Rapport n° 329 (2016-2017) de M. Yves POZZO di BORGO , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 25 janvier 2017

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N° 329

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 janvier 2017

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , autorisant l' approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne signé le 24 février 2015 pour l' engagement des travaux définitifs de la section transfrontalière de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon - Turin ,

Par M. Yves POZZO di BORGO,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Raffarin , président ; MM. Christian Cambon, Daniel Reiner, Xavier Pintat, Mmes Nathalie Goulet, Josette Durrieu, Michelle Demessine, MM. Alain Gournac, Gilbert Roger, Robert Hue, Mme Leila Aïchi , vice-présidents ; M. André Trillard, Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Alain Néri , secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Pierre Charon, Robert del Picchia, Jean-Paul Émorine, Philippe Esnol, Hubert Falco, Bernard Fournier, Jean-Paul Fournier, Jacques Gillot, Mme Éliane Giraud, M. Gaëtan Gorce, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, M. Alain Joyandet, Mme Christiane Kammermann, M. Antoine Karam, Mme Bariza Khiari, MM. Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Jeanny Lorgeoux, Claude Malhuret, Jean-Pierre Masseret, Rachel Mazuir, Christian Namy, Claude Nougein, Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Cédric Perrin, Yves Pozzo di Borgo, Henri de Raincourt, Alex Türk, Raymond Vall, Bernard Vera .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

4170 , 4303 et T.A. 876

Sénat :

271 et 330 (2016-2017)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi du projet de loi n° 271 (2016-2017) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne signé le 24 février 2015 pour l'engagement des travaux définitifs de la section transfrontalière de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin.

Ce projet de loi a pour objet de ratifier l'avenant prévu à l'article 4 de l'accord de 2001, afin d'engager les travaux définitifs de la section transfrontalière de la ligne Lyon-Turin, soit le franchissement du massif alpin par un tunnel de base de 57,5 km de long entre Saint-Jean-de-Maurienne en France et Suse - Bussoleno en Italie.

Cet avenant, qui marque une étape définitive de ce projet phare de la coopération franco-italienne, fait suite aux trois précédents accords relatifs à la réalisation de la ligne ferroviaire Lyon-Turin, dont la ratification a également été autorisée par le parlement. Il est constitué de l'accord franco-italien signé à Paris le 24 février 2015 ; de son protocole additionnel signé à Venise le 8 mars 2016 ainsi que du règlement des contrats conclus, approuvés ou autorisés par le promoteur public pour la réalisation de cette section transfrontalière, qui a été validé par la commission intergouvernementale, le 7 juin 2016.

Cet avenant fixe le coût certifié du projet qui s'élève à 8,3 milliards d'euros (valeur janvier 2012), ainsi que les modalités d'établissement du coût prévisionnel et de répartition des dépenses réelles. Il précise également les engagements pris par la France et l'Italie, afin de lutter contre la criminalité organisée et les pratiques mafieuses et prévoit la rédaction d'un règlement des contrats, qui fait partie intégrante de l'avenant, afin de lutter contre les infiltrations mafieuses dans le cadre de la passation et de l'exécution des contrats conclus par le promoteur public, la société Tunnel Euralpin Lyon Turin (TELT SAS), pour la réalisation de cette section transfrontalière.

En conséquence, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a adopté ce projet de loi, dont le Sénat est saisi en second . Cette nouvelle ligne ferroviaire permettra un report modal, de la route vers le rail, des marchandises mais aussi des voyageurs, ce qui profitera à l'environnement en général et à la protection des Alpes en particulier - la France a signé la Convention Alpine de 1991 et son protocole pour les transports de 2000 -, tout en améliorant la sécurité routière. Par ailleurs, la section transfrontalière de cette nouvelle liaison ferroviaire est un élément clé du corridor transeuropéen méditerranéen, au sein du réseau central du réseau transeuropéen de transport (RTE-T), un des principaux itinéraires ferroviaires prévus par l'Union européenne pour relier la péninsule ibérique à l'Europe orientale en passant par la France et l'Italie et reçoit à ce titre le soutien politique et financier de l'Union européenne.

PREMIÈRE PARTIE : LA SECTION TRANSFRONTALIÈRE DE LA NOUVELLE LIGNE LYON-TURIN

I. L'ENGAGEMENT DE TRAVAUX DÉFINITIFS DE LA SECTION TRANSFRONTALIÈRE

A. UNE PHASE ANNONCÉE PAR LES PRÉCÉDENTS ACCORDS

Le projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin a déjà fait l'objet de trois accords entre la France et l'Italie , l'accord du 15 janvier 1996 relatif à la création d'une commission intergouvernementale (CIG) pour la préparation et la réalisation d'une ligne à grande vitesse entre Lyon et Turin ; l'accord du 29 janvier 2001 pour la réalisation d'une nouvelle ligne Lyon-Turin qui a conduit notamment à la création d'un promoteur public, Lyon-Turin Ferroviaire (LTF) chargé de mener les études, les reconnaissances et les travaux préliminaires et enfin l'accord du 30 janvier 2012 pour la réalisation et l'exploitation de la nouvelle ligne.

Cet accord de 2012 a notamment défini les modalités de gouvernance du projet, en instituant un promoteur public, contrôlé à égalité par les deux États, chargé de la conception, de la réalisation et de l'exploitation de la section transfrontalière. Il a précisé les principes juridiques, économiques et financiers présidant à la passation et l'exécution des contrats de la section transfrontalière. Il a également fixé la clé de financement de la section transfrontalière, ainsi que ses modalités de réalisation.

Les accords de 2001 et de 2012 prévoyaient, en outre, qu'un nouvel accord devait être conclu, puis ratifié, pour autoriser l'engagement des travaux définitifs de la section transfrontalière.

La commission intergouvernementale du Lyon-Turin a finalisé son examen du projet technique de la section transfrontalière en décembre 2014, puis a été chargée par les gouvernements français et italien de préparer l'avenant prévu à l'article 4 de l'accord de 2001, afin d'engager les travaux définitifs de la section transfrontalière de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin.

En réponse à la demande de subvention européenne pour la période 2014-2020, dans le cadre de l'appel à propositions du « Mécanisme pour l'Interconnexion en Europe » (MIE) (cf infra ), la commission européenne s'est dite prête à financer jusqu'à 40 % des travaux de la section transfrontalière en échange de la création effective d'un promoteur public chargé de la conception, de la construction puis de l'exploitation de la section transfrontalière, ainsi que de la signature du nouvel avenant lors du sommet franco-italien du 24 février 2015.

Dans ces circonstances, alors que le processus de certification des coûts et les discussions sur l'interprétation des modalités d'application des clés de répartition du coût du projet n'étaient pas achevés - ils ne l'ont été qu'en octobre 2015 - , la France et l'Italie ont conclu, le 24 février 2015, un nouvel accord « pour l'engagement des travaux définitifs de la section transfrontalière de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin », prévoyant, en son article 3, que les travaux ne pourraient intervenir qu'après la conclusion d'un protocole additionnel validant le coût du projet certifié, d'une part, et précisant les modalités de financement, d'autre part. Ce protocole additionnel a été signé le 8 mars 2016, à Venise.

B. LES TRAVAUX DE LA SECTION TRANSFRONTALIÈRE

La nouvelle liaison ferroviaire entre Lyon et Turin est constituée de sections situées sur les territoires français et italien (les accès) et d'une section transfrontalière, dont les travaux définitifs font l'objet du présent accord. La section transfrontalière est composée du tunnel de base principal de 57,5 km de long, dont 45 km en France et 12,5 km en Italie et des raccordements à la ligne historique, en France, à Saint-Jean-de-Maurienne et, en Italie, à Suse - Bussoleno . Ce tunnel sera constitué de deux tubes à voie unique.

