II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

1. Un geste politique que votre commission ne peut naturellement que comprendre

Votre commission ne peut qu'être sensible à la question de l'hommage et de la mémoire. Les symboles ont leur force, ils valent autant pour honorer le passé que pour préparer l'avenir. Reprenant les termes mêmes du rapport KASPI (rapport de la commission de réflexion sur la modernisation des commémorations publiques de novembre 2008), on peut dire que depuis toujours, commémorations et cérémonies structurent la mémoire collective des sociétés autour de valeurs partagées, tout en contribuant au sentiment d'appartenance commune.

a) Les travailleurs humanitaires, en première ligne pour répondre à des besoins immenses dans un monde où les crises abondent

Il est évidemment inutile de dire ici quel immense service les travailleurs humanitaires rendent à l'humanité en général et en particulier aux populations touchées par des crises internationales, des catastrophes humanitaires, des conflits, frappées par la pauvreté, la malnutrition, les maladies.

Le monde actuel n'est pas avare de crises et de catastrophes. Chaque année de nouveaux besoins surgissent, tandis que bien peu de situations, hélas, s'améliorent vraiment.

Il y a actuellement plus de 27 millions de personnes déplacées et 10 millions de réfugiés dans le monde. Une personne sur six souffre de faim chronique.

Ce sont auprès des plus pauvres du monde en général, les individus les plus marginalisés et les plus vulnérables, que sont déployés les travailleurs humanitaires.

Les 4 principes fondateurs de l'aide humanitaire :

Humanité : Toute souffrance humaine doit être soulagée, en particulier chez les personnes les plus vulnérables. Il est primordial de respecter et de protéger la dignité de toutes les victimes.

Impartialité : L'aide humanitaire doit être dispensée à toutes les personnes qui en ont besoin, sans discrimination entre les populations touchées ou au sein de celles-ci.

Indépendance : Les objectifs humanitaires sont indépendants de tous autres objectifs, qu'ils soient de nature politique, économique, militaire ou autre. Le seul but de l'aide humanitaire est de soulager et prévenir les souffrances des populations touchées par des crises.

Neutralité : L'aide humanitaire ne doit favoriser aucune des parties au conflit, armé ou autre.

Cette Journée internationale du 21 septembre honore ceux qui ont été tués ou blessés en portant secours à ceux qui sont dans le besoin, mais également ceux qui continuent d'apaiser la détresse et les souffrances de millions d'autres. C'est un hommage rendu à la générosité et à l'esprit de fraternité qui anime les travailleurs humanitaires.

Cette journée a également pour objectif de sensibiliser l'opinion publique aux besoins humanitaires dans le monde et à l'importance de la coopération internationale pour y répondre.

Votre commission saisit cette occasion pour rendre hommage aux institutions, organisations et ONG qui oeuvrent chaque jour au service des hommes et femmes en situation de détresse.

Au sein du système des Nations unies , c'est le Secrétaire général adjoint chargé des affaires humanitaires (actuellement Mme Valérie AMOS) et OCHA (le bureau de la coordination des affaires humanitaires) qui sont chargés de la réponse humanitaire.

Bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA) :

Aide le Secrétaire général à coordonner l'aide humanitaire dans les cas de situations d'urgence exigeant une intervention à l'échelle du système, du fait de leur ampleur ou de leur complexité;

Agit en étroite collaboration avec les membres du Comité permanent interorganisations ainsi que les organisations intergouvernementales et non gouvernementales compétentes;

Assure la coordination entre les aspects humanitaires et politiques des situations d'urgence et ceux liés au maintien de la paix;

Fournit des services fonctionnels à l'Assemblée générale, au Conseil de sécurité et au Conseil économique et social pour ce qui a trait aux affaires humanitaires;

S'efforce de renforcer les moyens d'intervention dans le secteur humanitaire pour faire face aux catastrophes naturelles et favoriser ainsi un développement durable, en collaboration étroite avec les membres du Comité directeur de la Décennie internationale de la prévention des catastrophes naturelles et d'autres partenaires dans le cadre de la Décennie.

Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires :

Le Bureau est dirigé par le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, qui remplit également les fonctions de Coordonnateur des secours d'urgence. Le Secrétaire général : Est responsable, au nom du Secrétaire général, de la coordination des secours d'urgence, en veillant à ce que la communauté internationale engage à temps une action cohérente et concertée en cas de catastrophes ou de situations d'urgence;

Assure la coordination horizontale avec les départements qui s'occupent des questions politiques et du maintien de la paix et la coordination verticale avec les organismes humanitaires qui interviennent dans les situations d'urgence;

Conseille le Secrétaire général sur les questions ayant trait à la coordination de l'aide humanitaire; coordonne et préside les réunions du Comité permanent interorganisations et du Comité exécutif pour les affaires humanitaires;

Etablit des directives et instructions à l'intention des coordonnateurs des affaires humanitaires sur le terrain;

Défend les principes humanitaires et encourage l'adoption de lois et d'objectifs dans ce domaine, en concertation avec les Etats Membres pour ce qui touche au droit humanitaire;

S'efforce de mobiliser la communauté internationale en faveur des activités humanitaires du système des Nations unies et d'obtenir des ressources pour les programmes d'urgence;

Entreprend, au nom du Secrétaire général, des missions dans les pays où des situations d'urgence complexes sont apparues ou commencent à apparaître et ceux où se sont produites des catastrophes naturelles; et

Gère le Fonds central autorenouvelable de secours d'urgence.

Au sein de l'Union européenne , c'est la Direction générale de l'aide humanitaire (ECHO) qui porte la réponse humanitaire.

Les États membres et les institutions européennes fournissent plus de la moitié de l'aide humanitaire mondiale.

ECHO a été créé dès 1992 pour exprimer la solidarité européenne avec les populations dans le besoin partout dans le monde. Au cours de ses vingt années d'existence, il a alloué 14 milliards d'euros d'aide humanitaire aux victimes de conflits et de catastrophes dans 140 pays à travers le monde . Sur les cinq dernières années, le budget annuel d'ECHO était en moyenne d'un milliard d'euros . Pour la seule année 2011, ces fonds ont permis d'aider près de 150 millions de personnes parmi les plus vulnérables au monde, dans plus de 80 pays.

Depuis 2010, un commissaire européen (actuellement Mme Kristalina Georgieva) est en charge de la coopération internationale, de l'aide humanitaire et de la réponse aux crises.

Les ONG sont naturellement particulièrement présentes dans le secteur de l'aide humanitaire.

L'exposé des motifs de la proposition de loi estime que « près de 700 » travailleurs humanitaires « ont perdu la vie entre 1990 et 2000 ». Les employés d'organisations non gouvernementales, gouvernementales et internationales, qui agissent dans le domaine de la médecine, de la sécurité civile, de l'appui logistique, de la reconstruction et de la coopération, ou dans tout autre domaine lié à l'action humanitaire, « jouent donc un rôle essentiel qu'il convient de saluer. »

On ne peut naturellement que souscrire à cette analyse.

Plus globalement, on ne peut que rappeler que les droits humains et les droits de l'Homme ont toujours joué un rôle particulier dans la politique étrangère française. La France a inspiré la déclaration universelle de 1948 et continue de se battre aujourd'hui pour leur respect dans le monde tant par son rôle au sein du Conseil des droits de l'homme que par son action au Conseil de sécurité. Initiatrice dans les années 80 du droit d'ingérence humanitaire lancé par Bernard Kouchner et Mario Bettati, elle défend aujourd'hui le concept de " responsabilité de protéger ", repris dans le document final du sommet mondial de 2005. Elle soutient également la lutte contre l'impunité pour prévenir de nouvelles exactions, et a contribué à la création de la Cour pénale internationale dont elle a été l'un des premiers Etats à ratifier le statut.

