Rapport n° 344 (2016-2017) de M. Daniel GREMILLET , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 1er février 2017

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N° 344

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 1 er février 2017

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur la proposition de loi de M. Daniel GREMILLET et plusieurs de ses collègues tendant à améliorer la situation des entreprises agricoles dans leurs territoires et sur la proposition de loi , ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE après engagement de la procédure accélérée, relative à la lutte contre l' accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle ,

Par M. Daniel GREMILLET,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Claude Lenoir , président ; Mmes Élisabeth Lamure, Delphine Bataille, MM. Alain Bertrand, Martial Bourquin, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Joël Labbé, Michel Le Scouarnec, Yannick Vaugrenard , vice-présidents ; M. Marc Daunis, Mme Valérie Létard, M. Bruno Sido , secrétaires ; MM. Gérard Bailly, Jean-Pierre Bosino, Henri Cabanel, François Calvet, Roland Courteau, Pierre Cuypers, Alain Duran, Mmes Frédérique Espagnac, Dominique Estrosi Sassone, M. Daniel Gremillet, Mme Annie Guillemot, MM. Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Daniel Laurent, Philippe Leroy, Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Anne-Catherine Loisier, MM. Michel Magras, Franck Montaugé, Robert Navarro, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Sophie Primas, MM. Yves Rome, Henri Tandonnet .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

4344 , 4363 et T.A. 887

Sénat :

249, 316 et 345 (2016-2017)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Déposée le 22 décembre 2016 par nos collègues députés Olivier Faure et Dominique Potier, la présente proposition de loi fait l'objet d'une discussion très rapide, puisqu'elle a été examinée en commission puis en séance à l'Assemblée nationale les 11 et 18 janvier derniers et vient en discussion au Sénat à peine quinze jours plus tard. La procédure accélérée ayant été déclarée par le Gouvernement dès le dépôt de ce texte, il pourrait être adopté avant la fin des travaux de la législature.

Les deux questions abordées dans cette proposition de loi ne sont pas des questions nouvelles et ont déjà fait l'objet d'un examen récent au Parlement.

La préservation du foncier agricole constitue le premier sujet abordé par ce texte, qui reprend intégralement dans ses articles 1 à 5 les dispositions votées en loi Sapin II qui avaient été annulées par le Conseil constitutionnel 1 ( * ) pour une raison de procédure : l'absence de lien même indirect, avec les dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé initialement sur le bureau de l'Assemblée nationale.

Outre les dispositions sur le foncier agricole, les articles 6 concernant le barème de la valeur vénale des terres et 7 concernant les possibilités pour les collectivités territoriales d'accorder aux agriculteurs des concessions temporaires sur des terrains en attente d'aménagements, reprennent également des dispositions de la loi Sapin II annulées pour le même motif.

Ces dispositions faisaient pourtant consensus entre les députés et sénateurs, et n'étaient pas un point de discorde entre les rapporteurs dans la préparation de la commission mixte paritaire. D'ailleurs, votre rapporteur avait déposé de son côté le 20 décembre 2016 une proposition de loi au contenu quasi-identique 2 ( * ) , qui reprenait les mécanismes contraignants prévus par la loi Sapin II en matière d'acquisition de terres agricoles par les sociétés.

La deuxième question abordée par la présente proposition de loi concerne le développement des techniques de protection des plantes alternatives aux produits phytopharmaceutiques traditionnels , comme le biocontrôle. Il s'agit là d'un sujet très éloigné de la question des terres agricoles.

La proposition de loi propose d'exonérer d'agrément les entreprises assurant en prestation de service l'application de produits de biocontrôle ou de substances naturelles, et exonère également de certiphyto les salariés de ces entreprises, dans le but de faciliter la mise en oeuvre de ces techniques alternatives aux produits phytopharmaceutiques classiques.

En outre, la proposition de loi donne une nouvelle base juridique au dispositif expérimental des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP), afin de développer les alternatives comme le biocontrôle.

Votre rapporteur partage l'objectif de développer des techniques alternatives, mais souhaite que le réalisme prévale dans chacune des décisions, ce qui justifie de supprimer les mécanismes de sanction dans le dispositif des CEPP, mais aussi d'aménager l'interdiction d'utilisation de produits phytopharmaceutiques pour les collectivités territoriales et les particuliers, lorsque ces techniques nouvelles ne sont pas disponibles.

Votre commission a adopté la présente proposition de loi en y apportant des adaptations limitées , tant sur le volet foncier que sur le volet phytosanitaire.

Sur le volet foncier, la solution envisagée vise à donner un signal fort visant à décourager les montages juridiques pour les échanges de terres agricoles au détriment des agriculteurs cultivant effectivement la terre. Elle met les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER), dont les pouvoirs avaient déjà été renforcés par la loi d'avenir agricole de 2014, au coeur du système de contrôle des échanges de terres agricoles.

Votre rapporteur est toutefois conscient du caractère incomplet et limité des nouveaux instruments mis à disposition des SAFER. Il appelle de ses voeux la poursuite d'une réflexion sur la mise en oeuvre de mécanismes permettant de garantir aux paysans une priorité dans l'accès aux terres agricoles, pouvant déboucher sur une réforme plus profonde du régime des baux ruraux, de l'intervention des SAFER ou encore du contrôle des structures.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LES DISPOSITIONS DE LA PROPOSITION DE LOI SUR LE VOLET FONCIER AGRICOLE.

A. LA PROBLÉMATIQUE DE LA MAÎTRISE FONCIÈRE ESSENTIELLE POUR LES AGRICULTEURS.

La maîtrise des terres agricoles est indispensable à l'agriculteur pour assurer la pérennité de son exploitation. Certes la propriété des terres n'est pas le seul moyen à sa disposition car le statut du fermage est très protecteur pour le locataire. Le faire-valoir indirect n'a d'ailleurs pas cessé de progresser : passant de 50 % en 1980 à plus de 75 % en 2010, d'après une étude du centre d'études et de prospective du ministère de l'agriculture 3 ( * ) . Une part de cette progression est plus apparente que réelle, puisque certaines terres sont mises à disposition par des associés. Mais, quelles que soient les méthodes d'analyse, le faire-valoir indirect est aujourd'hui majoritaire.

Or, détenir au moins une part du foncier paraît indispensable à l'équilibre économique des exploitations , ne serais-ce que pour apporter des garanties réelles lorsque l'agriculteur doit solliciter les banques pour obtenir des emprunts pour son exploitation. Une autre étude du centre d'études et de prospective du ministère de l'agriculture 4 ( * ) montre que le contrôle du foncier par les agriculteurs et leurs familles constitue l'un des éléments constitutifs de l'agriculture familiale, modèle que la France cherche à conserver et à promouvoir.

Cette étude montre aussi que la part des terres détenues en propriété par l'exploitant, qui augmente fortement avec l'âge, a eu tendance à baisser à âge égal entre 1988 et 2010.

Les prix des terres agricoles s'établissent en France à des niveaux inférieurs à nos voisins européens. D'après la dernière étude de la fédération nationale des SAFER (FNSAFER), publiée en mai 2016, concernant les transactions effectuées en 2015, le prix des terres et prés libres non bâtis s'établit à 6 010 € par hectare en moyenne en France (156 000 hectares concernés en 2015), tandis que les terres et prés loués non bâtis se vendent en moyenne à 4 470 € par hectare (187 000 hectares concernés en 2015).

Ces prix sont en hausse sur longue période, mais encore très inférieurs à ceux pratiqués dans la plupart des autres États membres de l'Union européenne : 12 000 € par hectare au Danemark, 20 000 € en Italie et jusqu'à 50 000 € aux Pays-Bas. Cette situation attire naturellement les investisseurs qui anticipent des gains en capital dans le cadre d'un vaste mouvement de hausse des prix des terres agricoles.

Ces investissements sont portés par des sociétés, qui achètent les terres bien au-dessus de leur valeur et contribuent au mouvement de hausse des prix, ce qui accroît les difficultés des agriculteurs, en particulier des jeunes, qui veulent acheter une partie de leur foncier.

D'après les SAFER, les achats de terres par des personnes morales ont été multipliés par 4 en 20 ans, et représentent aujourd'hui 13 % des surfaces et 26 % de la valeur des échanges.

Une étude des SAFER effectuée en Haute-Normandie montre que la concentration de la propriété foncière agricole peut s'effectuer sans que cela soit visible dans les statistiques agricoles concernant le nombre d'exploitations : ainsi, cette étude montrait que 48 exploitations ne correspondaient en réalité qu'à 20 unités réelles de production et de gestion, dont une dizaine dépassait les 500 hectares.

L'affaire de la vente à des investisseurs chinois, à travers une société, de 1 600 hectares de terres dans le Berry, sans possibilité d'intervention de la SAFER, a fait brutalement prendre conscience que la France ne s'était pas dotée d'instruments juridiques permettant d'empêcher des acquisitions non souhaitées de terres par des investisseurs hors du monde agricole .

La loi d'avenir agricole de 2014 avait étendu le droit de préemption des SAFER mais elle n'aurait pas suffi à empêcher l'opération incriminée, non seulement parce que ses dispositions n'étaient pas encore entrées en vigueur au moment de celle-ci, mais aussi parce qu'elle ne prévoyait pas de droit de préemption des SAFER sur des cessions partielles de parts sociales de sociétés agricoles.

B. LE MÉCANISME DE LA PROPOSITION DE LOI : FILIALISATION DE L'ACQUISITION DE TERRES PAR DES SOCIÉTÉS ET EXTENSION DU DROIT DE PRÉEMPTION DES SAFER.

Les dispositions de la loi Sapin II, reprises dans la présente proposition de loi, visent donc à dresser des obstacles aux montages sociétaires permettent d'échapper au contrôle des SAFER sur les cessions de terres agricoles, à travers un mécanisme en deux temps :

- l'article 1 er oblige les personnes morales à acquérir des terres agricoles à travers une société dédiée au portage foncier. Cette disposition permet d'atteindre une transparence complète sur les achats de terres à travers des achats de parts sociales. Cette obligation ne concerne en réalité que peu d'acteurs, dans la mesure où les GAEC, EARL, GFA ou GFR en sont exemptés ;

- l'article 3 étend le droit de préemption des SAFER aux cessions partielles de parts sociales : ainsi, les SAFER disposent d'un droit d'interférer dans les cessions de parts de société.

Complétées par les trois autres articles du volet foncier, ces dispositions remettent les SAFER au coeur du dispositif de contrôle des concentrations de la propriété foncière.

Les SAFER sont en effet un acteur essentiel du marché foncier rural et le droit de préemption dont elles disposent est un outil puissant d'intervention sur ce marché, même s'il est peu utilisé : sur les 10 300 biens acquis par elles en 2015 et représentant 83 800 hectares, le droit de préemption a été utilisé dans 1 260 cas.

Votre rapporteur n'a pas souhaité remettre en cause les dispositions votées en loi Sapin II sur le foncier agricole. Certes, l'exercice du droit de préemption des SAFER fait l'objet de critiques fortes, notamment parce que la simple menace de l'utilisation de ce droit permet d'être en position de force dans des négociations à l'amiable.

Le rapport public 2014 de la Cour des comptes avait d'ailleurs dressé un bilan critique de l'action des SAFER, qui bénéficient d'un avantage considérable dans leur activité d'intermédiation immobilière : une exonération de droit d'enregistrement, qui s'applique y compris sur les opérations effectuées en dehors de toute préemption.

Pour autant, la SAFER reste le seul instrument à disposition de la puissance publique pour réguler les échanges de foncier agricole et l'extension de son intervention à l'acquisition de parts sociales lors de cessions partielles lui permettra de mieux assurer ses missions.

Par ailleurs, l'obligation de passer par une société de portage foncier pour l'acquisition de terres agricoles accroîtra la transparence sur le marché des terres, même si elle complexifie la tâche des opérateurs économiques. À cet égard, votre rapporteur a souhaité par un amendement accroître les cas d'exonération de cette nouvelle obligation de filialisation aux sociétés souhaitant racheter des terres dont elles sont déjà locataires.

À l'exception de cet ajout, le texte voté par l'Assemblée nationale sur le foncier agricole n'a pas été modifié par votre commission.

