II. LE VIÊT NAM ET LES PHILIPPINES : DEUX PAYS D'ASIE DU SUD-EST À FORT POTENTIEL ÉCONOMIQUE

1. L'Asie du Sud-Est, quatrième puissance économique mondiale

Ces accords s'inscrivent dans la dynamique de développement des relations de l'Union européenne (UE) avec les États membres de l'Association des Nations d'Asie du Sud-Est, l'ANASE ou ASEAN. L'Asie du Sud-Est, en dépit de son hétérogénéité, est une zone de prospérité économique qui tire la croissance mondiale . L'UE et ses États membres en ont pleine conscience et comptent bien profiter des opportunités qu'offre cette région du monde, même si l'UE souhaite construire avec ces pays tiers une relation globale comprenant également une dimension politique.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a, elle aussi, pris la mesure de l'enjeu majeur représenté par l'Asie du Sud-Est et a publié, en juillet 2014, un rapport d'information intitulé « Reprendre pied en Asie du Sud-Est » 2 ( * ) qui la décrit comme « une aire au succès économique retentissant, bientôt comparable en taille au marché européen » et qui pourrait bien être demain « le futur centre économique du monde ».

L'ANASE est une organisation régionale de coopération politique, sécuritaire, économique et culturelle créée en 1967. Elle regroupe aujourd'hui dix Etats membres : aux cinq pays fondateurs (Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande) sont venus s'ajouter Brunei (1984), le Viêt Nam (1995), la Birmanie et le Laos (1997) ainsi que le Cambodge (1999). Le Timor-Est est candidat.

Répondant par écrit aux questions de votre rapporteure, les services du Ministère des affaires étrangères et du développement international 3 ( * ) lui ont apporté les informations suivantes.

En dépit de son hétérogénéité et de grands écarts de développement, la performance économique globale de la région est très bonne . Le PIB cumulé de l'ANASE atteint 2 500 milliards de dollars en 2013, soit 27 % du PIB chinois et 122 % du PIB de l'Inde, avec une progression de 7,6 % des exportations. La croissance moyenne des pays de l'association s'est établie à 5,1 % en 2013 et la région a attiré 106,8 milliards de dollars en investissements directs étrangers. Les échanges entre l'ANASE et l'UE s'établissaient d'ailleurs à 180 milliards d'euros en 2014, soit davantage que les échanges de l'UE avec le Japon, la Turquie, le Brésil ou l'Inde pris séparément.

La mise en place de la Communauté économique de l'ANASE (AEC), qui vise à créer un marché unique sur le modèle européen fondé sur la libéralisation progressive des flux de biens, de services, de capitaux et de main-d'oeuvre qualifiée dans la région, doit officiellement être finalisée au 31 décembre 2015 . Cette échéance correspondra de fait à la première étape d'un processus d'approfondissement de l'intégration économique régionale . En effet, si le démantèlement des barrières tarifaires est en bonne voie, la réalité apparaît plus modeste en matière de libéralisation des services et des flux de travailleurs et de démantèlement des barrières non-tarifaires ou de concurrence. L'intégration financière se limite pour le moment aux marchés financiers les plus avancés (Singapour, Malaisie, Thaïlande). Le volet transports se traduit par le soutien à quelques projets structurants (liaison ferroviaire Singapour-Kunming ; ligne à grande vitesse Singapour - Kuala Lumpur, notamment). Au final, l'intégration régionale reste limitée et les échanges économiques intra-régionaux restent inférieurs aux échanges réalisés entre les pays de l'ANASE et d'autres pays asiatiques et notamment la Chine.

2. Le Viêt Nam

Selon les informations transmises par les services du Ministère des affaires étrangères et du développement international 4 ( * ) , le Viêt Nam est un des principaux marchés d'Asie du Sud-Est avec 90 millions d'habitants, dont 56 % ont moins de 20 ans. Il connaît une croissance soutenue , qui était de 5,9 % en 2014 . On peut ajouter à cela que son PNB a été multiplié par 5 en quinze ans et qu'il fait partie des pays à revenus intermédiaires avec un revenu par habitant de 1 895 dollars en 2013.

Les échanges commerciaux entre l'UE et le Viêt Nam s'élevaient à 28,4 milliards d'euros en 2014 . L'UE comme la France accusent un déficit commercial important avec le Viêt Nam , qui était respectivement de 16 milliards d'euros et 2,3 milliards d'euros en 2014. Le Viêt Nam est le 29 e partenaire commercial de l'Union européenne et le quatrième au sein de l'ANASE. L'UE est le second partenaire du Viêt Nam après la Chine.

Le Viêt Nam bénéficie du système général de préférences généralisées (SPG) 5 ( * ) de l'UE qui lui permet déjà d'exporter vers l'Union européenne une large gamme de produits dans des conditions préférentielles.

Les échanges commerciaux entre la France et le Viêt Nam, qui ont des liens anciens, atteignaient 3,8 milliards d'euros en 2014 et restaient fortement déséquilibrés en notre défaveur avec un déficit commercial de 2,3 milliards d'euros. Nos exportations, qui représentaient 764,3 millions d'euros en 2014 - la part de marché de la France au Viêt Nam n'est que de 0,8 % - sont composées pour 20 % de ventes aéronautiques. Les produits pharmaceutiques et agroalimentaires constituent également des postes d'exportations importants, malgré la présence de nombreuses barrières tarifaires, notamment sur les produits laitiers ainsi que les vins et spiritueux, et non tarifaires. Nos importations , qui étaient de 3 milliards d'euros en 2014, sont essentiellement constituées de produits informatiques, électroniques et optiques - 864 millions d'euros pour les seuls téléphones - produits par de grands groupes asiatiques. Viennent ensuite le textile et l'habillement, le cuir ainsi que les chaussures.