La ligne historique de la Maurienne , qui date de 1871 , est une ligne de montagne qui ne répond ni aux standards des transports internationaux, ni aux critères de sécurité, et qui engendrent des surcoûts. Pour circuler dans le tunnel ferroviaire du Fréjus situé à plus de 1 300 mètres d'altitude , les sections très pentues obligent les trains de fret à rouler à 30 km/h et à être tractées par deux, voire trois locomotives. Il s'agit donc de substituer à cette ligne de montagne, dont le trafic 1 ( * ) plafonne à 4 millions de tonnes par an, une ligne de plaine, plus compétitive , en construisant un tunnel de base - le tunnel du Mont-Cenis - qui permettra de traverser le massif alpin au point le plus bas, avec une pente maximale de 1,2 %.

La carte du tracé de la nouvelle liaison ferroviaire Lyon-Turin, identifiant la section transfrontalière, et le schéma de principe du projet de référence de la section transfrontalière figurent respectivement dans les annexes 1 et 2 2 ( * ) .

Les études et les reconnaissances géologiques (creusement de galeries de reconnaissance qui rempliront d'autres fonctions, issues de secours notamment, à la mise en service de la section transfrontalière) ont été confiées à la société Lyon Turin Ferroviaire (LTF SAS) , filiale commune de Réseau ferré de France (RFF) et de Rete ferroviaria italiana (RFI), dans le cadre posé par l'Accord franco-italien de 2001.

En conformité avec l'Accord franco-italien de 2012, un nouveau promoteur public, Tunnel Euralpin Lyon Turin (TELT SAS) -dont les deux États 3 ( * ) sont actionnaires pour moitié et dont le siège principal est à Chambéry- a pris la suite de LTF SAS, à compter du 23 février 2015 , pour la réalisation des études et travaux préliminaires couverts par l'Accord de 2001. Après ratification de l'Accord de 2015 et de son protocole additionnel, qui font l'objet du présent rapport, TELT SAS, sera chargé de la réalisation des travaux définitifs de la section transfrontalière entre 2017 et 2029 , puis de son exploitation .

Depuis 2001, trois galeries de reconnaissance ont été réalisées par LTF côté France et deux autres sont actuellement en cours sous la direction de la société TELT. Ces ouvrages de reconnaissance sont destinés à être intégrés à l'ouvrage définitif. Selon les informations transmises par les services du ministère des affaires étrangères et du développement international et TELT SAS 4 ( * ) , les travaux de reconnaissance portent actuellement :

- en Italie, sur la réalisation de la galerie de reconnaissance de la Maddalena, sur le territoire de la commune de Chiomonte. Les travaux liés à la mise en place de ce chantier ont débuté en 2011. Les travaux d'excavation de cette galerie de 7 500 mètres sont en cours depuis novembre 2012 et devraient être terminés au printemps 2017 ;

- en France, sur les travaux de reconnaissance depuis le pied de la descenderie de Saint-Martin-La-Porte - cette descenderie, d'une longueur de 2,4 km a été réalisée entre mars 2003 et mars 2010. L'excavation a été engagée à l'été 2015, grâce au tunnelier « Federica », inauguré par le Premier ministre le 21 juillet 2016. Ces travaux devraient durer environ deux ans et demi.

Source : ministère des affaires étrangères et du développement international

Plus précisément, les travaux de reconnaissance depuis le pied de la descenderie de Saint-Martin-la-Porte portent sur :

- la réalisation, au pied de la descenderie actuelle de Saint-Martin-la-Porte, d'un ensemble d'ouvrages d'aménagement qui a permis le montage du tunnelier ;

- la réalisation de la galerie de reconnaissance de 9 km au moyen d'un tunnelier (pour roche dure, à voussoirs) dans l'alignement du tube Sud du futur tunnel de base du tronçon reliant les descenderies de Saint-Martin-La-Porte et de La Praz jusqu'à la base de la descenderie de La Praz. Cette partie inclut également le transport, le montage, le démontage et l'évacuation du tunnelier ;

-  (a) La réalisation d'une nouvelle descenderie de 1,8 km permettant d'atteindre le Point kilométrique 10 du tunnel de base afin d'encadrer les terrains les plus critiques entre la base de la descenderie actuelle et celle réalisée dans le contrat en cours ; (b) La galerie dans l'alignement du tube Sud du tunnel de base à partir du Point kilométrique 10 ;

- La réalisation en méthode traditionnelle, au pied de la descenderie de La Praz, des ouvrages d'aménagement nécessaires au démontage et à l'évacuation du tunnelier.

Source : ministère des affaires étrangères et du développement international

La société TELT auditionnée a indiqué à votre rapporteur que l'ensemble des travaux d'excavation représentait 160 km (57,5 km pour chaque tube du tunnel, le reste pour les descenderies et les bypass de sécurité), que 10 % avaient été réalisés et que 20 % avaient fait l'objet de l'attribution de marchés.

D'autres appels d'offres seront lancés en 2017, notamment pour les travaux définitifs qui commenceront en 2018 et ce, afin de respecter le calendrier prévisionnel présenté en annexe 3 5 ( * ) .

Votre rapporteur tient à souligner que la mise en service du tunnel de base fin 2029 ne sera possible que si les voies d'accès françaises sont opérationnelles à cette même date. Il considère que la mission relative à la programmation des accès au tunnel qui vient d'être confiée par le Gouvernement au Conseil général de l'environnement et du développement durable devrait permettre d'avancer sur ce point.

C. LE FINANCEMENT DE LA SECTION TRANSFRONTALIÈRE

Le protocole additionnel du 8 mars 2016 fixe le coût de la section transfrontalière à 8,3 milliards d'euros (valeur janvier 2012). Sur la base du calendrier prévisionnel et d'un taux annuel de référence de 1,5 % pour actualiser les dépenses prévisionnelles (Cf. infra ), le coût prévisionnel à terminaison des travaux est estimé à 9,6 milliards d'euros courants.

En réponse à la demande de subvention déposée par la France et l'Italie au titre de l'appel à propositions du programme pluriannuel 2014-2020 du Mécanisme pour l'Interconnexion en Europe (MIE), la Commission européenne a attribué une subvention de 813,8 millions d'euros, pour la période 2014-2019, à la section transfrontalière du projet de ligne ferroviaire nouvelle Lyon-Turin . Cette subvention de l'Union européenne correspond à une prise en charge des travaux à hauteur de 40 %, soit le taux maximal permis. Elle a été formalisée dans une convention signée le 1 er décembre 2015. Les commissaires du Gouvernement auditionnés 6 ( * ) ont souligné que l'Union européenne montre une forte volonté d'accompagner le projet au-delà de 2019.

L'article 18 de l'accord de 2012 prévoit que les coûts de réalisation de la section transfrontalière sont partagés entre la France et l'Italie selon la clé de répartition suivante : 42 ,1 % pour la France et 57,9 % pour l'Italie 7 ( * ) , déduction faite de la participation de l'Union européenne qui couvrira 40 % des travaux. En cas de dépassement du coût certifié, la répartition de l'excédent se fera à parts égales entre la France et l'Italie.

Le 21 juillet 2016, lors de l'inauguration du tunnelier «Federica» à Saint-Martin-La-Porte, le Premier ministre a confirmé que la participation financière de la France au coût total du projet s'élèverait à 2,21 milliards d'euros (valeur janvier 2012) ou 2,48 milliards en euros courants, soit 25 % du coût total du projet, ce qui représente environ 200 millions d'euros chaque année pendant la durée du chantier entre 2017 et 2029.

Le financement de la participation française aux travaux définitifs a fait l'objet de réflexions et une mission parlementaire sur ce sujet a ainsi été confiée au député M. Michel Destot et au sénateur M. Michel Bouvard, qui ont remis leur rapport, le 13 juillet 2015, sur les nouvelles sources de financement pour la section transfrontalière.

