Rapport n° 223 (2016-2017) de M. Cédric PERRIN , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 14 décembre 2016

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N° 223

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 14 décembre 2016

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative aux travaux et au cofinancement par la Suisse de l' opération de réactivation du trafic ferroviaire sur la ligne Belfort - Delle ainsi qu'à l' exploitation de la ligne Belfort - Delle - Delémont , et sur le projet de loi autorisant l' approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse concernant la modernisation et l' exploitation de la ligne ferroviaire d' Annemasse à Genève (ensemble un échange de lettres interprétatif),

Par M. Cédric PERRIN,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Raffarin , président ; MM. Christian Cambon, Daniel Reiner, Jacques Gautier, Mmes Nathalie Goulet, Josette Durrieu, Michelle Demessine, MM. Xavier Pintat, Gilbert Roger, Robert Hue, Mme Leila Aïchi , vice-présidents ; M. André Trillard, Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Alain Néri , secrétaires ; MM. Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Pierre Charon, Robert del Picchia, Jean-Paul Émorine, Philippe Esnol, Hubert Falco, Bernard Fournier, Jean-Paul Fournier, Jacques Gillot, Mme Éliane Giraud, MM. Gaëtan Gorce, Alain Gournac, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, M. Alain Joyandet, Mme Christiane Kammermann, M. Antoine Karam, Mme Bariza Khiari, MM. Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Jeanny Lorgeoux, Claude Malhuret, Jean-Pierre Masseret, Rachel Mazuir, Christian Namy, Claude Nougein, Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Cédric Perrin, Yves Pozzo di Borgo, Henri de Raincourt, Alex Türk, Raymond Vall, Bernard Vera .

Voir les numéros :

Sénat :

154, 847 (2015-2016), 224 et 225 (2016-2017)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi des projets de loi :

- n° 154 (2015-2016) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative aux travaux et au cofinancement par la Suisse de l'opération de réactivation du trafic ferroviaire sur la ligne Belfort-Delle ainsi qu'à l'exploitation de la ligne Belfort-Delle-Delémont ;

- et n° 847 (2015-2016) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse concernant la modernisation et l'exploitation de la ligne ferroviaire d'Annemasse à Genève (ensemble un échange de lettres interprétatif).

Il a semblé souhaitable de présenter ces deux conventions dans un rapport commun, compte tenu du rapport de M. Henri Plagnol de juin 2015 « Simplifier pour mieux ratifier » qui encourage le Gouvernement à grouper les conventions similaires pour permettre au Parlement de se prononcer simultanément sur des conventions concernant une même zone géographique ou ayant un objet semblable ou connexe.

Votre commission s'inscrit naturellement dans ce mouvement qui vise à réduire les délais de ratification des conventions et la « bosse » de conventions en instance ainsi qu'à améliorer, en conséquence, la qualité de la « signature » de notre pays vis-à-vis de ses partenaires internationaux.

Ces deux conventions, qui ont respectivement pour objet la réhabilitation de la ligne Belfort-Delle en vue de son raccordement à la ligne Delle-Delémont et la modernisation de la ligne ferroviaire d'Annemasse à Genève-Eaux-Vives, en vue de son raccordement à la gare de Genève-Cornavin, amélioreront la connexion des réseaux ferroviaires français et suisse. Elles accroîtront ainsi l'offre de transport dans chacune des zones frontalières concernées, celle située autour de l'aire de Belfort-Montbéliard et celle du territoire franco-valdo-genevois 1 ( * ) , pour le plus grand bénéfice des usagers, notamment des travailleurs frontaliers. Elles participeront en outre au développement économique durable de ces régions, en facilitant l'accès aux zones d'emplois et en permettant le désengorgement des axes routiers par le report modal induit.

La Commission européenne a autorisé la France à conclure ces deux conventions, après avoir été sollicitée par les autorités françaises en application de l'article 14 § 5 de la directive 2012/34/UE établissant un espace ferroviaire unique européen. Elle a estimé en effet qu'elles ne portaient pas atteinte aux objectifs de la politique de transports de l'Union.

En conséquence, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a adopté ces deux projets de loi, dont le Sénat est saisi en premier .

PREMIÈRE PARTIE : DE NOUVELLES LIGNES FERROVIAIRES AUX AVANTAGES CERTAINS

I. LA LIGNE BELFORT-DELLE-DELÉMONT : LE RACCORDEMENT DE LA SUISSE À LA LIGNE À GRANDE VITESSE RHIN-RHÔNE

A. LE PROJET ET SA NÉGOCIATION

La présente convention a pour objet la réouverture aux trafics de voyageurs de la ligne Belfort-Delle, ligne fermée à la circulation en 1992, afin de la relier à la ligne Delle-Delémont située sur le territoire suisse et de permettre ainsi une desserte ferroviaire de la gare TGV Belfort-Montbéliard, des liaisons TER et une liaison avec la Suisse. Cette ligne de 22 km, à voie unique et non électrifiée, n'est exploitée actuellement qu'en trafic fret entre Belfort et Morvillars.

Cette convention représente l'aboutissement de négociations menées, entre 2009 et 2014, entre les administrations et services de l'État français et de la Confédération suisse. En juin 2014, la Commission européenne a autorisé la France à la conclure.

Elle s'inscrit dans le projet global de la France de raccorder son réseau à grande vitesse avec celui de ses principaux voisins et plus particulièrement, dans la continuité de la convention franco-suisse du 5 novembre 1999 relative au raccordement de la Suisse au réseau ferré français, qui concrétise une volonté commune d'améliorer les conditions de circulation des personnes entre la France et la Suisse, en diminuant les temps de parcours entre, d'une part, Paris et le sud de la France et, d'autre part, les principales agglomérations helvétiques. Entrée en vigueur en mars 2003, cette dernière convention vise le raccordement optimal du réseau ferroviaire suisse au réseau ferroviaire français, notamment aux lignes à grande vitesse (LGV), par la mise en place de mesures coordonnées en matière d'infrastructure, de financement et d'exploitation.

Dans le contexte de cette convention de 1999, ont déjà été réalisées  les opérations suivantes:

- liaison Paris/Lyon - Genève avec la réhabilitation de la ligne Haut-Bugey (Bellegarde - La Cluse - Bourg-en-Bresse).

- opération de modernisation de l'Arc jurassien comprenant le renforcement des installations de traction électrique de la partie 25 000 V entre Dole et Vallorbe, et la reprise du tracé de la ligne pour optimiser les courbes et améliorer la qualité de la voie.

