TITRE VI - RÉNOVER ET ADAPTER LA JUSTICE COMMERCIALE AUX ENJEUX DE LA VIE ÉCONOMIQUE ET DE L'EMPLOI
CHAPITRE IER - CONFORTER LE STATUT DES JUGES DE TRIBUNAUX DE COMMERCE

Article 47 A (art. L. 713-6, L. 713-7, L. 713-11, L. 713-12 et L. 713-17 du code de commerce) - Électorat et éligibilité des ressortissants du répertoire des métiers aux fonctions de délégué consulaire et de juge de tribunal de commerce

Introduit par le Sénat en première lecture, à l'initiative de votre rapporteur, l'article 47 A du projet de loi vise à inclure les ressortissants du répertoire des métiers, c'est-à-dire les artisans, dans le champ des tribunaux de commerce , en les rendant électeurs et éligibles aux fonctions de délégué consulaire et de juge de tribunal de commerce, parallèlement à l'intégration des litiges entre artisans dans la compétence des tribunaux de commerce, réalisée à l'article 47 du projet de loi à l'initiative de votre rapporteur.

Attendue depuis longtemps, cette intégration des artisans dans les tribunaux de commerce permet, d'une part, de mettre en cohérence le traitement des contentieux qui les concernent, partagé aujourd'hui entre le tribunal de grande instance et, s'agissant des procédures de prévention et de traitement des difficultés des entreprises, le tribunal de commerce, et, d'autre part, de conforter les tribunaux de commerce en tant que juridictions économiques. Cette rationalisation permettrait aussi de réduire la charge de travail des tribunaux de grande instance.

Tout en partageant l'objectif du Sénat, l'Assemblée nationale en a modifié une partie de la conception, selon des modalités ne soulevant pas d'objections de la part de votre rapporteur. Le texte adopté par nos collègues députés prévoit ainsi l'élection des délégués consulaires - lesquels forment, avec les membres et anciens membres des tribunaux de commerce, le corps électoral des juges des tribunaux de commerce - au niveau de chaque ressort de tribunal de commerce, plutôt que dans le cadre de la circonscription de chaque chambre de commerce et d'industrie et de chaque chambre de métiers et de l'artisanat, considérant que ces circonscriptions consulaires ne coïncident pas toujours.

Cette disposition, selon le VI bis l'article 54 du projet de loi, s'appliquerait à compter du 1 er janvier 2017.

Votre commission a adopté l'article 47 A sans modification .

Article 47 (art. L. 721-3, L. 722-6, L. 722-6-1 à L. 722-6-3 [nouveaux], L. 722-7, L. 722-17 à L. 722-22 [nouveaux], L. 723-1, L. 723-4, L. 723-5, L. 723-6, L. 723-7, L. 723-8, L. 723-13, L. 724-1, L. 724-1-1 [nouveau], L. 724-3, L. 724-3-1 à L. 724-3-3 [nouveaux], L. 724-4, L. 731-4 et L. 732-6 du code de commerce) - Incompatibilités, formation, déontologie et discipline des juges des tribunaux de commerce et compétence des tribunaux de commerce pour les litiges concernant les artisans

L'article 47 du projet de loi tend à renforcer le statut des juges des tribunaux de commerce, du point de vue de la formation, de la déontologie au sens large, de la protection fonctionnelle ou encore de la discipline. En première lecture, le Sénat a approuvé l'essentiel de ces dispositions, de nature à conforter les juridictions consulaires, tout en procédant à des ajustements ou en apportant des compléments. Nos collègues députés ont conservé une bonne part de ces modifications, ce dont votre rapporteur tient à se féliciter.

En premier lieu, le Sénat a procédé à une réforme attendue et de nature à répondre à cet objectif de conforter les tribunaux de commerce, en y intégrant les artisans , du point de vue du corps électoral et de l'éligibilité, à l'article 47 A, et du point de vue de la compétence juridictionnelle du tribunal de commerce, au présent article. Le Gouvernement a accepté cette réforme ainsi que nos collègues députés.

Le VI ter de l'article 54 du projet de loi, dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, prévoit l'extension de la compétence des tribunaux de commerce aux litiges entre artisans à une date fixée par décret et au plus tard au 1 er janvier 2022, alors que le Sénat avait prévu une entrée en vigueur au plus tard le 1 er janvier 2017. Même si la date de 2022 paraît assez lointaine, votre rapporteur admet qu'un certain délai soit nécessaire pour préparer et organiser ce transfert contentieux des tribunaux de grande instance vers les tribunaux de commerce.

