Rapport général n° 140 (2016-2017) de M. Marc LAMÉNIE , fait au nom de la commission des finances, déposé le 24 novembre 2016

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N° 140

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2016

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2017 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur.

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES

ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

( Seconde partie de la loi de finances )

ANNEXE N° 5

ANCIENS COMBATTANTS, MÉMOIRE ET LIENS AVEC LA NATION

Rapporteur spécial : M. Marc LAMÉNIE

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Éblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 4061, 4125 à 4132 et T.A. 833

Sénat : 139 et 141 à 146 (2016-2017)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Le budget de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » s'établit à 2,55 milliards d'euros en crédits de paiement.

2. Les dotations baissent de 2,6 % en crédits de paiement (67,3 millions d'euros) contre 4,9 % l'an dernier, cette réduction étant attribuable en quasi-totalité au programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ».

3. La tendance à la baisse du nombre de bénéficiaires de la pension militaire d'invalidité (- 4,9 %) et de la retraite du combattant (- 4,8 %) se prolongerait en 2017. Mais des mesures nouvelles , directes et indirectes, atténueraient les économies traditionnellement fortes sur les dépenses de la mission.

4. Il s'agit, d'abord, mais marginalement, des mesures comprises dans trois articles rattachés à la mission (supplément de pension pour les conjoints ou partenaires survivants âgés de moins de 40 ans et ayant au moins un enfant à charge : 130 000 euros ; revalorisation de l'allocation de reconnaissance et de l'allocation viagère des conjoints et ex-conjoints survivants d'anciens membres des formations supplétives : 570 000 euros et amélioration de la pension des ayants cause du militaire tué dans l'exercice de ses fonctions sur le territoire national : 100 000 euros).

5. Il s'agit aussi, et surtout, de la revalorisation progressive de deux fois 2 points de la retraite du combattant, pour 27,4 millions d'euros en 2017, dont les effets s'amplifieront en 2018.

6. De son côté, enfin, le « rapport constant » se traduirait par un alourdissement des dépenses de la mission dans le contexte de l'augmentation de la valeur du point d'indice de la grille de la fonction publique annoncée en cours d'année (0,6 % en juillet 2016 puis 0,6 % en février 2017) tandis que l'application en année pleine des mesures nouvelles votées l'an dernier en alourdirait la charge par rapport à l'exercice précédent.

7. Les différentes prestations versées au monde combattant font l'objet de revalorisations inégales, les pensions militaires d'invalidité se trouvant moins favorisées que d'autres allocations (la retraite du combattant, les allocations versées aux supplétifs), ce qui peut être considéré diversement sous l'angle de l'équité.

8. Les revalorisations prévues cette année sont comparativement importantes , au regard des pratiques passées et de celles prévalant pour les pensions du régime général, et elles pèseront plus en 2018 quand elles joueront toutes en année pleine. Cependant, elles n'effaceront pas les pertes de pouvoir d'achat observées ces dernières années du fait des pratiques d'indexation suivies.

9. L'effort de la Nation vis-à-vis de ses anciens combattants peut être évalué à 3,16 milliards d'euros , hors soutiens en provenance des programmes de la mission « Défense » principalement destinés à la journée « défense et citoyenneté » mais en intégrant les transferts liés à certaines dépenses fiscales dont bénéficient les anciens combattants.

10. En dépit des observations de la Cour des comptes et du rapport sur l'exécution budgétaire en 2015 présenté par le rapporteur général de la commission des finances du Sénat , le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2017 continue de ne pas recenser la totalité des dépenses fiscales (et sociales) résultant de dispositifs au bénéfice de certaines catégories d'anciens combattants.

11. Les recommandations formulées par votre commission des finances dans son rapport sur la journée défense et citoyenneté doivent recevoir une application plus complète.

12. La restructuration des deux opérateurs de la mission (l'Institution nationale des Invalides et l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre) doit être vigoureusement engagée tout en n'oubliant pas les spécificités de la population à laquelle ils s'adressent .

13. L'activité d'indemnisation des spoliations mérite des moyens, et, sans doute, quelques réaménagements, afin que la commission d'indemnisation des victimes de spoliations puisse pleinement agir en vue de la restitution des oeuvres.

14. Au total , tout en bénéficiant du « dividende démographique », la mission, qui ne respecte pas la programmation pluriannuelle, en recycle une partie pour financer des mesures nouvelles qui, pour devoir être approuvées, atténuent sensiblement la baisse spontanée des besoins de la mission et les gains associés pour le rééquilibrage du solde budgétaire général.

À la date limite du 10 octobre, prévue par l'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), 100 % des questions posées par votre rapporteur spécial avaient reçu une réponse.

I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA MISSION

La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » est une mission interministérielle qui regroupe trois programmes :

• le programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » , dont l'objectif est de promouvoir l'esprit de défense et de citoyenneté au sein de la population ;

• le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » , dont l'objectif est de témoigner la reconnaissance de la Nation à l'égard des anciens combattants et des victimes de guerre ;

Ces deux programmes sont placés sous la responsabilité du ministre de la défense .

• le programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale » , qui porte les trois dispositifs d'indemnisation en faveur les victimes de la Seconde Guerre mondiale et leurs ayants-cause, et relève du Premier ministre .

A. LE PÉRIMÈTRE DE LA MISSION EST STABILISÉ APRÈS DES ANNÉES DE RESTRUCTURATION

Le périmètre de la mission serait quasiment inchangé à l'exception d'un transfert de 41 000 euros motivé, de façon sibylline, par l'intégration de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG) dans le champ de l'action sociale interministérielle.

Cette stabilité contraste avec les modifications importantes apportées à la mission dans les années récentes, qu'il convient de rappeler, certaines d'entre elles ayant pour effet d'induire un décalage important entre les crédits de la mission et les coûts complets des actions publiques auxquelles elle concourt tandis que d'autres marquent une préoccupation de mettre en valeur certaines mesures destinées aux anciens combattants.

De fait, en 2014 et 2015, la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » avait connu des changements qui ont modifié de manière notable son périmètre :

• un élargissement en 2014, avec la création d'une nouvelle action destinée à couvrir le paiement des prestations en faveur des rapatriés et des harkis 1 ( * ) , au sein du programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » 2 ( * ) ;

• puis un resserrement en 2015, avec le transfert de tous les crédits de personnel (titre 2) du programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » vers le programme 212 « Soutien de la politique de la défense » de la mission « Défense » 3 ( * ) et de l'action 06 « Réparation des conséquences des essais nucléaires français » du programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » vers le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » 4 ( * ) .

L'an dernier, en 2016, le périmètre de la mission avait encore connu des évolutions pour des conséquences moins sensibles (6 millions d'euros en transfert entrant) :

• sur le programme 167, un transfert sortant de 4,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement en faveur du programme 212 « Soutien de la politique de la défense » de la mission « Défense », correspondant au financement du système d'information PRESAje utilisé pour la dématérialisation des démarches administratives de la Journée « défense et citoyenneté » et aux dépenses de communication externe de la direction du service national (DSN) ;

• sur le programme 169, un transfert entrant de 10,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, en provenance du programme 178 « Préparation et emploi des forces » correspondant aux dépenses du régime des affections présumées imputables au service (« APIAS ») des militaires rattachées aux dépenses de soins médicaux gratuits du programme 169.

B. LA BAISSE TENDANCIELLE DES CRÉDITS SE POURSUIT MAIS EST AMORTIE PAR DES MESURES DIRECTES OU INDIRECTES

La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » connaît une diminution régulière de ses crédits , dégageant ainsi des économies spontanées, qu'on pourrait aussi qualifier de passives, sur les dépenses publiques de l'État.

En 2015, cette baisse avait été particulièrement marquée puisque les crédits consommés avaient été réduits de 152,5 millions d'euros par rapport à l'année précédente, à périmètre constant. Il s'agissait d'un repli de l'ordre de 5 % qui aurait été plus ample si une dépense exceptionnelle, celle correspondant au règlement de l'accord entre la République française et les États-Unis sur l'indemnisation des victimes de la Shoah, n'avait pas alourdi les dépenses effectives au cours de l'exercice. De fait, en ce cas, la baisse des dépenses aurait atteint plus de 200 millions d'euros (soit un repli de plus de 7 %) sous l'effet de la diminution considérable des dépenses effectuées à partir du programme 169. En 2015, ses dépenses ont accusé un repli de 210 millions d'euros.

En 2016, les crédits votés s'inscrivaient en repli de 4 % par rapport à l'exécution de 2015 (- 106,8 millions d'euros), baisse atténuée par rapport à celle enregistrée en 2015, et, en partie, apparente. En effet, la dépense exceptionnelle ci-dessus évoquée cessait ses effets, permettant de dégager une économie mécanique de 54,5 millions d'euros. Au total, en dehors de cet « événement budgétaire », plutôt qu'à une diminution des crédits de 106,8 millions d'euros, il fallait se référer, pour apprécier la dynamique de la dépense dans le budget 2016, à une baisse des moyens, plus limitée, de 52,3 millions d'euros.

Le projet de budget pour 2017 poursuit donc la tendance du précédent en l'amplifiant légèrement malgré des mesures nouvelles qui limitent la réduction spontanée des crédits demandés pour 2017 et pèseront encore en 2018 sur la trajectoire des dépenses de la mission.

Comme le montre le tableau ci-dessous, la quasi-totalité de ses dépenses sont des dépenses d'intervention, les dépenses de personnel étant très marginales, sauf à prendre en considération, au sein des dépenses des autres titres, les dotations nécessaires à la couverture des charges de personnel des deux opérateurs de la mission qui s'élèvent à 117,4 millions d'euros.

Évolution des crédits de la mission par titre

(en millions d'euros)

Source : commission des finances sur la base des rapports annuels de performances pour les années 2014 et 2015 et du projet annuel de performances pour 2017

Les dépenses d'intervention sont principalement portées par le programme 169 qui totalise près de 95 % des dotations de la mission et exerce ainsi une influence décisive sur l'évolution de ses crédits. Ceux-ci s'inscrivent en baisse de 2,6 % en crédits de paiement. Pour les autorisations d'engagement, la diminution, un peu plus réduite, est du même ordre de grandeur (2,4 %).

Évolution des autorisations d'engagement et crédits de paiement
à périmètre constant

(en euros, à structure 2015, avant transferts
et hors fonds de concours et attributions de produits)

Programmes et actions

Autorisations d'engagement

Exécution 2015

Ouvertes en LFI pour 2016

Demandées pour 2017

Évolution 2016/2017

%

167 - Liens entre la Nation et son armée

40 263 572

37 718 892

37 703 766

-15 126

0,0%

01 - Journée défense et citoyenneté

16 454 591

15 099 200

15 503 766

404 566

2,7%

02 - Politique de mémoire

23 808 981

22 619 692

22 200 000

-419 692

-1,9%

169 - Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

2 523 282 674

2 473 991 357

2 411 980 632

-62 010 725

-2,5%

01 - Administration de la dette viagère

2 011 359 130

1 946 320 000

1 895 850 000

-50 470 00

-2,6%

02 - Gestion des droits liés aux pensions militaires d'invalidité

147 967 235

153 050 000

144 700 000

-8 350 000

-5,5%

03 - Solidarité

346 774 184

357 121 357

354 160 632

-2 960 725

-0,8%

07 - Actions en faveur des rapatriés

17 182 125

17 500 000

17 270 000

-230 000

-1,3%

158 - Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

154 883 564

100 754 898

100 800 472

45 574

0,0%

01 - Indemnisation des orphelins de la déportation et des victimes de spoliations du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation

102 328 611

46 171 278

46 444 098

272 820

0,6%

02 - Indemnisation des victimes d'actes de barbarie durant la seconde guerre mondiale

52 554 953

54 583 620

54 356 374

-227 246

-0,4%

Total mission

2 718 429 810

2 612 465 147

2 550 484 870

-61 980 277

-2,4%

Programmes et actions

Crédits de paiement

Exécution 2015

Ouverts en
LFI pour 2016

Demandés pour 2017

Évolution 2016/2017

%

167 - Liens entre la Nation et son armée

41 551 093

37 918 892

37 910 000

-8 892

0,0%

01 - Journée défense et citoyenneté

21 982 753

15 299 200

15 710 000

410 800

2,7%

02 - Politique de mémoire

19 568 340

23 619 692

22 200 000

-1 419 692

-6,0%

169 - Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

2 523 301 497

2 473 991 357

2 406 980 632

-67 010 72

-2,7%

01 - Administration de la dette viagère

2 011 359 130

1 946 320 000

1 895 850 000

-50 470 000

-2,6%

02 - Gestion des droits liés aux pensions militaires d'invalidité

147 966 983

153 050 000

144 700 000

-8 350 000

-5,5%

03 - Solidarité

346 774 384

357 121 357

349 160 632

-7 960 725

-2,2%

07 - Actions en faveur des rapatriés

17 201 000

17 500 000

17 270 000

-230 000

-1,3%

158 - Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

154 849 162

101 053 148

100 800 472

-252 676

-0,3%

01 - Indemnisation des orphelins de la déportation et des victimes de spoliations du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation

102 294 209

46 469 528

46 444 098

-25 430

-0,1%

02 - Indemnisation des victimes d'actes de barbarie durant la seconde guerre mondiale

52 554 953

54 583 620

54 356 374

-227 246

-0,4%

Total mission

2 719 701 752

2 612 963 397

2 545 691 104

-67 272 293

-2,6%

Source : commission des finances sur la base du rapport annuel de performances pour 2015 et du projet annuel de performances pour 2017

Les économies programmées, qui représentent 67,3 millions d'euros en crédits de paiement, résultent quasi-exclusivement de la diminution des crédits du programme 169 (- 67 millions d'euros) dont le profil des crédits est largement déterminé par des mécanismes automatiques de sorte que les économies mentionnées sont de pure constatation.

En effet, les crédits d'intervention de la mission sont essentiellement tributaires de l'évolution des populations de bénéficiaires, naturellement marquée par les tendances de la démographie.

Toutefois, des éléments plus discrétionnaires sont susceptibles de moduler ces effets mécaniques.

Il s'agit, d'une part des mesures nouvelles en faveur de certaines catégories de ressortissants de l'ONAC-VG, d'autre part, de l'application des principes d'indexation aux prestations servies à partir de la mission.

Pour 2017, le montant des mesures nouvelles s'élèverait à 29,2 millions d'euros en dehors des effets de l'indexation des prestations inhabituellement forte cette année.

Trois mesures font l'objet d'articles rattachés qui sont examinés séparément, pour un total de 0,8 million d'euros.

Coût des mesures nouvelles proposées en PLF 2017
(hors dépense fiscale)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances sur la base des évaluations préalables annexées aux projets de lois de finances pour 2016 et 2017

Doivent être ajoutés à ces mesures l'augmentation de 1 million d'euros du budget de l'action sociale de l'ONAC-VG 6 ( * ) mais, surtout, l'impact de l'attribution en deux temps de 4 points d'indice à la retraite du combattant et celui des revalorisations indiciaires dont a bénéficié la fonction publique et qui influencent le niveau des dotations de la mission via leurs effets d'indexation.