La nouvelle ligne Belfort - Delle permettra le raccordement de la gare TGV Belfort-Montbéliard au réseau ferroviaire suisse.

B. DES ZONES D'EMPLOIS IMPORTANTES DE PART ET D'AUTRE DE LA FRONTIÈRE

La ligne Belfort - Delle, qui se poursuivra en suisse, en desservant principalement Delémont et Bienne, se situe à l'interface de plusieurs villes de taille moyenne. Côté français, se trouvent tout d'abord la conurbation de Belfort-Montbéliard (300 000 habitants) et l'agglomération de Mulhouse (220 000 habitants) qui exercent un rayonnement de niveau régional. Ces unités urbaines disposent d'un tissu industriel important : Montbéliard, dominée par le site de production automobile PSA et son réseau de sous-traitants, Belfort avec le site Alstom - General Electric du secteur de l'énergie et des transports, site qui a connu des difficultés en octobre dernier. Dans le Jura suisse, l'agglomération de Delémont (35 000 habitants) est proche d'un réseau d'agglomérations dense situé au pied du massif : Bienne (89 000 habitants), Soleure (73 000 habitants), Granges (25 000 habitants) et Berne (349 000 habitants) plus au sud, qui est la capitale de l'État fédéral.

Le Canton du Jura a réussi à conserver et à développer des secteurs de pointe, comme l'horlogerie ou la microtechnique qui comptent environ 33 000 emplois. En 2014, l'INSEE identifiait 7 185 travailleurs résidant en France, dont 5 833 Franc-comtois. À l'échelle du Jura suisse. Votre rapporteur craint que ces salariés n'aient des difficultés, une fois arrivés en gare côté suisse, à rejoindre leur lieu de travail, compte tenu de la relative dispersion des entreprises, généralement de petite taille, dans un canton au caractère essentiellement rural. Il considère dans ces circonstances qu'ils risquent fort de continuer à utiliser leur voiture individuelle pour aller travailler.

L'itinéraire Belfort-Delle peut actuellement être réalisé via une desserte bus du réseau OPTYMO mais nécessite une correspondance bus-bus, la durée du trajet est de l'ordre d'une heure. Ces villes sont également reliées par l'autoroute A36 puis N19, partiellement aménagée à 2x2 voies, mais ce trajet est particulièrement congestionné aux heures de pointe. L'ouverture en 2017 du nouvel hôpital de l'aire urbaine, à proximité de la gare TGV, accentuera immanquablement les difficultés.

C. UNE AMÉLIORATION DE L'OFFRE DE TRANSPORT AUX PLANS INTERNATIONAL, NATIONAL ET, DANS UNE MOINDRE MESURE, LOCAL

Ce projet a une dimension internationale. En effet, la réouverture de la ligne Belfort-Delle, qui coupe la ligne à grande vitesse (LGV) Rhin-Rhône à proximité immédiate de la gare de Belfort-Montbéliard-TGV, offrira aux habitants des cantons limitrophes, en particulier du canton suisse du Jura, un accès privilégié à la gare TGV, et au-delà à la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône, grâce à un arrêt permettant les correspondances ferroviaires vers les principales gares de Paris, Dijon, Strasbourg et Lyon.

À ce jour, la gare de Belfort-Montbéliard-TGV est desservie par 15 TGV, Paris/Bâle et Strasbourg/Marseille, engendrant une fréquentation de l'ordre de 2 700 voyageurs par jour, qui pourrait passer à 2 800 voyageurs, une fois ce projet réalisé. La réouverture de la ligne Belfort-Delle devrait apporter environ 100 voyageurs supplémentaires par jour. Au vu de ce dernier chiffre, votre rapporteur s'interroge sur la rentabilité de cette ligne, même si les études prévoient une fréquentation de 3 700 personnes par jour sur celle-ci. Selon les informations transmises par les services du ministère de l'environnement, des énergies et de la mer auditionnés 2 ( * ) , le taux de rentabilité interne résultant du bilan socio-économique réalisé par Réseau Ferré de France était nettement inférieur au seuil de 4 %, à partir duquel un projet est considéré comme rentable. Dans ces conditions, il craint que la décision essentiellement politique de réhabiliter cette ligne n'oblige à compenser financièrement un déficit récurrent.

Les voyageurs en provenance ou à destination de l'aire urbaine de Belfort-Montbéliard auront également un accès ferroviaire facilité à la ligne grande vitesse Rhin-Rhône, ce qui renforcera le taux d'occupation des TGV à destination de Paris, ainsi que sur l'axe «Rhin» soutenu par le poids de Strasbourg et l'axe «Rhône» soutenu par le poids de Lyon. Ce projet permettra de réduire les temps de parcours vers les grandes agglomérations et offrira un accès privilégié au réseau TER Bourgogne-Franche-Comté.

Aux heures de pointe, la desserte « voyageurs » prévue se compose de missions transfrontalières Belfort-Bienne et de missions Belfort-Delle desservant les arrêts suivants : Belfort, Danjoutin, Sévenans, Belfort-Montbéliard-TGV, Morvillars, Grandvillars, Joncherey et Delle. Le service de transport mis en place répondra aux besoins de mobilité des pendulaires et des frontaliers et permettra également l'optimisation des correspondances en gare de Belfort-Montbéliard-TGV entre les TER et les TGV en provenance ou à destination de Paris.

Au plan local, cette nouvelle ligne ferroviaire permettra de renforcer la part du rail dans les déplacements périurbains au sein de l'aire urbaine de Belfort - Montbéliard - Delle - Héricourt par une desserte ferroviaire périurbaine du corridor sud-est de l'aire urbaine. Certaines zones seront rendues plus accessibles comme les secteurs d'habitation du corridor sud-est, les zones d'emplois de Belfort, de Bourogne, de Delle, de Delémont et de Bienne, le centre d'affaires de la Jonxion de Meroux face à la gare TGV, le nouveau pôle hospitalier ainsi que la zone d'enseignement de l'Université de technologie de Belfort-Montbéliard (UTBM) située à Sévenans.

En outre, sur le plan environnemental, ce projet devrait permettre le report de trajets effectués en véhicule particulier sur le train d'environ 2 500 personnes quotidiennement.

