EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 14 octobre 2015, la commission a examiné le rapport et le texte sur le projet de loi n° 693 (2014-2015) portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine de la prévention des risques.

M. Hervé Maurey, président . - Michel Raison nous présente son rapport sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine de la prévention des risques. Je le remercie d'avoir accepté d'être rapporteur de ce texte extrêmement technique, et parfois frustrant en raison de la marge de manoeuvre limitée dont nous disposons sur ces transpositions. Je vous indique d'ailleurs qu'aucun amendement extérieur n'a été déposé, nous étudierons donc uniquement les quelques modifications qui seront proposées par le rapporteur.

M. Michel Raison, rapporteur . - Hervé Maurey l'a rappelé : notre marge de manoeuvre, déjà peu importante en matière de transposition de textes européens, est considérablement limitée par le temps bien insuffisant qui nous est imparti pour examiner un texte d'une nature aussi technique et recouvrant des sujets aussi variés. Nombre de rapporteurs connaissent bien ce problème...

Ce projet de loi est en réalité le deuxième « Ddadue » examiné par le Parlement dans le domaine de l'environnement. Le premier de ces textes était la loi du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable qui a, pour ainsi dire, inauguré une ère nouvelle pour les politiques publiques environnementales, en les faisant devenir un champ à part entière de transposition du droit européen, d'action et d'harmonisation des règlementations nationales en la matière.

Notre collègue Odette Herviaux, qui était alors rapporteure de ce texte pour notre commission, avait déjà souligné à l'époque que ce projet de loi recouvrait quasiment tous les contours du champ de compétences de notre commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, c'est-à-dire l'environnement, les transports et certains aspects des politiques énergétiques.

Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui se concentre, lui, sur le sujet de la prévention des risques et poursuit donc l'oeuvre de transposition commencée en 2013. Il a pour objectif de transposer dans notre droit un certain nombre de dispositions issues de directives européennes et de l'adapter à d'autres dispositions issues de règlements européens.

À titre principal, il transpose deux directives récentes visant à améliorer la prévention des risques :

- la directive du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013 relative à la sécurité des opérations pétrolières et gazières en mer, dite « directive offshore », adoptée à la suite de l'accident survenu sur la plate-forme mobile Deepwater Horizon le 20 avril 2010 dans le Golfe du Mexique ;

- la directive du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2015, qui a modifié la directive n° 2001/18 relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés (OGM) dans l'environnement.

Il adapte en outre notre droit national à la règlementation européenne en matière de produits et équipements à risques, de prévention et de gestion des déchets et de produits chimiques.

Cela a été rappelé, les lois de transposition peuvent procurer un sentiment de frustration en raison de leur double dimension : l'importance des sujets abordés par rapport à la faiblesse de la marge de manoeuvre. D'autant que nous avons l'obligation de transposer ces directives européennes en en respectant la lettre et l'esprit, sous peine de sanctions financières importantes !

Chacun des titres du projet de loi constitue un sujet à part entière et un champ important de l'activité de notre commission, ce qui fait que j'ai été tenté - et nous le sommes tous j'imagine - de rouvrir plus largement certains sujets qui, à mon sens, méritent de l'être - je pense notamment à la question des OGM. L'objectif est cependant tout autre : s'en tenir avec rigueur aux dispositions des textes européens - pas plus, pas moins - et ne pas tomber dans l'écueil d'une « surtransposition » qui ne ferait qu'ajouter à la légendaire complexité franco-française.

J'ai décidé de rencontrer les professionnels des secteurs concernés afin qu'ils me fassent part de leurs difficultés et de la manière dont ils étaient impactés, concrètement, par ces règlementations européennes. Je voudrais que notre priorité, étant donné le peu de latitude que nous avons pour transposer des textes déjà votés au niveau européen, soit de ne pas imposer de contraintes supplémentaires inutiles aux différents acteurs. Un mot d'ordre donc : de la simplification !

S'il est fondamental aujourd'hui de renforcer la sécurité dans un certain nombre de secteurs comme les opérations pétrolières et gazières, ou encore les produits chimiques et les équipements à risques, nous devons veiller à ne pas complexifier davantage le droit existant ni alourdir les procédures et les démarches administratives pour les différents opérateurs économiques.