L'approche française de la « responsabilité de protéger » (R2P)

La notion de " responsabilité de protéger "a été précisée dans le rapport de 2001 de la Commission internationale indépendante de l'intervention et de la souveraineté des Etats (CIISE) et endossée par l'Assemblée générale des Nations unies en 2005. Le document final du Sommet mondial consacre l'engagement des chefs d'Etats et de gouvernement à protéger leurs populations, mais aussi à prévenir les crimes les plus atroces (génocide, crimes de guerre, nettoyage ethnique et crimes contre l'humanité), en aidant les autres Etats à s'acquitter de cette responsabilité. La prévention est au coeur de la "responsabilité de protéger" et repose sur trois piliers énoncés dans les paragraphes 138 et 139 du document final.

Ces trois piliers sont : la responsabilité première de l'Etat de protéger sa population ; l'assistance internationale et le renforcement des capacités ; et une action résolue de la communauté internationale en temps voulu, quand l'Etat concerné ne peut ou ne veut pas assumer sa responsabilité.

La France défend une approche complète et équilibrée de la Responsabilité de protéger.

-- La R2P inclut une responsabilité en amont (premier pilier) et en aval (responsabilité de reconstruire), en sus de la responsabilité d'agir au moment où des crimes de masse peuvent être perpétrés.

-- Elle doit donner toute leur place aux mesures de règlement pacifique des différends, sans écarter l'éventualité d'un recours à des mesures coercitives, y compris le recours à la force, lorsque le maintien de la paix et de la sécurité internationales l'exige, ainsi que le prévoit la Charte des Nations unies.

-- Elle est entièrement tournée vers la prévention, y compris lorsqu'elle exige une action résolue et en temps voulu de la communauté internationale. Agir, c'est aussi prévenir.

Source : http://www.franceonu.org/la-france-a-l-onu/dossiers-thematiques/droits-de-l-homme-etat-de-droit/la-responsabilite-de-proteger/article/la-responsabilite-de-proteger

b) Les journalistes, un lourd tribut payé pour la liberté d'informer

L'information est plus qu'une liberté. C'est bien souvent le seul moyen d'alerter l'opinion publique et la communauté internationale, de permettre une mobilisation, d'ouvrir la voie à la prise de conscience et à l'action.

La liberté d'informer est au coeur de toute démocratie.

Journalistes, blogueurs, reporters de guerre ou personnels associés, nous aident chaque jour à mieux comprendre le monde et ses évolutions. Le premier réflexe des ennemis de la liberté, c'est de bâillonner la presse. Les premiers alliés de la démocratie, ce sont des médias indépendants. La liberté d'expression doit être respectée partout.

Reporters sans frontières (RSF) tient chaque année un baromètre très précis du lourd tribut que paient les journalistes dans l'exercice de leur métier et des graves atteintes perpétrées contre la liberté d'informer, dont sont tirés les chiffres ci-dessous.

Bilan de la liberté de la presse en 2013 : 3 ( * )

Journalistes tués : 71 (-20%)
Journalistes interpellés/arrêtés : 826 (-6%)
Journalistes agressés ou menacés : 2160 (+9%)
Journalistes enlevés : 87 (+129%)
Journalistes qui ont fui leur pays : 77 (+5%)
Collaborateurs des médias tués : 6
Net-citoyens et citoyens-journalistes tués : 39 (-17%)
Blogueurs et net-citoyens arrêtés : 127 (-12%)

Journalistes tués :
39 % en zone de conflit
8% de freelance
4% de femmes journalistes

Types de médias :
Presse écrite : 37%
Radio : 30%
TV : 30%
Web (portail d'information en ligne) : 3%

178 journalistes emprisonnés (au 15 décembre 2013)
37 journalistes otages ou disparus (au 18 décembre 2013)

Source : www.rsf.org

Bilan 2013 de reporters sans frontières (RSF)

D'après RSF, le bilan 2013 montre un niveau élevé de journalistes tués dans l'exercice de leurs fonctions (71) malgré une légère baisse (-20%) et d'une augmentation importante des enlèvements (+129%). Les exactions commises contre ceux qui exercent le journalisme demeurent à un niveau général élevé.

