II. L'ORDONNANCE DU 10 NOVEMBRE 2016 : LA CRÉATION D'UN EPIC POUR PÉRENNISER L'ACTIVITÉ DE SERVICE PUBLIC DE L'AFPA DANS LE RESPECT DU DROIT DE LA CONCURRENCE

A. UNE ORDONNANCE QUI RESPECTE L'HABILITATION DONNÉE PAR LE LÉGISLATEUR EN 2015

En application de l'article 39 de la loi « Rebsamen » du 17 août 2015 42 ( * ) , l'Afpa, dans le cadre de sa mission de service public pour l'emploi , participe à la formation et à la qualification des personnes les plus éloignées de l'emploi et contribue à leur insertion professionnelle 43 ( * ) . Elle participe également à la politique de certification menée par le ministre de l'emploi ainsi qu'à l'égal accès des femmes et des hommes à la formation professionnelle et à la promotion de la mixité des métiers.

Le II de ce même article 39 a par ailleurs habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance. Il était ainsi autorisé à prendre, avant le 17 février 2017, les mesures relevant du domaine de la loi pour :

- transformer l'Afpa en un Epic tout en précisant les missions exercées par cet établissement, notamment celles de service public ;

- définir les conditions de dévolution d'actifs immobiliers de l'État à cet établissement ;

- préciser les conditions du transfert des biens, droits et obligations de l'association à cet établissement.

Votre rapporteur considère que le champ de cette habilitation a été respecté par le Gouvernement lors de l'élaboration de l'ordonnance du 10 novembre 2016 44 ( * ) .

Le projet de loi de ratification de l'ordonnance devait être déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant la publication de l'ordonnance. Votre rapporteur constate que ce délai a été respecté car le présent projet de loi, qui procède à la ratification de cette ordonnance du 10 novembre 2016, a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 4 janvier 2017.

B. DES MISSIONS QUI RELÈVENT EN PARTIE DU SERVICE PUBLIC

Les membres du conseil d'administration et du conseil d'orientation de l'Afpa, réunis le 22 décembre 2016 à Paris, ont acté la dissolution de l'association et le transfert universel de son patrimoine à l'Epic.

Le 1 er janvier 2017, l'association s'est transformée en Agence, conservant le sigle Afpa qui désigne désormais l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes. L'Agence exerce directement des missions de service public et indirectement des activités concurrentielles à travers des filiales.

1. Une distinction entre les missions de service public et celles relevant de la sphère concurrentielle

L'article 1 er de l'ordonnance définit les missions de service public de l'Epic au nouvel article L. 5315-1 du code du travail, et ses autres missions au nouvel article L. 5315-2 du même code.

L'établissement public contribue tout d'abord au service public de l'emploi (SPE) qui a pour mission l'accueil, l'orientation, la formation et l'insertion des demandeurs d'emploi. Il est d'ailleurs explicitement mentionné au nouvel article L. 5315-3 du code du travail parmi les autres acteurs du SPE que sont Pôle emploi et l'Unédic.

La présentation en deux volets des missions de l'Agence retenue par le Gouvernement ne correspond pas à la distinction habituelle entre missions obligatoires et missions facultatives ou missions de service public et activités concurrentielles. Elle découle plutôt du souci exprimé par le Conseil d'État de respecter scrupuleusement les termes de l'habilitation législative issue de la loi du 17 août 2015 en distinguant les missions déjà assignées à l'association et les nouvelles tâches, qui ne sauraient remettre en cause les compétences des régions chargées du service public de l'emploi et de la formation professionnelle. Si votre rapporteur ne peut que se féliciter de la volonté du Gouvernement de ne pas outrepasser le cadre de l'habilitation, il considère néanmoins que la présentation des missions de l'Agence est peu intelligible. Elle a d'ailleurs suscité des interrogations de la part de nombreuses personnes auditionnées.

En outre, la qualification de service public des missions de l'Agence découle de la définition de la dotation de l'État qui lui est destinée.

