B. LES RAPPORTS ASYMÉTRIQUES ENTRE SOCIÉTÉS MINIÈRES INTERNATIONALES ET ETAT PRODUCTEUR

1. L'exploitation des richesses...

Outre les problèmes juridiques issus de la gestion de la dette, la question de la négociation d'accords équitables dans le secteur des industries extractives s'est posée avec acuité .

L'Afrique dispose de ressources naturelles pétrolières, gazières et minières abondantes qui constituent un moteur privilégié de la croissance des pays lorsqu'elles sont convenablement exploitées. Ces pays dépendent, en effet, fortement de leurs ressources naturelles pour mobiliser des ressources domestiques et financer leur développement.

En 2010, les exportations africaines de pétrole, de gaz et de minerais s'élevaient à 333 milliards de dollars . Près de cinquante pays africains explorent ou produisent du pétrole. Les exportations de pétrole et de minerais représentent plus d'un quart des exportations de quelque trente-quatre pays d'Afrique.

Les revenus tirés des ressources naturelles sont en forte croissance . En 2011, les revenus pétroliers du Nigéria étaient de 60 % supérieurs à la totalité de l'aide au développement à toute l'Afrique sub-saharienne.

2. ... compromise par une expertise juridique et commerciale fragile

En dépit de la hausse récente des investissements sur le continent, de l'explosion du prix des ressources naturelles alimentée par leur rareté mondiale, le retour sur les bénéfices attendus de l'exploitation des richesses est toutefois insuffisant . La cause réside, en partie, dans la complexité des contrats liés au développement de ces ressources.

La Conférence ministérielle africaine 6 ( * ) de 2007 a ainsi reconnu « les disparités existant entre les pays africains et les pays industrialisés en termes de capacité de négociation de contrats d'extraction des ressources naturelles ».

En effet, dans les négociations des grands contrats, les relations entre les pays africains en développement et les grandes entreprises multinationales se caractérisent généralement par un net déséquilibre en termes de capacités juridiques et techniques. Cet état de fait nuit aux intérêts des pays à faibles revenus, en obérant leur potentiel de croissance. Il s'accompagne également de risques environnementaux, sociaux et économiques, y compris en matière de soutenabilité de dette.

A titre d'illustration, le Revenue Watch Institute a souligné que la Norvège conserve 78 centimes pour chaque dollar de pétrole qu'elle produit, alors que ce chiffre n'est, en moyenne, que de 10 à 15 centimes pour les pays d'Afrique. La capacité de négocier des contrats équitables jouent donc un rôle essentiel pour une meilleure distribution de la rente.

Les causes de ces rapports asymétriques entre Etat producteur et société exploitante sont nombreuses. Elles résident notamment du côté des gouvernements africains, dans la disponibilité de l'expertise technique 7 ( * ) , lors des négociations conduisant alors à une asymétrie de l'information juridique, fiscale et économique.

Or, ainsi que le relève le préambule de l'Accord, « un équilibre judicieux des droits et obligations en matière de litige avec les créanciers et de transactions commerciales complexes , d'accords d'investissement et de contrats d'exploitation de ressources naturelles ne peut être assuré que si toutes les parties à la transaction comprennent pleinement leurs droits et obligations y relatifs et ont des chances égales de recevoir des conseils juridiques avisés. ».

Sur ce point, le préambule poursuit, en insistant sur le fait que la capacité des pays africains « à acquérir une telle expertise est limitée par de graves contraintes financières et institutionnelles ». Elle résulte, en outre, de leur « faible capacité à s'engager dans des régimes fiscaux et juridiques qui optimisent les avantages socioéconomiques dans des transactions commerciales complexes, notamment celles qui ont trait aux ressources d'extraction. » 8 ( * )

Des contraintes structurelles, autres que le cadre juridique incomplet, obèrent également la capacité des Etats à négocier. Il s'agit de la représentation juridique inadaptée, d'un déficit des capacités locales, d'une gouvernance déficiente ainsi que de l'éventuelle corruption des personnes en charge des négociations.

Des facteurs humains contribuent aussi à cette situation de fait , tels que la pression exercée par les donateurs sur la réduction du temps de négociation ainsi que la compétition entre les différents ministères afin d'influencer le résultat du processus de négociation.

C'est pourquoi, dès 2007 il a été décidé de lancer « un appel dans l'optique de créer une Facilité en vue d'aider les pays africains à développer leur expertise et leur capacité à négocier et à conclure des accords justes et équitables pour la gestion des ressources naturelles africaines ainsi que les activités extractives » 9 ( * ) ;


* 6 Cf. la résolution de la Conférence ministérielle africaine de février 2007 In Préambule du présent Accord. La Conférence des ministres des finances de l'Union africaine se tient une fois par an. Elle est organisée conjointement par l'Union africaine et la Commission économique pour l'Afrique des Nations Unies. Elle a contribué au constat qui a conduit à la création de la Facilité juridique.

* 7 Cf. L'étude du Vale Columbia Center on sustainable international investment et Humboldt-Viadrina School of Governance « Second workshop on Contract negociation support for developing host countries » du 18 et 19 juillet 2012.

* 8 Cf. groupe de la Banque Africaine de développement.

* 9 In préambule de l'Accord.

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