II. LES DISPOSITIONS DE LA PROPOSITION DE LOI SUR LES PRODUITS PHYTOPHARMACEUTIQUES.

Outre les articles 8 et 9 destinés à encourager le biocontrôle, la proposition de loi contenait à l'origine un article 10 qui prévoyait explicitement la ratification de l'ordonnance, prise en application de la loi d'avenir agricole de 2014 et mettant en place à titre expérimental le mécanisme de certificats d'économies de produits phytopharmaceutiques (CEPP) devant inciter les distributeurs de ces produits à orienter leurs clients vers une réduction de l'utilisation de ces produits.

Il peut paraître curieux qu'une ratification expresse d'une ordonnance soit prévue par une proposition de loi, d'autant qu'un projet de loi ratifiant plusieurs ordonnances issues de la loi d'avenir agricole de 2014 existe déjà. En réalité, cette disposition semblait bien avoir pour but de permettre l'intégration en cours de lecture par amendement des dispositions sur les CEPP en passe d'être annulées pour un motif de procédure par le Conseil d'État , ce qui s'est produit fin décembre dernier.

C'est par un amendement du Gouvernement déposé en séance que le dispositif d'expérimentation des CEPP a donc pu retrouver une base légale. Votre rapporteur souligne le caractère acrobatique de la démarche. Toutefois, lors des auditions, il n'a pas constaté une hostilité totale du monde agricole à l'expérimentation des CEPP.

Alors qu'il pouvait être envisagé de supprimer l'ensemble du mécanisme, pour le renvoyer à une discussion plus approfondie et mieux préparée, votre rapporteur a préféré une solution intermédiaire, conservant l'expérimentation des CEPP, et en particulier permettant l'utilisation des fiches-actions par les agriculteurs, mais supprimant toute sanction financière, les CEPP devant répondre davantage à un but pédagogique .

Votre rapporteur a marqué là son attachement à une écologie plus positive que punitive , qui privilégie l'accompagnement vers de meilleures pratiques plutôt que l'alourdissement des charges qui pèsent sur les opérateurs économiques.

Sur le volet phytosanitaire, votre rapporteur a également proposé à votre commission d'ajouter une disposition permettant l'utilisation de produits phytopharmaceutiques classiques lorsqu'aucune solution alternative n'existe pour les collectivités territoriales et les particuliers.

L'interdiction par des textes législatifs récents de ces produits pour ces deux catégories d'utilisateurs mène en effet à des impasses techniques, qui font peser une menace majeure aujourd'hui sur les buis, attaqués par un champignon qui ne peut être traité avec des préparations naturelles peu préoccupantes ou avec des techniques de biocontrôle. Il est apparu nécessaire d'apporter cet aménagement pour contourner une difficulté juridique qui empêche les traitements, alors que l'on dispose des solutions techniques.

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE IER - PRÉSERVATION DES TERRES AGRICOLES
Article 1er(article L. 143-15-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) - Obligation pour les sociétés d'acquérir des terres agricoles à travers une société de portage foncier

Objet : cet article interdit aux personnes morales d'acquérir des terres agricoles sauf en créant une structure dédiée de portage foncier.

I. Le droit en vigueur

L'achat de terres agricoles est ouvert tant aux personnes physiques qu'aux personnes morales. Le processus d'achat des terres agricoles est encadré par une série de règles destinées à avantager les agriculteurs par rapport aux autres types d'acheteurs.

Les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) disposent, en vertu de l'article L. 143-1 du code rural et de la pêche maritime, d'un droit de préemption sur les ventes de « biens immobiliers à usage agricole et de biens mobiliers qui leur sont attachés ou de terrains nus à vocation agricole ». Ce droit de préemption s'étend aux bâtiments agricoles. Il leur permet de s'interposer dans les ventes et de remplacer l'acheteur, afin de répondre à l'un des 9 objectifs fixés par l'article L. 143-2 du code rural et de la pêche maritime, notamment l'installation des jeunes agriculteurs. Les SAFER rétrocèdent ensuite les terres agricoles acquises.

Le preneur en place dispose aussi d'un droit de préemption sur les terres qu'il exploite , en vertu de l'article L. 412-1 du code rural et de la pêche maritime, dès lors qu'il est agriculteur depuis plus de trois ans. L'exercice de ce droit de préemption oblige l'acheteur à exploiter les terres pendant au moins 9 ans.

Les terres agricoles possédées par des personnes morales sont intégrées à l'actif de leur bilan, avec pour contrepartie l'émission de parts sociales. De nombreux types de sociétés peuvent détenir du foncier agricole :

- Le code rural et de la pêche maritime définit deux types de sociétés dédiées au portage foncier : les groupements fonciers agricoles (GFA) et les groupements fonciers ruraux (GFR). Les GFA sont des sociétés civiles formées seulement entre personnes physiques, avec des exceptions limitées, régies par les articles L. 322-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime. Leur but est la création ou la conservation de l'exploitation agricole. Les parts de GFA sont cessibles avec une priorité pour les autres détenteurs de parts sociales. Il s'agit d'une formule souvent utilisée pour maintenir le patrimoine foncier au sein de la famille à l'occasion de transmissions générationnelles.

Régi par l'article L. 322-22 du code rural et de la pêche maritime, le GFR est aussi une société civile de personnes, destiné à gérer des immeubles à usage agricole et forestier, et dispose d'un statut calqué sur celui du GFA.

À côté du GFA et du GFR, les propriétaires de terres agricoles peuvent créer des structures de droit commun pour le portage du foncier, comme les sociétés civiles immobilières (SCI).

Il arrive aussi que le portage du foncier ne soit pas effectué au sein de sociétés dédiées mais que les agriculteurs aient constitué des sociétés, support juridique de l'exploitation, qui détiennent en propre un capital foncier, issu d'acquisitions par la société ainsi constituée ou d'apports lors de la constitution de la société. Cet apport donne lieu à émission de parts sociales, en contrepartie.

L'exploitation agricole sous forme individuelle décline, au profit de l'exploitation sous forme sociétaire depuis une vingtaine d'années. Lors du recensement de 2010, 69 % des exploitations étaient encore sous forme individuelle mais ne représentaient plus que 43 % de la surface agricole utilisée (SAU). Les groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC) et les entreprises agricoles à responsabilité limitée (EARL) représentaient respectivement 20 et 28 % de la SAU. Enfin, les autres formes sociétaires comme les sociétés civiles d'exploitation agricole (SCEA), les sociétés anonymes (SA) ou sociétés anonymes à responsabilité limitée (SARL) représentaient pour leur part 7 % des exploitations et 9 % des surfaces.

II. La proposition de loi initiale

La proposition de loi est issue des dispositions foncières votées au Sénat et à l'Assemblée nationale durant la discussion du projet de loi Sapin.

L'article 1 er vise à faire obstacle aux acquisitions de terres agricoles directement par les personnes morales, en les obligeant à réaliser ce type d'acquisition à travers des sociétés dédiées au portage foncier . Le mécanisme d'achat prend alors la forme d'une rétrocession par voie d'apport des terres agricoles acquises par la personne morale soumise à cette nouvelle obligation au sein de la société de portage foncier. En contrepartie de cet apport, des parts sociales sont attribuées à la personne morale ayant effectué l'acquisition.

Le dispositif proposé par l'article 1 er est assorti de plusieurs limites :

- tout d'abord, la filialisation de l'acquisition ne s'applique pas lorsque la surface totale détenue par la personne morale est inférieure au seuil défini pour le contrôle des structures , dans le schéma directeur régional des exploitations agricoles ;

- ensuite, la filialisation de l'acquisition ne s'applique pas pour certains types de sociétés : les GFA et GFR, dont l'objet est précisément la propriété agricole, les SAFER, mais aussi les GAEC et EARL, au sein desquels les porteurs de parts sociales sont forcément des agriculteurs participant personnellement à l'exploitation, ou encore les associations dont l'objet principal est la propriété agricole ;

- enfin, cette obligation ne vaut que pour l'avenir : les sociétés qui détiennent déjà des terres agricoles ne devront pas les transférer à une structure de portage foncier.

Le nouvel article L. 143-15-1 du code rural et de la pêche maritime prévoit un mécanisme pour prévenir les détournements de procédure :

- pour éviter que des transferts de propriété de terres agricoles détenues par des sociétés à travers leurs filiales dédiées au portage foncier échappent au regard des SAFER, l'alinéa 3 dispose qu'en cas de cession de la majorité des parts de ces sociétés, les parts de ces filiales sont réputées cédées dans les mêmes proportions. Cette exigence de proportionnalité a été ajoutée par rapport au dispositif voté en loi Sapin II pour garantir l'équité du dispositif ;

- en outre, les SAFER disposent d'un délai de six mois pour demander au juge d'annuler la cession ou de la déclarer acquéreuse en lieu et place de l'acquéreur initial en cas de méconnaissance par une personne morale de cette obligation de filialiser.

La proposition de loi prévoit une mise en application du nouveau dispositif dans un délai de six mois.

III. Le texte de l'Assemblée nationale

Les députés n'ont apporté aucune modification à l'article 1 er de la proposition de loi.

IV. La position de votre commission

L'article 1 er reprend le dispositif voté par le Sénat en loi Sapin II. La solution consistant à imposer aux sociétés souhaitant acquérir des terres agricoles à le faire à travers une société dédiée au portage foncier avait pour but de permettre une meilleure transparence des transactions de ce type.

Elle est indissociable de l'article 3 , qui étend le droit de préemption des SAFER aux cessions partielles de parts sociales des sociétés dont l'objet principal est la propriété agricole. Dans la mesure où l'alinéa 3 de l'article 1 er oblige à une cession conjointe des parts sociales de la société de portage foncier et de la société lui ayant apporté ce foncier, ce droit de préemption pourra aussi s'exercer en cas de vente de parts des sociétés-mères.

L'application de l'article 1 er présente de nombreuses difficultés :

- tout d'abord, le mécanisme mis en place n'est pas exempt de risques de contournement : un premier contournement pourrait intervenir en créant une multitude de petites sociétés, qui se situeraient en dessous des seuils du contrôle des structures et dont les acquisitions seraient alors hors du champ d'intervention des SAFER. Un autre contournement pourrait consister à créer une holding au-dessus de la société achetant des terres agricoles. Les ventes de parts de cette société-mère équivaudront à des échanges de terres, sans être soumises au regard des SAFER ;

- ensuite, le mécanisme créé fait naître une incertitude sur le plan fiscal : quel sera le traitement réservé aux parts de la société de portage foncier ?

- en outre, des interrogations sont apparues sur le type de société pouvant être mises en place pour assurer le portage foncier . Il ne peut s'agit d'un GFA ou d'un GFR puisqu'ils ne peuvent avoir comme membres que des personnes physiques. Il ne peut s'agir d'une SCI, d'une société anonyme (SA) ou d'une société anonyme à responsabilité limitée (SARL) que s'il existe au moins deux actionnaires, c'est-à-dire si l'achat de terres agricoles regroupe plusieurs apporteurs de capitaux. Au final, la formule de la société par actions simplifiée (SAS) semblerait la plus probable pour assurer le portage de terres, à condition que son objet social soit restreint à cette seule finalité ;

- une autre critique porte sur la complexité du dispositif : la création d'une société nouvelle dédiée au portage foncier nécessite des démarches administratives et la rétrocession par voie d'apports doit faire l'objet d'un enregistrement auprès des services fiscaux ainsi que d'une publication officielle. L'intervention d'un commissaire aux apports sera également requise ;

- enfin, une difficulté pourrait apparaître pour les sociétés actuellement locataires de terres agricoles . L'obligation de passer par une société de portage foncier pour acquérir ces terres, si elles venaient à être mises en vente, pourrait rendre inopérant le droit de préemption dont bénéficie le fermier en place en vertu de l'article L. 412-1 du code rural et de la pêche maritime. En effet, ce droit de préemption est subordonné à l'exploitation personnelle du bien ainsi acquis par l'acquéreur. Le montage sociétaire exigé par l'article 1 er ne permet certainement pas de remplir cette condition.

Aussi, votre rapporteur a proposé à votre commission, qui l'a accepté, un amendement COM-7 rect ajoutant un cas de dispense de l'obligation de filialisation de l'acquisition de terres agricoles pour les personnes morales, lorsqu'une entreprise agricole constituée sous une autre forme que le GAEC ou l'EARL achète des terres dont elle est déjà locataire.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2 (articles L. 322-2, L. 322-22 et L. 322-24 du code rural et de la pêche maritime et article 793 du Code général des impôts) - Possibilité d'acquisition, pour les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, de plus de 30 % des parts de groupements fonciers agricoles ou ruraux

Objet : cet article lève l'interdiction pour les SAFER de monter au capital des GFA et GFR au-delà 30 %.