Tout en approuvant la légitime préoccupation d'améliorer les dispositifs de reconnaissance existants, votre rapporteur spécial veut faire deux observations :

• dans un contexte général de revalorisation modérée des retraites, qui a également été de règle pendant les années récentes pour la plupart des allocations versées aux anciens combattants, l'ensemble des mesures touchant les prestations servies par la mission conduisent à une dynamique comparativement forte. Semblant partiellement inspirée par certaines circonstances, elle peut être jugée diversement, d'autant que les prestations versées à partir des crédits de la mission sont, elles-mêmes, inégalement touchées par cette dynamique. En particulier, les pensions militaires d'invalidité mais aussi les crédits d'action sociale de l'ONAC-VG ne bénéficient pas autant que d'autres des revalorisations prévues ;

• le Gouvernement qui a créé une nouvelle allocation de reconnaissance en faveur des conjoints et ex-conjoints survivants d'anciens supplétifs, alors qu'il avait institué la forclusion des demandes du bénéfice de l'allocation de reconnaissance au 19 décembre 2014 dans la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 7 ( * ) , procède à nouveau à une revalorisation spécifique des différentes prestations allouées aux supplétifs et à certains ayants droits. Cette mesure s'ajoute aux dispositions générales qui sont dues aux anciens combattants. Elle conduit à une amélioration du sort des supplétifs qui, bien entendu, ne saurait être qu'approuvée au regard notamment des conditions particulières de leur réinsertion étant observé que des anciens combattants ayant servi dans les conflits concernés méritent une égale reconnaissance.

C. LA MISSION RESTE CONCENTRÉE SUR SES DÉPENSES D'INTERVENTION, « DE GUICHET »

La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » est très majoritairement composée de crédits d'intervention en faveur des ménages . Ce constat demeure quand on considère les coûts complets de la mission qui comprennent le retour des crédits des crédits de titre 2 du programme 167 transférés vers la mission « Défense ». En effet, celle-ci opère un déversement pour financer l'organisation et le déroulement de la journée « défense et citoyenneté ».

Dans le périmètre actuel de la mission, les crédits d'intervention (titre 6) représentent 96,1 % des crédits de paiement (CP) demandés en projet de loi de finances pour 2017.

Composition des crédits de la mission (en CP)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances sur la base des rapports annuels de performance pour 2013, 2014 et 2015 du projet annuel de performances pour 2017

Ces dépenses sont fortement rigides, s'agissant pour l'essentiel d'allocations (pensions, retraites ou rentes versées à vie au titre de dispositifs législatifs et indexées) correspondant à des droits.

Elles dépendent étroitement de l'évolution démographique des populations bénéficiaires. Toutefois, elles sont également sensibles à d'éventuelles modifications législatives ou réglementaires apportées aux dispositifs de réparation et de reconnaissance (revalorisation, forclusion...) ou, plus indirectement, à la situation indiciaire de la fonction publique.

La bonne évaluation de ces dépenses d'intervention est un enjeu essentiel de budgétisation puisqu'elles constituent presque l'intégralité des crédits de la mission.

Ces crédits connaissent depuis de nombreuses années une baisse régulière en raison de l'évolution démographique des populations concernées (anciens combattants, victimes de guerre, invalides de guerre et leurs ayants droit) qui apporte une forme de « manne budgétaire », plus ou moins abondante selon les mesures nouvelles, directes ou indirectes, jouant sur les situations des différentes composantes du monde combattant.

Évolution des dépenses d'intervention et des effectifs
des principaux bénéficiaires de 2006 à 2017

Source : commission des finances, sur la base des rapports annuels de performances des années 2006 à 2015 et du projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2017

Pour prendre la mesure, du « dividende démographique » dont bénéficie la mission quelques données suffisent.

Ainsi, en 2006, les crédits d'intervention ont été exécutés à hauteur de 3 578,5 millions d'euros en crédits de paiement. Dix ans plus tard, les crédits d'intervention demandés en projet de loi de finances pour 2017 s'élèvent 2 448,4 millions d'euros .

Cette diminution de plus de 30 % par rapport à l'exécution en 2006 (1 130,1 millions d'euros) est avant tout le résultat de la baisse des effectifs des bénéficiaires.

Pour la pension militaire d'invalidité (PMI) , leur nombre est passé de 380 034 personnes à 218 253, selon les chiffres et prévisions présentés dans le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2017, soit une baisse de 42,6 %. Quant à la baisse des crédits, elle a atteint 990 millions d'euros (- 46,4 %).

Évolution des crédits consacrés aux pensions militaires d'invalidité PMI
de 2006 à 2017

Source : commission des finances, sur la base des rapports annuels de performance des années 2006 à 2015 et du projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2017

Sur la même période, les bénéficiaires de la retraite du combattant (RC) ont également diminué et passeraient de 1 499 211 retraités à 1 008 206, selon les évaluations du projet de loi de finances pour 2017, soit une baisse de plus de 32,8 %. Quant aux crédits consacrés à la retraite du combattant, ils n'ont pas suivi la même tendance puisque les dépenses afférentes progressent de 17,1 % entre 2006 et 2017.

Une hausse sensible les a propulsées jusqu'en 2013 sous l'effet des mesures de décristallisation intervenues en 2004 et 2007 et de l'attribution régulière de points supplémentaires entre 2005 et 2012 8 ( * ) . Les crédits qui lui sont consacrés ont ainsi augmenté, passant de 639,1 millions d'euros pour l'année 2006 à 851,7 millions d'euros en 2013 (exécution en CP) 9 ( * ) .

Évolution des crédits consacrés à la retraite du combattant (RC) 10 ( * )
et des effectifs des bénéficiaires de 2006 à 2017

Source : commission des finances, sur la base des rapports annuels de performance des années 2006 à 2015 et du projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2017

Après cette hausse, la tendance s'est inversée à partir de 2014. Du pic de consommation des crédits de 851,7 millions d'euros en 2013, on constate une décroissance continue au-delà. Les ouvertures de crédits s'inscrivent régulièrement en retrait dans les différents projets de loi de finances consécutifs jusqu'à atteindre 748,5 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2017 de sorte qu'en quatre ans, une économie de 103,7 millions d'euros toucherait les prestations versées au titre de la retraite du combattant.

Par ailleurs , les estimations en loi de finances de cette dépense doivent être considérées avec prudence compte tenu des limites d'un exercice à forte dimension statistique. Ainsi en exécution 2015, une sous-exécution très nette de la prévision initiale, de 75 millions d'euros, avait été constatée 11 ( * ) . La plupart des crédits non consommés (66,6 millions d'euros) avaient été annulés en cours de gestion .

D. LA PROGRAMMATION TRIENNALE N'EST PAS RESPECTÉE ALORS MÊME QUE LES CRÉDITS DEMANDÉS N'APPRÉHENDENT PAS L'INTÉGRALITÉ DES MOYENS CONSACRÉS À LA MISSION

1. La programmation triennale n'est pas respectée

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 a fixé un plafond de crédits de paiement, hors contribution directe au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », de 2,51 milliards d'euros en 2017 à la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit des crédits de paiement d'un montant de 2,546 milliards d'euros , dont environ 351 000 euros de contribution au CAS « Pensions » liée aux 24 emplois équivalents temps plein travaillés (ETPT) portés par la mission 12 ( * ) .

Respect de la programmation triennale

(en milliards d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Triennal 2011-2014

3,17

3,07

Triennal 2013-2015

3,04

2,95

2,83

Triennal 2015-2017

2,74

2,63

2,51

Exécution 2011

Exécution 2012

3,10

Exécution 2013

2,99

Exécution 2014

2,92

Exécution 2015

2,71

LFI 2016

2,61

PLF 2017

2,55

Source : commission des finances sur la base des rapports annuels de performances pour 2012 à 2014 et du projet annuel de performance pour 2016

Il en résulte que le plafond de la loi de programmation des finances publiques est dépassé de près de 35 millions d'euros.

Cette situation regrettable emprunte ses raisons à l'ensemble de mesures nouvelles mentionnées ci-dessus qui tendent à alourdir les charges de la mission, parmi lesquelles l'attribution de points supplémentaires au bénéfice de la retraite du combattant (pour un coût estimé pour 2017 à 27,4 millions d'euros).

Encore faut-il ajouter deux observations : la première, pour faire valoir que les crédits de la mission ne recouvrent pas la totalité des coûts qu'elle engendre, une part importante de l'effort financier consacré à la mission n'étant pas retracée par les crédits budgétaires de la mission, la seconde, pour indiquer qu'en année pleine, les mesures nouvelles qu'elles soient directes ou indirectes, exerceront des effets plus amples sur les dotations nécessaires pour financer les droits des anciens combattants.

2. Un quart de l'effort financier consacré aux anciens combattants reste hors mission

Si les crédits budgétaires directs de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » diminuent chaque année, des crédits budgétaires indirects bénéficient à la mission (ils restent à un niveau élevé pour le programme 167) tandis que la dépense fiscale associée à la mission, qui a connu une forte croissance ces dernières années, continue d'augmenter.

En réalité, un quart de l'effort financier consacré aux politiques publiques portées par la mission provient de dispositifs extérieurs à ses crédits budgétaires.

Moyennant les incertitudes entourant l'évaluation des dépenses fiscales (voir infra ), on peut considérer que l'effort financier consenti par la Nation envers les anciens combattants s'établirait en 2017 à 3 395,2 millions d'euros contre 3 474 millions d'euros pour 2016 .

Il se réduirait donc de 78,8 millions d'euros par rapport à 2016, soit davantage que l'écart entre les crédits budgétaires ouverts en 2016 et les crédits demandés pour 2017 en raison d'une moindre sollicitation des autres missions du budget général.

Cependant, exprimée en pourcentage, la décrue de l'effort financier serait un peu inférieure à celle exprimée à partir de la seule considération des crédits budgétaires.

Les soutiens budgétaires indirects proviennent de la mission « Défense » 13 ( * ) , et de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » 14 ( * ) . Ils complètent les crédits des programmes 167, 169 et 158. En projet de loi de finances pour 2017, ils représentent 98,4 millions d'euros 15 ( * ) .

Ces crédits indirects viennent, en particulier, financer la journée « défense et citoyenneté » à hauteur de près de 72 % des moyens nécessités par ce rendez-vous .

Par ailleurs, les dépenses fiscales représentent une part toujours croissante des moyens consacrés aux anciens combattants. En 2017, le montant des recettes fiscales non perçues du fait des dispositifs d'exonération, de déduction et de demi-part fiscale supplémentaire en place, est estimé à 751 millions d'euros, soit l'équivalent d'environ 30 % des crédits directs d'intervention .

Il s'agit d'une évaluation qui sera probablement révisée ultérieurement. C'est ainsi que le chiffrage des dépenses fiscales pour 2015 a été rehaussé de 33 millions d'euros (de 710 à 743 millions d'euros) sous l'effet du dynamisme de la dépense fiscale liée à la demi-part supplémentaire pour les contribuables (et leurs veuves) de plus de 74 ans (contre 75 ans avant 2016) titulaires de la carte du combattant.

Évolution de la dépense fiscale n° 110103 de 2004 à 2016

(en millions)

Source : commission des finances sur la base du rapport n° 653 (2013-2014) de M. Philippe Marini, complété par le rapport annuel de performances pour 2014 et du projet annuel de performances pour 2016

3. Les dépenses fiscales (et sociales) devraient être mieux justifiées

La Cour des comptes, dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire 2015, avait regretté que certains dispositifs de dépenses fiscales ne soient pas recensés dans les documents budgétaires. Interrogé sur ce point, le ministère a apporté à votre rapporteur spécial un certain nombre de réponses qu'il faut mentionner.

Il s'agissait des dispositifs suivants :

1) Impôt sur le revenu :

- l'exonération d'impôt sur le revenu (IR) des pensions militaires d'invalidité (PMI) reversées aux ayants droit des militaires et anciens combattants décédés, en vertu des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG) ;

- l'exonération des indemnités découlant des dispositifs prévus pour le programme 158, notamment des indemnités versées aux ayants droit des victimes de spoliation.

Sur ce point, le ministère fait valoir que « l'exonération des pensions versées en vertu des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre est globalisée dans la dépense fiscale 120126 qui regroupe également l'exonération de la retraite du combattant, des retraites mutuelles servies aux anciens combattants et aux victimes de guerre et de l'allocation de reconnaissance aux anciens membres des formations supplétives de l'armée française en Algérie, pour un montant de 200 millions d'euros ».

La réponse du ministère paraît conduire à estimer que les éléments de réversion visés par la Cour sont inclus dans l'estimation de la dépense fiscale 120126 ce qui n'apparaît toujours pas clairement dans l'intitulé de ladite dépense tel qu'il figure dans le programme annuel de performances (PAP). Par ailleurs, demeure la question de l'estimation du dispositif d'exonération des indemnités versées dans le cadre de la réparation due aux victimes de spoliation qui en tout état de cause ne fait pas l'objet d'une identification spécifique.

2) Droits de mutation :

Le PAP ne mentionne pas l'exonération dont bénéficie le capital versé aux victimes de spoliations qui serait soumis au droit d'enregistrement (programme 158).

Le ministère relève que ce dispositif n'est pas géré par le ministère de la défense, observation exacte mais qui ne résout en rien le problème.

3) Droits de succession :

Le PAP ne mentionne pas que :

- pour les contribuables ayant opté pour le régime réservé viagèrement, la transmission du capital de la rente mutualiste se fait hors droits de succession dans la limite de la fiscalité actuelle ;

- pour les ayants droit des victimes de spoliations, les indemnités versées postérieurement au décès du bénéficiaire ne constituent pas un patrimoine taxable.

Sur ces points, la réponse du ministère apporte les précisions suivantes. Les droits de succession frappent tous les biens qui composent le patrimoine du défunt au jour du décès et qui, de ce fait, sont transmis à ses héritiers ou légataires. Dès lors que les indemnités versées antérieurement au décès sont inscrites au crédit d'un compte bancaire ou constituent une créance au nom du défunt, elles sont soumises aux droits de mutation à titre gratuit prévus en matière de succession.

En revanche, selon le ministère, les indemnités versées postérieurement au décès du défunt, mais au nom des héritiers (sans constituer une créance certaine du défunt au moment du décès) ne constituent pas le patrimoine taxable en matière de droit de succession du défunt.

4) Prélèvements sociaux :

Le PAP ne mentionne pas que :

- les PMI, la retraite du combattant, la retraite mutualiste des anciens combattants (dans la mesure où elle bénéficie de la majoration de l'État) et les allocations de reconnaissance servies aux anciens membres des formations supplétives de l'armée française en Algérie et à leurs veuves sont exonérées de CSG et de CRDS. La Cour rappelait que le coût de l'exonération pour les retraites mutualistes avait été estimé, en 2013, à 80 millions d'euros tandis que pour la retraite du combattant, il avait été estimé à 67 millions d'euros ;

- les sommes perçues par les orphelins des victimes de la barbarie, les orphelins des victimes d'actes d'antisémitisme pendant la Seconde guerre mondiale et par les victimes de spoliations ne sont pas soumis à prélèvements sociaux.