En 2013, les investissements de l'UE représentaient 8 % du stock total (18 milliards USD), loin derrière les pays asiatiques (71 %), dont le Japon, Singapour, la Corée du Sud et Taïwan.

La France est le second investisseur européen au Viêt Nam avec environ 3 milliards d'euros en stock selon les autorités vietnamiennes. Les investissements directs à l'étranger (IDE) français, localisés à 65 % dans la région de Hô Chi Minh-Ville, se concentrent dans les technologies de l'information et de la communication, les services, les infrastructures, l'industrie manufacturière et l'agroalimentaire. Au total, plus de 200 implantations françaises sont recensées. Dans la grande distribution, le groupe Big C (co-entreprise de Casino) est le premier employeur français au Viêt Nam avec 26 sites et 8 000 employés.

3. Les Philippines

Les Philippines, avec près de 100 millions d'habitants, sont le deuxième Etat le plus peuplé de l'Asie du Sud-Est et la 5 e économie de la région. Ce pays a d'ailleurs été présenté, en 2013, comme « le nouveau tigre asiatique » par la Banque mondiale et le FMI. Il connaît lui aussi une croissance soutenue, qui était de 6,2 % en 2014 avec un revenu par habitant de 2 865 dollars.

Selon les informations transmises par les services du Ministère des affaires étrangères et du développement international 6 ( * ) , l'Union européenne était en 2014 le quatrième partenaire commercial des Philippines , après le Japon, les États-Unis, et la Chine. Les échanges commerciaux entre l'UE et les Philippines ont représenté 12,5 milliards d'euros en 2014. La balance commerciale de l'UE vis-à-vis des Philippines présente un excédent de + 1,1 milliard d'euros. Les importations de l'UE en provenance des Philippines se sont élevées à 5,7 milliards d'euros en 2014, les exportations européennes vers les Philippines ont représenté 6,8 milliards d'euros. Les Philippines sont le 44 e partenaire commercial de l'UE et le sixième au sein de l'ANASE.

Les Philippines bénéficient, depuis décembre 2014, du régime spécial d'encouragement au développement durable et à la bonne gouvernance de l'Union européenne, le système de préférences généralisées plus (SPG+) accordant des préférences commerciales sur un certain nombre de lignes tarifaires, en échange d'un engagement des pays en développement à ratifier et à mettre en oeuvre 27 conventions internationales en matière de droits de l'Homme, de bonne gouvernance et de développement durable. A ce titre, les Philippines peuvent exporter à destination de l'UE les produits relevant de 91 % des lignes tarifaires en franchise de droits de douane. La Commission est chargée d'établir tous les deux ans des rapports de suivi de l'application effective des 27 conventions par les pays bénéficiaires. Des manquements ont été relevés dans les tableaux de suivi élaborés par la Commission, notamment en ce qui concerne les droits des femmes et les droits de l'enfant. Le pays s'est engagé à progresser sur ces questions. Le premier rapport de synthèse des tableaux de suivi doit être présenté par la Commission au Conseil de l'UE et au Parlement européen pour le 1 er janvier 2016.

Les échanges commerciaux bilatéraux entre la France et les Philippines représentaient 2,3 milliards d'euros en 2014 . Depuis 2007, la balance commerciale de la France avec les Philippines est très excédentaire. Cet excédent, qui était de 1,456 milliard d'euros en 2014, a progressé de 30 % par rapport à 2013. Les exportations françaises sont dominées par les produits industriels (89 % du total, dont 76 % pour les matériels de transport), principalement dans l'aéronautique. Hors aéronautique, les exportations françaises (près de 2 milliards d'euros en 2014) sont constituées de composants électroniques, de produits pharmaceutiques et de constructions métalliques. Les importations en provenance des Philippines sont en baisse et restent peu diversifiées . Elles sont composées de composants électroniques assemblés aux Philippines par des usines françaises (notamment Microelectronics, Alcatel, Essilor) ; d'équipements médicaux, de vêtements et de produits alimentaires.

Parmi les grands partenaires des Philippines, les Européens ont les montants d'investissements directs à l'étranger (IDE) les plus élevés, avec un stock de 7,6 milliards d'euros en 2012, soit 30 % du total philippin. Les compagnies européennes emploient environ 400 000 personnes aux Philippines, ce qui constitue une contribution importante à l'économie du pays. Il est aussi intéressant de noter que les Philippines trouvent aussi l'UE plus attractive en tant que destination d'investissement.

Les entreprises françaises (ESSILOR, LAFARGE/HOLCIM, TOTAL, TELEPERFORMANCE, l'ORÉAL notamment) sont de plus en plus présentes aux Philippines avec 150 implantations recensées aujourd'hui contre 50 il y a 5 ans et près de 65 000 employés, soit un stock d'IDE français de 710 millions d'euros . Les IDE philippins en France sont en revanche encore faibles avec un stock équivalent à près de 36 millions d'euros et des flux de quelques dizaines de millions d'euros seulement par an.


* 2 Rapport n° 723 (2013-2014).

* 3 Source : réponses au questionnaire écrit de la commission.

* 4 Source : réponses au questionnaire écrit de la commission.

* 5 Le SPG vise, au travers de préférences tarifaires octroyées de façon unilatérale par l'UE, à inciter les pays en développement à mieux s'intégrer dans le commerce international. Règlement (UE) n°978/2012) en vigueur depuis le 1 er janvier 2014.

* 6 Source : réponses au questionnaire écrit de la commission.

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