D. TRACÉ, FINANCEMENT ET RÉALISATION

Source : ministère des affaires étrangères et du développement international

Une convention relative au financement de l'opération de réouverture de la ligne ferroviaire Belfort - Delle au trafic voyageur a été signée le 1 er septembre 2014, sur la base d'un coût total (études et travaux) de 110,51 millions d'euros courants. La répartition entre les différents partenaires s'établit comme suit :

- État : 23,05 M€ ;

- Région Bourgogne Franche-Comté : 43,8 M€, dont 10 M€ au titre d'un préfinancement de la part État au titre de la contractualisation État-région en cours et aujourd'hui remboursés ;

- Conseil général du Territoire de Belfort : 5,5 M€ ;

- Communauté d'agglomération belfortaine : 2,5 M€ ;

- Communauté de communes du Sud Territoire : 0,54 M€ ;

- SNCF Réseau : 4 M€ sur la base de 48 circulations par jour en semaine ;

- Confédération suisse : 24,7 M€ ;

- République et canton du Jura : 3,2 M€ ;

- et Europe : 3,1 M€.

Actuellement, les travaux de Génie Civil sont en cours, et ont atteint un stade d'avancement de 70 %. Les travaux d'équipements ferroviaires débutent.

L'opération connaît un retard de 4 à 6 mois sur le planning nominal à ce jour, suite aux intempéries du printemps 2016. Une confirmation de la date de mise en service est attendue au printemps 2017, mais devrait avoir lieu fin 2017 ou courant du premier trimestre 2018.

À ce stade, il n'y a pas de travaux supplémentaires à prévoir, le projet comprenant les rétablissements routiers et la sécurisation des passages à niveau.

II. LA LIGNE ANNEMASSE-GENÈVE : LE RACCORDEMENT D'ANNEMASSE À CORNAVIN, LA PRINCIPALE GARE DE GENÈVE

A. UN PROJET ESSENTIELLEMENT SUISSE

La présente convention a pour objet la modernisation et l'exploitation de la ligne ferroviaire d'Annemasse à Genève. Elle définit les modalités de réalisation du projet Cornavin-Eaux-Vives-Annemasse (CEVA), qui consiste en une liaison ferroviaire reliant la gare de Genève-Cornavin à celle d'Annemasse.

Il s'agit essentiellement d'un projet suisse. La France s'engage à construire 1,8 km de double voie en tranchée couverte entre la frontière et la gare d'Annemasse, sur un total de 16 km.

Cette convention, qui est le fruit de négociations menées entre 2002 et 2013, s'inscrit dans la continuité de la convention franco-suisse pour le raccordement d'un chemin de fer d'Annemasse à Genève signée le 14 juin 1881, qui prévoyait déjà la construction d'une deuxième voie ferroviaire entre Genève et Annemasse en cas de nécessité. Cette convention de 1881 comporte toutefois des stipulations contraires au droit de l'Union européenne et fait actuellement l'objet d'une procédure de mise en conformité qui devrait prendre la forme d'une abrogation des dispositions non conformes.

La conclusion de cet accord a été en partie retardée par le fait qu'une première version soumise à l'approbation de la Commission européenne n'a pas recueilli un avis favorable, ce qui a relancé une nouvelle phase de négociation et une nouvelle notification à la Commission. Par ailleurs, la partie française avait souhaité un échange de lettres interprétatif entre les deux gouvernements pour parer à tout risque de mauvaise interprétation de l'article 11 de la convention. Cette phase de négociation a également contribué au rallongement de la durée des négociations à cause notamment des procédures de consultations interministérielles obligatoires dans chacun des deux États.

B. LE GRAND GENÈVE ET SES NOMBREUX TRAVAILLEURS FRONTALIERS

Le territoire franco-valdo-genevois désigne l'espace transfrontalier franco-suisse correspondant au coeur de la métropole genevoise (Canton de Genève) et son aire d'attraction proche constitué par le Canton de Vaud et une partie des départements de l'Ain et de la Haute-Savoie.

Depuis 2007, le Grand-Genève - périmètre du projet d'agglomération transfrontalier - regroupe 212 communes, dont 120 côté français correspondant aux Schémas de COhérence Territoriales (SCOT) du Bassin Bellegardien, du Pays de Gex, d'Arve et Salève, de la Région d'Annemasse, du Pays Rochois et de la partie ouest du Chablais avec la ville de Thonon-les-Bains. Il forme la deuxième agglomération de la région Auvergne-Rhône-Alpes avec 2 000 km², 946 000 habitants et 451 000 emplois en 2014. 40 % de la population du Grand Genève vit aujourd'hui côté français.

La très forte dynamique économique genevoise, et les salaires pratiqués côté suisse, drainent de nombreux travailleurs transfrontaliers. Le nombre de permis de travail transfrontalier a dépassé la barre des 100 000. Il a doublé en à peine dix ans entraînant une augmentation très importante des déplacements domicile-travail, provoquant une saturation du réseau routier local aux heures de pointe du matin et du soir (A40, principales douanes, etc.). Moins de 16 % des personnes qui effectuent les 550 000 déplacements quotidiens enregistrés à la frontière du canton de Genève utilisent les transports en commun.

Le bassin franco-genevois souffre actuellement d'un très fort déficit d'infrastructures et d'offres en matière de transport en commun transfrontalier, avec peu de transports collectifs en site propre (TCSP) 3 ( * ) transfrontaliers et une rupture de charge pour les transports ferroviaires entre la Haute-Savoie et le centre-ville de Genève. Annemasse qui représente un point-clé dans l'organisation des transports en Haute-Savoie, tant pour les déplacements domicile-travail que pour les loisirs, n'est pas relié actuellement à Genève-Cornavin, qui est la gare principale de Genève.

C. UNE RÉPONSE AU FORT DÉFICIT DE TRANSPORT EN COMMUN TRANSFRONTALIER DANS LE BASSIN FRANCO-GENEVOIS

En réponse à l'augmentation des flux de travailleurs, le développement de la ligne ferroviaire Annemasse-Genève assurera l'interconnexion, de part et d'autre de la frontière, de 230 km de lignes et de plus de 40 gares dans un rayon de 60 km autour de Genève. Trois nouvelles gares seront ouvertes entre Eaux-Vives et Cornavin : Lancy-Pont Rouge, Carouge-Bachet et Champel-Hopital.

Cette ligne desservira, côté français, une partie du bassin d'habitat, le long d'une étoile ferroviaire à trois branches (vers Bellegarde, vers la vallée de l'Arve, et enfin vers le Chablais et l'agglomération de Thonon - Evian).

Le projet CEVA permettra la mise en service d'un système de transport cadencé, rapide et concurrentiel à la voiture dans l'agglomération franco-valdo-genevoise. Ceci devrait avoir pour effet le désengorgement des routes, des gains de productivité, une réduction des émissions de polluants et une amélioration du cadre de vie des populations concernées. Les usagers bénéficieront notamment d'un meilleur accès aux différents bassins d'emplois et aux pôles de service tandis que les habitants de l'Ain et de la Haute-Savoie pourront profiter d'une meilleure desserte des stations et sites touristiques du Chablais et de la Vallée de l'Arve.

