Rapport n° 765 (2013-2014) de M. Yves DAUDIGNY , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 22 juillet 2014

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N° 765

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 juillet 2014

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE , de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 ,

Par M. Yves DAUDIGNY,

Sénateur,
Rapporteur général.

(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Yves Daudigny , rapporteur général ; M. Jacky Le Menn, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Alain Milon, Mme Isabelle Debré, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Gilbert Barbier, Mme Catherine Deroche , vice-présidents ; Mmes Claire-Lise Campion, Aline Archimbaud, MM. Marc Laménie, Jean-Noël Cardoux , secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Paul Amoudry, Mmes Françoise Boog, Patricia Bordas, Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mmes Muguette Dini, Anne Emery-Dumas, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Mme Samia Ghali, M. Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Gérard Longuet, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, MM. Louis Pinton, Hervé Poher, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Henri de Raincourt, Didier Robert, Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. François Vendasi, Michel Vergoz, Dominique Watrin .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

Première lecture : 2044 , 2058 , 2061 et T.A. 375

Nouvelle lecture : 2154 , 2160 et T.A. 384

Sénat :

Première lecture : 689 , 701 , 703 et 157 (2013-2014)

Commission mixte paritaire : 755 et 756 (2013-2014)

Nouvelle lecture : 762 (2013-2014)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le texte adopté par l'Assemblée nationale et transmis au Sénat en première lecture comprenait 22 articles.

Réunie le 9 juillet 2014, votre commission des affaires sociales a donné un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi après avoir adopté deux amendements relatifs, à l'article 2, à la réduction forfaitaire de cotisations applicable aux particuliers employeurs et, à l'article 3, à l'intitulé du rapport demandé par l'Assemblée nationale sur l'adossement financier du régime social des indépendants au régime général.

Au cours de sa séance du mercredi 16 juillet 2014, après avoir supprimé l'article liminaire, le Sénat est revenu, à l'article 2, au texte du Gouvernement en neutralisant, pour le calcul des allègements de cotisations, la part de rémunération correspondant aux temps de pause d'habillage et de déshabillage dans les entreprises ayant conclu un accord collectif étendu avant le 1 er octobre 1997 ; il a adopté les deux amendements présentés par le rapporteur général au nom de la commission des affaires sociales. Il a adopté l'ensemble des articles de la première partie ainsi modifiés, complétés d'un article additionnel avant l'article premier relatif aux franchises applicables au transport de tabac.

Parvenu au terme de l'examen des articles de première partie, le Sénat a procédé à une seconde délibération demandée par le Gouvernement qui a déposé, sur les articles 1 er A et 2, trois amendements visant à supprimer les dispositions relatives aux franchises applicables au transport de tabac, à la réduction de cotisations applicables aux salariés à domicile et à la neutralisation des temps de pause pour le calcul des allègements de cotisations.

La commission a donné un avis défavorable aux deux premiers amendements du Gouvernement et un avis favorable au troisième.

Le Gouvernement ayant demandé un vote unique sur ces amendements de seconde délibération et l'ensemble de la première partie, le Sénat n'a pas adopté la première partie du projet de loi de financement rectificative pour 2014. Il n'a par conséquent pas été en mesure de poursuivre la discussion du texte.

A la suite du rejet par le Sénat du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 le 16 juillet dernier puis de l'échec de la commission mixte paritaire réunie le 17 juillet, l'Assemblée nationale était saisie en nouvelle lecture de ce projet de loi dans le texte qu'elle avait adopté en première lecture. Elle a procédé à son examen lors de sa séance du 21 juillet.

Sur les recettes, l'Assemblée nationale a repris son texte de première lecture enrichi d'un amendement présenté par notre collègue Gérard Bapt, relatif à la réduction forfaitaire de cotisations applicable aux particuliers-employeurs.

En matière de dépenses, l'Assemblée nationale a maintenu l'ensemble des articles qu'elle avait adoptés en première lecture.

Elle a principalement adopté des amendements rédactionnels ou de précision.