Je vous rappellerai que, si nous pouvons regretter le calendrier particulièrement serré d'examen du texte, nous sommes pris par une contrainte : la date de transposition de la directive relative à la sécurité des opérations pétrolières et gazières en mer était fixée au 19 juillet 2015 et les mesures transitoires en ce qui concerne la possibilité pour les États membres de restreindre ou d'interdire la culture d'organismes génétiquement modifiés (OGM) sur leur territoire étaient en vigueur jusqu'au 3 octobre 2015. La transposition de ces différentes dispositions dans notre droit national doit donc intervenir rapidement.

Le titre I er du projet de loi, qui regroupe les articles 1 à 10, vise essentiellement à transposer les dispositions de la directive offshore du 12 juin 2013, relatives à la sécurité des opérations pétrolières et gazières en mer. L'accident de Macondo, dans le golfe du Mexique, en avril 2010, a conduit toutes les compagnies à des révisions systématiques des installations existantes, des évolutions de la conception des installations en fond de mer et un renforcement des bonnes pratiques. Notre vigilance ne doit pas pour autant se relâcher, notamment dans les environnements fragiles comme l'Arctique, qui suscite de plus en plus de convoitise. Une modernisation du cadre juridique sur la question de la sûreté des opérations de forage d'hydrocarbures en mer se justifie d'autant plus que le cadre législatif qui régit ces activités est ancien et mal adapté.

Pour cette raison, les articles 1 et 2 apportent des garanties supplémentaires quant aux capacités techniques et financières que doivent posséder les entreprises pour faire face aux risques et aux conséquences de leurs projets. L'article 3 prévoit que les autorités publiques disposent, dès la demande d'autorisation de travaux, d'un rapport sur les dangers majeurs particulièrement fouillé en ce qui concerne les risques environnementaux. L'article 4 lui adjoint un programme de vérification indépendante des installations. L'article 5 permet à l'administration d'exiger un rapport sur les circonstances de tout accident majeur survenu hors de l'Union Européenne sur une plateforme offshore d'une entreprise enregistrée sur le territoire national. L'article 6 précise que l'exploitant devra prendre en charge les frais d'intendance supportés par l'administration lors de l'inspection d'une installation offshore, ce qui correspond à une pratique déjà existante chez les industriels de l' offshore . L'article 6 bis , inséré par les députés, aligne les sanctions pénales pour les infractions offshore sur celles prévues onshore . L'article 7 introduit des dérogations de bon sens à l'interdiction de pénétrer dans la zone de sécurité définie autour des installations offshore, par exemple pour les navires en situation de détresse ou ceux chargés de l'inspection de cette zone. L'article 8 étend le champ d'application du principe pollueur-payeur à la pollution des eaux marines. Enfin, l'article 10 organise l'extension de ces dispositions à Wallis-et-Futuna et dans les TAAF. Toutes ces dispositions sont la transposition fidèle de la directive du 12 juin 2013 : je ne proposerai donc aucune modification.

Reste un article relatif aux stockages souterrains d'hydrocarbures et de gaz naturel. Depuis la transposition en droit français de la directive Seveso III, ces stockages relèvent de la législation sur les installations classées, les ICPE, et non plus du code minier. L'article 9 procède donc à quelques coordinations manquantes afin que ce régime s'applique pleinement à ces stockages. S'il n'appelle pas de commentaire à première vue, les représentants de l'industrie gazière que j'ai entendus m'ont fait part de leur inquiétude quant à l'application à venir de la législation sur les ICPE. Compte tenu des spécificités des activités de stockage souterrain, il semble plus adapté de maintenir les phases d'arrêt de l'exploitation et de suivi de l'après-mines dans le champ du code minier. Ces deux phases soulèvent en effet des problématiques de gestion du sous-sol profond - notamment en raison du stockage dans des puits, des cavités creusées dans le sel, ou encore des formations géologiques poreuses-, qui relèvent pleinement des activités minières et sont mieux encadrées par le code minier. Je vous proposerai donc un amendement en ce sens.

Le titre II comprend trois articles qui transposent des dispositions relatives aux produits et équipements à risques. Les articles 11 et 12 précisent le champ de contrôle des autorités et les sanctions applicables en matière de produits et équipements à risque en transposant les directives du 15 mai 2014 relative à l'harmonisation des législations des États membres concernant la mise à disposition sur le marché des équipements sous pression et du 23 juillet 2014 relative aux équipements marins. Ces directives ont pour objet de renforcer la sécurité maritime et la prévention de la pollution des milieux marins. L'article 12 bis , inséré en commission à l'Assemblée nationale, précise les modalités d'accès des agents chargés de la surveillance du marché des équipements marins aux espaces clos et aux locaux des opérateurs économiques. Sur ces articles, je vous proposerai d'adopter quatre amendements corrigeant des erreurs rédactionnelles ou de coordination.

