II. L'ÉVOLUTION THÉMATIQUE DES CRÉDITS

A. L'AIDE BILATÉRALE

1. L'AFD : une hausse des moyens en ligne avec les objectifs

Le présent paragraphe retrace les moyens financiers mis à disposition de l'Agence française de développement (AFD), quel que soit le canal de financement.

Moyens mis à disposition de l'AFD

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2016

Demandées en PLF 2017

PLF 2016

Demandés en PLF 2017

Subventions projets de l'AFD
(action 02 du programme 209)

217,0

246,3

194,0

227,0

Bonification des prêts outre-mer 18 ( * )

(action 02 du programme 110)

0,0

0,0

12,0

12,1

Bonifications de prêts dans les États étrangers

(action 02 du programme 110)

235,0

315,0

180,0

191,0

Bonifications pour l'initiative de lutte contre le changement climatique

(action 02 du programme 110)

0,0

0,0

5,2

0,0

Ressource à condition spéciale (RCS)
(uniquement fonctionnement courant de l'AFD)

(programme 853)

400,0

502,0

58,5

0,0

Rémunération de l'AFD (dons projets, assistance technique, ONG, C2D, crédits délégués)

(action 02 du programme 209)

27,0

35,7

27,0

35,7

Rémunération de l'AFD pour les opérations réalisées pour le compte de l'État

(action 02 du programme 110)

3,0

3,0

3,0

3,0

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

a) Une hausse limitée des subventions

L'AFD reçoit tout d'abord des subventions pour financer des projets sous forme de dons . Ces crédits s'élèvent à 246 millions d'euros en AE en 2017, en hausse de 30 millions d'euros par rapport à 2016 . Cette augmentation met fin à quatre années de stabilité quasi parfaite , le montant de ces subventions étant de 216 millions d'euros en 2012. Ce montant peut sembler limité, d'autant plus que le Président de la République a fixé l'objectif d'augmenter de 400 millions d'euros le total des dons à l'horizon 2020 et que les crédits du programme 209 sont en hausse de 77 millions d'euros environ, hors dépenses de personnel. Il s'explique notamment par le fait que ces 77 millions d'euros sont, en 2017, en grande partie absorbés par des appels de fonds du Fonds européen de développement en hausse de 42 millions d'euros par rapport à 2016.

b) Une hausse significative des ressources permettant d'octroyer des prêts concessionnels

Par ailleurs, l'AFD intervient dans les États étrangers en accordant des prêts, plus ou moins concessionnels , cette concessionnalité étant financée sous plusieurs formes. D'une part, l'État lui accorde des crédits permettant de « bonifier » les prêts, c'est-à-dire d'abaisser directement le taux d'intérêt proposé aux bénéficiaires de ses concours. Ces bonifications sont en hausse de 80 millions d'euros (+ 34 %) par rapport à la loi de finances pour 2016. Cette hausse ne serait toutefois que de 30 millions d'euros par rapport au montant qui serait effectivement engagé en 2016, dans la mesure où le Gouvernement a annoncé qu'il demanderait un abondement de 50 millions d'euros dans le projet de loi de finances rectificative.

D'autre part, l'AFD bénéficie de la part de l'État de la « ressource à condition spéciale » (cf. supra ) qui lui également d'accorder des prêts concessionnels. La RCS correspondant aux activités courantes de l'AFD est en hausse de 100 millions d'euros en 2017. L'absence de CP s'explique par un besoin de 280 millions d'euros entièrement compensé par l'annulation du même montant de CP, au titre du renforcement des fonds propres de l'agence. En effet, celui-ci passe entre autre (cf. supra ) par la conversion de 280 millions d'euros de RCS en obligations perpétuelles de l'AFD, souscrites à partir du compte d'affectation spéciale « Participation financière de l'État ».

Cette augmentation des moyens permettant d'accorder des prêts est en ligne avec l'objectif fixé à l'Agence d'augmenter de 4 milliards d'euros, par rapport à 2015, ses engagements annuels à l'horizon 2020. Cette hausse devrait ainsi lui permettre de passer de 9 milliards d'euros d'engagements en 2016 à 9,5 milliards d'euros en 2017, en attendant d'atteindre l'objectif de 12,5 milliards d'euros.

c) Une affectation de 270 millions d'euros doublement incertaine

Comme indiqué précédemment, nos collègues députés ont souhaité attribuer 270 millions d'euros du produit de la taxe sur les transactions financières. Cependant cette affectation semble doublement menacée :

- d'une part, le Gouvernement pourrait être tenté - comme il l'a fait l'an dernier - de revenir au moins partiellement sur cette affectation ; en effet, en séance, Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget, a proposé aux députés une hausse de 150 millions d'euros et accueilli le vote de l'amendement précité avec un enthousiasme mesuré : « Et même s'il considère qu'on aurait pu en rester à une augmentation de 150 millions d'euros, le Gouvernement accepte que cet amendement puisse prospérer » ;

- d'autre part, le Gouvernement a montré sa préférence pour une affectation de ces 270 millions d'euros au Fonds de solidarité pour le développement (FSD) et non pas à l'AFD. Certes, multiplier les canaux de financement n'aide pas à la lisibilité de notre politique d'aide publique au développement. Cependant, les rapporteurs spéciaux ont une préférence pour une affectation directe à l'AFD, c'est-à-dire à un canal d'aide bilatérale, qui offre une visibilité bien plus grande à notre politique d'aide publique au développement. Ce montant pourrait notamment permettre de financer la facilité consacrée spécifiquement aux pays en crise , proposée par nos collègues Henri de Raincourt et Hélène Conway-Mouret, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées 19 ( * ) .

