B. UNE MEILLEURE INTÉGRATION DU SYSTÈME, DANS LE RESPECT DES EXIGENCES EUROPÉENNES

1. La réunification du gestionnaire d'infrastructure

La division de la gestion de l'infrastructure en deux entités, réalisée par la loi de 1997, a montré ses limites. Le présent projet de loi crée un gestionnaire d'infrastructure unifié, SNCF Réseau, qui rassemblera en son sein les activités aujourd'hui exercées par RFF, SNCF Infra et la direction des circulations ferroviaires (DCF) .

Mise en exergue lors des assises du ferroviaire, reprise par la Cour des comptes dans son rapport de juillet 2012 sur l'état du réseau, mais aussi dans le rapport de Jean-Louis Bianco, cette mesure s'impose aujourd'hui comme une évidence. Elle mettra fin aux dysfonctionnements passés et permettra au gestionnaire du réseau unifié de gagner en efficacité.

Cet EPIC regroupera en son sein les anciens salariés de RFF (environ 1 500 personnes), ceux de SNCF Infra (45 000 personnes) et de la DCF (13 600 personnes).

2. La constitution d'un groupe public ferroviaire verticalement intégré, pour une meilleure cohérence « système »

Le gestionnaire d'infrastructure unifié prendra sa place dans un groupe public ferroviaire intégré, composé d'un EPIC « de tête », dénommé SNCF, et de deux EPIC « filles », SNCF Mobilités, chargée de l'exploitation des services transport, et SNCF Réseau.

La SNCF sera responsable de l'unité sociale du groupe , en particulier de sa politique de ressources humaines, de son pilotage stratégique et de sa cohérence économique. Elle sera aussi chargée de la gestion du service interne de sécurité, la SUGE, qui intervient à la fois dans les trains et sur les quais.

L'EPIC « de tête » exercera vis-à-vis des deux EPIC « filles » un rôle similaire à celui d'une société détentrice au sens du code du commerce. Cette architecture en trois EPIC, inédite en France, vise à reproduire le schéma d'une société holding , tout en conservant le caractère d'établissement public industriel et commercial de ses trois composantes. L'actuelle SNCF et RFF étant des EPIC, il convenait de conserver ce statut.

En faisant le choix d'une structure verticalement intégrée, le Gouvernement restaure les conditions d'un fonctionnement optimisé du système ferroviaire, dans lequel les problématiques d'entretien du réseau et les contraintes d'exploitation ne sont pas systématiquement dissociées. L'expérience passée et la réalité du terrain ont montré que seul un système intégré pouvait être réellement efficace. C'est d'ailleurs cette architecture qu'a retenue l'Allemagne en 1994 pour la Deutsche Bahn , constituée sous la forme d'une société holding .

Bien entendu, il ne s'agit aucunement d'enfreindre les règles de séparation entre ces activités résultant du premier « paquet ferroviaire ». C'est la raison pour laquelle l'indépendance de SNCF Réseau dans l'exercice des fonctions essentielles, la tarification et l'allocation des sillons, est réaffirmée, tandis que l'ARAF voit son rôle significativement renforcé.

Cependant, dans le contexte actuel, où la SNCF est l'opérateur dominant de transport ferroviaire, se priver du double regard de l'exploitant et du gestionnaire d'infrastructure serait une erreur . Elle fragiliserait la position de champion industriel aujourd'hui détenue par la SNCF.

Le directoire de l'EPIC « de tête » sera composé de deux personnes, les présidents de SNCF Mobilités et de SNCF Réseau, et ses décisions devront être prises à l'unanimité. À défaut, elles seront arbitrées par une tierce personne indépendante, le président du conseil de surveillance de l'établissement. Ce directoire à deux garantira ainsi l'absence de prééminence de l'un des EPIC « filles » sur l'autre et préservera ainsi leur indépendance respective.

Cette architecture redonne aussi une unité sociale à la famille cheminote , que la séparation de 1997 a altérée. L'ensemble des salariés du groupe public ferroviaire répondant aux conditions requises pourront ainsi être embauchés au statut. Un comité de groupe sera créé à l'échelle du groupe public ferroviaire, et non dans chacun des établissements pris individuellement.