Votre rapporteur considère que les missions de l'Agence peuvent être regroupées en trois blocs distincts.

• Le premier bloc regroupe les missions de service public précédemment attribuées à l'Afpa par le code du travail, à savoir :

- sa participation à la formation et à la qualification des personnes les plus éloignées de l'emploi et à leur insertion sociale et professionnelle ;

- sa contribution à la politique de certification menée par le ministère de l'emploi ;

- sa participation à un égal accès des femmes et des hommes à la formation professionnelle et à la promotion de la mixité des métiers ;

- sa contribution à l' égal accès, sur l'ensemble du territoire , aux services publics de l'emploi et de la formation professionnelle 45 ( * ) .

• Le deuxième bloc rassemble les nouvelles missions de l'Agence, qui viennent préciser la portée de celles confiées historiquement à l'association, comme :

- la participation de l'Agence à l'émergence et à l'organisation de nouveaux métiers et de nouvelles compétences , notamment par le développement d'une ingénierie de formation ;

- le développement d'une expertise prospective de l'évolution des compétences adaptées au marché local de l'emploi ;

- l'appui aux opérateurs du conseil en évolution professionnelle ;

- sa contribution à la politique de certification des ministères autres que celui de l'emploi.

• En revanche, à la suite des observations de la Commission européenne et du Conseil d'État, le troisième bloc de missions regroupe celles qui relèvent de la sphère concurrentielle comme :

- la formation des demandeurs d'emploi et des salariés , qui ne peut être réalisée que dans deux filiales spécifiques ;

- la contribution de l'Agence au développement des actions de formation en matière de développement durable et de transition énergétique .

La formation des demandeurs d'emploi et des salariés, de même que la contribution de l'Agence à la politique de certification des ministères autres que celui de l'emploi, constituent, selon l'article L. 5315-2 nouveau du code du travail, le « complément normal des missions de service public » confiées à l'Agence et doivent être « directement utiles » à l'amélioration des conditions d'exercice de ces dernières, s'inspirant ainsi largement d'une argumentation juridique utilisée par le Conseil d'État dans son avis du 7 juillet 1994 sur la diversification des activités d'EDF-GDF 46 ( * ) .

Dans cet avis, la haute juridiction administrative avait en effet indiqué que le principe de spécialité d'un établissement public ne s'opposait pas par lui-même à ce que celui-ci, surtout s'il a un caractère industriel et commercial, se livre à d'autres activités économiques à la double condition :

- d'une part, que ces activités annexes soient techniquement et commercialement le complément normal de sa mission statutaire principale ;

- d'autre part, que ces activités soient à la fois d'intérêt général et directement utiles à l'établissement public.

Enfin, le nouvel article L. 5315-6 du code du travail autorise l'Agence à créer des filiales et à prendre des participations dans des sociétés, groupements ou organismes en vue de réaliser des opérations utiles à ses missions.

2. Les règles européennes relatives aux services d'intérêt économique général s'imposent au nouvel Epic

L'article 106, alinéa 2 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), autorise les États à créer et à organiser librement leurs services d'intérêt économique général (SIEG), tout en précisant que les règles de concurrence et du marché intérieur s'appliquent aux opérateurs chargés de la gestion de ces services, quel que soit leur statut juridique, dès lors qu'elles ne font pas obstacle à l'accomplissement de la mission d'intérêt général qui leur est confiée. En outre, le développement des échanges intracommunautaires ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de l'Union par la mise en oeuvre d'un SIEG.

L'article 107 du TFUE stipule que, sauf dérogations prévues par les traités, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions, sont interdites, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres.