I. Le droit en vigueur

Les articles L. 322-2 et L. 322-22 du code rural de de la pêche maritime limitent la prise de participation des SAFER à hauteur de 30 % du capital des GFA et des GFR.

La présence des SAFER dans le capital de ces structures ne peut être que temporaire, les SAFER n'ayant pas vocation à conserver dans leur patrimoine de tels actifs.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le dispositif proposé a pour objet de lever la limitation à 30 % du capital de la participation des SAFER aux GFA et GFR.

Les modalités d'acquisition amiables des parts de GFA et de GFR sont ainsi alignées sur les dispositions applicables à l'ensemble des sociétés sur lesquelles les SAFER peuvent exercer leur droit de préemption.

Le quatrième alinéa de l'article, introduit par les députés à l'initiative du rapporteur Dominique Potier, prévoit en outre la suppression de l'article L. 322-24 du code rural et de la pêche maritime, qui renvoie à un décret en Conseil d'État l'application des mesures relatives aux GFA et GFR. Ce décret n'a jamais été pris et n'est absolument pas nécessaire.

Le II de l'article 2, a été introduit également par amendement pour coordonner les dispositions du code général des impôts à cette suppression d'article du code rural et de la pêche maritime.

III. La position de votre commission

Les dispositions de cet article avaient été votées en loi Sapin II.

Les apports de l'Assemblée nationale ont une portée purement technique et ne posent aucune difficulté de fond.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 3 (article L.143-1 du code rural et de la pêche maritime) - Droit de préemption des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural en cas de cession partielle de parts ou actions de sociétés agricoles

Objet : cet article étend le droit de préemption des SAFER sur les cessions partielles de parts sociales de sociétés de portage de foncier agricole.

I. Le droit en vigueur

Les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural disposent d'un droit de préemption des terres agricoles, lorsque l'exercice de ce droit de préemption poursuit l'un des objectifs énumérés à l'article L. 143-2 du code rural et de la pêche maritime.

La loi d'avenir pour l'agriculture du 13 octobre 2014 a reconnu aux SAFER un droit de préemption en cas d'aliénation à titre onéreux de la totalité des parts ou actions d'une société agricole, à condition toutefois que l'exercice de ce droit ait pour seul objet l'installation d'un agriculteur.

Or, ce droit de préemption sur les parts sociales peut être contourné par des montages juridiques passant par l'aliénation d'une partie seulement des parts ou actions d'une entreprise agricole, la SAFER ne pouvant pas alors exercer son droit de préemption.

Dans le cas de la cession de terres agricoles à une société chinoise dans le Berry, celle-ci portait sur 98 % des parts, empêchant ainsi toute intervention de la SAFER.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le dispositif proposé par l'article 3 a pour objet d'élargir le droit de préemption des SAFER aux cessions partielles des parts ou actions des sociétés agricoles, lorsque l'acquisition aurait pour effet de conférer au cessionnaire la majorité des parts ou actions, ou une minorité de blocage au sein de la société.

Ce droit de préemption est également étendu dans la mesure où les objectifs qui doivent être poursuivis par l'exercice de ce droit sont non seulement l'installation d'agriculteurs mais aussi le maintien ou la consolidation des exploitations agricoles existantes.

III. La position de votre commission

L'article 3 reprend lui aussi les dispositions votées en loi Sapin II. Le choix d'étendre le droit de préemption des SAFER répond au constat de l'insuffisance de l'extension de ce droit de préemption aux seules cessions totales de droits lors de la loi de 2014.

Une préemption sur une cession partielle de droits sociaux peut paraître curieuse, dans la mesure où l'un des principes de base du droit des sociétés, l' affectio societatis , suppose que les associés fassent société sur la base d'une volonté commune. La préemption s'oppose à la volonté des parties lors des cessions de parts et peut conduire à des associations forcées au sein de la société lors de la rétrocession des parts.

Or, il existe d'autres types de droit de préemption en cas de cessions partielles de parts sociales : ainsi, la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, dite « loi MOLLE », avait permis l'exercice du droit de préemption urbain sur les cessions de la majorité des parts de SCI, hors SCI familiales. La loi ALUR du 24 mars 2014 permet désormais dans certaines conditions d'exercer le droit de préemption en cas de cession d'une minorité de parts d'une SCI.

L'atteinte au droit de propriété que représente la préemption paraît donc justifiée par le but d'intérêt général que représente la préservation d'exploitations agricoles existantes ou l'encouragement de l'installation de jeunes agriculteurs.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 4 (article L. 143-5 du code rural et de la pêche maritime) - Obligation de conserver cinq ans les droits sociaux reçus en contrepartie d'un apport en société

Objet : cet article oblige les personnes physiques ou morales ayant apporté des terres à une société à conserver les parts correspondantes pendant cinq ans.

I. Le droit en vigueur

L'apport en société, notamment de terres agricoles, au capital des entreprises donne droit en contrepartie à des parts sociales. Les détenteurs de ces parts sociales ne sont pas tenus de les conserver et peuvent librement les céder.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article prévoit un encadrement de l'apport en société portant sur des immeubles agricoles en introduisant un délai de conservation minimale de cinq ans des droits sociaux correspondant à cet apport et une sanction de nullité en cas de méconnaissance de cet engagement. Le dispositif prévu bloque juridiquement la possibilité d'effectuer un apport de terres en société et de céder rapidement les parts correspondantes, dans un but spéculatif.

Pendant ce délai de cinq ans, la cession des droits sociaux est possible, mais soumis à l'accord préalable de la SAFER. Ce dispositif permettra une implication de long terme des associés dans une société à objet agricole et évitera les montages juridiques spéculatifs.

III. La position de votre commission

Les dispositions de cet article avaient été votées en loi Sapin II. La durée de détention des parts sociales avait été fixée d'abord à 10 ans, avant d'être réduite en cours de discussion. Une durée de cinq ans est suffisante.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 5 (article L. 142-4 du code rural et de la pêche maritime) - Possibilité, pour les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, de maintenir leur participation au capital d'une société de personnes jusqu'à cinq ans, pour rétrocéder ensuite les droits acquis

I. Le droit en vigueur

L'acquisition de biens fonciers par les SAFER conduit à des rétrocessions obéissant à des critères strictement définis et liés à l'objet même des SAFER. Les terres ou les exploitations acquises sont ainsi rétrocédées à l'issue d'une période transitoire qui ne peut excéder cinq ans. Au cours de cette période, l'article L. 142-4 du code rural et de la pêche maritime prévoit que les SAFER prennent toutes les mesures conservatoires nécessaires au maintien des biens en état d'utilisation et de production.

Ces dispositions s'appliquent en cas d'acquisition amiable ou en cas d'utilisation du droit de préemption par les SAFER.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article permet aux SAFER de maintenir leur participation au capital d'une société de personnes jusqu'à cinq ans, le temps d'effectuer la rétrocession de ces droits.

III. La position de votre commission

Il s'agit là d'une disposition nécessaire pour tirer les conséquences de l'extension du droit de préemption des SAFER, qui disposeront d'un délai de cinq ans pour effectuer les rétrocessions de parts sociales acquises en vertu des pouvoirs conférés par la présente proposition de loi.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 6 (intitulé de la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre III et articles L. 312-3 et L. 312-4 du code rural et de la pêche maritime) - Barème de la valeur des terres agricoles

Objet : cet article supprime le répertoire départemental de la valeur des terres agricoles au profit du barème indicatif établi au niveau ministériel.

I. Le droit en vigueur

La section 3 du chapitre II du titre I er du Livre III du code rural et de la pêche maritime est consacrée à la question de la transparence du marché foncier agricole.

Cette transparence est assurée par la publication de données sur les valeurs vénales des terres agricoles à travers plusieurs instruments prévus par la loi :

L'article L. 312-3 du code rural et de la pêche maritime prévoit que dans chaque département, la commission départementale d'aménagement foncier (CDAF) tient un répertoire qui précise, pour chaque catégorie de terres agricoles et par région naturelle :

- la valeur vénale moyenne ;

- la valeur locative moyenne ;

- et la valeur de rendement moyenne des terres agricoles.

Ces données doivent constituer un élément d'appréciation du juge pour la fixation de la valeur des terres agricoles, en cas de litige.

Dans l'attente de la publication de ces répertoires, l'article L. 312-4 du code rural et de la pêche maritime donne mission au ministre de l'agriculture de publier un barème indicatif de la valeur vénale moyenne des terres agricoles, établi pour chaque département par région naturelle et par nature de culture .

Le dernier barème a été publié par un arrêté du 11 août 2016 portant fixation du barème indicatif de la valeur vénale moyenne des terres agricoles en 2015. Ce barème indique des prix dominants, des prix minimum et maximum constatés lors des transactions. Il ne concerne que les cessions et n'indique pas la valeur locative moyenne ou encore la valeur de rendement.

II. La proposition de loi initiale

L'article 6 de la proposition de loi reprend une disposition adoptée durant la discussion de la loi Sapin II, censurée ensuite pour des raisons de procédure par le Conseil constitutionnel, qui vise à remplacer le répertoire départemental, jamais mis en oeuvre, par le barème fixé par le ministre de l'agriculture.

Les dispositions réglementaires prises pour l'application de l'article L. 312-3 du code rural et de la pêche maritime ne sont en effet jamais intervenues, si bien que seul le barème ministériel est aujourd'hui disponible .

La proposition de loi supprime donc l'article L. 312-3 qui concerne le répertoire et réécrit l'article L. 312-4 qui régit le barème, pour faire du barème non plus un instrument provisoire mais un instrument de référence , publié chaque année par le ministre de l'agriculture.

Ce barème de la valeur vénale des terres agricoles conserve le même degré de précision : il doit décliner la valeur des terres par département, par région naturelle à l'intérieur des départements et par nature de culture, en tenant compte des ventes effectuées dans l'année, et le cas échéant au cours des cinq années précédentes. Il doit constituer une référence pour les juges lors des contestations sur les prix, par exemple en cas de préemption des SAFER avec révision de prix.

Tirant les conséquences de la suppression du répertoire au profit du barème, l'intitulé de la section 3 du chapitre II du titre I er du Livre III du code rural et de la pêche maritime devient « Le barème de la valeur des terres agricoles ».

III. Le texte de l'Assemblée nationale

Les députés n'ont apporté aucune modification à l'article 6, ni en commission ni en séance.

IV. La position de votre commission

Votre rapporteur était favorable à cette mesure de simplification et de clarification lors de la discussion du projet de loi Sapin II et soutient la réintroduction de cette disposition au sein de la présente proposition de loi.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 7 (article L. 221-2 du code de l'urbanisme) - Assouplissement du régime de concession temporaire de terres à usage agricole

Objet : cet article assouplit les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales peuvent accorder sur leurs réserves foncières aux agriculteurs des concessions temporaires de terres à usage agricole.

I. Le droit en vigueur

Pour la mise en oeuvre de leurs grands projets, l'État, les collectivités territoriales, ou leurs établissements publics, ainsi que des syndicats mixtes sont autorisés par l'article L. 221-1 du code de l'urbanisme à acheter des terres ou des bâtiments, si nécessaire par expropriation, pour constituer des réserves foncières.

En attendant la réalisation des projets, ces réserves foncières peuvent faire l'objet de concessions temporaires . Les terres agricoles de ces réserves peuvent ainsi être louées, en dehors des règles du statut du fermage. Il s'agit en effet de ne pas laisser ces terrains à l'abandon dans l'intervalle entre leur acquisition et leur aménagement.

L'article L. 221-2 du code de l'urbanisme précise que lorsque les terres à usage agricole sont concédées, il ne peut être mis fin à ces concessions que moyennant un préavis d'au moins un an.

II. La proposition de loi initiale

L'article 7 de la proposition de loi reprend une disposition adoptée durant la discussion de la loi Sapin II, censurée ensuite pour des raisons de procédure par le Conseil constitutionnel, qui visait à assouplir le régime de la concession temporaire de terres agricoles.

L'existence d'un délai d'une année peut être en effet considéré comme plutôt long, pouvant amener les collectivités territoriales qui sont dans l'incertitude des dates de début d'opérations d'aménagement à refuser d'accorder de telles concessions temporaires.

Le dispositif proposé par l'article 7 :

- permet un préavis plus court : trois mois avant la levée de récolte ou trois mois avant la fin de l'année culturale ;

- conserve le délai de droit commun d'un an, mais en ajoutant une indemnisation de l'agriculteur en cas de destruction de culture avant récolte .

