C. LE PROGRAMME 423 « ACCÉLÉRATION DE LA MODERNISATION DES ENTREPRISES »

1. Un programme de soutien à la compétitivité, à l'innovation et à l'internationalisation des entreprises

Doté de 4,1 milliards d'euros, le programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises » est, sur le plan financier, le programme le plus important du PIA 3. Il vise à soutenir l'innovation au niveau des entreprises, c'est-à-dire « en aval » du processus d'innovation, à accompagner « l'industrie du futur », et plus généralement à accélérer la croissance des PME et des ETI.

Répartition des crédits du programme par action

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après le projet annuel de performances annexé au PLF 2017

Ce programme est décliné en neuf actions :

- l'action 01 « Soutien à l'innovation collaborative » vise à financer, par des subventions et avances remboursables, des projets « coopératifs » et « transversaux » favorisant l'innovation des entreprises, et notamment des PME : pôles de compétitivité, développement d'applications de la R&D, démonstrateurs, etc. Il s'agit donc d'aides indirectes aux entreprises, versées à des acteurs intermédiaires. Parmi les secteurs concernés figurent la santé, le numérique ou encore la défense, avec les petits drones terrestres et la robotique humanoïde ;

- l'action 02 « Accompagnement et transformation des filières » vise à réaliser des investissements, via un fonds direct géré par Bpifrance, dans des sociétés de projet ad hoc créées par plusieurs entreprises d'une même filière (PME, ETI, grands groupes, etc.), dans le but de favoriser sa transformation au travers de projets transversaux (partage des technologies, démarches commerciales, etc.). Des subventions et avances remboursables sont également prévues ;

- l'action 03 « Industrie du futur » vise, dans la continuité des PIA 1 et PIA 2, à octroyer des subventions et avances remboursables directes aux entreprises afin de financer leur transformation dans trois secteurs majeurs : Internet des objets, fabrication additive (ou impression 3D) et automatisation industrielle (conception, fabrication, commande, transport, livraison etc.) ;

- l'action 04 « Adaptation et qualification de la main d'oeuvre » est constituée de subventions visant à développer des formations innovantes, en lien avec les technologies du futur et le cas échéant en vue d'un projet précis (par exemple une nouvelle ligne de production robotisée), ainsi qu'à encourager l'entrepreneuriat (par le programme French Tech Ticket , qui permet l'accueil d'entrepreneurs étrangers dans des incubateurs français) ;

- l'action 05 « Concours d'innovation » doit permettre de financer le Concours mondial d'innovation et le Concours d'innovation numérique, et de lancer d'autres initiatives similaires, qui permettent notamment aux TPE/PME innovantes de se faire remarquer par les grands groupes ;

- l'action 06 « Fonds national d'amorçage 2 » a pour but d'investir dans de jeunes entreprises innovantes dès leurs premières levées de fonds, dans la continuité du Fonds national d'amorçage 1 , lui aussi géré par Bpifrance et actif dans le cadre des PIA 1 et 2 ;

- l'action 07 « Fonds à l'internationalisation des PME » vise à doter le PIA d'un outil d'interventions ponctuelles en capital-développement ou en capital-risque en faveur des PME ayant des perspectives de croissance importantes à l'international ;

- l'action 08 « Fonds de fonds Multicap Croissance 2 » a vocation à prendre le relais du fonds de fonds Multicap Croissance 1 , en participant (sans limitation sectorielle) à des levées de fonds de plus de 200 millions d'euros, aujourd'hui difficiles en France ;

- l'action 09 « Grands défis » est spécifiquement destinée à investir des « gros tickets », de l'ordre de 100 à 200 millions d'euros chacun, via des fonds de fonds. Il s'agit d'apporter des capitaux massifs à des projets entrepreneuriaux ambitieux dès leur naissance, notamment dans le domaine de la santé connectée ( medtechs ) ou des nouvelles technologies financières ( fintechs , et en particulier la blockchain , un système de validation distribuée dont les applications financières sont très prometteuses).