La réponse du ministère souligne que, pour ces différentes exonérations sociales citées en faveur des anciens combattants par la Cour des comptes, celle-ci estime qu'elles doivent relever du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et qu'elles font l'objet d'une évaluation par la direction de la législation fiscale.

Les termes précis de leur compensation restent à déterminer. En toute hypothèse, il serait justifié de les mentionner dans la partie du PAP consacrée à identifier les coûts complets de la mission budgétaire. Or, ceux-ci n'incluent que les crédits en provenance d'autres ministères à l'exclusion de toute estimation des exonérations de charges sociales ou de leur équivalent en compensation versée aux régimes sociaux.

5) Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) :

Le PAP ne fait pas figurer les dispositifs suivant qui sont exonérés d'ISF :

- l'exonération des sommes allouées aux ayants droit des victimes de persécutions antisémites en vertu de l'article 885 K du code général des impôts (CGI) 16 ( * ) ;

- la rente mutualiste, sa valeur de capitalisation n'est pas imposable ;

- l'ensemble des aides financières versées aux orphelins et aux victimes de spoliations n'entrent pas dans le champ de l'ISF. Lorsque ces indemnités sont versées aux ayants droit des victimes de spoliations, elles sont également exonérées d'ISF.

Le ministère souligne que le fait que la valeur de capitalisation de la rente mutualiste n'entre pas dans l'assiette de l'ISF n'est pas réservé aux cas d'espèce. Dans ces conditions, il est, en effet, douteux que ce régime puisse être considéré comme une dépense fiscale au sens strict.

Il ajoute que, d'une manière générale, l'évaluation des dépenses fiscales au titre des différentes mesures d'exonération d'ISF, qui est du ressort de la direction de la législation fiscale, n'est pas à la portée du ministère de la défense. On peut regretter que celui-ci ne reçoive pas le concours de celle-là pour répondre aux questionnaires budgétaires.

E. LES DEUX OPÉRATEURS SONT EN VOIE DE RESTRUCTURATION

Des réorganisations touchent les deux opérateurs de la mission. Les orientations qu'elles suivent doivent être approuvées mais sans que les besoins spécifiques des anciens combattants et de leurs ayants droit soient négligés.

1. L'Institution nationale des Invalides

L'Institution nationale des Invalides (INI), « maison des combattants âgés, malades ou blessés au service de la patrie » 17 ( * ) , est un établissement public sui generis, à forte reconnaissance législative.

Il comprend trois centres : le centre de pensionnaires (83 lits), le centre médico-chirurgical (74 lits) et le centre d'études et de recherche sur l'appareillage des handicapés (le CERAH).

Son contrat d'objectifs et de performance (COP) a pris fin en 2013, et aucun nouveau COP n'a encore été signé à ce jour .

Cette situation s'explique par la redéfinition en cours d'un nouveau projet d'établissement, en coordination avec la direction générale de l'offre de soins, l'agence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France et le service de santé des armées.

L'année 2016 a connu des évolutions importantes de ce point de vue qui, pour n'être pas tout à fait achevées à la date de rédaction du présent rapport, devraient permettre de sortir l'INI d'une période incertaine, mais active, et l'engager dans une contribution rationalisée mais encore plus complète au système de soins du pays, tout en lui conservant sa singularité.

Le conseil d'administration de l'établissement a adopté un nouveau projet médical pour l'INI dans sa réunion du 17 juin 2016. Il décrit le schéma général d'organisation des services et est appelé à constituer le socle du nouveau projet d'établissement. Un prochain conseil d'administration (le 25 octobre 2016) devrait examiner le nouveau projet d'établissement que le nouveau COP sera appelé à décliner.

Il s'agirait d'inscrire l'INI 18 ( * ) dans le schéma directeur du service des armées afin de rendre son offre de soins complémentaire à celles des hôpitaux Bégin et Percy. Cette orientation écarte la voie envisageable de supprimer l'INI, établissement entièrement à part pour en faire un élément à part entière de l'offre de soins.

Les anciennes compétences exercées par l'INI dans le domaine des soins seraient revues en profondeur, avec, en particulier, la fermeture du bloc opératoire au profit d'un projet médical reposant notamment sur la prise en charge physique et psychologique des militaires blessés, après la phase aigüe, pour accompagner leur réhabilitation dans la durée.

Une nouvelle priorité, justifiée par l'ampleur des besoins, aujourd'hui peu pris en charge, porterait sur l'accompagnement des syndromes post-traumatiques dont le nombre fait l'objet d'évaluation diverses (entre 460 et 1 500 cas sont évoqués) mais, en toute hypothèse, suivent une tendance, hélas, fortement croissante.

Ce rapprochement avec le service de santé des armées et, plus généralement, avec l'offre de soins, est d'ores et déjà pris en compte par la loi relative à la santé , qui autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi visant à « adapter les dispositions relatives à l'organisation, au fonctionnement et aux missions du service de santé des armées et de l'Institution nationale des invalides ».

Une fois son projet définitivement adopté l'INI pourra engager des travaux de modernisation et de recomposition de son patrimoine hospitalier , étant précisé que le volet « infrastructures » de son schéma pluriannuel de stratégie immobilière est suspendu depuis 2014 19 ( * ) . Il devra également adapter ses ressources humaines à son nouveau format.

Votre rapporteur spécial présente des développements plus amples sur l'INI dans le cadre du contrôle budgétaire qu'il a conduit au cours de l'année 2016 et qui l'a conduit à formuler des encouragements pour que l'INI contribue pleinement au parcours de soin des blessés tout en conservant sa vocation historique.

Alors que, ces dernières années, dans l'attente du nouveau COP, les crédits étaient reconduits à l'identique (subvention pour charges de service public versée par le programme 169, et dotation annuelle de financement versé par le ministère de la santé), le budget programmé pour 2017 porte la trace des progrès réalisés dans la redéfinition du rôle de l'INI. Si la subvention pour charges de service public versée par le ministère de la défense est reconduite à l'identique (12,08 millions d'euros), une dotation en fonds propres de 5 millions d'euros est budgétée en autorisations d'engagement afin de financer une première tranche de travaux.

2. L'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG)

L'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG) est l'opérateur chargé de l'action sociale en faveur des anciens combattants et des bénéficiaires du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et de l'attribution des cartes et titres.

L'Office est un établissement public administratif de l'État jouissant de l'autonomie financière dont l'une des particularités réside dans son fonctionnement original. La gestion de cet établissement est en effet partagée entre l'État et les grandes associations représentatives du monde combattant selon le principe du paritarisme . Celui-ci se traduit par le fait pour ces associations de siéger au sein du conseil d'administration de l'ONAC-VG 20 ( * ) ainsi qu'au sein des conseils départementaux.

Il participe depuis longtemps à l'exercice de cinq principales missions :

- la mission de solidarité .

Cette mission s'exerce pour l'essentiel au travers de l'action et l'assistance sociale que l'ONAC-VG met en oeuvre auprès de ses ressortissants. Elle se traduit à la fois par des interventions financières et par une assistance administrative . Cette action sociale est essentiellement mise en oeuvre au niveau des services de proximité que sont les services départementaux, les services des collectivités d'outre-mer ainsi que les trois services situés au Maghreb 21 ( * ) dont la gestion a récemment été reprise par l'opérateur.

- la mission de reconnaissance et de réparation .

Il s'agit de la gestion pleine ou partielle de différents dispositifs qui contribuent au droit à réparation , droit fondamental inscrit dès l'article 1 er du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Pour l'essentiel cela touche aux cartes, titres et mentions ainsi qu'à la retraite du combattant et aux autres indemnisations.

- la mission d'hébergement.

Cette mission se traduit par la gestion de huit établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) qui sont les héritiers des anciens foyers d'anciens combattants nés après la Première Guerre mondiale. Chaque établissement constitue en termes de gestion un budget annexe de l'ONAC-VG .

- la mission de reconversion professionnelle .

Elle est l'héritière, au travers de ses dix établissements, également gérés sous forme de budgets annexes, des écoles des mutilés de guerre nées au coeur de la Grande Guerre.

- la mission de mémoire .

Elle recoupe à la fois la promotion de la mémoire combattante et des conflits passés, l'accompagnement du calendrier commémoratif mais également la préservation et la valorisation des sépultures de guerre et des hauts lieux de mémoire.

Cet ensemble de missions a été enrichi à partir de 2009, l'ONAC-VG devenant un opérateur majeur de l'État dans son action en faveur des anciens combattants.

Concernant le domaine particulièrement important de la gestion des cartes et titres, l'ONAC-VG assure la chaîne complète de l'instruction des demandes relatives à la reconnaissance, que constituent les demandes de carte du combattant et de titre de reconnaissance de la Nation ainsi que l'ensemble des demandes de statuts. Il est également chargé de la certification, de l'instruction et, in fine de la liquidation de la retraite du combattant et exerce un rôle majeur, par ses unités départementales de guichet unique en matière de pensions militaires d'invalidité (PMI), les demandes en la matière devant leur être adressées. Par-là, les services de l'ONAC sont le contact des ressortissants afin de les renseigner sur l'état d'avancement de leur dossier.

L'ONAC-VG exerce également des missions que le contrat d'objectifs et de performance (COP) de l'établissement pour les années 2014-2019 a prévu de réaménager en profondeur.

Votre commission des finances avait analysé la situation des neuf écoles de reconversion professionnelle (ERP) et du centre de pré-orientation professionnelle, ainsi que des huit établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) gérés par l'ONAC dans son rapport de 2013 consacré à l'établissement 22 ( * ) . La grande qualité des ERP dont la mission est de permettre le retour à l'emploi en milieu ordinaire de travail de personnes accidentées de la vie ainsi que l'utilité des EHPAD avaient été soulignées par votre commission. Cependant, outre que leur budget et leur statut ne relèvent que marginalement du ministère de la défense, force était de reconnaître que leurs usagers s'étaient progressivement éloignés du monde combattant, les EHPAD pouvant par ailleurs sembler un peu en-deçà des attentes des nouvelles générations combattantes.

Enfin, la situation financière de ces structures avait eu tendance à se dégrader devant une certaine inflation des charges et la réticence des financeurs à les accompagner.

Devant cette situation, votre commission des finances avait énoncé deux recommandations : celle de procéder à la cession des ERP dans le respect des employés et celle d'assurer l'avenir des EHPAD en les adossant à des structures locales, ce qui devait conduire à les exclure du champ des missions de l'ONAC.

Ces recommandations ont été suivies de décisions qui n'ont pas encore reçu leur pleine traduction pratique.

Dans le cadre du recentrage de l'ONAC-VG sur ses activités de solidarité, coeur de métier, le principe du transfert des 18 établissements à un ou plusieurs repreneurs dûment choisis a été acté dans le cadre de la modernisation de l'action publique (MAP). À ce titre, l'article 74 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 a autorisé le transfert à titre gratuit des biens mobiliers et immobiliers des ERP et du centre de pré-orientation à l'EPNAK et des EHPAD à des établissements publics de santé ou médico-sociaux identifiés par les agences régionales de santé (ARS) et les conseils départementaux.

Afin de s'assurer de la préservation des intérêts du monde combattant et du personnel de ces établissements, un groupe de travail interministériel a été chargé d'expertiser les conditions et modalités de ce transfert dans les domaines de la stratégie générale à mettre en oeuvre (transfert à un acteur public ou privé non lucratif, transfert par bloc ou par établissement, etc.), de l'accompagnement statutaire pour les agents et des implications financières et juridiques de chacun des scénarios.

Les orientations suivantes ont été retenues :

- le principe du transfert des établissements médicaux-sociaux EMS à des repreneurs du secteur public ;

- le principe de l'intégration des professeurs des écoles (PERP) dans le corps des professeurs de lycées professionnels (PLP) de l'éducation nationale ;

- le principe de l'intégration collective des agents non enseignants des ERP et des agents des EHPAD dans les corps homologues de la fonction publique hospitalière (FPH) ;

- le principe du transfert de l'ensemble des écoles de reconversion et du Centre de pré orientation (CPO) à l'Établissement public national médico-social Antoine Koenigswarter (EPNAK) ;

- le principe du transfert des EHPAD à des établissements publics de santé ou médico-sociaux indiqués par les agences régionales de santé et les départements compétents ;

- un calendrier de transfert qui pourrait débuter en 2016 et s'étaler jusqu'en 2017 ;

- un plan d'action placé sous le pilotage du cabinet du secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire et dont la mise en oeuvre associe tous les ministères concernés ainsi que l'ensemble des acteurs.

Les modalités des transferts ont été portées à la connaissance du conseil d'administration le 25 février 2016.

Lors de cette séance :

- une délibération du conseil d'administration a autorisé la directrice générale de l'ONAC-VG à fixer la contribution de l'ONAC-VG au plan de financement de la remise à niveau des bâtiments affectés à l'activité des EMS, pour un montant maximal de 11,7 M€ (soit 7 M€ pour les EHPAD et 4,7 M€ pour les ERP) par prélèvement sur les réserves du budget principal ;

- une délibération du conseil d'administration a autorisé la directrice générale de l'ONAC-VG à mobiliser le budget principal pour, préalablement au transfert, remettre à niveau la trésorerie des établissements en couvrant le fonds de roulement nécessaire pour 30 jours de fonctionnement pour les EHPAD et 45 jours pour les ERP.

Les administrateurs ont également été informés des mesures législatives et réglementaires devant permettre la mise en oeuvre du transfert :

- l'article 90 de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires permet l'intégration du personnel non enseignant des EMS de l'ONAC-VG dans les corps homologues de la fonction publique hospitalière ;

- un décret en Conseil d'État pris en application de l'article 90 de la loi n° 2016-483 précitée fixe les conditions d'intégration du personnel non enseignant des EMS de l'ONAC-VG dans la fonction publique hospitalière ;

- un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'intégration des professeurs des écoles de reconversion professionnelle dans le corps des professeurs de lycée professionnel de l'Éducation nationale ;

- deux décrets de transfert pris en application de l'article 74 de la loi n° 2015-1785 précitée, fixent respectivement les dates et le cadre général du transfert de l'activité, des biens, droits et obligations des ERP et des EHPAD. Ces décrets sont complétés par des conventions qui détaillent les modalités juridiques, patrimoniales et financières des transferts. Elles seront approuvées par arrêté interministériel ;

- un décret de modification du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG) prend acte du transfert des ERP et des EHPAD.

En tout état de cause, conformément aux termes de la loi de finances pour 2016, ces transferts doivent prendre effet le 31 décembre 2016 pour les écoles et au plus tard le 31 décembre 2017 pour les EHPAD .

Le projet de loi de finances pour 2017 ne porte pas la trace des décisions prises et il n'apparaît pas tout à fait cohérent avec leur esprit .