Les zones les plus touchées sont l'Asie (24 morts), le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord (23 morts). L'Afrique sub-saharienne connaît une baisse drastique du nombre de tués, qui passe de 21 en 2012 à 10 en 2013 et reflète une diminution des assassinats de journalistes en Somalie (7 en 2013 contre 18 en 2012). L'Amérique latine connaît une faible diminution du nombre de journalistes assassinés dans le cadre de leur exercice professionnel (12 morts en 2013 contre 15 en 2012).

La Syrie, la Somalie et le Pakistan confortent leur position parmi les cinq pays les plus meurtriers pour la profession . Ils sont rejoints cette année par l'Inde et les Philippines, qui supplantent le Mexique et le Brésil. Le Brésil compte pourtant cinq tués en 2013, soit le même chiffre que l'année précédente. Deux journalistes ont été tués au Mexique, mais trois autres ont disparu.

Parmi les journalistes tués cette année, quatre sur dix (39%) ont été victimes de conflits . Sont ainsi comptabilisés les journalistes tués en Syrie, en Somalie, au Mali, dans les provinces de Chhattisgarh (Inde), du Balouchistan (Pakistan) et du Daghestan (Russie). Les autres ont été victimes de la couverture d'attentats, ou assassinés par des groupes liés au crime organisé (mafia, narcotrafic, etc), des milices islamistes, par des forces de l'ordre ou sur ordre d'officiels corrompus. Les 71 journalistes tués en 2013 étaient en majorité issus de la presse écrite (37%), de la radio (30%), de la TV (30%) ou de plateformes d'information en ligne (3%). Ils étaient de sexe masculin (96%) pour l'immense majorité d'entre eux.

Le nombre de journalistes tués en 2013 dans le cadre de leurs activités d'information baisse de 20% par rapport à l'année 2012, qualifiée par Reporters sans frontières d'»hécatombe pour la presse» avec 88 tués. Le nombre de journalistes tués s'est élevé à 67 en 2011, 58 en 2010, 75 en 2009.

Cette diminution est relativisée par un accroissement des agressions et des menaces , qu'elles émanent de groupes infra-étatiques ou des forces de l'ordre. D'après RSF, les journalistes ont systématiquement été pris pour cibles par les forces de l'ordre en Turquie et dans une moindre mesure en Ukraine, en marge des mouvements de protestation du parc Gezi et de la place Maïdan. Le «Printemps brésilien» a donné lieu à des actes de répression d'une grande ampleur avec plus de 100 cas recensés, la plupart attribués au zèle répressif de la police militaire. La Colombie et le Mexique ont également connu d'importantes vagues de protestations propices à ce genre de brutalités. Les professionnels des médias ont été en première ligne des troubles politiques qui ont agité l'Egypte en 2013, des troubles interconfessionnels en Irak et de l'insécurité entretenue par les milices en Libye. En Guinée, les journalistes ont été régulièrement menacés par les deux bords, au cours des manifestations qui ont précédé les élections. Les attaques et menaces se sont également accrues au Pakistan, au Bangladesh et en Inde, parallèlement aux assassinats.

L'année 2013 a été marquée par une augmentation du nombre de journalistes kidnappés (87 contre 38 en 2012). L'immense majorité des cas répertoriés concerne le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord (71), suivis de l'Afrique sub-saharienne (11). Quarante-neuf journalistes ont été enlevés en Syrie en 2013 et 14 en Libye. Le rythme des enlèvements s'est accéléré en Syrie en 2013. Ils revêtent un caractère de plus en plus systématique et dissuadent dans de nombreux cas les reporters de se rendre sur le terrain. Si les journalistes étrangers sont de plus en plus ciblés par le régime et des groupes islamistes tels que l'Etat islamique d'Irak et du Levant (EIIL) et Jabhat Al-Nosra, leurs collègues syriens demeurent les plus exposés. Au moins 18 représentants de la presse étrangère et 22 acteurs syriens de l'information sont toujours otages ou portés disparus.