Globalement, on estime que les voyageurs suisses et français gagneront en temps de parcours - 20 mn de train entre Annemasse et Genève-Cornavin et il y aura davantage de trajets directs depuis la Haute-Savoie - et en fréquence de transport - un train toutes les 10 mn entre Annemasse et Genève-Cornavin et un train toutes les 30 mn sur les autres branches de l'étoile ferroviaire d'Annemasse, soit entre Annemasse et Evian, entre Annemasse et la Roche-sur-Foron et Annemasse et Bellegarde. Par sa fréquence, son maillage, son confort (rames neuves), la nouvelle offre est assimilée à un réseau express régional (RER).

Les études de trafic concluent à un report de la route sur le train d'environ 5 000 personnes par jour à la mise en service, dont 3 500 sur les relations avec Genève et 1 500 sur les relations franco-françaises.

Selon les études socio-économiques réalisées, la nouvelle offre de transport devrait permettre d'accroître le trafic transfrontalier de plus de 170 % et de 87 % sur les relations franco-françaises. Le trafic journalier sur l'ensemble des origines-destinations devrait passer de 5 400 voyageurs à 13 000 voyageurs à l'achèvement du projet, soit une augmentation de 142 %.

Le projet CEVA s'accompagnera également d'une offre urbaine de type Réseau Express Régional dans l'agglomération genevoise avec le Leman Express, de liaisons interrégionales plus performantes vers Lausanne, Saint-Gervais, Evian, Annecy ou Lyon ainsi que de lignes interconnectées avec les réseaux nationaux et internationaux : Paris, Berne et Genève-aéroport. Genève-Aéroport sera à l'avenir desservi par le train.

À moyen terme, l'extension des réseaux de TCSP de Genève en France est aussi envisagée.

D. TRACÉ, FINANCEMENT ET RÉALISATION

Liaison ferroviaire Genève Cornavin - Genève Eaux-Vives - Annemasse (Ceva)

Source : ministère des affaires étrangères et du développement international

Une convention relative au financement des travaux pour la partie française du CEVA (section Annemasse-frontière, gare d'Annemasse, gare d'Evian, branche de La Roche-sur-Foron) a été signée le 19 novembre 2013 sur la base d'un coût total (études et travaux) pour la France de 234,25 millions d'euros. La répartition pour la phase travaux entre les différents partenaires s'établit comme suit :

- État : 40,6 M€ ;

- Région Auvergne Rhône-Alpes : 51 M€ ;

- Conseil général de Haute Savoie : 61 M€ ;

- SNCF Réseau : 31,9 M€ ;

- Annemasse Agglomération : 10,4 M€ ;

- Syndicat intercommunal d'aménagement du Chablais : 4,4 M€ ;

- Communauté de communes Pays Rochois : 0,5 M€ ;

- Communauté de communes Arve et Salève : 0,5 M€ ;

- Communauté de communes Faucigny-Glières : 0,5 M€ ;

- et Confédération suisse : 14,5 M €.

L'investissement suisse représente 1,266 milliard d'euros pour un coût total de 1,5 milliard d'euros.

Un apport complémentaire de l'État de 950 000 € sera réduit à due concurrence des financements mis en place par la communauté de communes du pays du Mont-Blanc et la communauté de communes de Cluses-Arve et Montagnes (Haute-Savoie).

Le projet CEVA comprend des travaux côté France et côté Suisse.

Côté France, les travaux, de moindre ampleur, consistent en :

- la création d'une ligne nouvelle entre la gare d'Annemasse et la frontière, en souterrain : les travaux du génie civil de cette tranchée couverte seront achevés en mars 2017. Les travaux d'équipements ferroviaires vont démarrer en décembre 2016 et seront achevés en décembre 2018 ;

- la création d'une nouvelle voie à quai en gare d'Annemasse, d'un nouveau quai : ces travaux seront réalisés en 2018.

- des travaux sur les branches de l'étoile ferroviaire d'Annemasse, en cours de réalisation et qui seront achevés en décembre 2018.

Ainsi, l'ensemble des travaux du projet CEVA côté France seront achevés en décembre 2018.

Côté Suisse, il s'agit de créer une ligne nouvelle entre la frontière et Genève Cornavin, ainsi que des gares nouvelles. Les travaux seront achevés en décembre 2019, pour une mise en service en 2020.

DEUXIÈME PARTIE : LES STIPULATIONS DES CONVENTIONS FERROVIAIRES FRANCO-SUISSES

I. LES STIPULATIONS DE LA CONVENTION RELATIVE À LA LIGNE BELFORT-DELLE

A. LA RÉHABILITATION DE LA LIGNE DE BELFORT À LA FRONTIÈRE

Aux termes de l'article 1, la présente convention détermine les engagements réciproques des parties concernant les modalités de financement et d'exécution des études et travaux nécessaires à la réhabilitation de la ligne Belfort-Delle en vue de réactiver le trafic ferroviaire entre Belfort et Delémont. Elle règle également la répartition des compétences et responsabilités entre les gestionnaires d'infrastructure concernant la capacité et la gestion du trafic, ainsi que l'entretien et le renouvellement de l'infrastructure.

L'article 2 est consacré aux définitions des termes de la convention.

Les travaux nécessaires à la réhabilitation de la ligne Belfort-Delle sont listés à l'article 3 : modernisation de la voie, électrification de la ligne, travaux d'adaptation des ouvrages d'art et de sécurisation des passages à niveaux, création de nouvelles haltes ferroviaires, adaptation des gares de Belfort et Delle, équipement de nouvelles installations de signalisation et de télécommunication. Ils rendront possible la circulation de trains jusqu'à 140 km/h et la création de deux points de croisement permettra une fréquence de deux trains par heure.

La convention prévoit que ces travaux seront exécutés sur chaque territoire dans l'objectif d'une mise en service simultanée.

S'agissant de la propriété des ouvrages et des équipements réalisés, l'article 4 indique que le principe de la territorialité s'applique, sous réserve d'exceptions locales visant à assurer la continuité technique des ouvrages et des équipements. Le même principe s'applique à la maîtrise d'ouvrage des travaux, sauf accords particuliers, ainsi qu'au financement des travaux et à l'évolution des coûts.

