B. LES PROGRÈS DE L'ÉCHANGE D'INFORMATIONS

1. Un échange à la demande conforme au standard le plus récent

Outil majeur de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, l'échange de renseignements entre administrations fiscales peut reposer, d'une manière générale, sur trois types d'instruments juridiques :

- l'assistance administrative bilatérale , sur la base des conventions fiscales conclues par la France qui reprennent les principes de l'article 26 du modèle défini en 2010 par l'OCDE, ou sur la base d'accords spécifiques d'échange de renseignements (« Tax Information Exchange Agreements », ou TIEA), d'après le modèle défini en 2002 par l'OCDE ;

- un instrument multilatéral, à savoir la convention de l'OCDE concernant l'assistance administrative mutuelle, entrée en vigueur le 1 er avril 2002, qui couvre les pays avec lesquels la France n'a pas signé d'accord bilatéral ;

- le droit de l'Union européenne , en l'espèce la directive épargne de 2003 et la directive sur la coopération administrative de 2011, pour les vingt-huit États membres de l'Union.

L'article 27 du présent accord vise à actualiser les stipulations relatives à l'échange d'informations entre la France et la Chine, en conformité avec le dernier modèle de l'OCDE . Il s'agit d'une procédure d'échange « à la demande », c'est-à-dire qu'il appartient à l'administration requérante de formuler, au cas par cas, des demandes concernant précisément certaines personnes physiques ou morales à l'administration l'autre État contractant. Le nouvel accord améliore la clause existante de deux manières :

- d'une part, l'échange de renseignements est étendu à tous les impôts , et non plus aux seuls impôts visés par l'accord, comme c'était le cas dans la convention de 1984 ;

- l'État « requis » ne peut refuser de transmettre les informations demandées au motif qu'il n'en a pas besoin à ses propres fins fiscales (paragraphe 4), ou au motif que ces renseignements sont détenus par une banque, un autre établissement financier , un mandataire ou une personne agissant en tant qu'agent ou fiduciaire, ou parce que ces renseignements se rattachent au droit de propriété d'une personne (paragraphe 5). Il s'agit ainsi d' empêcher que l'interposition de personnes ou de dispositions juridiques fasse obstacle à l'échange de renseignements.

Toutefois, d'après les informations transmises à votre rapporteur, la clause relative à l'échange d'informations actuellement en vigueur permet déjà une coopération fiscale de bonne qualité avec la Chine, qui répond de manière satisfaisante et suffisamment rapide aux demandes françaises . C'est également l'appréciation portée par le Forum mondial de l'OCDE, qui juge la Chine « conforme » tant en ce qui concerne son cadre législatif (phase 1 de l'examen) que sa pratique effective (phase 2) 43 ( * ) .

Dès lors, l'actualisation de cette clause prévue par la nouvelle convention ne devrait pas modifier substantiellement la coopération existant entre les deux pays . Votre rapporteur observe toutefois que la ville de Hong Kong par laquelle transitent de nombreux flux financiers, est seulement jugée « partiellement conforme » par le Forum mondial en ce qui concerne la phase 2 de l'examen 44 ( * ) .

2. Le long chemin vers l'échange automatique

En dépit des améliorations apportées par les modèles successifs de l'OCDE, la procédure de l'échange à la demande souffre d'importantes faiblesses structurelles . D'abord, elle suppose par définition d'avoir une connaissance a priori des flux et des actifs suspects, puisque la demande doit être faite au cas par cas. Ensuite, elle est totalement dépendante de la bonne volonté des États partenaires , qui n'est pas toujours constatée 45 ( * ) .

