TRAVAUX DE LA COMMISSION

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Audition de M. Nicolas Revel,
directeur général de la caisse nationale d'assurance maladie
des travailleurs salariés

Réunie le mercredi 14 octobre 2015, sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission procède à l'audition de M. Nicolas Revel, directeur général de la caisse nationale d'assurance maladie
des travailleurs salariés
( Cnam), sur le projet de loi financement de la sécurité sociale pour 2016.

M. Alain Milon , président . - Dans le cadre de nos auditions préparatoires au PLFSS, j'ai le plaisir d'accueillir ce matin M. Nicolas Revel, directeur général de la caisse nationale d'assurance maladie (Cnam). Il est accompagné de Mme Mathilde Lignot-Leloup, directrice déléguée à la gestion et à l'organisation des soins.

Monsieur le directeur général, je souhaiterais que, dans un exposé liminaire, vous évoquiez brièvement la situation financière de la branche maladie, qui représente aujourd'hui le principal poste des déficits sociaux, les mesures envisagées pour contenir ce déficit et, plus spécifiquement, les mesures nouvelles incluses dans le PLFSS pour 2016.

Nous sommes par ailleurs en période de renouvellement de instances professionnelles des médecins. Nous souhaiterions également connaître votre sentiment sur les enjeux à venir en matière de négociations conventionnelles, une fois ces échéances passées.

Le rapporteur général et nos collègues vous poseront ensuite leurs questions.

M. Nicolas Revel, directeur général de la Cnam . - Comme vous m'y invitez, j'aborderai successivement le contenu du PLFSS 2016 et l'actualité conventionnelle.

Le PLFSS 2016, tout d'abord, s'inscrit dans la trajectoire budgétaire et financière prévue et comporte une réforme importante, la protection universelle maladie (PUMA).

L'Objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) est fixé à 1,75 % conformément au programme de stabilité arrêté ce printemps et aux travaux triennaux menés par les ministères sociaux et la Cnam pour freiner la progression des dépenses d'assurance maladie. Je rappelle que l'Ondam 2015 était fixé à 2,05 % et que le tendanciel des dépenses est évalué à 3,6 %.

Si l'on regarde les sous-objectifs prévus pour 2016, les établissements de santé ont un taux de progression de 1,75 %, le médico-social de 1,9 % et la médecine de ville de 1,7 %.

Jusqu'à présent, l'objectif de ville a toujours été supérieur de 0,2 point à celui des établissements de santé. En fait, le PLFSS comporte une mesure d'économie de 270 millions d'euros, liée à l'abaissement du taux des cotisations des professionnels de santé affiliés au régime des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés dont l'assurance maladie assume en quasi-totalité la prise en charge (9,7 sur 9,8 %). Ce taux est réduit en deux ans à 6,5 % dont 6,4 % pris en charge par l'assurance maladie. Cette économie ne retire rien à la couverture des professionnels concernés. Elle vient cependant minorer l'Ondam de ville qui, corrigé de cette mesure, atteint un taux d'évolution de 2 % pour 2016. Il y aura donc bien une évolution plus rapide des dépenses de ville, liée, notamment, au virage ambulatoire.

Au total, l'Ondam représente un effort de maîtrise de 3,4 milliards d'euros. Pour y parvenir le PLFSS détaille quatre blocs de mesures qui correspondent au plan triennal Ondam 2015-2017 :

- une action sur le coeur de la dépense hospitalière portant sur la masse salariale, les achats, les établissements en difficulté et la liste en sus. Une économie de 690 millions d'euros en est attendue ;

- la poursuite des actions en faveur du virage ambulatoire et de la pertinence des soins hospitaliers pour 465 millions ;

- la limitation des dépenses liées aux produits de santé avec une action sur les prix et sur la rémunération des pharmaciens au titre de la substitution des génériques ;

- l'amélioration de la pertinence et du bon usage des soins grâce à laquelle 1,2 milliard d'économie sont attendues. Des actions sont prévues spécifiquement pour certaines professions : la biologie au travers d'accords prix/volume et la radiologie pour laquelle un accord a été conclu. D'autres le sont sur les prescriptions médicales afin de contrôler le nombre des arrêts maladie et l'iatrogénie médicamenteuse. Des actions sont également envisagées dans le cadre du contrat d'accès aux soins.