Le Premier ministre a également annoncé que le projet pourrait bénéficier des financements du Fonds de développement d'une politique intermodale des transports dans le massif alpin (FDPITMA ), alimenté par les recettes des tunnels routiers du Mont Blanc et du Fréjus qui s'élèvent à environ 15 millions d'euros par an.

Les réflexions en cours, en lien notamment avec les services de la Commission européenne, n'excluent pas de nouvelles recettes résultant de la mise en oeuvre d'un sur-péage perçue pour la circulation des poids lourds sur certains tronçons autoroutiers de montagne, appelés à être délestés par le tunnel, au titre de la directive 1999/62/CE dite directive « Eurovignette », conformément aux recommandations de la mission parlementaire de MM. Michel Destot et Michel Bouvard.

Selon les informations transmises par les services du ministère des affaires étrangères et du développement international 8 ( * ) , et les commissaires du Gouvernement auditionnés 9 ( * ) , s'il apparaît possible de retenir un périmètre large pour la mise en oeuvre d'un sur-péage de montagne sur le réseau autoroutier concédé, on ne peut exclure le fait que la mise en oeuvre de ce sur-péage de montagne, après transposition des dispositions facultatives de la directive « Eurovignette », conduise à faire rentrer les contrats de concession autoroutiers historiques concernés dans le champ d'application de cette directive, alors qu'ils en étaient exclus jusqu'ici, notamment s'agissant du niveau maximal de la redevance d'infrastructure. Ceci pourrait alors remettre en cause l'économie de ces contrats et la possibilité de pérenniser la perception de la taxe d'aménagement du territoire, dont une partie vient alimenter le budget de l'Agence de Financement des Infrastructures de Transport de France (AFITF). Les réflexions vont néanmoins se poursuivre dans le cadre de la révision de la directive «Eurovignette », que souhaite engager la Commission européenne. Cette révision pourrait en effet être l'occasion, pour la France, de demander l'introduction de davantage de flexibilité dans le dispositif pour le financement de projets prioritaires d'intérêt européen, comme le projet Lyon-Turin.

En tout état de cause, la part française des premiers travaux préparatoires à la réalisation du tunnel de base sera financée en 2017 via l'AFITF. 293 millions d'euros d'autorisations d'engagement viennent d'être inscrits au budget 2017 de l'AFITF, afin de financer, notamment, la poursuite du chantier de Saint-Martin-La-Porte et les premiers travaux définitifs couverts par l'Accord du 24 février 2015, le puits d'Avrieux, la tranchée couverte de Villard-Clément et les travaux préparatoires sur le réseau autoroutier italien. Si cette somme est suffisante pour l'année 2017, compte tenu d'un besoin de financement estimé à 200 millions d'euros par an sur douze ans, votre rapporteur estime que le financement n'est pas complétement pérennisé pour autant.

II. LES ENJEUX DE LA SECTION TRANSFRONTALIÈRE

A. LE REPORT MODAL DE LA ROUTE VERS LE RAIL ET LA SÉCURISATION DES TRANSPORTS

Le projet ferroviaire Lyon-Turin vise à permettre au mode ferroviaire d'assurer plus de 50 % des échanges de marchandises transitant par les Alpes franco-italiennes.

Les trafics sur les Alpes franco-italiennes se concentrent sur 5 axes qui arrivent à saturation : les tunnels routiers du Mont-Blanc et du Fréjus, l'autoroute côtière A8 qui traverse notamment l'agglomération niçoise, la voie ferrée historique empruntant le tunnel de Fréjus et la ligne ferroviaire côtière.

Les Alpes franco-italiennes sont traversées par des flux majoritairement routiers (36,1 millions de tonnes en 2013) qui représentent 90 % des échanges de fret entre la France et l'Italie. Or, la majorité du trafic routier de marchandises qui emprunte les tunnels routiers parcourt plus de 500 kilomètres et entre donc pleinement dans le domaine de pertinence du mode ferroviaire. Les données de trafic transalpin routier de poids lourds entre 2008 et 2015, ainsi que le volume de marchandises transportées à travers les Alpes par la route et le rail en 2014, y compris par la Suisse et l'Autriche, figurent en annexe 4, document transmis par le ministère des affaires étrangères et du développement international 10 ( * ) .

Les flux ferroviaires, quant à eux - 3,7 millions de tonnes en 2013 - sont en régression depuis 1997, où ils avaient atteint 11 millions de tonnes. La part modale du fer sur les franchissements ferroviaires alpins français est passée de 18,9 % en 2000, à 10,6 % en 2010 et 9,2 % en 2013. Cette baisse s'explique par la concurrence de la route, en général plus accentuée sur des trajets de montagne, et par l'impact des travaux de mise au gabarit du tunnel historique du Mont Cenis.

L'estimation fine des effets du projet sur le trafic s'avère toutefois délicate. Dans ces conditions, il convient sans doute, comme le relevait le rapport de MM. Michel Destot et Michel Bouvard, de ne pas surestimer la validité' des prévisions de trafic qui servent de base aux études de rentabilité', notamment en matière de trafic de marchandises. On peut toutefois envisager un report de 700 000 à 1 000 000 de poids lourds par an de la route vers le rail 11 ( * ) .

Cette nouvelle liaison ferroviaire, qui facilitera les liaisons ferroviaires entre les vallées et les grandes agglomérations alpines de France et d'Italie, apportera un gain de temps significatif aux voyageurs. Le trajet voyageurs entre Lyon et Turin, actuellement similaire entre le mode routier et ferroviaire, avoisinera les trois heures à la mise en service du tunnel de base, soit un gain de 45 min ; le trajet Paris-Milan sera alors de 4 heures contre 7 aujourd'hui et le trajet Milan-Barcelone sera de 6h30 contre 12 actuellement. On estime 12 ( * ) que le trafic international passerait de 1,2 millions de voyageurs à 4 millions, dont 1,2 millions reportés de l'aérien, tandis que le trafic national passerait de 5 millions à 8,7 millions de voyageurs.

L'économie de temps, d'énergie et la réduction de la pollution constituent des bénéfices socio-économiques pour le trafic de voyageurs, venant s'ajouter aux avantages attendus pour le transport des marchandises.

S'agissant du report modal, votre rapporteur considère toutefois qu'il ne tiendra toutes ses promesses que si la France se dote d'une politique globale efficace en faveur du développement du fret ferroviaire.

Ce projet aura également pour objet de sécuriser les transports dans les Alpes franco-italienne marqués par les incendies mortels dans les tunnels routiers du Mont-Blanc en 1999 et du Fréjus en 2015 et par la situation préoccupante de l'autoroute A8 au niveau de Nice - bloquée par un éboulement rocheux en 2006. Force est de constater qu'il n'existe pas d'alternative efficace aux axes routiers entre la France et l'Italie à ce jour et que tout blocage d'un de ces axes entraîne des conséquences considérables sur les échanges commerciaux. De plus, l'importance du trafic de poids lourds sur les routes et autoroutes alpines constitue un important facteur d'insécurité pour la circulation des véhicules légers.

B. LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT

Cette section transfrontalière, en favorisant un fort report modal, permettra la réduction des émissions de polluants nocifs et des nuisances sonores liées à la forte fréquentation des poids lourds dans les vallées alpines - 2,5 millions de poids lourds traversent chaque année les Alpes entre la France et l'Italie, soit 7 000 par jour en moyenne -, la section transfrontalière étant réalisée à environ 90 % de sa longueur en tunnel. On rappelle, à cet égard, que le train est quatre à cinq fois moins polluant qu'un transport routier.

