EXAMEN DES ARTICLES
TITRE IER - RAPPROCHER LA JUSTICE DU CITOYEN

CHAPITRE IER - RENFORCER LA POLITIQUE D'ACCÈS AU DROIT

Article 1er (art. L. 111-2, L. 111-4, L. 141-1 et intitulé du titre IV du livre Ier du code de l'organisation judiciaire, art. 54, 55 et 69-7 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique) - Principes de l'accès au droit et de l'accès à la justice

Le I du présent article modifie l'article L. 111-2 du code de l'organisation judiciaire (COJ), qui dispose actuellement que « la gratuité du service de la justice est assurée selon les modalités fixées par la loi et le règlement », pour ajouter un alinéa faisant référence au « service public de la justice » qui « concourt à l'accès au droit et assure un égal accès à la justice ».

Cette disposition consacre, au sein de cet article à forte portée symbolique, la notion de « service public » 10 ( * ) . Elle assigne explicitement à ce service la mission de concourir à l'accès au droit et d'assurer l'égal accès à la justice, donnant ainsi une dimension à part entière à l'accès au droit, à côté de l'activité juridictionnelle proprement dite.

À l'heure actuelle, on trouve l'expression « service public de la justice » dans un seul article du COJ, l'article L. 411-4 11 ( * ) .

En 1952, le Tribunal des conflits utilisait cette expression pour distinguer explicitement l'organisation du « service public de la justice » de l'exercice de la fonction juridictionnelle des magistrats, déduisant de cette distinction la compétence de la juridiction administrative pour connaître d'un litige relatif à l'arrêt du fonctionnement des juridictions de Guyane 12 ( * ) .

Si, lors de leur audition par votre rapporteur, les représentants du syndicat de la magistrature se sont montrés favorables à l'utilisation de cette notion, en revanche, les représentants de l'union syndicale des magistrats, également entendus, s'y sont opposés, estimant que la justice n'est pas un service public au sens du droit administratif et que cette approche était inadaptée s'agissant d'une mission régalienne de l'État.

Adoptant la même position, les représentants de la conférence nationale des procureurs généraux, lors de leur audition, ont estimé que si cette dimension du service de la justice n'était pas contestée, la qualification de « service public » mettrait « à mal la spécificité de l'autorité judiciaire, dotée d'une indépendance constitutionnelle, et de nature à emporter des conséquences lourdes sur le plan du statut des magistrats, et sur le plan de la définition des blocs de compétence relevant de la justice judiciaire et de la justice administrative ».

Cette réflexion a été partagée par les représentants du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), de la Cour de cassation et de la conférence nationale des premiers présidents de cour d'appel.

Votre rapporteur s'est montré sensible à ces arguments et a proposé à votre commission, qui l'a suivi, d'adopter un amendement ( COM-19 ) supprimant la référence au « service public » de la justice du projet de loi et conservant la terminologie actuellement utilisée par le COJ : « service de la justice ».

Le II du présent article décline ensuite ces principes dans l'organisation territoriale de l'accès au droit, en prévoyant une adaptation des structures d'accès au droit, pilotées par les conseils départementaux de l'accès au droit (CDAD) institués dans chaque département.


L'extension des missions des CDAD

L'article 54 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique serait modifié pour renforcer les missions des CDAD. Ils seraient désormais chargés de participer à la mise en oeuvre de politiques locales de résolution amiable des litiges.

Cette disposition vise à améliorer le recours aux modes alternatifs de règlement des différends (MARD), comme le préconise le rapport d'avril 2015 de l'inspection générale des services judiciaires 13 ( * ) , qui propose d'associer davantage les CDAD au développement des procédures négociées.

Lors de leur audition par votre rapporteur, les représentants des premiers présidents de cour d'appel se sont montrés réservés concernant cette extension, estimant que le développement de la médiation et de la conciliation relevait de la politique fixée par la cour.