III. Le texte de l'Assemblée nationale

Les députés n'ont apporté aucune modification à l'article 7, ni en commission ni en séance.

IV. La position de votre commission

Votre rapporteur souligne que la modification apportée au régime de concession temporaire des terres agricole est plus complexe qu'elle n'y paraît. Certes, le raccourcissement à trois mois du délai de préavis dans certains cas constitue un assouplissement du régime actuel, qui exige dans tous les cas un préavis d'une année.

Mais dans le même temps, le délai de préavis d'un an est assorti d'une obligation nouvelle pour le concédant, consistant à prévoir une indemnisation dans le cas où la culture serait détruite avant récolte. Cette condition nouvelle sécurise davantage l'agriculteur concessionnaire de terres à titre précaire, mais en même temps, pourrait conduire les collectivités territoriales, ne souhaitant pas engager des frais à l'occasion de la récupération de leurs terres pour des opérations d'aménagement, à hésiter avant d'accorder de telles concessions.

Malgré cette réserve, votre commission n'a pas apporté de modification à cet article, le Sénat s'étant déjà prononcé favorablement lors de sa séance du 6 juillet 2016 sur ce sujet.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 7 bis (articles L. 411-11 et L. 411-73 du code rural et de la pêche maritime) - Suppression de la commission nationale paritaire des baux ruraux et des comités techniques départementaux

Objet : cet article supprime deux organes consultatifs : la commission nationale paritaire des baux ruraux et les comités techniques départementaux.

I. Le droit en vigueur

a- La commission consultative paritaire nationale des baux ruraux

L'article L. 411-11 du code rural et de la pêche maritime prévoit que les prix des fermages sont fixés entre des minima et maxima définis par arrêté préfectoral.

L'alinéa 11 du même article précise que ces minima et maxima sont fixés par les préfets sur proposition de la commission consultative paritaire départementale des baux ruraux (CCPDBR). Si les commissions départementales ne se mettent pas d'accord, la loi prévoit de saisir, le cas échéant, la commission consultative paritaire nationale des baux ruraux (CCPNBR). Enfin, en cas de carence des commissions, le préfet fixe lui-même par arrêté ces minima et maxima.

Les grilles de minima et maxima doivent être révisées tous les 6 ans.

L'article R. 414-5 du code rural et de la pêche maritime précise la composition de la CCPNBR qui comprend des représentants des bailleurs et des fermiers et métayers. Il en va de même à l'échelle départementale pour les CCPDBR, régis par l'article R. 414-1 du même code.

b- Le rôle des comités techniques départementaux.

Prévu par l'article L. 411-73 du code rural et de la pêche maritime, le comité technique départemental (CTD) est chargé de donner un avis, dans les deux mois, lorsque les propriétaires de terres agricoles ont refusé ou n'ont pas répondu aux demandes des preneurs d'effectuer des travaux d'amélioration des terres louées.

Lorsque les CTD donnent un avis favorable, les fermiers en place peuvent effectuer les travaux demandés, sauf si le propriétaire saisit le tribunal paritaire des baux ruraux.

L'article R. 411-20 du code rural et de la pêche maritime retient une composition très réduite du CTD, présidé par le préfet ou ses représentants et réunissant cinq représentants de la profession agricole désignés sur proposition de la CCPDBR.

Les CTD ont un rôle essentiellement technique qui se situe dans une phase précontentieuse, lorsque preneur et bailleur sont en désaccord sur les travaux devant être réalisés sur les fonds loués.

II. Le texte de l'Assemblée nationale

À l'initiative du rapporteur M. Dominique Potier, mais aussi de nombreux de ses collègues, les députés ont adopté en commission 6 amendements identiques supprimant la CCNBR et les CTD, dont les missions sont transférées aux commissions paritaires départementales des baux ruraux (CCPDBR).

La suppression de la CCNBR s'appuie sur le fait qu'elle n'est plus constituée depuis la dernière le dernier renouvellement des assesseurs des tribunaux paritaires des baux ruraux de 2010.

Les députés justifient la suppression des CTD par leur inexistence dans certains départements. Dans un souci de simplification, leurs missions pourraient donc être exercées par les CCPDBR.

Pour laisser un délai de préparation aux professionnels, l'article 7 bis prévoit une entrée en vigueur différée au 1 er janvier 2018 de ces dispositions.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur partage le souci de simplification du droit et des procédures, mais à condition que les procédures préservent l'intérêt des agriculteurs, mais il n'est pas certain que les mesures proposées par l'article 7 bis aient des effets si positifs :

- d'abord, le recours à la CCPNBR peut être utile pour ne pas laisser les préfets seuls trancher les litiges en matière de fixation des minima et maxima encadrant les prix des fermages. Des décisions prises par l'autorité administrative en dehors de consensus professionnels risquent de donner lieu à des contentieux sur les arrêtés préfectoraux, qui constituent autant de facteurs d'incertitude pour les agriculteurs ;

- ensuite, le transfert des missions des CTD aux CCPDBR présente certes l'avantage de supprimer une commission départementale. Mais les CCPBR réunissent plus d'une douzaine de participants, contre six pour les CTD, ce qui n'allégera pas le coût des procédures. En outre, les CCPDBR ont plutôt une mission visant à définir la politique départementale des baux ruraux et non à régler des cas particuliers. Par ailleurs, des conflits d'intérêt pourront être soulevés en cas de saisine ultérieure du tribunal paritaire des baux ruraux (TPBR) sur des litiges dont a eu à connaître la CCPDBR, dans la mesure où les membres de cette commission sont souvent les mêmes que ceux des tribunaux. Il convient donc de conserver les CTD.

Estimant que l'article 7 bis constitue une fausse bonne idée, votre rapporteur a proposé à votre commission, qui l'a accepté, un amendement COM-3 supprimant cet article.

La commission a supprimé cet article.

TITRE II - DÉVELOPPEMENT DU BIOCONTRÔLE
Article 8 A (nouveau) (article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime) - Possibilité d'utilisation de produits phytopharmaceutiques conventionnels faute d'efficacité des produits de substitution

Objet : cet article crée une exception à l'interdiction d'utiliser des produits phytopharmaceutiques classiques pour les utilisateurs non professionnels et les collectivités territoriales, lorsque les méthodes alternatives de fonctionnement pas.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime prévoit que l'autorité administrative, c'est-à-dire le ministre de l'agriculture au niveau national et les préfets dans les départements, a la possibilité, même lorsque les produits phytopharmaceutiques ont fait l'objet d'une procédure d'autorisation, de prendre des mesures d'interdiction ou d'encadrement de leur utilisation.

L'article L. 253-7 va même plus loin en créant des obligations encore plus strictes pour certaines catégories d'utilisateurs de ces produits :

- l es collectivités territoriales , tout d'abord, ne peuvent plus utiliser de produits conventionnels pour leurs espaces verts, forêts, voiries ou promenades accessibles ou ouverts au public. Seuls les produits de biocontrôle et les substances à faible risque leur sont autorisés. Toutefois, une possibilité d'utiliser les produits conventionnels est préservée pour les zones étroites ou difficiles d'accès comme les échangeurs routiers. Cette interdiction s'applique à compter du 1 er janvier 2017 ;

- il en va de même à partir du 1 er janvier 2019 pour tous les utilisateurs non-professionnels , notamment les particuliers pour les traitements de leurs jardins.

Pour ces utilisateurs, seuls les produits mentionnés au IV de l'article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime peuvent être employés : il s'agit des produits de biocontrôle et des substances à faible risque selon la classification européenne.

Cette interdiction comporte une exception : l'utilisation de produits phytopharmaceutiques conventionnels est possible dans le cadre des mesures de lutte obligatoires prescrites par les autorités administratives contre les organismes nuisibles.

II. La position de votre commission

Le cadre juridique actuel interdit d'utiliser des techniques conventionnelles de lutte contre des menaces sanitaires sur les plantes dans les collectivités territoriales et pour les particuliers, alors même qu'aucune solution alternative n'existerait .

Cette situation n'est pas une situation théorique : le cas des buis montre bien qu'il existe une réelle impasse pour les propriétaires de buis, qui sont attaqués par plusieurs parasites provoquant leur dépérissement. Concernant les attaques de pyrale, des solutions alternatives aux produits classiques ont été développées et semblent donner des résultats intéressants. En revanche, il n'existe aujourd'hui aucune technique de biocontrôle pour lutter contre la cylindrocladiose, contre laquelle seuls des traitements fongicides conventionnels ont un réel effet.

À l'initiative de notre collègue Louis-Jean de Nicolaÿ, le ministre de l'agriculture avait été interrogé le 11 octobre 2016 sur le sujet et indiquait qu'il faudrait peut-être « autoriser le recours à des doses extrêmement faibles de phytosanitaires durant des périodes transitoires pour sauver les buis et les jardins à la française, qui font partie de notre patrimoine ».

Or, il n'est pas possible de faire jouer l'exception au titre des mesures de lutte obligatoire à l'interdiction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques conventionnels pour les buis des collectivités ou des particuliers. En effet, l'article L. 251-3 du code rural et de la pêche maritime ne permet à l'autorité administrative d'inscrire dans la liste des organismes nuisibles faisant l'objet de mesures de lutte obligatoire que les dangers sanitaires de première catégorie et de deuxième catégorie définis à l'article L. 201-1 du même code.

Or, le classement de la cylindrocladiose du buis en danger de première ou de deuxième catégorie ne semble pas envisageable. Seul un classement en troisième catégorie paraît possible, et cette catégorie n'ouvre pas droit à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques classiques.

Votre rapporteur a donc proposé à votre commission, qui l'a accepté, un amendement COM-4 visant à créer une nouvelle exception à l'interdiction d'utilisation de produits phytopharmaceutiques conventionnels par les collectivités territoriales et par les particuliers .

Cet amendement complète l'article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime pour autoriser ces produits, à condition qu'il s'agisse de produits ayant fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché, et dans la mesure où les produits de biocontrôle existants et les préparations naturelles peu préoccupantes ne permettent pas de lutte contre un danger sanitaire, quelle que soit sa classification.

Une telle disposition permettra de donner un cadre juridique à la lutte contre la cylindrocladiose du buis , mais aussi à d'éventuelles nouvelles menaces qui apparaîtraient et ne pourraient pas être traitées par des techniques alternatives aux produits conventionnels.

La commission a adopté cet article additionnel.

Article 8 (article L. 254-1 du code rural et de la pêche maritime) - Dispense d'agrément pour l'application des produits de biocontrôle.

Objet : cet article supprime l'exigence d'un agrément pour l'application de produits de biocontrôle ne faisant pas l'objet d'une classification et les substances de base.

I. Le droit en vigueur

La loi Grenelle II de l'environnement de 2010 avait renforcé les exigences en matière de produits phytopharmaceutiques, à la fois sur les entreprises et sur les agriculteurs, en imposant une double obligation :

- une obligation de détenir un agrément pour tous les opérateurs qui soit vendent, soit appliquent en prestation de service, soit conseillent les utilisateurs de ces produits ;

- une obligation de détenir un certificat pour les personnes qui vendent ou appliquent ces produits à titre professionnel.

L'agrément phytosanitaire est régi par les articles L. 254-1 et L. 254-2 du code rural et de la pêche maritime, tandis que le certificat phytosanitaire dénommé « certiphyto » est régi par l'article L. 254-3 du même code.

L'agrément, qui concerne les entreprises et non les personnes physiques, est subordonné à la souscription d'une assurance couvrant la responsabilité civile et professionnelle ainsi qu'à une certification périodiquement contrôlée, accordée par un organisme certificateur.

L'agrément pour l'application en prestation de service de produits phytopharmaceutiques n'est pas exigé lorsque l'application est effectuée par des agriculteurs dans le cadre de l'entraide, par des agriculteurs titulaires du certiphyto sur de petites parcelles ou lorsque les produits utilisés sont des produits de biocontrôle, figurant sur une liste nationale à laquelle renvoie l'article L. 253-5 du code rural et de la pêche maritime.

Le biocontrôle bénéficiait donc déjà depuis le Grenelle de l'environnement d'un régime dérogatoire.