Le titre III, relatif aux produits chimiques, comprend cinq articles. L'article 13 adapte le droit national au règlement du 16 avril 2014 relatif aux gaz à effet de serre fluorés, entré en vigueur au 1 er janvier 2015.

Les articles 14 à 16 concernent les produits biocides, qui sont utilisés pour lutter contre les organismes nuisibles pour l'homme, les animaux ou l'environnement, dans un but d'hygiène générale ou de santé publique. Ils sont le « pendant » des produits phytosanitaires en agriculture, mais relèvent d'une réglementation européenne distincte.

Le règlement du 22 mai 2012 prévoit une autorisation des biocides en deux temps, comme pour les phytosanitaires : tout d'abord, l'agence européenne des produits chimiques évalue les substances, qui sont ensuite autorisées par la Commission européenne ; ensuite, les produits incorporant ces substances doivent être évalués et autorisés par chaque État membre pour obtenir une autorisation de mise sur le marché.

En France, le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie délivre les autorisations sur la base des avis transmis par l'Anses, autorité chargée de l'évaluation.

Le projet de loi propose de modifier les compétences de l'Anses, afin que cette agence réalise non seulement les évaluations de produits biocides, mais procède également à la délivrance, à la modification et au retrait des autorisations de mise sur le marché.

Nos collègues du groupe Les Républicains de l'Assemblée nationale ont posé la question de l'opportunité et de l'utilité de ces dispositions. Lors de l'examen de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, le Gouvernement a proposé de réaliser ce même transfert de compétence en matière de phytosanitaires, ce qui avait provoqué de vifs débats. Si nous n'avons pas aujourd'hui de recul sur ces dispositions, qui sont entrées en vigueur le 1 er juillet, elles ne semblent pas inquiéter les acteurs.

Plusieurs raisons me conduisent à vous proposer d'adopter ces articles sans modification. Ce dispositif prévoit que le ministre conserve un pouvoir de dérogation ou de veto. Dans l'ancien système, les autorisations étaient données automatiquement par le ministère après avis positif de l'Anses. L'enjeu consiste à pouvoir modifier ou retirer une autorisation, en cas d'apparition d'un nouveau risque par exemple. N'oublions pas que le problème, avec les produits dangereux, est toujours le même : il faut trouver un produit remplaçant et être sûr que lui-même n'est pas dangereux...

Par ailleurs, l'Anses a d'ores et déjà réorganisé ses directions pour mettre en oeuvre ses nouvelles compétences en matière de produits phytosanitaires : l'évaluation du risque et la gestion du risque sont rigoureusement séparées. L'agence est donc prête à exercer cette nouvelle mission pour les biocides aussi.

Enfin, ce transfert de compétences simplifie la procédure pour les firmes commercialisant ces produits, les entreprises et les services publics utilisant des biocides : cela permettra de réduire les délais de mise sur le marché, ce qui me semble une bonne chose.

Je vous propose donc de voter ces articles sans modification.

Le titre IV transpose la directive du 11 mars 2015 relative à la possibilité pour les États membres de restreindre ou d'interdire la culture d'organismes génétiquement modifiés (OGM) sur leur territoire.

Vous connaissez tous le contexte de cette directive : les autorisations de mise sur le marché d'OGM sont aujourd'hui bloquées au niveau européen en raison des divergences entre les différents États membres. Les États ne pouvaient s'opposer aux autorisations délivrées qu'en invoquant des mesures d'urgence ou des clauses de sauvegarde, qui étaient sources de contentieux, comme cela a pu être le cas pour la France.

La directive de 2015 vise à résoudre ces difficultés en laissant aux États la possibilité d'interdire la culture d'OGM sur leur territoire, sur la base de critères d'intérêt général, à savoir la politique environnementale, des critères sociaux, économiques, agricoles, ou encore l'ordre public, ce que je trouve assez éloigné d'une objectivité scientifique. Je suis choqué qu'on puisse interdire la culture d'OGM au prétexte que cela troublerait l'ordre public, même si je soupçonne la France d'être à l'origine de cette demande auprès du parlement européen. Je pense à ces fameux champs d'OGM plantés par l'INRA : ils ont été honteusement détruits et les auteurs de ces actes sont restés tout aussi honteusement impunis... L'objectif est donc de débloquer de cette manière le processus européen d'autorisation des OGM.