Au moins 178 journalistes sont emprisonnés à ce jour. La Chine, l'Erythrée, la Turquie, l'Iran et la Syrie demeurent, comme en 2012, les cinq principaux geôliers du monde pour les journalistes .

Source : www.rsf.org

L'assassinat récent de la journaliste Camille Lepage en République centrafricaine, qui fait écho à celui de deux journalistes de RFI au Mali, en novembre dernier, ne font que confirmer ce sombre tableau.

Sans parler de nos compatriotes journalistes retenus en otages dans des conditions particulièrement éprouvantes.

Naturellement, votre commission, qui, outre les affaires étrangères, est également en charge de la défense et des forces armées, n'ignore rien des délicates questions que soulève la présence des journalistes sur les zones de crise et plus précisément sur les théâtres d'opération militaires.

Indispensable, légitime, elle ne va pas sans poser de questions notamment aux forces armées chargées d'assurer leur protection. L'incompréhension n'est d'ailleurs pas rare entre ces deux mondes, celui de la presse et celui des armes, sur les zones de guerre. Qu'on se remémore, dans les premiers temps de l'opération Serval, les risques encourus par certains journalistes à Gao, protégés -littéralement évacués, diront certains-, par les forces françaises. On a froid dans le dos en pensant à ce qui aurait pu arriver si les groupes terroristes avaient eu le dessus sur le plan opérationnel.

Jusqu'où aller pour informer ? Comment concilier les impératifs de liberté de la presse et de respect de la sécurité des personnes ?

Ces questions essentielles et délicates, auxquelles il ne saurait être répondu de façon fruste et lapidaire, dépassent largement le cadre de la présente proposition de loi.

2. Les trois questions que pose toute journée d'hommage
a) Quelles « causes » et combien de « causes » mettre à l'honneur ?

C'est naturellement une question de choix politique que de savoir quelles « causes » on entend mettre à l'honneur. Il faut en effet naturellement avoir à l'esprit que la multiplication des différentes journées va nécessairement de pair avec une certaine banalisation de celles-ci.

Les commémorations publiques ou nationales sont aujourd'hui très nombreuses. Au nombre d'une douzaine, rien que dans le domaine des références historiques à notre passé, elles sont deux fois plus nombreuses qu'en 1999 4 ( * ) .

En dix ans, sont ainsi venues s'ajouter aux six déjà existantes (le 14 juillet, le 8 mai, le 11 novembre, la fête nationale de Jeanne d'Arc et du patriotisme, le deuxième dimanche de mai, la journée nationale du souvenir des victimes et héros de la déportation, le dernier dimanche d'avril, et la cérémonie d'hommage à Jean Moulin, le 17 juin) :

- le 10 mai, journée commémorative de l'abolition de l'esclavage (loi du 10 mai 2001) ;

- le 8 juin, la journée nationale d'hommage aux « morts pour la France » en Indochine (décret du 26 mai 2005) ;

- le 18 juin, la journée nationale commémorative de l'appel du général de Gaulle (décret du 10 mars 2003) ;

- le dimanche le plus proche du 16 juillet, la journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'État français et d'hommage aux « Justes » de France (loi du 10 juillet 2000) ;

- le 25 septembre, la journée nationale d'hommage aux harkis et aux membres des formations supplétives (décret du 31 mars 2003) ;

- le 5 décembre, la journée nationale d'hommage aux morts de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie (décret du 26 septembre 2003) ;

- le 27 mai 1943, date à laquelle s'est réuni pour la première fois le Conseil national de la résistance ;

- le 19 mars (1962, date du cessez-le-feu en Algérie) : journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc.

Le Parlement a été saisi plusieurs fois ces dernières années de la création de journées de commémoration. C'est d'ailleurs lors de l'examen par votre commission de la loi fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France que l'idée de consacrer une journée aux acteurs humanitaires et aux journalistes avait été évoquée pour la première fois par notre collègue Leila Aïchi.