S'agissant de l'année 2015 nous ne disposons pour le moment que d'une vision sur les huit premiers mois de l'année car l'Ondam est construit non sur les remboursements mais sur les soins délivrés. Le comité d'alerte a toutefois validé le fait que l'objectif de 2,05 % sera tenu.

On constate en effet une décélération des dépenses. 2014 a été marqué par l'impact des nouveaux traitements contre l'hépatite C en matière de rétrocession hospitalière. Leur coût s'est élevé à 700 millions en 2014. Leur impact, encore sensible au premier semestre 2015, est désormais stabilisé avec un nombre de patients d'environ 14 000 par an. Il n'y a, par ailleurs, pas encore sur le marché de traitements innovants d'un coût comparable à celui de l'hépatite C.

La mise en place de la protection maladie universelle découle du constat que toute personne a droit aux prestations en nature mais que les règles actuelles de contrôle mobilisent beaucoup d'effectifs des caisses et peuvent conduire à mettre les assurés en situation de « droits à justifier », ce qui peut conduire à l'impossibilité de remettre à jour leur carte Vitale.

Il s'agit donc d'une mesure de simplification pour les assurés et pour les professionnels de santé qui leurs délivrent des soins mais aussi d'une possibilité, pour les caisses, d'utiliser autrement les ressources affectées au contrôle.

La réforme implique la mise en place d'une affiliation directe de toutes les personnes majeures en situation de résidence stable et régulière sur le territoire. Elle implique la disparition de la notion d'ayant droit majeur. Celle-ci ne peut cependant se faire que progressivement. Dès 2016, le flux sera géré mais le stock d'ayants droit majeurs étant de 4 millions de personnes, il ne pourra être traité que progressivement.

La réforme devrait permettre la fluidification des opérations de mutation à l'intérieur d'un régime, notamment pour cause de déménagement et entre régimes. Le temps nécessaire à la mutation passera de 20-30 jours à 10 jours. L'assuré, lui, pourra changer instantanément les informations qui le concernent mais le traitement nécessaire en « back office » prend un temps nécessairement plus long.

J'en viens maintenant aux perspectives conventionnelles. La première est la renégociation de la rémunération sur objectif de santé publique des pharmaciens qui a été mise en place par une convention de 2012. Le seuil de déclenchement de cette rémunération, dite communément tiers-payant contre générique, a été fixé en 2011 et il a vieilli puisqu'il est établi à 71 % de taux de substitution alors que nous en sommes aujourd'hui à 83,3 %. Je rappelle que les ROSP constituent 142 millions d'euros par an. Notre objectif est de diversifier les éléments de cette rémunération tout en maintenant son périmètre et nous espérons pouvoir conclure un nouvel accord d'ici la fin de l'année.

2016 sera une année importante puisque la convention médicale arrive à échéance en septembre. Notre objectif est donc d'ouvrir les négociations le plus rapidement possible en février et d'aboutir à l'été.

Le contenu de cette négociation portera notamment sur la démographie médicale mais aussi sur la revalorisation des actes. Il y a des enjeux qualité des pratiques, d'organisation des professionnels et de soutien à des territoires en pénurie d'offre. Il va sans dire que nous appliquerons scrupuleusement les dispositions de la loi de santé une fois qu'elle sera définitivement adoptée.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général. - Je m'interroge sur les modalités pratiques de mise en oeuvre de la protection maladie universelle. Tout d'abord, comment la transition entre le statut d'ayant droit majeur et l'affiliation directe sera-t-elle effectuée ? En second lieu, il me semble que la mise en place du critère de résidence sera de nature à limiter les remboursements accordés à certaines personnes ; avez-vous procédé à une évaluation du nombre de personnes concernées et des sommes correspondantes ? L'affiliation à un régime obligatoire n'étant plus appelée à évoluer en fonction de la situation de la personne, il appartiendra aux régimes obligatoires de trouver les ressources qui leur sont dues au titre de leurs affiliés ; sont-ils suffisamment équipés pour y parvenir ? Avez-vous pu évaluer le coût de gestion de cette obligation ? Enfin, les mineurs pourront-ils être ayant droit de tout assuré, même si celui-ci dépend lui-même des cotisations d'un autre ?

