EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Un peu plus d'écoute et moins de précipitation : les règles de la bonne législation sont simples. Malheureusement, elles ne sont pas toujours respectées.

La proposition de loi n° 677 (2015-2106), tendant à prolonger le délai de validité des habilitations des clercs de notaires , dont notre assemblée est saisie, à la demande du Gouvernement, en fournit une illustration éclairante.

Ce texte, déposé par notre collègue Jacques Bigot, vise à conjurer la menace d'un licenciement ou d'une perte de revenus à laquelle l'article 53 de la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques du 6 août 2015 1 ( * ) expose les clercs habilités.

Force est de constater qu'alerté par le Sénat de cette menace, ni le Gouvernement ni l'Assemblée nationale n'ont su l'entendre, rejetant au contraire la solution que nous proposions alors. Aujourd'hui, le Gouvernement inscrit à l'ordre du jour une proposition de loi qui s'inspire de cette solution. Il faut s'en féliciter, car il en va de l'intérêt des hommes et des femmes, clercs habilités, qui pouvaient craindre pour leur emploi.

I. LA SUPPRESSION DE L'HABILITATION DES CLERCS : UNE RÉFORME MAL ENGAGÉE CAR TROP PRÉCIPITÉE

A. LA SUPPRESSION DES CLERCS HABILITÉS

Les clercs habilités

Jusqu'à son abrogation, l'article 10 de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat disposait que les notaires pouvaient « habiliter un ou plusieurs clercs assermentés à l'effet de donner lecture des actes et des lois et recueillir les signatures des parties ».

En effet, en principe seul un notaire peut accomplir les formalités propres aux actes authentiques, comme la lecture aux parties ou le recueil de leur consentement ou de leur signature. L'habilitation permet au notaire titulaire de l'office de confier ce soin à un clerc assermenté, à charge pour lui ensuite d'apposer sa signature, qui conférera alors à l'acte un caractère authentique, comme s'il avait procédé lui-même depuis le début.

Ce dispositif permet ainsi à un même notaire d'augmenter sensiblement le nombre d'actes authentiques qu'il peut émettre, en le déchargeant de l'accomplissement de certaines formalités chronophages 2 ( * ) .

Source : Rapport n° 370 (2014-2015) de Mmes Catherine Deroche, Dominique Estrosi Sassone et M. François Pillet, fait au nom de la commission spéciale,
déposé le 25 mars 2015, p. 187

En proposant, à l'occasion de l'examen de la loi précitée du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques , de supprimer l'habilitation des clercs, l'Assemblée nationale avait repris à son compte l'une des recommandations de l'autorité de la concurrence 3 ( * ) .

Ce dispositif était vu comme un frein à l'accès de jeunes professionnels au notariat salarié, puisqu'il permettait aux notaires en exercice de se dispenser d'en recruter, tout en maintenant un fort niveau d'activité par le recours aux clercs habilités pour les actes que, faute de temps, ils ne pouvaient traiter eux-mêmes.

La suppression de l'habilitation des clercs devait, selon le raisonnement suivi par le Gouvernement, créer un appel d'air au sein des offices, puisque, privés de la ressource des clercs habilités, les titulaires de l'office n'auraient eu d'autre possibilité, pour maintenir le même niveau d'activité, que de recruter des notaires salariés.

À cette première conviction s'ajoutait, pour le Gouvernement et les députés, celle que la réforme ne devait pas tarder et qu'il convenait de prévoir une période transitoire la plus courte possible : l'article 53 de la loi précitée pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a donc prévu la prise d'effet immédiate de l'abrogation de l'article 10 de la loi du 25 ventôse an XI et la survie des habilitations conférées précédemment jusqu'au 1 er août 2016.


* 1 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques .

* 2 L'article 10 de la loi précitée du 25 ventôse an XI excluait toutefois de son périmètre les actes nécessitant la présence de deux notaires ou de deux témoins (comme un testament authentique) ou certains actes expressément désignés. Il s'agit des articles 73 (consentement au mariage d'un mineur), 335 (acte de notoriété relatif à une filiation établie par possession d'état), 348-3 (consentement à l'adoption), 929 (renonciation à succession), 931 (donation entre vifs), 1035 (révocation d'un testament), 1394 (rédaction de régime matrimonial) et 1397 (changement de régime matrimonial) du code civil.

* 3 Autorité de la concurrence, avis n° 15-A-02 du 9 janvier 2015 relatif aux questions de concurrence concernant certaines professions juridiques réglementées .

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