AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) se distingue des autres branches de la sécurité sociale par les spécificités de son mode d'organisation et de financement. Presque exclusivement financée par des cotisations employeurs, elle a vocation à être structurellement équilibrée conformément à un principe assurantiel établi bien avant l'intégration des risques professionnels à la sécurité sociale en 1946.

Le retour aux excédents depuis 2013 permet d'envisager un apurement de la dette de la branche dès l'année prochaine. Ces résultats n'auraient pas été atteints sans l'ajustement régulier des taux de cotisations et le maintien d'un dialogue social fructueux au sein de la branche.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 prévoit cependant la mise en place d'un nouveau transfert de 500 millions d'euros en deux ans en faveur de la branche maladie au titre de « l'approche solidaire entre branches ». Comme les autres dépenses de transferts, qui représentent aujourd'hui 20 % des charges de la branche, ce transfert sera entièrement supporté par la part mutualisée des cotisations employeurs.

Votre commission ne peut s'accommoder d'un tel ajustement comptable dont les justifications avancées font craindre qu'il devienne pérenne ou, du moins, réitérable. La hausse des dépenses de transfert est en effet de nature à affaiblir l'ensemble des efforts entrepris pour renforcer la logique de prévention des risques professionnels qui doit rester au coeur des ambitions poursuivies par la branche.

A cet égard, l'approche retenue par le Gouvernement est contradictoire avec les ambitions définies dans la convention d'objectifs et de gestion de la branche pour 2014-2017, et plus encore dans le troisième plan Santé au travail pour 2015-2019. Arrêté fin 2014 par les partenaires sociaux dans une démarche de consensus, ce plan érige la prévention au rang de priorité absolue pour la branche afin de permettre l'appropriation des enjeux de santé publique par l'ensemble des acteurs de l'entreprise.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. UNE ÉVOLUTION DE LA SINISTRALITÉ MARQUÉE PAR LA HAUSSE PERSISTANTE DES MALADIES PROFESSIONNELLES

La diminution de la fréquence et de la gravité des sinistres d'origine professionnelle constitue un enjeu de tout premier plan de la branche AT-MP. Derrière la baisse des niveaux de sinistralité observée au cours du temps se profilent cependant des évolutions différenciées selon le type de risque, et l'ampleur toujours croissante des maladies professionnelles ne cesse d'interpeller votre commission.

Figure n° 1 : Evolution du nombre d'accidents du travail, d'accidents de trajet et de maladies professionnelles reconnus au régime général de 2008 à 2014

Catégorie
de sinistres

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014 (p)

En % entre 2008
et 2014

Accidents
de travail

1 132 400

1 021 400

996 900

1 001 500

943 000

904 200

895 600

- 20,9

dont accidents de travail avec arrêt

704 000

651 500

658 800

669 900

640 900

618 300

621 100

- 11,8

Accidents de trajet

125 300

129 700

137 600

133 400

123 000

129 700

119 400

- 4,7

dont accidents
de trajet avec arrêt

87 900

93 800

98 400

100 000

90 100

93 400

86 700

- 1,4

Maladies professionnelles

62 000

71 600

71 400

80 400

71 600

68 100

67 700

+ 9,2

dont maladies professionnelles avec arrêt

45 400

49 300

50 700

55 100

54 000

51 500

51 600

+ 13,7

TOTAL AT-MP

1 319 700

1 222 600

1 205 900

1 215 300

1 137 600

1 102 000

1 082 700

- 18

dont AT-MP
avec arrêt

837 200

794 600

808 000

825 000

785 000

763 100

759 500

- 9,3

Source : Annexe 1 au PLFSS pour 2016 (programme de qualité et d'efficience de la branche AT-MP), page 15

En 2014, près de 1,082 million d'accidents du travail, d'accidents de trajet et de maladies professionnelles ont été reconnus au régime général, ce qui représente une baisse de 1,8 % par rapport à 2013 et de 3,2 % en moyenne annuelle entre 2008 et 2014. Sur ce total, près de 70 % ont entraîné un arrêt de travail, contre 63 % en 2008.