On notera, tout d'abord, que les priorités sectorielles présentées pour chaque action dans le projet annuel de performances ne correspondent pas exactement - voire pas du tout - aux principales thématiques présentées dans le tableau figurant dans le rapport précité du commissariat général à l'investissement de juin 2016 et présentant le PIA 3.

Un tel éclatement n'est pas de nature à rassurer quant aux risques de saupoudrage et d'effets d'aubaine auxquels pourraient donner lieu les interventions du programme.

2. Une priorité donnée aux interventions en fonds propres : un choix pertinent, sous réserve que l'effet de levier ne se transforme pas en effet d'éviction

Sur les 4,1 milliards d'euros du programme 423, les interventions en fonds propres représentent 2,3 milliards d'euros, soit 56 % du total . Elles étaient d'une moindre importance dans le PIA 1 et le PIA 2. Pour les investissements en fonds propres, les opérateurs sont Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

Répartition par action, par opérateur et par catégorie d'intervention
des crédits du programme 423

(en millions d'euros)

Actions

Opérateur

Types d'intervention

Total

Subv.

Avances
remb.

Fonds
propres

01 « Soutien à l'innovation collaborative »

Bpifrance

275

275

550

02 « Accompagnement et transformation des filières »

Bpifrance

250

250

500

1000

03 « Industrie du futur »

Bpifrance

275

75

350

04 « Adaptation et qualification de la main d'oeuvre »

CDC

100

100

05 « Concours d'innovation »

Bpifrance
et Adème

200

100

300

06 « Fonds national d'amorçage 2 »

Bpifrance

500

500

07 « Fonds à l'internationalisation des PME »

Bpifrance

400

400

08 « Fonds de fonds Multicap Croissance 2 »

CDC

200

200

09 « Grands défis »

CDC

700

700

Total programme 423

1 100

700

2 300

4 100

Source : commission des finances, d'après le projet annuel de performances

a) Un effet de levier sur le financement des entreprises innovantes

Cette priorité accordée aux interventions en fonds propres, surtout dans la phase « en aval » du programme d'investissements d'avenir que constitue le programme 423, est une nouveauté bienvenue du PIA 3 .

Tout d'abord, sur le principe, le capital-investissement, et plus particulièrement le capital-risque, est le mode de financement le plus adaptés aux PME innovantes : en effet, le crédit bancaire n'est pas adapté au financement de l'innovation et des start-up , dont le modèle de croissance ne leur permet pas de faire face à des échéances de remboursement fixes avant plusieurs années.

Ensuite, les PIA 1 et 2 ont contribué, via les interventions de Bpifrance, à la croissance du marché français du capital-risque : alors que jusqu'en 2014 celui-ci ne dépassait guère 800 millions d'euros de levées de fonds chaque année, il atteint 1,8 milliard d'euros de levées de fonds en 2015, pour un total de 488 opérations. Au seul premier semestre 2016, les levées de fonds ont atteint un milliard d'euros (297 opérations). L'effet de levier ainsi exercé se lit également dans la hausse du montant moyen investi par chaque investisseur (le « ticket »), soit 3,4 millions d'euros en 2016, contre 3,5 millions d'euros en 2015. Parmi les secteurs les plus dynamiques cette année figurent les technologies de la santé ( medtechs ), les nouvelles technologies financières ( fintechs ) ou encore la robotique et le big data , autant de secteurs correspondant aux priorités du PIA 3 .

Enfin, s'agissant des instruments, le programme 423 fait apparaître une préférence pour l'investissement indirect via des « fonds de fonds 26 ( * ) » , plutôt que pour des prises de participation via des fonds directs. Il s'agit là encore d'une orientation pertinente, accentuée par rapport aux PIA 1 et 2, et qui permet de modérer l'exposition de Bpifrance et de la Caisse des dépôts tout en maximisant l'effet de levier.