Les articles 18 et 19 du projet de loi modifient donc le code de l'environnement et le code rural afin d'inscrire dans notre droit la nouvelle procédure qui se décline en deux phases : premièrement, la France peut demander au pétitionnaire que sa demande d'autorisation d'un OGM n'inclue pas le territoire national. En cas de refus du pétitionnaire, ou si la France n'a pas formulé de demande en phase 1, l'État pourra restreindre ou interdire la mise en culture de l'OGM en question sur le territoire national pour les motifs cités précédemment.

Nous n'avons pas d'autre choix que de transposer cette directive. Cette transposition m'inspire toutefois quelques regrets, ou tout au moins quelques interrogations.

Cette directive marque, d'une certaine manière, l'abandon du principe pourtant fondamental en droit européen d'application uniforme et harmonisée des réglementations. Nous réclamons l'harmonisation sur beaucoup de sujets : nous voilà dans la démarche inverse, c'est rare... Avec ce texte, certains États cultiveront des OGM, d'autres non. Les autorisations ne seront plus délivrées pour l'Europe entière. Il est regrettable que la situation de blocage dans laquelle nous nous trouvons actuellement conduise à revoir notre ambition européenne à la baisse.

Pour autant, je veux rester positif, et j'espère que la mise en oeuvre de cette directive se traduira par une sortie de la paralysie, même si la France a pour sa part déjà annoncé, sans attendre le vote de ce texte, qu'elle souhaitait exclure son territoire de la mise sur le marché d'une dizaine d'OGM en cours d'évaluation.

Ce texte pose par ailleurs la question cruciale du seuil d'OGM autorisé dans les semences et les produits : il y a de nombreux débats, vous le savez, sur le seuil accepté dans les semences et produits conventionnels. Avec une mise en oeuvre différenciée des autorisations de mise sur le marché d'OGM entre les États membres, et une circulation toujours plus grande des semences entre les États, cette question va retrouver toute son importance. Le projet de loi que nous examinons n'est pas le lieu pour avoir ce débat, mais j'espère que les discussions, et en particulier les discussions techniques sur la mesure des seuils, vont pouvoir aboutir dans un futur proche.

Je vous proposerai un seul amendement sur ce volet : la suppression d'une demande de rapport à l'article 19 ter sur les risques de contamination des cultures conventionnelles et biologiques. Nous avons eu une position assez constante sur les demandes de rapport dans les textes examinés récemment, et je sais que notre collègue Gérard Cornu sera sensible à cet amendement. (Sourires) Je me sens d'autant plus convaincu de la nécessité de supprimer ce rapport que le Haut Conseil des biotechnologies va travailler sur le sujet et remettra une étude. Évitons les doublons inutiles...

Le titre V procède à une simplification de procédure en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, pour les entreprises dont le régime administratif change à la suite d'une modification de la nomenclature des ICPE.

Le titre VI comprend un article unique inséré par le Gouvernement en séance publique à l'Assemblée nationale, qui vise à actualiser la transposition de la directive du 13 octobre 2003 relative au système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (SEQE) dans la Communauté et de ses textes d'application, au regard des nouvelles règles applicables à la « troisième période » qui a débuté en 2013. Je vous proposerai un amendement rédactionnel sur cet article.

En conclusion, je dirai que la France se doit d'être exemplaire en matière de transposition, particulièrement sur des sujets très sensibles comme les risques environnementaux.

Mme Odette Herviaux . - Je souhaite féliciter notre rapporteur pour le travail de précision qu'il a mené sur ce texte. J'y suis d'autant plus sensible que pour avoir été rapporteure d'un projet de loi Ddadue, j'en connais bien les écueils...

Je partage tout à fait votre conclusion : la transposition doit être la plus exacte possible, nous devons nous y tenir. Le débat de fond sur les hydrocarbures a été long et houleux au parlement européen. Entre la volonté d'anticiper de grands risques, ce qui fait peser une sévérité trop importante sur les entreprises, et un laxisme qui pourrait nous conduire à des catastrophes environnementales aux conséquences dramatiques, l'équilibre est ténu.