Mais le biocontrôle a fait l'objet en 2014 d'une définition légale à l'article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime plus large que celle retenue à l'article L. 253-5 : aux termes de l'article L. 253-6, les produits de biocontrôle sont des « agents et produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures ». Quatre catégories de produits de biocontrôle sont identifiées aujourd'hui :

- les macro-organismes, qui font l'objet d'une réglementation spécifique ;

- les micro-organismes ;

- les médiateurs chimiques, comme les phéromones et les kairomones

- et enfin les substances naturelles d'origine végétale, animale ou minérale.

Toutes ces catégories doivent ainsi pouvoir faire l'objet d'une exemption d'agrément pour leur application, indépendamment de leur inscription sur la liste ministérielle, dès lors que ces produits ne présentent pas de dangerosité.

II. La proposition de loi initiale

L'article 8 de la proposition de loi vise donc à faire évoluer la rédaction de l'article L. 254-1 du code rural et de la pêche maritime.

La dispense d'agrément pour l'application de produits phytopharmaceutiques en prestation de service est précisée concernant les produits de biocontrôle : cette dispense vaudra pour tous les produits de biocontrôle définis comme tels à l'article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime et ne faisant pas l'objet d'une classification au titre des textes européens. Cette rédaction étend la dispense d'agrément au-delà de la liste ministérielle mais exclut de dispense d'agrément des produits de biocontrôle qui pourraient présenter des dangers.

III. Le texte de l'Assemblée nationale

Outre un amendement rédactionnel, les députés ont adopté en commission un amendement du rapporteur, M. Dominique Potier, étendant la dispense d'agrément pour l'application des produits phytopharmaceutiques aux produits considérés comme des substances de base par le règlement européen de 2009, comme la prêle, le vinaigre ou encore le bicarbonate de sodium.

En effet, ces produits sont considérés comme ne présentant pas de danger, ce qui justifie leur classement en substance de base. Il serait incohérent de dispenser d'agrément l'application des produits de biocontrôle et pas l'application des substances de base, qui ne présentent théoriquement pas de danger.

IV. La position de votre commission

Votre rapporteur ne propose pas d'apporter de modifications à cet article qui semble donner satisfaction à l'ensemble des acteurs auditionnés : agriculteurs, fabricants, distributeurs.

Le marché du biocontrôle, alternative aux produits phytopharmaceutiques conventionnels, est d'ailleurs en plein développement . La dispense d'agrément pour les applicateurs de ces produits constitue un encouragement à diffuser les pratiques alternatives de protection des plantes.

Votre rapporteur souhaite cependant que, sans aller jusqu'à l'agrément obligatoire, des contrôles puissent être effectués sur les pratiques professionnelles des applicateurs de produits de biocontrôle afin de prévenir le risque d'exposer les agriculteurs à des opérateurs peu scrupuleux proches du charlatanisme.

Votre commission a adopté, à l'initiative de votre rapporteur, un amendement rédactionnel COM-5, qui ne remet pas en cause l'exonération d'agrément pour les prestations de service portant sur l'application de produits de biocontrôle.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 9 (article L. 254-3 du code rural et de la pêche maritime) - Dispense de certificat individuel pour l'application des produits de biocontrôle.

Objet : cet article supprime l'exigence de certiphyto pour les utilisateurs de médiateurs chimiques et les substances de base.

I. Le droit en vigueur

Depuis le Grenelle de l'environnement, les agriculteurs professionnels utilisant des produits phytopharmaceutiques doivent détenir un certificat individuel, le certiphyto.

Un délai avait été laissé pour l'obtenir : depuis novembre 2015, il est désormais pour tout professionnel devant utiliser de tels produits.

Début 2015, l'organisme de formation professionnelle des agriculteurs VIVEA (Fonds pour la formation des entrepreneurs du vivant) estimait que 92 % des agriculteurs avaient suivi la formation permettant d'obtenir la certification.

Le certificat est attribué à l'issue d'une formation d'une durée de deux jours. Il a une durée de validité de 5 ans.

Le certiphyto vise à améliorer la connaissance des agriculteurs sur les techniques de lutte phytosanitaire, sur les produits disponibles ou encore leurs conditions d'utilisation. Il vise à encourager la diffusion de bonnes pratiques, plus économes en produits phytopharmaceutiques et plus adaptées aux besoins de protection de plantes cultivées.

L'article L. 254-3 du code rural et de la pêche maritime ne prévoit pas d'exception à l'obligation de détenir un certiphyto : toute personne physique qui utilise des produits phytopharmaceutiques dans le cadre de son activité professionnelle, que ce soit à titre salarié, pour son propre compte, ou dans le cadre d'un contrat d'entraide à titre gratuit, doit détenir ce certificat.

II. La proposition de loi initiale

L'article 9 exonère de certiphyto l'application d'une catégorie de produits de biocontrôle : les médiateurs chimiques.

L'application de telles techniques par des agriculteurs ne pose pas problème puisqu'ils disposent désormais tous ou presque du certiphyto. En règle générale, leur personnel permanent est également titulaire du certiphyto, ce qui est plus rarement le cas pour les personnels recrutés à titre temporaire.

Or, l'intérêt de disposer d'un certiphyto pour la pose de médiateurs chimiques comme les pièges à pyrales est inexistant . De tels produits sont d'ailleurs vendus également aux utilisateurs non professionnels et ne nécessitent que des précautions d'emploi très limitées.

Ainsi, l'exigence de certiphyto pour le personnel temporaire agit plutôt comme un frein au déploiement de méthodes de biocontrôle, dans la mesure où, pour certaines cultures comme la vigne, le recours à ces techniques nécessite beaucoup de personnel mais sur une période limitée.

L'article 9 modifie donc l'article L. 254-3 du code rural et de la pêche maritime pour ne pas exiger de certiphyto pour l'utilisation de médiateurs chimiques au sens de l'article L. 253-6 du même code.

III. Le texte de l'Assemblée nationale

Dans le prolongement de l'amendement adopté à l'article 8, les députés ont adopté en commission, à l'initiative du rapporteur Dominique Potier, un amendement étendant la dispense de certiphyto pour l'application de substances de base au sens du règlement européen de 2009.

L'exigence de certiphyto dans ces situations paraît en effet excessive compte tenu de la nature de ces produits.

IV. La position de votre commission

Votre rapporteur partage l'analyse des députés sur l'inutilité du certiphyto pour l'utilisation de médiateurs chimiques ou de substances de base . Il a proposé à votre commission, qui l'a accepté, un amendement purement rédactionnel COM-6, qui conserve l'exonération de certiphyto proposée par l'Assemblée nationale.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 10 (articles L. 254-10 à L. 254-10-8 [nouveaux] du code rural et de la pêche maritime) - Mise en place d'un système de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP)

Objet : cet article rétablit les certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques prévus par une ordonnance de 2015 annulée par le Conseil d'État.

I. Le droit en vigueur

Prise en application de l'article 55 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, l' ordonnance n° 2015-1244 du 7 octobre 2015 mettait en place un dispositif expérimental de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) inspiré du modèle du dispositif des certificats d'économie d'énergie (CEEE).

L'objectif de ce dispositif était d'encourager des actions concourant à réaliser des économies de produits phytopharmaceutiques, pouvant être ensuite valorisées par ceux qui s'engagent volontairement dans ces actions.

Pris en application de l'ordonnance, le décret n° 2016-1166 du 26 août 2016 a précisé les conditions de fonctionnement des CEPP, prévoyant notamment la publication par le ministre de l'agriculture d'un bilan annuel sur la période d'expérimentation qui s'étend jusqu'en 2022.

Comme six autres ordonnances prises en application de la loi agricole de 2014, l'ordonnance n° 2015-1244 avait déjà fait l'objet du dépôt d'un projet de loi de ratification, déposé le 16 décembre 2015 au Sénat.

II. La proposition de loi initiale

L'article 10 de la proposition de loi prévoyait une ratification explicite de l'ordonnance n° 2015-1244. L'insertion de cet article dans la proposition de loi est surprenante, dans la mesure où il existe déjà un instrument législatif de ratification, même s'il n'a pas encore été inscrit à l'ordre du jour.

Cet article 10 s'analyse plutôt comme une astuce de procédure, permettant, au cas jugé très probable au moment du dépôt de la proposition de loi le 21 décembre 2016 où le Conseil d'État annulerait l'ordonnance, de reprendre l'intégralité de ses dispositions annulées dans la proposition de loi en cours de discussion.

Le 28 décembre 2016, le Conseil d'État, saisi d'un recours en excès de pouvoir le 20 novembre 2015 contre l'ordonnance n° 2015-1244, a en effet annulé cette ordonnance pour un motif de procédure, sans même examiner les motifs de fond : l'absence de consultation du public préalable à l'adoption de l'ordonnance a été jugée contraire aux exigences de l'article L. 120-1 du code de l'environnement, qui prévoient une telle consultation pour les dispositions qui ont une incidence directe et significative sur l'environnement. Le dispositif des CEPP a été jugé comme entrant dans cette catégorie.

III. Le texte de l'Assemblée nationale

En commission, tirant les conséquences de l'annulation par le Conseil d'État de l'ordonnance n° 2015-1244, les députés ont adopté à l'initiative conjointe du rapporteur Dominique Potier, de M. Lionel Tardy et de M. Antoine Herth, trois amendements supprimant l'article 10.

En séance, les députés ont en revanche adopté un amendement du Gouvernement assorti de trois sous-amendements du rapporteur pour restaurer l'ensemble des dispositions de l'ordonnance annulée, assorties de rectifications de pure forme.

Cet amendement et ces trois sous-amendements créent une nouvelle section 3 au sein du chapitre IV du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime, contenant les nouveaux articles L. 254-10 à L. 254-10-8.

L' article L. 254-10 met en place une expérimentation, uniquement en métropole, du 1 er juillet 2016 au 31 décembre 2022, portant sur l'émission de CEPP.

L' article L. 254-10-1 met à la charge des distributeurs de produits phytopharmaceutiques destinés aux professionnels, dénommés « obligés », une obligation de mettre en place des actions visant à réaliser des économies de produits phytopharmaceutiques. Le texte ne distingue pas selon les catégories de distributeurs : coopératives et sociétés commerciales classiques sont également concernées.

Cette obligation est exprimée en nombre de CEPP devant être détenus. Elle est calculée sur la base des ventes servant d'assiette à la redevance pour pollution diffuse (RPD) et proportionnelle aux quantités de substances actives dans les produits. En pratique, le ministère de l'agriculture a fixé un objectif global de réduction de 20 % des quantités de produits phytopharmaceutiques vendus par les distributeurs par rapport à la moyenne des cinq dernières années, fixant ainsi en conséquence la quantité de CEPP devant être obtenue par les distributeurs à 17,65 millions de CEPP . L'atteinte des objectifs sera vérifiée durant l'année 2021. Sur les 1 647 « obligés », 50 sont redevables de la moitié des CEPP exigés.

D'autres acteurs exerçant des activités de conseil aux agriculteurs peuvent aussi mener des actions et bénéficier en contrepartie de CEPP.

Les modalités de distribution de CEPP ont vocation à être précisées par voie réglementaire. C'est précisément l'objet de l'article 7 du décret n° 2016-1166 précité, qui indique que les actions permettant la distribution de CEPP sont conformes à des actions standardisées arrêtées par le ministre chargé de l'agriculture. La valeur en certificats de chaque action standardisée prend en compte son potentiel de réduction de l'usage et de l'impact des produits phytopharmaceutiques, sa facilité de mise en oeuvre, son bilan économique et son potentiel de déploiement. À ce jour, une vingtaine de fiches action auraient été validées comme l'utilisation de filets anti-insecte pour lutter contre le carpocapse sur les pommiers, ou encore la pose de diffuseurs de phéromones contre les lédidoptères ravageurs dans les vergers. Une cinquantaine de fiches-actions seraient en cours de validation.

Les articles L. 254-10-2 et L. 254-10-3 donnent une base juridique à un marché des CEPP, en permettant des échanges de certificats entre acteurs économiques et en prévoyant leur comptabilisation dans un registre national informatisé.

L' article L. 254-10-4 sanctionne l'insuffisante détention de CEPP au 31 décembre 2021 par une pénalité financière dont le montant est renvoyé à l'autorité administrative. Le décret de 2016 avait fixé cette pénalité à 5 € par CEPP manquant, et le montant total dû par opérateur est plafonné à 5 millions d'euros. Cette pénalité ne sera payée qu'en 2022, si elle devait intervenir.