En particulier, si une baisse des ETPT sous plafond (- 6) intervient qui est imputée sur la subvention pour charges de service public de l'ONAC-VG, elle s'accompagne d'une forte augmentation des ETPT hors plafond (+ 21 pour 786 emplois) qui correspondent pour l'essentiel aux entités dont s'agit et sera supportée par les budgets annexes correspondants. Ceci revient à consolider la situation de quelques agents des entités appelées à sortir du périmètre de l'établissement, ce qui est heureux, mais dans un contexte d'évolution qui devrait incliner à quelque retenue.

En toute hypothèse, votre rapporteur souhaite que les recommandations formulées dès 2013 par votre commission des finances puissent trouver une traduction effective dans les délais fixés au mieux des intérêts de l'État et de ceux des anciens combattants accueillis dans ces structures.

Évolution des subventions pour charges de service public

(AE=CP, en milliers d'euros)

Source : commission des finances sur la base des rapports annuels de performances pour 2012 à 2015 et du projet annuel de performances pour 2017

Dans ce contexte, les subventions pour charges de service public de ces deux opérateurs sont presque stables. Avec une légère baisse de 0,348 million d'euros, elles se montent à 68,9 millions d'euros. À cette somme, il faut ajouter en 2017, une dotation en fonds propres de 5 millions d'euros destinée à l'INI de sorte qu'au total le coût des opérateurs atteint pour la mission 73,89 millions d'euros.

La subvention versée à l'ONAC-VG baisse légèrement du fait de la suppression de 6 ETPT indiquée ci-dessus dans un contexte où les objectifs de performance fixés à l'opérateur ne sont pas atteints tandis que l'ONAC-VG demeure chargé de l'importante mission d'exercer une nécessaire action sociale en faveur du monde combattant qui demande un grand discernement.

Évolution des effectifs

(en équivalents temps plein travaillés)

Source : commission des finances sur la base des rapports annuels de performances pour 2012 à 2015 et du projet annuel de performances pour 2017

Dans l'attente de son nouveau COP, le schéma d'emplois de l'INI est maintenu . Il devra évoluer assez sensiblement pour être en mesure de répondre aux attentes nouvelles adressées à l'établissement, du moins dans la composante de l'INI dédiée aux fonctions médicales.

Dans le cadre de son COP, l'ONAC-VG s'est engagé à une maîtrise des effectifs qui peut être évaluée à 43 équivalents temps plein travaillés (ETPT) sur la période 2014-2018 , avec une réduction de 13 ETPT de son plafond d'emploi entre 2014 et 2018, et le transfert des missions en faveur des harkis et rapatriés anciennement assurées par l'ANIFOM (2 ETPT en 2013), la MIR (15 ETPT en 2013) et des préfectures (13 ETPT) dont les effectifs n'ont pas été transférés à l'office.

Comme on l'a vu, l'office procèdera à la suppression de 6 ETPT en 2017 dans un contexte de titularisations nombreuses d'emplois précaires qui concernent des emplois hors plafond, qui ne sont pas financés par la subvention pour charges de service public.

II. ANALYSE PAR PROGRAMME

En tant que programme portant la plus grande part des interventions de la mission, le programme 169 est déterminant pour l'évolution des dépenses de la mission. Il obéit à des données naturelles mais aussi à des mécanismes de revalorisation qui appellent une attention certaine.

Les deux autres programmes qui composent la mission sont, l'un, le programme 167, lié à des actions destinées à favoriser le lien entre la Nation et sa défense. Ce programme est tributaire du calendrier commémoratif mais peut aussi faire l'objet de régulations non-négligeables, compte tenu de son volume, en exécution. L'autre programme (le programme 158) est un réservoir de moyens destinés à indemniser les victimes d'actes de barbarie et de spoliations commis lors de la seconde guerre mondiale. En ce sens, ce dernier programme est également surtout destiné à provisionner des transferts tout en abritant également les moyens d'une action de recherche et d'identification qui doit gagner en efficacité.

A. LE PROGRAMME 167 MAINTIENT SES CRÉDITS D'ORGANISATION DE LA JOURNÉE DÉFENSE ET CITOYENNETÉ ET EN FAVEUR DE LA POLITIQUE DE MÉMOIRE

Les crédits du programme 167 sont stables en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2016.

Toutefois, l'action 01 « Journée "défense et citoyenneté" » bénéficie d'une certaine dynamique de ses moyens, qui progresseraient de 2,6 %, tandis que ceux réservés à l'action 2 « Politique de mémoire » baisseraient de 1,8 %.

La répartition des crédits du programme attribue 40,4 % des crédits à l'action « Journée "défense et citoyenneté" », avec 15,7 millions d'euros (en CP), et un peu moins de 60 % à l'action 2 avec 22,2 millions d'euros (en CP). Cette répartition est toutefois largement faciale, la JDC demandant une importante participation d'autres programmes extérieurs à la mission.

1. La journée « défense et citoyenneté » (JDC) doit rechercher une plus grande efficacité

L'action 01 est consacrée à la Journée « défense et citoyenneté » (JDC) chargée, depuis la réorganisation du service militaire 23 ( * ) , d'assurer la diffusion de l'esprit de défense auprès des jeunes Français dès 18 ans. Cette journée voit sa mise en oeuvre assurée par la direction du service national (DSN) dont les effectifs sont désormais portés par la mission « Défense ».

Bénéficiant d'une enquête réalisée à sa demande par la Cour des comptes, votre rapporteur spécial a établi un rapport sur la JDC au cours de l'année 2016 24 ( * ) , fondé sur le suivi d'une journée entière par votre rapporteur, dont les principales conclusions sont récapitulées dans l'encadré ci-dessous :

Principales conclusions du rapport de votre rapporteur spécial

Les coûts de la journée défense et citoyenneté sont globalement maîtrisés, mais l'évaluation des coûts complets et l'information apportée au Parlement doivent être améliorée.

Priorité doit être donnée au contenu de la journée défense et citoyenneté, que les problématiques d'organisation semblent éclipser.

La journée défense et citoyenneté doit s'appuyer sur les acquis du parcours scolaire obligatoire des jeunes Français pour se recentrer sur l'esprit de défense.

La journée défense et citoyenneté doit véritablement réunir tous les jeunes Français.

La détection des jeunes en difficulté de lecture et des décrocheurs ne doit pas se limiter à alimenter un outil statistique mais permettre la mise en place d'un suivi personnalisé.

Le projet de loi de finances pour 2017 ne traduit pas encore pleinement ces recommandations qui visent à donner encore plus d'efficacité à un rendez-vous majeur pour la Nation.

a) Les coûts réels de la JDC ne sont pas précisément identifiés

La dotation est en légère augmentation par rapport à 2016 (+ 0,4 million d'euros), dans un contexte de hausse du nombre de jeunes appelés à y participer (810 000 jeunes contre 795 000 prévus en programmation 2016).

Les crédits « transports JDC » et « Alimentation » couvrent respectivement les dépenses de déplacement et d'alimentation des jeunes convoqués aux sessions des JDC ainsi que celles relatives aux intervenants et encadrants et représentent la majeure partie des crédits portés par le programme 167 au titre de la JDC.

L'enveloppe des dépenses de transport qui pèse déjà lourdement dans les dépenses de la journée s'alourdirait sensiblement (+ 12 %). Le ministère explique cette dérive par la hausse prévisionnelle du nombre de jeunes convoqués en JDC. Toutefois, celle-ci est sans proportion avec l'inflation des dépenses de transport. Les dépenses d'alimentation, premier poste des dépenses de la JDC, seraient, quant à elles, maîtrisées du fait de l'abaissement du coût moyen du repas.

À ces crédits budgétaires directs portés par la mission, il convient d'ajouter les crédits provenant de la mission « Défense », soit en 2017, pour le programme 167, 97,3 millions d'euros.

Compte tenu de l'importance de ces crédits de soutien, votre rapporteur spécial s'était interrogé sur le coût réel de la JDC et le « coût moyen par participant » affiché par l'indicateur 1.2 de l'action (coût de 140 euros en prévision pour 2016), le ministère de la défense indiquant lui-même que « les crédits d'administration générale et de soutien commun relevant du programme 178 sont exclus du calcul du coût de la JDC . En effet, depuis la mutualisation, il n'est plus possible de disposer d'une remontée (Chorus) systématique , détaillée et individualisée des prestations réalisées par les bases de défense au profit de la JDC ». Du côté du ministère, la situation n'a pas réellement évolué, « une réflexion sur les coûts complets de la journée étant en cours ».

En revanche, la commission des finances a saisi la Cour des comptes d'une enquête au titre de l'article 58-2 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Les conclusions de cette enquête ont été rendues au premier semestre 2016 . Le coût complet de la JDC serait compris entre 116 et 118 millions d'euros conduisant à un niveau de coût moyen par participant supérieur à celui mentionné dans les documents budgétaires. Il serait de 150 euros et non de 142,5 euros (un supplément de coût unitaire de 5,2 %).

b) La JDC doit être davantage orientée vers la culture de la défense et l'illustration de la citoyenneté

Le contenu de la JDC a beaucoup évolué en 2016 : le module « secourisme », qui était apprécié par les jeunes mais impliquait des coûts élevés, est remplacé par une sensibilisation à la sécurité routière , conformément à une décision du Premier ministre, actée par la loi du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 25 ( * ) .

Le changement de contenu a conduit le ministère à revoir à la baisse son indicateur 1.1 « Taux de satisfaction de l'usager » de la JDC, la prévision pour 2016 étant un taux de 86 %, contre 90,6 % en réalisation pour 2014. La modification intervenue avait été expliquée par les mauvais chiffres de la sécurité routière en 2014 et le fait que la formation de secourisme semblait redondante avec celle déjà dispensée au cours de l'enseignement secondaire 26 ( * ) . En réalité, il semble avoir eu pour principal mérite de dégager une économie de l'ordre de 4 millions d'euros par an .

Votre rapporteur spécial note toutefois avec intérêt que, le module de sécurité routière ayant un format plus court que celui du secourisme, les enseignements de défense verraient leur durée allongée de trente minutes , ce qui est conforme au Livre blanc « Défense et sécurité nationale » de 2013 qui recommandait de recentrer le contenu de la JDC sur sa vocation première de sensibilisation à l'esprit de défense .

Contenu de la Journée « défense et citoyenneté » en 2016

Présentation de la JDC et formalités administratives (25 mn)

Présentation animateurs / groupe (25 mn)

Animation 1 « Nous vivons dans un monde instable : une défense nécessaire »
(65 mn, soit 20 mn de plus qu'en 2015 )

Animation 2 « Une réponse adaptée : notre appareil de défense » (50 mn)

Animation 3 « Vous avez un rôle à jouer : un engagement citoyen » (60 mn, soit 10 mn de plus qu'en 2015 )

Information Jeunesse citoyenne 1 : « Droit à l'information » (30 mn)

Information Jeunesse citoyenne 2 : « Sécurité routière » (30 mn)

Test d'évaluation des acquis fondamentaux (30 mn)

Visite, témoignage, présentation de matériels (60 mn)

Évaluation de la journée - remise des certificats (25 mn)

Pauses (2 x 15 mn) et déjeuner (60 mn)

Source : projet communiqué par le ministère de la défense - Les modules « Défense » apparaissent en gras

Si la JDC concerne un nombre croissant de jeunes, il convient de s'assurer que le taux de participation effectif se rapproche encore du taux de 100 % qui doit rester la cible des organisateurs afin que la JDC contribue encore mieux à la transmission qu'elle entend promouvoir.

Il faut en effet noter que certains jeunes échappent à leurs obligations. En effet, la DSN convoque un jeune à la JDC dès lors qu'il a préalablement effectué son recensement en mairie, étant précisé qu'il peut se conformer à son obligation d'accomplir la JDC jusqu'à ses 25 ans. Or, chaque année, certains ne se font pas recenser et échappent ainsi à leur obligation. Sur la classe de naissance 1989 (qui est complète car les jeunes ont 25 ans révolus), 98,65 % des jeunes ont été recensés et 95,6 % 27 ( * ) sont en règle avec leurs obligations 28 ( * ) , ce qui signifie que 33 250 jeunes n'ont pas accomplis leur JDC .

La DSN travaille actuellement à faciliter le recensement et la convocation des jeunes en dématérialisant l'ensemble des procédures administratives concernant les appelés, via le système d'information PRESAje qui fait l'objet d'une ouverture de crédits de 4,3 millions d'euros en programme 212 de la mission « Défense ». Cette dématérialisation, qui comprend un « e-recensement », accordera aussi aux personnels des mairies un gain de temps tout à fait bénéfique.

c) Les informations réunies lors de la JDC sur les jeunes en difficulté doivent être mieux traduites en actes contre le « décrochage »

Au cours de la journée de défense et de citoyenneté, les jeunes en difficulté sont identifiés. Un entretien leur est proposé au cours duquel des solutions leur sont présentées. Par ailleurs, un circuit d'échange d'informations existe avec des organismes susceptibles de venir en aide à ces jeunes.

La JDC mobilise des dépenses de subvention correspondant à un versement à l'agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI) dans le cadre d'une convention dont le ministère de la défense est cosignataire avec d'autres ministères (affaires sociales, justice, éducation nationale...). On souligne la modicité de cet engagement qui représente 30 000 euros.

Le dispositif tel qu'il fonctionne actuellement n'est pas à la mesure des enjeux. On rappelle que de 100 000 à 150 000 jeunes sont réputés « sortir » du système scolaire sans formation.

Votre rapporteur spécial souhaite que la JDC soit l'occasion de mesures plus actives destinées à prévenir et réparer le décrochage, ce qui suppose un renforcement des liens avec les organismes susceptibles d'offrir une seconde chance scolaire ou, plus globalement, un accompagnement à des jeunes dont la détection ne doit être qu'un pas dans un parcours réellement requalifiant.

À cet égard, il entre dans les projets du ministère de la défense de réorganiser sa direction du service national pour en faire une direction du service national et de la jeunesse. Il faut encourager cette initiative. La politique publique en faveur de la jeunesse en difficulté doit être renforcée. Dans la mesure de leurs missions, les armées peuvent apporter beaucoup à un engagement plus actif dans la remédiation des difficultés que rencontrent de trop nombreux adolescents.

2. La politique de mémoire met l'accent sur la rénovation des sépultures de la Première guerre mondiale

La conduite de la politique de mémoire est assurée par les services de la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA).

Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit une enveloppe de 22,2 millions d'euros, ce qui représente une baisse de 1,8 % par rapport à la loi de finances pour 2016, déjà fortement décroissante par rapport aux crédits ouverts en 2015.

Cette baisse résulte de la réduction des crédits de fonctionnement, les crédits d'intervention étant eux en légère hausse (+ 2,1 millions d'euros). Elle traduit un ralentissement de l'activité d'entretien des lieux de mémoire conduite en direct par la DMPA dans un contexte où l'entretien des sépultures de guerre et des hauts lieux de mémoire ressortira comme prioritaire. Une part importante des crédits inscrits au titre de cette action est déléguée à des tiers, ONAC-VG (10,23 millions d'euros) et GIP Centenaire principalement.