En ce qui concerne les industries pétrolières et gazières, la sécurité des opérations en mer est renforcée par le texte. Il me semble que les garanties techniques et financières qui sont exigées sont normales au vu des enjeux d'un éventuel problème.

Les députés ont inséré un article 6 bis relatif aux sanctions en cas de non-respect de règles relatives aux demandes de titres miniers. Sur ce sujet, la position du groupe socialiste et républicain est proche de la vôtre, et pourtant, nous sommes contre l'amendement que vous proposez. Il nous semble important que l'ensemble des activités de stockage d'hydrocarbures et de gaz continuent d'être régies par les ICPE, et non par le code minier comme vous le proposez. En effet, avec le régime des ICPE, les entreprises endossent la responsabilité de la surveillance accrue du stockage, et financent cette surveillance pendant trente ans - ce sont de grosses entreprises, elles en ont les moyens. Si ces dispositions sont transférées dans le code minier, c'est alors à l'État d'assumer cette responsabilité, pour une durée de dix ans seulement. Ne faisons pas trop de cadeaux aux entreprises !

Mme Nelly Tocqueville . - Je remercie à mon tour notre collègue pour ces explications techniques. Certes, l'exercice de transposition ne nous permet pas une grande marge de manoeuvre ; il nous laisse cependant le choix des moyens de mise en oeuvre de la directive, ce qui est positif.

Pour les OGM, l'objectif de ce projet de loi a été rappelé, il s'agit de pallier les manques constatés dans la directive de 2001. Se posait notamment le problème de la majorité qualifiée, qui n'a d'ailleurs jamais été atteinte il me semble.

Il me semble qu'il existe d'autres raisons de restreindre ou d'interdire la mise en culture de certains OGM sur le territoire national que celles que vous avez mentionnées : la politique agricole, le risque pour les sols, les incidences socio-économiques...

Si je n'ai aucune autre observation à faire sur l'ensemble des articles, je m'interroge tout de même sur la proposition de suppression de la demande de rapport à l'article 19 ter . Pourquoi donc le supprimer ? Le sujet me paraît important...

Votre exposé ne mentionne pas non plus le problème de la gestion des risques dans les zones transfrontalières : quelles garanties peuvent être demandées par un État ?

Concernant les biocides, il est important que le politique garde la main : c'est le sens de vos travaux, et je m'en réjouis.

Enfin, je note l'apport substantiel de nos collègues députés à l'article 18 sur le sujet de la participation du public.

M. Jean Bizet . - J'interviendrai uniquement sur le sujet des biotechnologies vertes.

Je voterai ce texte, puisque nous sommes dans l'obligation de transposer les directives européennes, mais sans enthousiasme. La volonté de simplification qui a animé vos travaux va dans le bon sens pour mieux légiférer. Je vais d'ailleurs déposer demain, avec mon collègue Simon Sutour, une proposition de résolution à ce sujet.

Force est de constater que la directive de 2015 fait montre d'un certain manque de courage politique. Malgré la possibilité de mise en oeuvre d'une clause de sauvegarde - ce qui permettra d'ailleurs de déjuger des autorités sanitaires scientifiques comme l'Anses, disons-le clairement -, on peut craindre des effets collatéraux néfastes, et en particulier une distorsion de concurrence entre les États membres. Nous connaissons d'ailleurs déjà le problème avec la filière porcine espagnole. On assiste également à un « détricotage » de la politique agricole commune : cela me semble assez ennuyeux... Attendons quelques années pour tirer les premières conclusions, mais pour l'heure, cette directive ne satisfait personne. J'en profite pour mentionner que la proposition de directive sur la limitation de l'importation d'OGM venant d'autres pays mise au vote hier au parlement européen a été rejetée très brutalement, à la fois par la commission de l'environnement et par la commission de l'agriculture. Ce sujet qui provoque des crispations en France ne pose pas tant de problèmes dans d'autres pays : nous sommes seuls contre tous, mais nous voulons à tout prix avoir raison...

Cependant, je salue les propositions de notre rapporteur sur ce texte, qui vont dans le bon sens. Ses analyses sont très justes.

M. Alain Fouché . - Cet exposé était très clair : merci monsieur le rapporteur. Je souhaite revenir sur le sujet des opérations pétrolières : quels en seront véritablement les contrôles ? Quelles dispositions pour sanctionner le non-respect des règles ? Par exemple, il me semble qu'il est interdit de puiser du pétrole en Arctique. Pourtant, Total contourne l'interdiction en missionnant des navires russes qui ramènent le pétrole dans des ports nordiques où il est récupéré et acheminé en France. Total est-il une puissance industrielle intouchable ?

