 10 est retiré.

Mme Bernadette Bourzai, rapporteure . - L'amendement n° 3 porte sur les risques de l'accord commercial entre l'Europe et les États-Unis en cours de discussion. Je demande le retrait : c'est une question importante mais qui est ici au minimum prématurée. Avis défavorable.

M. Joël Labbé . - Pour nous, c'est important et nous voterons l'amendement.

L'amendement n° 3 n'est pas adopté.

La proposition de résolution européenne, modifiée, est adoptée.

Les avis et les amendements adoptés sont repris dans le tableau ci-dessous.

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme BOURZAI, rapporteure

12

Exigence d'un service public de l'enregistrement et de la certification

Adopté

M. LABBÉ

4

Demande d'un service public de l'enregistrement et de la certification des semences

Retiré

Mme BOURZAI, rapporteure

13

Suppression de l'alinéa

Adopté

M. LABBÉ

5

Soutien a l'allongement de la durée de validité de l'enregistrement à 30 ans

Satisfait ou sans objet

M. LABBÉ

6

Soutien aux mécanismes dérogatoires pour les opérateurs non professionnels

Adopté

M. LABBÉ

11

Interdiction de bénéficier des mécanismes dérogatoires pour les matériels de reproduction bénéficiant de droits de propriété intellectuelle

Rejeté

M. LE CAM

1

Exclusion de la qualification de contrefaçon pour les semences de ferme

Rejeté

M. LABBÉ

7

Amendement rédactionnel

Adopté

M. LABBÉ

8

Obligation d'information des agriculteurs et jardiniers sur la propriété intellectuelle portant sur les plantes

Adopté avec modification

M. LE CAM

2

Affirmation de l'attachement au principe de non brevetabilité des plantes

Adopté

M. LABBÉ

9

Obligation d'information des agriculteurs et jardiniers sur la propriété intellectuelle portant sur les plantes

Adopté avec modification

Mme BOURZAI, rapporteure

14

Encadrement de la notion de contrefaçon

Adopté

M. LABBÉ

10

Absence de possibilité de faire valoir ses droits de propriété intellectuelle en cas de présence fortuite ou accidentelle d'information brevetée sur les semences

Retiré

M. LE CAM

3

Risques pour la pérennité du certificat d'obtention végétale de l'accord commercial Europe États-Unis

Rejeté

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE SUR LA MISE SUR LE MARCHÉ ET LA BREVETABILITÉ DES SEMENCES ET OBTENTIONS VÉGÉTALES

TEXTE DE LA COMMISSION

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la production et à la mise à disposition sur le marché de matériel de reproduction des végétaux (règlement sur le matériel de reproduction des végétaux) [COM (2013) 262 - E 8314],

Sur les règles relatives à la production et à la mise à disposition sur le marché de matériel de reproduction :

Accueille favorablement le regroupement des différents textes en vigueur dans un texte horizontal qui conserve les grands principes du droit en vigueur ;

Souligne, en particulier, que l'enregistrement des variétés et matériels permet à la fois de disposer d'un référentiel pour les semences et matériels de reproduction autorisés, et de servir de base pour la protection intellectuelle des nouvelles variétés créées ; que la certification des lots donne la garantie que les matériels de reproduction mis sur le marché et échangés au sein de l'Union européenne respectent les exigences de la réglementation européenne en matière d'identité variétale et de qualité des semences ; et demande que la mise sur le marché des semences repose sur un service public de l'enregistrement et de la certification, garantissant la confiance des utilisateurs ;

Prend acte des aménagements prévus pour certaines situations particulières (échanges en nature, matériels hétérogènes, marchés de niche, variétés traditionnelles) ; souligne toutefois que le texte devra prévoir des dispositions destinées à prévenir un contournement du régime général ; est favorable aux dérogations pour les opérateurs non professionnels car celles-ci sont indispensables à la conservation de la biodiversité ;

S'oppose à une définition au niveau européen des critères pour l'évaluation des performances et des règles de décision ; considère, en effet, que les États membres sont les mieux placés pour prendre en compte les caractéristiques qui leur sont propres, même s'il convient d'encourager parallèlement l'harmonisation des protocoles ;