Les crédits se répartissent entre les deux opérations stratégiques « Mémoire » et « Sépultures de guerre et lieux de mémoire ».

En 2017, les crédits de l'opération stratégique « Mémoire » s'inscrivent en baisse (- 1,5 million d'euros). Compte tenu de la fin du cycle mémoriel lié au soixante-dixième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale , ces crédits restent à un niveau tout à fait satisfaisant qui permettra de contribuer à 200 événements et de soutenir 600 acteurs de la mémoire. L'année 2017 sera notamment marquée par les cérémonies de commémoration de l'entrée en guerre des États-Unis et par la prise de Vimy par les Canadiens le 9 avril 1917.

De leur côté, les crédits de l'opération stratégique « Sépultures de guerre et lieux de mémoire » sont rehaussés de 1 million d'euros. Ils devraient permettre de poursuivre la réalisation du programme pluriannuel de rénovation des nécropoles et carrés militaires de la guerre 1914-1918 .

Ils comprennent la subvention accordée à l'ONAC-VG pour l'entretien et la rénovation des lieux de mémoire et des sépultures de guerre, qui est augmentée de 1 million d'euros (9,96 millions d'euros).

Cette augmentation, pourtant très bienvenue, laisse un peu perplexe dans un contexte de consommation effective des crédits délégués à l'ONAC-VG assez largement inférieure aux disponibilités.

Dans le cadre du programme pluriannuel de rénovation des sépultures de guerre l'établissement a bénéficié de 20,42 millions d'euros de délégations de crédits. Ce montant correspond à la programmation initiale. Pourtant, les crédits consommés par l'ONAC-VG n'auraient pas dépassé 12 millions d'euros.

Votre rapporteur spécial note avec regret que le projet d'un monument dédié aux soldats engagés dans les OPEX, dont le principe a été arrêté depuis 2011 soit encore à réaliser.

Un monument Opex toujours en bonne voie ?

L'an dernier, votre rapporteur spécial avait cru pouvoir se féliciter des avancées du projet d'instaurer un monument commémorant l'engagement de nos forces dans les nombreuses opérations extérieures (OPEX) auxquelles participe la France. Malheureusement, ce dossier, qui a été engagé depuis de déjà nombreuses années a connu un rebondissement regrettable. Il semble toutefois que de nouvelles espérances puissent être formées à son sujet.

Afin de témoigner une reconnaissance spécifique envers les soldats engagés dans les opérations extérieures menées par la France, le ministère de la défense a décidé en 2011 d'édifier dans la capitale un monument dédié aux soldats morts en Opex . Ce projet, engagé en 2012 et qui avait bénéficié d'un million d'euros de crédit en loi de finances pour 2013, semblait pouvoir être finalisé en 2014 et aboutir à l'érection d'un monument place Vauban , près des Invalides. Toutefois, ce premier projet n'a pu aboutir, en raison notamment de l'opposition des riverains.

Se fondant sur les conclusions de la mission de réflexion confiée au général d'armée (2 e section) Pierre de Percin Northumberland, le cabinet du ministre de la défense a finalement décidé :

- d'implanter le monument dans le parc André Citroën (Paris, 15 e ) ; la maire de Paris a émis un avis favorable en juin 2015 et le projet devrait être soumis à la délibération du conseil de Paris en novembre prochain ;

- d'ériger un « mur des noms » avec une éventuelle sculpture, qui pourrait s'intégrer dans un espace de verdure ;

- d'inscrire sur ce monument les noms des « Morts pour la France » uniquement.

Des dépenses ont été engagées pour acquitter indemnités versées aux trois candidats qui avaient présenté un projet dans le cadre l'appel d'offre organisé pour le projet initial, déclaré sans suite, pour un total de 45 000 euros.

Dans une lettre du 29 juin 2015, la maire de Paris a confirmé qu'elle émettait un avis favorable quant à l'installation du monument aux morts en opérations extérieures sur l'esplanade du parc André Citroën (Paris -- 15 e arrondissement). Toutefois, l'esplanade n'a pas recueilli l'approbation des concepteurs du parc. Ils ont toutefois proposé d'accueillir le mémorial dans un des jardins du parc.

Le nouveau projet consiste à ériger un monument commémoratif dans un espace paysager requalifié, dans le respect des contraintes architecturales et techniques. Conduit en lien avec la mairie de Paris et les concepteurs du parc, il est en cours de définition sur le plan technique, juridique et financier et devrait être soumis à la délibération du conseil de Paris en avril 2017.

Le concours pour la création du mémorial sera lancé à l'automne 2016 avec une désignation du lauréat en février 2017. Les travaux de construction du monument seront entrepris après l'achèvement, prévu en décembre 2017, des aménagements de requalification du jardin Eugénie Djendi relevant de la mairie de Paris.

B. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 169 PORTENT LA MARQUE DE MULTIPLES REVALORISATIONS QUI AMORTISSENT LA RÉDUCTION SPONTANÉE DES CRÉDITS

Les crédits du programme 169, qui regroupe la plus grande part des dispositifs de réparation et de reconnaissance en faveur du monde combattant et des ayants droit, baissent de 2,7 % dans le projet de loi de finances pour 2017, soit une baisse moins marquée qu'en 2016 et 2015 où elle avait atteint 4,8 % mais, également, beaucoup moins nette que celle des différentes populations bénéficiaires. Cet écart s'élargit cette année du fait de mesures qui, pour certaines d'entre elles, sont appelées à peser encore plus sur la programmation 2018.

Répartition des crédits entre les actions du programme 169

(en millions d'euros)

Source : commission des finances sur la base du projet annuel de performances pour 2016

• L'évolution des crédits dont s'agit qui, au cours des derniers exercices, s'était inscrite en cohérence étroite avec la diminution des effectifs de prestataires, continuerait à dégager des économies. En niveau, celles-ci s'élèveraient à 67 millions d'euros .

Cependant, ces économies ne sont pas à due proportion de la réduction de la population bénéficiaire, signe d'un recyclage du « dividende démographique » pour financer une amélioration de certaines prestations servies à partir du programme.

Le différentiel entre la réduction du nombre des prestataires et celle des crédits peut être attribué à différentes mesures directes ou indirectes.

Par rapport à 2016, l'étrécissement des populations bénéficiaires atteindrait 4,9 % pour les pensions militaires d'invalidité (PMI) et 4,8 % pour la retraite du combattant 29 ( * ) . Quant aux bénéficiaires des soins médicaux gratuits, l'hypothèse de programmation repose sur une baisse de 5,1 % de leur contingent. D'autres réductions affecteraient d'autres catégories d'allocataires : 1,5 % pour les bénéficiaires des remboursements et réductions de transport ; 12,7 % pour les effectifs concernés par le remboursement des prestations de sécurité sociale et 2,1 % pour les bénéficiaires des majorations des rentes mutualistes.

Ces tendances démographiques seraient, partiellement, contrebalancées, dans leurs effets sur les dépenses, par une série de mesures nouvelles, directes ou indirectes, d'une ampleur inhabituelle, venant revaloriser, mais inégalement, les prestations servies à partir du programme 169.

Principes d'indexation des prestations versées au monde combattant
à partir du programme 169

Les prestations assurées au titre de la dette viagère (pensions militaires d'invalidité et retraite du combattant), la majoration des rentes mutualistes et de l'allocation de reconnaissance font l'objet d'un mécanisme de revalorisation.

Les autres prestations subventionnées par le programme 169 sont attribuées au cas par cas à partir de l'étude particulière des besoins (soins médicaux, dépenses d'appareillages, remboursement de prestations de sécurité sociale, frais de transport, aides sociales, prestations aux rapatriés...).

Action 01 - « Administration de la dette viagère » :

Pensions militaires d'invalidité :

Le montant des pensions d'invalidité est calculé, selon le taux d'invalidité, en nombre de points d'indice de pension militaire d'invalidité (point PMI). La valeur du point PMI évolue selon les variations de l'« indice de traitement brut - grille indiciaire », publié conjointement et trimestriellement par l'INSEE et la DGAFP.

Retraite du combattant :

La retraite du combattant est calculée également en nombre de points PMI. Le nombre de points d'indice est fixé à 48 depuis le 1 er juillet 2012 (article 116 de la loi de finances pour 2012).

Action 03 - Solidarité :

Majoration des rentes mutualistes :

Le plafond donnant lieu à majoration est déterminé aussi depuis 1998 par référence à l'indice du point PMI.

Le plafond annuel majorable a été fixé à 125 points PMI à compter du 1 er janvier 2007 (article 101 de la loi de finances pour 2007).

Action 07 - « Actions en faveur des rapatriés » :

Allocation de reconnaissance :

L'allocation de reconnaissance versée aux rapatriés est indexée sur l'évolution annuelle des prix à la consommation des ménages (hors tabac). Ainsi, tous les ans, un arrêté au 1 er octobre fixe le nouveau montant de l'allocation de reconnaissance. Cependant, en raison de la variation négligeable du taux d'inflation pour les années 2015 et 2016, la revalorisation n'a pas été opérée.

• Le projet de loi de finances comporte trois mesures d'amélioration de certaines prestations (voir ci-dessus ainsi que les commentaires du présent rapport sur les articles rattachés) dont le montant pour 2017 serait de 0,80 million d'euros.

Par ailleurs, une revalorisation de la retraite du combattant a été décidée qui alourdirait les charges du programme de 27,4 millions d'euros en 2017. Il s'agit de l'attribution de 2 points supplémentaires au 1 er janvier 2017 suivie de celle de deux nouveaux points au 1 er septembre. Le coût de cette mesure en année pleine serait de l'ordre de 44 millions d'euros.

Enfin, il faut tenir compte des incidences du « rapport constant » sur les crédits.

La valeur du point de pension militaire d'invalidité , qui sert de référence à de nombreuses prestations servies à partir des crédits du programme, est révisée en fonction de l'indice de traitement brut-grille indiciaire publié conjointement par l'INSEE et la direction générale de l'administration et de la fonction publique. Or, sous l'effet de mesures catégorielles, mais surtout des différentes mesures ayant pour incidence de modifier la valeur du traitement indiciaire des agents de la fonction publique (revalorisation du point de 0,6 % en juillet 2016 puis en février 2017 et modification structurelle des rémunérations dans le cadre du protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations dans la fonction publique- PPCR), la valeur moyenne de l'index PMI augmenterait sensiblement. La valeur du point PMI s'en trouverait portée à 14,36 euros contre 14,04 euros en 2016 , soit une hausse de 2,3 %, nettement supérieure à celle de l'inflation prévue pour calibrer le projet de loi de finances.

Cette hausse rompt avec l'inertie de la valeur du point PMI observée ces dernières années et induit une revalorisation des prestations financées par le programme.

Elle entraîne des effets particulièrement importants sur les crédits nécessaires au paiement de la retraite du combattant dans la mesure où elle se combine avec les attributions de points dont celle-ci bénéficiera.

Selon les réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial, la retraite du combattant qui s'élève actuellement à 673,92 euros (48 points x 14,04 euros), chiffre inférieur à celui indiqué dans le PAP, passera à 746,7 euros, soit une progression de 7,1 % de date à date. L'effet sur les crédits est inférieur dans la mesure où les mesures ne joueront pas en année pleine en 2017.

La valeur de la pension militaire d'invalidité augmentera elle aussi mais moins vite dans la mesure où le nombre de points sur la base duquel elle est calculé serait inchangé. Sa valeur théorique progressera comme celle du point PMI mais sa charge unitaire effective s'accroîtrait plus lentement du fait d'un « effet noria », de remplacement des plus anciens par des générations plus jeunes. La valeur des PMI est en effet sensible à un effet d'âge, comme le montre le tableau ci-dessous.

Répartition des effectifs et coût moyen par bénéficiaire de PMI

Ayants droit par tranche d'âge

2012

2013

2014

Effectifs

Coût moyen (€)

Effectifs

Coût moyen (€)

Effectifs

Coût moyen (€)

Moins de 49 ans

23 384

2 246

21 792

2 261

19 826

2 287

Entre 50 et 69 ans

52 826

2 568

51 476

2 523

50 355

2 486

Entre 70 et 79 ans

60 762

3 858

56 857

3 773

51 496

3 671

Entre 80 et 100 ans et plus

52 232

7 715

51 273

7 302

51 836

6 825

Source : réponse du ministère de la défense au questionnaire budgétaire

Le montant du plafond « majorable » (pour les rentes mutualistes) s'élève à 1 755 euros au 1 er janvier 2016 (125 points x 14,04 euros) ; il devrait passer à 1 795 euros en moyenne en 2017.

Ces évolutions limitent les économies mécaniquement liées à la baisse des effectifs des prestataires en revalorisant les prestations unitaires.

• Néanmoins, elles sont loin de compenser les pertes de pouvoir d'achat résultant du mécanisme d'indexation en vigueur observées ces dernières années.

Votre rapporteur spécial a demandé qu'un calcul en variante soit réalisé afin de mesurer les effets d'une indexation des principales prestations sur les prix plutôt que sur le point d'indice-grille indiciaire.

Les résultats sont récapitulés dans le tableau ci-dessous.

Une indexation sur les prix du point PMI aurait porté celui-ci à 14,64 euros en 2015 contre 14,04 euros observés. Le décrochage par rapport à l'inflation atteint 4 % en cinq ans, qui plus est, dans un contexte de faible inflation.

Les économies budgétaires procurées par le mode d'indexation pratiqué et qui correspondent à un sacrifice de pouvoir d'achat des pensionnés, s'élèvent à 117,9 millions d'euros de date à date. Le projet de loi de finances marque un changement de cap et propose de dépenser une partie de ces économies.

De même, votre rapporteur spécial ne peut qu'observer que, cette année encore, les titulaires des pensions militaires d'invalidité (PMI), dont les financements diminuent de 3,6 % 30 ( * ) , se trouvent moins bien traités que la moyenne des titulaires de pensions. Certes, la diminution des crédits pour PMI est moins marquée que celle du nombre de bénéficiaires (- 4,9 %) en raison de la revalorisation évoquée ci-dessus, mais cette discordance vient aussi d'un effet de composition. Celui-ci tient dans le fait que les pensionnés les plus âgés, qui, hélas, disparaissent en plus grand nombre, sont également les plus grands invalides et par conséquent, ceux qui perçoivent les pensions les plus élevées.

• De leur côté, les crédits consacrés à la solidarité et à la gestion des droits liés aux pensions militaires d'invalidité sont en baisse, les premiers, de 2,2 % et les seconds, de 5,4 % .

En ce qui concerne les crédits destinés à la gestion des droits , qui comprennent les dépenses liées aux soins médicaux gratuits , à l'appareillage, aux réductions de frais de transport et, pour près de 60 %, aux remboursements des prestations sociales aux invalides, la baisse des dotations s'explique par des prévisions démographiques, mais aussi par une régularisation portant sur des dépenses réalisées pour honorer la dernière catégorie d'interventions mentionnée.

