Section 3 - Autorisation d'opérations sur le capital de sociétés à participation publique

Article 47 (art. 4, 6, 7 et 8 de la loi n° 89-924 du 23 décembre 1989 autorisant le transfert à une société nationale des établissements industriels dépendant du Groupement industriel des armements terrestres (G.I.A.T.) - Autorisation du transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Groupement industriel des armements terrestres (G.I.A.T.) et de ses filiales

Objet : cet article autorise la cession par l'État de la majorité du capital de G.I.A.T au secteur privé. Cette autorisation est nécessaire pour permettre le rapprochement entre Nexter, filiale de G.I.A.T, et l'entreprise allemande Krauss-Maffei Wegmann (KMW) .

I - Le dispositif proposé

Depuis juillet 2014, la société Nexter, filiale à 100 % de G.I.A.T, lui-même détenu par l'État, est entrée en négociation avec la société allemande Krauss-Maffei Wegmann (KMW), intervenant également sur le marché des armements terrestres, en vue d'opérer un rapprochement entre les deux sociétés.

Ainsi, il est prévu que les actionnaires (l'État côté français et la famille Wegmann côté allemand) apportent 100 % du capital de Nexter et de KMW à une nouvelle entreprise - aujourd'hui appelée « Newco ». La Newco serait possédée à 50 % par l'État français (via G.I.A.T) et à 50 % par la famille Wegmann, comme le montre le schéma ci-dessous.

Le I du présent article autorise « le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Groupement industriel des armements terrestres (GIAT) et de ses filiales ».

En application de l'ordonnance n° 2014-948, cette autorisation législative est obligatoire puisque l'État perd la majorité de contrôle - il ne détiendra plus que 50 % du capital.

En outre, le V de l'article 22 de cette ordonnance 303 ( * ) prévoit que la cession de l'actif majoritaire d'une société - comme c'est le cas de Nexter au sein de G.I.A.T - est assimilée à la cession de la société elle-même. Pour cette raison, l'autorisation législative porte sur G.I.A.T même si c'est bien Nexter qui fait l'objet du rapprochement avec KMW.

Schéma de rapprochement de Nexter et de KMW

Source : Nexter

Le II du présent article procède à différentes modifications au sein de la loi n° 89-924 du 23 décembre 1989 autorisant le transfert à une société nationale des établissements industriels dépendant du Groupement industriel des armements terrestres (G.I.A.T).

Outre des ajustements rédactionnels rendus nécessaires par la nouvelle organisation capitalistique, il s'agit surtout de permettre aux fonctionnaires et militaires bénéficiant d'un statut spécifique au sein de Nexter de pouvoir le conserver à l'issue de l'opération s'ils le souhaitent (1° et 2° du II du présent article) .

L'Assemblée nationale a adopté le présent article sans modification.

II - La position de votre commission

Le rapprochement prévu entre Nexter et KMW s'inscrit dans un contexte stratégique et industriel qui combine à la fois une diminution des budgets de défense européens, singulièrement dans le domaine de l'armement terrestre, et une concurrence accrue entre une dizaine d'acteurs en Europe.

D'après les éléments transmis par Nexter à votre rapporteur, les budgets d'acquisitions de matériels terrestres en Asie, Amérique du Sud, Europe de l'Est, Afrique et au Moyen-Orient devraient passer de 24 milliards d'euros en 2011 à 31 milliards d'euros en 2017. A l'inverse, en Amérique du Nord et en Europe de l'Ouest, sur la même période, les budgets diminueraient de 35 milliards d'euros à 24 milliards d'euros.

La carte ci-dessous montre que le marché européen comprend à la fois des « poids lourds », l'américain General Dynamics et le britannique BAE Systems, et plusieurs acteurs de taille plus modeste, dont KMW et Nexter.

Or le rétrécissement du marché va conduire à une intensification de la concurrence, d'autant que les constructeurs des pays émergents
- soutenus par une augmentation des budgets militaires nationaux - vont chercher à s'implanter sur le marché européen 304 ( * ) .

Situation concurrentielle sur le marché des armements terrestres en Europe

Source : document transmis à votre rapporteur par Nexter

Dans ce contexte, ni Nexter, ni KMW n'apparaissent comme des entreprises suffisamment solides car trop petites. Lors de son audition par votre rapporteur, le président de Nexter a expliqué que la croissance de l'entreprise nécessite de dégager des ressources pour financer la recherche-développement et l'action commerciale en vue de conquérir de nouveaux marchés.

Le rapprochement entre Nexter et KMW présente plusieurs avantages. Tout d'abord, ce sont des entreprises de taille équivalente comparables sur de nombreux points (effectifs, carnet de commandes, etc.), ce qui permet d'envisager une fusion entre égaux dans laquelle aucune des deux entreprises ne dominerait l'autre. Il s'agit d'un point essentiel dans une industrie de souveraineté.

En outre, si leurs produits sont parfois concurrents, il faut tout de même souligner que leurs gammes sont largement complémentaires. Un des enjeux de ce rapprochement consistera à accentuer cette complémentarité et la différenciation entre les produits.