Juge excessif le nombre des actes délégués ou des actes d'exécution qui relèveraient de la Commission européenne ; considère que le texte doit prévoir directement toutes les dispositions essentielles comme la liste des espèces visées par les obligations liées à la certification obligatoire ;

Constatant qu'il existe très peu de définitions et de règles communes entre l'agriculture et la forêt, considère qu'il est préférable d'exclure les matériels forestiers du dispositif proposé ;

Sur les règles de protection de la propriété intellectuelle :

Rappelle que les semences et obtentions végétales relèvent d'un régime particulier de protection, le certificat d'obtention végétale (COV), qui est un régime ouvert encourageant la création variétale et la diversité végétale, en évitant l'appropriation privée du vivant ;

Souligne que la Convention sur la délivrance de brevets européens (CBE) exclut les variétés végétales de la brevetabilité ; que sont aussi exclus de la brevetabilité les procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux, c'est-à-dire les méthodes d'obtention de végétaux consistant en des phénomènes naturels tels que le croisement ou la sélection ; que ne peuvent non plus être brevetées les techniques modernes d'assistance à l'amélioration des plantes comme par exemple l'utilisation de marqueurs moléculaires génétiques ;

S'inquiète, en conséquence, de la délivrance de brevets dont l'étendue est parfois incertaine, du manque d'informations des sélectionneurs et des agriculteurs leur permettant de vérifier si des éléments brevetés sont présents dans les variétés qu'ils manipulent ou produisent, et du coût qui peut en résulter pour les programmes de sélection ;

Fait valoir les risques de blocage de l'innovation qui sont d'autant plus forts lorsque les brevets portent sur des gènes dits natifs, c'est-à-dire ceux qui sont naturellement présents dans une variété exploitée par le sélectionneur, la variété étant susceptible d'être considérée comme dépendante du brevet ;

Considère qu'une évolution qui privilégierait le brevet comme outil de protection en matière d'innovation semencière serait lourde de risques ; qu'elle renforcerait la concentration de l'industrie semencière autour de quelques grandes entreprises ; qu'elle ferait aussi peser une menace sur l'indépendance des États ;

Soutient des règles de propriété intellectuelle qui permettent de préserver un tissu dense et diversifié de sélectionneurs et, ce faisant, d'encourager l'innovation ; rappelle, en conséquence, la priorité qui doit être accordée à une protection par le certificat d'obtention végétale (COV) et à limiter les possibilités de protection par le brevet ;

Affirme son attachement au caractère non brevetable des plantes issues de la sélection génétique, tout particulièrement dans le cas de plantes obtenues par des procédés d'amélioration classique et exclut en conséquence les plantes comme les variétés du domaine de la brevetabilité ;

Demande que l'accès des sélectionneurs et des agriculteurs à l'information pertinente sur les brevets déposés et délivrés soit mieux assurée ; relève que cette information devrait leur permettre de vérifier si des éléments brevetés sont présents dans le matériel végétal qu'ils manipulent ou produisent ; qu'elle devrait conditionner la recevabilité d'une action en contrefaçon ; et souhaite que la notion de contrefaçon en matière de semences et plants soit définie de manière plus circonscrite ;

Réaffirme que, conformément aux principes fondamentaux du droit des brevets, ne peuvent être brevetables que les inventions décrites de manière complète et compréhensible, qui satisfont aux conditions de la brevetabilité en particulier la nouveauté et l'activité inventive ; que la brevetabilité des procédés ne devrait pouvoir être admise que dans les seuls cas où l'intervention humaine a un impact déterminant sur l'objet obtenu et où le procédé intervient directement au niveau du génome ; que devraient être exclus de la brevetabilité les plantes issues de procédés essentiellement biologiques et les gènes natifs ;

Estime que ces principes devraient clairement figurer dans les lignes directrices de l'Office européen des brevets (OEB), qui devraient être modifiées dans ce sens, voire donner lieu à des modifications de la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques ;

Demande au Gouvernement de défendre ces orientations au sein du Conseil.


* 1 Source : Groupement national interprofessionnel des semences et plants (GNIS).

* 2 Source : site Internet du GNIS.

* 3 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la production et à la mise à disposition sur le marché de matériel de reproduction des végétaux du 6 mai 2013 - COM (2013) 262 final.

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