En l'absence de définition précise dans le TFUE, la Commission européenne a été amenée à définir les SIEG et les services sociaux d'intérêt général (SSIG) en s'inspirant largement des apports de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Les SIEG désignent des activités économiques remplissant des missions d'intérêt général qui ne seraient pas exécutées par le marché en l'absence d'une intervention de l'État , ou qui seraient exécutées à des conditions différentes en termes de qualité, de sécurité, d'accessibilité, d'égalité de traitement ou d'accès universel 47 ( * ) . Quant aux SSIG, ils regroupent les régimes légaux et les régimes complémentaires de protection sociale, ainsi que les services essentiels fournis à la personne et notamment aux publics fragiles. Compte tenu de l'interprétation extensive de la Commission européenne de la notion d'activité économique, beaucoup de SSIG de nature économique sont assimilés à des SIEG.

Les collectivités publiques disposent d'une grande latitude pour définir les missions relevant d'un SIEG, le contrôle de la CJUE se limitant à censurer les erreurs manifestes d'appréciation . La Cour a ainsi estimé que la qualification de SIEG de certaines activités liées au domaine des opérations portuaires, comme le débarquement des marchandises, constituait une erreur manifeste d'appréciation d'une autorité nationale 48 ( * ) .

Si un service est déjà fourni par le marché, dans des conditions jugées insatisfaisantes par l'État membre concerné, par exemple quand le marché ne peut pas le fournir avec le niveau de qualité ou à un prix que les autorités publiques pourraient considérer comme revêtant un intérêt public, il peut être qualifié de SIEG et doit être proposé sur une base non discriminatoire 49 ( * ) .

Conformément aux stipulations de l'article 106, il est indifférent que des SIEG soient gérés par des entreprises publiques ou privées. Par conséquent, le statut d'Epic conféré par l'ordonnance à l'Agence ne dispense pas le législateur d'apprécier la conformité des missions de service public qui sont confiées à cet organisme par rapport au droit communautaire.

L' arrêt Altmark du 24 juillet 2003 50 ( * ) a été l'occasion pour la CJUE de déterminer les quatre conditions auxquelles doit répondre le financement public d'un opérateur chargé de la gestion d'un SIEG pour ne pas constituer une aide d'État :

- l'opérateur bénéficiaire doit effectivement être chargé de l'exécution d' obligations de service public clairement définies par un acte juridique ;

- la compensation financière doit être préalablement établie, sur la base de critères objectifs et transparents ;

- cette compensation ne doit couvrir que les coûts nécessaires à l'exécution des obligations de service public, en y intégrant toutefois un bénéfice raisonnable pour l'opérateur concerné ;

- cette compensation peut être accordée soit dans le cadre d'une procédure de marché public , soit à l'issue d'une simulation fondée sur l'exemple d'une « entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée »

Lorsque l'un de ces quatre critères n'est pas rempli, la compensation financière de l'activité de service public relève d'un régime spécifique d'aide d'État sous la forme de compensation de service public . Ce régime spécifique a été introduit en novembre 2005 et a fait l'objet d'une révision en décembre 2011 dans le cadre du « paquet Almunia », qui comprenait notamment la décision de la Commission européenne du 20 décembre 2011 51 ( * ) . La philosophie de la réforme de 2011 était d'assouplir les règles relatives aux aides d'État lorsqu'il s'agissait de SIEG soit d'un faible montant, soit portant sur des sujets étrangers par définition aux règles de la concurrence.

Ainsi, la loi du 5 mars 2014 52 ( * ) a autorisé, sous conditions, les régions à financer et à habiliter des organismes pour mettre en oeuvre des actions d'insertion et de formation professionnelle à destination des jeunes et des adultes rencontrant des difficultés d'apprentissage ou d'insertion 53 ( * ) . Une convention, dont la durée ne peut pas excéder cinq ans, est passée avec chaque organisme et fixe les obligations de service public, assimilables à un SIEG, ainsi que le montant des compensations financières. Actuellement, 15 % du chiffre d'affaires de l'Afpa résulte de ces appels d'offres régionaux relatifs à des SIEG.

Si votre rapporteur regrette la complexité des règles européennes relatives aux SIEG , qui altère gravement la confiance d'un grand nombre de nos concitoyens à l'égard des institutions européennes, il convient néanmoins d'examiner chacune des missions de service public de l'Agence à l'aune des critères dégagés par la Commission européenne.