En effet, le remboursement des prestations de sécurité sociale aux invalides (85,2 millions d'euros) verrait ses besoins diminuer de 8,3 millions d'euros (qui rendent compte de la quasi-totalité des économies prévues sur les dépenses de « gestion des droits ») en raison d'un trop versé à la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés de 4,7 millions d'euros en 2016, qui serait régularisé en 2017.

Ce poste de dépenses correspond au financement de la section « Invalides de guerre » du régime général de l'assurance maladie qui est ouverte en faveur des pensionnés qui n'ont pas la qualité d'assuré social afin de couvrir les affections pour lesquelles ils ne bénéficient pas d'une prise en charge par les soins médicaux gratuits. Le nombre des bénéficiaires s'élève à 7 240 pour un coût moyen de l'ordre de 12 420 euros.

Ces données doivent être complétées par celles relatives aux coûts associés au bénéfice des soins gratuits et des appareillages des mutilés, qui sont évalués à 40,4 millions d'euros pour 2017.

Au total, en dehors de certaines situations particulières, les dépenses résultant des prises en charge des soins s'élèvent à environ 125 millions d'euros .

On relève que la dépense moyenne correspondant strictement à la gratuité des soins est largement inférieure à celle liée à la prise en charge des frais d'assurance maladie . Elle n'est que de 654 euros contre plus de 12 000 euros pour cette dernière. Cette différence appelle des justifications ainsi que la sensibilité du coût moyen de la prise en charge de l'assurance maladie au nombre des bénéficiaires. De même, il conviendrait de mieux appréhender les raisons pour lesquelles, seul un tiers des pensionnés, appelés à être bénéficiaires des soins gratuits, en bénéficient effectivement. Leur état de santé peut le justifier mais d'autres motifs peuvent être imaginés. En toute hypothèse, les coûts liés à ce régime sont susceptibles de varier sous l'effet d'évolutions du taux de recours qui sont peu maîtrisables.

Quant aux crédits de solidarité , ils représentent 349 millions d'euros, dont 253,5 millions d'euros (72,5 % du total) au titre de la majoration des rentes mutualistes. Cette dernière dépense a été comparativement dynamique ces dernières années dans un contexte de réduction générale des autres prestations, alors même que le nombre des bénéficiaires se réduisaient. La revalorisation des majorations serait compensée cette année par la baisse de l'effectif des bénéficiaires qui passeraient de 362 770 à 355 125 (- 2,1 %).

Les crédits consacrés à l'action en faveur des rapatriés présentent eux une légère diminution de 1,1 % , ces populations bénéficiant de la majoration de leurs allocations prévue à l'article 54 du présent projet de loi de finances (+ 0,57 million d'euros).

Une augmentation de 1 million d'euros des crédits en faveur de l'action sociale de l'ONAC-VG 31 ( * ) est destinée à financer une augmentation de l'aide versée aux plus démunis de ses ressortissants. On rappelle que l'allocation prévue au profit des conjoints survivants afin de leur assurer un revenu égal au seuil de pauvreté 32 ( * ) , l'aide différentielle accordée aux conjoints survivants, a été supprimée le 1 er janvier 2015 en raison de son défaut de base légale 33 ( * ) . Pour mémoire, son exécution en 2014 avait eu un coût de 4,7 millions d'euros.

Le conseil d'administration de l'ONAC-VG a décidé de refondre son action sociale pour la recentrer sur les plus démunis , les plus isolés et les plus fragiles, de manière individualisée et subsidiaire.

Cette évolution, qui conduit à couvrir un champ de bénéficiaires potentiels plus vaste que celui auparavant retenu implicitement par les orientations de l'établissement, doit être saluée .

Votre rapporteur spécial s'interroge cependant sur la situation des nombreuses victimes d'attentats auxquelles la qualité d'invalide peut être reconnue ou non et qui risquent de n'être pas couvertes par l'ONAC quand bien même leur situation serait durablement précarisée. Un groupe de travail ayant pour objet l'évaluation de la politique publique conduite pour prendre en charge les victimes est en cours. Il est souhaitable que la contribution de l'ONAC-VG puisse y être pleinement envisagée.

C. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 158, STABLES, SONT APPELÉS À FINANCER LES INDEMNISATIONS DES VICTIMES DE SPOLIATION ET DES MISSIONS DONT LES OBJECTIFS SONT LOIN D'ÊTRE TOUS ATTEINTS

Le programme 158 porte les indemnisations versées sous forme de rente ou de capital aux victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale .

Ces indemnisations ont été mises en place par les différents décrets suivants : n° 99-778 du 10 septembre 1999 et n° 2000-657 du 13 juillet 2000 (action 01 « Indemnisation des orphelins de la déportation et des victimes de spoliations du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation ») et le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 (action 02 « Indemnisation des victimes d'actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale »).

Répartition des crédits entre les actions du programme 158

(en millions d'euros)

Source : commission des finances sur la base du projet annuel de performances pour 2016

Prolongeant le redressement constaté l'année dernière, après la baisse de plus de 4 % intervenue dans la loi de finances pour 2015, ces crédits sont en très légère hausse de 0,1 % (après 0,5 % en 2016) .

La programmation budgétaire traduit une très modeste augmentation des crédits d'intervention, qui sont largement prédominants au sein du programme (97 %), accompagnée d'une économie sur les dépenses de fonctionnement, les dépenses de personnel demeurant stables.

L'augmentation des dépenses d'intervention concerne exclusivement l'action 01 qui finance l'indemnisation des orphelins de la déportation et celle des victimes de spoliation (+ 291 000 euros) tandis que, de son côté, l'indemnisation des victimes d'actes de barbarie durant la seconde guerre mondiale (action 02) verrait ses moyens baisser un peu (- 208 000 euros) .

• L'action 01 réunit des crédits de 46,4 millions d'euros (46 % des dotations du programme). Elle est majoritairement dédiée (37,2 millions d'euros, soit plus de 80 % de ses moyens) à verser aux orphelins des victimes de persécutions antisémites les arrérages qui leur sont dus 34 ( * ) . Au total, les crédirentiers bénéficiant de cette catégorie d'interventions seraient au nombre de 5 430 au 31 décembre 2016 pour une rente annuelle de 6 853,9 euros.

De son côté, l'action 02 sert également des arrérages, mais aux orphelins des victimes d'actes de barbarie commis pendant la seconde guerre mondiale , dont les droits ont été aménagés en 2004 quelques années après ceux des orphelins des victimes de persécutions antisémites (2000) 35 ( * ) .

Les prestations versées dans le cadre de ces dispositifs ont entraîné des coûts effectifs supérieurs aux prévisions au cours des dernières années si bien que la réserve de précaution a dû être entièrement dégelée. La prévision pour 2018 fait d'ores et déjà d'une progression des crédits à inscrire de 3,8 % au terme de laquelle ceux-ci passeraient, pour les interventions, de 98,3 millions d'euros en 2017 à 102 millions d'euros. De nouvelles demandes sont reçues et il faut traiter les dossiers en souffrance (voir ci-dessous) en tenant compte des revalorisations automatiques prévues par la réglementation.

Le niveau unitaire annuel de ces deux rentes est identique mais des différences temporelles dans les entrées dans les deux dispositifs se produisent de sorte que certains nouveaux bénéficiaires ne sont pas indemnisés en année pleine (ainsi, le coût moyen des nouvelles rentes est estimé à 5 711,60 euros pour les titulaires des droits ouverts à compter de 2014 aux orphelins des victimes d'actes de barbarie).

Au total, la rente mensuelle s'élevait dans les deux cas à 557,23 euros en 2016 et devrait être revalorisée de 2,5 % comme prévu par le décret n° 2009-1003 du 24 août 2009 pour passer à 571,16 euros en 2017.

Le nombre des demandes reçues dans le cadre de ces deux dispositifs a été inégal, le dispositif le plus récent (barbarie) ayant suscité 33 984 demandes depuis 2004 quand celui réservé aux victimes d'actes antisémites a engendré 17 632 demandes en quinze ans.

Le taux de réponse aux demandes transmises apparaît au premier regard comme peu satisfaisant , les services instructeurs ayant été quelque peu débordés, tout particulièrement les premières années, par le flux des dossiers qu'ils ont reçus. Sur les 17 632 demandes de victimes d'actes antisémites, 13 626 décisions ont été rendues (soit environ 75 %) tandis que pour les demandes formulées dans le cadre du dispositif de 2004 le taux de décision est encore moindre avec près de 67 %. Il est vrai que dans le contingent des non-réponses figurent les dossiers classés sans suite. Au total, il resterait 80 % de demandes non traitées à ce jour pour le dispositif créé en 2004 tandis que le taux de dossiers non-traités ne serait que de 3 % pour les rentes versées aux victimes d'actes antisémites.

Les taux de satisfaction sont également différents . Dans le dernier cas mentionné, le taux de décision favorable atteindrait 77 % tandis qu'il ne serait que de 67 % pour les victimes d'actes de barbarie. Ce dernier taux est sans doute influencé, par le bas, par le niveau encore trop élevé des dossiers n'ayant pas reçu d'instruction définitive à ce jour.

Le taux de conflictualité des décisions administratives n'est pas négligeable (30,0 % des décisions de rejet dans le cadre de chacun des dispositifs). Cependant, aucun des recours formés dans le cadre du premier dispositif n'a prospéré. En revanche, il reste quelques contentieux (28) liés au dispositif au profit des victimes d'actes de barbarie pour lequel des annulations de décisions de rejet ont été prononcées. Vingt-trois recours sont pendants.

Le nombre des bénéficiaires varie selon le dispositif envisagé 36 ( * ) . Les victimes de persécutions antisémites qui ont été indemnisés ont été au nombre de 13 620 (chiffre qui demanderait une évaluation du dispositif au regard de l'histoire), pour un coût total de 749,4 millions d'euros . Pour les victimes d'actes de barbarie , le nombre des crédirentiers a été nettement supérieur (22 607) pour un coût de 931,4 millions d'euros . Le coût moyen cumulé par bénéficiaire ressort ainsi comme inégal (54 900 euros dans un cas, 41 199 euros dans l'autre) ce qui traduit les effets d'une ancienneté inférieure du dispositif des victimes d'actes de barbarie compensée par une longévité des bénéficiaires qui apparaît supérieure.

Il faut ajouter aux deux dispositifs envisagés ici le dispositif d'indemnisation ménagé dans l'accord conclu le 8 décembre 2014 entre la République française et les États-Unis pour assurer l'indemnisation de certaines victimes de la Shoah déportées depuis la France mais non couverts par les programmes français d'indemnisation. Une somme de 54,5 millions d'euros a été ouverte à ce titre dans les crédits du programme 158 au cours de l'année 2015. Le nombre des bénéficiaires ultimes de l'accord n'a pas été communiqué à votre rapporteur spécial, leur identification demeurant de la responsabilité du Gouvernement des États-Unis.

• Le reste des crédits (un peu plus de 9 millions d'euros, soit moins de 10 % des dotations du programme) est consacré à l'indemnisation des victimes de spoliations confiée à la commission d'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS). C'est le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 qui, à la suite des travaux de la commission présidée par M. Jean Matteoli, a créé ce dispositif. Il est censé dépasser le strict cadre d'un système d'indemnisation puisque la CVIS a pour responsabilité de proposer des mesures équitables de réparation, restitution ou indemnisation appropriées.

Cette mission suppose une activité résolue d'enquête afin d'actualiser, le cas échéant, la consistance des biens spoliés (ils peuvent être financiers, mobiliers ou immobiliers) et de retrouver leurs ayants droit.

Or, cette mission n'est pas exercée dans des conditions pleinement satisfaisantes , comme l'ont établi différents travaux auxquels le Sénat a tout particulièrement contribué à travers la mission d'information de sa commission de la culture sur les oeuvres d'art spoliées par les nazis.

Sa rapporteure, notre collègue Mme Corinne Bouchoux, avait ainsi formulé 9 propositions dont votre rapporteur spécial met particulièrement en exergue celles consistant à réaliser un répertoire complet des archives portant sur les oeuvres spoliées, à assurer un plus grand pluralisme des acteurs et à assurer une meilleure accessibilité des oeuvres, parmi d'autres. Certaines de ces recommandations sont applicables aux autres éléments patrimoniaux ayant pu se trouver spoliés pour lesquels l'accès aux archives de certaines institutions financières est tout à fait crucial. Par ailleurs, la recherche active des oeuvres a progressé, ce dont il faut se féliciter mais en notant qu'une diversification des intervenants et une exploitation systématique des oeuvres ( recto et verso ), aujourd'hui inégalement accessible, et de leur parcours marchand seraient souhaitables.

Votre rapporteur spécial s'inquiète du niveau des moyens humains et financiers confiés à la CVIS qui paraissent assez loin de pouvoir couvrir les besoins d'une action difficile qui, pour mobiliser le bénévolat de plusieurs intervenants et les efforts des héritiers, doit bénéficier des outils nécessaires à sa réussite. Le plafond d'emplois de la commission est de 24 ETPT dont un volant d'agents contractuels qui, de 7 l'an dernier, a été ramené à 4 après titularisation de 3 agents.

Il n'est pas sûr, par exemple, que l'implication de la CVIS dans la Taskforce créée après la découverte de 1 500 oeuvres au domicile du fils d'un marchand d'art agissant pour le compte du régime nazi, puisse être aussi effective qu'il serait souhaitable avec les moyens disponibles alors qu'une convention entre la CVIS et cet organisme a été signée le 10 juillet 2015.

Par ailleurs, des incidents sérieux sont intervenus en 2015 qui montrent la nécessité de mettre à niveau la sécurité des outils informatiques de la CVIS. À cet égard, les déménagements répétés de la CVIS peuvent constituer un obstacle à une remédiation pourtant nécessaire. La CIVS, qui a changé de locaux récemment, a vocation à rejoindre en 2017 le site Ségur Fontenoy qui hébergera les services rattachés au Premier ministre. Certes, ceci devrait réduire d'autant ses frais de fonctionnement. Mais, cette perspective ne favorise pas les initiatives pour améliorer sa sécurité.

Avec la disponibilité de moyens suffisants, il y va, bien sûr avant tout, d'un devoir de justice. Il y va aussi d'enjeux financiers très importants.

À ce jour, le système d'indemnisation a suscité 467,4 millions d'euros de dépenses budgétaires depuis sa création (début 2000) jusqu'au 31 juillet 2016 pour 23 558 dossiers déposés dont 21 677 dossiers admis à indemnisation, soit un taux de satisfaction de 92 %. Le niveau moyen d'indemnisation par dossier s'élève à 21 539 euros mais le nombre des bénéficiaires ultimes étant supérieur en raison des règles de succession, le niveau moyen d'indemnisation par bénéficiaire s'est élevé à 9 819 euros. Ces données moyennes n'ont une signification que relative dans la mesure où les préjudices associées à chacun d'entre eux varient fortement. Ainsi, la baisse régulière des nouvelles recommandations de la CIVS (351 en 2015 contre 974 en 2012) ne peut pas être considérée comme totalement prédictive des enjeux financiers dont certains sont encore à venir. Dans ces conditions, si les services de la commission anticipaient en 2016 la fin de l'instruction de dossiers à fort enjeu financier , ainsi que la levée de parts d'indemnité réservées importantes 37 ( * ) , ces prévisions sont toujours susceptibles de révision.