À ce stade, cette affectation n'a pas été remise en cause.

*

Enfin, la rémunération de l'AFD augmente de 32 % (+ 9 millions d'euros). Cette rémunération, calculées à partir de formules basées en particulier sur les volumes d'engagement, correspond aux opérations réalisées par l'AFD pour le compte de l'État (aides budgétaires globales, opérations de conversion de dettes, etc.) et pour des actions confiées à l'AFD (dons projets, C2D, crédits délégués, etc.).

L'AFD met également en oeuvre le programme de renforcement des capacités commerciales (PRCC), une partie des subventions aux ONG, les aides budgétaires globales et les contrats de désendettement et de développement (C2D), qui sont traités dans les paragraphes suivants.

2. Des crédits d'aide liée en baisse

L'aide liée est constituée des dispositifs pour lesquels une part minimale des contrats financés doit correspondre à des achats de biens et services fournis par des entreprises françaises. Pour pouvoir être liée, l'aide doit répondre à des critères de l'OCDE, notamment en matière de concessionnalité.

Les deux principaux outils de l'aide liée française sont la Réserve pays émergents (RPE) et le Fonds d'études et d'aide au secteur privé (FASEP). La RPE, mise en oeuvre par la direction générale du Trésor, prend la forme de prêts très concessionnels, tandis que le FASEP permet de financer, sous forme de dons, des études de faisabilité ou d'assistance technique.

Évolution des crédits de l'aide liée en 2017

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2016

Demandées en PLF 2017

LFI 2016

Demandés en PLF 2017

Développement du commerce extérieur (dont RPE)

(programme 851)

372,0

300,0

300,0

300,0

FASEP

(action 02 du programme 110)

18,3

18,3

22,2

21,5

Évaluation préalable et appui pour le montage des projets (RPE et FASEP)

(action 02 du programme 110)

0,3

0,3

0,3

0,3

Rémunération de Natixis au titre de la RPE

(action 02 du programme 110)

3,4

3,4

3,4

3,4

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Les crédits des prêts à des États étrangers destinés à développer notre commerce extérieur connaissent une diminution importante (- 72 millions d'euros, soit - 20 %). Cette baisse est d'autant plus inquiétante que le taux d'exécution de ce programme est en chute libre : 99,9 % en 2013, 75 % en 2014 et 35 % à peine en 2015. Les rapporteurs spéciaux réaffirment leur grand intérêt pour ce dispositif, dans la mesure où ces prêts servent notamment à financer la construction d'infrastructures de transport - comme par exemple la ligne à grande vitesse entre Casablanca et Kenitra -, qui sont des projets à la fois extrêmement structurants pour les grandes villes des pays en développement et où la France bénéfice d'un savoir-faire et d'entreprises de pointe reconnus.

3. La coopération technique : la montée en puissance d'Expertise France

Le développement des pays du sud nécessite une expertise technique, pour renforcer leurs capacités à mettre en place des politiques publiques complexes en matière d'infrastructures ou de santé par exemple, qui peut être apportée à travers l'aide publique au développement.

Il s'agit également pour la France de diffuser des modèles d'organisation et des normes conformes à ses valeurs et à ses intérêts. L'aide technique, qui représente un marché considérable évalué à près de 100 milliards d'euros par an, constitue en effet un moyen privilégié de mettre en valeur nos savoirs faires et d'influer sur des choix qui peuvent se traduire in fine par des contrats pour des entreprises françaises. La coopération technique relève ainsi à la fois de la solidarité et de l'influence.

Le tableau ci-dessous présente les crédits de divers dispositifs de coopération technique. Cependant, ils sont loin de couvrir à eux seuls la politique de coopération technique bilatérale de la France, qui représentait 1 584 millions d'euros d'APD selon l'OCDE, en 2013 .

Évolution des crédits de l'aide technique en 2017

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2016

Demandées en PLF 2017

LFI 2016

Demandés en PLF 2017

Dotation Expertise France

(action 02 du programme 110)

3,9

4,5

4,9

4,5

Agence française d'expertise technique internationale « Expertise France »

(action 02 du programme 209)

3,4

12,7

3,4

12,7

Programme de renforcement des capacités commerciales (géré par l'AFD)

(action 02 du programme 110)

13,6

-

1,5

1,5

Bourses

(action 02 du programme 209)

5,8

5,8

5,8

5,8

Échanges d'expertise

(action 02 du programme 209)

2,4

2,4

2,4

2,4

Volontariat international

(action 02 du programme 209)

19,2

19,2

19,2

19,2

Canal France international

(action 02 du programme 209)

9,5

9,5

9,5

9,5

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

« Expertise France » , créé en 2014 par la fusion de divers organismes de coopération technique, bénéficie de deux lignes de financement, l'une provenant du ministère de l'économie et l'autre provenant du ministère des affaires étrangères.