Compte tenu de l'utilité socio-économique du projet pour la Suisse, l'article 5 précise qu'à titre dérogatoire, la partie suisse s'engage à accorder une contribution forfaitaire d'un montant de 24,5 millions de francs suisses (valeur octobre 2003). Une convention relative au financement de l'opération de réouverture de la ligne ferroviaire Belfort - Delle au trafic voyageur a été signée le 1 er septembre 2014 ( cf. supra ).

B. L'EXPLOITATION ET LA MAINTENANCE DE LA LIGNE BELFORT-DELLE-DELÉMONT

Aux termes de l'article 6, l'entretien et le renouvellement de l'infrastructure de la ligne ferroviaire sont assurés par le gestionnaire d'infrastructure selon le principe de territorialité, sous réserve d'une délégation possible au gestionnaire d'infrastructure de l'autre partie. Le principe de territorialité s'applique également à la tarification de l'infrastructure (article 8) et à la réglementation applicable (article 9).

Les gestionnaires d'infrastructures français et suisses sont respectivement SNCF-Réseau et les Chemins de Fer Fédéraux (CFF).

Selon l'article 7, la répartition de la capacité est opérée en étroite concertation par les organismes français et suisse compétents tout au long du processus, en privilégiant les sillons cadencés. En réponse aux questions écrites de votre rapporteur, les services du ministère des affaires étrangères et du développement international 4 ( * ) lui ont précisé que les sillons ferroviaires sont des capacités de voie qui sont attribués à chaque train par SNCF Réseau, le gestionnaire d'infrastructure, et que les sillons dits cadencés doivent répondre aux critères suivants :

- faire partie d'un ensemble d'au moins 7 unités journalières dans chaque sens (aller et retour) ;

- être commandé au moins 200 jours sur la durée du service annuel ;

- et être des sillons identiques au niveau de l'origine-destination, de la desserte et du temps de parcours, tous demandés avec le même minutage horaire (même minute en une gare donnée, chaque heure de demande) et symétriques entre sens sur un axe de symétrie temporel.

Les organismes français et suisses compétents en matière de répartition des capacités sont SNCF-Réseau et les CFF. À la gare de Delle, cette répartition est assurée par le gestionnaire d'infrastructure français.

La gestion du trafic fait également l'objet d'une étroite coopération entre les gestionnaires d'infrastructures qui se coordonnent notamment pour l'élaboration des instructions et consignes de sécurité. Enfin il est prévu que la fourniture du courant de traction sur la ligne Belfort-Delle incombe au gestionnaire d'infrastructure français et sur la ligne Delle-Delémont, au gestionnaire d'infrastructure suisse qui doit également se charger des aménagements spécifiques pour accueillir les trains suisses en gare de Delle. Le caractère binational de cette future infrastructure nécessite effectivement des aménagements techniques spécifiques en gare de Delle, afin d'assurer la transition entre les différents types de signalisations nationales. Par ailleurs, la tension électrique sur l'itinéraire au-delà de la frontière est exploitée en 15 000 V alors que du côté français, la tension est de 25 000 V. C'est pourquoi le projet prévoit la création d'une voie en 15 000 V jusqu'à la gare de Delle ainsi que la mise en place des sections de séparation électrique nécessaires entre les deux réseaux.

Selon les informations communiquées par les services du ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer auditionnés 5 ( * ) , la SNCF-Réseau et les CFF se seraient mis d'accord sur dix aller-retour quotidiens entre la Suisse et la France avec des trains suisses « Flirt » 6 ( * ) et six aller-retour quotidiens avec du matériel français.

C. LES QUESTIONS DOUANIÈRES ET DE SÉCURITÉ

Aux termes de l'article 10, les contrôles douaniers mais aussi sanitaires, phytosanitaires, vétérinaires, etc. feront l'objet d'accords additionnels, en application de la convention du 28 septembre 1960 relative aux bureaux à contrôles nationaux juxtaposés (BCNJ) et aux contrôles en cours de route, qui formalise les mesures destinées à faciliter le franchissement des frontières entre la France. Le champ d'application de cette convention de 1960 couvre les trafics routier, maritime, ferroviaire, aérien et navigable.

Dans le domaine ferroviaire, cette convention prévoit que les zones où s'effectuent les contrôles sont constituées par :

- une partie de la gare et de ses installations,

- la section de voie entre la frontière et le bureau de douane, ainsi que des parties des gares situées sur ce parcours,

- dans le cas d'un contrôle de train en cours de route, le train sur le parcours déterminé ainsi qu'une partie des gares où commence ce parcours et où il prend fin, de même que des parties des gares traversées par le train.

La convention traite également de la création de bureaux à contrôles nationaux juxtaposés et détaille les conditions dans lesquelles les agents de chaque État exerceront leurs fonctions dans l'autre État, les modalités des contrôles des personnes et des biens, et les conditions de saisie des marchandises ou de retournement des personnes aux frontières. Des contrôles en cours de route sur des lignes ferroviaires ou navigables reliant les deux États peuvent aussi être prévus. Une trentaine d'accords BCNJ ont déjà été signés entre la France et la Suisse.

Les services de la Direction générale des douanes et des droits indirects interrogés par votre rapporteur 7 ( * ) lui ont précisé qu'un BCNJ peut être une plate-forme (routière, gare, aéroport, port), regroupant en un site unique, les administrations concernées des deux États, et où s'effectuent les opérations de contrôles des personnes, des marchandises ainsi que les opérations de dédouanement. Il est composé de zones réservées aux administrations de chacun des États, séparées par une « frontière administrative », et de zones communes auxquelles les services des deux États peuvent avoir accès (correspondant généralement aux installations de parking, voire à des matériels techniques mis en synergie). Un nouveau BCNJ sera créé en gare de Delle.

Selon l'article 11, les autorités nationales de sécurité ferroviaires sont compétentes sur leur territoire national et se coordonnent pour les questions de sécurité ferroviaire concernant la ligne Belfort-Delle-Delémont. L'Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) est l'autorité française compétente en matière de sécurité ferroviaire. Son homologue suisse est l'Office Fédéral des Transports.

De la même façon, l'article 12 prévoit la coordination des autorités en charge de la sécurité civile, même si en cas d'urgence, chaque État peut autoriser les équipes de secours de l'autre État à intervenir sur son territoire national.

D. LES CONVENTIONS ULTÉRIEURES SPÉCIFIQUES ENTRE GESTIONNAIRES D'INFRASTRUCTURES

L'article 13 prévoit la signature par les gestionnaires d'infrastructures de conventions spécifiques qui préciseront notamment les modalités d'intervention au-delà des frontières respectives pour la réalisation de travaux, les modalités de coordination en matière de répartition des capacités, les modalités de fourniture du courant électrique, les modalités de mise au point des instructions et consignes de sécurité ainsi que les exceptions locales au principe de territorialité.