À l'inverse, d'autres dates ne sont pas stricto sensu des dates officielles de commémorations publiques mais sont, malgré tout, célébrées avec fidélité : le 6 juin pour le débarquement en Normandie, le 15 août pour le débarquement en Provence, la libération de Paris le 25 août.

Au calendrier commémoratif lié à la défense nationale, il faut ajouter d'autres journées auxquelles il est donné, en France, un sens tout particulier. Ainsi en est-il du 27 janvier , journée internationale de la Shoah.

Le ministère de la Culture est chargé de dresser et publier chaque année la liste des grands anniversaires commémoratifs (cinquantenaires, centenaires, cent-cinquantenaires, etc.) en couvrant tous les domaines (politique, culturel, artistique, militaire, scientifique et technique...), qui peuvent susciter des commémorations particulières. Aux journées régulières viennent donc s'ajouter des journées de commémorations plus ponctuelles.

Nous nous garderons d'oublier les journées nationales destinées à rendre hommage ou à sensibiliser le public à divers phénomènes, tous plus légitimes les uns que les autres. On pense par exemple à l'impact croissant de la journée de la femme , ou à la journée de la lutte contre le sida , ou à celle de la protection de l'enfance , qui sont autant d'outils pour faire progresser tant la prise de conscience que la législation dans ces domaines qui sont de grandes questions de société.

Au-delà de ces dates reconnues par la loi et les règlements, on recense donc plusieurs autres journées soutenues par le Gouvernement chaque année, parmi lesquelles on peut citer, sans être pour autant exhaustif :

JOURNÉES ET COMMÉMORATIONS ORGANISÉES EN FRANCE PAR LES DIFFÉRENTS MINISTÈRES (RECENSEMENT DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES)

Fin janvier

Journée nationale des pôles de compétitivité (Ministère de l'économie)

22-févr

Journée européenne des victimes (Ministère de la Justice)

08-mars

Journée de la femme

19-mars

Journée nationale du Sommeil (Institut national de prévention et d'éducation pour la santé)

3 ème semaine de mars

Semaine internationale de la courtoisie sur la route (soutenue par la Délégation interministérielle à la sécurité routière)

2 ème dimanche de mars

Journée nationale de l'Audition

3 ème semaine de mars

Semaine de la langue française et de la francophonie (Ministères de l'Éducation nationale, de la Culture et des Affaires étrangères)

18-mars

Journée nationale de l'ingénieur (sous le haut patronage du Ministère du redressement productif)

27-mars

Journée de l'innovation (Ministère de l'Éducation nationale)

2 ème semaine d'avril

Semaine de l'industrie (Ministère du Redressement productif)

02-avr

Journée "Produisons autrement" (Ministère de l'agriculture)

07-avr

Journée pour l'égalité salariale (Ministère des droits des femmes)

10-avr

Journée nationale du réserviste (Ministère de la Défense)

3 ème semaine d'avril

Semaine de la vaccination

27-avr

Commémoration de l'abolition de l'esclavage à Mayotte (décret du 23 avril 2012, art. 1)

29-avr

Journée européenne de solidarité entre les générations (Ministères des Affaires sociales et de la Santé, Travail et dialogue social, Jeunesse et Sports)

05-mai

Missions mains propres, dans le cadre de la Journée internationale de l'hygiène des mains (Ministère chargé de la santé)

15-mai

Journée nationale de la réussite éducative (Ministère de l'éducation nationale)

17-mars

Journée internationale de lutte contre l'homophobie

19-mai

Journée nationale de lutte contre les hépatites virales (Institut national de prévention et d'éducation pour la santé)

21 au 25 mai

Fête de la nature (Ministère chargé du développement durable)

22-mai

Journée nationale de prévention et de dépistage des cancers de la peau (Ministère de la Santé)

22-mai

Commémoration de l'abolition de l'esclavage en Martinique (décret du 23 avril 2012, art. 1)

