PREMIÈRE PARTIE - ANALYSE GÉNÉRALE DE LA MISSION

I. UNE MISSION MARQUÉE PAR LA CRÉATION D'UN NOUVEAU PROGRAMME BUDGÉTAIRE À LA SUITE DE LA RÉFORME DE LA FISCALITÉ ÉNERGETIQUE INTERVENUE EN 2015

1. La mission « Écologie » connaît des changements de périmètre importants

Le présent rapport porte sur les programmes de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » hors dépenses relatives aux transports, à l'information géographique et à la météorologie 1 ( * ) , ce qui représente 57 % des crédits de paiement (CP) de la mission en 2017 :

- le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité », qui soutient les actions destinées à préserver la biodiversité et à mettre en oeuvre la politique de l'eau ;

- le programme 181 « Prévention des risques » , qui regroupe les crédits employés dans la lutte contre les risques naturels, technologiques et hydrauliques, ainsi que les moyens alloués au renforcement de la sûreté nucléaire ;

- le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » , qui rassemble les ressources consacrées au pilotage de la politique énergétique, à la gestion économique et sociale de l'après-mines ainsi qu'à la lutte contre le changement climatique et la pollution de l'air ;

- le programme 345 « Service public de l'énergie » , qui regroupe les dépenses relatives à la péréquation tarifaire pour les zones non-interconnectées (ZNI), les tarifs sociaux de l'électricité et du gaz, le soutien à la cogénération ou encore le budget du Médiateur de l'énergie ;

- le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » , programme support de la mission qui assure le fonctionnement général des services et porte la masse salariale du ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer ainsi que celle du ministère du logement et de l'habitat durable.

La maquette budgétaire de la mission « Écologie » est marquée par plusieurs changements en 2017 :

- la fusion des programme 159 « Information géographique et cartographique » et 170 « Météorologie » dans un nouveau programme 159 « Expertise, géographie et météorologie » 2 ( * ) ;

- la création d'un nouveau programme 345 « Service public de l'énergie » qui regroupe des dépenses auparavant financées directement par la contribution au service public de l'électricité (CSPE) 3 ( * ) ;

- le transfert de la subvention pour charges de service public du Centre d'études et d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cérema) du programme 217 vers le nouveau programme 159, pour un montant de 213,2 millions d'euros 4 ( * ) ;

- le transfert entrant de la dotation budgétaire versée à la Commission de régulation de l'énergie (CRE), auparavant inscrite sur le programme 134 du ministère de l'économie et désormais inscrite au sein d'une nouvelle action 27 du programme 217, pour un montant de 20,6 millions d'euros ;

- le transfert sortant des crédits de fonctionnement des services déconcentrés régionaux métropolitains (DREAL et directions régionales d'Ile-de-France), ainsi que des services interrégionaux et des services centraux implantés en région du programme 217 vers le programme 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées », pour un montant de 23 millions d'euros.

Enfin, le champ de l'analyse porte également sur les comptes d'affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique » et « Aides à l'acquisition de véhicules propres ».

2. Des moyens budgétaires dédiés à l'écologie en légère hausse par rapport à 2016 mais qui ne permettent pas d'accompagner la transition énergétique

9,6 milliards d'euros de crédits de paiement (CP) sont demandés, au titre de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » , dans le projet de loi de finances pour 2017. Cela représente une hausse de 5,5 % par rapport à l'année 2016.

Évolution des crédits de paiement de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » (hors transports) en 2016 et 2017, et exécution 2015

(en euros, hors fonds de concours et attributions de produits)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performances de la mission « Écologie » annexée au projet de loi de finances pour 2017

S'agissant des programmes étudiés dans le cadre du présent rapport, la hausse des crédits par rapport à l'année dernière, de 5,21 %, ne s'explique pas par un effort accru en direction politiques portées - bien que certaines évolutions positives soient à retenir -, mais principalement par une mesure de périmètre : les dépenses portée par le programme 345 sont budgétisées pour la première fois en année pleine, ce qui conduit à majorer les crédits de 527 millions d'euros (cf. infra ).

À périmètre constant, la mission voit ses crédits progresser de 0,9 % par rapport à l'année dernière . Cette hausse s'explique principalement par le fort dynamisme des dépenses portées par le programme 345 , en particulier les dispositifs de soutien à la cogénération (+ 97,4 millions d'euros), à la péréquation tarifaire en faveur des zones non interconnectées (+ 307,6 millions d'euros) et aux ménages en situation de précarité énergétique (+ 180,8 millions d'euros) 5 ( * ) , mais également par le renfort des moyens relatifs à la sûreté nucléaire avec une augmentation du nombre d'effectifs de l'Autorité de sûreté nucléaire (+ 8,5 millions d'euros) ou à la biodiversité, corrélativement à la création de l'Agence française pour la biodiversité (+ 4 millions d'euros).

En revanche, une forte baisse des crédits est enregistrée par le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » (- 10,3 %) en raison de la baisse tendancielle des prestations versées par l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM).

De même, la mise à contribution des opérateurs au titre du redressement des comptes publics se poursuit . Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit ainsi : une réduction de 380 ETP sur l'ensemble des opérateurs, une baisse des subventions pour charges de service public de 0,4 % - alors même que leur masse salariale augmentera sous l'effet de l'augmentation du point d'indice de la fonction publique et de la mise en place du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) -, des prélèvements sur fonds de roulement des agences de l'eau (175 millions d'euros) et de l'établissement public de sécurité ferroviaire (25 millions d'euros). La situation détaillée de certains opérateurs de la mission est présenté infra .