Les flux routiers entre la France et l'Italie sont en effet concentrés sur deux vallées alpines et sur un axe côtier très urbanisé, ce qui conduit à d'importantes nuisances pour les populations concernées et pose des questions de santé publique. C'est particulièrement le cas dans les Alpes, où la fréquence et la durée des pics de pollution sont en augmentation, comme récemment dans la vallée de Chamonix. Ce projet oeuvrera ainsi en faveur du développement durable dans une zone vulnérable au plan environnemental et sur des écosystèmes alpins reconnus fragiles.

À cet égard, on rappellera que la convention Alpine du 7 novembre 1991 et son protocole des transports du 31 octobre  2000 , que la France a signés, ont fixé les orientations suivantes en matière de transports : « (...) réduire les nuisances et les risques dans le secteur du transport inter alpin et transalpin, de telle sorte qu'ils soient supportables pour les hommes, la faune et la flore ainsi que pour leur cadre de vie et leurs habitats, notamment par un transfert sur la voie ferrée d'une partie croissante du trafic, en particulier du trafic de marchandises, notamment par la création des infrastructures appropriées (...) ».

De ce fait, le projet ferroviaire Lyon-Turin permettra à la France de respecter ses engagements internationaux sur la protection des Alpes et le climat plus généralement, en réduisant les impacts sur les territoires traversés.

C. UN RÉÉQUILIBRAGE DES TRANSPORTS DANS L'ESPACE EUROPÉEN PROFITABLE À LA FRANCE

La liaison ferroviaire Lyon-Turin ne constitue pas un simple axe de communication entre la France et l'Italie mais est reconnue comme un projet ferroviaire prioritaire de l'Union européenne.

La section transfrontalière de cette nouvelle ligne apparaît comme un maillon essentiel du corridor transeuropéen méditerranéen, au sein du réseau central du réseau transeuropéen de transport (RTE-T) . Ce corridor, autour duquel gravitent 18 % de la population européenne, 200 milliards d'euros d'échanges commerciaux et 17 % du PIB européen, assurera la liaison entre la péninsule ibérique, l'arc méditerranéen, le Nord de l'Italie, la Slovénie et la Hongrie . Il est complété par deux autres corridors desservant l'Italie : le corridor Scandinavie-Méditerranée avec le nouveau tunnel du Brenner et le corridor Rhin-Alpes avec les tunnels du Gothard et du Lötschberg-Simplon. Ce corridor qui, à terme, reliera les principales villes du continent européen, prend toute son importance au regard des travaux actuels de la Chine et de la Russie pour construire la « route de la soie » ferroviaire, même si pour l'instant cette route de la soie ne va pas au-delà de Turin. Votre rapporteur estime que la liaison ferroviaire Lyon-Turin pourrait, une fois réalisée, servir d'entrée ouest au trafic ferroviaire Europe-Asie 13 ( * ) .

On rappelle que le développement des réseaux transeuropéens constitue l'une des actions stratégiques prioritaires de l'Union européenne pour favoriser la compétitivité et la cohésion de ses États membres. Le règlement n° 1315/2013 sur les orientations de l'Union pour le développement du RTE-T définit le réseau concerné, les objectifs et priorités de développement, la notion de projet d'intérêt commun ainsi que les exigences applicables aux infrastructures qui composent le RTE-T. Le règlement établit un réseau « global », au sein duquel il identifie un réseau « central » présentant la plus haute importance stratégique. La mise en oeuvre de ce réseau central s'appuie en particulier sur les « corridors » qui couvrent les principaux flux à grande distance et visent notamment à améliorer les tronçons transfrontaliers. La section Lyon-Turin se situe ainsi au coeur du corridor « Méditerranée ». Le MIE apporte un concours financier pour majeure partie sous forme de subventions, par l'intermédiaire d'appels à propositions, et, de manière plus ciblée, grâce à des instruments financiers innovants, aux actions contribuant à la mise en oeuvre du RTE-T dans les domaines ferroviaire, fluvial, portuaire, maritime, routier, aéroportuaire, des autoroutes de la mer et des plateformes multimodales.

Cette section transfrontalière, qui constituera le seul tunnel ferroviaire transalpin orienté Est-Ouest, devrait permettre à terme un rééquilibrage géostratégique des flux économiques et éviter une « marginalisation » de la France, en favorisant les échanges entre la France et l'Italie - la France est le deuxième client et le deuxième fournisseur de l'Italie derrière l'Allemagne - et plus particulièrement entre le Grand Paris et le Grand Milan. On rappelle que les échanges économiques concernés par les traversées Nord-Sud du massif alpin représentent annuellement 105 milliards d'euros tandis que ceux relatifs aux traversées Est-Ouest s'élèvent seulement à 70 milliards d'euros.

Les aménagements réalisés en Suisse - tunnels ferroviaires du Lötschberg et du Saint-Gothard 14 ( * ) - favorisent les échanges économiques entre l'Allemagne et l'Italie et l'on observe que l'amélioration des traversées du massif alpin en Suisse et en Autriche (tunnel du Brenner en construction) a fait basculer, hors de France, le trafic provenant du Benelux et du Royaume-Uni et à destination de l'Italie.

Votre rapporteur estime que la liaison Lyon-Turin permettra d'éviter que les flux économiques s'écartent de la France et ancrent ainsi davantage l'Italie en Europe centrale, tout en repositionnant la France sur un axe ferroviaire nord-sud Londres-Paris-Lyon-Milan.

DEUXIÈME PARTIE : LE CONTENU DE L'AVENANT (ARTICLE 4 DE L'ACCORD DE 2001)

Cet avenant, prévu par l'article 4 de l'accord de 2001, est constitué de :

- l'accord franco-italien signé à Paris le 24 février 2015 ;

- et de son protocole additionnel à l'accord du 24 février 2015, signé à Venise le 8 mars 2016.

Y est annexé le règlement des contrats conclus, approuvés ou autorisés par le promoteur public pour la réalisation de cette section transfrontalière qui a été validé par la commission intergouvernementale le 7 juin 2016.

I. L'ACCORD DU 24 FÉVRIER 2015 : LA RÉALISATION DES TRAVAUX DÉFINITIFS PAR TUNNEL EURALPIN LYON TURIN SAS

L'accord de 2015 comporte sept articles.

L'article 1 er déclare que les parties décident d'engager les travaux définitifs de la section transfrontalière et en confient la réalisation au promoteur public, la société par action simplifiée (SAS), Tunnel Euralpin Lyon Turin SAS (TELT). Créé le 23 février 2015, TELT s'est substitué à la société Lyon Turin Ferroviaire (LTF) chargée de mener les études, reconnaissances et travaux préliminaires. TELT, qui est détenu par l'Etat français et par Ferrovie dello Stato italiane (FSI), est contrôlé par les deux Etats. L'accord de 2012 prévoit que le président et le directeur juridique sont désignés par le gouvernement français tandis que le directeur général et le directeur administratif financier sont désignés par le gouvernement italien.

L'article 2 rappelle la détermination commune des parties de lutter contre toute pratique mafieuse, notamment dans la passation des marchés. Elles déclarent leur volonté de doter le promoteur public, la société TELT, d'un règlement des contrats qui sera validé par la commission intergouvernementale (Cf. infra ).

L'article 3 renvoie à un protocole additionnel pour la fixation du coût certifié en valeur janvier 2012 ainsi que les modalités d'application de l'article 18 de l'accord de 2012, pour tenir compte de l'actualisation monétaire et aussi de l'évolution des coûts des facteurs de production des travaux définitifs. Il précise également que l'attribution par le promoteur public des marchés de travaux définitifs ne pourra se faire qu'après l'entrée en vigueur du protocole additionnel.

