AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Par lettre en date du 27 août 2014, le secrétaire d'État aux sports, M. Thierry Braillard, a chargé M. Jean-Pierre Karaquillo, directeur du Centre du droit et d'économie du sport, d'une mission sur la situation professionnelle et sociale des sportifs de haut niveau. Après cinq mois d'auditions, M. Jean-Pierre Karaquillo a remis un rapport 1 ( * ) contenant 41 préconisations qui visent trois grands objectifs :

- préparer les sportifs à la carrière sportive et à l' « après-carrière » sportive à travers la construction d'un projet professionnel adapté à leurs contraintes et l'optimisation de l'accompagnement socio-professionnel des sportifs ;

- offrir aux sportifs de haut niveau des conditions sociales et financières convenables leur permettant de se consacrer de manière sereine à leur pratique sportive ;

- sécuriser les régimes juridiques liés aux contrats à durée déterminée d'usage signés par les joueurs professionnels et aux mutations temporaires des sportifs et entraîneurs salariés.

Une grande partie des dispositions à caractère législatif de ce rapport a été reprise dans la proposition de loi de M. Bruno Le Roux , Mme Brigitte Bourguignon , MM. Patrick Bloche et Pascal Deguilhem et les membres du groupe socialiste visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale, déposée le 15 avril 2015 à l'Assemblée nationale puis adoptée à l'unanimité le 8 juin dernier.

Cette proposition a ensuite été transmise pour examen à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat.

La haute Assemblée est attentive, depuis longtemps, aux questions du sport et il ne s'écoule pas une année sans qu'un rapport sur un sujet lié au sport n'y soit publié 2 ( * ) .

Une mission commune d'information sur le sport professionnel et les collectivités territoriales a même été créée en 2013 3 ( * ) qui a remis son rapport en avril 2014.

Le Sénat est donc particulièrement sensible aux questions soulevées par la présente proposition relative au statut social et professionnel des sportifs de haut niveau.

Au-delà des contingences politiques, cette proposition de loi a donc été examinée dans un esprit constructif et le souci constant d'offrir aux sportifs de haut niveau les meilleures conditions pour mener leur carrière sportive et assurer leur insertion citoyenne et professionnelle.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LES ENJEUX LIÉS À LA SITUATION SOCIALE ET PROFESSIONNELLE DES ATHLÈTES ACCOMPLISSANT DES ACTIVITÉS SPORTIVES DE HAUT NIVEAU

La présente proposition de loi souhaite apporter des solutions concrètes à trois enjeux :

- la nécessité d'inciter les athlètes accomplissant des activités sportives de haut niveau à définir puis poursuivre leur double projet, à savoir la recherche de l'excellence sportive et la réussite scolaire, universitaire et professionnelle ;

- la mauvaise couverture sociale des sportifs de haut niveau en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles ;

- l'insécurité juridique qui pèse sur les contrats à durée déterminée d'usage du monde sportif professionnel.

A. LE DOUBLE PROJET : UNE NÉCESSITÉ À LA FOIS POUR LES SPORTIFS DE HAUT NIVEAU ET LES SPORTIFS PROFESSIONNELS

Derrière le terme de sportifs de haut niveau se cache une réalité très contrastée. En effet, au-delà des sportifs très médiatisés à l'occasion de leur montée sur un podium à la fin des championnats du monde ou des Jeux olympiques, près de 7 000 sportifs sont concernés, dont la plupart sont inconnus du grand public.

Selon l'article D. 221-2 du code du sport, le sportif de haut niveau doit remplir trois conditions pour pouvoir être inscrit sur la liste des sportifs de haut niveau arrêtée chaque année par le ministre des sports :

- son inscription sur ladite liste doit être proposée par une fédération sportive délégataire ;

- il doit pratiquer (ou avoir pratiqué) la compétition au plan international dans une discipline sportive dont le caractère de haut niveau a été reconnu par la Commission nationale du sport de haut niveau ;

- il doit être âgé d'au moins douze ans.