M. Nicolas Revel. - S'agissant du passage du statut d'ayant droit majeur à celui d'assuré (qui devrait concerner 3,8 millions de personnes), deux problèmes se posent : d'une part, nous ne disposons pas aujourd'hui d'un outil informatique qui nous permette de procéder au changement de manière automatisée ; d'autre part, la question du compte bancaire sur lequel verser les prestations peut constituer un obstacle. Cette question sera traitée par les caisses en priorisant les publics, avec trois priorités définies pour l'année 2016 : les ayants droit ayant rompu les liens avec la personne à laquelle ils sont rattachés (ce qui concernerait 300 000 personnes) ; les ayants droit qui ont une domiciliation bancaire personnelle ; enfin, les personnes qui nous en feront directement la demande, les démarches pouvant être effectuée grâce à un service en ligne.

Sur la mise en place d'un critère de résidence, je souligne que les règles sont stables : les ayants droit d'un bénéficiaire de la CMU, par exemple, doivent d'ores et déjà justifier d'une condition de résidence. Le sujet est désormais celui du contrôle de ces règles, qui devra être ciblé - notamment en lien avec l'administration fiscale.

Sur votre troisième question, il ne me semble pas que l'assurance maladie soit la mieux placée pour y répondre : le problème soulevé ressort plutôt de la compétence de la branche recouvrement.

S'agissant enfin des mineurs, ils pourront tout à fait être rattachés à un assuré qui ne travaille pas.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général. - L'article 40 du projet de loi porte sur la prise en charge des soins des victimes d'actes de terrorisme. Le dispositif proposé vous paraît-il opérationnel ?

M. Nicolas Revel. - Cet article tire les conséquences des attentats de janvier dernier : il s'agit de permettre une charge aussi unifiée et aussi complète que possible des soins des victimes - nous nous sommes en effet aperçus que plusieurs obstacles résultaient de l'état actuel des textes. Il est dès lors apparu nécessaire de mettre en place un nouveau cadre législatif permettant le règlement de telles situations, auquel nous avons travaillé en lien avec la direction de la sécurité sociale. L'ensemble des dépenses des personnes concernées pourront ainsi être prises en charge, qu'il s'agisse du ticket modérateur, des franchises ou encore des dépenses d'appareillage.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général. - L'article 43 porte sur un sujet que nous avons déjà largement évoqué lors de l'examen de la loi santé : l'organisation et l'optimisation de la filière visuelle. Quelles sont les actions déjà mises en oeuvre par les caisses en la matière ? Quelle appréciation portez-vous sur le dispositif proposé ?

Mme Mathilde Lignot-Leloup, directrice déléguée à la gestion et à l'organisation des soins. - Cet article s'inspire bien sûr des conclusions du rapport récemment remis à la ministre par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas). L'assurance maladie a déjà mis en place plusieurs mesures en matière de soins visuels. En premier lieu, nous avons entendu faciliter le dépistage de la rétinopathie diabétique par l'inscription à la nomenclature, en mars 2014, des actes correspondants pour les orthoptistes. Par ailleurs, des protocoles de coopération entre professionnels de la filière visuelle ont été mis en oeuvre, sur le fondement de l'article 51 de la loi HPST. Deux protocoles ont en particulier été retenus par le collège des financeurs, qui permettent de faire réaliser des bilans visuels par des orthoptistes, en collaboration avec des ophtalmologues, à tarif opposable. Ces formes de coopération sont actuellement en phase de montée en charge.

L'objectif de l'article 43 est d'aller un cran plus loin grâce à la mise en place d'un troisième type de mesures, des contrats-types destinés à favoriser la coopération entre les professionnels de la filière visuelle. Ces contrats, dont les contours seront définis dans le cadre de la négociation conventionnelle, pourront être collectifs et s'appliquer dans le cadre de modes d'exercice regroupés (maisons de santé ou centres de santé).