Aux termes de l'article 4, le promoteur public aura la possibilité de confier aux gestionnaires compétents la maîtrise d'ouvrage de la conception et de la réalisation des travaux rendus nécessaires du fait des impacts de la section transfrontalière sur les infrastructures et les installations de ces gestionnaires. Les conventions qui seront conclues à ce sujet par le promoteur public avec ces gestionnaires seront soumises à l'avis de la commission des contrats créée par l'avenant de 2012.

L'article 5 instaure un délai maximum, dans lequel la commission rend son avis sur les contrats que lui soumet le promoteur public, TELT, en vue d'accélérer la procédure.

L'article 6 supprime notamment le délai de deux ans de l'article 24 de l'accord de 2012 dans lequel les parties devaient procéder à la modification de la convention du 29 janvier 1951 relative aux gares internationales de Modane et de Vintimille et aux sections de chemin de fer comprises entre ces gares et les frontières d'Italie et de France.

L'article 7 regroupe les dispositions finales. Les stipulations 7.1 prévoient la possibilité d'amendements convenus entre les parties. Les stipulations 7.2 renvoient, pour le règlement des différends entre les parties relatifs à l'application et l'interprétation du présent accord à la procédure d'arbitrage prévue par l'accord de 2012. Les stipulations 7.3 précisent les conditions d'entrée en vigueur du présent accord et affirment la primauté du présent accord sur les dispositions contraires qui pourraient figurer dans les précédents accords de 1996, de 2001 et de 2012.

II. PROTOCOLE ADDITIONNEL DU 8 MARS 2016 ET SON ANNEXE : COÛT CERTIFIÉ ET COÛT PREVISIONNEL À TERMINAISON

Le protocole additionnel contient quatre articles.

L'article 1 er rappelle qu'il constitue le protocole additionnel prévu à l'article 3 de l'accord de 2015. Les dispositions finales de l'article 4 règlent la question de l'entrée en vigueur du protocole additionnel et rappelle sa primauté sur les dispositions contraires éventuellement contenues dans les précédents accords.

L'article 2 fixe le coût des travaux de la section transfrontalière de la nouvelle ligne ferroviaire à 8,3 milliards d'euros (valeur janvier 2012). Ce coût a été certifié par un organisme extérieur, le groupement belge Tractebel Engineering-Tuc Rail en 2015.

Pour permettre la mise en oeuvre des modalités de répartition des coûts entre les parties décidées à l'article 18 de l'accord de 2012, le protocole précise que, pour estimer le coût prévisionnel à terminaison, les coûts associés au coût certifié décrits en annexe, établis en valeur janvier 2012, seront actualisés sur la base d'un taux annuel de référence de 1,5 % jusqu'à l'achèvement des travaux définitifs. Cette hypothèse d'actualisation sera vérifiée chaque année au regard de l'évolution d'un indice de référence défini dans l'annexe précité et qui intègre notamment les principales composantes d'indexation des facteurs de coûts des travaux publics sur les territoires français et italien. Selon les hypothèses retenues, le coût prévisionnel du projet jusqu'à la mise en service de la section transfrontalière prévue en 2029, serait de 9,6 milliards d'euros courants.

L'article 3 fait suite à l'article 2 de l'accord de 2015 précité en rappelant l'engagement des parties dans la prévention contre les risques ou tentatives d'infiltration mafieuse et la lutte contre la criminalité organisée dans le cadre de la passation et de l'exécution des contrats relatifs à la réalisation de la section transfrontalière.

En conséquence, les parties chargent la commission intergouvernementale de « travailler à l'élaboration d'un règlement des contrats d'une extrême rigueur sur le sujet », qui devra notamment « - s'inspirer des dispositions législatives des deux pays les plus pertinentes en la matière, et notamment de celles prévues en droit italien, vu leur compatibilité avec le droit communautaire, pour exclure les entreprises susceptibles d'être affectées par quelque pratique mafieuse que ce soit ; - prévoir la mise en place de tous les mécanismes binationaux nécessaires pour permettre la bonne mise en oeuvre des règles spécifiques qui auront été arrêtées par le Règlement des contrats et pour faciliter la coopération entre les services compétents des deux pays à cette fin ». `

III. LE RÈGLEMENT DES CONTRATS POUR LES TRAVAUX DE LA SECTION TRANSFRONTALIÈRE ET SON DISPOSITIF ANTIMAFIA

Ce règlement, comme indiqué supra , est prévu par l'article 2 de l'accord de 2015 et par l'article 3 du protocole additionnel de 2016. Il a été validé par la commission intergouvernementale lors de sa réunion du 7 juin 2016. C'est la première fois qu'un tel dispositif antimafia s'applique au plan transnational sur un grand chantier européen de travaux publics .

Depuis plusieurs années, ce projet de nouvelle ligne ferroviaire suscite des contestations, notamment en Italie. Les risques d'infiltrations mafieuses ont servi d'arguments au mouvement « No Tav », en Italie, pour s'opposer au projet. La presse s'est d'ailleurs fait l'écho, entre 2012 et 2014, de possibles infiltrations dans des contrats de sous-traitance relatifs à la sécurisation du chantier, côté italien. C'est pourquoi, à plusieurs reprises, lors des négociations, la partie italienne a indiqué à la partie française, que l'une des conditions majeures d'acceptabilité politique de l'engagement des travaux définitifs résidait dans la démonstration que des dispositions antimafia strictes seraient mises en oeuvre dans le cadre du chantier de la section transfrontalière.

Alors que l'objectif était initialement de rappeler que les États se fixaient un objectif fort de lutte contre les infiltrations mafieuses, la partie italienne a ensuite indiqué que la mise en oeuvre de dispositions antimafia similaires à celles applicables par ailleurs sur d'autres chantiers italiens était indispensable pour permettre la ratification de l'Accord par le Parlement italien. Or, en application de l'Accord du 30 janvier 2012, les droits français et communautaire devaient primer pour la passation et l'exécution des contrats conclus par le promoteur public pour l'exécution de ses missions. L'application de la législation antimafia italienne à ces contrats n'était donc pas prévue, même s'agissant de marchés devant se dérouler sur le seul territoire italien.

Sur la base de l'article 2 de l'accord du 24 février 2015 précité, la partie française a proposé à la partie italienne, en mai 2015, un projet de règlement des contrats compatible avec le droit français et le droit communautaire, conformément à l'accord de 2012. La délégation italienne a cependant souhaité voir appliquées, dans le règlement des contrats du promoteur public, certaines dispositions issues du droit italien visant à lutter contre les infiltrations mafieuses et, a notamment souhaité la mise en place d'une structure binationale chargée (i) de tenir à jour une « liste blanche » des entreprises non mafieuses autorisées à conclure et exécuter un contrat de travaux avec TELT, (ii) de mener des enquêtes préalablement à l'inscription des entreprises sur cette liste et (iii) d'intervenir sur site pour des contrôles dans le cadre de l'exécution des marchés.

Après confirmation, par la Commission européenne, de leur compatibilité avec le droit communautaire, la partie française a ensuite donné son accord pour que ces dispositions soient déclinées dans le règlement des contrats qui devait, dès lors, être approuvé par le Parlement pour permettre la transposition, en droit français, du droit antimafia italien. L'élaboration du règlement des contrats, complexe du point de vue juridique, a bénéficié de l'aide du Conseil d'État.

Ce règlement qui fait partie intégrante de l'accord de 2015 et de son protocole additionnel de 2016 a pour objet, aux termes de l'article 1, les contrats conclus par le promoteur public TELT, ainsi que les contrats liants les titulaires des contrats avec les sous-traitants et dans les sous-contrats, qui doivent être acceptés et agréés par le promoteur public TELT . Ces dispositions s'ajoutent à celles applicables aux contrats passés par le promoteur public TELT en application des articles 6 et 10 de l'accord de 2012, qui prévoit l'application du droit français pour les contrats passés par TELT. Il répond aux pratiques administratives en vigueur en France et en Italie, mais s'inspirent très largement du droit antimafia italien L'article 3 renvoie aux normes de référence du droit public italien sur le sujet.

