CHAPITRE V - DISPOSITIONS RELATIVES À LA SÉCURITÉ ET À LA SÛRETÉ
SECTION 1 - Dispositions modifiant le code de la sécurité intérieure

Article 16 (art. L. 288-1 du code de la sécurité intérieure) - Extension dans les Terres australes et antarctiques françaises de dispositifs de prévention et de lutte contre le terrorisme

L'article 16 étend, dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), une modification apportée l'article 25 de la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme au II de l'article L. 222-1 du code de la sécurité intérieure. À défaut de mention expresse, la suppression du deuxième alinéa de ce II, qui rendait transitoire le recours à certaines techniques en matière de prévention et de lutte contre le terrorisme, n'est pas entrée en vigueur dans les TAAF. Sans intervention du législateur, l'article L. 222-1 deviendrait caduque au 31 décembre 2015 uniquement dans les TAAF.

Par cohérence, votre commission a approuvé dans son principe cette disposition mais a adopté un amendement légistique COM-26 de son rapporteur, consistant à assurer son application dans les TAAF sans recourir à la technique dite « du compteur » 63 ( * ) qui n'est pas utilisée dans le reste du livre II du code de la sécurité intérieure.

Votre commission a adopté l'article 16 ainsi modifié .

Article 17 (art. L. 345-2-1 [nouveaux] du code de la sécurité intérieure) - Limitation du nombre d'armes de catégorie C et du 1er groupe de la catégorie D détenues par une même personne en Nouvelle-Calédonie

Le présent article vise à limiter le nombre d'armes de catégorie C et du 1 er groupe de la catégorie D qu'une même personne peut détenir en Nouvelle-Calédonie . Il insère ainsi un nouvel article au sein du livre III consacré aux polices administratives spéciales du code de la sécurité intérieure.

La police spéciale des armes relève de l'État au titre de l'article 21 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

Le décret n° 2009-451 du 21 avril 2009 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions en Nouvelle-Calédonie a assoupli le régime néo-calédonien en l'alignant sur celui de la métropole. Un accroissement exponentiel du nombre d'armes détenues sur l'île ayant été constaté depuis son entrée en vigueur en 2011, le Gouvernement propose de durcir la règlementation applicable.

1. Un assouplissement de la réglementation relative aux armes à l'origine de graves problèmes d'ordre public

1.1. Un alignement sur le régime de la métropole...

Jusqu'en 2011, le régime de la police des armes en Nouvelle-Calédonie était plus strict qu'en métropole . À titre d'exemple, une même personne ne pouvait pas détenir plus de quatre armes de chasse de quatrième catégorie, qui correspondent aujourd'hui aux armes du 1 er groupe de la catégorie D.

En outre, une autorisation préalable du Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie était nécessaire pour détenir certaines armes comme celles relevant de la catégorie C dont l'obtention en métropole ne requiert qu'une simple déclaration faite par l'armurier au titre de l'article L. 321-4-1 du code de la sécurité intérieure.

Le décret précité du 21 avril 2009 a modifié le régime applicable en Nouvelle-Calédonie en l'alignant sur le régime métropolitain .

Régime de droit commun de détention des armes

Catégories

Exemples d'armes

Détention

Articles du code de la sécurité intérieure

A

Matériels de guerre

Interdite

L. 312-2

B

Armes à feu d'épaule et à répétition semi-automatique

Autorisation

L. 312-4

C

Armes à feu d'épaule à répétition manuelle

Simple déclaration

L. 312-4-1

D -

1 er groupe

Armes d'épaule à canon lisse tirant un coup par canon

Soumise à enregistrement

L. 312-4-2

D-

2 ème groupe

Matraques

Libre

Source : commission des lois

Ce décret a donc assoupli le régime néo-calédonien de la police spéciale des armes en supprimant les quotas de détention. Il a également mis fin à la procédure précitée d'autorisation par le Haut-commissaire.