Les réseaux commerciaux actuels des deux entreprises sont bien distincts, offrant là aussi une bonne complémentarité. Une équipe commune de commercialisation devrait être mise en place.

Enfin, cette opération constitue la première pierre pour la création d'une industrie de défense terrestre véritablement européenne.

Au total, le présent article permet d'opérer ce rapprochement, dans le respect des droits acquis par certains personnels de Nexter. Au regard des éléments présentés par le Gouvernement et par Nexter, votre rapporteur estime que cette la constitution d'un nouveau groupe de défense européen constitue une opportunité à la fois pour l'État français, en tant qu'actionnaire, mais également pour les deux entreprises .

La société « Newco » pourrait être créée dès le second semestre 2015. Néanmoins, l'intégration entre les deux entreprises sera très progressive et devrait s'opérer sur plusieurs années. Dans un premier temps, Nexter et KMW conserveront les autonomies juridiques, leurs marques, leurs sièges sociaux, ainsi que leurs équipes dirigeantes.

Le rôle de la société holding - composée d'un conseil de surveillance, représentant les actionnaires, et d'un directoire comprenant les présidents de KMW et de Nexter - sera d'abord d'assurer la coordination particulièrement en matière de recherche-développement, d'export et de cohérence des gammes.

Votre commission spéciale a adopté cet article sans modification .

Article 48 (art. L. 5124-14 du code de la santé publique) - Modification de l'obligation de détention majoritaire par l'État ou ses établissements du capital de la société anonyme « Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies »

Objet : cet article permet à la Banque publique d'investissement de devenir actionnaire de la société « Laboratoire du fractionnement et des biotechnologies » afin qu'il soit en mesure de financer la construction d'une nouvelle usine.

I - Le dispositif proposé

Le Laboratoire du fractionnement et des biotechnologies (LFB) est une société de biotechnologies, spécialisée dans les produits dérivés du sang, notamment le plasma sanguin.

Le capital du LFB est entièrement détenu par l'État, conformément à l'article L. 5124-14 du code de la santé publique qui dispose que le capital « est détenu en majorité par l'État ou par ses établissements publics ».

Par ailleurs, le même article prévoit que les activités du LFB « relatives à la fabrication des médicaments dérivés du sang destinés au marché français, issus du fractionnement du plasma, sont exercées exclusivement par une filiale [...] créée à cet effet. Le capital de cette filiale est détenu, directement ou indirectement, majoritairement par l'État ou par ses établissements publics ».

À ce jour, l'État détient 100 % du capital et des droits de vote de LFB SA, lui-même détenant à 100 % la filiale spécialisée.

Dans le texte initial du Gouvernement, il était prévu de supprimer du code de la santé publique les deux phrases relatives à la détention majoritaire par l'État et ses établissements publics de la société-mère et de la filiale.

Cette rédaction a conduit à une certaine confusion sur les intentions réelles de l'État . En effet, si le Gouvernement affirme que le présent article vise seulement à faire entrer la Banque publique d'investissement (Bpifrance) au capital du LFB, l'effet juridique de cette rédaction permettait à l'État de se désengager totalement du LFB, y compris en cédant ses actions à des acteurs privés.

C'est pourquoi, la commission spéciale, à l'initiative de notre collègue députée Clotilde Valter, rapporteure thématique, avec l'avis favorable du Gouvernement, a réécrit l'article.

D'une part, son I maintient la participation majoritaire par l'État, ses établissements publics ou « d'autres entreprises ou organismes appartenant au secteur public ». Cette rédaction garantit une participation majoritaire publique tout en permettant à Bpifrance de monter au capital du LFB.

D'autre part, le II du présent article prévoit que si le LFB devait être privatisé, l'État pourrait prendre un décret afin de créer une action spécifique ( cf. supra commentaire de l'article 44). Cette disposition est juridiquement inutile puisqu'elle ne fait que répéter le droit en vigueur.

De même, en séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de notre collègue députée Clotilde Valter, rapporteure thématique, avec un avis favorable du Gouvernement, ajoutant un III au présent article qui prévoit que « tout transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société [LFB] doit être autorisé par la loi ». Là encore, cette disposition est inutile puisque la loi (le I du présent article) prévoit une participation majoritaire du secteur public. Dès lors, si l'État voulait privatiser le LFB, il devrait modifier l'article L. 5124-14 du code de la santé publique et donc soumettre son projet à l'autorisation du Parlement.

II - La position de votre commission

Il convient tout d'abord de souligner que la rédaction du présent article ne permet pas la privatisation du LFB . La détention majoritaire par des acteurs publics est réaffirmée dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale et confirmée par votre commission. Seule une disposition législative pourrait permettre la cession de la majorité du capital du LFB au secteur privé.

Entendu par votre rapporteur, le président-directeur général du LFB a indiqué que le LFB envisage dans les cinq prochaines années de construire une nouvelle usine, implantée en France, à la fois plus moderne et d'une capacité près de quatre fois supérieure à la capacité des deux lieux de production actuels du LFB . Elle devrait employer environ 500 personnes .