Les services du ministère des affaires étrangères et du développement international 15 ( * ) ont fait valoir que c'était la première fois que de telles mesures de police administrative seraient appliquées en France . L'application des dispositions de ce règlement sera contrôlée par les autorités françaises, dès lors que tout refus d'inscription devra être validé par le préfet français (Cf. infra ).

1. Les motifs d'exclusion « antimafia »

L'article 4 prévoit deux séries de motifs d'exclusion des procédures de passation et d'exécution des contrats passés par le promoteur public, afin de prévenir toute infiltration mafieuse. Ils viennent s'ajouter à ceux déjà prévus par l'ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics 16 ( * ) .

La législation italienne en matière de lutte antimafia - norme de référence - est ainsi intégrée dans l'ordre juridique français réglementant les contrats publics de TELT, qui sont, aux termes de l'accord de 2012, essentiellement de droit public français.

La première série repose sur des causes objectives résultant de l'existence de condamnations ou de mesures spécifiques qui sont décrites à l'annexe 1.

La seconde série repose sur des « situations qui suscitent des raisons sérieuses de penser que l'opérateur économique est contrôlé ou influencé, même de fait, par une organisation criminelle de type mafieux ».

Cet article précise également les sujets qui font l'objet de ces vérifications « antimafia » au sens du droit italien. L'annexe 2 mentionne les personnes du droit civil et du droit commercial français correspondant à celles du droit italien.

2. La structure binationale de vérification des motifs d'exclusion

L'article 5 institue une cette structure binationale afin de constater ces motifs d'exclusion « antimafia ».

Elle est composée du préfet de Turin et du préfet désigné par le Gouvernement français. Les décisions sont prises d'un commun accord entre les représentants des deux États. Assistée par des fonctionnaires administratifs et par des fonctionnaires et officiers de police ou de gendarmerie, elle est notamment chargée de coordonner les vérifications antimafia sur les opérateurs économiques, sur information du promoteur public TELT et de déterminer les aires de chantier de la section transfrontalière, pour lesquelles des visites d'inspection doivent être programmées.

Cette structure prévoit également des dispositions spécifiques en matière de comportement, pour assurer la pleine transparence des personnes et moyens circulant à l'intérieur des chantiers. Les visites d'inspection peuvent être réalisées par des équipes mixtes spéciales, composées de fonctionnaires et d'officiers de police des deux États.

L'article 13 fixe les pénalités, contractuellement prédéterminées, applicables par le promoteur public TELT, pour les violations d'obligations en matière de comportements définies par la structure binationale. Le produit de ces pénalités est affecté à la mise en oeuvre des interventions, activités ou services destinés à renforcer la sécurité antimafia des travaux de la section transfrontalière.

Votre rapporteur s'inquiète de voir que le préfet de région ne disposera pas de moyens propres et dédiés, mais fonctionnera en s'appuyant sur les effectifs des services compétents existants. Votre rapporteur estime que les moyens locaux dont le préfet dispose actuellement ne seront pas suffisants. Il a demandé, à ce sujet, des précisions au ministre de l'intérieur par courrier en date du 16 janvier 2017, notamment sur la façon dont les services de l'État (services extérieurs de la main d'oeuvre et du travail, services du Trésor public notamment) aideront ce dernier à remplir cette mission.

3. La liste blanche- ou le registre des prestataires autorisés

Selon l'article 6, la constatation de l'absence de motifs d'exclusion permet l'inscription de l'opérateur économique sur une liste blanche tenue et mise à jour par le promoteur public TELT , ce qui constitue le registre des prestataires.

Cette inscription permet la conclusion, l'approbation ou l'autorisation des contrats, des contrats de sous-traitance et des sous-contrats concourant à la réalisation de la section transfrontalière . Elle tient lieu, pour toute la durée de validité qui est en principe de douze mois , de vérifications antimafia pour les éventuels contrats suivants.

L'article 7 donne la possibilité aux opérateurs économiques intervenants dans certains secteurs plus exposés, dont il dresse la liste, de demander leur inscription, par l'intermédiaire du promoteur public TELT, sur la liste blanche, indépendamment de la participation aux procédures d'appels d'offres.

4. Les vérifications « antimafia » et leurs effets

L'article 8 définit les modalités du déroulement des vérifications antimafia effectuées sur les opérateurs économiques à inscrire sur la liste blanche-registre des prestataires. Elles répondent à une volonté d'exhaustivité, de respect du calendrier et d'efficacité des vérifications.

Ces vérifications sont effectuées par le préfet de l'État membre de la structure binationale ayant la même nationalité que celle de l'opérateur économique à inscrire . Ces vérifications sont effectuées en principe dans un délai de 30 jours. Si la structure nationale garde le silence au-delà de cette date, le promoteur public peut inscrire l'opérateur public sur la liste blanche-registre des prestataires, dans des cas présentant un caractère d'urgence ou pour des contrats dont le montant est inférieur à 50 000 euros.

Une fois la décision de la structure binationale prise, le préfet compétent prend un acte d'application susceptible de recours devant la juridiction nationale compétente, pour la France, le tribunal administratif de Grenoble. Les commissaires du Gouvernement auditionnés 17 ( * ) ont indiqué que le préfet de Turin, qui applique la loi italienne antimafia, avait déjà refusé l'inscription de dix entreprises sur la liste blanche.

L'article 10 précise que, lorsqu'il s'agit d'un opérateur économique d'un État tiers , le préfet compétent est celui du territoire national sur lequel est exécutée la partie physique prédominante de l'intervention ou, à défaut de pouvoir le déterminer, le territoire sur lequel a commencé l'intervention.

L'article 9 précise les effets des vérifications « antimafia » et les obligations d'informations du promoteur public à l'égard des opérateurs économiques. La décision défavorable est susceptible de recours. En outre, « la constatation d'une situation d'exclusion liée aux vérifications antimafia implique la caducité automatique des contrats (...) au moyen d'une résiliation non judiciaire ».

L'article 11 oblige les opérateurs économiques inscrits sur la liste blanche à informer le promoteur public de toute modification de la structure ou de la gouvernance de l'entreprise sous peine de se voir appliquer une sanction administrative pécuniaire d'un montant compris entre 20 000 et 60 000 euros par le préfet qui a mené les vérifications.

L'article 12 prévoit le traçage et le suivi financier des paiements réalisés par les opérateurs économiques intervenant dans le cadre de la réalisation de la section transfrontalière. « Tous les mouvements financiers doivent être enregistrés sur des comptes courants dédiés et doivent être effectués exclusivement par virement SEPA 18 ( * ) ».

5. Les dispositions finales et transitoires

Aux termes de l'article 14, les contrats approuvés avant l'entrée en vigueur du règlement des contrats sont modifiés, dans les meilleurs délais par avenant, pour se conformer aux dispositions de ce règlement.

L'article 15 prévoit la possibilité pour la commission intergouvernementale d'autoriser la modification du règlement des contrats, en cas notamment d'évolution de la règlementation visée par le règlement des contrats, sous réserve des règles constitutionnelles de la France ou de l'Italie.

IV. CONCLUSION

Après un examen attentif des stipulations de cet accord, la commission a adopté ce projet de loi, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne signé le 24 février 2015 pour l'engagement des travaux définitifs de la section transfrontalière de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin, en rappelant que le Parlement avait déjà autorisé la ratification des trois précédents accords sur ce sujet.