À partir de 2011, les armes de la catégorie C et du 1 er groupe de la catégorie D ont pu être obtenues en Nouvelle-Calédonie par la simple production d'un permis de chasser, d'une licence d'un club de tir ou d'un certificat médical 64 ( * ) .

1.2. ...qui a conduit à un accroissement exponentiel du nombre d'armes détenues

À la suite de la publication du décret précité du 21 avril 2009, le nombre de permis de chasser est passé de 2 077 en 2009 à 8 456 en 2013, soit une multiplication par quatre.

Au total, le Gouvernement estime que 20 000 armes sont autorisées en Nouvelle-Calédonie, contre 1 200 en Polynésie française pour un nombre d'habitants comparable.

Cette circulation massive d'armes représente un danger pour l'ordre public et le Gouvernement constate déjà une hausse des homicides commis par arme à feu.

2. Un objectif partagé de réduction du nombre d'armes détenues en Nouvelle-Calédonie

2.1. Les évolutions d'ordre règlementaire

Face à cette situation, le Gouvernement a souhaité réviser la réglementation relative aux armes en Nouvelle-Calédonie pour la rendre plus stricte. Il a adopté en ce sens le décret n° 2015-130 du 5 février 2015 65 ( * ) abrogeant le décret n° 2009-451 précité.

Ce texte règlementaire a notamment limité à mille le nombre de munitions pouvant être détenues par une même personne 66 ( * ) .

2.2. L'appui nécessaire de la loi

Le Gouvernement souhaitait également rétablir par décret un quota de détention des armes de catégorie C et du 1 er groupe de la catégorie D .

Dans son avis du 23 septembre 2014 sur le décret n° 2015-130 précité, le Conseil d'État a toutefois souligné que les articles L. 312-4-1 et L. 312-4-2 du code de la sécurité intérieure ne prévoient pas ce type de restrictions ( Cf . le tableau ci-dessus). Il a dès lors estimé que le législateur n'avait pas habilité le pouvoir réglementaire à mettre en oeuvre ce type de quotas.

En réponse à cet avis, le présent projet de loi vise à habiliter le pouvoir réglementaire à fixer un nombre maximal d'armes de catégorie C et du 1 er groupe de la catégorie D pouvant être détenues par une même personne en Nouvelle-Calédonie.

Le Gouvernement propose que la personne concernée « remette, cède ou détruise » les armes détenues en excédent du quota autorisé. Deux délais distincts seraient fixés :

- moins de trois mois après la publication du décret d'application de la présente mesure pour les armes acquises après le 7 novembre 2013 ;

- deux ans à compter de cette même publication pour les armes acquises précédemment 67 ( * ) .

Ce dispositif apparaît conforme à la Constitution car il concilie le droit de propriété, d'une part, et la préservation de l'ordre public, d'autre part. Il répond ainsi aux exigences de la jurisprudence du Conseil constitutionnel 68 ( * ) .

Le projet de loi précise également que le décret d'application de cet article doit être pris dans les trois mois suivant la publication de la présente loi.

2.3. L'amélioration de l'applicabilité du dispositif par la commission des lois

Le projet de loi initial ne règle toutefois pas le cas d'individus détenant un nombre trop important d'armes et ne souhaitant pas les remettre de leur plein gré.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, le Gouvernement souhaitait leur appliquer par voie règlementaire une contravention de 4 ème classe dont le montant maximal s'élève à 750 euros.

Votre commission n'a pas jugé cette sanction suffisamment dissuasive face aux enjeux d'ordre public que représente l'accroissement du stock d'armes en Nouvelle-Calédonie.

En adoptant l'amendement COM-28 de son rapporteur, elle a ainsi souhaité que le non-respect des obligations du présent article soit puni par les peines prévues à l'article L. 317-6 du code de la sécurité intérieure 69 ( * ) , soit trois mois d'emprisonnement et 3 750 euros d'amende .

Enfin, votre commission a adopté l'amendement COM-27 de son rapporteur visant à supprimer la disposition fixant la date de publication du décret d'application du présent article. Cette disposition relève en effet du domaine règlementaire .