*

* *

La commission des affaires sociales s'est réunie le 22 juillet 2014 pour l'examen en nouvelle lecture du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014. Le rapporteur général a proposé un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi de financement dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale. A la suite d'un partage des voix, la commission n'a pas adopté les conclusions du rapporteur général.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L'ÉQUILIBRE GÉNÉRAL POUR 2014 (PREMIÈRE PARTIE)

Lors de la nouvelle lecture de ce texte, l'Assemblée nationale a modifié trois des huit articles composant la première partie du projet de loi de financement.

Elle a adopté l'article liminaire et l'article 1 er sans modification.

Votre rapporteur général tient à mettre l'accent sur trois des treize amendements déposés par notre collègue Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales, qui prennent en considération, malgré l'échec de la commission mixte paritaire, les travaux du Sénat sur la première partie du texte.

A l'article 2 , sur proposition de Gérard Bapt, l'Assemblée nationale a porté à 1,5 euro la réduction forfaitaire de cotisations par heure travaillée pour les particuliers employeurs. Cette réduction est applicable, comme l'avait souhaité votre commission, au 1 er septembre 2014. Pour ne pas encourir les reproches adressés par le Gouvernement en séance au Sénat de soutenir ainsi l'emploi de professeurs de claquettes ou de « coachs » à domicile, notre collègue a limité cette augmentation aux salariés « employés pour des services destinés aux enfants, aux personnes âgées dépendantes et aux personnes handicapées ». Un sous-amendement a précisé qu'il s'agissait de services de garde d'enfant et la ministre a précisé que les personnes faiblement dépendantes seraient concernées au premier chef par cette réduction, dans une logique de prévention.

Votre rapporteur général se félicite, tout d'abord, de cette évolution qui a rendu possible à l'Assemble nationale ce qui ne l'était pas au Sénat.

Il partage l'analyse selon laquelle, plutôt que de supprimer une niche fiscale et sociale au motif qu'elle profite - de façon sans doute marginale - à certains emplois que l'on pourrait qualifier d'« exotiques », il conviendrait de mieux définir les emplois auxquels elle s'applique. La liste de ces emplois est définie par le code du travail et relève du pouvoir règlementaire.

Dans ce dossier des particuliers-employeurs, deux logiques sont à l'oeuvre.

Une logique de soutien aux publics fragiles, d'une part, qui est largement satisfaite par l'amendement adopté par l'Assemblée nationale, dans l'attente des précisions que le Gouvernement apportera par décret.

Une logique de reconquête de l'emploi déclaré et de développement de l'emploi à domicile d'autre part.

Sur ce point, l'amendement adopté par l'Assemblée nationale ne répond que partiellement aux objectifs et met en place un dispositif qui paraît complexe. Comment contrôler en effet, l'écart de réduction de cotisations entre la garde d'enfants et le soutien scolaire à ces mêmes enfants ou encore l'entretien du domicile de cette même famille ?

Aussi il est vraisemblable que la disposition adoptée par l'Assemblée nationale - et que soutient votre rapporteur général - a vocation à être temporaire.

Il est souhaitable que le Gouvernement engage une redéfinition des emplois éligibles à la déduction forfaitaire avant d'unifier son taux.

Sous le bénéfice de ces observations, votre rapporteur général suggère, alors que le secteur de l'emploi à domicile est confronté à ce que l'on peut analyser comme une sous-déclaration devenue massive des heures travaillées, d'engranger l'avancée obtenue à l'Assemblée nationale dans l'attente d'une refonte plus globale du dispositif.

A ce même article 2 l'Assemblée nationale a adopté trois amendements rédactionnels ou de coordination. Reprenant le texte adopté en 1 ère lecture, elle a rétabli l'intégration de la rémunération correspondant aux temps de pause, d'habillage et de déshabillage dans la rémunération prise en compte pour le calcul des exonérations.

A l'article 3 , l'Assemblée nationale, sur proposition de notre collègue Gérard Bapt, a modifié l'intitulé du rapport demandé par l'Assemblée nationale sur « l'impact de la suppression à l'horizon 2017 de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés sur le financement du régime social des indépendants et précisant les conséquences de l'intégration financière de ce régime au régime général ». Cet intitulé est conforme à ce que votre commission avait adopté en première lecture à l'initiative de votre rapporteur général.

L'Assemblée nationale a adopté l'article 4 sans modification.

