PREMIÈRE PARTIE : LA LOI « FATCA », UN INSTRUMENT DE LUTTE CONTRE L'ÉVASION FISCALE DES CONTRIBUABLES AMÉRICAINS

I. UN DISPOSITIF UNILATÉRAL DEVENU UN ACCORD BILATÉRAL

A. UN INSTRUMENT À L'ORIGINE UNILATÉRAL ET EXTRATERRITORIAL

La loi « FATCA » (« Foreign Account Tax Compliance Act »), ou « loi relative au respect des obligations fiscales concernant les comptes étrangers », a été adoptée par les États-Unis le 18 mars 2010 dans le cadre du « Hire Act 2 ( * ) ». Destinée à lutter contre l'évasion fiscale des contribuables américains , cette loi impose un système d' échange automatique d'informations , plus efficace que l'échange à la demande qui régit actuellement la coopération fiscale entre les différents pays.

Concrètement, la loi FATCA fait obligation aux banques et établissements financiers du monde entier de transmettre de façon automatique à l'administration fiscale américaine, l'IRS ( Internal Revenue Service ), un certain nombre d'informations sur les revenus et les actifs des contribuables américains.

Le non-respect de cette obligation entraîne l'application d'une retenue à la source punitive de 30 % sur l'ensemble des flux financiers versés depuis les États-Unis sur les comptes susceptibles d'appartenir à des contribuables américains et qui n'ont pas apporté la preuve du contraire.

Ainsi la loi FATCA est-elle conçue à l'origine par les États-Unis comme un instrument à la fois extraterritorial et unilatéral : de fait, compte tenu de l'importance du marché américain pour les grandes banques étrangères, aucune ne peut se permettre de refuser la mise en oeuvre des dispositions de la loi. Un tel refus aurait pour conséquence de fermer à ces banques l'accès au marché bancaire américain.

Toutefois, les difficultés posées par le caractère unilatéral de la loi FATCA peuvent être réduites par la conclusion d'accords de nature intergouvernementale entre les États-Unis et leurs partenaires.

B. LA POSSIBILITÉ D'ACCORDS BILATÉRAUX

À la suite du vote de la loi FATCA, plusieurs États ont entrepris de conclure des accords bilatéraux avec les États-Unis afin de faciliter la mise en oeuvre de l'échange automatique et d'atténuer les contraintes pesant sur les établissements financiers. C'est notamment le cas des pays du « G5 » - France, Allemagne, Italie, Espagne, Royaume-Uni - qui voient dans ces accords bilatéraux la préfiguration d'un futur standard international.

La loi FATCA a donc changé de nature : à l'origine unilatérale et s'appliquant directement aux établissements financiers, est ainsi devenu un instrument bilatéral négocié sur la base d'accords entre États souverains . Une déclaration conjointe signée le 7 février 2012 par les États-Unis et les pays du G5 est venue entériner le principe de ces accords bilatéraux 3 ( * ) .

Ces accords intergouvernementaux peuvent être conclus selon deux modèles différents élaborés par le Trésor américain, dits « FATCA 1 » et « FATCA 2 ».

1. Le modèle « FATCA 1 » : centralisation et réciprocité

L'accord de type « FATCA 1 » présente deux caractéristiques principales :

1) Les informations sont centralisées et transmises par voie intergouvernementale : il appartient à l'État signataire, via son administration fiscale, de collecter les informations auprès de ses établissements financiers et de les transmettre ensuite aux États-Unis. Il s'agit donc d'une transmission indirecte , qui passe par une base de données centralisée. Cela constitue un système moins lourd et plus sécurisant pour les banques , l'obligation de transmission pesant sur elles étant supprimée ;

2) Les échanges d'informations sont réciproques : la réciprocité des transferts entre les États-Unis et les pays tiers est explicitement prévue par le modèle « FATCA 1 » et reprise dans les accords bilatéraux. Toutefois, cette réciprocité n'est pas complète , et ne comprend pas, notamment, le solde des comptes bancaires. Il s'agit d'un point restant à ce jour en suspens (cf. infra ).

À ce jour, la majorité des pays du monde a opté par une négociation d'accords bilatéraux conformes au modèle « FATCA 1 », notamment les membres du « G5 » européen mais aussi des pays ou territoires traditionnellement moins portés à lutter pour l'abolition du secret bancaire.

