B. UNE INTERDICTION STRICTE DU CUMUL DU MANDAT PARLEMENTAIRE AVEC UNE FONCTION EXÉCUTIVE LOCALE À PARTIR DE 2017

1. Une réflexion ancienne

Depuis plusieurs années, parallèlement aux différentes législations destinées à limiter le cumul des mandats locaux, la pratique du cumul des mandats nationaux et locaux a fait l'objet d'une critique et d'une remise en cause croissantes.

En 2007, le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions, présidé par l'ancien Premier ministre M. Édouard Balladur, estimait que l'interdiction du cumul entre un mandat parlementaire et des fonctions exécutives locales permettrait d'accroître la disponibilité des parlementaires et d'accompagner ainsi le renforcement du poids du Parlement au sein des institutions de la V ème République. Toutefois, cette proposition ne figurait pas dans le projet de loi constitutionnelle initial qui traduisait la plupart des propositions du comité.

En novembre 2012, la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, présidée par l'ancien Premier ministre M. Lionel Jospin, proposait, outre l'interdiction du cumul d'un mandat parlementaire et d'une fonction exécutive locale, le cumul d'une fonction ministérielle et l'exercice de toute fonction locale (mandat exécutif et mandat simple). Elle considérait que la limitation du cumul des mandats représentait la première étape d'une rénovation plus substantielle de la vie publique française et était un élément majeur dans la restauration de la confiance des citoyens envers leurs élus, en restreignant les situations de conflits d'intérêt et en favorisant le renouvellement du personnel politique.

Les deux projets de loi présentés en Conseil des ministres le 3 avril 2013 - un projet de loi organique s'appliquant aux députés et aux sénateurs et un projet de loi pour les seuls députés européens - visaient à prendre en compte « les conséquences du mouvement de décentralisation des trente dernières années », « l'accroissement de la charge de travail du Parlement » depuis la réforme constitutionnelle de 2008 et la nécessité de « moderniser la vie publique française ».

Ces deux projets de loi ont fait l'objet d'âpres débats entre les défenseurs du cumul, vu comme une pratique ancienne inhérente aux institutions de la V ème République, de ceux qui défendaient sa disparition au nom d'une rénovation indispensable des institutions de notre République.

Les partisans de la fin du cumul des mandats avec une fonction exécutive locale estiment que celui-ci est un facteur de l'absentéisme et du manque d'implication des parlementaires aux travaux de leurs assemblées. Il est considéré comme une « institutionnalisation du conflit d'intérêts » 7 ( * ) : les enjeux locaux prévaudraient sur les questions d'intérêt national tandis que le cumul maintiendrait une « politique clientéliste ». Enfin, la fin du cumul est considérée comme le moyen de rénover la vie politique, en favorisant une diversité d'origine sociale des élus de demain.

Au contraire, les défenseurs du maintien du cumul des mandats arguent de la présence assidue de nombreux parlementaires, par ailleurs élus locaux, aux travaux de leurs assemblées et insistent sur la connaissance de terrain que le cumul permet de bénéficier pour leurs missions législatives et de contrôle. M. Luc Rouban concluait ainsi en 2012 qu'il n'existait aucune corrélation entre le nombre de mandats exercés et l'investissement d'un député ou d'un sénateur dans les travaux parlementaires 8 ( * ) . Le cumul des mandats permet de maintenir un lien de proximité entre les parlementaires et leurs électeurs, ce qui favorise une capacité d'écoute des préoccupations des élus locaux et des citoyens. En d'autres termes, le cumul des mandats favorise un ancrage territorial concourant à une meilleure connaissance des réalités quotidiennes des territoires alors que l'interdiction de cette pratique conduirait à un contrôle plus accru des parlementaires par les appareils des partis politiques, en les privant de toute assise territoriale.

2. L'interdiction totale d'exercer concomitamment un mandat parlementaire et une fonction exécutive locale

La loi organique n° 2014-125 du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur et celle n° 2014-126 du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen ne permettront plus aux députés et aux sénateurs de cumuler leur mandat national avec une fonction de président ou de vice-président de l'organe délibérant d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités territoriales, à savoir :

- les fonctions de maire, de maire d'arrondissement, de maire délégué et d'adjoint au maire ;

- les fonctions de président et de vice-président des conseils régionaux, départementaux et des établissements de coopération intercommunale à fiscalité propre ;

- les fonctions de président de l'Assemblée de Corse, de président et de vice-président des assemblées et conseils des collectivités d'outre-mer ;

- les fonctions de présidents et de membres des conseils exécutifs de Corse, de Martinique, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

- les fonctions de président, de vice-président et de membre du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française ;

- les fonctions de président et de vice-président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie ;

- les fonctions de président de l'Assemblée des Français de l'étranger, de membre du bureau de l'Assemblée des Français de l'étranger et de vice-président de conseil consulaire.

Par ailleurs, un député ou un sénateur démissionnaire pour cause de cumul de mandats sera remplacé par son suppléant alors qu'une élection partielle est aujourd'hui organisée dans ce cas.

En revanche, un député ou un sénateur pourra toujours être élu local de base (conseiller municipal et communautaire, conseiller départemental et conseiller régional) et donc, participer aux réunions de l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale dont il est élu .

Cette réforme entrera en vigueur à des dates différentes selon les parlementaires concernés : l'article 12 de la loi organique précitée du 14 février 2014 prévoit que l'interdiction du cumul de mandats s'appliquera à tout parlementaire à compter du premier renouvellement de l'assemblée à laquelle il appartient suivant le 31 mars 2017, soit :

- en juillet 2017 pour les députés ;

- au 1 er octobre 2017 pour les sénateurs ;

- en mai 2019 pour les représentants au Parlement européen.

Par ailleurs, en vertu de la loi organique précitée du 14 février 2014, le parlementaire ne pourra plus choisir entre son mandat de parlementaire et son mandat local en cas de cumul : il conservera le mandat le plus récemment acquis 9 ( * ) et sera démissionnaire d'office du plus ancien. Aujourd'hui, un parlementaire en situation d'incompatibilité peut choisir le mandat qu'il souhaite abandonner pour mettre fin à cette situation aux termes d'un délai de trente jours.

L'application de la loi organique n° 2014-125 du 14 février 2014 aux sénateurs

Bien qu'en septembre 2017, le renouvellement du Sénat ne portera que sur la moitié de ses membres, les nouvelles incompatibilités et les nouvelles règles de remplacement des sénateurs entreront en vigueur à cette date aussi bien pour les sénateurs de la série 1 que pour ceux de la série 2 . Le Conseil constitutionnel a confirmé cette lecture en précisant que l'article 12 prévoit « notamment une entrée en vigueur de l'ensemble des dispositions de loi déférée aux sénateurs lors du renouvellement du Sénat de septembre 2017 » et « que les dispositions de la loi organique seront applicables à l'ouverture de la session ordinaire qui suit cette élection tant aux sénateurs faisant l'objet d'une nouvelle élection qu'aux sénateurs élus lors du renouvellement de septembre 2014 » 10 ( * ) .


* 7 Guy Carcassonne, Le temps de la décision, Le débat, 2012 n° 172, p. 39-41.

* 8 Luc Rouban, Le cumul des mandats et le travail parlementaire, note du Cevipof, 2012, n° 9.

* 9 Cf . art. L. 46-1, L.O. 137, L.O. 137-1, L.O 141 et L.O 141-1 du code électoral.

* 10 Conseil constitutionnel, 13 février 2014, n° 2014-689 DC.

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