Par ailleurs, en matière d'éligibilité, pour faciliter le recrutement des juges consulaires, l'Assemblée nationale a ouvert la possibilité pour un juge ayant prêté serment à jour de ses obligations déontologiques et de formation d'être candidat pour siéger dans un autre tribunal. Votre rapporteur ne voit pas d'objection à ce dispositif, même s'il s'interroge sur le renvoi intégral au décret pour en fixer les conditions.

Concernant la limite d'âge que le projet de loi veut instaurer pour les membres des tribunaux de commerce, dont le Sénat a accepté le principe, l'Assemblée nationale a adopté un dispositif « couperet » consistant à fixer une limite à soixante-quinze ans, au risque de perturber le fonctionnement des tribunaux en cours de mandat, y compris pour leur présidence : les juges consulaires ne pourraient siéger au-delà de l'année civile au cours de laquelle ils ont atteint cet âge. Le Sénat avait rejeté, en première lecture, un amendement du Gouvernement en ce sens. La comparaison avec les juges de proximité, qui connaissent une limite d'âge de soixante-quinze ans, n'est pas recevable, selon votre rapporteur, car ils ne sont pas élus et ne sont pas les seuls membres des juridictions auxquelles ils participent 113 ( * ) .

À ce dispositif insatisfaisant, le Sénat avait préféré une règle bien plus simple d'âge d'éligibilité , celle figurant d'ailleurs dans le texte initial du projet de loi : nul ne pourrait être candidat s'il a plus de soixante-dix ans révolus. Cette règle a le même effet que la limite d'âge - le mandat ayant une durée de quatre ans 114 ( * ) , le terme du mandat d'un candidat de soixante-dix approcherait soixante-quinze ans -, mais sans les conséquences négatives sur la composition des tribunaux. Considérant ce dispositif plus opérationnel, votre commission l'a repris, en le décalant à soixante-et-onze ans, pour tenir compte de la borne de soixante-quinze ans, en adoptant un amendement COM-111 de son rapporteur.

En revanche, par souci de compromis, votre commission a accepté la limitation des mandats dans le temps à quatre mandats successifs, alors qu'actuellement, après un délai de viduité d'un an, on peut être à nouveau réélu pour quatre mandats.

Par ailleurs, au VIII de l'article 54 du projet de loi, votre commission a reporté du 31 décembre 2017 au 1 er janvier 2019 l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions sur la limite d'âge et le cumul des mandats dans le temps, de façon à permettre aux juridictions consulaires de s'adapter sans perturber le recrutement bénévole de leurs membres.

En matière électorale, l'Assemblée nationale a également ajouté que la commission chargée de veiller à la régularité du scrutin et de proclamer les résultats devait communiquer ces résultats au garde des sceaux.

S'agissant des incompatibilités , l'Assemblée nationale a souhaité rétablir l'incompatibilité entre le mandat de juge consulaire et le mandat de conseiller municipal dans le ressort du tribunal. Elle a maintenu la rédaction du dispositif de résolution des incompatibilités dans la version du Sénat.

En matière déontologique, outre quelques ajustements rédactionnels, l'Assemblée nationale a achevé d'harmoniser, comme le souhaitait votre commission, les obligations déclaratives des juges consulaires relatives aux intérêts détenus et à la situation patrimoniale avec celles prévues pour les magistrats judiciaires dans le projet de loi organique relatif aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature 115 ( * ) (notamment la suppression du compte rendu de l'entretien déontologique et l'instauration de sanctions pénales en cas de manquement concernant la déclaration d'intérêts).

Toutefois, concernant les déclarations de situation patrimoniale, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2016-732 DC du 28 juillet 2016 sur la loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, a censuré l'obligation exigée des seuls chefs de cour et de juridiction de transmettre une déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), au nom du principe d'égalité entre les magistrats judiciaires. Pour tirer les conséquences de cette décision, votre commission a adopté, à l'initiative de son rapporteur, un amendement COM-110 tendant à supprimer cette même obligation pour les présidents des tribunaux de commerce, en raison de son inconstitutionnalité manifeste.

Votre rapporteur rappelle néanmoins que cette obligation, introduite à son initiative par cohérence avec les évolutions prévues en matière de déontologie des magistrats professionnels, contribuait au renforcement des règles déontologiques applicables aux juges consulaires, tout en assurant une plus grande cohérence avec les magistrats professionnels.

Enfin, en matière disciplinaire , l'Assemblée nationale, sur certains points, est revenue au texte initial tandis que, sur d'autres, elle a conservé le texte du Sénat. En particulier, elle n'a pas rétabli le fichier national automatisé des sanctions disciplinaires prononcées à l'encontre des juges consulaires, que votre commission avait jugé inutile et coûteux.