A l'article 5 , elle a adopté un amendement, présenté par le Gouvernement, tirant les conséquences, sur le tableau d'équilibre de l'ensemble des régimes obligatoires de base et sur celui du régime général, des décisions prises par l'Assemblée nationale.

Cet amendement dégrade le solde de la branche famille et celui du régime général de 100 millions d'euros.

Les tableaux rectifiés sont les suivants.


Pour l'ensemble des régimes obligatoires de base :

(en milliards d'euros)

Prévisions
de recettes

Objectifs
de dépenses

Solde

Maladie

186,9

193,0

- 6,1

Vieillesse

219,0

220,7

- 1,7

Famille

56,5

59,2

- 2,8

Accidents du travail
et maladies professionnelles

13,6

13,2

0,4

Toutes branches
(hors transferts entre branches)

462,9

473,0

- 10,1

Pour le régime général :

(en milliards d'euros)

Prévisions
de recettes

Objectifs
de dépenses

Solde

Maladie

162,7

168,8

- 6,1

Vieillesse

115,7

117,0

- 1,3

Famille

56,5

59,2

- 2,8

Accidents du travail et maladies professionnelles

12,1

11,8

0,3

Toutes branches
(hors transferts entre branches)

334,9

344,7

- 9,8

Elle a adopté l'article 6 sans modification.

A l'article 7 , elle a modifié les tableaux figurant à l'annexe A et retraçant, au niveau agrégé, puis détaillé, les soldes annuels du régime général, du FSV et de l'ensemble des régimes de base.

Au niveau agrégé, les soldes modifiés sont les suivants :

(en milliards d'euros)

2013

2014

2015

2016

2017

Solde du régime général

- 12,5

- 9,8

- 7,1

- 3,0

1,5

Solde du régime général et du FSV

- 15,4

- 13,3

- 8,9

- 4,5

0,7

Solde tous régimes de base et FSV

- 16,2

- 13,6

- 9,3

- 5,2

- 0,3

Le détail, en recettes, en dépenses et les soldes du régime général sont les suivants :

(en milliards d'euros)

2014

2015

2016

2017

Maladie

Recettes

162,7

167,7

173,6

179,9

Dépenses

168,8

172,6

176,2

179,8

Solde

- 6,1

- 4,9

- 2,7

0,1

Accidents du travail/Maladies professionnelles

Recettes

12,1

12,6

13,1

13,7

Dépenses

11,8

11,9

12,1

12,3

Solde

0,3

0,7

1,0

1,4

Famille

Recettes

56,5

57,8

59,6

61,5

Dépenses

59,2

60,0

61,1

62,4

Solde

- 2,8

- 2,2

- 1,5

- 0,9

Vieillesse

Recettes

115,7

119,2

124,4

129,4

Dépenses

117,0

120,0

124,3

128,5

Solde

- 1,3

- 0,8

0,1

0,9

Toutes branches consolidées

Recettes

334,9

344,9

357,9

371,2

Dépenses

344,7

352,0

360,9

369,7

Solde

- 9,8

- 7,1

- 3,0

1,5

Pour l'ensemble des régimes obligatoires de base, les recettes, dépenses et soldes corrigés sont les suivants :

(en milliards d'euros)

2014

2015

2016

2017

Maladie

Recettes

186,9

192,3

198,6

205,5

Dépenses

193,0

197,2

201,3

205,4

Solde

- 6,1

- 4,9

- 2,7

0,1

Accidents du travail/Maladies professionnelles

Recettes

13,6

14,0

14,5

15,1

Dépenses

13,2

13,3

13,5

13,7

Solde

0,4

0,7

1,1

1,4

Famille

Recettes

56,5

57,8

59,6

61,5

Dépenses

59,2

60,0

61,1

62,4

Solde

- 2,8

- 2,2

- 1,5

- 0,9

Vieillesse

Recettes

219,0

224,6

232,6

240,2

Dépenses

220,7

225,8

233,2

240,4

Solde

- 1,7

- 1,2

- 0,6

- 0,2

Toutes branches consolidées

Recettes

462,9

475,3

491,6

508,2

Dépenses

473,0

482,9

495,3

507,7

Solde

- 10,1

- 7,5

- 3,7

0,5

L'Assemblée nationale a adopté a adopté l'article 8 sans modification.

II. LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES POUR 2014 (DEUXIÈME PARTIE)

L'Assemblée nationale a maintenu le texte des articles de deuxième partie sous réserve de quelques amendements de coordination ou rédactionnels.

Onze articles ont été adoptés sans aucune modification.

Aux articles 9 bis et 9 sexies , l'Assemblée nationale a adopté des amendements rédactionnels.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 22 juillet, sous la présidence de M. Jacky Le Menn, vice-président, la commission procède à l'examen, en nouvelle lecture, du rapport sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014, dont M. Yves Daudigny est le rapporteur général.

M. Jacky Le Menn, vice-président . - Nous examinons aujourd'hui, en deuxième lecture, le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, après l'échec de la CMP.

M. Yves Daudigny, rapporteur général . - L'Assemblée nationale a repris hier en nouvelle lecture l'essentiel du texte qu'elle avait adopté en première lecture. Trois des treize amendements déposés sur la partie recettes par le rapporteur Gérard Bapt tiennent cependant compte du travail du Sénat sur la première partie du texte ; j'y suis sensible.

Le premier, à l'article 2, fixe à 1,50 euro la réduction forfaitaire de cotisations par heure travaillée pour les particuliers employeurs de salariés « employés pour des services destinés aux enfants, aux personnes âgées dépendantes et aux personnes handicapées. » Il fallait échapper au reproche qui nous avait été adressé en séance par le Gouvernement de soutenir l'emploi de professeurs de claquettes et de coachs à domicile... Un sous-amendement de Martine Pinville a précisé qu'il s'agit de garde d'enfant et la ministre des affaires sociales et de la santé a indiqué que les personnes faiblement dépendantes seraient concernées, dans une logique de prévention. Je me félicite que ce qui n'était pas possible au Sénat le soit devenu à l'Assemblée...

Mme Muguette Dini . - Tout à fait !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Faire et défaire, c'est toujours travailler.

M. Yves Daudigny, rapporteur général . - Plutôt que de supprimer cette niche fiscale et sociale au motif qu'elle profite sans doute marginalement à certains cas exotiques, il serait préférable de mieux définir les emplois auxquels elle s'applique - dans la partie réglementaire du code du travail.

Deux logiques sont à l'oeuvre : le soutien aux personnes fragiles, que l'amendement adopté par l'amendement de l'Assemblée nationale satisfait, en attendant les précisions que le Gouvernement apportera par décret ; la reconquête de l'emploi déclaré et le développement de l'emploi à domicile, auxquels il ne répond que partiellement : comment contrôler l'écart de réduction entre la garde et le soutien scolaire des mêmes enfants ? Vraisemblablement, cette disposition - que je soutiens - sera temporaire.

Il est souhaitable que le Gouvernement engage un travail sur les emplois éligibles avant d'unifier le taux. Si un emploi relève plus du confort que de la nécessité, pourquoi le faire bénéficier de la réduction, fût-elle de moitié ? Mieux vaudrait écarter ceux qui doivent l'être et appliquer aux autres un régime unique.

Il semble que nos collègues aient obtenu du Gouvernement le maximum : engrangeons cette avancée, qui n'aurait pas été possible sans le travail du Sénat. Remercions aussi Gérard Bapt d'avoir repris au moins partiellement notre initiative - ce n'est pas si courant...

A l'article 2, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements rédactionnels et un amendement de coordination pour Mayotte. Les deux autres amendements à signaler clarifient, à l'article 3, dans le sens proposé par notre commission, la rédaction de l'intitulé du rapport sur les conséquences de l'adossement financier du régime social des indépendants au régime général. Elle a adopté un amendement rédactionnel à l'article 3 ; à l'article 5, un amendement adaptant l'article d'équilibre en conséquence de la suppression du gel des aides au logement décidée en première lecture ; à l'article 7, des amendements de coordination.

Sur la partie relative aux dépenses, que nous n'avons malheureusement pas pu examiner en séance, l'Assemblée nationale a maintenu son texte de première lecture, adoptant des amendements rédactionnels ou de précision aux articles 9 bis, 9 quater et 9 sexies.

Je vous propose donc de donner un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale.