Ces conventions spécifiques entre les gestionnaires d'infrastructure suisse et français sont en cours de négociation.

Par ailleurs, toute nouvelle dénomination ou organisation des gestionnaires d'infrastructures doit, selon l'article 14, faire l'objet d'une notification à l'autre partie.

E. LE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS ET LES DISPOSITIONS FINALES

Aux termes de l'article 15, le règlement des différends relatifs à l'application ou à l'interprétation de la présente convention est soumis en premier lieu au comité de pilotage franco-suisse prévu par la convention franco-suisse du 5 novembre 1999 relative au raccordement de la Suisse au réseau ferré français, notamment aux liaisons à grande vitesse.

Le Comité de pilotage a été créé dans le cadre de la convention du 5 novembre 1999 précitée. Ce comité a été institué pour traiter les questions de raccordement ferroviaire entre les réseaux suisse et français et, notamment, pour s'assurer de la bonne coordination entre les acteurs concernés des deux pays.

Il se réunit au moins une fois par an et se compose des représentants désignés par le gouvernement français et le conseil fédéral suisse. Ces représentants sont issus de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) pour la France et de l'Office fédéral des transports pour la Suisse. Les gestionnaires de l'infrastructure et les entreprises ferroviaires concernés y participent en tant que de besoin. Chaque partie contractante assure les relations avec les collectivités territoriales de son ressort.

À défaut de parvenir à un règlement amiable, le différend est porté en second lieu devant un tribunal arbitral composé de trois membres : un arbitre nommé par chacune des parties contractantes et un troisième arbitre désigné d'un commun accord par les deux premiers, qui assume la présidence du tribunal. Le tribunal statue à la majorité des voix. Ses décisions sont définitives et ont force obligatoire.

Enfin, l'article 16 prévoit que la présente convention entre en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant le jour de la réception de la seconde notification.

Conclue pour une durée initiale de trente-cinq ans, elle est renouvelable par tacite reconduction pour de nouvelles périodes de cinq ans, sauf dénonciation. La Suisse a achevé sa procédure de ratification de la convention en septembre 2014.

II. LES STIPULATIONS DE LA CONVENTION RELATIVE À LA LIGNE ANNEMASSE -GENÈVE

Cette convention, qui est le fruit de négociations menées entre 2002 et 2013, s'inscrit dans la continuité de la convention franco-suisse pour le raccordement d'un chemin de fer d'Annemasse à Genève signée le 14 juin 1881, qui prévoyait déjà la construction d'une deuxième voie ferroviaire entre Genève et Annemasse. Cette convention de 1881 comporte toutefois des stipulations contraires au droit de l'Union européenne et fait actuellement l'objet d'une procédure de mise en conformité qui devrait prendre la forme d'une abrogation des dispositions non conformes.

A. LA MODERNISATION DE LA LIGNE D'ANNEMASSE À GENÈVE -EAUX-VIVES

L'article 1 de la présente convention présente son objet qui consiste en la modernisation de la ligne ferroviaire d'Annemasse à Genève-Eaux-Vives, en vue de son raccordement à la gare de Genève-Cornavin, son entretien et le renouvellement de l'infrastructure, la répartition de la capacité et la régulation de la circulation ainsi que la définition des règles applicables en matière de contrôles et d'accords douaniers, de régime fiscal des titres de transport, de sécurité ferroviaire et de sécurité civile.

Les définitions des termes de la convention sont précisées à l'article 2.

L'article 3 donne la liste des travaux : mise à double voie de la ligne ferroviaire Annemasse à Genève-Eaux-Vives, en tranchée couverte au passage de la frontière, modernisation de la ligne en vue de son utilisation pour le transport régional frontalier et le transport international de voyageurs et plus exceptionnellement pour le transport des marchandises, équipement de la ligne en courant de traction suisse et en signalisation suisse et aménagement de dispositifs spécifiques en gare d'Annemasse permettant l'accueil des trains suisses.

Ces travaux seront exécutés sur chaque territoire dans l'objectif d'une mise en service simultanée.

S'agissant de la propriété des ouvrages et des équipements réalisés, l'article 4 indique que le principe de la territorialité s'applique, sous réserve d'exceptions locales visant à assurer la continuité technique des ouvrages et des équipements. Le même principe s'applique à la maîtrise d'ouvrage des travaux mais le gestionnaire d'infrastructure français peut choisir de confier au gestionnaire d'infrastructure suisse tout ou partie de la maîtrise d'ouvrage des travaux.

Ce principe de territorialité s'applique également, selon l'article 5, au financement des travaux ainsi qu'à l'entretien et au renouvellement de l'infrastructure. Toutefois, à titre dérogatoire, les coûts d'investissement et d'entretien des aménagements et équipements spécifiques pour accueillir les trains suisses en gare d'Annemasse sont financés par la partie suisse à hauteur de 15,7 millions d'euros. Une convention de financement précise les modalités d'appel et de versement de cette somme.

B. L'EXPLOITATION ET LA MAINTENANCE DE LA LIGNE ANNEMASSE - GENÈVE -EAUX-VIVES

Aux termes de l'article 6, l'entretien et le renouvellement de l'infrastructure de la ligne ferroviaire sont assurés par le gestionnaire d'infrastructure selon le principe de territorialité, sous réserve d'une délégation possible au gestionnaire d'infrastructure de l'autre partie. Le principe de territorialité s'applique également à la réglementation applicable (article 9) et à la tarification de l'infrastructure (article 8), étant observé qu'il s'agit d'un projet suisse à titre principal et que la tarification des services conventionnés sera largement influencée par la politique tarifaire des autorités organisatrices suisses.

Il faut préciser en outre que le transport de marchandises dangereuses sur cette ligne est exclu conformément au règlement concernant le transport international ferroviaire des marchandises dangereuses (RID). En revanche, les spécifications techniques d'interopérabilité relatives à la sécurité dans les tunnels ferroviaires (STI-SRT) 8 ( * ) qui définissent les mesures à mettre en oeuvre pour prévenir les accidents et atténuer leur gravité dans les tunnels ferroviaires sont applicables à cette ligne ferroviaire.

L'article 7 prévoit que la régulation de la circulation sur cette ligne ainsi que la fourniture du courant électrique de traction sont confiées au gestionnaire d'infrastructure suisse qui facture ses prestations au gestionnaire d'infrastructure français au prorata kilométrique de la ligne de chaque côté de la frontière. Le gestionnaire d'infrastructure suisse est également chargé d'établir les instructions et consignes de sécurité, en coordination avec celles définies par le gestionnaire d'infrastructure français s'agissant de la gare d'Annemasse. En revanche, la répartition de la capacité est opérée en étroite concertation par les organismes français et suisse compétents tout au long du processus, en privilégiant les sillons cadencés 9 ( * ) .