Les 34 pays signataires d'accords bilatéraux de type « FATCA 1 »
au 12 juillet 2014

Afrique du Sud (9 juin 2014) Iles vierges britanniques (30 juin 2014)

Allemagne (31 mai 2013) Irlande (23 janvier 2013)

Australie (28 avril 2014) Israël (30 juin 2014)

Belgique (23 avril 2014) Italie (10 janvier 2014)

Canada (5 février 2014) Jamaïque (1 er mai 2014)

Costa Rica (26 novembre 2013) Jersey (13 décembre 2013)

Danemark (19 novembre 2012) Lettonie (27 juin 2014)

Espagne (14 mai 2013) Lichtenstein (19 mai 2014)

Estonie (11 avril 2014) Luxembourg (28 mars 2014)

Finlande (5 mars 2014) Malte (16 décembre 2013)

France (14 novembre 2013) Maurice (27 décembre 2013)

Gibraltar (8 mai 2014) Mexique (9 avril 2014)

Guernesey (13 décembre 2013) Norvège (15 avril 2013)

Honduras (31 mars 2014) Nouvelle-Zélande (12 juin 2014)

Hongrie (4 février 2014) Pays-Bas (18 décembre 2013)

Ile de Man (13 décembre 2013) Royaume-Uni (12 septembre 2012)

Iles Caïman (29 novembre 2013) Slovénie (2 juin 2014)

Par ailleurs, au 12 juillet 2014, 55 États et territoires avaient donné leur accord de principe et ont engagé les négociations avec les États-Unis.

Source : United States Treasury. Entre parenthèses, la date de signature de l'accord bilatéral

2. Le modèle « FATCA 2 » : ni automatisme, ni réciprocité

L'accord de type « FATCA 2 » s'adresse aux pays qui refusent la levée immédiate du secret bancaire qu'impliquerait l'échange automatique d'informations. Ce modèle présente trois caractéristiques principales :

1) La transmission des informations est effectuée directement par les banques , sans passer par l'administration fiscale de leur pays 4 ( * ) ;

2) La transmission des informations n'est pas automatique : ainsi, la transmission des données individuelles n'a lieu qu'à condition d'obtenir le consentement exprès du client ; dans le cas contraire, la transmission n'a lieu que sous la forme de données agrégées . Ce n'est que dans un second temps que l'administration fiscale américaine peut demander, dans le cadre de demandes groupées de droit commun, la communication des données nominatives nécessaires à l'identification de certains clients non coopératifs - ces derniers sont alors informés de la procédure les visant et conservent un droit de recours dans les conditions du pays où sont hébergés les comptes ;

3) L'accord ne prévoit pas de réciprocité de la part des États-Unis : les échanges d'informations se font donc à sens unique, comme prévu par la loi FATCA telle qu'adoptée par le Congrès américain en 2010.

Au 12 juillet 2014, seuls cinq pays avaient conclu un accord sur ce modèle : la Suisse, le Japon, les Bermudes, le Chili et l'Autriche 5 ( * ) .

L'exemple de la Suisse

L'accord-cadre pour la mise en oeuvre de la loi FATCA entre la Suisse et les États-Unis a été signé à Berne le 14 février 2013 , les données devant être collectées par les banques et autres établissements financiers à partir du 1 er juillet 2014.

Cet accord prévoit une transmission des données directement par les banques, sous réserve de l'accord exprès du titulaire du compte, et sans réciprocité de la part des États-Unis. En cas de refus du client, les données ne sont transmises que de manière agrégée . Il appartient ensuite aux États-Unis d'obtenir les informations nominatives dans le cadre des procédures d'échange à la demande de droit commun.

Surtout, aux termes du modèle « FATCA 2 », les banques suisses sont dispensées de signaler nommément leurs clients américains non coopératifs, de fermer leurs comptes ou encore de prélever la taxe punitive de 30 % . Par ailleurs, l'accord prévoit des exemptions pour les établissements financiers ayant une clientèle locale ou régionale, les gérants de fortune, ou entre les assurances sociales et caisses de pension.

Ces assouplissements aboutissent à un compromis largement favorable aux banques helvétiques .

Malgré tout, l'accord a suscité de fortes réserves en Suisse , dont témoignent les prises de position de la place de Genève ou encore la pétition « STOP FATCA » lancée en octobre 2013 en vue d'organiser un référendum sur le sujet. Si celle-ci n'a pas obtenu le nombre de signatures nécessaire, il faut toutefois signaler qu'une réponse positive aurait eu pour conséquence un retour au « FATCA » unilatéral.


* 2 Le « Hire incentives to restore employment act » , ou « Hire Act », comprend un ensemble de dispositifs législatifs destinés à favoriser la création d'emplois aux États-Unis.

* 3 Joint statement from the United States, France, Germany, Italy, Spain and the United Kingdom regarding an intergovernmental approach to improving international tax compliance and implementing FATCA.

* 4 L'administration fiscale de l'État cocontractant reste néanmoins responsable de la bonne application de l'accord à l'égard des États-Unis.

* 5 Date de signature des accords avec les États-Unis : le 14 février 2013 (Suisse), le 11 juin 2013 (Japon), le 19 décembre 2013 (Bermudes), le 5 mars 2014 (Chili) et le 29 avril 2014 (Autriche). Par ailleurs, huit autres pays ont engagé des négociations pour un accord « FATCA 2 » : l'Arménie, Hong Kong, l'Irak, le Nicaragua, la Moldavie, le Paraguay, Saint-Marin et Taïwan.

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