Les fonds de fonds du programme 423, qui disposent du réseau des 600 partenaires de Bpifrance, sont : le Fonds national d'amorçage 2 (action 06, 500 millions d'euros) ; le fonds Multicap Croissance 2 (action 08, 200 millions d'euros) ; le fonds « Grands défis » (action 09, 700 millions d'euros). Ceci étant dit, les fonds directs gérés par Bpifrance dans le cadre du PIA demeurent complémentaires des fonds de fonds , et ont d'ailleurs donné lieu à des investissements importants ces dernières années. Par exemple, en 2015, le fonds Ambition numérique a investi 49 millions d'euros, le fonds Ecotechnologies 24 millions d'euros, et le fonds Biothérapies et maladies rares 2,6 millions d'euros dans de jeunes entreprises innovantes 27 ( * ) . Le PIA 3 conserve le principe des fonds directs, avec le fonds SPI (action 02) ou encore le fonds à l'internationalisation des PME (action 07).

Au-delà des véhicules d'investissement, il convient de souligner que l'intervention publique en matière de capital-risque implique aussi un changement « culturel », consistant à passer du « seul » financement à l'accompagnement dans la durée des entreprises . Même si cela reste sans commune mesure avec l'offre d'accompagnement qui fait le succès des grands fonds privés de capital-risque américains 28 ( * ) ou même français 29 ( * ) , on peut noter que Bpifrance a commencer à mettre en place certains outils, parmi lesquels le programme Initiative Conseil (cofinancement d'une une mission de conseil en stratégie) ou encore le Hub Start-Up (37 jeunes entreprises accompagnées en 2016).

b) Le double risque d'une éviction des acteurs privés sur l'amorçage et d'une présence insuffisante sur le capital-développement

Ceci étant dit, l'orientation d'une partie substantielle des crédits du PIA 3 vers le capital-investissement et le capital-risque n'est pas sans soulever certaines interrogations , qui constituent autant de dangers à éviter et de défis à relever.

Le premier de ces risques est que l'effet de levier de Bpifrance ( via les fonds PIA ou en fonds propres) ne se transforme en effet d'éviction , précisément parce que les investisseurs privés ont tendance à considérer sa présence au tour de table comme une condition indispensable à leur propre engagement - et de fait, la présence de Bpifrance est très forte (cf. encadré). Pour reprendre l'analyse du Conseil d'analyse économique (CAE) dans une note de juillet 2016 30 ( * ) , « la difficulté est que du fait même de son existence, et parce qu'elle joue un rôle clé d'instruction des dossiers et de coordination des acteurs privés, Bpifrance porte en elle le risque, par effet d'éviction, d'entraver l'émergence d'un écosystème autonome . Sa taille, sa qualité de référent reconnue ainsi que le travail de vérification préalable ( due diligence ) poussée sur les fonds conduisent les investisseurs institutionnels privés à se reposer fortement sur ce filtrage et cette surveillance par Bpifrance , ce qui peut les empêcher de devenir des acteurs autonomes ». Il faut à cet égard rappeler que le PIA et Bpifrance ont pour vocation de pallier la défaillance temporaire de l'initiative privée, et non de s'y substituer .

Activité de Bpifrance en 2015 (interventions en fonds propres)

Source : note n° 33 du CAE (juillet 2016), d'après Bpifrance, le CGI et la DG Trésor

Ceci ne serait pas un problème si par ailleurs Bpifrance, institution publique, ne faisait pas preuve d'une prudence bienvenue d'une manière générale mais par définition peu compatible avec la logique même du capital-risque . Ainsi, là où les fonds de venture capital américains assument un taux de survie très faible des entreprises dans lesquelles ils investissent 31 ( * ) (en comptant sur le fait que celles qui survivent seront les prochains Google ou Facebook ), l'indicateur 1.1 du programme 423 mesure le « taux de pérennité à 3 ans » des entreprises bénéficiant d'un financement PIA : même si la cible de 15 % ou plus en 2020 correspond peu ou prou à ce qu'il est permis d'attendre 32 ( * ) , le principe même d'assimiler la survie des start-up à la performance du capital-risque est problématique. Dans un contexte où les investisseurs privés sont réticents à s'engager sans la présence de Bpifrance, cette approche constitue donc un obstacle pour la réussite du PIA 3, qui appelle à tout le moins à une clarification de la doctrine d'intervention de l'opérateur , distinguée selon chacun de ses métiers et de ses instruments.