En fonction de son niveau sportif, le sportif est inscrit dans l'une des catégories existantes :

- la catégorie Elite : elle regroupe les sportifs ayant participé à des championnats internationaux ou des jeux olympiques et ayant obtenu un classement significatif. En 2014, elle comptait 769 athlètes ;

- la catégorie Sénior : il s'agit des sportifs sélectionnés en équipe de France pour préparer les compétitions internationales officielles de référence. Ils étaient 2 343 en 2014 ;

- la catégorie Jeunes, qui représente 3 316 athlètes en 2014 sélectionnés dans une équipe de France pour les catégories d'âge correspondant aux juniors ou espoirs ;

- la catégorie Reconversion qui vise des sportifs ayant été inscrits dans la catégorie Elite ou dans une autre catégorie pendant 4 ans, dont au moins 3 ans dans la catégorie Sénior. Ils représentaient 153 sportifs en 2014.

Au-delà de ces différences de statut, l'ensemble des sportifs de haut niveau sont concernés par le double projet, qui allie recherche de l'excellence sportive et réussite scolaire, universitaire et professionnelle.

En effet, la carrière sportive exige une parfaite condition physique et une très grande capacité de récupération après l'effort. Par conséquent, cette dernière ne peut être envisagée que sur une période de temps limitée et difficilement prévisible, qui peut se trouver écourtée plus ou moins brutalement à la suite d'une blessure ou d'une diminution des performances.

C'est la raison pour laquelle il est indispensable que chaque sportif de haut niveau, tout en se consacrant à sa discipline, soit conscient le plus en amont possible de la nécessité d'élaborer en parallèle un projet en mesure d'assurer son insertion dans le monde professionnel.

Cette réflexion sur l'après-carrière sportive a également l'avantage de maintenir le sportif en contact avec la « vraie » vie, qui n'est pas celle qu'il vit au quotidien, dont le rythme est structuré par les entraînements et les compétitions et qui offre peu d'opportunités pour rencontrer des personnes qui n'ont pas de relation avec le milieu du sport.

Elle constitue enfin un moyen de prendre du recul sur sa pratique sportive en permettant au sportif de penser à autre chose.

Néanmoins, la poursuite du double projet se heurte à de nombreux obstacles.

D'abord, les athlètes pratiquant une activité sportive de haut niveau ne sont pas tous réceptifs à cette problématique de l'après-carrière. Grisés par les premiers succès, concentrés sur leurs performances sportives, ils sont tentés de la renvoyer à plus tard, souvent en ayant l'illusion de contrôler la situation. L'entourage familial, ainsi que l'appétence pour les études et les capacités cognitives des sportifs influencent également leur implication dans l'élaboration et le suivi du double projet.

L'environnement sportif de l'athlète porte également sa part de responsabilité dans la définition et la mise en oeuvre du double projet. En effet, l'athlète est en relation permanente avec son entraîneur et, selon son statut, sa fédération ou son club employeur. Si les exemples d'engagement de ces entités dans le double projet de leurs sportifs sont nombreux, beaucoup privilégient la performance immédiate et jugent la conduite d'un double projet incompatible avec la recherche de performance.

Par ailleurs, l'absence d'informations centralisées sur les dispositifs de formation existants, les éventuelles pesanteurs administratives et le désarroi que peut susciter la multitude des intervenants peuvent conduire un sportif, pourtant convaincu de l'utilité du double projet, à y renoncer.


* 1 « Statuts des sportifs », rapport remis à M. Thierry Braillard, secrétaire d'État aux sports par M. Jean-Pierre Karaquillo, professeur agrégé des facultés de droit, co-fondateur du Centre de droit et d'économie du sport, avocat.

* 2 Peuvent ainsi être cités le rapport d'information n °403 du 13 mai 2009 de M. Michel Sergent, au nom de la commission des finances, sur l'Institut national du sport et de l'éducation physique ; le rapport d'information n° 184 du 15 décembre 2010 de M. Jean-Jacques Lozach, au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication sur le CREPS ; le rapport d'information n° 287 du 24 janvier 2012 de M. Jean-Marc Todeschini, au nom de la commission des finances, sur le centre national du développement du sport ; le rapport de M. Jean-Jacques Lozach n °782 du 17 juillet 2013, au nom de la commission d'enquête sur le dopage.

* 3 Rapport d'information de M. Stéphane Mazars n °484 du 29 avril 2014, au nom de mission d'information sur le sport professionnel et collectivités territoriales.

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