La diminution globale des sinistres reste cependant largement imputable aux accidents du travail qui représentent près de 82 % des sinistres ayant fait l'objet d'un premier règlement au régime général en 2014.

A. LA POURSUITE DE LA TENDANCE DE LONG TERME À LA DIMINUTION DES ACCIDENTS DU TRAVAIL

La diminution des accidents du travail est une tendance de long terme engagée dans le milieu des années 1960, que la période récente n'a pas démentie.

Au cours des six dernières années, le nombre total d'accidents du travail s'est en effet contracté de 21 %, pour s'établir à moins de 896 000 en 2014 contre plus de 1 132 000 en 2008. Le nombre d'accidents ayant entraîné un arrêt de travail s'est quant à lui stabilisé à 700 000 en moyenne dans les années 1990 puis à environ 650 000 entre 2008 et 2012. Il est estimé à environ 621 000 en 2014, soit une contraction de 12 % par rapport à 2008.

Trois causes principales expliquent cette évolution, sans qu'il soit possible de déterminer avec précision la contribution respective de chacune : l'accroissement indéniable des efforts de prévention, l'effet de structure lié à la réduction du poids du secteur industriel, le plus « accidentogène », dans l'économie française, et la dégradation de la conjoncture économique en ce qui concerne la dernière décennie.

1. Fréquence et gravité des accidents du travail

En 2014, l'indice de fréquence des accidents du travail ayant entraîné un arrêt de travail s'établit à 34 pour 1 000 salariés contre 42,8 en 2001, soit une baisse de 21 % sur la période. La fréquence des accidents du travail ayant entraîné une incapacité permanente diminue elle aussi, avec une baisse de 25 % entre 2001 et 2014.

Figure n° 2 : Indices de fréquence et de gravité des accidents du travail de 2001 à 2014 (pour 1 000 salariés)

2001

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Accidents du travail avec arrêt

42,8

39,4

39,4

38,0

36,0

36,0

36,2

35,0

33,8

34,0

AT ayant entraîné une IP

2,5

2,6

2,5

2,4

2,4

2,3

2,2

2,2

2,1

2,0

AT avec décès

n.d

n.d

n.d

0,03

0,03

0,03

0,03

0,03

0,03

0,03

Source : Annexe 1 au PLFSS pour 2016 (programme de qualité et d'efficience de la branche AT-MP), page 38

Les indicateurs statistiques semblent refléter de moins bons résultats en ce qui concerne la gravité des accidents.

Selon le programme de qualité et d'efficience annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, le taux moyen d'incapacité partielle permanente (IPP) des accidents du travail est stable depuis 2011 (10,2 % en 2014) mais stagne à un niveau supérieur à celui du milieu des années 2000 (9,8 % en 2005).

Quant au nombre de journées de travail perdues en raison d'un accident du travail, en nette progression depuis 2001, il s'élève à 1,42 journée pour 1 000 heures travaillées en 2014 contre 1,38 en 2013 et 1,06 en 2001.

Cette évolution ne reflète cependant pas uniquement un accroissement de la gravité des accidents car elle résulte en partie d'une meilleure reconnaissance par les médecins prescripteurs des dommages subis par les victimes.

2. Secteurs d'activité concentrant les plus forts risques

La majorité des accidents du travail avec arrêt se concentre dans quelques secteurs bien identifiés :

- les activités de services II et de travail intérimaire (24 % du nombre total d'accidents en 2014) ;

- les services, commerces et industries de l'alimentation (18 %) ;

- le secteur du BTP (16 %) ;

- et le secteur des transports, eau, gaz et électricité (EGE), livre et communication (14 %).

Les secteurs les plus « accidentogènes » sont le BTP (64 accidents avec arrêt pour 1 000 salariés en 2014), suivi du secteur des services, commerces et industries de l'alimentation (47 pour 1 000), des industries du bois, ameublement, papier carton et du secteur des transports, EGE, livre et communication (43 pour 1 000).

Dans ces secteurs, l'indice de fréquence des accidents du travail avec arrêt continue cependant de diminuer en 2014 pour s'établir à 52,6 accidents pour 1 000 salariés en moyenne. Il est en diminution sensible depuis le début des années 2000 (- 1,84 % en moyenne annuelle).

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