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général. - S'agissant de l'article 44, pourriez-vous nous donner quelques éléments chiffrés sur l'évolution des dépenses associées à la permanence des soins ambulatoires (PDSA) au cours des dernières années ? La reconduction de la dérogation à la T2A prévue par l'article 48 vous paraît-elle justifiée ? Enfin, à propos de l'article 61, je m'interroge sur le nombre de cas de fraude qui ont pu être détectés grâce à la collaboration avec les services de renseignement.

M. Nicolas Revel. - Les coûts totaux des dépenses associées à la PDSA sont relativement stables depuis 2010 : ils oscillent entre 345 et 350 millions. L'activité réalisée dans le cadre de la PDSA est également stable, autour de 200 millions d'euros.

L'article 48, en prolongeant la base de calcul du tarif journalier, ne tire pas toutes les conséquences de la mise en place de la T2A ; cela pose la question de l'égalité de traitement entre établissements de santé mais aussi celles de la lisibilité des tarifs pour les assurés et de l'équité entre ces derniers. C'est pourquoi la mesure devra être accompagnée de la plus grande transparence, ainsi que d'une limitation de l'évolution du tarif pour contenir les restes à charge.

Enfin, les cas de fraude détectés au cours des dernières années dans le cadre tracé par l'article 61 sont très peu nombreux, de l'ordre d'une dizaine sur les trois dernières années. L'enjeu est aujourd'hui d'approfondir la collaboration avec les autres acteurs, et par exemple de mettre en place des échanges plus suivis avec Tracfin.

Mme Catherine Génisson . - S'agissant de la pertinence des actes médicaux, l'assurance maladie travaille-t-elle en relation étroite avec la Haute Autorité de santé (HAS), afin d'éviter d'être à la fois juge et partie ? Comment expliquez-vous le faible taux de sollicitation des aides pour les personnes éligibles à la CMU, à la CMU-C et à l'aide au paiement d'une complémentaire santé (ACS) ? Comment appliquerez-vous l'an prochain le dispositif de tiers-payant pour les affections de longue durée ?

M. Jean-Marie Morisset . - Le déficit de la branche maladie devrait atteindre l'an prochain 6,2 milliards d'euros, avec un Ondam fixé à 1,75 %. Le Haut Conseil des finances publiques estime incertain cet objectif financier, tandis que la Cour des comptes renvoie à un horizon indéterminé le retour à l'équilibre des comptes sociaux. Qu'en pensez-vous ? S'agissant des masseurs-kinésithérapeutes et des infirmiers, quel jugement portez-vous sur les recommandations de la Cour visant à instaurer un forfait par patient ? Êtes-vous favorable à la création d'une enveloppe par médecin ? Pour la gestion et le paiement des franchises du tiers payant, que comptez-vous faire ?

M. Jean-Pierre Caffet . - Le déficit de la branche maladie s'alourdira l'an prochain d'un milliard d'euros alors même que l'Ondam sera respecté. Comment expliquer ce paradoxe ? Peut-être par la faiblesse de l'inflation ? Cette question doit être approfondie avant la renégociation de la convention. Si une forte revalorisation des actes médicaux est décidée, on ne pourra que s'inquiéter sur l'évolution du déficit de l'assurance maladie. Par ailleurs, l'Ondam ayant été respecté depuis cinq ans, disposez-vous d'un document synthétisant les différents postes d'économies réalisées ?

M. Dominique Watrin . - Dans mon département, de nombreux hôpitaux sont soumis à un plan de retour à l'équilibre financier. Certes d'ampleur limitée, ces plans, imposés par l'agence régionale de santé, s'accompagnent d'une baisse de l'offre de soins et d'une remise en cause des droits du personnel. Suite aux investissements hospitaliers, parfois disproportionnés et inadaptés, avez-vous mis en oeuvre des actions correctrices ? Un Ondam à 2 % est déjà source de difficulté pour les hôpitaux ; à 1,75 % ce sera encore plus dur. Le nombre d'hôpitaux touchés par ces plans d'économie est-il en augmentation ?