J'ai déjà interrogé Ségolène Royal sur ce sujet grave et important, mais je n'ai pas obtenu de réponse ; je la solliciterai à nouveau car la situation me semble, actuellement, loin d'être satisfaisante.

M. Ronan Dantec . - Je rends à mon tour hommage à notre rapporteur pour le travail qu'il a fourni : un Ddadue, c'est compliqué car très réglementé, mais il a su y injecter une volonté politique.

Il y aurait beaucoup à dire sur ce texte ; je vais m'en tenir à l'essentiel. Les grandes entreprises doivent maintenant prouver leurs capacités à gérer d'éventuels dommages environnementaux, c'est très intéressant et ça change profondément la donne économique de certaines activités. Alors oui, ça peut créer certaines distorsions de concurrence... mais dans l'ensemble, ces avancées me paraissent positives.

Sur le sujet des biocides, le texte a été considérablement amélioré par nos collègues écologistes de l'Assemblée nationale.

Odette Herviaux a tenu un argumentaire très précis sur l'absence d'intérêt, voire les conséquences dommageables, à troquer la réglementation des ICPE contre celle du code minier. J'y souscris pleinement.

Enfin, et une fois n'est pas coutume, mon avis sur les OGM rejoint celui de notre collègue Jean Bizet. Il a dû nous quitter, mais si on pouvait le lui faire savoir... (Sourires) Personne n'est content du compromis choisi par l'Europe !

On passe trop souvent sur le sujet de la contamination transfrontalière, qui est complexe : traverser la frontière, trouver le responsable et chiffrer les dommages environnementaux devient très compliqué. L'Europe devrait adopter une position forte contre le développement des OGM. Là se situe peut-être un léger désaccord avec Jean Bizet, je soutiendrai fermement les amendements du groupe écologiste visant à renforcer l'étiquetage des produits et l'information du consommateur. Il me semble d'ailleurs que c'est l'un des meilleurs moyens de lutter contre la distorsion de concurrence ! Nous savons qu'en France, les consommateurs ont tendance à privilégier des produits sans OGM. Il existe d'ailleurs des raisons objectives d'être « anti-OGM » : ces raisons sont scientifiques, et pas obscurantistes comme on l'entend parfois... D'ailleurs, à titre personnel, je pense que la filière porcine bretonne gagnerait à ne plus s'adosser à des productions OGM.

Nous sommes d'accord, l'Europe a opté pour un compromis qui ne satisfait personne. Laissons les consommateurs être arbitres, et donnons-leur les moyens de faire un choix éclairé en toute transparence. J'espère donc que notre collègue Jean Bizet votera mon amendement sur l'étiquetage...

Mme Chantal Jouanno . - Bien sûr !

M. Michel Raison, rapporteur. - Je voudrais ajouter un élément à notre débat : pour une fois dans cet exercice de transposition, sur la partie pétrolière, nous sommes sur quelque chose de très concret. Il n'y a là aucune idéologie : nous sommes face à du risque avéré. Nous avons le devoir de prendre le maximum de précaution, non seulement pour l'environnement mais aussi pour la sécurité des personnes.

Pour répondre à notre collègue Nelly Tocqueville, sur les motifs qu'un Etat membre peut invoquer pour interdire les OGM, j'avais cité les motifs socio-économiques. J'ajoute qu'en ce qui concerne la participation du public à l'article 18, il s'agit d'une obligation constitutionnelle.

Quelques mots sur les OGM par rapport à ce que vient de dire notre collègue Ronan Dantec. En ce qui concerne les amendements qu'avaient déposés vos collègues écologistes à l'Assemblée nationale sur la question de l'étiquetage, nous sommes bien là dans la surtransposition. Le débat sur l'étiquetage doit être européen. Une directive européenne est d'ailleurs en préparation. Il y a un risque à surtransposer à l'échelon national sur ce sujet, et surtout si on le fait de manière non scientifique.