La CIVS a été renouvelée pour une durée de cinq ans par décret du 28 mai 2014 38 ( * ) . Il a explicitement été envisagé son arrêt progressif dans les années qui viennent, les versements de rente pouvant être gérés par l'ONAC-VG .

Toutefois, les dossiers complexes relatifs à l'indemnisation des victimes de spoliations et à la recherche de provenance des oeuvres d'art nécessitent des compétences spécifiques et il semble difficile et, surtout, peu recommandable , d'envisager une disparition de la CIVS tant que ces dossiers seront en cours.

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

ARTICLE 53 (Article L. 141-19 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre) - Supplément de pension pour les conjoints ou partenaires survivants âgés de moins de 40 ans et ayant au moins un enfant à charge

Commentaire : le présent article vise à étendre le bénéfice du supplément de pension accordé à certains conjoints ou partenaires survivants d'un ayant droit aux personnes relevant de cet état âgées de moins de 40 ans et ayant au moins un enfant à charge.

I. LE DROIT EXISTANT

L'article L. 141-19 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG) issu de l'ordonnance n° 2015-1781 du 28 décembre 2015 prévoit que la pension d'un conjoint ou d'un partenaire survivant d'un ayant droit bénéficie d'un supplément dans deux cas :

- l'un où la pension est portée au 4/3 de la pension au taux dit « normal du soldat » (pour les survivants, ce taux est basé sur l'indice 500 39 ( * ) , éventuellement majoré en fonction du grade de l'ayant droit décédé) sous des conditions d'âge (50 ans), ou de santé, et de ressources (se situer en deçà du seuil par part d'imposition) du survivant ;

- l'autre où la pension est portée au taux dit « normal du soldat » quand le survivant est âgé d'au moins 40 ans ou, avant cet âge, réunit des conditions de santé dégradée, tout en ne satisfaisant pas la condition de ressources posée pour bénéficier du supplément mentionné ci-dessus.

En bref, le régime des suppléments de pension prévu par l'article L. 141-9 du CPMIVG ménage un élargissement des droits à raison de l'âge ou de situations particulières de santé et de ressources selon une typologie complexe où les personnes âgées de moins de 40 ans ne peuvent bénéficier d'aucun supplément de pension si elles ne réunissent pas de conditions de santé particulièrement dégradées avec, de ce fait, une négligence entière de leur situation parentale. En l'état, la charge d'un enfant n'ouvre pas de droit supplémentaire alors même qu'elle expose les survivants à des conditions d'existence qui peuvent être difficiles et, en toute hypothèse sont dégradées par comparaison avec des situations sans responsabilité, ni charges familiales de cette nature.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

L'article 53 propose de modifier l'article L. 141-19 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre pour ouvrir le bénéfice du supplément de pension jusqu'au taux du soldat dit « normal » aux conjoints ou partenaires survivants de moins de 40 ans ayant au moins un enfant à charge au sens de la législation sur les prestations familiales. Ceux-ci sont en l'état exclus du bénéfice des suppléments de pension prévus par le code qui n'accorde de supplément de pension aux personnes âgées de moins de 40 ans que sous des conditions de santé particulièrement précaires (avec un sur-supplément quand les revenus sont inférieurs au seuil d'imposition).

D'après les évaluations du ministère de la défense, cette mesure aurait un coût de 130 000 euros chaque année. Le gain maximal unitaire s'élèverait à 1 276,60 euros par an. La mesure bénéficierait à cent-cinq personnes.

III. LES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Selon le Conseil Constitutionnel, les pensions du CPMIVG ont principalement pour objet d'assurer une réparation, position qui conduit à examiner avec rigueur toute initiative visant à leur conférer une dimension sociale. Cependant, la position du Conseil ne paraît pas exclure la prise en compte du bon sens qui conduit à apprécier les dommages réparés en fonction de circonstances de fait pertinentes. Ainsi, la seule préoccupation d'équité horizontale visant à égaliser les niveaux de vie des survivants présentant du fait de leur situation de famille des différences de ce point de vue ne suffirait sans doute pas à justifier la mesure proposée.

Néanmoins, la reconnaissance d'un lien entre le dommage à réparer et l'existence d'une charge parentale supportée par des survivants semble assurément correspondre à la logique que le Conseil a entendu mettre en exergue.

Dans ces conditions, votre rapporteur spécial ne peut que saluer une évolution qui permettrait de renforcer la manifestation de la reconnaissance de la Nation à ses défenseurs.

ARTICLE 54 - Revalorisation de l'allocation de reconnaissance et de l'allocation viagère des conjoints survivants d'anciens membres des formations supplétives

Commentaire : cette mesure vise à revaloriser l'allocation de reconnaissance versée aux conjoints et ex-conjoints survivants, non remariés, d'anciens membres des formations supplétives.

I. LE DROIT EXISTANT

La reconnaissance de la Nation envers les harkis et anciens supplétifs prend la forme d'une l'allocation de reconnaissance versée selon différentes modalités :

• soit une allocation annuelle de 3 415 euros indexée sur l'inflation ;

• soit une allocation annuelle de 2 322 euros indexée sur l'inflation, complétée du versement d'un capital de 20 000 euros ;

• soit le versement, en lieu et place de l'allocation annuelle de reconnaissance, d'un capital de 30 000 euros.

Ces dispositifs résultent de diverses lois.

La loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, qui a institué les différentes modalités de l'allocation de reconnaissance . La dernière revalorisation résulte de l'article 86 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

L'article 52 de la loi n° 2013-158 du 23 février 2013 de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 a mis en place une forclusion . Aucune nouvelle demande d'allocation de reconnaissance ne pouvait plus être déposée depuis le 20 décembre 2014. Mais, l'article 133 de la loi de finances pour 2016 (loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015) a aménagé cette forclusion en prévoyant qu'une allocation viagère est due aux conjoints survivants et ex-conjoints survivants en faisant la demande dans certaines conditions. 40 ( * )

En bref, la population bénéficiaire du régime général institué en faveur des harkis, supplétifs et ayants-droit est éligible à trois allocations différentes, de 3 415 euros pour deux d'entre elles (allocation de reconnaissance et allocation viagère des conjoints et ex-conjoints), et de 2 322 euros pour l'une (l'allocation réduite du fait de la levée de l'option du versement en capital de 20 000 euros).

La population bénéficiaire de l'allocation de reconnaissance a fait l'objet d'estimations évolutives par le ministère de la Défense. Un temps estimée à 4 159 harkis et 1 717 conjoints survivants 41 ( * ) , l'aménagement du régime de forclusion précitée devant ajouter à cette population 218 personnes en 2016 puis 109 conjoints ou ex-conjoints survivants à partir de 2017 (pour un coût supplémentaire de 0,74 million d'euros en 2016 porté à 1,1 million d'euros en 2017 avec un horizon de 2 millions d' euros en 2020), ces données ont, semble-t-il, été réactualisées puisque le contingent des bénéficiaires mentionnés par le projet de loi de finances s'élève à 5 700 personnes .

Au total, les crédits nécessaires au versement des allocations dont s'agit s'élèvent à 15,07 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2017, en comprenant les effets de la mesure ici examinée. Hors cette mesure, ils seraient de 14,5 millions d'euros.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Il est proposé d'appliquer aux trois allocations mentionnées une revalorisation unitaire de 100 euros si bien que, à compter du 1 er janvier 2017 :

- l'allocation prévue au deuxième alinéa du I de l'article 6 de la loi de 2005 (option « hors capital ») passerait de 3 415 euros à 3 515 euros ;

- celle prévue par le troisième alinéa (option « complément de capital ») passerait de 2 322 euros à 2 422 euros ;

- enfin, l'allocation viagère créée par l'article 133 de la loi de finances pour 2016 passerait de 3 415 euros à 3 515 euros.

Le coût de la mesure est estimé à 570 000 euros soit le produit de 100 euros par les 5 700 bénéficiaires estimés par le ministère.

On relèvera que les modalités proposées pour la revalorisation conduisent à une augmentation forte, quoiqu'asymétrique, des allocations concernées. L'allocation de reconnaissance, sans option en capital, et l'allocation viagère des conjoints et ex-conjoints seraient moins fortement revalorisées (2,9 %) que l'allocation de reconnaissance réduite du fait de la levée de l'option d'un règlement partiel en capital dont la revalorisation serait de 4,3 %.

III. LES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Le Parlement a eu l'occasion de manifester à plusieurs reprises la reconnaissance de la Nation envers les harkis dans les conditions rappelées ci-dessus. Dans l'année en cours, le Président de la République a déclaré les regrets de la France pour les conditions dans lesquelles la Nation a accompagné ceux qui avaient pris les armes pour l'épauler.

La mesure proposée pourrait être considérée comme un prolongement logique de ces orientations, qui sont peu discutables.

Votre rapporteur spécial observe que l'initiative du Gouvernement réserve un avantage à une population particulièrement éprouvée dont d'autres titulaires de droits portés par la mission du fait de circonstances historiques analogues pourraient bénéficier.

ARTICLE 55 - Amélioration de la pension de réversion des ayants cause du militaire tué dans l'exercice de ses fonctions sur le territoire national

Commentaire : le présent article vise à améliorer les pensions de réversion dues aux ayants cause des militaires tués dans l'exercice de ses fonctions sur le territoire national et de plusieurs catégories d'agents de la sécurité civile décédés en service et cités à l'ordre de l'armée.

I. LE DROIT EXISTANT

Le I de l'article L. 50 du code des pensions civiles et militaires de retraite (CPMR) attribue une majoration de la pension de réversion qu'il prévoit, aux ayants cause d'un certain nombre de fonctionnaires civils et militaires décédés par suite d'un attentat, d'une lutte dans l'exercice de leurs fonctions, d'un acte de dévouement dans un intérêt public ou pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes.

Pour les ayants cause de ces agents, la pension de réversion de droit commun, qui fait déjà l'objet d'une majoration par rapport aux pensions ordinaires de sorte que la réversion ne soit pas inférieure à l'indice majoré 227, est portée au niveau de la pension et de la rente viagère d'invalidité ou de la pension militaire d'invalidité dont le fonctionnaire ou le militaire décédé aurait pu bénéficier.

Les différents faits générateurs de cette majoration supplémentaire, tels qu'aujourd'hui énumérés par le II de l'article, sont au nombre de huit. La casuistique de l'article L. 50-II omet les militaires qui ne relèvent pas de la gendarmerie nationale ou n'appartiennent pas à des formations militaires de la sécurité civile.

Par ailleurs, avec sans doute de légères nuances, on relève que les circonstances visées impliquent, par nature, des décès survenus sur le territoire national.

Cette observation s'impose dans la mesure où les cas mentionnés au I et qu'il s'agit d'améliorer pourraient tout aussi bien recouvrir des situations intervenant à l'étranger.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

L'article 55 vise à inclure dans la liste des situations donnant lieu à supplément de majoration au profit des conjoints survivants, mais aussi des orphelins, celle du décès d'un militaire dans l'exercice de ses fonctions sur le territoire national et du décès en service lorsque le militaire est cité à l'ordre de la Nation ou à l'ordre de l'armée.

Par ailleurs, la condition de citation à l'ordre de la Nation exigée quand le décès concerne un sapeur-pompier de Paris ou de Marseille ou un militaire des formations militaires de sécurité civile se voit ajointe une condition alternative : celle de la citation à l'ordre de l'armée.

III. LES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

L'engagement des militaires dans le dispositif de surveillance renforcée destiné à assurer la sécurité nationale dans le contexte actuel oblige à envisager une situation que les règles habituelles d'engagement des forces ne relevant pas de la gendarmerie nationale avaient conduit à ne pas prendre en compte.

L'article dont s'agit illustre la situation historique que nous connaissons. Il faut noter, pour s'en réjouir que son coût serait très modéré : 100 000 euros pour 2017 et autant au-delà, sous les réserves qu'il faut avoir à l'esprit. Le surcoût serait de 9 000 euros par conjoint.

Votre rapporteur s'interroge sur l'application de la condition de territorialité pour obtenir la majoration supplémentaire. Cette condition n'est pas formulée au I de l'article L. 50 du code qu'il s'agit de réformer. Il se propose de questionner le ministre afin d'éclaircir la portée effective de cette différence dans les conditions posées pour bénéficier des différentes majorations prévues par cet article.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 25 octobre 2016 sous la présidence de M. Richard Yung, vice-président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Marc Laménie, rapporteur spécial, sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » (et articles 53 à 55) et entend une communication sur son contrôle budgétaire relatif à l'Institution nationale des Invalides (INI)).

M. Marc Laménie , rapporteur spécial . - La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » comporte trois programmes : le programme 167, qui porte essentiellement sur les crédits de la Journée « défense et citoyenneté » (la JDC) et des opérations commémoratives promues par le secrétariat d'État ; le programme 169, le plus important, qui finance les différentes prestations versées aux invalides et anciens combattants et le programme 158, qui implique les services du Premier ministre et réunit les moyens nécessaires à la réparation des spoliations et des actes de nature antisémite et de barbarie commis pendant le second conflit mondial.

Au total, les crédits de la mission s'élèvent à 2,554 milliards d'euros, dont 2,448 milliards d'euros au titre des dépenses d'intervention, ce qui atteste de la vocation de la mission d'être un réservoir de transferts en faveur du monde combattant. Ce réservoir est principalement logé dans le programme 169, qui réunit 2,4 milliards d'euros de crédits destinés à honorer un certain nombre de droits, au premier rang desquels la dette viagère à hauteur de 1,9 milliard d'euros. Il s'agit de la retraite du combattant (748,5 millions d'euros) et des pensions militaires d'invalidité (1,147 milliard d'euros). Ce programme comprend également les financements des soins gratuits (32,6 millions d'euros), des remboursements des prestations de sécurité sociale aux invalides de guerre pour les prestations non prises en charge gratuitement (85,2 millions d'euros), et des coûts des majorations des rentes mutualistes, qui pèsent à hauteur de 253,5 millions d'euros, somme assez considérable quand on la compare aux dépenses des retraites versées aux combattants.

Le programme 167 totalise 37,9 millions d'euros, dont 15,7 millions d'euros pour financer la Journée « défense et citoyenneté » (JDC), tandis que le programme 158 bénéficie d'environ 100 millions d'euros.

Le projet de budget fait ressortir une baisse des crédits de 2,6 % en crédits de paiement, soit une économie de 67 millions d'euros. Cette baisse est concentrée sur les dépenses d'intervention du programme 169.