Mme Annie David . - Afin de nourrir la réflexion sur la revalorisation des actes médicaux, pourriez-vous nous rappeler l'ensemble des mesures accordées par la sécurité sociale dont bénéficient les médecins et leur coût ?

M. Nicolas Revel. - Concernant la pertinence des soins, nous nous fondons systématiquement sur les travaux de la HAS, qui établit des référentiels et identifie les bonnes pratiques.

Le taux de non-recours à l'ACS est effectivement très important. Il faut toutefois être prudent sur les chiffres avancés car cet exercice d'évaluation est difficile. En outre, une grande partie des bénéficiaires potentiels ne sollicitent pas l'ACS parce qu'ils disposent déjà d'une complémentaire santé. Le reste à charge des dépenses de santé pour ces personnes peut être élevé et justifie la création de ce dispositif.

Je ne suis donc pas sûr que le faible taux de recours aux différents dispositifs évoqués par Mme Catherine Génisson explique l'évolution des dépenses de l'assurance maladie. Le taux de non-recours à la CMU-C est sans doute moins important que pour l'ACS. L'objectif du taux de recours progresse et il est fixé à 80 %.

J'en viens aux franchises et au tiers payant. Nous travaillons activement pour être au rendez-vous du 1 er juillet 2016. Si les dispositions du projet de loi relatif à la santé, supprimées par le Sénat, sont rétablies, nous mettrons en place des procédures pour que les professionnels de santé comme les médecins, puissent facilement vérifier les droits des patients. Nous testons ainsi actuellement, avec des laboratoires de biologie et des médecins volontaires, la robustesse et la fluidité du système ADR, que nous avons créé dans cette optique. Nous souhaitons par ailleurs réduire le nombre de rejets de demandes de facturation au tiers payant, qui oscille entre 1 et 1,5 % et qui occasionne une perte de temps pour les patients comme pour les professionnels.

Nous recouvrons environ 95 % de la participation aux franchises sur les flux de prestation en nature ou en espèces mais nous souhaitons créer un dispositif spécifique d'ici juillet prochain, basé dans un premier temps sur un dispositif de paiement en ligne.

Le creusement du déficit d'un milliard d'euros n'est pas un dérapage. Il ne s'agit pas d'une moindre dynamique des recettes car l'évolution de la masse salariale est quasi stable entre 2014 et 2015. En 2014, le régime d'assurance maladie a bénéficié de l'affectation, pour ainsi dire exceptionnelle, du produit de la suppression d'une dépense fiscale relative à la prise en charge de la couverture complémentaire en entreprise. Le déficit augmente donc en 2015 à cause de l'absence de nouvelles recettes. Le déficit diminuera lorsque l'on aura des ressources aussi dynamiques que les dépenses, comme en Allemagne.

C'est vrai, l'inflation est basse. Je ne connais pas la marge d'augmentation globale des honoraires des médecins, qui peut être acceptée lors de la renégociation de la convention. Si chacune des demandes formulées par les syndicats de médecins est parfaitement acceptable, leur cumul aboutirait à une enveloppe dépassant largement un milliard d'euros, ce qui n'est pas envisageable dans le contexte financier que nous connaissons. Il faudra donc hiérarchiser ces demandes et les lisser dans le temps, tout en sachant que certaines dépenses nouvelles peuvent entraîner des économies pour l'Ondam.

M. Jean-Pierre Caffet . - La négociation portera-t-elle sur la question de la répartition géographique des médecins ?

M. Nicolas Revel.- S'il existe des dispositifs pour encourager les médecins à s'installer dans des zones sous-denses, la loi n'en a pas prévu pour leur interdire de choisir des zones sur-denses, les médecins d'ailleurs ne le souhaitant pas. J'ajoute qu'il n'y a pas beaucoup de territoires actuellement dans lesquels les médecins sont trop nombreux et que des territoires excédentaires peuvent rapidement devenir déficitaires lorsque plusieurs médecins partent en retraite à intervalles rapprochés. Le relèvement du numerus clausus commence à se faire sentir.