Les articles L. 250-10-5, L. 250-10-6 et L. 250-10-7 prévoient des inspections et contrôles du dispositif des CEPP ainsi que des sanctions en cas d'obstacles aux inspections et contrôles ou de fraude.

L' article L. 254-10-8 , enfin, renvoie les modalités d'application du dispositif d'expérimentation des CEPP à un décret en Conseil d'État.

IV. La position de votre commission

a- Les critiques du dispositif des CEPP.

Les fabricants et distributeurs de produits phytopharmaceutiques ont exprimé leur désaccord avec le dispositif des CEPP, ce désaccord se matérialisant par des recours contre l'ordonnance et contre le décret.

Le mécanisme des CEPP est d'abord contesté sur le plan des principes : il instaure en effet une sorte de responsabilité du fait d'autrui aux distributeurs, alors même que la décision finale d'achat de produits phytopharmaceutiques relève des agriculteurs et que l'adoption de bonnes pratiques donnant lieu à la distribution de CEPP dépend du bon vouloir de ces derniers : les distributeurs ne disposent pas de moyens directs d'échapper à la pénalité instaurée par l'ordonnance. En outre, la réduction effective des quantités de produits phytopharmaceutiques est fonction du contexte agronomique. Les industriels comme les distributeurs mettent en avant une approche par la réduction des risques liés à l'utilisation des produits, à travers un meilleur usage ou encore une meilleure protection des agriculteurs et des riverains, plutôt qu'une approche par la réduction des quantités utilisées.

Ensuite le mécanisme des CEPP est contesté au nom de la distorsion de concurrence entre distributeurs français et étrangers : en effet, les obligations des distributeurs sont calculées sur la base des quantités de produits phytopharmaceutiques déclarées à l'occasion de la collecte de la redevance pour pollution diffuse (RPD) régie par l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement. Or, cette RPD n'est collectée que pour la distribution de produits sur le territoire national. Lorsque les mêmes produits sont achetés à l'étranger, les utilisateurs doivent eux-mêmes reverser la RPD, mais les distributeurs étrangers ne sont assujettis à aucune obligation d'acquérir des CEPP. Il n'existe d'ailleurs aucune « référence des ventes » qui pourrait servir de base à un calcul d'une obligation de produire des CEPP pour les distributeurs installés hors du territoire national.

Enfin, le mécanisme des CEPP fait l'objet d'une critique quant à la complexité du mécanisme et aux effets pervers qu'il pourrait entraîner. La reconnaissance des pratiques et actions pouvant donner lieu à émission de CEPP passe par un comité d'évaluation et peu de fiches-actions ont été aujourd'hui validées. Une critique porte aussi sur l'importance des pièces justificatives à présenter pour obtenir la reconnaissance des CEPP. Les professionnels s'interrogent aussi sur les risques de voir les distributeurs déréférencer certains produits à fort coefficient de risque pour atteindre rapidement l'objectif des CEPP.

b- Une piste intéressante : passer de la sanction à la récompense.

Les critiques du mécanisme des CEPP ne sont pas toutes pleinement justifiées. En particulier, la mise en oeuvre des CEPP n'est pas si difficile : une fois validées, les fiches-actions donnent des indications claires permettant de savoir comment obtenir des CEPP et les procédures de distribution des certificats sont dématérialisées.

Votre rapporteur note aussi que les CEPP peuvent avoir pour effet de réduire les quantités de produits phytopharmaceutiques utilisés, mais ne l'imposent pas mécaniquement : l'obligation porte seulement sur le fait de mettre en place des actions d'économie de produits phytopharmaceutiques , mais n'interdit pas de les utiliser, notamment si la pression parasitaire l'exige.

Votre rapporteur s'inquiète cependant des effets économiques pour les agriculteurs du dispositif des CEPP : la sanction pour non atteinte des objectifs d'acquisition de CEPP pour les distributeurs, même plafonnée à 5 millions d'euros par opérateur, pourrait conduire à renchérir le coût des produits utilisés, qui est toujours supporté in fine par l'agriculteur.

Plutôt qu'une écologie punitive, il convient d'encourager une écologie positive , qui donne des incitations par la récompense plus que par la sanction. Aussi, votre rapporteur a émis des doutes quant à la pertinence du mécanisme de sanction prévu au nouvel article L. 254-10-4 du code rural et de la pêche maritime.

Il est tout à fait possible d'envisager la mise en oeuvre d'actions d'économies de produits phytopharmaceutiques de manière moins punitive, en supprimant la sanction. Les fiches-actions pourraient être conservées, en utilisant les ressources de la RPD pour inciter les agriculteurs à les adopter sur leur exploitation.

Votre rapporteur a déposé en ce sens un amendement COM-2 qui a été adopté par votre commission, supprimant les alinéas 13 à 16 de l'article 10 de la présente proposition de loi.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

TITRE III - DISPOSITIONS DIVERSES
Article 11(supprimé) - Gage

Objet : cet article gage les effets de la proposition de loi pour assurer la neutralité de son impact sur les finances publiques.

I. Le droit en vigueur

L'article 40 de la Constitution ne permet pas par une initiative parlementaire, qu'il s'agisse d'une proposition de loi ou d'un amendement, de créer une charge publique ou de diminuer les recettes des collectivités publiques.

Des mesures compensatrices doivent donc être prévues au moment de l'initiative parlementaire, pour permettre l'examen de celle-ci.

II. La proposition de loi initiale

L'article 11 prévoyait donc de compenser les effets de la proposition de loi en relevant à due concurrence la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom).

III. Le texte de l'Assemblée nationale

Le Gouvernement a proposé en séance aux députés, qui l'ont accepté, un amendement levant le gage et supprimant de ce fait l'article 11.

En levant le gage, le Gouvernement marque son accord avec les dispositions de la proposition de loi.

IV. La position de votre commission

Votre commission prend acte de la levée du gage par le Gouvernement.

La commission a maintenu la suppression de cet article.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 1er février 2017, la commission a examiné le rapport et le texte de la commission sur les propositions de loi n° 249 (2016-2017) tendant à améliorer la situation des entreprises agricoles dans leurs territoires et n° 316 (2016-2017) relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle.

M. Jean-Claude Lenoir , président . - Nous allons examiner le rapport et le texte de la commission sur les propositions de loi n° 249 (2016-2017) tendant à améliorer la situation des entreprises agricoles dans leurs territoires et n° 316 (2016-2017) relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Nous examinons aujourd'hui une proposition de loi adoptée par les députés en première lecture qui porte sur deux sujets différents : la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et le développement des techniques de protection des plantes alternatives aux produits phytopharmaceutiques traditionnels, comme le biocontrôle.

La proposition de loi Faure-Potier a été déposée fin décembre en reprenant intégralement les dispositions votées en loi Sapin II sur la question de la protection du foncier agricole. Ces dispositions avaient été censurées par le Conseil constitutionnel qui estimait qu'il s'agissait de cavaliers législatifs. C'est dommage, car nous étions parvenus avec les députés à un certain consensus sur cette question et la solution, qui avait été trouvée au Sénat, convenait à tout le monde. Si la commission mixte paritaire sur la loi Sapin II n'avait pas abouti, ce n'était pas à cause des dispositions agricoles.

Dans le même esprit, j'ai déposé en décembre une proposition de loi sur la préservation du foncier agricole reprenant également les articles que nous avions voté en loi Sapin II sur ce sujet.

La proposition de loi Faure-Potier comprend ensuite un volet sur les produits phytopharmaceutiques visant à encourager le biocontrôle à travers une dispense d'agrément pour les entreprises assurant l'application de ces produits et une dispense de certiphyto pour les salariés intervenant en application de produits de biocontrôle. Un autre article proposait de ratifier l'ordonnance sur les certificats d'économies de produits phytopharmaceutiques (CEPP), dispositif expérimental prévu par la loi d'avenir agricole de 2014 pour encourager les méthodes alternatives aux pesticides. Ces dispositions ne figurent pas dans ma proposition de loi, tant les deux sujets sont éloignés. L'intégration dans le texte du volet phytopharmaceutique s'analyse plutôt comme une astuce de procédure, permettant, au cas jugé très probable au moment du dépôt de la proposition de loi le 21 décembre 2016 où le Conseil d'État annulerait l'ordonnance sur les CEPP, de reprendre l'intégralité des dispositions annulées dans une proposition de loi en cours de discussion, plutôt que de devoir reprendre une procédure parlementaire depuis le début. Et, comme prévu, le 28 décembre 2016, le Conseil d'État a annulé l'ordonnance sur les CEPP pour un motif de procédure : l'absence de consultation préalable du public.

Nous allons examiner les deux volets de la proposition de loi. Le volet foncier vise à instaurer quelques freins devant le phénomène inquiétant, qui se développe rapidement, d'acquisition de terres agricoles dans un but spéculatif.

La maîtrise des terres agricoles est indispensable à l'agriculteur pour assurer la pérennité de son exploitation. Certes la propriété des terres n'est pas le seul moyen à sa disposition car le statut du fermage est très protecteur pour le locataire. Le faire-valoir indirect n'a d'ailleurs pas cessé de progresser, passant de 50 % en 1980 à plus de 75 % en 2010. Si l'on exclut du calcul les mises à disposition de terres par des associés, le taux est plus faible : un peu plus de 60 %, mais le faire-valoir indirect reste prépondérant. Or, détenir au moins une part du foncier paraît indispensable à l'équilibre économique des exploitations, ne serait-ce que pour apporter des garanties réelles lorsque l'agriculteur doit solliciter les banques pour obtenir des emprunts pour son exploitation.

D'après une étude de la fédération nationale des SAFER, le prix des terres agricoles est plutôt bas en France par rapport aux pays voisins : 6 000 € par hectare pour les terres libres (si l'on ne prend pas en compte les vignes) contre 12 000 € environ au Danemark, 20 000 € en Italie ou même 50 000 € aux Pays-Bas. Nous sommes pratiquement au même niveau que la Pologne. Cette situation attire naturellement les investisseurs qui anticipent des gains dans le cadre d'un vaste mouvement de hausse des prix des terres agricoles. Ces investissements sont portés par des sociétés, qui achètent les terres bien au-dessus de leur valeur et contribuent au mouvement de hausse des prix, ce qui accroît les difficultés des agriculteurs, en particulier des jeunes, qui veulent acheter une partie de leur foncier.

D'après les SAFER, les achats de terres par des personnes morales ont été multipliés par quatre en 20 ans, et représentent aujourd'hui 13 % des surfaces et 26 % de la valeur des échanges. L'affaire de la vente à des investisseurs chinois, à travers une société, de 1 600 hectares de terres dans le Berry, sans possibilité d'intervention de la SAFER, a fait brutalement prendre conscience que nous n'étions pas dotés des instruments juridiques adaptés pour contrôler ce type d'opération. En effet, la loi d'avenir agricole de 2014 a étendu le droit de préemption des SAFER mais sans aller jusqu'à permettre une préemption partielle de parts sociales de sociétés agricoles. Au final, des montages sociétaires permettent d'échapper au contrôle des SAFER sur les cessions de terres agricoles, faisant échec à l'objectif de donner la priorité aux agriculteurs et en particulier à ceux qui s'installent. En l'occurrence, dans le dossier des investisseurs chinois, la cession de 99 % des parts sociales avait suffi pour empêcher l'intervention de la SAFER. En loi Sapin II, nous avions donc adopté un mécanisme permettant d'accroître le droit de regard des SAFER. Les députés avaient adopté en première lecture un dispositif assez bancal, obligeant les sociétés à distinguer dans leurs comptes les actifs fonciers des autres actifs. Au Sénat, nous avions privilégié un autre mécanisme qui repose, schématiquement, sur deux piliers : obliger les sociétés à acquérir des terres à travers une société dédiée au portage foncier puis étendre le droit de préemption des SAFER aux cessions partielles de parts sociales. C'est ce mécanisme qui est repris dans cette proposition de loi.

L'article 1 er oblige en effet à passer par une société de portage foncier pour l'acquisition de terres agricoles par des personnes morales, avec plusieurs garde-fous : cette obligation ne s'applique pas aux GFA, GFR, GAEC ou EARL, pour ne pas pénaliser ces structures, qui ne sont pas des supports adaptés pour la spéculation foncière et ne présentent donc pas de risque. Ces sociétés ne sont donc pas obligées de créer une structure de portage et pourront acquérir des terres directement. Cette obligation ne s'applique pas non plus lorsque la surface totale détenue est inférieure au seuil du contrôle des structures.