23-mai

Journée européenne de l'obésité (sous le haut patronage du ministère chargé de l'agroalimentaire)

27-mai

Commémoration de l'abolition de l'esclavage en Guadeloupe et à Saint-Martin (décret du 23 avril 2012, art. 1)

10-juin

Commémoration de l'abolition de l'esclavage en Guyane (décret du 23 avril 2012, art. 1)

11-juin

Journée nationale de destruction des contrefaçons (Ministère chargé du commerce extérieur)

14-juin

Journée des Donneurs de sang (Ministère de la Santé)

21-juin

Fête de la musique

22-juin

Journée nationale de réflexion sur le don d'organe et la greffe et de reconnaissance envers les donneurs (Loi du 7 juillet 2011, art. 10)

18-sept

Journée nationale du Sport scolaire (Ministère de l'Éducation nationale)

21-sept

Journée contre la maladie d'Alzheimer (Ministère des Affaires sociales et de la santé)

3 ème week-end du mois de septembre

Journées européennes du Patrimoine

24-sept

Journée nationale de la sécurité routière aux passages à niveau (Ministère des Transports)

Septembre-octobre

Fête de la science (ministère de l'éducation nationale)

Dernier week end de septembre

Fête de la gastronomie (ministère de l'économie)

06-oct

Journée nationale des aidants (Ministère de la Santé)

09-oct

Commémoration de l'abolition de l'esclavage à Saint-Barthélémy (décret du 23 avril 2012, art. 1)

15-oct

Journée mondiale de lutte contre la douleur (Ministère de la Santé)

16-oct

Journée nationale de lutte contre le gaspillage alimentaire (Ministère en charge de l'Alimentation)

17-oct

Journée internationale de refus de la misère (Ministère de l'Éducation nationale)

09-nov

Journée nationale inter-régime du bien vieillir (Ministères des Affaires sociales et de la Santé, Travail, Jeunesse et Sports)

18-nov

Journée européenne de sensibilisation au bon usage des antibiotiques (Ministère de la Santé)

20-nov

Journée nationale des droits de l'enfant (Loi du 9 avril 1996)

25-nov

Journée nationale de sensibilisation aux violences faites aux femmes (Loi du 9 juillet 2010, art. 24)

03-déc

Journée nationale des gens du voyage (Ministère du Logement et de l'égalité des territoires)

20-déc

Commémoration de l'abolition de l'esclavage à la Réunion (décret du 23 avril 2012, art. 1)

Cette inflation commémorative, quelque peu désordonnée, va à l'encontre des objectifs initialement prévus, car la multiplication de ces journées a pour corollaire quasiment mécanique qu'elles ne rassemblent plus autant.

On constate ainsi une certaine désaffection à l'encontre des commémorations, même s'agissant des grandes dates de notre histoire, à l'exception de trois d'entre elles, le 8 mai, le 14 juillet et le 11 novembre, qui trouvent encore un grand écho dans la mémoire collective 5 ( * ) .

C'est d'ailleurs ce raisonnement qui a conduit le législateur à fixer au 11 novembre, date de l'armistice de 1918, la date d'hommage à tous les morts pour la France .

Extraits du rapport KASPI de 2008 sur les commémorations nationales :

Les commémorations publiques ou nationales sont trop nombreuses. Elles atteignent aujourd'hui le nombre de 12, soit deux fois plus qu'en 1999. Leur nombre pourrait encore augmenter dans les années à venir. Ce qui entraîne une désaffection et une incompréhension de la part d'une très grande majorité de la population, un affaiblissement de la mémoire collective, des particularismes qui vont à l'encontre de l'unité nationale.

À l'évidence, au cas d'espèce, il semble peu réfutable que les travailleurs humanitaires et les journalistes font, sur les théâtres d'opération, un travail remarquable qu'ils paient parfois du prix de leur vie, auquel on ne peut que rendre hommage.

b) Quelle date choisir ?

