EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LE VIEILLISSEMENT CONSTITUE UN ENJEU QUI DOIT FAIRE L'OBJET D'UNE APPROCHE TRANSVERSALE DE NOS POLITIQUES PUBLIQUES

A. LE VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION FRANÇAISE EST À LA FOIS SOURCE D'OPPORTUNITÉS ET DE BESOINS NOUVEAUX EN TERMES D'ACCOMPAGNEMENT DE LA PERTE D'AUTONOMIE ET D'ADAPTATION DES POLITIQUES PUBLIQUES

1. L'allongement de l'espérance de vie des Français a pour corollaire une augmentation de la part des personnes âgées dans la population
a) La France connaît un allongement continu de l'espérance de vie depuis la seconde moitié du XXème siècle.

L'amélioration des conditions de vie matérielles et les progrès de la médecine et en santé publique, constants au cours de la seconde moitié du XX ème siècle, permettent aux Françaises et aux Français de vivre de plus en plus longtemps. Selon les chiffres de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), l'espérance de vie à la naissance est ainsi passée dans notre pays d'environ 60 ans pour les hommes et 65 ans pour les femmes en 1946 à respectivement 78,7 ans et 85 ans en 2013.

Source : Commission des affaires sociales d'après données Insee

L'espérance de vie à 60 ans a également progressé de manière spectaculaire depuis 1946, même si cette tendance est appelée à ralentir au cours des prochaines décennies. L'espérance de vie à 60 ans a progressé entre 1946 et 2014 de 50 % pour les hommes (de 15,4 années à 23,2 années) et de 53 % pour les femmes (de 18 à 27,7 années). Les projections permettent d'envisager une progression de 12 % pour les hommes (26,2 années) et de 9,7 % pour les femmes (30,4 années) à l'horizon 2050.

* projection.

Source : Commission des affaires sociales d'après données Insee

b) La structure démographique évolue fortement

Cet allongement de l'espérance de vie s'ajoute à un effet de génération, soixante ans après le « baby-boom » de l'après-guerre. L'effet cumulé de ces deux phénomènes modifie la structure de la population française de manière substantielle. Selon les projections réalisées par l'Insee, les plus de 60 ans pourraient représenter 23,6 millions de personnes, soit un tiers de la population, en 2060, contre un quart aujourd'hui (16 millions de personnes). Le nombre des plus de 75 ans pourrait, lui, selon ces mêmes projections, doubler, passant de 5,7 à 12 millions et le nombre des plus de 85 ans pourrait quadrupler (de 1,4 à 5,4 millions).

Source : Commission des affaires sociales d'après données Insee

Il s'agit là d'une évolution sociale majeure, qui aura des répercussions sur de nombreux aspects de notre modèle social et économique. Cette évolution ne touche d'ailleurs pas uniquement la France, mais l'ensemble des pays industrialisés dans des proportions diverses, liées notamment au dynamisme de leur natalité. L'Union européenne et l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) ont ainsi identifié ce phénomène comme l'un des défis des décennies à venir.

On peut à ce sujet noter la persistance d'inégalités importantes face à l'allongement de l'espérance de vie selon la catégorie socioprofessionnelle. Ainsi, l'espérance de vie à 35 ans des femmes et des hommes cadres est respectivement de 52 ans et 47 ans contre 49 ans et 41 ans pour les ouvriers 1 ( * ) .

2. Ce phénomène fait naître des problématiques nouvelles
a) Le financement de la perte d'autonomie

Il est possible, et c'est de plus en plus courant, de vieillir en bonne santé. Toutefois, l'espérance de vie sans incapacité progresse moins rapidement que l'espérance de vie à la naissance. La question de la santé des personnes âgées est donc essentielle pour analyser les conséquences socioéconomiques du vieillissement, et celles de la perte d'autonomie et de sa prise en charge sont appelées à prendre une acuité croissante.

Source : Insee

L'avancée en âge est en effet propice à l'apparition de limitations motrices ou cognitives qui entrainent une perte d'autonomie plus ou moins importante. Le nombre de personnes en situation de perte d'autonomie, qui s'élevait à 1,15 million en 2010, pourrait, selon les différents scénarios retenus par les prévisionnistes, atteindre entre 1,7 et 2,2 millions à l'horizon 2040 2 ( * ) .

La prise en charge de la dépendance induit des coûts sociaux et privés qui sont importants. Selon les évaluations de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), les dépenses liées à la prise en charge de la dépendance s'élevaient à 28,3 milliards d'euros en 2011, dont 75 % (21,1 milliards d'euros) financés par les pouvoirs publics et environ 7,2 milliards d'euros restant à la charge des ménages. Cet effort, qui équivaut à 1,41 % du PIB, pourrait atteindre 1,8 % à l'horizon 2040 3 ( * ) .

b) Le vieillissement de la population entraîne des besoins nouveaux

Les enjeux liés au vieillissement ne se limitent pas à la prise en charge de la perte d'autonomie. La majorité des personnes âgées sont en effet autonomes. Elles connaissent néanmoins des besoins nouveaux en matière d'équipement, de logement ou encore de transport. La prise en compte de ces besoins spécifiques est un impératif pour notre pays, afin de répondre au défi posé par la transition démographique.

Par ailleurs, le vieillissement est également un enjeu social. Le départ à la retraite est souvent un moment de rupture difficile pour les personnes concernée. 1,2 million de personnes âgées de plus de 75 ans souffrent d'isolement relationnel 4 ( * ) . Compte tenu des évolutions démographiques, ce chiffre pourrait atteindre 4 millions au cours des 25 prochaines années selon la mobilisation nationale contre l'isolement des âgés (Monalisa).

Par ailleurs, si la pauvreté des seniors s'est considérablement réduite au cours du dernier quart du XX ème siècle, le taux de pauvreté des âgés semble s'accroître à nouveau. La pauvreté des personnes âgées est particulièrement préoccupante dans la mesure où les personnes concernées n'ont que peu de chances de voir leur situation s'améliorer ainsi qu'en raison des dépenses occasionnées par les besoins spécifiques liés à leur âge, qui réduisent souvent leur reste à vivre de manière considérable.

Il est donc nécessaire d'apporter une réponse à ces problématiques, d'autant plus qu'un cadre de vie adapté est de nature à retarder l'entrée dans une situation de dépendance, alors que l'isolement et la pauvreté des personnes âgées sont en effet des facteurs pouvant accélérer la perte d'autonomie.

c) La transition démographique représente une opportunité économique qu'il convient de saisir

La prise en compte des besoins spécifiques liés au vieillissement ne correspond pas seulement à un impératif de nature sociale et médicale, elle représente également une opportunité économique qu'il convient de saisir. C'est dans cet esprit qu'a été signé en décembre 2013 le contrat de filière « silver économie ». Les potentialités économiques qui découlent du vieillissement de la population touchent à un large spectre d'activités, du développement de la domotique et des nouvelles technologies aux secteurs de l'assurance et du crédit. L'objectif affiché par le Gouvernement dans son soutien à la filière de la « silver économie » est de positionner la France dans un rôle de précurseur sur un marché qui représente aujourd'hui 900 millions de personnes âgées à l'échelle mondiale.


* 1 Insee, « L'espérance de vie s'accroit, les inégalités sociales face à la mort demeurent », octobre 2011.

* 2 Drees, Dossiers solidarité et santé « Projection des populations âgées dépendantes », n° 43 septembre 2013.

* 3 Drees, Dossiers solidarités et santé, « Les comptes de la dépendance en 2011 et à l'horizon 2060 », n° 50, février 2014.

* 4 Fondation de France « Les solitudes en France », juillet 2014.

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