L'article 3 étend le droit de préemption des SAFER aux cessions partielles de parts sociales, lorsque cette cession a pour effet de donner à l'acheteur une majorité ou une minorité de blocage. Ce choix répond au constat de l'insuffisance de la réforme de 2014, qui n'avait prévu de droit de préemption que pour les cessions totales de parts sociales. Dans l'affaire des 1 600 hectares du Berry acquis par des investisseurs chinois, il suffit d'acquérir 98 ou 99 % des parts pour échapper à ce droit de préemption.

Une préemption sur une cession partielle de droits sociaux fait l'objet de critiques par les juristes, dans la mesure où l'un des principes de base du droit des sociétés, l' affectio societatis , suppose que les associés fassent société sur la base d'une volonté commune. La préemption s'oppose à la volonté des parties lors des cessions de parts et peut conduire à des associations forcées au sein de la société lors de la rétrocession des parts. Pourtant, il existe d'autres types de droit de préemption en cas de cessions partielles de parts sociales : la loi MOLLE de 2009 avait ainsi permis l'exercice du droit de préemption urbain sur les cessions de la majorité des parts de SCI, hors SCI familiales. La loi ALUR permet aussi dans certaines conditions d'exercer le droit de préemption en cas de cession d'une minorité de parts d'une SCI. L'atteinte au droit de propriété que représente la préemption paraît donc justifiée par le but d'intérêt général que représente la préservation d'exploitations agricoles existantes ou l'encouragement de l'installation de jeunes agriculteurs, qui sont des objectifs majeurs pour l'agriculture française.

L'article 4 oblige les personnes qui apportent leurs terres agricoles au sein d'une société à conserver cinq ans les parts sociales correspondantes, pour éviter que des apports soient faits sur des durées courtes pour contourner le droit de regard des SAFER.

Les articles 2 et 5 sont de coordination : le premier article permet aux SAFER de monter au-delà de 30 % dans le capital des GFA et GFR et le second de conserver durant cinq ans maximum les parts sociales acquises par préemption, le temps d'organiser la rétrocession.

Les articles 6 et 7 reprennent des dispositions annexes votées en loi Sapin II et annulées par le Conseil constitutionnel. L'article 6 supprime le répertoire de la valeur des terres agricoles qui devait être établi par les commissions départementales d'aménagement foncier (CDAF) et qui n'a jamais vu le jour au profit du barème, établi par le ministère, et qui décline les prix par département et région naturelle. Il s'agit là d'une mesure de simplification qui ne pose pas de problème. L'article 7 assouplit les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales peuvent accorder sur leurs réserves foncières aux agriculteurs des concessions temporaires de terres à usage agricole. Il ne pose pas non plus de problème.

L'article 7 bis a été ajouté par les députés pour supprimer deux commissions qui interviennent en matière de baux ruraux. La simplification proposée ne paraissant pas très pertinente, je vous proposerai de supprimer cet article. En effet, le recours à la commission nationale des baux ruraux (CCPNBR) peut être utile pour ne pas laisser les préfets seuls trancher les litiges en matière de fixation des minima et maxima encadrant les prix des fermages. Des décisions prises par l'autorité administrative en dehors de consensus professionnels risquent de donner lieu à des contentieux sur les arrêtés préfectoraux, qui constituent autant de facteurs d'incertitude pour les agriculteurs.

Ensuite, le transfert des missions des comités techniques départementaux (CTD) aux commissions départementales des baux ruraux (CCPDBR) n'est pas très pertinent : les CTD doivent statuer sur les demandes de travaux sur les terres louées. Elles examinent des situations individuelles. A l'inverse, la mission des CCPDBR est plutôt de définir la politique départementale des baux ruraux et non de régler des cas particuliers. Par ailleurs, ces commissions réunissent plus d'une douzaine de participants, contre six pour les CTD. Enfin, des conflits d'intérêt pourront être soulevés en cas de saisine ultérieure du tribunal paritaire des baux ruraux (TPBR) sur des litiges dont a eu à connaître la CCPDBR, dans la mesure où les membres de cette commission sont souvent les mêmes que ceux des tribunaux.

J'en viens maintenant à la partie sur le biocontrôle et les produits phytopharmaceutiques.

Les articles 8 et 9 allègent les exigences qui pèsent sur les professionnels qui utilisent des techniques alternatives aux produits phytopharmaceutiques classiques, pour développer plus rapidement ces alternatives, en particulier le biocontrôle. Le biocontrôle a fait l'objet en 2014 d'une définition légale : il s'agit des « agents et produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures ». Quatre catégories de produits de biocontrôle sont identifiées aujourd'hui : les macro-organismes, qui font l'objet d'une réglementation spécifique ; les micro-organismes ; les médiateurs chimiques, comme les phéromones et les kairomones et, enfin, les substances naturelles d'origine végétale, animale ou minérale.

L'article 8 supprime l'exigence d'un agrément pour les entreprises qui assurent l'application de produits de biocontrôle ne faisant pas l'objet d'une classification ou de produits considérés comme des substances de base, comme la prêle.

L'article 9 supprime l'exigence d'un certiphyto pour les personnes physiques chargées de l'application de ces mêmes produits. Ces solutions paraissent sages : on ne va pas demander une formation de deux jours pour un salarié temporaire chargé de poser des pièges à pyrales, que l'on peut trouver aussi en jardinerie. Je proposerai donc sur les articles 8 et 9 une adoption en l'état, sous réserve de deux amendements purement rédactionnels.

L'article 10 est plus substantiel, puisqu'il réintroduit les dispositions de l'ordonnance de 2015 sur les certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP), qui vient d'être annulée par le Conseil d'État pour un vice de procédure. Il est issu d'un amendement du Gouvernement déposé en séance.

Sur le fond, le texte met à la charge des distributeurs de produits phytopharmaceutiques destinés aux professionnels, une obligation de mettre en place des actions visant à réaliser des économies de produits phytopharmaceutiques. Cette obligation est exprimée en nombre de CEPP devant être détenus. Elle est calculée sur la base des ventes servant d'assiette à la redevance pour pollution diffuse (RPD) et proportionnelle aux quantités de substances actives dans les produits. En pratique, le ministère de l'agriculture a fixé un objectif global de réduction de 20 % des quantités de produits phytopharmaceutiques par rapport à la moyenne des ventes des cinq dernières années, soit 17,65 millions de CEPP à engranger d'ici la fin 2021.

Les modalités de distribution des CEPP ont été précisées par un décret de 2016 qui prévoit une procédure de reconnaissance des actions permettant d'obtenir des CEPP. Pour l'instant 20 fiches-action ont été validées et 50 autres sont en attente. Une pénalité sera appliquée en 2022 s'il manque des CEPP. Le décret fixe le montant de la pénalité à 5 euros par CEPP manquant et plafonne la pénalité à 5 millions par opérateur.

Les fabricants et distributeurs de produits phytopharmaceutiques ont exprimé leur désaccord avec le dispositif des CEPP. Ce mécanisme est d'abord contesté sur le plan des principes car il instaure une sorte de responsabilité du fait d'autrui aux distributeurs, alors même que la décision finale d'achat de produits phytopharmaceutiques relève des agriculteurs. Ensuite, le mécanisme des CEPP est contesté au nom de la distorsion de concurrence entre distributeurs français et étrangers, le calcul des obligations se basant sur la redevance pour pollution diffuse, qui ne s'applique pas aux distributeurs installés hors territoire national. Enfin, le mécanisme des CEPP fait l'objet d'une critique quant à la complexité du mécanisme et aux effets pervers qu'il pourrait entraîner.

Les critiques du mécanisme des CEPP ne sont pas toutes pleinement justifiées. En particulier, la mise en oeuvre des CEPP n'est pas si difficile : une fois validées, les fiches-actions donnent des indications claires permettant de savoir comment obtenir des CEPP et les procédures de distribution des certificats sont dématérialisées. Par ailleurs, lorsqu'on analyse finement le mécanisme des CEPP, on se rend compte que, certes, ils peuvent avoir pour effet de réduire les quantités de produits phytopharmaceutiques utilisés, ce qui est le but, mais ne l'imposent pas mécaniquement : l'obligation créée par l'article 10 porte seulement sur la mise en place des actions d'économie de produits phytopharmaceutiques, mais n'interdit pas d'utiliser ces produits, notamment si la pression parasitaire l'exige.

Ma préoccupation principale porte sur les effets économiques pour les agriculteurs et les distributeurs du dispositif des CEPP : la sanction pour non atteinte des objectifs pourrait conduire à renchérir le coût des produits utilisés, qui est toujours supporté in fine par l'agriculteur. Plutôt qu'une écologie punitive, je suis favorable à une écologie positive, qui donne des incitations par la récompense plus que par la sanction. Je doute de la pertinence du mécanisme de sanction prévu au nouvel article L. 254-10-4 du code rural et de la pêche maritime et je proposerai donc de le supprimer. En revanche nous conserverions le reste du dispositif des CEPP et en particulier les fiches-actions. Les ressources de la RPD pourraient d'ailleurs être utilisées pour inciter les agriculteurs à adopter ces actions sur leur exploitation.

Au final, je propose d'adopter cette proposition de loi, assortie des amendements que j'ai évoqués. À l'article 8, je présenterai un amendement pour permettre l'utilisation de produits de substitution lorsqu'il n'existe pas de produit de biocontrôle sur le marché : il faut en effet pouvoir utiliser des produits phytopharmaceutiques s'il n'existe pas de produits biocontrôle.

Je m'excuse d'avoir été un peu long sur un sujet complexe.

Mme Sophie Primas . - La première partie de cette proposition de loi a provoquée de multiples réactions de la part des propriétaires, mais votre amendement permet de préserver les terres agricoles : c'est une bonne chose tant pour la production que pour la transmission.

Je suis très favorable au biocontrôle mais je m'interroge sur l'article 9. Pourquoi proposer que les utilisateurs de biocontrôle n'aient plus besoin de certiphyto ? Cette formation permet en effet une meilleure utilisation de ces produits. N'oublions pas non plus qu'il existe des substances naturelles extrêmement dangereuses : des précautions sont donc nécessaires.

Les propositions de notre rapporteur sur l'article 10 vont dans la bonne direction : l'écologie positive est préférable à l'écologie punitive. Mais l'alinéa 8 est aussi bien trop complexe : il faudrait à mon sens le supprimer.

M. Bruno Sido . - De façon générale, il est dommage que nous ne disposions pas du texte des rapporteurs lorsqu'ils présentent un texte.

Comme l'a dit Mme Primas, les certiphytos sont importants ; la formation dure deux jours, et elle est automatiquement validée, sans examen final. Il est dommage de la supprimer.

M. Jean-Claude Lenoir , président . - Les rapports ne peuvent être en ligne avant d'être présentés. En revanche, vous pouvez toujours vous rapprocher des rapporteurs avant la présentation en commission.

M. Henri Cabanel . - Il est important de donner un nouveau droit de préemption aux SAFER même s'il aurait aussi fallu aborder la question de leur financement, car nombre d'entre elles connaissent des difficultés budgétaires. Certaines sont obligées de se transformer en opérateur immobilier pour disposer de moyens suffisants. Pourquoi ne pas rapprocher les SAFER des établissements publics fonciers (EPF) ? Pour une part, la taxe spéciale d'équipement ne pourrait-elle pas abonder le budget des SAFER ?

La formation certiphyto dure deux jours et permet de rappeler les bases et l'utilisation des produits. Mais ce certiphyto est-il vraiment nécessaire lorsqu'il s'agit de lutter contre le ver de la grappe en viticulture ? Il s'agit en effet de déposer des capsules de phéromones tous les quatre pieds de vigne, ce qui implique beaucoup de main d'oeuvre sur une durée très courte. En outre, ces produits sont totalement inoffensifs, puisqu'ils induisent une confusion sexuelle des papillons, ce qui évite le recours aux insecticides classiques.

L'article 10 prévoit une expérimentation pour réduire l'utilisation des produits phytosanitaires. Depuis quelques années, le métier de distributeur a changé, puisqu'il intègre le conseil afin de réduire le recours à ces produits. En viticulture, certains cépages sont plus sensibles que d'autres lors du traitement de l'oïdium. Pour l'instant, les distributeurs ne proposent qu'un traitement uniforme : les traitements doivent donc encore évoluer. Le CEPP pourrait les inciter à donne davantage de conseils pour réduire le recours aux phytosanitaires.