Deuxièmement, je crois qu'il nous faut raisonner OGM par OGM. Il est trop facile de présenter uniformément les OGM comme des plantes qui résistent aux herbicides. Oui, un certain nombre d'OGM sont des plantes qui résistent aux herbicides - les plus classiques sont le colza et le soja. À titre personnel, je ne suis pas un grand défenseur de ce type d'OGM car c'est vrai qu'ils n'apportent pas grand-chose, ni au consommateur ni au producteur. En revanche, il y a des OGM qui peuvent nous apporter des réponses, en particulier dans certaines parties du monde, comme par exemple un riz qui peut se cultiver avec très peu d'eau ou un riz qui peut devenir riche en vitamine A, alors qu'on sait que les populations qui consomment le plus de riz ont des problèmes de cécité liés à un manque de vitamine A. Ne généralisons pas le discours sur les OGM.

M. Hervé Maurey, président. - Nous en venons maintenant aux amendements. Vous aurez compris que c'est parce que ce texte est compliqué que nous avons fait appel à un rapporteur de talent.

Les articles 1 er , 2, 3, 4, 5, 6, 6 bis, 7 et 8 sont adoptés sans modification.

Article 9

M. Michel Raison, rapporteur. - Sur mon amendement, je ne suis pas en complet désaccord avec notre collègue Odette Herviaux. Je propose néanmoins de le maintenir, tout en sachant que je ne suis pas arc-bouté par principe sur cette position. Ce qui m'intéresse, c'est surtout d'avoir une réponse de la ministre sur ce sujet.

Mme Évelyne Didier. - Je rejoins les préoccupations de notre collègue Odette Herviaux. Lorsqu'on a donné la responsabilité des fins de concession à l'Etat, c'est qu'il y avait eu des défaillances du côté des entreprises. Il n'empêche que c'est un passage de témoin entre deux entreprises. Or, on sait que les entreprises refusent le risque et préfèrent laisser la responsabilité à l'Etat. Je suis donc moi aussi impatiente d'entendre la réponse de la ministre sur ce sujet.

M. Michel Raison, rapporteur. - Nous savons déjà qu'elle ne sera pas favorable à l'amendement.

Mme Chantal Jouanno . - Il serait préférable que l'amendement soit retiré et redéposé pour la séance.

M. Michel Raison, rapporteur. - Il peut être voté ici, je ne le retire pas.

L'amendement COM-7 n'est pas adopté.

L'article 9 est adopté sans modification.

L'article 10 est adopté sans modification.

Article 11

Les amendements COM-4, COM-1 et COM-2 sont adoptés.

L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 12

L'amendement COM-5 est adopté.

L'article 12 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Les articles 12 bis, 13 et 14 sont adoptés sans modification.

Article 15

L'amendement COM-9 est adopté.

L'article 15 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Les articles 16 et 17 sont adoptés sans modification.

Article 18

L'amendement COM-8 est adopté.

L'article 18 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Les articles 19 et 19 bis sont adoptés sans modification.

Article 19 ter

M. Michel Raison, rapporteur. - Mon amendement vise à supprimer un rapport. Je suis d'accord sur la nécessité de regarder la situation dans les zones transfrontalières. Mais ce rapport est déjà prévu par le Haut Conseil des biotechnologies. Il sera fait. Nul besoin d'en redemander un autre.

M. Ronan Dantec . - Je trouve maladroit de supprimer cet article puisque, d'un côté, on dit qu'il faut un maximum de transparence et de l'autre, dès qu'on demande davantage de transparence et, de débat public, vous votez contre. Vous contribuez ainsi à ce qui fait que le débat ne peut pas avancer. Ici, il s'agit de renforcer le travail du Haut Conseil des biotechnologies.

M. Michel Raison, rapporteur. - Je peux vous assurer que moi aussi je souhaite de la transparence sur ce sujet. Et je fais confiance au Haut Conseil des biotechnologies.

M. Jean-Jacques Filleul . - Nous ne sommes pas pour les rapports systématiques. Mais ce rapport nous semble important ; il peut être déterminant pour les zones frontalières. Nous voterons contre l'amendement du rapporteur, mais pour le projet de loi.

M. Pierre Médevielle . - En tant que membre du Haut Conseil des biotechnologies, je pense qu'il n'est pas inutile d'avoir un rapport supplémentaire sur ce sujet. Tous les éclaircissements sont les bienvenus.

L'amendement COM-6 n'est pas adopté.

L'article 19 ter est adopté sans modification.

L'article 20 est adopté sans modification.

Article 21

L'amendement COM-3 est adopté.

L'article 21 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

La réunion est levée à 12 h 05.

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