En somme, la mission « Écologie » ne fait toujours pas partie des missions prioritaires du Gouvernement . Il convient cependant de rappeler que le financement de la transition énergétique ne se limite pas aux crédits portés par la présente mission. Le rapport sur le financement de la transition énergétique annexé au projet de loi de finances pour 2017 rappelle les autres dispositifs financiers qui existent , au premier rang desquels :

- les dépenses fiscales de soutien à la rénovation thermique des logements (le crédit d'impôt pour la transition énergétique, l'éco-prêt à taux zéro et le taux de TVA réduit à 5,5 % pour les travaux d'amélioration de la qualité énergétique des locaux à usage d'habitation) ;

- le soutien à la production électrique issue de sources renouvelables et à l'injection de bio-méthane dans les réseaux de gaz, assuré par le CAS « Transition énergétique » ;

- les aides au renouvellement du parc automobile, retracées par le CAS « Aides à l'acquisition de véhicules propres » ;

- les aides du fonds « chaleur » de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) ;

- les programmes d'investissements d'avenir (PIA), en particulier les enveloppes « Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique » et « Véhicules et transports du futur » ;

- le dispositif des certificats d'économies d'énergies.

Par ailleurs, certains opérateurs rattachés à la mission bénéficient, outre les subventions versées par l'État et retracées par la présente mission, de recettes affectées afin de mettre en oeuvre les politiques portées par le ministère de l'environnement 6 ( * ) .

Enfin, la politique fiscale peut jouer un rôle en permettant d'orienter les ménages et les entreprises vers des comportements moins dommageables pour l'environnement.

Toutefois, la politique budgétaire et fiscale du Gouvernement en matière environnementale est à la fois insuffisante et incohérente .

S'agissant des moyens budgétaires, il est regrettable que le Gouvernement se contente trop souvent de faire de la communication autour de l'écologie, à travers des annonces qui ne connaissent aucune traduction budgétaire . C'est le cas notamment de l'annonce du doublement du fonds « chaleur » de l'ADEME en 2017, qui n'est pas effective, et de l'enveloppe spéciale pour la transition énergétique, créée par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui n'a été que de 250 millions d'euros sur les 1,5 milliard d'euros initialement prévus. Par ailleurs, la recherche d'économies conduit le Gouvernement à réduire parfois drastiquement les moyens de certains opérateurs de la mission. C'est notamment le cas du Centre d'études et d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cérema), dont la pérennité financière ne semble pas assurée.

S'agissant de la fiscalité énergétique, la politique du Gouvernement manque de vision stratégique . Le rapprochement de la fiscalité entre le diesel et l'essence a été annoncé de manière précipitée suite au scandale du « dieselgate », sans qu'un calendrier de rapprochement n'ait été indiqué pour permettre aux constructeurs de s'adapter. De même, les tergiversations du Gouvernement sur l'extension de la déductibilité de la TVA aux véhicules essence et sur le prix plancher du carbone, annoncé en avril 2016 avant d'être abandonné, traduisent ces incohérences.

L'absence de stratégie est toute aussi manifeste s'agissant de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) , qui devait être le document phare déterminant la trajectoire d'évolution du mix énergétique français au cours des prochaines années, et qui ne contient pourtant aucune précision sur les moyens d'atteindre l'objectif de réduction de la part du nucléaire dans la production électrique à 50 % d'ici 2025.

Ces différents éléments, présentés en détail dans la suite du rapport, montrent que la politique menée n'est pas à la hauteur des enjeux . Le rapport du Gouvernement sur les nouveaux indicateurs de richesse publié le 19 octobre 2016 montre d'ailleurs que l'indicateur relatif à l'« empreinte carbone » de la France a connu une évolution défavorable l'année dernière : « en 2015, l'empreinte carbone est légèrement supérieure à celle estimée pour l'année 2014. Cette évolution doit cependant être rapportée aux conditions climatiques observées en 2014, année particulièrement chaude au regard des moyennes décennales ». Ce rapport rappelle également que, malgré  la tendance globale à la baisse de l'empreinte carbone (depuis les années 1990, les émissions de gaz à effet de serre de la France ont été réduites de 14,9 %), « le niveau [d'émissions de CO 2 ] par habitant (11,9 tonnes) doit être mis en regard des objectifs internationaux et nationaux qui visent à contenir le réchauffement climatique à moins de 2°C, soit une cible inférieure à 2 tonnes de CO 2 pour chacun des habitants de la planète en 2050 ».


* 1 Programmes 203 « Infrastructures et services de transports », 205 « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture », et 159 « Expertise, géographie et météorologie ».

* 2 Le rapporteur spécial de la commission des finances du Sénat chargé de l'examen des crédits de ce nouveau programme est Vincent Capo-Canellas.

* 3 Réalisée par la loi de finances rectificative pour 2015 et donc effective dès 2016, cette création n'a pas pu être mentionnée par votre rapporteur spécial dans son rapport budgétaire de l'année dernière.

* 4 Ce transfert n'étant pas connu lors des travaux préparatoires à l'examen des crédits de cette mission, le présent rapport inclut un développement sur le Cérema.

* 5 Ces montants intègrent l'effet de budgétisation en année pleine mentionné supra.

* 6 Dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire 2015 de la mission, la Cour des comptes remarquait ainsi que les opérateurs de la mission avaient bénéficié de ressources affectées à hauteur de 4,9 milliards d'euros en 2015 et avaient engagé des dépenses estimées à 7,2 milliards d'euros, soit un montant proche des dépenses exécutées sur crédits budgétaires nets des subventions pour charges de service public.

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