Nous pourrons communiquer à monsieur Jean-Pierre Caffet les informations demandées, qui retracent en tendance les postes d'économies réalisés par rapport à l'Ondam.

Nous ne recensons pas le nombre de plans de retour à l'équilibre financier en vigueur dans les hôpitaux, qui relèvent de la compétence des ARS. Je ne doute pas, en revanche, qu'il existe des marges d'amélioration dans l'efficience des hôpitaux, publics comme privés.

L'ensemble des composantes de la rémunération des médecins prises en charge par la sécurité sociale s'élève à environ 20 milliards d'euros, cet ensemble étant à peu près stable en moyenne au sein des dépenses de ville ; 80 % de cette enveloppe recouvre la rémunération des actes, comme la consultation des médecins généralistes et les actes techniques des médecins spécialistes, 10 % la rémunération forfaitaire, le reste concerne la prise en charge des cotisations, uniquement pour les médecins qui sont dans le secteur 1 et le signataire d'un contrat d'accès aux soins. Je proposerai aux syndicats de simplifier l'architecture de ces dispositifs : en dehors des actes, nous pourrions distinguer un élément de rémunération lié aux caractéristiques de la patientèle, la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) demeurant un élément essentiel pour améliorer les pratiques.

M. Yves Daudigny. - Quelle est la capacité des établissements hospitaliers à supporter de nouvelles mesures de réduction de leur masse salariale ? Quel est le coût des mesures catégorielles prises ces dernières années à l'égard notamment des internes et des urgentistes ? Les services d'urgence sont dans une situation difficile, les délais d'attente sont parfois longs, en raison notamment de la propension de nos concitoyens à s'y rendre trop aisément. Les dispositifs médicaux, à l'instar des médicaments, contribuent-ils à la maîtrise des dépenses ?

M. Jean-Pierre Godefroy. - La branche AT-MP reverse ces dernières années près d'un milliard d'euros par an à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des accidents de travail. Faut-il se résoudre à considérer que cette recette est désormais pérenne et que les efforts pour lutter contre la sous-déclaration des accidents sont demeurés infructueux ?

M. Michel Amiel. - Pouvez-vous évaluer, à travers le remboursement des indemnités journalières, le coût de l'absentéisme? Quelles sont les pistes pour diminuer ce coût ? Pour mieux prendre en compte l'évolution démographique médicale, existe-t-il d'autres solutions que le paiement à l'acte ? En dépit de l'assouplissement du numerus clausus, de nombreux médecins s'installent tardivement, autour de 37-38 ans. J'observe que les nouvelles générations souhaitent souvent avoir des horaires normaux de travail : une réflexion est-elle engagée sur ce sujet ? Encouragez-vous la prise en charge de l'insuffisance rénale autrement que par des dialyses dans des structures spécialisées, par exemple par des traitements à domicile ?

M. Daniel Chasseing. - Ce n'est qu'à l'horizon 2030 que le nombre de médecins retrouvera son niveau de 2006 ; les jeunes praticiens veulent des heures de travail fixes et davantage de jours de repos. Par conséquent, un relèvement du numerus clausus est indispensable si l'on veut éviter une pénurie de médecins et la désertification rurale.

Les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes voient les besoins de soins augmenter. Souvent gérés par des associations, les établissements situés dans des zones de revitalisation rurale (ZRR) risquent d'être fortement fragilisés par la modification des règles prévues dans le PLFSS pour 2016, d'autant qu'ils ne sont pas éligibles au crédit d'impôt compétitivité emploi.

Mme Corinne Imbert. - Le PLFSS pour 2016 prévoit le transfert de l'Etat vers la sécurité sociale du financement des établissements et service d'aide par le travail (Esat). Je ne vois pas en quoi cette mesure facilitera le parcours des personnes concernées. Les crédits de l'Etat ne seront reversés à l'assurance maladie qu'en 2017. Quel sera le montant de ces dépenses ? L'assurance maladie devra-t-elle faire une avance de trésorerie sur 2016 ? Avez-vous la garantie que la compensation par l'Etat sera intégrale ?