En outre, sur le modèle de l'article 50-3 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, l'Assemblée nationale a ajouté, à l'initiative de nos collègues rapporteurs de l'Assemblée nationale et de notre collègue députée Cécile Untermaier, un dispositif de saisine, par tout justiciable, de la commission nationale de discipline des juges des tribunaux de commerce, en cas de problème pouvant recevoir une qualification disciplinaire dans le cadre d'une procédure judiciaire devant un tribunal de commerce. Un filtrage serait assuré par une commission d'admission des requêtes. Attentive à l'harmonisation des dispositions applicables aux juges consulaires avec celles applicables aux magistrats professionnels, votre commission ne peut qu'approuver cet ajout de nos collègues députés.

Par ailleurs, sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-127 pour corriger une erreur matérielle.

Votre commission a adopté l'article 47 ainsi modifié.

Article 47 bis (suppression maintenue) (art. 20 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique) - Extension de la compétence de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique aux magistrats judiciaires et aux juges consulaires

Introduit par le Sénat, en première lecture, à l'initiative de votre rapporteur, l'article 47 bis visait à assurer une coordination au sein de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, afin d'y mentionner les nouvelles compétences de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique à l'égard des magistrats judiciaires, prévues par la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, ainsi que des juges des tribunaux de commerce, prévues par le présent projet de loi.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a estimé que cette coordination n'était pas nécessaire, appréciation à laquelle votre rapporteur accepte de se rallier.

Votre commission a maintenu la suppression de l'article 47 bis .

Article 47 ter A (supprimé) (art. L. 1421-2-1 [nouveau] du code du travail) - Déclaration de situation patrimoniale des présidents et vice-présidents des conseils de prud'hommes

Introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue députée Cécile Untermaier, l'article 47 ter A tend à prévoir, par cohérence, une obligation de déclaration de situation patrimoniale pour les présidents et les vice-présidents des conseils de prud'hommes, comme le présent projet de loi, à l'initiative du Sénat, l'avait prévu pour les présidents des tribunaux de commerce et comme cela était également prévu pour les chefs de cour et de juridictions dans le projet de loi relatif aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, avant la décision n° 2016-732 DC du 28 juillet 2016 du Conseil constitutionnel.

Aussi, par cohérence, votre commission a-t-elle adopté, à l'initiative de son rapporteur, un amendement COM-112 supprimant cette obligation manifestement inconstitutionnelle.

Votre commission a supprimé l'article 47 ter A.

Article 47 ter (art. L. 462-7 et L. 464-8-1 [nouveau] du code de commerce) - Régime contentieux des décisions du rapporteur général de l'Autorité de la concurrence prises au titre de la protection du secret des affaires

Introduit par le Sénat en première lecture, à l'initiative de votre rapporteur, l'article 47 ter vise à préciser que, dans le cadre d'une instruction pour pratiques anti-concurrentielles, les décisions prises par le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence de refuser la protection du secret des affaires ou de lever la protection qu'il a déjà accordée, permettant ainsi de transmettre certaines pièces à une des parties, relèvent en appel de la cour d'appel de Paris, déjà compétente pour connaître en appel des décisions de l'Autorité de la concurrence en matière de pratiques anti-concurrentielles.

L'Assemblée nationale a conservé cette disposition, avec quelques adaptations qui en conservent l'équilibre de principe, à savoir l'attribution de compétence au juge judiciaire en appel, le premier président de la cour d'appel de Paris ou son délégué étant chargé des recours en annulation ou en réformation des décisions du rapporteur général en matière de secret des affaires. Votre rapporteur approuve les adaptations ainsi apportées par nos collègues députés.

Ainsi, l'Assemblée nationale a précisé que l'ordonnance du premier président était susceptible de pourvoi en cassation et que le recours comme le pourvoi seraient jugés en chambre du conseil, c'est-à-dire en audience non publique, permettant de préserver le secret des affaires jusqu'au terme de la procédure. De plus, elle a utilement prévu que ces procédures concernant le secret des affaires au cours de l'instruction suspendaient le délai de prescription de dix ans encadrant l'action de l'Autorité de la concurrence, de sorte que ces recours ne soient pas utilisés à des fins dilatoires.

Votre commission a adopté l'article 47 ter sans modification .


* 113 En dehors des juridictions de proximité.

* 114 Le premier mandat d'un juge consulaire n'est que de deux ans.

* 115 Comme cela a été fait avec les magistrats administratifs et financiers dans la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires

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