Si l'étude d'impact annexée 14 ( * ) au projet de loi peut effectivement comporter une ambiguïté concernant le rôle dévolu par le texte aux CDAD en matière de développement des modes de résolution amiable des litiges, le texte de l'article 1 er est clair : les CDAD participent « à la mise en oeuvre de la politique locale de résolution amiable des litiges ». Ils n'ont pas vocation à intervenir dans sa définition.

Le présent article prévoit également que les CDAD pourraient mener des actions communes avec d'autres CDAD.


La réforme de la composition des CDAD

L'article 55 de la loi du 10 juillet 1991 fixe la composition du CDAD. Une association oeuvrant dans le domaine de l'accès au droit y siège. Le présent article précise que l'association désignée peut également être une association oeuvrant dans le domaine de l'aide aux victimes ou de la médiation. Cette précision est cohérente avec l'extension des missions des CDAD prévue au présent article.

Actuellement, cette association est désignée conjointement par le président du tribunal de grande instance du chef-lieu du département et par les membres du CDAD 15 ( * ) autres que l'État. Le présent article ajoute que le procureur de la République près ce tribunal participerait également à cette désignation.

Quant à la présidence du CDAD, elle est aujourd'hui assurée par le président du tribunal de grande instance du chef-lieu du département, qui a voix prépondérante en cas de partage égal des voix. Le présent article confie au procureur de la République près ce même tribunal la vice-présidence du conseil.

Les fonctions de commissaire du Gouvernement ne pouvant plus être confiées au procureur de la République, désormais vice-président, elles seraient désormais assurées par un magistrat du siège ou du parquet de la cour d'appel en charge de la politique associative, de l'accès au droit et de l'aide aux victimes, désigné conjointement par le premier président de la cour d'appel dans laquelle siège le CDAD et le procureur général près cette cour.

Enfin, le présent article prévoit les mêmes modifications de composition, à l'article 69-7 de la loi du 10 juillet 1991, pour le CDAD de Polynésie française.

Votre commission a adopté un amendement rédactionnel ( COM-20) .

Votre commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié .


* 10 À l'article L. 111-2 du COJ mais également dans l'intitulé du titre IV du livre I er et aux articles L. 111-4 et L. 141-1 du même code.

* 11 Cet article dispose que « l'action récursoire contre les magistrats ayant commis une faute personnelle se rattachant au service public de la justice est exercée devant une chambre civile de la Cour de cassation ».

* 12 Tribunal des conflits, 27 novembre 1957, Préfet de la Guyane , n° 01420 : « Considérant que les actes incriminés sont relatifs non à l'exercice de la fonction juridictionnelle mais à l'organisation même du service public de la justice ; que l'action des requérants a pour cause le défaut de constitution des tribunaux de première instance et d'appel dans le ressort de la Guyane, résultant du fait que le gouvernement n'a pas pourvu effectivement ces juridictions des magistrats qu'elles comportaient normalement ; qu'elle met en jeu la responsabilité du service public indépendamment de toute appréciation à porter sur la marche même des services judiciaires ; qu'il appartient dès lors à la juridiction administrative d'en connaître ».

* 13 Rapport de l'inspection générale des services judiciaires (IGSJ) sur le développement des modes amiables de règlement des différends, réalisé avec l'appui du secrétariat général à la modernisation de l'action publique, n° 22-15, avril 2015, p. 42. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.justice.gouv.fr/publication/2015_THEM_Rapport_definitif_reglement_conflits.pdf.

* 14 L'étude d'impact, p. 17, précise que le projet de loi a pour objectif d'« étendre les missions des CDAD à la politique locale de résolution amiable des litiges » car ils constituent « une instance départementale unique de discussion, de concertation et d'arbitrage rassemblant les principaux acteurs intervenant dans ces domaines ».

* 15 Le département, l'association départementale des maires, de l'ordre ou de l'un des ordres des avocats du département, de la caisse des règlements pécuniaires des avocats de ce barreau, de la chambre départementale des huissiers de justice, de la chambre départementale des notaires et, à Paris, de l'ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation.

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