Ce projet correspond à un investissement compris entre 250 et 300 millions d'euros, dont 100 millions apportés par de l'endettement et le solde par une augmentation de capital. Le présent article ouvre la possibilité à Bpifrance de souscrire à cette augmentation de capital.

Votre rapporteur souligne que ce projet est vital pour assurer le développement du Laboratoire à l'internationa l (70 % de la production de la nouvelle usine a vocation à être exportée) et donc le maintien de l'expertise française dans un domaine de haute technologie .

Votre commission spéciale a adopté cet article sans modification .

Article 49 - Autorisation du transfert au secteur privé de participations majoritaires de l'État dans deux grands aéroports régionaux

Objet : cet article autorise l'État à céder au secteur privé la majorité du capital des aéroports de Lyon et de Nice.

I - Le dispositif proposé

Dans sa rédaction initiale, le présent article ne comprenait que son I et son II, qui autorisent le transfert au secteur privé de la majorité du capital, respectivement, de la société Aéroports de la Côte d'Azur et de la société Aéroports de Lyon .

À l'initiative de notre collègue députée Clotilde Valter, rapporteure thématique, et avec l'avis favorable du Gouvernement, la commission spéciale a complété cet article par un I A et un I B.

Le I A prévoit que, par dérogation au droit en vigueur, « les opérations par lesquelles l'État transfère au secteur privé la majorité du capital d'une société exploitant une infrastructure de transport aéroportuaire ou autoroutière dans le cadre d'une concession accordée par l'État doivent être systématiquement autorisées par la loi ».

Le I B fixe pour sa part les modalités de cession par l'État d'une société exploitant un aérodrome.

Ainsi, son 1° prévoit que le décret de cession est pris sur le rapport des ministres chargé de l'économie et de celui chargé de l'aviation civile.

Son 2° dispose que « le cahier des charges de l'appel d'offres portant sur la cession du capital précise les obligations du cessionnaire relatives à la préservation des intérêts essentiels de la Nation en matière de transport aérien et est approuvé par le ministre chargé de l'aviation civile ». En conséquence, son 3° prévoit que « les candidats détaillent dans leurs offres les modalités par lesquelles ils s'engagent à satisfaire aux obligations mentionnées » ci-dessus.

Enfin, conformément à son 4°, les candidats au rachat des parts de l'État devront disposer « d'une expérience de la gestion aéroportuaire et donnent, dès le stade de l'examen de la recevabilité des offres, des garanties sur leur capacité à exercer les missions prévues au cahier des charges de la concession des aérodromes concernés. Cette capacité est appréciée par l'autorité signataire du contrat de concession aéroportuaire ».

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements de précision rédactionnelle.

II - La position de votre commission

Le Gouvernement a fait le choix de céder plusieurs de ses participations dans des sociétés de gestion d'aéroports régionaux. D'ores et déjà, un consortium d'investisseurs étrangers a été retenu pour la cession par l'État de 49,9 % du capital de l'aéroport de Toulouse-Blagnac, pour un montant de 308 millions d'euros.

Cette opération a été annoncée en juillet 2014 par la publication d'un cahier des charges auquel devaient se soumettre les candidats au rachat des parts de l'État. Son caractère inattendu, voire brutal, a suscité de nombreuses réactions des élus locaux concernés compte tenu de l'importance de cette infrastructure dans le tissu économique de la région toulousaine.

Tout comme à Toulouse, les collectivités territoriales ainsi que les chambres consulaires sont actionnaires minoritaires dans les sociétés de gestion des aéroports de Lyon et de Nice (aéroports de la Côte d'Azur). Elles sont donc concernées en premier lieu par la reconfiguration de l'actionnariat résultant de la cession par l'État de la majorité du capital de ces deux sociétés.

De même, de telles cessions ne manquent pas de soulever des interrogations et des inquiétudes quant au projet d'entreprise qui pourrait être mis en oeuvre par le futur actionnaire majoritaire. C'est pourquoi, à l'initiative de notre collègue députée Clotilde Valter, rapporteure, l'Assemblée nationale a complété cet article afin d'encadrer le cahier des charges de l'appel d'offres.

Néanmoins, il importe également que le Gouvernement conduise un dialogue franc et ouvert avec les collectivités territoriales concernées sur l'avenir des infrastructures aéroportuaires, voire sur le contenu du cahier des charges de l'appel d'offres.

À cet égard, votre commission a été informée que des discussions étaient en cours entre le Gouvernement et les exécutifs locaux concernés. Elle a donc décidé de ne pas modifier le présent article, se réservant la possibilité de proposer, lors de la séance publique, sa suppression ou des modifications au regard des engagements qui pourraient être pris par le Gouvernement.

Votre commission spéciale a adopté cet article sans modification .


* 303 V de l'article 22 : « Toute opération de cession d'un actif susceptible d'une exploitation autonome représentant plus de 50 % de l'actif net comptable ou du chiffre d'affaires ou des effectifs [...] d'une société détenue à plus de 50 % par l'État est assimilée à la cession de cette société ».

* 304 À titre d'illustration, quinze modèles de blindés légers sont proposés par les constructeurs américains et européens et soixante par les entreprises des pays émergents.

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