PREMIÈRE PARTIE - LES GRANDES TENDANCES DE L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONALE ET FRANÇAISE

Aux termes de la loi de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale 3 ( * ) , « la politique de développement et de solidarité internationale de la France a pour ambition une mondialisation mieux maîtrisée et porteuse de valeurs humanistes ». Sa vocation première est de « lutter contre la pauvreté et les inégalités pour aider le sixième de l'humanité, dont une majorité de femmes, qui vit encore dans l'extrême pauvreté, à en sortir et éviter que ceux qui en sont sortis y tombent à nouveau ».

Elle s'inscrit dans le cadre défini par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui fixe la liste des pays bénéficiaires et comptabilise les dépenses pouvant être prises en compte au titre de cette politique, selon des règles qui permettent de comptabiliser au sein d'un même agrégat - l'aide publique au développement au sens de l'OCDE - l'aide provenant des dons et celle provenant des prêts.

I. LES GRANDES TENDANCES DE L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONALE

A. UNE APD HISTORIQUEMENT ÉLEVÉE EN 2015, MARQUÉE PAR LA HAUSSE DE L'AIDE EN FAVEUR DES RÉFUGIÉS

Le montant total de l'aide publique au développement des pays du comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE a atteint en 2015 son plus haut niveau historique , battant pour la troisième année consécutive le record précédent.

D'après les données publiées par le CAD, en avril dernier, les apports nets (c'est-à-dire déduction faite des remboursements de prêts) d'aide publique au développement (APD) versés par les membres en 2015 se sont établis à 131,6 milliards de dollars , en dollars courants, ce qui représente 0,30 % de leur revenu national brut (RNB).

Ce montant est en diminution en valeur par rapport à 2014 (135,1 milliards de dollars). Cependant, en volume, c'est-à-dire en dollars constants de 2014, après prise en compte de l'inflation et de la dépréciation importante de la monnaie de plusieurs pays du CAD face au dollar, l'aide atteint 146,7 milliards de dollars, soit une hausse de 6,9 % en un an .

La composition de l'APD montre certaines évolutions significatives, en phase avec la situation du monde.

Composition de l'APD nette émanant des pays membres du CAD

(en millions de dollars constants de 2014)

Source : commission des finances du Sénat à partir des données du CAD de l'OCDE - les données 2015 sont provisoires

Tout d'abord, les dons nets au titre des remises de dettes ont diminué de 36 % et leur baisse est de 90 % par rapport à 2012 . Ils ne représentent plus que 0,2 % de l'APD totale après en avoir représenté jusqu'à 20 % en 2005. Cette baisse illustre la fin du mouvement de désendettement de certains pays particulièrement vulnérables à la suite des initiatives « Pays pauvres très endetté », lancée en 1996, et « Allégement de la dette multilatérale », lancée en 2005.

Par ailleurs, l'aide humanitaire a crû de 10,8 % en 2015, après une hausse de 22 % en 2014 et de 25 % en 2013 ; par rapport à son niveau de 2012, l'aide humanitaire a progressé de 71 % .

Enfin, l'aide aux réfugiés dans les pays donateurs a plus que doublé en 2015 (+ 110 %), après une hausse de 37 % en 2014. Cette aide, qui représente 10 % de l'APD totale en 2015, a été multipliée par trois par rapport à 2012 et par quatre par rapport à 2009.

La comptabilisation de l'aide aux réfugiés dans l'aide publique au développement de la France

Au sens du CAD, le terme de « réfugié » désigne « toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de son ethnie, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors de son pays de résidence. »

Est comptabilisée « l'aide apportée à des personnes qui ont fui leur domicile pour cause de guerre civile ou de troubles graves ». Cette comptabilisation est limitée aux douze premiers mois de séjour dans le pays hôte et concerne les dépenses de transfert des réfugiés et leur entretien temporaire (nourriture, hébergement, formation, etc.).

Pour la France, ces dépenses sont portées par le programme 303 « Immigration et asile » et calculées à partir d'une clé de répartition déterminée à partir des statistiques de l'OFPRA. Sont retenues les dépenses concernant les plates-formes d'accueil, les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) et les hébergements d'urgence (HUDA) et d'accompagnement social, ainsi que les dépenses au titre de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA). Le coût des soins pris en charge au titre de la couverture maladie universelle (CMU) ne sont pas pris en compte, du fait de la difficulté à les comptabiliser.

L'Australie, la Corée du Sud et le Luxembourg ne comptabilisent pas leurs dépenses en faveur des réfugiés dans leur aide publique au développement.

Un groupe de travail a été constitué au sein du CAD de l'OCDE pour clarifier et harmoniser les règles applicables pour la déclaration et la comptabilisation des dépenses relatives aux réfugiés en aide publique au développement.

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses au questionnaire budgétaire

Cette évolution est particulièrement marquante dans certains pays. Ainsi, l'Allemagne a vu son APD en faveur des réfugiés multipliée par 17 en un an (+ 2,8 milliards en dollars courants) , pour atteindre 17 % de son APD totale. La Slovénie (multiplication par 70), l'Autriche (multiplication par trois), la Grèce (+ 170 %), la Finlande (+ 143 %), la Suède (+ 119 %) ou le Royaume-Uni (+ 84 %) connaissent également une évolution importante. À l'inverse, la France a vu son APD en faveur des réfugiés diminuer de 9 % environ en dollars constants. Dans cinq pays, l'aide aux réfugiés représente plus de 20 % de l'aide totale : Suède (34 %), Autriche (27 %), Italie (26 %), Pays-Bas (23 %) et Grèce (21 %).

En valeur absolue, l'Allemagne est le premier contributeur en matière d'aide aux réfugiés (3 milliards de dollars environ) , suivie de la Suède (2,4 milliards de dollars), des Pays-Bas (1,3 milliard de dollars), des États-Unis (1,2 milliard de dollars) et de l'Italie (près d'un milliard de dollars). La France est dixième (373 millions de dollars) après avoir occupé la cinquième place en 2014 et la troisième place en 2013.

L'augmentation de l'aide au titre des réfugiés n'explique cependant pas à elle seule la hausse de l'APD globale. Ainsi, en excluant ces dépenses, l'aide totale aurait tout de même crû de 1,7 % en dollars courants. Angel Gurría, secrétaire général de l'OCDE, soulignait ainsi que la plupart des pays du CAD « ont, jusqu'à présent, évité de réorienter l'argent initialement alloué aux programmes de développement ».

Alors que l'aide revenant aux pays les moins avancés était en baisse l'an dernier (- 9,3 %), la tendance s'inverse en 2015 (+ 2,2 %). Le rythme de progression demeure cependant plus lent que celui de l'aide aux autres pays (+ 8,9 %).

Enfin, selon les prévisions du CAD, le volume d'APD devrait continuer à augmenter jusqu'en 2019 .


* 3 Loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.

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