En effet, cet accord relatif à la réalisation de la section transfrontalière de la ligne Lyon-Turin permettra un report modal, de la route vers le rail, du fret mais aussi des voyageurs, dans les Alpes franco-italiennes, une zone fragile sur le plan environnemental où le trafic des poids lourds est particulièrement dense. L a réduction des émissions de polluants nocifs et des nuisances sonores liées à la forte fréquentation des poids lourds dans les vallées alpines permettra à la France de respecter ses engagements internationaux sur la protection des Alpes et le climat, plus généralement. Cette unique traversée Est-Ouest du massif alpin devrait en outre favoriser les échanges entre la France et l'Italie et au-delà entre l'Espagne et la Slovénie via la France, évitant, se faisant, une mise à l'écart de la France qui pourrait résulter des traversées alpines Nord-Sud réalisées en Suisse et en Autriche. En outre, comme la commission des finances l'a souligné en septembre dernier, dans son rapport d'information n °858 (2015-2016) sur le financement des infrastructures de transport, ce projet qui est pris en charge à hauteur de 40 % par l'Union européenne, « peut représenter une véritable opportunité économique pour le sud-est de la France ». Il a déjà eu des retombées économiques pour la région Auvergne-Rhône-Alpes avec la démarche « Grand chantier » et la signature du contrat de territoire Maurienne en septembre 2016. Environ 500 ouvriers et techniciens travaillent déjà sur le chantier de Saint-Martin-la-Porte et la société TELT prévoit d'employer jusqu'à 4 000 personnes sur ces chantiers en France et en Italie d'ici à 2029.

Enfin, la procédure de ratification italienne s'est achevée le 12 janvier dernier avec la promulgation de la loi l'autorisant par le Président de la République italien, Sergio Mattarella. Le Sénat italien avait donné son aval au projet de loi le 16 novembre 2016 19 ( * ) , et la Chambre des députés italienne, le 20 décembre dernier 20 ( * ) .

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 25 janvier 2017, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, a procédé à l'examen du rapport de M. Yves Pozzo di Borgo sur le projet de loi n° 271 (2016-2017) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne signé le 24 février 2015 pour l'engagement des travaux définitifs de la section transfrontalière de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin.

Après l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé.

M. Jean-Pierre Raffarin, Président. - Le projet ferroviaire Lyon-Turin fait partie des grands projets adoptés par le Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) en 2003. Il sera intéressant de comparer les délais de réalisation des différents projets entérinés à l'époque.

Mme Éliane Giraud. - J'adresse mes félicitations au rapporteur. Je sais qu'il a procédé à de nombreuses auditions. J'ai d'ailleurs participé à celle de M. Louis Besson, Président de la Commission intergouvernementale, avec beaucoup d'intérêt. C'est un dossier très important avec une décision du CIADT que vous venez de rappeler, Monsieur le Président. L'on peut s'interroger sur la façon, dont on mène les grands projets. En région Rhône-Alpes, j'ai eu pour mission d'accompagner l'ensemble des acteurs économiques et des personnes intéressées sur ce sujet. L'Italie, il faut le rappeler, est le deuxième partenaire de la France et de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Sur des projets de cette ampleur, il faut être capable de mettre en place une réflexion pour maintenir une dynamique et pour faire en sorte que des oppositions, qui sont des visions à court terme, ne prennent pas le pas sur des visions stratégiques. C'est un projet très stratégique pour la France et pour l'Europe, notamment sur les liaisons Est-Ouest jusqu'en Europe centrale. Il a été ciblé comme tel et la section transfrontalière que l'Europe finance en est une partie fondamentale. Aujourd'hui, certains disent qu'il aurait fallu commencer par les voies d'accès et que la création d'une voie supplémentaire aurait été suffisante. Rendre le fret compétitif, c'est un problème de pente et le doublement de la voie actuelle n'aurait donc pas permis de régler ce point. Le creusement de la section internationale est prévu au niveau de Saint-Jean-de-Maurienne qui est à peu près à la même hauteur que Saint-Etienne. Il faut donc faire en sorte que l'on ait le moins de pente possible et c'est la raison pour laquelle, ce projet est important au plan économique, écologique et pour le devenir des échanges et des traversées des Alpes. La question du financement a été examinée très précisément par Michel Destot et Michel Bouvard, un député et un sénateur, un Isérois et un Savoyard. Il faut rappeler aussi que la question des tunnels routiers en Savoie est une question majeure, avec l'accident du tunnel du Mont-Blanc notamment, ainsi que les routes de Maurienne encombrées par les camions. C'est un projet très important pour les populations qui vivent dans ces vallées polluées. Le coût de l'opération a finalement été tranché à la suite de discussions très longues avec l'Italie. Aujourd'hui, l'on sait qu'il faudra trouver environ 200 millions par an, pendant douze ans. Je rappelle que les investissements annuels de l'Etat dans les transports s'élèvent à 15 milliards d'euros depuis les années 2000. C'est donc tout à fait réalisable ! Il faut naturellement qu'il ait aussi une réflexion sur les voies d'accès et sur l'ensemble du réseau de fret régional, mais je sais que différents acteurs, y compris la région, ont déjà commencé, en lien avec l'Etat. Nous voterons ce rapport, car ce projet a beaucoup d'intérêt pour les régions mais aussi pour les populations. Je vous invite, Monsieur le Président, et vous aussi, mes chers collègues, à venir rendre visite au tunnelier Federica, car c'est un chantier extrêmement important et intéressant. Je veux juste finir, en rappelant qu'une procédure « Grand chantier » est en cours. La région et l'Etat mènent également des discussions avec les agriculteurs dont les exploitations sont concernées par ce projet.

M. Jean-Marie Bockel. - Je remercie le rapporteur pour son excellent rapport. Une belle cause défendue avec conviction ! Je voterai naturellement pour. Si au début des années 2000, Monsieur le Président, vous avez fait avancer les dossiers, on peut dire aujourd'hui que les majorités se succèdent mais que le sujet du ferroviaire demeure. La France n'a pas réglé la question du ferroviaire en général et des trains à grande vitesse en particulier, sans parler de la question de l'entretien. Elle ne s'est pas donné les moyens de se maintenir à niveau, y compris sur les lignes secondaires, et de moderniser le réseau. Cette question est devant nous et il faudra s'en saisir avec la SNCF et les régions.

M. Jean-Pierre Raffarin, Président. - On peut se demander si la réflexion doit rester au niveau de la SNCF ou, comme par le passé, être portée à un niveau plus stratégique comme autrefois autour de la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR). En perdant la DATAR, on a perdu, à mon avis, la vision à long terme.

M. André Trillard. - J'approuve cette idée de DATAR. Je veux simplement demander au rapporteur de retirer de son rapport le terme « finistérisation », qui me semble injurieux pour les habitants du Finistère et qui indiquerait que l'Etat n'a pas fait son travail pour cette partie de la France.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. - Je m'interroge sur les différentes positions des hautes instances nationales sur les projets d'infrastructures d'intérêt majeur. Je ne veux pas parler de l'opportunité du projet mais des remarques. Sur le projet Lyon-Turin, les plus hautes instances ont émis des réserves sur sa viabilité et son intérêt économique. Cela me rappelle le projet de liaison à grande vitesse entre Limoges et Poitiers, une autre transversale, un enjeu économique majeur dans la perspective des grandes régions, dont les plus hautes instances, pour le dire familièrement, ont eu « la peau», mais nous allons le relancer. Je m'interroge sur le rôle de ces hautes instances et sur leurs remarques de non-viabilité économique.

M. Jean-Pierre Raffarin, Président. - Je partage votre réflexion mais la question porte sur notre capacité de programmation pluriannuelle. On ne fait plus de moyen terme actuellement et les sujets qui ne présentent pas une rentabilité immédiate mais relèvent d'une stratégie de développement sont effacés par rapport aux autres. On manque de vision de moyen terme. C'est une faiblesse. C'est un débat que j'ai eu publiquement avec Dominique de Villepin quand il a choisi de rattacher la DATAR au seul ministère de l'agriculture.