Le remède à ces faiblesses réside essentiellement dans le passage à l'échange automatique d'informations fiscales , qui ne requiert plus ni connaissance préalable des comptes bancaires, ni bonne volonté particulière de la part des États partenaires. La France s'est donc résolument engagée en faveur du développement de l'échange automatique, à l'échelle de l'Union européenne comme au niveau multilatéral.

a) Les initiatives américaine et européenne

Le pas décisif vers l'échange automatique est cependant à mettre au crédit des États-Unis : adoptée par le Congrès 18 mars 2010, la loi « FATCA » Foreign Account Tax Compliance Act » 46 ( * ) ), fait obligation aux banques et établissements financiers du monde entier de transmettre de façon automatisée à l'administration fiscale américaine les informations dont ils disposent sur les contribuables américains , sous peine d'une retenue à la source dissuasive de 30 %. Aucune grande banque ne pouvant prendre un tel risque, l'échange automatique est devenu une réalité.

À l'initiative de la France et de ses principaux partenaires européens, la loi FATCA, à l'origine unilatérale et extraterritoriale, est devenue un instrument bilatéral négocié sur la base d'accords entre États souverains destinés à minimiser les contraintes techniques et les incertitudes juridiques pesant sur les établissements financiers. L'accord entre la France et les États-Unis a ainsi été signé le 14 novembre 2013 - même si la question de la réciprocité complète des échanges reste posée, comme l'a montré dans son rapport notre collègue Michèle André 47 ( * ) .

La loi FATCA a permis de faire passer l'échange automatique de la rhétorique des instances internationales à la réalité des administrations fiscales. Dans le sillage de FATCA, des avancées notables ont eu lieu au niveau européen d'une part, et au niveau international d'autre part .

Au niveau de l'Union européenne , l'initiative prise en 2013 par cinq États membres 48 ( * ) , dont la France, a permis d'engager la révision des deux directives sur lesquelles repose l'échange d'informations, dont l'une a fait l'objet d'un accord :

- la directive 2003/48/CE du Conseil du 3 juin 2003 sur la fiscalité de l'épargne, dite « directive épargne » , prévoit d'ores et déjà un mécanisme d'échange automatique, mais celui-ci est à ce jour limité aux revenus perçus sous forme d'intérêts par les non-résidents. Suite à la levée du veto du Luxembourg et de l'Autriche 49 ( * ) , le Conseil a adopté la version révisée de la directive épargne le 24 mars 2014, désormais élargie à d'autres catégories de revenus , notamment les revenus d'assurance-vie, les revenus des fonds de placement, et les revenus perçus via l'interposition d'une structure juridique faisant obstacle à l'application de la directive - c'est-à-dire, pour l'essentiel, les fiducies, les trusts et les fondations. Les nouvelles règles devront être transposées d'ici au 1 er janvier 2016 ;

- la directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 sur la coopération administrative dans le domaine fiscal prévoit le passage à l'échange automatique d'informations à partir du 1 er janvier 2015, mais seulement pour cinq catégories de revenus : revenus professionnels, jetons de présence, produits d'assurance-vie 50 ( * ) , pensions, propriété et revenus de biens immobiliers. La proposition de révision faite par la Commission le 12 juin 2013 consiste à étendre cette obligation aux dividendes, aux plus-values, aux autres revenus financiers et surtout au solde des comptes . Il s'agit aussi de supprimer la clause de « disponibilité » des informations, qui prévoit que les États requis ne sont pas tenus de transmettre les informations demandées si celles-ci ne figurent pas dans leurs dossiers fiscaux ou ne peuvent être consultées conformément aux procédures en vigueur.

Les ministres des finances de l'Union européenne ont confirmé, lors de leur réunion du 14 octobre 2014, leur volonté de parvenir à la révision de la directive sur la coopération administrative d'ici septembre 2017 , afin de la mettre en conformité avec le standard de l'OCDE 51 ( * ) .

b) Vers un standard mondial applicable à la coopération entre la France et la Chine ?

Au niveau international, l'OCDE a élaboré un nouveau standard d'échange automatique d'informations , destiné à remplacer l'actuel article 26 du modèle de convention fiscale. Adopté le 17 janvier 2014 et présenté aux ministres des finances du G20 réunis à Sydney les 22 et 23 février 2014, le standard doit encore être précisé par des spécifications techniques, en vue d'une mise en oeuvre effective à partir de l'année 2015 , du moins si l'engagement pris par les chefs d'État et de Gouvernement lors du G20 de Saint-Pétersbourg des 5 et 6 septembre 2013 est tenu.