M. Daniel Dubois . - Je comprends l'émotion soulevée par l'achat de 1 600 hectares par des Chinois. Mais nous restons relativement indifférents lorsqu'ils acquièrent des vignobles ! L'émotion est donc à géométrie variable.

In fine , ce texte oppose le droit d'exploiter au droit de propriété. Je ne veux pas remettre en cause le bail rural, mais Mme Primas a rappelé que les propriétaires fonciers s'émouvaient de cette proposition de loi. Nous savons tous qu'un bail rural divise la valeur vénale du bien par deux. D'ailleurs, la plupart des exploitants agricoles propriétaires qui prennent leur retraite ne mettent pas leurs biens en bail rural.

M. Bruno Sido . - Que font-ils ?

M. Daniel Dubois . - Ils biaisent, ils ont recours à des sociétés.

Dans le cadre de la loi d'avenir agricole, j'avais déposé un amendement sur les minorités et les majorités de blocage, afin d'éviter que des sociétés puissent contourner le droit de préemption des SAFER. Je vais donc voter l'amendement de notre rapporteur. Il n'empêche que nous n'échapperons pas à un débat plus global sur le droit de propriété et le droit d'exploiter.

Mme Élisabeth Lamure . - Je regrette que nous traitions les questions agricoles de façon parcellaire, sans cohérence d'ensemble. Nous aurions ainsi besoin d'une loi sur le foncier. Il faut favoriser ceux qui exploitent et éviter la spéculation. Mais dans certaines régions, les prix sont astronomiques. Dans mon département, nous avons la Côte-Rôtie. A l'occasion du marché aux vins qui s'est tenu il y a dix jours, les jeunes viticulteurs m'ont dit leur inquiétude devant le prix du foncier : 1,5 million d'euros pour un hectare ! Les jeunes ne peuvent agrandir leur domaine et la SAFER n'a pas les moyens de préempter. Se pose aussi le problème de la transmission des domaines familiaux.

La SAFER reste un bon outil, mais son fonctionnement est trop administratif. Lorsqu'une maison se vend avec quelques milliers de mètres carrés agricoles, le notaire doit consulter la SAFER pour savoir si elle souhaite préempter. Elle a deux mois pour répondre, ce qui retarde l'acte et pénalise vendeur et acquéreur. Pour obtenir une réponse plus rapide, il faut débourser une centaine d'euros. C'est marginal, mais difficilement acceptable.

M. Jean-Jacques Lasserre . - Je voterai ce texte. À l'avenir, la libération du foncier va s'accélérer. Dans ma région, des espaces risquent de ne pas trouver preneur.

Certains agriculteurs qui arrivent à la retraite et qui se sont battus pour consolider les baux ruraux prétendent, aujourd'hui, qu'ils en sont victimes.

Devant la libération du foncier, il faut renforcer les pouvoirs des SAFER afin de garantir l'usage agricole. En outre, de nouvelles formes de propriété pourraient porter atteinte à la qualité des productions. Les SAFER doivent donc avoir un droit de regard sur les transactions, y compris celles réalisées par des sociétés.

En revanche, la réflexion sur les barèmes agricoles aurait mérité d'être approfondie.

M. Gérard César . - Je suis favorable à la rédaction de compromis que propose notre rapporteur sur les SAFER. Les SAFER utilisent-elles la procédure de révision des prix ?

M. Gérard Bailly . - Peut-on interdire aux SAFER de réclamer une rémunération pour accélérer le traitement des dossiers ? Comme ce texte renforce le pouvoir des SAFER, demandons leur de mettre fin à cette pratique inacceptable.

Je n'ai pas bien compris l'expérimentation proposée : concerne-t-elle les fabricants, les distributeurs ou les exploitants ?

M. Alain Bertrand . - En Lozère, les SAFER permettent l'installation de plus de la moitié des agriculteurs. Elles doivent donc disposer des moyens nécessaires pour poursuivre cette oeuvre utile. N'oublions pas non plus qu'elles aident les collectivités qui veulent créer des zones d'activité ou construire de grands ouvrages. Lorsque le président Valery Giscard d'Estaing a décidé de construire l'A75, j'étais commissaire du Gouvernement et nous avons conclu avec la SAFER un protocole d'indemnisation des propriétaires qui a donné satisfaction à l'ensemble des parties. Les SAFER sont indispensables et doivent donc à ce titre disposer des moyens budgétaires idoines. En revanche, je ne crois pas qu'il faille les rapprocher des EPF, car certains sont dirigés par des fonctionnaires qui n'y connaissent rien.

Pour le phytosanitaire, des efforts sont nécessaires, comme l'a dit notre rapporteur.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Les SAFER procèdent à des révisions de prix, mais elles sont souvent déboutées par le commissaire du Gouvernement.

M. Bruno Sido . - Ce sont les patrons !

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Sur 120 000 transactions annuelles, les SAFER interviennent par préemption dans 0,6 % des cas, et une fois sur quatre à la demande des collectivités territoriales. Au total, elles achètent 80 000 hectares. Les SAFER sont aujourd'hui utilisées par les maires et les acteurs ruraux pour l'aménagement du territoire, ce qui est relativement nouveau.

Cette loi ne va pas traiter la rémunération demandée par les SAFER pour accélérer les procédures d'examen mais, comme vous, je trouve cette pratique déplorable.

J'attends une grande loi sur le foncier, la propriété, la fiscalité et le statut de l'agriculteur.

J'aurais voulu déposer un amendement sur les certiphytos, pour distinguer les utilisateurs occasionnels des autres, mais je ne se suis pas parvenu à une rédaction satisfaisante. Le biocontrôle n'exclut pas le phytopharmaceutique. J'espère d'ici mardi vous proposer une solution.

L'article 10 prévoit une expérimentation : ne prévoyons pas d'ores et déjà des contraintes mais plutôt des incitations. En outre, si nous ne modifions pas sa rédaction, nous risquons de voir les distributeurs retirer de la vente certains produits pour éviter d'engager leur responsabilité. En cas d'urgence sanitaire, les agriculteurs ne pourraient traiter efficacement leurs cultures. Il faut encourager avec des fiches-actions plutôt que de pénaliser. J'ai procédé à dix auditions sur cet article et aucun de mes interlocuteurs n'a dénoncé la complexité du dispositif, car ils ont déjà anticipé les évolutions réglementaires. En revanche, ils craignent d'être pénalisés. Gardons les notions de conseil, de partage et d'appropriation des niveaux de risque en fonction des produits utilisés.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Nous ne voulons pas multiplier les contrôles. Les GAEC, GFA et EARL sont déjà exclus du dispositif. L'amendement n°COM-7 rectifié propose d'exclure également d'autres formes sociétaires de l'obligation de filialisation de manière à ce qu'elles puissent utiliser leur droit de préemption en tant que locataire en place en cas de vente des terres en tant que locataire en place ou cas de vente des terres.

L'amendement n° COM-7 rectifié est adopté.

L'article 1 er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Articles 2 à 7

Les articles 2, 3, 4, 5, 6 et 7 sont successivement adoptés.

Article 7 bis (nouveau)

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Dans la moitié des départements, les comités techniques ne se réunissent pas. En revanche, là où ils le font, ils se révèlent utiles, car ils permettent de parvenir à un accord entre les propriétaires et les bailleurs. Il n'en coûte rien et l'activité des tribunaux s'en trouve allégée. L'amendement n°COM-3 propose donc de supprimer cet article afin de conserver les comités qui fonctionnent.

L'amendement n° COM-3 est adopté.

L'article 7 bis (nouveau) est supprimé.

Article additionnel avant l'article 8

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement n°COM-4 permet l'utilisation des produits phytopharmaceutiques conventionnels autorisés lorsque l'application de produits de biocontrôle ou de préparations naturelles ne permet pas de lutter contre une maladie végétale connue.

Ce dispositif répond à une préoccupation exprimée notamment par le Sénateur Louis-Jean de Nicolaÿ dans une question au Gouvernement discutée en octobre 2016, concernant le traitement des buis, mais cela pourrait également concerner d'autres espèces végétales.

La loi biodiversité interdit à partir du 1 er janvier 2019 l'utilisation de produits phytopharmaceutiques pour traiter les jardins d'agrément des non professionnels. Cette interdiction est déjà en vigueur pour les collectivités. Or, les buis sont attaqués par le champignon cylindrocladium, sur lequel aucun traitement ou méthode alternative n'est efficace. En outre, il n'est pas possible de prendre un arrêté de classement comme espèce nuisible soumis à des mesures de lutte obligatoire de ce champignon, car les conditions d'un tel classement ne sont pas remplies.

Comme on ne peut se résoudre à laisser disparaître le buis, il est proposé d'autoriser les produits conventionnels, tant que l'on ne dispose d'aucune solution alternative, dans le but de préserver la survie de l'espèce végétale concernée.

M. Jackie Pierre . - Sauvons les buis !

L'amendement n° COM-4 est adopté et l'article additionnel est inséré.

Article 8

L'amendement rédactionnel n° COM-5 est adopté.

L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 9

L'amendement rédactionnel n° COM-6 est adopté.

L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 10

Mme Sophie Primas . - Je propose de retirer mon amendement n°COM-1 au profit de celui du rapporteur.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Je vous en remercie.

L'amendement n° COM-1est retiré.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement n°COM-2 supprime les alinéas 13 à 16 afin d'encourager sans pénaliser. Les fiches-actions sont en revanche conservées.

L'amendement n° COM-2 est adopté.

L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 11

L'article 11 est adopté sans modification.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Jeudi 19 janvier 2017 :

- Fédération nationale des SAFER (FNSafer) : M. Emmanuel Hyest , président et Mme Sabine Agofroy , chargée des relations publiques, affaires européennes et internationales ;

- Conseil supérieur du notariat : M. Jean-Christophe Hoche , président de la Chambre des notaires du Rhône, président de l'institut notarial d'espace rural et de l'environnement et Mme Christine Mandelli , chargée des relations avec les institutions ;

- Association permanente des chambres d'agriculture (APCA) : MM. François Beaupère , président du Maine-et-Loire et membre du Conseil d'administration, Justin Lallouet , chargé de mission, Affaires publiques, France, Europe, International à la direction relations publiques et communication et Mme Carole Robert , juriste.

Mercredi 25 janvier 2017 :

- Fédération du négoce agricole : M. Sébastien Picardat , président ;

- Jeunes Agriculteurs : MM. Guillaume Darrouy , administrateur national en charge du foncier, et Romain Quesnel , juriste ;

- Propriété privée rurale (FNPPR) : MM. Bruno Ronssin , directeur de la Fédération nationale.

Jeudi 26 janvier 2017 :

- Union des industries de la protection des plantes (UIPP) : Mme Eugénia Pommaret , directrice générale ;

- Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) : M. Eric Thirouin , membre du Bureau et président de la commission Environnement, Mmes Nelly Lecorre , chef de service environnement, Agnès Laplanche , juriste et Nadine Normand , attachée parlementaire ;

- Coop de France : MM. Christophe Grison , président de la coopérative Val France, Vincent Magdeleine , directeur - Métiers du grain, Mmes Christine Assy , directrice de la confédération des coopératives vinicoles de France et Barbara Mauvillaine- Guillot , responsable des relations publiques ;

- Union des entreprises pour la protection des jardins et des espaces publics : M. Jacques My , directeur général ;

- IBMA France : M. Denis Longevialle , secrétaire général et secrétaire de l'académie du biocontrôle ;

- Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt : Mme Claire Brennetot , conseillère chargée des relations avec le Parlement et les élus, et MM. Rik Vandererven , adjoint au sous-directeur de la performance économique et environnementale, Baptiste Meunier , adjoint au chef du bureau du foncier ;

- Direction générale de l'alimentation (DGAL) : M. Alain Tridon , sous-directeur de la qualité et de la protection des végétaux.

Mardi 31 janvier 2017 :

- Coordination rurale : M. François Lucas , président d'honneur.


* 1 Décision n° 2016-741 DC du 8 décembre 2016 sur la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

* 2 Proposition de loi n° 249 (2016-2017) de M. Daniel Gremillet, tendant à améliorer la situation des entreprises agricoles dans leurs territoires.

* 3 Augmentation de la part des terres agricoles en location : échec ou réussite de la politique foncière ? par Frédéric Courleux - Centre d'études et de prospective du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt - Mars 2013.

* 4 L'agriculture familiale en France métropolitaine : éléments de définition et de quantification - Centre d'études et de prospective du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt - Mai 2016.

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