Le deuxième problème, qui s'ajoute au premier, est que les fonds PIA ne sont pas forcément bien dimensionnés compte tenu des principales défaillances actuelles du capital-investissement en France : en effet, si l'offre semble désormais satisfaisante au stade de l'amorçage ( early stage ) et des tickets de quelques dizaines de millions d'euros, elle demeure encore très insuffisante au stade du capital-développement ( growth capital ), c'est-à-dire pour des tours de table de 100 ou 200 millions d'euros . C'est ainsi que l'année dernière, Blablacar , l'une des deux « licornes » françaises, est allée lever 200 millions de dollars auprès des fonds Insight Venture Partners et Lead Edge Capital . De fait, il n'existe que peu, voire pas, de fonds « large venture » en France 33 ( * ) , c'est-à-dire ayant la surface financière suffisante pour porter une « licorne », alors que les 10 premiers fonds américains - tous privés - ont chacun une taille supérieure à un milliard d'euros 34 ( * ) .

Il est vrai que, pour la première fois, le PIA 3 est doté d'outils dont l'objectif explicite est de réaliser des prises de participation sous la forme de « gros » tickets de 100 ou 200 millions d'euros, voire davantage. C'est très précisément la vocation de l'action 09 « Grands défis », dotée de la somme importante de 700 millions d'euros , qui s'adresse notamment aux secteurs des nouvelles technologies en matière de santé ( medtechs ) ou de finance ( fintechs ), très dynamiques en France. Toutefois, la seule inscription des crédits ne saurait garantir la capacité du PIA et de l'opérateur (la Caisse des dépôts et consignations) à prendre des risques par définitions très importants compte tenu de la nature même de ces projets - d'autant que le fonds de fonds « Grands défis » a vocation à demeurer, comme toujours, un investisseur minoritaire, ce qui implique que d'autres acteurs soient déterminés à prendre ce risque. En d'autres termes, il n'est pas certain que cela suffise à « retenir en France » les prochains Blablacar et autres Criteo .

De même, le fonds Multicap Croissance 2 (action 08) vise lui aussi à exercer un effet de levier sur des tours de table supérieurs à 200 millions d'euros, quoique cela n'implique pas que les tickets eux-mêmes atteignent ce montant. Le Fonds national d'amorçage 2 (action 06), doté de 500 millions d'euros, se donne quant à lui pour objectif « le changement d'échelle du capital-innovation en France », mais l'on peut s'interroger sur l'articulation de cette ambition avec le principe même de l'amorçage, qui implique des tickets plus petits. Le défi des investissements « large venture » est donc loin d'être gagné .

Surtout, et c'est le troisième problème, l'importance des actions en fonds propres dans le programme 423 pourrait aggraver les conséquences d'éventuels « détournements » de la vocation initiale du PIA - en d'autres termes, plus les montants en jeu sont importants, plus les débudgétisations, les effets d'aubaine et les décisions politiques en faveur de projets sans lien avec l'esprit du PIA sont lourdes de conséquences. Le sujet est complexe :

- d'un côté, il est légitime que l'autorité politique puisse peser dans les décisions d'investissement qui seront prises par les opérateurs, surtout pour des prises de participation de 100 ou 200 millions d'euros, qui relèvent à de tels montants d'une véritable logique d'État actionnaire, donc soumise au contrôle du Gouvernement et du Parlement ;

- d'un autre côté, la sélection des champs d'intervention de l'État en matière d'investissements structurants est toujours délicate , et le risque de financement de projets sans lien avec le PIA 35 ( * ) ne peut être totalement exclu.