Enfin, le budget ne rend pas compte de la totalité de l'effort financier en faveur des anciens combattants : hormis une centaine de millions d'euros provenant d'autres missions, quasi exclusivement pour financer le déroulement de la JDC, il faut encore compter avec des dépenses fiscales estimées cette année à 751 millions d'euros, qui augmentent les crédits de la mission de près de 30 %.

Concernant les dépenses fiscales, ma première observation tend à en faire ressortir l'importance dans l'ensemble des transferts consentis au bénéfice des anciens combattants. Notre commission s'était interrogée dans le passé sur leur poids et sur l'opportunité d'attribuer aux différentes dépenses fiscales un si grand rôle dans l'expression de la solidarité avec le monde combattant. Certaines dépenses fiscales et sociales consenties aux anciens combattants ne sont toujours pas recensées dans le projet annuel de performances. La Cour des comptes l'avait déploré. J'ai interrogé le ministère sur ce point, et les réponses fournies, éclairantes pour certaines, ne m'apparaissent pas entièrement satisfaisantes. Je vous propose de porter notre attention sur ce point dans l'année à venir d'autant que, traditionnellement, les dépenses fiscales connaissent un certain dynamisme, qui contraste avec les crédits budgétaires.

Ma deuxième observation concerne les économies programmées sur ces crédits. Elles se montent à 67 millions d'euros, ce qui est loin d'être négligeable. C'est traditionnellement à une sorte de « dividende démographique » qu'elles sont dues. De nombreuses prestations voient naturellement la population de bénéficiaires se réduire. Cette année encore, il est prévu que les titulaires des pensions militaires d'invalidité (PMI) et de la retraite du combattant se contractent de près de 5 % pour chacune de ces catégories. Or, les crédits ne baissent pas à due proportion. Si l'on se limite aux PMI et à la retraite du combattant, la seule variation démographique aurait dû permettre près de 100 millions d'euros d'économies. Le projet de budget n'en programme que la moitié. Ce décalage s'explique par des mesures qui atténuent l'ampleur du dividende démographique. Il ne s'agit pas tant des mesures des articles rattachés à la mission, puisque leur montant ne dépasse pas 800 000 euros. Les 50 millions d'euros d'écart sont en réalité essentiellement le résultat d'une mesure directe : l'attribution de deux fois deux points aux titulaires de la retraite du combattant et d'un enchaînement qui, au travers du « rapport constant » liant la valeur des prestations dont il s'agit à l'indice INSEE, dit « grille des salaires », transmet les revalorisations salariales de la fonction publique aux principales prestations de la mission. En 2017, le coût de la revalorisation de la retraite du combattant s'élèvera à 27,4 millions d'euros, tandis que le second mécanisme enclenché majoritairement avec la revalorisation de l'indice de la fonction publique, à deux reprises - 0,6 % en juillet 2016, puis en février 2017 -implique un coût de 39,8 millions d'euros pour l'ensemble des prestations indexées.

En raison du calendrier, ces mesures auront des effets plus importants encore sur les charges de la mission considérées en année pleine. Les points attribués à la retraite du combattant représentent une augmentation de plus de 8 % en année pleine soit, selon certaines hypothèses, près de 65 millions d'euros, qui joueront à la hausse sur les dotations en 2018. Par comparaison, il faut mentionner que les pensions civiles devraient faire l'objet d'une revalorisation de 0,6 % en octobre 2017. En outre, si les PMI sont revalorisées du fait du rapport constant, cette indexation sera nettement plus modérée que pour ce qui concerne la retraite du combattant, discordance évidemment discutable. On peut parler d'un sérieux coup de pouce. Cependant, il ne suffira pas à effacer les pertes de pouvoir d'achat subies par tous les titulaires des droits liés à la valeur du point PMI, qui sert de base au calcul de leur paiement. Si celui-ci avait été indexé sur l'inflation depuis 2011, il aurait atteint 14,64 euros en 2015, contre les 14,04 euros observés et les 14,36 euros prévus en 2017 résultant de la revalorisation entreprise.

Ma première observation porte sur la JDC, sur laquelle notre commission a rendu un rapport en cours d'année. Toutes les préconisations formulées ne sont pas encore traduites dans les faits. L'une, qui me tient à coeur, semble toutefois devoir être prise en compte : la JDC, en plus de sa raison d'être, qui est de sensibiliser les jeunes aux affaires de défense, doit mieux faire que ce qu'elle fait déjà en termes de remédiation au décrochage de certains jeunes : entre 100 000 et 150 000 jeunes sortent sans bagage du système scolaire chaque année. C'est vraiment une cause nationale que de s'attaquer à ce problème. La JDC permet d'identifier les vrais décrocheurs, qui sont reçus en entretien et se voient proposer des filières de requalification. Il faut que cette action soit beaucoup plus vigoureuse. L'idée de transformer la direction du service national en direction du service national et de la jeunesse, en cours d'étude, doit être le premier pas vers une amplification des suites données à la JDC.

Ma dernière observation concerne le programme 158 et, en particulier, les missions de la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS). Je souhaite que les dossiers nombreux qu'il lui faut encore traiter au titre de l'indemnisation des victimes d'actes de barbarie permettent d'avancer rapidement vers la résorption d'un stock trop élevé. Il convient aussi de mieux traduire les recommandations formulées par la mission de la commission de la culture et, en particulier, par sa rapporteure, pour que, au-delà de l'indemnisation stricto sensu , la réparation puisse prendre la forme de restitutions. À cet égard, il faudra sans doute surmonter des questions d'organisation, mais aussi prévoir les crédits nécessaires à des recherches concrètes plus actives. Au bénéfice de ces observations, je vous invite à adopter les crédits de la mission sans modification.

J'en viens maintenant à la présentation des articles 53 à 55 rattachés.

L'article 53 introduit un nouveau cas de majoration des pensions de réversion pour les conjoints survivants. En l'état, les majorations sont accordées sous condition d'âge, un ayant droit de moins de 40 ans n'y ayant pas vocation, sauf à connaître un état de santé très dégradé. L'article prévoit d'élargir ce droit aux ayants droit de moins de 40 ans ayant au moins un enfant à charge. La mesure bénéficierait à 105 personnes, pour un coût de 130 000 euros par an. Je propose d'adopter cet article.

L'article 54 majore de 100 euros les différentes allocations spécialement accordées aux supplétifs et à leurs ayants droit. Cette mesure coûterait 570 000 euros. La situation des harkis s'en trouverait davantage améliorée que celle d'autres combattants des mêmes conflits. Malgré cette asymétrie, il faut aussi tenir compte des difficultés particulières rencontrées par cette population. Je suis donc favorable à cet article.

Enfin, l'article 55, qui représente 100 000 euros, complète la liste des fonctionnaires exerçant des missions au service de la sécurité du pays et ayant fait preuve d'un courage particulier dans des situations d'agression dont le décès justifie une majoration de pension pour les ayants droit survivants. Les militaires décédés sur le territoire national hors ceux de la gendarmerie nationale n'entrent pas jusqu'à présent dans cette liste. Il s'agit de réparer une omission, ce qui, compte tenu des conditions d'engagement actuelles des soldats sur le territoire national, est hélas très justifié. Je préconise l'adoption de cet article.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Comme vous, monsieur le rapporteur spécial, je regrette que la totalité de l'effort de la Nation à l'égard du monde combattant ne soit pas retracée dans cette mission, notamment en ce qui concerne les dépenses fiscales. Je l'avais d'ailleurs dit dans mon rapport sur l'exécution budgétaire en 2015.

M. Jean-Baptiste Lemoyne , rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales . - Que dire après cet excellent rapport, sauf à faire du psittacisme, d'autant que la commission des affaires sociales se retrouve dans la plupart des propos tenus ?

Nous partageons votre analyse sur la JDC qui doit se recentrer sur les notions de défense.

La commission des affaires sociales s'est intéressée à la quatrième génération du feu, qui prend une importance croissante, même si elle reste embryonnaire du fait de l'âge des intéressés. La diminution démographique des générations précédentes ne se poursuivra pas car, dans quelques années, nous verrons arriver les 150 000 personnes qui auront été en opérations extérieures. Il est du devoir de la Nation de toujours mieux les accompagner, notamment lorsque les soldats sont blessés. Ils bénéficient alors de l'ONAC. Cela nous conduit à réfléchir sur les missions de cet organisme, avec une meilleure prise en compte de ce nouveau public.

Depuis 2007, le Sénat demandait la revalorisation de deux fois deux points de la retraite du combattant. Avec ce projet de loi de finances, c'est chose faite.

Enfin, les articles 53, 54 et 55 répondent à des situations spécifiques, même si les montants en jeu restent modestes.

M. Claude Raynal . - Ce budget consacre la revalorisation de la retraite du combattant. Toutes les associations d'anciens combattants s'en félicitent.

Les montants sont certes symboliques mais satisfont les personnes qui vont en bénéficier. Ainsi, la pension des ayants droit des militaires tués dans l'exercice de leur fonction va doubler : en d'autres termes, le salaire sera maintenu. Ces aides sont essentielles pour celles et ceux qui en profiteront. Il importait que la Nation consente un effort en faveur de ces populations ; c'est chose faite, et nous nous en félicitons tous.

M. Jean-Claude Requier . - Je salue la hausse de deux fois deux points de la retraite des anciens combattants.

Les pilotes de Rafale et les personnes qui servent sur le Charles-de-Gaulle sont-ils considérés comme anciens combattants ?

M. Marc Laménie , rapporteur spécial . - Je remercie le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour son intervention.

L'ONAC-VG joue un rôle social important dans tous nos départements.

Sont déclarés anciens combattants tous ceux qui ont connu l'épreuve du feu.

M. Richard Yung , président . - Nous allons nous prononcer sur la mission et les articles attachés.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » ainsi que les articles 53, 54 et 55.

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 24 novembre 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a décidé de proposer au Sénat d'opposer la question préalable au projet de loi de finances pour 2017.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de la défense

- M. Jean-Paul BODIN, secrétaire général pour l'administration ;

- M. Frank BARRERA, chef de cabinet, secrétariat général pour l'administration ;

- M. Alexandre COYO, cabinet du secrétariat général pour l'administration.


* 1 Action 07 « Actions en faveur des rapatriés ».

* 2 Ce qui a représenté un transfert entrant de 17,8 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2014.

* 3 Ce qui a représenté un transfert sortant de 73,3 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2015.

* 4 Ce qui a représenté un transfert sortant de 10 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2015.

* 5 Cette dépense est en fait supportée par le programme 741 du CAS « Pensions », mais l'article a été rattaché à la mission.

* 6 Pour mémoire, ce budget avait déjà été augmenté de 1,5 million d'euros en projet de loi de finances pour 2015.

* 7 Article 52 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.

* 8 Le nombre de points est passé de 35 à 48 points entre 2005 et 2012. La retraite est actuellement de 682 euros par an.

* 9 Chiffres extraits du rapport annuel de performance annexé au projet de loi de règlement pour 2013.

* 10 Il s'agit des crédits versés par le programme 169 sur le programme 743 du compte d'affectation spéciale « Pensions ». Il existe parfois un décalage avec les crédits effectivement consommés par le programme 743 pour la retraite du combattant.

* 11 Voir la contribution de votre rapporteur spécial au rapport n° 604 (2014-2015) de M. Albéric de Montgolfier, Tome II page 52.

* 12 Il s'agit des emplois au sein de la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliation (CIVS) dans le programme 158. Ce versement accuse une légère baisse par rapport à la programmation de 2016.

* 13 En provenance des programmes 178 « Préparation et emploi des forces » et 212 « Soutien de la politique de la défense ». En revanche, le déversement en provenance du programme 309 « Soutien de la politique immobilière de l'État » qui atteignait 0,1 million d'euros dans le PAP 2016 ne figure plus dans la comptabilité analytique de la mission en 2017.

* 14 En provenance du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental ».

* 15 À comparer à 114,9 millions d'euros en loi de finances pour 2016.

* 16 Selon l'article 885 K du CGI, « La valeur de capitalisation des rentes ou indemnités perçues en réparation de dommages corporels liés à un accident ou à une maladie est exclue du patrimoine des personnes bénéficiaires ou, en cas de transmission à titre gratuit par décès, du patrimoine du conjoint survivant ».

* 17 Article L. 529 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.

* 18 Créée par ordonnance royale de Louis XVI en 1670 « pour y loger tous les officiers et soldats tant estropiés que vieux et caduques ».

* 19 Certaines opérations de sécurité et de mise en conformité obligatoires ont été effectuées par l'INI en 2014 et 2015 pour garantir la sécurité des usagers et des patients.

* 20 Initialement composé de 70 membres nommés pour quatre ans, le Conseil d'administration a fait l'objet d'une refonte lors du dernier renouvellement de février 2012 en passant de 70 à 40 administrateurs. La composition du deuxième collège, collège des anciens combattants, a également été révisée pour garantir la représentation de l'ensemble des composantes du monde combattant et prendre en compte les nouvelles générations du feu. Il demeure présidé par le ministre chargé des anciens combattants.

* 21 Alger, Casablanca et Tunis.

* 22 Rapport d'information de M. Philippe Marini fait au nom de la commission des finances n° 132 (2013-2014) -- 12 novembre 2013.

* 23 Loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du service national.

* 24 Rapport d'information de M. Marc Laménie, fait au nom de la commission des finances, Sénat, n °475 (2015-2016) 16 mars 2016.

* 25 Article 24 de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.

* 26 NB : cela est également le cas de la sécurité routière. Cf. article L. 312-13 du code de l'éducation.

* 27 Chiffres en métropole communiqués en réponse au questionnaire budgétaire par le ministère de la défense.

* 28 Ils ont accompli leur JDC ou ont été exemptés.

* 29 Source : réponse du ministère de la défense au questionnaire budgétaire.

* 30 Les crédits de la retraite du combattant connaissent une baisse moindre de 1,1 %.

* 31 Pour atteindre 26,4 millions d'euros (CP=AE).

* 32 Ce seuil est fixé à 60 % de la médiane des niveaux de vie, soit 993 euros selon les données 2012 de l'observatoire des inégalités.

* 33 Cf. jugement du tribunal administratif de Paris en date du 27 octobre 2014.

* 34 Elle comporte également (voir ci-après) une indemnisation pour les spoliations alors commises.

* 35 Cette « postériorité » a donné lieu à des contentieux qui n'ont pas prospéré.

* 36 Le nombre des bénéficiaires effectifs dépasse les bénéficiaires immédiats du fait des règles de partage successoral.

* 37 Ces parts sont réservées lorsque des héritiers clairement établis n'ont pas été associés à la requête ou que les ayants droit ne sont pas connus et doivent se manifester.

* 38 Décret n° 2014-555 du 28 mai 2014 relatif à certaines commissions administratives à caractère consultatif relevant du Premier ministre.

* 39 La valeur prévisionnelle moyenne du point d'indice PMI serait en 2017 de 14,36 euros.

* 40 Voir le rapport spécial n° 164-Tome III- Annexe 5. Sénat commission des finances. 9 novembre 2015. Page 38. M. Marc Laménie.

* 41 Source : réponse du ministère de la défense.

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