C. L'ACCÈS À L'IVG

Outre la question de l'information, c'est la question des moyens mis en oeuvre qui doit être abordée. Le 16 janvier 2015, la ministre de la santé et la secrétaire d'Etat aux droits des femmes annonçaient un programme national d'action pour améliorer l'accès à l'IVG en France . Les mesures qu'il comporte s'inscrivent dans la lignée de l'amélioration continue de la prise en charge sociale et des mesures de recours au droit prises depuis plusieurs années. Le 15 janvier 2016, un premier bilan de ce programme a été présenté par la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Ce bilan a été l'occasion d'annoncer que « la prise en charge à 100 % de l'ensemble du parcours IVG (soit, outre l'acte en lui-même, déjà intégralement remboursé depuis 2013 : les consultations, les examens de biologie médicale et les échographies pré et post IVG) entrer(ait) en vigueur au 1 er avril 2016. »

Les axes du programme national d'action pour améliorer l'accès à l'IVG

Axe 1 - Mieux informer les femmes sur leurs droits

1. Un numéro national d'appel sur la sexualité, la contraception et l'IVG

2. Une campagne nationale d'information

Axe 2 - Simplifier et améliorer le parcours des femmes

3. Une amélioration de la prise en charge financière de l'IVG

4. La formalisation d'une procédure pour les IVG entre 10 et 12 semaines de grossesse

Axe 3 - Garantir une offre diversifiée sur tout le territoire

5. La formalisation d'un plan pour l'accès à l'avortement dans chaque région

6. La possibilité pour les centres de santé de réaliser des IVG instrumentales

7. Faciliter le recrutement des praticiens contractuels dans les établissements

8. Mettre en place une commission sur les données et la connaissance de l'IVG

La huitième mesure du programme prévoyait la mise en place d'une commission sur les données et les connaissances disponibles en matière d'IVG. Celle-ci a rendu son premier rapport le 27 juillet dernier. Elle constate que le nombre d'IVG est relativement stable en France depuis dix ans et que l'accès à l'IVG est dans l'ensemble satisfaisant mais que des difficultés persistent. Le déploiement par les ARS, en application de la loi de modernisation de notre système de santé, de plans d'actions régionaux dédiés devrait permettre de répondre à certaines de ces difficultés. En effet, l'article 38 de cette loi a inséré un article L. 1434-7 dans le code de la santé publique qui dispose que : « Dans chaque région, un plan d'action pour l'accès à l'interruption volontaire de grossesse est élaboré par l'agence régionale de santé, en prenant en compte les orientations nationales définies par le ministre chargé de la santé ». Ces programmes s'appuient pour partie sur des dispositifs existant comme le programme « Favoriser la réduction des inégalités d'accès à l'avortement » (FRIDA) élaboré par l'ARS Ile-de-France pour la période 2014-2017, à la suite d'un rapport réalisé en 2012. L'ensemble des programmes régionaux devrait être connu d'ici la fin de l'année. Votre commission sera particulièrement attentive aux moyens mis en oeuvre dans ce cadre.

Certaines pratiques contraires à la loi doivent être mieux identifiées et condamnées . Ainsi, à l'occasion de la journée mondiale du droit à l'avortement le 28 septembre dernier, une campagne de « testing » sur l'accès à l'IVG a été annoncée par le ministère. Elle devrait se dérouler actuellement.

Le « testing » en matière d'accès à l'IVG

Les opérations de « testing » annoncées le 28 septembre prendront la forme suivante : « dès le mois de décembre 2016, des opérations de seront réalisées afin d'identifier d'éventuelles difficultés d'accès à l'IVG : délais de recours, niveau d'information délivré aux femmes au moment de la prise de rendez-vous, accueil réservé. Des questionnaires anonymes viendront compléter cette enquête. Ces dispositifs permettront d'évaluer la réalité de l'accès à l'IVG en France et de mesurer l'efficacité des actions engagées dans le cadre du Programme national ».

Cette forme de « testing » n'est pas identique à celle qui est utilisée dans les procédures judiciaires en matière de discrimination. Après que la Cour de cassation a admis, dans un arrêt du 11 juin 2002, les preuves établies par voie de testing, le législateur a consacré cette possibilité pour les délits en matière de discriminations, en introduisant 9 ( * ) dans le code pénal un article 225-3-1 qui dispose que : « Les délits prévus par la présente section sont constitués même s'ils sont commis à l'encontre d'une ou plusieurs personnes ayant sollicité l'un des biens, actes, services ou contrats mentionnés à l'article 225-2 dans le but de démontrer l'existence du comportement discriminatoire, dès lors que la preuve de ce comportement est établie ».

S'agissant des numéros verts auxquels renvoient les sites Internet non publics consacrés à l'IVG, plusieurs journalistes ont fait état des appels qu'ils ont pu passer et des pressions qui s'exercent à cette occasion sur les personnes qui appellent pour s'informer. La mise en place d'un dispositif de « testing » (au sens du droit pénal) de ces lignes d'appel pourrait être utile.

Par ailleurs, les pratiques doivent évoluer, comme le montrent les défauts de prise en charge de la douleur lors des IVG médicamenteuses pointés par une étude de la Fondation de l'Avenir publiée le 18 novembre 10 ( * ) à l'occasion de laquelle les déclarantes insistent sur une certaine solitude ressentie lors de cette intervention , voire une culpabilité pour certaines, ainsi qu'un manque d'information sur les effets secondaires liés au traitement comme l'intensité des saignements. Par ailleurs, les personnes auditionnées ont souligné que le droit des femmes à choisir leur méthode d'IVG n'est pas partout respecté et qu'elles se voient parfois imposer un choix par le médecin.

La question du droit des femmes à disposer de leur corps et celle de l'accès à l'IVG dépassent le cadre de la proposition de loi soumise à notre examen. Elle trouve cependant sa place au sein de ces enjeux toujours d'actualité en France comme en Europe et dans le monde.


* 9 Article 45 de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances.

* 10 http://www.fondationdelavenir.org/comprendre-douleur-ivg-medicamenteuse/

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