C. LES QUESTIONS DOUANIÈRES ET FISCALES

L'article 10 prévoit la conclusion d'un accord douanier en application de la convention franco-suisse du 28 septembre 1960 précitée, relative aux bureaux à contrôles nationaux juxtaposés (BCNJ) et aux contrôles en cours de route. Il mentionne également la possibilité pour les parties de conclure des accords réglant la perception des redevances et les formalités douanières, en vue de faciliter le déroulement des travaux de construction, d'entretien et de renouvellement.

En réponse aux questions de votre rapporteur 10 ( * ) , les services de la Direction des douanes interrogés lui ont indiqué que la négociation de l'accord BCNJ en gare d'Annemasse et en cours de route sur la ligne CEVA n'avait pas débuté. Ils ont souligné que la négociation d'un accord BCNJ en gare et en cours de route supposait, au préalable, de connaître les infrastructures (locaux de contrôles français et suisses, répartition des zones de contrôles) et l'aiguillage des trains (numéros des quais dédiés spécifiquement aux flux France-Suisse). Ils ont mentionné plusieurs difficultés locales, qui ne permettent pas, pour l'heure, de créer un BCNJ en gare d'Annemasse et en cours de route :

- les aménagements de la gare d'Annemasse afin d'intégrer les services douaniers français ne répondent pas au besoin des services (trois modules de contrôles de 8 m 2 ont été accordés aux services français qui estiment leurs besoins à quatre) et l'administration douanière suisse ne semble pas avoir été intégrée dans le projet ;

- l'aiguillage des trains en gare d'Annemasse n'est pas à l'étude, or pour la bonne exécution des missions des services douaniers, l'accord BCNJ doit intégrer des quais de gare uniquement réservés aux trains à destination et arrivant de Suisse, afin de séparer le flux de passagers internationaux des flux nationaux ;

- la question des financements des travaux des locaux et de l'aménagement de la structure du BCNJ est en suspens.

L'article 11 relatif au régime fiscal et douanier relatif aux titres de transport a fait l'objet d'un échange de lettres interprétatif en vue d'écarter tout risque de mauvaise interprétation qui pourrait laisser croire que les bénéfices tirés des ventes de billets seraient susceptibles d'être complètement exonérés. Il y est ainsi précisé que les stipulations dudit article ne visent que les impositions indirectes assises sur les titres de transport et qu'elles n'affectent pas, en conséquence, l'application des stipulations de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 sur la répartition des droits d'imposer les bénéfices des entreprises et des établissements publics concernés.

D. LES QUESTIONS DE SÉCURITÉ

Aux termes de l'article 12, les autorités nationales de sécurité ferroviaires sont compétentes sur leur territoire national et se coordonnent pour les questions de sécurité ferroviaire concernant la ligne Annemasse-Genève-Eaux-Vives.

L'article 13 prévoit que chaque État peut autoriser les équipes de secours de l'autre État à intervenir sur son territoire, en cas d'urgence. L'intervention des équipes de secours est régie par l'accord franco-suisse du 14 janvier 1987 sur l'assistance mutuelle en cas de catastrophe ou d'accident grave.

L'article précité crée également un comité de sécurité civile dit « comité de sécurité CEVA », dont la mission est de préciser l'organisation des interventions et les modalités de collaboration en matière de sécurité publique et de lutte contre les flux de délinquance sur la section frontière du tracé située entre la gare d'Annemasse (France) et la halte de Chêne-Bourg (Suisse) sur une distance d'environ 3 km.

Installé en octobre 2015, il est co-présidé par le préfet de la Haute-Savoie et un représentant de l'Office fédéral des transports et réunit outre les services de secours, les services en charge de la sécurité publique, la police aux frontières, les autorités judiciaires et les douanes.

Traitant les aspects liés à la sécurité civile, à la sécurité publique et aux incidents d'exploitation, il est chargé de préparer et de valider les concepts d'intervention des secours et des forces de l'ordre ainsi que les modalités de mise en oeuvre du contrôle aux frontières. Pour ce faire, il s'appuie sur trois sous-groupes composés d'experts dans ces domaines qui sont choisis par les autorités compétentes sur le territoire des deux parties.

Répondant par écrit aux questions de votre rapporteur, les services du ministère des affaires étrangères et du développement international 11 ( * ) lui ont indiqué que, pour ce qui concerne les questions de sécurité civile, un plan de secours binational est actuellement en cours de rédaction, visant à prévoir les interventions de secours aux personnes, en collaboration réciproque et organisée, entre les deux pays en cas de crise (incendie, déraillement...).

S'agissant des questions liées à l'ordre public, ces mêmes services lui ont également fait savoir que les modalités d'organisation des interventions et de la collaboration franco-suisse en matière de lutte contre la délinquance se poursuivent. Sur ce point, l'enjeu est bien de lutter efficacement contre les dangers transfrontaliers et la criminalité internationale, très marquée sur ce secteur, au moyen d'un dispositif de sécurité publique fondé sur la coopération transfrontalière. La zone de sécurité prioritaire d'Annemasse-Ambilly-Gaillard, englobant le secteur frontalier concerné, révèle l'existence d'une délinquance internationale s'abritant de part et d'autre de la frontière, au gré des poursuites policières ou judiciaires. Cette ligne de transport comporte ainsi le risque de faciliter des flux illicites, si les compétences de puissance publique ne sont pas partagées entre les deux pays. Il s'agit, également, de permettre à la Douane et à la police aux frontières de poursuivre leur travail de contrôle des flux frontaliers de personnes, sans pénaliser le trafic.

Lors du dernier comité de sécurité, en formation plénière, du 6 octobre dernier, une volonté politique commune s'est dégagée, sur ce point précis de sécurité publique et d'action de police, pour rechercher les moyens de consolider et de développer les dispositifs existants de coopération et d'intervention entre les services chargés des missions de police, de sûreté et de douane, non seulement sur les 3 km de section frontière précitée, mais aussi jusqu'à la gare de Genève-Cornavin.

