EXAMEN DES ARTICLES DE LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

Article 1er
Compétence exclusive du législateur pour instituer des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes

L'article 1 er attribue compétence exclusive au législateur pour instituer des autorités administratives et publiques indépendantes. Il réserve en outre à la loi la fixation des règles relatives à la composition et aux attributions ainsi qu'aux principes fondamentaux de l'organisation et du fonctionnement de ces autorités.

S'inspirant des travaux du doyen Gélard 57 ( * ) , notamment de la proposition de loi organique qu'il avait déposée en 2014 58 ( * ) , la présente proposition de loi organique met en oeuvre le dernier alinéa de l'article 34 de la Constitution qui prévoit que les dispositions dudit article « pourront être précisées et complétées par une loi organique ». La répartition des compétences entre pouvoir législatif et pouvoir réglementaire relève en effet traditionnellement de cet article 34 de la Constitution mais peut, le cas échéant, emprunter la voie d'une loi organique en application de cette disposition encore jamais appliquée en cette matière 59 ( * ) .

Le présent article traduit ainsi une recommandation du doyen Gélard reprise par la commission d'enquête sur les autorités administratives indépendantes 60 ( * ) consistant à réserver à la loi le pouvoir de qualifier un organisme d'autorité administrative indépendante.

Votre commission a adopté l'article 1 er sans modification .

TITRE IER INCOMPATIBILITÉS AVEC LE MANDAT DE MEMBRE DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES ET DES AUTORITÉS PUBLIQUES INDÉPENDANTES

Article 2 (art. L.O. 6221-7-1, L.O. 6321-7-1 et L.O. 6431-6-1 [nouveaux] du code général des collectivités territoriales, art. 13-2 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961, art. 111 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 et art. 196 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999) Incompatibilités électorales applicables aux membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes

L'article 2 modifie les différents statuts des collectivités d'outre-mer (Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna, Polynésie française) et de la Nouvelle-Calédonie prévus respectivement aux articles 74 et 77 de la Constitution afin d'étendre l'incompatibilité entre le mandat de membre d'une autorité administrative indépendante et d'une autorité publique indépendante et un mandat électif local. Cette incompatibilité prévue à l'article 11 de la proposition de loi serait ainsi étendue au mandat de :

- conseiller territorial de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon (I) ;

- membre de l'assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna (II) ;

- membre de l'assemblée de la Polynésie française (III) ;

- membre du congrès de la Nouvelle-Calédonie (IV).

À ce titre, les assemblées délibérantes de ces collectivités ultramarines ont été consultées par le Président du Sénat le 11 décembre 2015, en application du deuxième alinéa de l'article 74 de la Constitution et du premier alinéa de l'article 77 de la Constitution. À ce jour, le congrès de la Nouvelle-Calédonie a émis un avis favorable par son avis du 13 janvier 2016. Le conseil exécutif de Saint-Barthélemy a également émis un avis favorable mais cet avis est rendu par une autorité incompétente au regard de la jurisprudence constitutionnelle qui impose que les avis portant sur les modifications du statut de la collectivité d'outre-mer émane de l'assemblée délibérante 61 ( * ) .

L'incompatibilité ne s'appliquerait pas, comme la référence aux autorités « créées par l'État » l'indique, aux autorités administratives et publiques indépendantes créées par la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, ces dernières étant régies par des règles propres figurant à l'article 30-1 de la loi organique n° 2004-192 portant statut d'autonomie de la Polynésie française et à l'article 27-1 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

Votre commission a adopté l'article 2 sans modification .

Article 3 (art. 8 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, art. 6 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 et art. 7-1 de l'ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958) Incompatibilités professionnelles applicables aux membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes

L'article 3 instaure plusieurs incompatibilités professionnelles avec le mandat de membre d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante dans le prolongement de celles instituées par l'article 11 de la proposition de loi.

Ainsi, à l'instar de l'incompatibilité avec les fonctions juridictionnelles au sein des juridictions administratives et financières (Conseil d'État, cours administratives d'appels, tribunaux administratifs, Cour des comptes, chambres régionales et territoriales des comptes), la même incompatibilité s'appliquerait pour des raisons identiques aux magistrats de l'ordre judiciaire, sous la même réserve. En effet, pourrait siéger au sein de ces autorités un magistrat « désigné en cette qualité ».

Un amendement COM-3 présenté par votre rapporteur et adopté par votre commission précise l'incompatibilité applicable entre la fonction de magistrat de l'ordre judiciaire et le mandat de membre d'une autorité administrative indépendante en ne visant que les autorités créées par l'État, par opposition à celles créées par une collectivité d'outre-mer ou la Nouvelle-Calédonie. En effet, des règles spéciales d'incompatibilité sont prévues pour les membres des autorités administratives indépendantes créées par la Nouvelle-Calédonie à l'article 27-1 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie. La proposition de loi organique relative au statut des autorités administratives indépendantes créées par la Nouvelle-Calédonie, adoptée le 18 novembre 2015 par le Sénat, modifie ces règles qui, en raison de leur caractère spécial, dérogeraient à la disposition introduite au deuxième alinéa de l'article 3 de la proposition de loi organique.

Cet amendement permet de répondre à une inquiétude sur l'articulation de ces dispositifs soulevée dans l'avis rendu par le congrès de la Nouvelle-Calédonie le 13 janvier 2016.

En outre, en application de l'article 71 de la Constitution, une incompatibilité similaire est introduite avec les fonctions de membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE), toujours sous réserve que le membre ne soit pas désigné en cette qualité. En effet, l'article 13 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés intègre deux membres du CESE, élus par leur assemblée, au sein de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

Enfin, en application du dernier alinéa de l'article 65 de la Constitution, une incompatibilité stricte est introduite entre les fonctions au sein du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et la qualité de membre d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante. Par coordination, est supprimée une disposition spécifique qui prévoyait, depuis 2011, une telle incompatibilité avec les fonctions de Défenseur des droits.

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi modifié .


* 57 Cf . Les autorités administratives indépendantes : évaluation d'un objet juridique non identifié , rapport n° 404 (2005-2006) de M. Patrice GÉLARD, fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation et Autorités administratives indépendantes -2006-2014 : un bilan, rapport d'information n° 616 (2013-2014) de M. Patrice GÉLARD, fait au nom de la commission des lois, p. 38.

* 58 Proposition de loi organique relative aux autorités administratives indépendantes et aux autorités publiques indépendantes (n° 811, 2013-2014), déposée au Sénat le 25 septembre 2014.

* 59 Par sa décision n° 2012-658 DC du 13 décembre 2012, le Conseil constitutionnel a admis qu'une loi organique prise en application du dernier alinéa de l'article 34 de la Constitution puisse créer une nouvelle catégorie de loi - en l'occurrence, une loi de programmation des finances publiques -, mais aucune loi organique n'est venue jusqu'à présent réserver des matières à l'intervention exclusive du législateur.

* 60 Un État dans l'État : canaliser la prolifération des autorités administratives indépendantes pour mieux les contrôler , rapport n° 126 (2015-2016) de M. Jacques MÉZARD, fait au nom de la commission d'enquête sur le bilan et le contrôle de la création, de l'organisation, de l'activité et de la gestion des autorités administratives indépendantes, pp. 67-68.

* 61 Conseil constitutionnel 12 novembre 2015, n° 2015-721 DC.

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