À cet égard, les prises de participation les plus importantes présentent aussi un risque plus important : par exemple, le projet annuel de performances précise que les 700 millions d'euros consacrés à l'action 09 « Grands défis » ont vocation à être investis dans les medtechs et les fintechs , mais également « pour financer toute transformation de modèle économique, (...) dans le domaine de la culture par exemple » : l'inclusion de ce secteur, sans grand rapport avec les autres secteurs visés par ce programme, n'est-elle pas porteuse d'effets d'aubaine à venir ? Les investissements via des fonds directs présentent aussi un risque de saupoudrage plus élevé que les fonds de fonds, surtout lorsque leurs priorités ne sont pas définies de manière précise.

3. Subventions et avances remboursables : des aides justifiées, mais toujours soumises aux effets d'aubaine, au saupoudrage et aux débudgétisations

Bien que les crédits du programme 423 accordent la priorité aux interventions en fonds propres, les subventions et avances remboursables représentent tout de même un total de 1,8 milliard d'euros, soit 44 % du total des crédits prévus 36 ( * ) . Plus précisément, sont prévus 1,1 milliard d'euros de subventions et 700 millions d'euros d'avances remboursables (dont des prêts à taux zéro), mais ces outils sont en réalité d'une nature proche, les avances remboursables n'ayant généralement pas à être remboursées en cas d'échec du projet.

Le maintien de ce type d'interventions est naturellement justifié, y compris dans le cas du programme 423 qui s'adresse plus particulièrement aux entreprises elles-mêmes, et non pas à des acteurs intermédiaires situés en amont de l'innovation (universités, pôles de compétitivité, etc.). En effet, le soutien à l'innovation via des outils qui ne produisent pas de retour financier direct ne peut que relever d'une politique publique : il n'y a pas là d'effet d'éviction du secteur privé.

Un autre point positif est l'accent porté sur le soutien aux TPE et aux PME , bénéficiaires principales des aides du programme, y compris de manière indirecte lorsque celles-ci sont versées à des projets « transversaux » (actions 01, 02, 03, 05, etc.).

Les aides prévues sur le programme 423 appellent néanmoins une série de remarques :

- tout d'abord, les aides directes et indirectes prévues ici ont une finalité très proche de celles de la mission « Économie », en particulier de son programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » . Celui-ci vise à soutenir la compétitivité, l'emploi et l'innovation dans les entreprises, et principalement les PME, au moyen d'une série d'instruments similaires : subventions, prêts, garanties, avances remboursables etc. Ces aides sont, comme pour le PIA 3, versées directement ou attribuées à des intermédiaires divers (pôles de compétitivité, centres techniques industriels, organismes de formation, réseau consulaire etc.). Les crédits d'intervention du programme 134 étant en baisse continue depuis plusieurs années (- 6,4 % en 2017, soit 16,2 millions d'euros), une partie des aides du programme 423 peuvent être considérées comme des débudgétisations . La question se pose notamment pour le soutien aux pôles de compétitivité, démonstrateurs et autres projets collectifs (action 01), aux projets de filière (action 02) ou encore aux divers soutiens à des initiatives de formation (action 04) ;

- de façon similaire, il est bien difficile de distinguer, sur le fond, les aides financées par le PIA et confiées à Bpifrance d'une part, et les aides financées par Bpifrance d'autre part . De fait, toutes reposent sur des instruments financiers identiques, s'adressent peu ou prou aux mêmes entreprises des mêmes secteurs économiques, et sont d'ailleurs présentées de manière indifférenciée sur le site Internet de Bpifrance. Dès lors, on peut se demander si le PIA n'est pas, au moins en partie, une sorte d'effet d'aubaine pour Bpifrance Financement, qui aurait de toute façon distribué les aides en question. La même remarque pourrait d'ailleurs être faite s'agissant des interventions en fonds propres (cf. supra ) : y a-t-il une différence de nature entre les investissements réalisés par Bpifrance Participations au titre du PIA et pour son compte propre ? Force est de constater que le Parlement n'a pas aujourd'hui les moyens de le vérifier ;

- un autre problème bien identifié des subventions par rapport aux prises de participation est le risque de saupoudrage d'une part, et peut-être de complaisance d'autre part (cf. supra ). S'agissant du saupoudrage, le peu d'éléments fournis dans les documents transmis au Parlement au sujet des aides de l'action 01 « Soutien à l'innovation collaborative », de l'action 02 « Accompagnement et transformation des filières » ou encore de l'action 04 « Adaptation et qualification de la main d'oeuvre » laisse craindre un ciblage insuffisant des défaillances de marché et une multiplication des effets d'aubaine d'aubaine - un problème dont le programme 134 de la mission « Économie » est coutumier, et qui se trouve ici démultiplié par l'hétérogénéité des thématiques « prioritaires » .