3. Le renforcement parallèle de l'ARAF

La constitution d'un groupe public intégré exige un renforcement parallèle du rôle du régulateur, afin qu'il n'y ait absolument aucun doute sur l'indépendance de SNCF Réseau dans l'exercice des fonctions essentielles . Ces mesures répondent aussi aux exigences posées par la directive 2012/34/UE.

Ce renforcement passe par une extension de ses missions, comme par une évolution de ses moyens et de son fonctionnement.

Dans ce domaine, le présent projet de loi fait passer son collège de sept membres, dont seul le président exerce son activité à plein temps, à cinq membres à temps complet .

Il introduit également un rapporteur chargé de l'instruction des recours effectués devant l'autorité, afin de séparer les fonctions d'instruction et de sanction.

Il renforce enfin les règles d'impartialité applicables à ses membres, avec l'interdiction qui leur est faite d'occuper une position professionnelle ou d'exercer une responsabilité au sein d'une entreprise entrant dans le champ de la régulation pendant une période minimale de trois ans après leur mandat, sous peine de sanctions pénales.

En tant que régulateur de l'accès au réseau, l'ARAF pourra s'opposer à la nomination du président de SNCF Réseau, si elle estime qu'il ne présente pas les garanties d'indépendance requises par la loi . Elle sera aussi chargée de rendre un avis sur les mesures d'organisation interne prises par SNCF Réseau pour prévenir tout risque de pratique discriminatoire à l'égard des entreprises ferroviaires . En revanche, le texte présenté par le Gouvernement à l'Assemblée prévoit une transformation de l'avis conforme de l'ARAF sur la tarification du réseau en avis motivé , ce qui correspond à un recul que l'Assemblée nationale a corrigé dès l'examen du texte en commission.

En parallèle, l'autorité se voit dotée d'une nouvelle mission, le contrôle de la trajectoire financière de SNCF Réseau . L'ARAF devra formuler un avis motivé sur le contrat conclu cet EPIC et l'État, qui définira cette trajectoire, ainsi que sur le projet de budget de l'EPIC ou encore sur le montant global des concours financiers devant lui être apportés pour chaque projet d'investissement dont la valeur excède un certain seuil.

4. La mise en place d'un nouvel espace de dialogue avec l'ensemble des parties prenantes : le Haut comité du ferroviaire

Le présent projet de loi crée une instance de dialogue avec l'ensemble des acteurs du système ferroviaire, le Haut comité du ferroviaire. Il permettra notamment de consulter les nouveaux entrants et de faire émerger une vision globale des enjeux du système ferroviaire.

Ce comité sera chargé d'élaborer une charte du réseau destinée à faciliter les relations entre les différentes parties prenantes du système ferroviaire.

5. L'élaboration d'un cadre social commun, garant d'une concurrence équitable entre les différents acteurs du système ferroviaire

Tirant les leçons de la libéralisation du fret, le présent projet de loi prévoit l'élaboration d'un cadre social commun à l'ensemble des salariés du secteur ferroviaire . L'objectif poursuivi est de permettre l'exercice d'une concurrence équitable entre les différents opérateurs et d'écarter tout risque de dumping social.

Une large place a été faite aux partenaires sociaux dans la définition de ce cadre commun , qui sera composé d'un décret-socle fixant les règles applicables à la durée du travail et d'une convention collective .

Le décret-socle se limitera à déterminer les règles applicables à la durée du travail indispensables pour garantir un haut niveau de sécurité des circulations, la continuité du service ainsi que la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs.

Au-delà de cette base réglementaire, les partenaires sociaux auront toute latitude pour fixer eux-mêmes les règles de travail qu'ils jugeront adaptées, dans le cadre d'une négociation collective menée par une commission mixte paritaire composée de représentants des employeurs et des salariés.

Cette nouvelle architecture ne remet pas en cause le statut des agents de la SNCF, auquel pourront désormais recourir les trois EPIC du groupe public ferroviaire .

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