B. UN FINANCEMENT QUI IMPLIQUE UNE MOBILISATION DE L'ETAT ET DES COLLECTIVITES CONCERNÉES

1. La volonté d'intégrer à terme toutes les externalités négatives liées au chômage de longue durée

Le représentant d'ATD Quart Monde, lors de son audition par votre rapporteure, a indiqué que le projet avait vocation à être autofinancé par la réallocation de trois types de dépenses couvrant :

- les coûts directs liés à l'indemnisation du chômage ;

- les coûts indirects, comme les aides au logement ;

- les coûts induits par l'existence d'un chômage de longue durée, en matière sanitaire par exemple, et qui sont supportés par la sécurité sociale.

L'expérimentation prévue dans la présente proposition de loi envisage la prise en compte de ces trois types de dépenses, sur une base volontaire, à travers la possibilité pour des « organismes publics et privés », comme Pôle emploi et l'Unédic, de financer le projet.

Ceci dit, dans un premier temps, il est vraisemblable que seront d'abord mobilisés l'Etat, les communes ou établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les conseils départementaux.

2. Le financement de l'expérimentation implique un engagement financier pérenne de l'Etat et des collectivités concernées

Des doutes ont été émis sur l'équation financière qui sous-tend ce projet.

Ses promoteurs ont calculé que le coût moyen de la privation d'emploi était de 15 387 euros par personne et par an , comme l'indique le tableau suivant.

Tableau n° 9 : Estimation du coût de la privation d'emploi par personne et par an

Coût
par personne
et par an
(en euros)

Part
dans le coût total
(en %)

Etat (ASS, ATA, AAH, aides au logement...)

5 644

36,7

Pôle emploi (ARE...)

3 071

20

Département (RSA, FSL...)

2 645

17,2

Conseil régional (fonds de la formation...)

236

1,5

Communes (aides des CCAS, restauration scolaire)

236

1,5

Sécurité sociale (maladie...)

2 511

16,3

Organismes privés complémentaires (maladie...)

1 044

6,8

Total

15 387

100

Source : ATD Quart Monde

La méthode de calcul retenue est toutefois sujette à caution , car selon le Cese elle consiste à « raisonner à partir d'une masse globale pour calculer le coût par personne et par an et ne reflète pas la réalité de chaque situation individuelle » 18 ( * ) .

Or, c'est précisément le but de l'expérimentation que de faire apparaître les coûts réels , et non forfaitaires, ainsi que les difficultés éventuelles dans la réallocation des dépenses publiques liées à l'indemnisation du chômage de longue durée.

Votre rapporteure considère que le coût brut d'un emploi avoisinerait plutôt 20 000 euros par an , auxquels il conviendrait d'ajouter l'avance de trésorerie pour les entreprises conventionnées, les investissements en matériel, les coûts d'encadrement et les charges de fonctionnement.

Il ressort des auditions menées par votre rapporteure que les ressources issues du RSA et de l'ASS pourraient être rapidement réallouées au fonds national. En revanche, les choses semblent moins aisées pour l'ARE, qui est versée par Pôle emploi et financées par l'Unédic, car celle-ci relève d'une logique assurantielle , est attachée à la personne et est limitée dans le temps, comme l'a rappelé le Cese dans son avis 19 ( * ) . L'obstacle n'est cependant pas insurmontable et il reviendra aux partenaires sociaux qui gèrent l'assurance chômage de se pencher sur cette question une fois la loi votée.

A l'issue de la phase d'expérimentation de cinq ans, une deuxième phase aurait pour vocation d'étendre le dispositif à de nouvelles zones, tandis qu'une troisième et dernière phase pourrait autoriser toute entreprise conventionnée, sur l'ensemble du territoire, à participer au projet. Force est néanmoins de constater que le phasage du projet est à ce stade encore imprécis, mais il est vraisemblable que le Gouvernement s'inspire de la méthode retenue pour le déploiement de la garantie jeunes.

En tout état de cause, la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a indiqué, lors des débats à l'Assemblée nationale, que l'Etat consentirait lors de la première année de l'expérimentation un « effort financier exceptionnel » pour amorcer le projet , qui devrait s'élever à 10 millions d'euros . Cela ne dispensera pas les collectivités territoriales et les organismes publics et privés de se mobiliser dès le début de l'expérimentation, faute de quoi celle-ci ne verrait vraisemblablement pas le jour sur les territoires concernés. Au-delà de la première année, la participation de l'Etat devrait être équivalente à celle apportée aux contrats aidés du secteur marchand, soit 47 % du Smic .


* 18 Avis du Conseil économique, social et environnemental, Expérimentation « Territoires zéro chômage de longue durée » : conditions de réussite, Patrick Lenancker, novembre 2015, p. 36.

* 19 Ibid., p. 39.

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