3. Les missions de service public confiées à l'Agence ne sont pas incompatibles avec les règles européennes relatives aux SIEG

L'État sera dispensé de notifier au préalable à la Commission européenne les dotations visant à compenser les sujétions de service public versées à l'Agence liées à « l'accès et la réinsertion sur le marché du travail », quels que soient leurs montants, s'il respecte les règles fixées par la décision précitée du 20 décembre 2011 54 ( * ) .

Le Gouvernement devra notamment indiquer dans le mandat de l'Agence, par un ou plusieurs actes juridiques, le mécanisme de compensation retenu et ses paramètres de calcul, de contrôle et de révision ainsi que les modalités de récupération des éventuelles surcompensations et les moyens de les éviter 55 ( * ) .

Les missions de SIEG assignées par l'ordonnance à l'Agence ne font pas l'objet de droits exclusifs et pourraient être confiées en théorie à d'autres organismes, notamment privés, même si en pratique cette hypothèse paraît peu probable.

La mission de formation, de qualification et d'insertion sociale et professionnelle des personnes les plus éloignées de l'emploi était également remplie par l'Afpa en tant qu'association, comme le prévoyait l'article L. 5315-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 novembre 2016. Lors de leur audition devant votre rapporteur, les représentants de la Fédération de la formation professionnelle ont indiqué que les organismes privés de formation poursuivent le même objectif. La délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) a pour sa part indiqué que cette notion de personnes les plus éloignées de l'emploi ne reçoit pas de définition univoque : elle pourrait concerner les chômeurs de très longue durée, des jeunes décrocheurs ou encore des migrants. En tout état de cause, cette mission devrait être limitée à des publics ciblés et peu nombreux car la très grande majorité des demandeurs d'emploi ont vocation à être formés dans la filiale spécifique de l'Agence (cf. infra ).

L'Afpa détenait un monopole pour l'élaboration des titres professionnels délivrés par le ministère de l'emploi : en 2016, 250 titres étaient concernés. Ce monopole est maintenu à l'occasion de la transformation de l'association en agence. A l'instar de la Commission européenne, votre rapporteur considère que cette mission relève d'un service d'intérêt général non économique et non d'un SIEG. L'Agence assurera également le secrétariat de sept commissions professionnelles de certification (CPC) et gèrera l'activité du Centre national des archives (CNA), chargé de la gestion et de la conservation des données relatives aux examens d'obtention d'un titre professionnel du ministère chargé de l'emploi.

En revanche, votre rapporteur considère que la participation de l'Agence à un égal accès des femmes et des hommes à la formation professionnelle et à la promotion de la mixité des métiers constitue davantage un principe transversal qu'une mission à proprement parler. La DGEFP, lors de son audition par votre rapporteur, a rappelé que l'inscription de cette mission dans l'ordonnance reprenait une disposition applicable à l'association, à laquelle votre commission s'était d'ailleurs opposée lors de l'examen du projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi qui l'a introduite dans le droit en vigueur, jugeant qu'elle était insuffisamment précise et qu'elle excluait, a contrario, d'autres publics prioritaires. En outre, l'association bénéficiait de crédits extérieurs pour exécuter cette mission, de l'ordre de quelques centaines de milliers d'euros par an, et ne devrait pas selon la DGEFP bénéficier d'une dotation pour compenser les sujétions liées à l'exercice de cette mission.

Le rôle de l'Agence en matière d' égal accès, sur l'ensemble du territoire , aux services publics de l'emploi et de la formation professionnelle est justifié selon votre rapporteur, car l'Afpa avait historiquement pour objectif de garantir une présence équilibrée dans les régions à travers un maillage territorial dense, y compris dans les zones peu densément peuplées. Il convient à cet égard d'indiquer que le nouvel article L. 5315-7 du code du travail oblige l'Epic à affecter au financement de cette mission les sommes issues directement ou indirectement de la vente de biens immobiliers transférés par l'État (cf. infra ).

