B. LA RÉPARTITION DE LA DIMINUTION DES DÉPENSES ENTRE LES DIFFÉRENTES MISSIONS RELÈVE DAVANTAGE DE NÉCESSITÉS DE CIRCONSTANCES QUE DE CHOIX STRATÉGIQUES

1. Des exécutions contrastées

Au total, hors missions « Provisions », « Remboursements et dégrèvements » et « Engagements financiers de l'État », dont l'évolution obéit à des facteurs peu pilotables par le gestionnaire public, la consommation finale de crédits s'avère inférieure à l'autorisation parlementaire prévue en loi de finances initiale pour dix-huit missions . Neuf missions connaissent au contraire une consommation de crédits dépassant les plafonds fixés en loi de finances initiale.

Tableau n° 17 : Crédits alloués en loi de finances initiale et consommés en 2014, par mission

(en millions d'euros, classement par ordre croissant de l'écart entre crédits ouverts et consommés)

LFI 2014

Crédits consommés

PLR 2014

Écart crédits ouverts/ consommés

(en valeur)

Écart crédits ouverts/ consommés

(en %)

Mission

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Recherche et enseignement supérieur

31050,8

31337,7

30692

30554,2

-358,8

-783,5

-1,2%

-2,5%

Égalité des territoires, logement et ville

8306,3

8122

7567,5

7614,9

-738,9

-507

-8,9%

-6,2%

Travail et emploi

12271,1

11125,4

11648,7

10674

-622,5

-451,4

-5,1%

-4,1%

Action extérieure de l'État

2942

2949,4

2765,1

2782,4

-176,9

-167,1

-6,0%

-5,7%

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

11649,6

11426,2

11215,2

11263,2

-434,4

-163

-3,7%

-1,4%

Aide publique au développement

4163,5

2898,9

3720,7

2752,8

-442,8

-146,1

-10,6%

-5,0%

Justice

7579,4

7806

7385,2

7661,2

-194,3

-144,8

-2,6%

-1,9%

Sécurités

18260,2

18237,8

17977,5

18096,5

-282,6

-141,3

-1,5%

-0,8%

Direction de l'action du Gouvernement

1386,7

1345,2

1161,1

1227

-225,6

-118,2

-16,3%

-8,8%

Culture

2575,2

2589,6

2502,8

2554,8

-72,4

-34,7

-2,8%

-1,3%

Administration générale et territoriale de l'État

2840,9

2738,6

2880,5

2713,4

39,6

-25,2

1,4%

-0,9%

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

2965,3

2968,7

2924,4

2945,9

-40,9

-22,8

-1,4%

-0,8%

Médias, livre et industries culturelles

865

811,2

839,7

788,9

-25,3

-22,3

-2,9%

-2,7%

Outre-mer

2145,1

2057,6

2049,9

2038,1

-95,2

-19,4

-4,4%

-0,9%

Conseil et contrôle de l'État

645,1

630,8

612,5

616,7

-32,6

-14,1

-5,0%

-2,2%

Politique des territoires

306,8

319,1

241,2

306

-65,6

-13,1

-21,4%

-4,1%

Sport, jeunesse et vie associative

539,7

546,1

531,1

534,9

-8,6

-11,2

-1,6%

-2,0%

Régimes sociaux et de retraite

6513,3

6513,3

6506,3

6506,3

-7

-7

-0,1%

-0,1%

Pouvoirs publics

990

990

990

990

0

0

0,0%

0,0%

Relations avec les collectivités territoriales

2759,9

2711,2

2775,9

2738

16

26,8

0,6%

1,0%

Immigration, asile et intégration

647,4

658,8

711,7

727,2

64,3

68,4

9,9%

10,4%

Santé

1295,5

1295,5

1390,7

1389,9

95,2

94,4

7,3%

7,3%

Enseignement scolaire

65136,5

64963,9

65277,4

65111,4

140,9

147,5

0,2%

0,2%

Économie

3640,7

3646,7

3646,1

3798,2

5,4

151,5

0,1%

4,2%

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

2993,1

3195,2

3491,9

3616,3

498,9

421,1

16,7%

13,2%

Solidarité, insertion et égalité des chances

13836,1

13858,7

14381,1

14322,6

545

464

3,9%

3,3%

Défense

41898,6

38920,6

42049,7

39871

151,1

950,4

0,4%

2,4%

Écologie, développement et mobilité durables

10220,9

9749

11316,2

11591,3

1095,3

1842,3

10,7%

18,9%

Total général*

260424,5

254413,2

259251,9

255787,2

-1172,7

1374

-0,5%

0,5%

* Hors missions « Provisions », « Remboursements et dégrèvements » et « Engagements financiers de l'État ». Les crédits incluent le deuxième programme des investissements d'avenir. Les missions sont classées par ordre croissant de l'écart entre crédits ouverts et consommés, en valeur et en CP. La double ligne marque la séparation entre missions ayant dépassé la dotation prévue en loi de finances initiale et missions l'ayant respectée.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données budgétaires

2. Les mouvements budgétaires en cours d'exécution paraissent dictés davantage par des facteurs conjoncturels que par des choix stratégiques

La répartition de la diminution de la dépense au cours de l'exercice 2014 ne paraît pas imputable à un choix stratégique clair du Gouvernement mais semble découler d'arbitrages ne laissant que peu de visibilité au gestionnaire, au citoyen et au Parlement.