M. Jean-Paul Émorine. - Je suis tout à fait favorable à ce projet Lyon-Turin. Pour parler d'aménagement du territoire, j'aurais souhaité la prise en compte de la liaison fluviale Rhin-Rhône, ce qui reste d'actualité. Sur la question du fret ferroviaire, je présidais la commission des affaires économiques lorsqu'on a parlé du Grenelle de l'environnement. Il faut avoir en tête que 90 % des trains circulent sur 50 % du réseau et que toutes les petites lignes qui desservaient les régions céréalières étaient plus polluantes que la route, compte tenu des ruptures de charge. Le transfert modal de la route vers le rail ne se fait que sur des grandes distances, au moins 500 kms. Il se fera petit à petit mais le vrai problème, c'est que la SNCF a le monopole de la circulation. Ce sera un point à examiner.

M. Bernard Cazeau. - M'étant battu en faveur du TGV Atlantique, je veux indiquer que je me rallie à la position d'Eliane Giraud pour des raisons économiques et environnementales. Je partage également la position de Françoise Perol-Dumont sur la ligne Limoges-Poitiers.

M. Daniel Reiner. - Je veux évoquer la question du report modal. Je suis favorable à la ligne Lyon-Turin, qui est de bon sens, même si l'on peut regretter la longueur des délais. On a travaillé longtemps sur le fret ferroviaire, Jean-Paul Emorine vient de le dire, et j'avoue que j'ai baissé les bras. À l'époque de Jean-Claude Gayssot, on transportait 55 milliards tonnes-kilomètre en fret ferroviaire, aujourd'hui, c'est moins de 30 milliards de tonnes-kilomètre. On a diminué au lieu de progresser. Il faut une politique générale en matière de transport ferroviaire mais pas seulement des outils. Il faut une politique qui oblige au report modal. Les conditions économiques du moment sont favorables au transport routier. Sans pénalisation du transport routier, il n'y aura pas de report modal ! Dans les circonstances actuelles, le fret ferroviaire ne peut pas lutter contre le transport par camion. On a beaucoup reculé sur ce sujet, à preuve l'affaire des péages sur les camions et des portiques, alors que c'est ce qu'il aurait fallu faire.

M. Claude Malhuret. - Merci pour ce rapport. J'ai des questions de néophyte. Quand on lit les journaux, on entend parler de manifestations en Italie. Pourquoi ces manifestants italiens s'y opposent-ils ? On parle également de partenariat public-privé, qu'en est-il ? Que faut-il penser des critiques du Conseil d'Etat et de la Cour des comptes ?

M. Alain Joyandet. - Qu'en est-il du calendrier des travaux et des paiements ? Je me méfie des effets d'annonce sur les autorisations de programme. L'on a financé, un temps, la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône, dont la branche sud a été abandonnée.

M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur. - Sur la « finistérisation », c'était un mot pédagogique mais il sera retiré du rapport. S'agissant des points négatifs évoqués, toutes les voies d'accès au tunnel de base ne sont pas financées, il y a un effort à faire de la part de l'Etat et de la région. Les financements européens sont assurés jusqu'en 2019, mais il reste beaucoup d'interrogations sur la pérennisation du financement français. S'agissant du report modal, comme l'ont dit les sénateurs Reiner et Emorine, il faut s'engager dans une véritable politique globale en faveur du fret ferroviaire, compte tenu du coût des chauffeurs routiers européens. Pour répondre à M. Claude Malhuret, l'opposition en Italie était d'abord écologiste mais elle est devenue « cinq étoiles » avec l'élection de la maire de Turin, issue de ce mouvement et qui est contre le projet, mais elle vient d'être désavouée par le Conseil métropolitain de Turin. Sur la question de la Cour des comptes, j'ai des informations qui établissent que ces critiques étaient plus le fait d'un conseiller que de la Cour des comptes elle-même et je peux vous les transmettre. Je vous remercie pour votre soutien.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le rapport ainsi que le projet de loi précité, le groupe écologiste, en la personne de Mme Leila Aïchi, votant contre.

ANNEXE 1 : CARTE DU TRACÉ DE LA LIGNE LYON-TURIN

(source : ministère des affaires étrangères et du développement international)

ANNEXE 2 : SCHÉMA DES TUBES ET DES DESCENDERIES DU TUNNEL DE BASE LYON-TURIN

(source : projet de référence - ministère des affaires étrangères et du développement international)

ANNEXE 3 : CALENDRIER PRÉVISIONNEL DES TRAVAUX

(source : ministère des affaires étrangères et du développement international)

ANNEXE 4 : LE TRAFIC ROUTIER TRANSALPIN DE POIDS LOURDS ENTRE 2008 ET 2015 ET LE VOLUME DE MARCHANDISES TRANSPORTÉES À TRAVERS LES ALPES EN 2014

(source : ministère des affaires étrangères et du développement international)

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

M. Etienne QUENCEZ, Conseiller d'Etat, Président de la Cour administrative d'appel de Douai

Ministère de l'Environnement, de l'Énergie et de la Mer :

- M. Claude GRESSIER, délégué interministériel

- M. Jordan CARTIER, chef du bureau de la Planification et des Grandes Opérations ferroviaires

- M. Gaëtan JACOLIN, bureau de la Planification et des Grandes Opérations ferroviaires

Ministère des Affaires étrangères et du Développement international :

- Mme Mathilde GRAMMONT, direction de l'Union européenne/sous-directrice de l'Europe méditerranéenne

- Mme Charlotte LERAT, rédactrice Italie, Saint-Siège, Saint-Marin, direction de l'Union européenne/sous-direction de l'Europe méditerranéenne

- Mme Sandrine BARBIER, chef de la mission des accords et traités, direction des Affaires juridiques

Ministère de l'Économie et des Finances :

- Mme Mélanie MEGRAUD, adjointe au chef de bureau Économie des Réseaux, direction générale du Trésor,

- M. Mehdi AOUAT, adjoint au chef du bureau des Transports, direction du Budget

Société TELT SAS :

- M. Hubert du MESNIL, président

- M. Mario VIRANO, directeur général

- Mme Lysiane SOUBEYRAND, directrice de la communication et des relations externes)

Commission intergouvernementale franco-italienne sur le projet Lyon-Turin :

- M. Louis BESSON, Président

* * *

M. Albert ALLO, directeur adjoint de TRACFIN

M. François LEPINE, vice-président de la Transalpine


* 1 Les capacités théoriques de cette ligne sont toutefois comprises entre 12 et 15 millions de tonnes.

* 2 Réponse au questionnaire.

* 3 L'Italie est représentée par l'actionnaire FS, les chemins de fer italiens entièrement contrôlés par l'État italien.

* 4 Auditions.

* 5 Réponse au questionnaire.

* 6 Auditions.

* 7 La clé de répartition sur l'ensemble de la ligne Lyon-Turin est de 50 % pour la France et de 50 % pour l'Italie.

* 8 Réponse au questionnaire.

* 9 Audition du 10 janvier 2017.

* 10 Réponses au questionnaire.

* 11 Auditions.

* 12 Auditions.

* 13 Auditions.

* 14 Ce tunnel est entré en service le 12 décembre 2016.

* 15 Réponses au questionnaire.

* 16 Articles 45 et 48

* 17 Auditions.

* 18 Un virement SEPA est un virement international dans la zone européenne.

* 19 Avec 187 votes pour, 43 votes contre et 4 abstentions.

* 20 Avec 285 votes pour, 103 votes contre et 3 abstentions.

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