Les services du ministère des affaires étrangères et du développement international ont souligné qu'une évolution de l'accord franco-suisse relatif à la coopération transfrontalière en matière judiciaire, policière et douanière, signé à Paris le 9 octobre 2007, avait été proposée, afin de permettre une coopération policière et judiciaire renforcée, donnant notamment la possibilité aux forces de l'ordre d'exercer pleinement leurs missions sur cette ligne ferroviaire, de part et d'autre de la frontière, dans le respect du droit de chaque pays. La mise en place de patrouilles mixtes de manière régulière ou d'une brigade autonome mixte a été évoquée. Les polices ferroviaires existantes pourraient être également associées au dispositif. Enfin, un dispositif de vidéo-protection dans les gares, rames, et éventuellement dans le tunnel sous-terrain transfrontalier est également à l'étude.

En conclusion, les travaux du comité se sont développés dans le souci d'une collaboration active entre les forces d'intervention des deux pays, en y intégrant l'aspect de sécurité publique. Sur ce dernier point, les échanges sont productifs, mais la mise en oeuvre des dispositifs communs nécessitent une poursuite des travaux lancés dans la perspective d'une ouverture commerciale de la ligne en 2019.

E. LES CONVENTIONS ULTÉRIEURES SPÉCIFIQUES ENTRE GESTIONNAIRES D'INFRASTRUCTURES

L'article 14 désigne les gestionnaires d'infrastructure français et suisse à la date d'entrée en vigueur de la présente convention. Il s'agit respectivement de Réseau ferré de France (RFF) et des Chemins de fer fédéraux (CFF).

L'article 15 prévoit qu'une convention ultérieure entre les gestionnaires d'infrastructures précisera les modalités d'exercice de leurs attributions en bonne entente pour la réalisation de travaux, l'entretien et du renouvellement de la ligne ferroviaire, la régulation de la circulation, la fourniture du courant électrique, les instructions et consignes de sécurité ainsi que les exceptions locales au principe de territorialité.

F. LE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS ET LES DISPOSITIONS FINALES

Aux termes de l'article 16, le règlement des différends relatifs à l'application ou à l'interprétation de la présente convention est soumis en premier lieu au comité de pilotage franco-suisse 12 ( * ) prévu par la convention franco-suisse du 5 novembre 1999 relative au raccordement de la Suisse au réseau ferré français, notamment aux liaisons à grande vitesse.

À défaut de parvenir à un règlement amiable, le différend est porté en second lieu devant un tribunal arbitral composé de trois membres : un arbitre nommé par chacune des parties contractantes et un troisième arbitre désigné d'un commun accord par les deux premiers, qui assume la présidence du tribunal. Le tribunal statue à la majorité des voix. Ses décisions sont définitives et ont force obligatoire.

Enfin, l'article 17 prévoit que la présente convention entre en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant le jour de la réception de la seconde notification.

Conclue pour une durée initiale de trente-cinq ans, elle est renouvelable par tacite reconduction pour de nouvelles périodes de cinq ans, sauf dénonciation. La Suisse a ratifié la présente convention le 4 juin 2015.

CONCLUSION

Après un examen attentif des stipulations de cet accord, la commission a adopté ces deux projets de loi, autorisant, d'une part, l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative aux travaux et au cofinancement par la Suisse de l'opération de réactivation du trafic ferroviaire sur la ligne Belfort-Delle ainsi qu'à l'exploitation de la ligne Belfort-Delle-Delémont, et, d'autre part, l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse concernant la modernisation et l'exploitation de la ligne ferroviaire d'Annemasse à Genève (ensemble un échange de lettres interprétatif).

En effet, ces deux conventions présentent, pour la France comme pour la Suisse, l'intérêt de créer, sur le plan institutionnel, des bases juridiques solides pour la gouvernance de la réalisation, du financement, de la gestion et de l'exploitation de ces deux lignes ferroviaires. Plus généralement, elles faciliteront le transport de voyageurs entre les grandes agglomérations françaises et suisses et contribueront à l'accroissement du trafic ferroviaire ainsi qu'à l'expansion des relations et des échanges entre la France et la Suisse.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 14 décembre 2016, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, a procédé à l'examen du rapport de M Cédric Perrin, sur les projets de loi n° 154 (2015-2016) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative aux travaux et au cofinancement par la Suisse de l'opération de réactivation du trafic ferroviaire sur la ligne Belfort-Delle ainsi qu'à l'exploitation de la ligne Belfort-Delle-Delémont et n° 847 (2015-2016) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse concernant la modernisation et l'exploitation de la ligne ferroviaire d'Annemasse à Genève (ensemble un échange de lettres interprétatif).

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté le rapport ainsi que les projets de loi précités à l'unanimité.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Ministère de l'Environnement, de l'Energie et de la Mer :

Mme Martine BARTHET , direction générale des Infrastructures, des Transports et de la Mer, cheffe de bureau ;

M. Michel VIKTOROVITCH , direction générale des Infrastructures, des Transports et de la Mer, sous-direction du développement et de la gestion des réseaux ferroviaires, chargé de projets ;

M. Mafal THIAM , direction générale des Infrastructures, des Transports et de la Mer, sous-direction du développement et de la gestion des réseaux ferroviaires, chargé de mission conventions internationales.

Ministère de l'Economie et des Finances :

M. Pascal ESTEVES , direction générale des Douanes et Droits indirects.

Ministère des Affaires étrangères et du développement international :

Mme Nathalie GILBERT , direction de l'Union européenne, sous-direction de l'Allemagne et de l'Europe alpine et adriatique, rédactrice ;

Mme Carine VIALLON , mission des accords et traités, rédactrice.


* 1 Cantons de Genève et de Vaud et une partie des départements de l'Ain et de la Haute-Savoie.

* 2 Audition du 1 er décembre 2016.

* 3 Système de transport public de voyageurs, utilisant une voie ou un espace affectés à sa seule exploitation, bénéficiant généralement de priorités aux feux et fonctionnant avec des matériels allant des autobus aux métros, en passant par les tramways.

* 4 Source : réponses au questionnaire écrit de la commission.

* 5 Audition du 1 er décembre 2016.

* 6 Flirt pour Flinker Leichter Innovativer Regional-Triebzug (« automotrice innovante agile et légère pour trafics régionaux »), construits par l'entreprise suisse Stadler Rail.

* 7 Source : réponse au questionnaire.

* 8 La STI-SRT correspond à la décision de la Commission c52007) 6450 du 20 décembre 2007 concernant la spécification technique d'interopérabilité relative à la sécurité dans les tunnels ferroviaires du système ferroviaire transeuropéen conventionnel et à grande vitesse.

* 9 Voir définition supra .

* 10 Source : réponses au questionnaire.

* 11 Source : réponses au questionnaire écrit de la commission.

* 12 Voir supra .

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