Ainsi, les trois missions « Recherche et enseignement supérieur », « Égalité des territoires » et « Travail et emploi » , sans que les politiques publiques qu'elles portent ne soient significativement infléchies par le Gouvernement,  connaissent une consommation particulièrement en retrait par rapport aux autorisations de la loi de finances initiale : l'écart entre consommation et budgétisation initiale atteint plus de 500 millions d'euros en AE ou en CP pour chacune d'entre elles . Sur de plus petites missions, les écarts, bien que faibles au regard de la masse budgétaire totale, peuvent représenter une part très significative des crédits alloués en loi de finances initiale : ainsi, la mission « Direction de l'action du Gouvernement » a consommé des crédits inférieurs de 16 % en AE et d'environ 9 % en CP à ceux ouverts par la loi de finances initiale.

Graphique n° 18 : Écart entre les prévisions de la loi de finances initiale et l'exécution en 2014 pour les missions « Recherche et enseignement supérieur », « Égalité des territoires » et « Travail et emploi »

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données budgétaires

Concernant la mission « Travail et emploi », l'écart constaté s'explique pour une grande partie par la très faible consommation des crédits consacrés aux contrats de génération : alors que la loi de finances initiale pour 2014 avait doté ce dispositif d'une enveloppe de 975 millions d'euros en AE et de 165 millions d'euros en CP, la dépense ne s'est élevée qu'à 256 millions d'euros en AE et 83,6 millions d'euros en CP. Ce faible taux de consommation (26,3 % en AE et 50,7 % en CP) provient d'un nombre d'entrées dans le dispositif très inférieur aux prévisions, et non de nouvelles orientations de la politique du Gouvernement .

De même, les annulations intervenues sur la mission « Recherche et enseignement supérieur » ne s'appuient pas sur une redéfinition des priorités du Gouvernement , qui continue d'affirmer sa volonté de « préserver » le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche alors même que près de 500 millions d'euros en AE et 700 millions d'euros en CP ont été annulés par décret d'avance et par les lois de finances rectificatives en cours d'année. Les programmes de recherche sont les plus touchés. Ces réductions de crédits semblent davantage découler de la nécessité de maîtriser la dépense et une part significative de la faible consommation des crédits s'explique par une opération de débudgétisation relative à la recherche duale : 132 millions d'euros ont été annulés et remplacés par des crédits issus du programme des investissements d'avenir.

Enfin, en ce qui concerne la mission « Égalité des territoires, logement et ville » , l'écart entre les crédits alloués en loi de finances initiale et la consommation finalement constatée résulte en intégralité d'une illusion d'optique : depuis 2013 est mis en oeuvre un mécanisme budgétaire de reversement d'une partie des crédits, destinés aux fonctions supports, vers la mission « Écologie », à hauteur de 804 millions d'euros. Cette procédure ne facilite pas la lisibilité des crédits alloués à l'une comme à l'autre politique publique : une fois ce mouvement neutralisé, il apparaît que les dépenses de la mission ont en réalité dépassé les plafonds de la loi de finances initiale, ce qui s'explique par la sous-budgétisation chronique de plusieurs des dispositifs qu'elle finance - en particulier les aides personnelles au logement (APL) .

De façon symétrique, le dépassement des plafonds fixés en loi de finances initiale, concentré sur les missions « Écologie, développement et mobilité durables », « Défense » et « Solidarité, insertion et égalité des chances » , ne paraît pas davantage résulter de décisions du Gouvernement mais s'explique plutôt par le dérapage de certaines dépenses : une fois de plus, l'hébergement d'urgence et plusieurs dépenses de transfert (aide médicale d'État - AME - notamment) ont dû faire l'objet d'ouvertures de crédits en cours d'année. Concernant la défense, le dépassement des autorisations votées en loi de finances initiale s'explique pour une large part du fait la sous-budgétisation des OPEX en 2014 , la loi de finances initiale ne prévoyant qu'une dotation de 450 millions d'euros alors même que leur coût annuel dépasse 800 millions d'euros depuis 2008.

Votre rapporteur général souscrit donc à l'analyse de la Cour des comptes selon laquelle « les situations de sous-budgétisations, désormais circonscrites, sont persistantes » 51 ( * ) .

Graphique n° 19 : Écart entre les prévisions de la loi de finances initiale et l'exécution en 2014 pour les missions « Solidarité », « Défense » et « Écologie »

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données budgétaires

3. La hausse de la réserve de précaution et son importante mobilisation témoignent du report, en gestion, des arbitrages qui n'ont pas été pris en amont

Comme le montre le graphique ci-après, les crédits mis en réserve pour 2014 ont été de plus de 500 millions d'euros supérieurs à ceux de l'année 2013 . Le Gouvernement a en effet fixé, pour la gestion 2014, un taux de mise en réserve des crédits de 7 % hors titre 2, majoré par rapport au taux de 6 % retenu en 2013 (et de 0,5% des crédits ouverts sur le titre 2). Plus d'un tiers des crédits de la mise en réserve ont été annulés chaque année depuis 2011.

Si la réserve de précaution constitue un outil indispensable de gestion infra-annuelle et permet au Gouvernement de faire face aux aléas au cours de l'exécution tout en assurant le financement de mesures nouvelles décidées en cours d'année, l'augmentation régulière du taux de mise en réserve depuis 2012 conduit à s'interroger sur la soutenabilité de la budgétisation des différentes missions . L'évolution du taux de mise en réserve traduit la tension croissante sur l'exécution budgétaire mais ne garantit pas un meilleur pilotage infra-annuel de la dépense , dans la mesure où les gestionnaires n'ont pas de visibilité sur les crédits qui seront finalement annulés ou dégelés.

Graphique n° 20 : Évolution de la mise en réserve depuis 2013

(en millions d'euros)


* 51 RGBE 2014, p. 160

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