La première est en hausse (+ 666 000 euros) par rapport à 2016, ce qui correspond à la part 2017, à partir du programme 110, de la « subvention additionnelle de transformation » prévue par le contrat d'objectif et de moyens signé en juin 2016. En effet, celui-ci prévoit une croissance régulière du chiffre d'affaire de la nouvelle agence qui atteindrait 200 millions d'euros en 2019-2020, contre 100 millions d'euros en 2014 et 157 millions d'euros en 2017. À cet horizon, l'agence atteindrait l'équilibre et ne nécessiterait plus cette subvention (9 millions d'euros sur l'ensemble de la période).

La dotation provenant du ministère des affaires étrangères est pour sa part en hausse de 8,59 millions d'euros, qui correspondent au transfert à Expertise France des experts techniques internationaux du ministère.

4. L'aide humanitaire et alimentaire en légère hausse

Le fonds d'urgence humanitaire permet de financer par exemple des interventions humanitaires d'urgence mises en oeuvre par l'État, l'expédition de matériels ou de personnels, des subventions accordées à des ONG, etc.

L'aide alimentaire française s'oriente en priorité vers les populations victimes de crise.

Ces crédits sont en très légère hausse (+ 1 million d'euros en AE).

Évolution des crédits relatifs à l'aide humanitaire et d'urgence en 2017

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2016

Demandées en PLF 2017

LFI 2016

Demandés en PLF 2017

Fonds d'urgence humanitaire

(action 02 du programme 209)

11,9

12,9

11,9

12,9

Aide alimentaire

(action 02 du programme 209)

37,1

37,1

37,1

37,1

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

5. La coopération décentralisée

La coopération décentralisée est essentiellement financée par les collectivités territoriales, sur leurs fonds propres. Mais le ministère des affaires étrangères intervient pour des cofinancements, en fonction des priorités retenues.

Ces crédits permettent donc de soutenir - et d'orienter, sur la base d'appels à projets - les actions des collectivités territoriales françaises en matière de coopération avec des autorités locales étrangères. On rappellera que l'APD des collectivités représentait, en 2014, 53 millions d'euros au total. Ces crédits sont stables par rapport à 2016 . En 2015, 8,2 millions d'euros ont été consommés.

Évolution des crédits relatifs à la coopération décentralisée en 2017

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2016

Demandées
en PLF 2017

LFI 2016

Demandés
en PLF 2017

9,3

9,3

9,3

9,3

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires (action 02 du programme 209)

6. Les autres dispositifs d'aide bilatérale : une relative stabilité

Le présent paragraphe présente les autres dispositifs d'aide bilatérale, dont le montant peut être très variable. Globalement, ces crédits sont en hausse de 12 millions d'euros en AE.

Évolution des crédits des autres dispositifs d'aide bilatérale en 2017

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2016

Demandées en PLF 2017

LFI 2016

Demandés en PLF 2017

Fonds français pour l'environnement mondial

(action 02 du programme 110)

-

-

22,0

23,0

Aides budgétaires globales

(action 02 du programme 110)

35,0

37,0

35,0

37,0

Dépenses de fonctionnement autres que celles de personnel

(action 02 du programme 209)

0,3

0,3

0,3

0,3

Dotations pour opérations aux EAF

(action 02 du programme 209)

0,4

0,4

0,4

0,4

Autres moyens bilatéraux d'influence

(action 02 du programme 209)

7,3

8,9

7,3

8,9

Fonds de solidarité prioritaire (FSP)

(action 02 du programme 209)

34,0

34,0

32,1

32,3

Subventions ONG (géré par l'AFD)

(action 02 du programme 209)

79,0

87,0

74,0

77,8

Fonds Pacifique

(action 02 du programme 209)

1,5

1,5

1,5

1,5

Aide budgétaire post-conflit et sortie de crise

(action 02 du programme 209)

22,3

22,3

22,3

22,3

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

La principale évolution observée concerne les subventions aux organisations non gouvernementales (ONG), dont les crédits sont en hausse de 8 millions d'euros et atteignent 87 millions d'euros. Si l'on y ajoute les 3 millions d'euros gérés par le centre de crise et de soutien, le total s'élève à 90 millions d'euros, soit le double du montant consacré aux ONG en 2012. Ainsi, l'engagement du Président de la République de multiplier par deux de canal de financement sur l'ensemble du quinquennat a bien été respecté .


* 18 Les bonifications de prêts en outre-mer ne correspondent pas à de l'aide publique au développement et relèvent, depuis 2010, de la mission « Outre-mer » (les CP correspondent exclusivement à des engagements antérieurs).

* 19 Henri de Raincourt et Hélène Conway-Mouret, Sahel : repenser l'aide publique au développement , rapport d'information n° 728 (2015-2016), 29 juin 2016.

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