- enfin se pose la question de la pertinence du choix de l'opérateur chargé de ces actions . Il s'agit la plupart du temps de Bpifrance et de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), étant entendu que cette dernière peut ensuite déléguer à Bpifrance la gestion des aides. Toutefois, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Adème) est désignée comme l'opérateur d'une partie des crédits de l'action 05, soit 100 millions d'euros de subventions et 50 millions d'euros d'avances remboursables : si ce choix peut se comprendre par une partie des secteurs concernés (transport, biodiversité, économie circulaire etc.), on peut cependant douter qu'il soit très efficace de multiplier les opérateurs pour des sommes en l'occurrence assez faibles . La remarque est importante car il existe un précédent : confié à l'Adème dans le cadre du PIA 1 et doté de 250 millions d'euros, le fonds Ecotechnologies a par la suite été « transféré » à Bpifrance, qui ne possède certes pas l'expertise sectorielle de l'Adème, mais dispose d'outils financiers plus performants. D'une manière générale, il serait cohérent avec l'esprit du PIA de favoriser une logique de guichet unique pour les entreprises .


* 26 Les « fonds de fonds » sont des fonds d'investissements qui prennent des participations (minoritaires dans le cas de Bpifrance) dans d'autres fonds, ces derniers ayant la responsabilité de réaliser les investissements directs dans les entreprises.

* 27 Source : Bpifrance.

* 28 Par exemple, Andreessen Horowitz, fonds de capital-risque de la Silicon Valley, consacre seulement la moitié de ses 120 salariés à l'investissement stricto sensu : les autres apportent un soutien opérationnel et durable aux start-up (Source : mission d'une délégation de la commission des finances aux États-Unis, avril 2016).

* 29 Inspirés du modèle américain, des accélérateurs tels que le Numa , The Family et bientôt la Halle Freyssinet proposent le même type d'accompagnement, via des « promotions » annuelles de start-up.

* 30 Note du CAE n° 33, « Renforcer le capital-risque français », rédigée par Jean Tirole, Augustin Landier et Marie Ekeland, juillet 2016.

* 31 Dans une étude de 2012 menée par des universitaires de Berkeley et de Stanford, il est estimé que sur 100 start-up du secteur des nouvelles technologies, 92 échouent (Sta rt-up Genome Report: Premature Scaling , mars 2012).

* 32 On relèvera à cet égard que l'indicateur 1.2 du programme 134 de la mission « Économie » mesure le même taux de survie à trois ans, mais pour l'ensemble des interventions de Bpifrance : il affiche dont un taux de survie de 81,2 % après trois ans, contre 71,3 % pour les entreprises non aidées.

* 33 L'ensemble des fonds « les plus importants » en France représentent une capacité de 300 millions d'euros, contre 650 millions d'euros au Royaume-Uni.

* 34 Source : projet annuel de performances.

* 35 Cela n'a pas non plus échappé au Conseil d'analyse économique (CAE), dans sa note de juillet 2016 précitée : « de nombreux acteurs [...] ont souligné la compétence et l'indépendance des équipes actuelles de Bpifrance, tout en s'interrogeant sur la pérennité d'un équilibre vertueux qui semble fortement reposer sur l'équipe dirigeante en place et non pas sur les institutions elles-mêmes. L'institution ne nous semble pas à l'abri de pressions politiques futures ».

* 36 En revanche, aucun crédit n'est prévu sous la forme de dotations décennales sur le programme 423.

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