M. René-Paul Savary . - Je suis sidéré par la façon dont les choses se passent : la baisse des charges sociales est insuffisante pour maintenir ou créer des emplois à domicile, les premiers relevés de 2014 le montrent. Les demi-mesures produisent logiquement des demi-résultats ! Je suis d'accord avec notre rapporteur général, soit les emplois sont éligibles et il faut les alléger de 1,50 euro, soit ils ne le sont pas et il ne faut pas les alléger, même de 0,75 euro. Le Gouvernement a cette responsabilité. La baisse des charges pour les prestations aujourd'hui éligibles seraient un signe de respect pour les travaux du Sénat. Elle inciterait surtout à l'embauche ou à la déclaration. C'est pourquoi nous déposons un amendement généralisant la baisse de 1,50 euro. Le coût budgétaire  ne serait pas exorbitant : 40 millions d'euros supplémentaires, à mettre en rapport avec le surcroît de recettes. M. Eckert dit ne pas comprendre notre discussion, puisque des déductions fiscales existent déjà : ne nous engageons pas sur ce terrain, car la question n'est pas là. Il s'agit de charges sociales, dont la diminution diminue le coût des emplois pour tout le monde.

M. Dominique Watrin . - Félicitons-nous tout de même de la prise en compte de notre initiative à l'article 2. Le vote unanime du Sénat a été efficace ! Nous soutenons la recommandation du rapporteur général de préciser réglementairement les emplois éligibles. L'aide à la personne est en crise, comme Jean-Marie Vanlerenberghe et moi-même l'avons montré dans un rapport ; elle a besoin de mesures urgentes, concernant les associations et les entreprises autant que les particuliers employeurs. Je ne comprends pas l'attitude du Gouvernement, qui nous impose un vote bloqué avec un niet définitif, pour quelques jours après se montrer conciliant avec l'Assemblée nationale. Ce n'est pas très respectueux du Sénat.

Mme Catherine Génisson . - C'est scandaleux !

M. Dominique Watrin . - Pour autant, nous craignons que les salariés et les ménages paient les largesses que le Gouvernement accorde aux entreprises sous la forme d'exonérations massives dont l'utilité est loin d'être prouvée... Nous maintiendrons donc un vote négatif.

Mme Muguette Dini . - Je n'arrive pas à comprendre comment on peut être aussi illogique sur la question des particuliers employeurs : deux mesures, l'une d'un gouvernement de droite, l'autre de gauche, ont fait perdre des déclarations - plus que des emplois, qui perdurent - au détriment des salariés et de la sécurité sociale. Rétablir la réduction de 1,5 euro sécuriserait l'employeur, qui reviendrait à l'emploi déclaré. Il y a certes des excès, mais ne dressons pas de liste maintenant : le ministère pourra le faire au prochain budget. Qui peut distinguer confort et nécessité ? Un jeune couple, dont les enfants vont à la crèche dans la journée, confiant son ménage ou son repassage à un employé, cède-t-il au confort ?

M. René-Paul Savary . - Il le fait pour avoir un peu de temps pour s'occuper de ses enfants !

Mme Muguette Dini . - Ces demi-mesures sont aberrantes.

Mme Catherine Procaccia . - Bravo !

Mme Laurence Cohen . - Le secrétaire d'Etat au budget a été particulièrement méprisant avec le Sénat : notre proposition unanime, issue d'un travail important, a été prise avec dédain, accréditant l'idée que le Sénat ne sert à rien. En voyant ce feuilleton à répétition, les citoyens ne voient plus dans le Sénat qu'un empêcheur de tourner en rond. C'est grave pour la démocratie. Merci au rapporteur général d'avoir gardé un esprit de responsabilité.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - L'objet du mépris du Gouvernement, c'est moins le Sénat que le Parlement. C'est incohérent, illogique : mais que peut-on faire, sinon changer de République, ce qui n'est pas directement en notre pouvoir ? Notre vote unanime a été bafoué, mais le Gouvernement joue aussi avec l'Assemblée nationale. La solution retenue est une demi-mesure. Le rapporteur général a raison de suggérer au Gouvernement de revoir la liste réglementaire des prestations. Comment distinguer confort et nécessité ? J'ai entendu ce matin le secrétaire d'État chargé de la réforme de l'État et de la simplification : il ferait bien de commencer par réformer la manière d'agir du Gouvernement !