M. Nicolas Revel.- La trajectoire de l'évolution de la masse salariale des établissements de santé, fixée à 1,5 % sur les trois prochaines années, peut paraître très faible par rapport à 2014, mais cette année était singulière. Le pilotage de ce poste de dépense relève de la compétence du ministère et de la direction générale de l'offre de soins, mais les premiers éléments communiqués sur l'évolution de la masse salariale en 2015, fixée à 1,7 %, montrent que cet objectif est atteignable. Cela implique le recours à des contrats à durée déterminée et une modification de l'organisation du travail dans les établissements.

Les urgences sont soumises à un afflux important de patients, en raison parfois d'un déficit de l'organisation des soins en ville. L'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) a récemment décidé d'harmoniser, à compter du 1 er janvier 2016, les différents tickets modérateurs des patients qui vont aux urgences. Aujourd'hui, le ticket est de 20 % dans un établissement privé et de 30 % en cas d'acte dans un établissement public (mais nul si aucun acte n'est administré dans ce dernier type d'établissement). Demain, ce taux sera fixé à 20 % dans tous les cas de figure, ce qui devrait faire diminuer le nombre de passages injustifiés aux urgences, à condition que ce signal soit perçu par nos concitoyens.

Le poste des dispositifs médicaux est très dynamique et devrait le rester dans le cadre du virage ambulatoire. Il faudra donc des actions de contrôle sur le volume et les prix de ces dispositifs.

La branche AT-MP a effectivement reversé 1 milliard d'euros à la branche maladie, soit 300 millions de moins que ce que prévoyait la borne haute des dernières estimations. Je ne sais pas si ce reversement peut être considéré comme une recette pérenne. Mais compte tenu du phénomène évident de sous-déclaration des accidents de travail, le maintien de ce reversement me semble justifié.

Il n'entre pas dans nos missions d'évaluer le coût global de l'absentéisme. Le coût des indemnités journalières des prestations en espèces est estimé à 10 milliards d'euros par an. Après une légère réduction en 2012 et 2013, ce chiffre a augmenté en 2014. Le niveau de 2015 devrait être en deçà de celui observé l'an dernier. L'assurance maladie mène des actions auprès des médecins prescripteurs, en leur permettant de comparer leurs pratiques professionnelles entre eux à partir d'une patientèle présentant les mêmes caractéristiques socio-professionnelles. A partir de fiches repères établies par la HAS, nous avons également des échanges confraternels avec les médecins pour faire évoluer leurs pratiques et éviter de recourir à des procédures plus lourdes. Si les abus de prescriptions ne concernent qu'une centaine de praticiens, nous devons en revanche mener un travail de fonds avec les médecins pour diffuser les bonnes pratiques.

S'agissant de la démographie médicale et de l'évolution des modes de rémunération, les médecins considèrent que la part de capitation dans leur rémunération pourrait être supérieure à ce qu'elle est aujourd'hui. La réflexion doit se poursuivre pour la rendre plus visible auprès des professionnels.

Mme Mathilde Lignot-Leloup . - Il faudrait inciter effectivement à une meilleure prise en charge hors centre de l'insuffisance rénale chronique. L'assurance maladie avait mis en place en 2011 une incitation financière au développement de la dialyse péritonéale. J'observe que le taux de recours à cette technique est de 7 % au niveau national, avec de fortes disparités locales. De nouvelles techniques permettent des dialyses à domicile ; il faudra donc faire évoluer le mode de tarification en centre, en plus des incitations financières.

Le PLFSS prévoit un transfert du financement des Esat de l'Etat vers la sécurité sociale au 1 er janvier 2017, estimé à 1,477 milliard d'euros. Nous serons évidemment attentifs à la compensation par l'Etat.

M. Nicolas Revel . - Les ZRR ne disparaissent pas en tant que telles selon moi.

M. Gérard Dériot . - Ce que prévoit le PLFSS est contraire aux engagements pris par le Président de la République à Vesoul en faveur du milieu rural.

M. Nicolas Revel . - Pour les professionnels de santé installés en zone de tension, cette mesure n'aurait pas d'impact.

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