D. LES DÉPENSES D'INTERVENTION : UNE AUGMENTATION IMPOSSIBLE À CONTENIR EN L'ABSENCE DE RÉFORMES STRUCTURELLES

1. Un coût élevé de la politique de maîtrise des chiffres du chômage à travers les contrats aidés

Le Gouvernement n'a pas réussi à « inverser la courbe » du chômage, alors même que le Président de la République avait annoncé, et répété à plusieurs reprises, que cette inflexion se ferait dès la fin de l'année 2013 116 ( * ) .

Le taux de chômage s'élevait ainsi à 9,5 % à la fin du premier semestre de 2012 et a connu une augmentation de 0,7 point pour atteindre 10,2 % 117 ( * ) à la fin du deuxième trimestre 2014.

Face à cette dégradation du marché du travail , il a été décidé de mettre en place de contrats aidés coûteux et dont l'effet sur le retour à l'emploi reste largement à démontrer, en particulier quand ces contrats sont créés dans le secteur non marchand.

Le programme 102 relatif à l'accès et au retour à l'emploi de la mission « Travail et Emploi » a vu ses crédits de paiement augmenter fortement en 2014, principalement du fait des contrats aidés. Plus de 3,61 milliards d'euros ont été ouverts à ce titre en autorisations d'engagement par la loi de finances initiale pour 2014, et 3,27 milliards d'euros en crédits de paiement 118 ( * ) .

S'il est prévu, en 2015, une baisse des crédits consacrés aux contrats aidés pour une dépense s'élevant à 2,96 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,97 milliards d'euros en crédits de paiement, cette diminution est expliquée par le Gouvernement par une hypothèse de réduction du nombre de contrats en raison de l'amélioration de la conjoncture économique (hypothèse de 270 000 contrats conclus en 2015 contre 350 000 en 2014). Toutefois, cette diminution est déjà sensiblement amoindrie suite à la création de 45 000 contrats aidés supplémentaires adoptée à l'Assemblée nationale à l'initiative des députés socialistes, pour un montant de 175 millions d'euros 119 ( * ) .

Plus spécifiquement, les « emplois d'avenir » 120 ( * ) , créés afin de proposer des solutions d'emploi aux jeunes peu ou pas qualifiés, représentent une enveloppe de 1,078 milliard d'euros en autorisations d'engagement et de 1,214 milliard d'euros en crédits de paiement dans le projet de loi de finances initiale pour 2015.

2. Des risques budgétaires conséquents pour certaines dépenses d'intervention
a) La sur-exécution systématique de certaines dépenses de guichet

Certaines dépenses de guichet font systématiquement l'objet d'une sur-exécution , en dépit de hausses régulières des crédits destinés à leur financement.

En ce qui concerne la mission « Santé », la sous-budgétisation de l'action « aide médicale d'État » (AME) au sein du programme 183 « Protection sociale » est récurrente. Le projet de loi de finances rectificative de fin d'année pour 2014 prévoit d'ailleurs une ouverture de 155 millions d'euros supplémentaires pour financer l'AME .

De même, d'importantes tensions sont notées chaque année ou presque sur le programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Égalité des territoires, logement et ville », en matière notamment d'hébergement d'urgence . Les crédits budgétés pour 2015 sont d'ailleurs inférieurs à l'exécution 2013 - alors même qu'en 2014, malgré une augmentation des crédits dans la loi de finances initiale, la couverture des dépenses a nécessité un décret d'avance en septembre pour ouvrir 60 millions d'euros supplémentaires, montant qui s'est révélé insuffisant pour couvrir l'ensemble des besoins de l'année à ce titre. Le projet de loi de finances rectificative de fin d'année pour 2014 prévoit en effet que soient ouverts 157 millions d'euros supplémentaires pour financer les dispositifs d'hébergement d'urgence (tout à la fois de droit commun et en faveur des demandeurs d'asile).

De même, l'analyse de l'exécution 2013 laisse apparaître que la dotation prévue pour l'allocation aux adultes handicapés du programme 157 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » sera inférieure aux besoins d'environ 100 millions d'euros - 43 millions d'euros supplémentaires sont prévus dans le projet de loi de finances rectificative pour 2014 précité. Il devrait également manquer environ 50 millions d'euros sur l'allocation temporaire d'attente du programme 303 de la mission « Immigration, asile et intégration ».

La hausse continue de ces dépenses dans des proportions importantes montre que le problème ne relève pas seulement de la sincérité de la budgétisation, mais plus fondamentalement, d'une dynamique incontrôlable de certaines dépenses de guichet, difficilement compatible avec la nécessité de maîtriser les dépenses publiques. Il est donc indispensable d'engager des réformes de structure sur les critères d'éligibilité, les montants et les modalités d'attribution des aides.

b) Les aides pour le logement : la question du report des crédits

En ce qui concerne les aides personnelles au logement (APL), l'exécution attendue du Fonds national d'aide au logement (FNAL) pour 2014 permet de douter que le montant budgété pour 2015 121 ( * ) (5,7 milliards d'euros) sera suffisant .

En effet, les crédits ouverts par la loi de finances initiale pour 2014 seront très probablement insuffisants pour couvrir l'ensemble des besoins : ils s'élèvent à 5,088 milliards d'euros, soit un montant déjà inférieur à l'exécution 2013. Il a ainsi été indiqué que 320 millions d'euros viendraient à manquer d'ici la fin de l'année . Si le projet de loi de finances rectificative de fin d'année a prévu un complément, celui-ci ne couvre pas la totalité du besoin : seuls 70 millions d'euros seraient ouverts en 2014 ; le reste de la somme serait alors reporté sur 2015.

Ce report de 200 millions d'euros sur 2015 hypothèque d'ores et déjà la prévision initiale et le respect de l'enveloppe budgétaire prévue dans le présent projet de loi de finances.


* 116 Intervention du Président de la République F. Hollande au journal télévisé de 20 heures sur la chaîne « TF1 » le 9 septembre 2012, intervention sur Europe 1 du 21 décembre 2012, voeux aux Français du 31 décembre 2012.

* 117 Chômage au sens du BIT, chiffres publiés par l'Insee et disponibles en ligne.

* 118 Étaient prévus dans le projet de loi de finances pour 2013 4,28 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,17 milliards en crédits de paiement.

* 119 Création de 30 000 contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE) et de 15 000 emplois d'avenir.

* 120 Loi n° 2012-1189 du 26 octobre 2012

* 121 Les APL sont rebudgétisées en 2015.

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