Votre commission a adopté l'article 17 ainsi modifié .

Article 18 (art. L. 321-3, L. 346-1 et L. 346-2 du code de la sécurité intérieure ; art. L. 765-13 du code monétaire et financier) - Exploitation de jeux de hasard dans les îles Wallis et Futuna

Le présent article vise à autoriser l'exploitation de deux nouveaux jeux de hasard à Wallis-et-Futuna : les loteries traditionnelles, d'une part, et les casinos installés à bord des navires de croisière, d'autre part.

L'État étant compétent pour réglementer les jeux de hasard sur ces îles 70 ( * ) , il a posé un principe général d'interdiction comme sur le reste du territoire national.

Des dérogations sont toutefois prévues et permettent, par exemple, l'organisation de loteries destinées à des actes de bienfaisance (article  L. 322-3 et L. 346-1 du code de la sécurité intérieure). L'objet du présent article est d'étendre le champ de ces exceptions.

1. L'autorisation des loteries traditionnelles

En l'état du droit, seules les loteries relatives aux actes de bienfaisance sont autorisées à Wallis-et-Futuna.

Cet article tend à permettre l'organisation de loteries traditionnelles qui sont autorisées en métropole au titre de l'article L. 322-4 du code de la sécurité intérieure.

Le régime juridique de ces loteries serait strictement encadré. Elles seraient « organisées dans un cercle restreint et uniquement dans un but social, culturel, scientifique, éducatif, sportif ou d'animation sociale » et les mises en jeu seraient inférieures à 20 euros.

Les loteries proposées à l'occasion des fêtes foraines (article L. 322-5 et L. 322-6 du code précité), permises en métropole, resteraient interdites à Wallis-et-Futuna.

2. L'autorisation d'exploiter des « casinos embarqués »

Le présent article vise également à étendre à Wallis-et-Futuna le régime des « casinos embarqués » .

Ces derniers ont été créés en métropole par l'article 32 de la loi n° 2005-412 du 3 mai 2005 relative à la création du registre international français, aujourd'hui codifié à l'article L. 321-3 du code de la sécurité intérieure .

2.1. Le régime métropolitain des « casinos embarqués »

L'article L. 321-3 précité permet l'ouverture de casinos à bord de navires de croisière. Pour être éligibles à ce dispositif, les navires doivent être immatriculés au registre international français (RIF), ne pas assurer de lignes régulières de transport et proposer des croisières de plus de quarante-huit heures.

À ce jour, il n'est toutefois pas possible d'ouvrir ce type d'établissements, faute de décret d'application , comme l'a constaté le député Arnaud Leroy dans son rapport de 2013 sur la compétitivité des transports et services maritimes français 71 ( * ) .

2.2. L'adaptation de ce dispositif à Wallis-et-Futuna

En l'état du droit, l'article L. 321-3 du code de la sécurité intérieure n'est pas applicable à Wallis-et-Futuna car :

- il n'est pas expressément cité dans la liste des articles applicables à cette collectivité d'outre-mer ;

- il ne concerne que les navires immatriculés au registre international français et pas ceux du registre des îles Wallis et Futuna.

Les navires inscrits à ce registre sont donc pénalisés par rapport à des concurrents internationaux qui proposent ce type de « casinos embarqués » comme l'a constaté Arnaud Richard dans le rapport précité.

Le présent article propose donc d'appliquer expressément l'article L. 321-3 aux navires de croisière immatriculés au registre des îles Wallis et Futuna dans les conditions fixées par un décret en Conseil d'État. Selon l'étude d'impact, six navires seraient concernés par cette disposition.

Il est également prévu d'assujettir les exploitants des casinos « embarqués » aux obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (article 561-2 du code monétaire et financier) 72 ( * ) .

Si votre rapporteur n'a pas d'opposition de principe à l'extension des « casinos embarqués » à Wallis-et-Futuna, il souligne la nécessité pour le pouvoir réglementaire de publier les décrets d'application correspondants . Il note par exemple qu'un dispositif comparable a été créé en Polynésie française (article L. 344-4 du code de la sécurité intérieure) mais qu'il ne peut être mis en oeuvre faute de mesure règlementaire d'application.