À travers la nouvelle mission relative à la participation de l'Agence à l' émergence et à l'organisation de nouveaux métiers et de nouvelles compétences , le Gouvernement souhaite encourager le développement d'expérimentations portant sur des certifications nouvelles, comme la conduite de drones, qui ne concernent pour l'instant qu'un public restreint. Votre rapporteur approuve cette nouvelle mission car l'économie française souffre des retards pris dans l'actualisation des référentiels de formation, ce qui pénalise son attractivité

Régions de France conteste la mission de l'Agence relative au développement d'une expertise prospective de l'évolution des compétences adaptées au marché local de l'emploi, considérant qu'elle empiète sur celle des centres d'animation, de recherche et d'information sur la formation (Carif) et des observatoires régionaux de l'emploi et de la formation (Oref). La DGEFP estime pour sa part que le risque de doublon est très faible, compte tenu de l'accent mis par l'Afpa sur les besoins concrets des employeurs, à travers des visites des agents de l'Afpa dans les entreprises et les contacts directs avec les stagiaires de la formation. Votre rapporteur considère que les expertises de ces organismes sont complémentaires avec celles de l'Afpa, mais il souhaite à terme que tous ces acteurs puissent mettre en commun leurs analyses dans le cadre des travaux des comités régionaux de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Crefop).

Votre rapporteur considère par ailleurs que l'Agence peut aujourd'hui encore jouer un rôle d' appui aux opérateurs du conseil en évolution professionnelle même si ses modalités d'intervention restent pour l'instant floues et que 920 psychologues du travail ont été transférés de l'Afpa vers Pôle emploi en 2009.

En définitive, votre rapporteur considère que l'ordonnance attribue à l'Agence de nombreuses missions de service public, dont la plupart sont pleinement justifiées compte tenu des missions accordées antérieurement à l'association et de leur caractère non-exclusif (sauf en ce qui concerne la certification des titres du ministère du travail).

Si quelques missions de service public, comme l'appui aux opérateurs chargés des activités de conseil en évolution professionnelle, sont plus discutables, elles ne relèvent pas, selon votre rapporteur, d'une erreur manifeste d'appréciation de la part du Gouvernement et elles ne représenteront en tout état de cause qu'une très faible part de l'activité de l'Agence.

4. Des filiales pour la formation des demandeurs d'emploi et des salariés

La Commission européenne considérant que les établissements publics de l'État bénéficient par construction d'une garantie financière implicite et illimitée de ce dernier, elle se serait opposée à ce que l'activité de formation héritée de l'Afpa soit directement exercée par l'Agence. Elle a suggéré la création de filiales dédiées, estimant que la simple mise en place d'une comptabilité analytique était insuffisante.

Il convient toutefois de souligner que cette notion de garantie illimitée de l'État à l'égard de ses établissements publics est débattue . En effet, en application de l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances 56 ( * ) , une telle garantie doit être explicitement octroyée annuellement par la loi de finances. Par ailleurs, l'État peut baisser le montant de leurs dotations et il lui est toujours loisible, du moins en théorie, de supprimer un de ses établissements. Au nom de la continuité des missions de service public, le Conseil d'État a toutefois refusé de mentionner explicitement dans l'ordonnance que la garantie de l'État ne s'appliquait pas à la nouvelle Agence.

Le Gouvernement a finalement fait le choix de créer non seulement une filiale pour la formation des salariés, mais également une autre dédiée à la formation des demandeurs d'emploi afin de clarifier le fonctionnement de l'Epic et d'éviter de futurs contentieux avec la Commission européenne.

C'est pourquoi l'association a créé fin 2016 deux filiales , qui auront le statut de sociétés par actions simplifiées unipersonnelles (Sasu) et dont l'Epic sera l'unique actionnaire. La direction de l'Afpa avait tout d'abord envisagé de donner un statut coopératif à ces filiales mais a abandonné ce projet à la suite notamment de l'opposition des syndicats de l'association et d'obstacles juridiques trop complexes à surmonter.