M. Gérard Roche . - Ce qui s'est passé à la CMP est très fort : notre unanimité a impressionné les députés et les a poussés à faire ce pas dans notre sens. Une vieille femme aura un allègement si elle paie quelqu'un pour faire ses courses, non si elle se fait aider pour fendre son bois, puisque ce qui n'est pas prévu est considéré comme de confort... La reprise de 30 000 à 40 000 emplois compensera par les recettes induites la perte budgétaire.

L'article 2 ne doit cependant pas être l'arbre qui cache la forêt ; derrière se trouve le pacte de responsabilité et de solidarité. Nous avions ainsi décidé de voter la première partie, nous réservant de voter contre la seconde. Finalement nous préférons voter contre en bloc après ce qui s'est passé. Le Gouvernement a présenté ce projet de loi sans étude d'impact ; lors de la discussion au Sénat, à minuit, il a fait un caprice qui a gêné nos collègues socialistes eux-mêmes. Il y a là une maladresse insigne, car nous avions travaillé pendant un jour et demi au-delà des clivages politiques... Si pour être un Parlement moderne, il faut devenir une chambre d'enregistrement, alors restons ringards !

Mme Michelle Meunier . - L'injustifiable ne peut être justifié : comme le groupe socialiste, je me sens défaite. Je partage les propos de nos collègues. Quant au vote, je suivrai l'avis du rapporteur général.

Mme Catherine Procaccia . - Il y a plusieurs années, j'avais demandé au gouvernement d'alors de revenir sur cette liste de vingt-cinq fonctions ouvrant droit à déduction, et dont certaines relèvent sans doute du confort. Or elle n'a jamais été modifiée, sinon à la marge. Et nous créons une nouvelle distinction ! Si j'embauche une femme de ménage parce que je me suis cassé la jambe, devrai-je produire un justificatif ? C'est ouvrir la voie à des jurisprudences, à de nouveaux problèmes avec l'administration, qui comme toujours, fait ce qu'elle veut - là est le fond du problème.

M. Dominique Watrin . - La notion de confort n'est pas dans le texte, me semble-t-il.

Mme Muguette Dini . - Dans la lettre non, mais dans l'esprit.

M. Yves Daudigny, rapporteur général . - Je soutiens le Gouvernement sur l'essentiel du projet de loi de financement rectificative : allègements de charges pour les entreprises et les salariés et gel de certaines prestations pour équilibrer les budgets. Sur les employeurs particuliers, j'ai le même avis que la semaine dernière. C'est moi, effectivement, qui parle de confort : un autre mot serait peut-être meilleur. Reste qu'il faudrait éliminer de la liste certaines fonctions qui empoisonnent le débat.

Mme Catherine Procaccia . - Oui. Mais cela est du domaine réglementaire !

M. Yves Daudigny, rapporteur général . - Je souhaite marier la cohérence et le pragmatisme, voyant que l'Assemblée nationale a repris en partie notre démarche. C'est pourquoi je ne dépose pas d'amendement, sachant en outre que la rédaction n'ira pas jusqu'au bout - dans le cas contraire, peut-être l'aurais-je fait... Nous rejouons une pièce de théâtre avec des acteurs inchangés et en connaissant le dénouement.

Mme Catherine Procaccia . - Mais nous pouvons le faire, nous.

M. Yves Daudigny, rapporteur général . - Bien sûr. Il y a effectivement un problème dans le fonctionnement des institutions, quels que soient les gouvernements en place. Tant que nous n'aurons pas trouvé de solution, des situations comme celles de la semaine dernière se reproduiront.

M. Jacky Le Menn . - Je voterai ce texte ce texte pour son économie globale, mais je partage les remarques qui ont été faites. Cet amendement voté à l'unanimité était de bon sens. Je rappelle que les amendements de séance peuvent être déposés jusqu'à l'ouverture de la discussion générale.

A la suite d'un partage des voix, la commission n'a pas adopté les conclusions du rapporteur général qui lui proposait de donner un avis favorable à l'adoption du projet de loi dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale.

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