C'est naturellement une question importante que celle de la date retenue pour l'hommage que l'on désire rendre.

Lors de récentes discussions législatives, certains ont mis en avant, dans la mesure où telle ou telle association a pu être à l'origine de la création à telle date de certaines journées, le risque d'un « communautarisme » mémoriel, qui n'atteindrait pas l'effet recherché d'une union, d'un rassemblement, de la Nation à leur occasion. Ce risque a été mis en avant par la commission KASPI : « Bon nombre de commémorations vont à l'encontre de leurs objectifs. Elles ne rassemblent plus. En conséquence des changements qui affectent la composition de la population, des groupes de pression se constituent, qui ne manquent pas de réclamer de la Nation la reconnaissance de leur existence, donc de leurs spécificités et de leurs souffrances... »

La date choisie ne va pas toujours de soi, tant les dates peuvent être, de par les événements qu'elles convoquent, lourdes de sens, comme en témoignent les débats sur le choix des dates pour la commémoration de l'abolition de l'esclavage (10 mai) ou celle des victimes de la guerre d'Algérie (19 mars).

En l'occurrence, l'auteur de la proposition de loi, notre collègue Leila Aïchi a choisi de retenir la date du 21 septembre, journée internationale de la paix, la plus « universelle ».

Mais notons aussi l'existence d'une journée mondiale de la radio le 13 février, d'une journée de la liberté de la presse le 3 mai et d'une journée pour les travailleurs humanitaires le 19 août, qui auraient tout aussi bien pu être retenues, compte tenu de la thématique . Sans parler de la journée du 2 novembre, créée, à l'initiative de la France, fin 2013 en référence à l'attentat tragique qui a coûté la vie à deux journalistes de RFI.

c) Quel effet pratique ?

Sachons le reconnaître, la proposition de loi soumise à l'examen de votre commission n'aura, au fond, qu'un faible effet normatif : il s'agit avant tout d'un geste symbolique, ou politique, d'une opération de sensibilisation et de mobilisation de l'opinion publique, tout autant qu'une reconnaissance solennelle de la contribution apportée à la paix par les humanitaires et les journalistes.

En effet, il n'est prévu, -et c'est heureux- ni que cette journée soit fériée et chômée, ni que soient organisées des manifestations particulières dans les établissements scolaires (à l'instar de ce qui a été fait pour la journée du Conseil national de la résistance, par exemple). En pratique, il s`agit d'une reconnaissance de nature politique.

3. La position de votre commission

Votre commission :

- rappelle l'importance pour la collectivité nationale du travail d'hommage et de commémoration, autant pour honorer le passé que pour préparer l'avenir ;

- rend un hommage appuyé aux quelques 70 humanitaires et 70 journalistes tués chaque année pour aider leurs semblables ou pour la liberté d'informer et se félicite que l'examen de l'actuelle proposition de loi soit l'occasion de se pencher sur leur rôle indispensable au service de la paix ;

- adhère toutefois aux analyses suivant lesquelles l'inflation commémorative récente a des effets négatifs, parmi lesquels la banalisation et la désaffection à l'égard d'hommages nationaux de plus en plus nombreux et de moins en moins rassembleurs ;

- pour cette raison, et compte tenu du caractère faiblement normatif de la proposition de loi -la journée de la paix continuera d'exister le 21 septembre avec ou sans loi-, préfère ne pas augmenter le nombre de jours légaux de commémorations et d'hommages ;

- souligne que la journée de la paix de l'ONU le 21 septembre pourra constituer, malgré tout, le cadre d'un hommage particulier rendu, même sans loi, aux travailleurs humanitaires et aux journalistes. Notre représentation permanente auprès des Nations unies pourrait d'ailleurs suggérer ce thème au secrétariat général des Nations unies pour une prochaine « journée de la paix ».


* 3 Source : rsf.org

* 4 Source : exposé des motifs du projet de loi relatif au 11 novembre, examiné par le Sénat fin 2011.

* 5 Comme l'a analysé le rapport KASPI en 2008

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