Votre commission a adopté l'article 18 sans modification .

Article 19 (art. L. 546-1 du code de la sécurité intérieure) - Coordination relative aux agents de police municipale en Nouvelle-Calédonie

Le présent article tend à corriger une erreur de référence au sein de l'article L. 546-6 du code de la sécurité intérieure, concernant l'application en Nouvelle-Calédonie du code de déontologie des agents de la police municipale .

Établi par décret en Conseil d'État, ce code de déontologie détermine les droits et devoirs des policiers municipaux dans l'exercice de leurs fonctions.

L'article 4 de l'ordonnance n° 2013-519 modifiant certaines dispositions du code de la sécurité intérieure relatives à l'outre-mer a étendu son application à la Nouvelle-Calédonie.

Toutefois, la Nouvelle-Calédonie est compétente pour régir la fonction publique des communes (article  22 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999), à laquelle les policiers municipaux appartiennent. Elle est donc la seule à pouvoir définir de telles règles de déontologie.

Cet article se borne à corriger cette erreur.

Votre commission a adopté l'article 19 sans modification .

Article 20 (art. L. 642-1 du code de la sécurité intérieure) - Abrogation de la mention du répertoire local des entreprises à Mayotte

Le présent article vise à supprimer, à l'article L. 642-1 du code de la sécurité intérieure, la mention du répertoire local des entreprises de Mayotte, devenue obsolète en raison de l'existence du registre du commerce et des sociétés dans ce département.

En effet, en vertu de la loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte, les dispositions législatives et réglementaires de droit commun s'appliquent à Mayotte, sauf dispositions spécifiques. Les dispositions portant sur le registre du commerce et des sociétés ne faisant pas l'objet de dispositions particulières, celui-ci est dès lors pleinement applicable dans ce territoire.

Pour mémoire, cette mention avait été introduite par l'article 136 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.

La commission a adopté l'article 20 sans modification .


* 63 La technique du « compteur » consiste à indiquer qu'une disposition est applicable dans une collectivité régie par le principe de spécialité législative dans sa rédaction résultant d'une loi déterminée, ce qui permet de savoir si les modifications ultérieures de cette disposition ont été ou non étendues.

* 64 Article 50 du décret n° 2009-451 reprenant le droit commun de la métropole et plus précisément l'article L. 312-4-1 du code de la sécurité intérieure. Ce certificat médical est spécifique : il doit permettre d'attester que l'état de santé physique et psychique de la personne n'est pas incompatible avec la détention de ces matériels, armes ou munitions (article L. 312-6 du code de la sécurité intérieure).

* 65 Décret modifiant certaines dispositions du code de la sécurité intérieure (partie réglementaire) relatives aux armes et munitions en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

* 66 Article R. 312-63 du code de la sécurité intérieure appliquant l'article L. 311-2 du même code.

* 67 La date du 7 novembre 2013 correspond à l'annonce par le ministre des outre-mer de la volonté de l'État de revoir la règlementation relative aux armes en Nouvelle-Calédonie (réponse à la question n° 1303 de M. Philippe Gomes, député).

* 68 Conseil constitutionnel, M. Jean-Claude G, 17 janvier 2012, QPC n° 2011-209.

* 69 Cet article porte d'ailleurs sur un cas comparable : le refus de céder son arme lors de la procédure de dessaisissement pour des raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes.

* 70 Cf . l'article 7 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre-mer.

* 71 Rapport remis au Premier ministre le 23 octobre 2013 et disponible à l'adresse suivante : http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_Leroy.pdf.

* 72 Ces obligations consistent notamment à déclarer au service TRACFIN les opérations de leurs clients pour lesquelles il y a de « bonnes raisons de penser » que les sommes correspondantes proviennent d'infractions passibles d'une peine de privation de liberté supérieure à un an (article L. 561-15 du code monétaire et financier).

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