La fin effective du secret bancaire devrait toutefois attendre l'hypothétique renégociation de chacun des accords bilatéraux conclus sur le modèle actuel de l'OCDE - ce qui prendra plusieurs années.

Le 29 octobre 2014, quarante-neuf pays, dont tous les membres de l'OCDE et du G20, ont signé à Berlin l'Accord multilatéral entre autorités compétentes élaboré par l'OCDE, concrétisant leur engagement à mettre en oeuvre l'échange automatique d'ici septembre 2017. Au total, quatre-vingt-treize pays, dont la Chine, se sont engagés à passer à l'échange automatique d'ici 2018 . La généralisation de l'échange automatique sera suivie par le Forum mondial de l'OCDE , qui devrait en faire l'un de ses critères d'évaluation 52 ( * ) .

Dans l'attente de la généralisation de l'échange automatique, la nouvelle convention entre la France et la Chine, négociée avant la présentation du nouveau standard de l'OCDE, continuera à s'appliquer . Votre rapporteur souligne qu'il s'agit là d'une situation satisfaisante, compte tenu des avancées qu'elle permet en comparaison de la convention de 1984, et compte tenu de la bonne qualité de la coopération franco-chinoise.


* 43 Source : rapport annuel 2013 du Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales de l'OCDE.

* 44 Source : rapport annuel 2013 du Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales de l'OCDE.

* 45 À titre d'exemple, l'insuffisance des réponses fournies par Jersey, les Bermudes et les Iles Vierges britanniques - sur 100 réponses reçues en 2012, 75 étaient insatisfaisantes - ont conduit le Gouvernement à décider de leur inscription sur la liste des « États et territoires non coopératifs » (ETNC) au titre de l'année 2013, par l'arrêté du 21 août 2013. Compte tenu des engagements pris, Jersey et les Bermudes ont toutefois été retirés de la liste des ETNC pour l'année 2014, en vertu de l'arrêté du 17 janvier 2014. Prévue par l'article 238-0 A du code général des impôts, la liste des ETNC implique des mesures de rétorsion fiscale ; elle compte huit États et territoires en 2014.

* 46 Ou « loi relative au respect des obligations fiscales concernant les comptes étrangers ».

* 47 Cf. rapport n° 751 (2013-2014) de Michèle André sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique en vue d'améliorer le respect des obligations fiscales à l'échelle internationale et de mettre en oeuvre la loi « FATCA », 17 juillet 2014.

* 48 Dans un courrier adressé le 9 avril 2013 au commissaire européen en charge de la fiscalité, Algirdas Semeta, les ministres de l'économie du « G5 » (France, Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni) ont demandé l'instauration d'un système d'échange automatique d'informations à l'échelle de l'Union européenne, reprenant le champ d'application de la loi FATCA.

* 49 Le Luxembourg et l'Autriche, qui bénéficiaient déjà d'une dérogation transitoire sur les revenus couverts par l'échange automatique (lequel était remplacé par une retenue à la source sur l'épargne des non-résidents), conditionnaient en effet leur accord à l'engagement de négociations visant à mettre en place un dispositif similaire avec cinq États tiers : la Suisse, le Lichtenstein, Monaco, Andorre, et Saint-Marin. Le mandat de négociation a ainsi été formellement adopté par la Suisse le 8 octobre 2014. Pour mémoire, les décisions en matière de fiscalité sont soumises à la règle de l'unanimité.

* 50 Pour ceux qui ne seraient pas couverts par la directive « épargne ».

* 51 L'Autriche ayant obtenu un délai supplémentaire d'un an, en raison de « difficultés techniques ».

* 52 Cette instante rattachée à l'OCDE est chargée d'évaluer la réalité des engagements pris en matière de transparence par ses 105 pays membres ainsi que pour les pays dont l'examen a été jugé pertinent. L'examen « par les pairs » porte sur la mise en place de mesures légales (phase 1) puis sur leur application effective (phase 2).

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