Ces filiales n'emploient actuellement aucun salarié et n'ont pas été dotées en capital. Toutefois, à partir de mars prochain et à l'issue des procédures d'information-consultation menées par la direction avec les institutions représentatives du personnel de l'Epic, la filiale assurant la formation des demandeurs d'emploi devrait compter quatre cents salariés en charge uniquement des relations commerciales et juridiques, tandis que celle dédiée à la formation des salariés en regroupera deux cents . Le nombre de ces salariés peut paraître élevé mais il s'explique par la complexité des appels d'offres passés par les régions et Pôle emploi et par les besoins des entreprises.

Dans les deux cas, ces salariés seront transférés par l'Epic aux filiales. Les formateurs en revanche, qui peuvent travailler aussi bien avec des demandeurs d'emploi que des salariés, resteront au sein de l'Epic. Les filiales contractualiseront donc avec l'Agence pour disposer d'eux en fonction des marchés remportés.

Votre rapporteur considère que la pérennité de ce montage complexe dépendra du climat social au sein de l'Epic et des critères de facturation retenus pour les mises à disposition du personnel et des locaux, qui devront respecter les règles de la concurrence, comme l'ont souligné avec raison les représentants de la Fédération de la formation professionnelle auditionnés par votre rapporteur. Il est également indispensable que l'administration fiscale reconnaisse l'existence d'un groupement de moyens entre l'Agence et ses filiales afin que les mises à dispositions de locaux et de personnels soient exonérées de TVA 57 ( * ) , les activités de formation n'y étant elles-mêmes pas soumises 58 ( * ) .

Le développement de la filiale consacrée à la formation des demandeurs d'emploi passe par des offres plus compétitives et innovantes afin de répondre aux commandes des régions et de Pôle emploi et enrayer la perte d'attractivité qu'a connue l'Afpa. Pour mémoire, le produit d'exploitation de l'Afpa résultant des marchés conclus avec les collectivités territoriales, au premier rang desquelles figurent les régions, est passé de 468 à 366 millions d'euros entre 2010 et 2015 59 ( * ) . En conséquence, la part de marché de l'Afpa sur le périmètre d'intervention des conseils régionaux en formation continue est passée de 42 à 25 % sur cette même période (cf. supra ).

Les filiales doivent notamment poursuivre les partenariats qu'avait noués l'Afpa avec de nombreux acteurs de la formation, comme les Greta ou l'Association de la formation professionnelle pour l'industrie (Afpi) pour répondre aux appels d'offres dans le cadre de groupement.

Symétriquement, votre rapporteur souhaite que les financeurs de la formation des demandeurs d'emploi coordonnent leurs appels d'offres. Avant la fusion des régions, plusieurs directions régionales de Pôle emploi avaient décidé de former un groupement d'achat unique avec les conseils régionaux, comme en Haute-Normandie, en Bourgogne, en Rhône-Alpes et en Île-de-France. En Pays de la Loire, la direction régionale de Pôle emploi a même décidé de verser directement sa contribution financière au programme régional de formation. Votre rapporteur souhaite que ces initiatives soient poursuivies et amplifiées afin de dégager davantage de moyens pour les actions de formation proprement dites et d'améliorer l'efficacité de la dépense publique en matière de formation professionnelle.

Si les filiales de l'Agence échouent à se moderniser, elles verront leurs chiffres d'affaires et leurs parts de marché poursuivre leur érosion, sans que l'Agence puisse leur venir en aide financièrement en leur versant une partie des dotations de l'État.


* 42 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi précitée.

* 43 Art. L. 5315-1 du code du travail.

* 44 Ordonnance n° 2016-1519 du 10 novembre 2016 portant création au sein du service public de l'emploi de l'établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes

* 45 Cette mission ne figurait pas à l'article L. 5312-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 novembre 2016.

* 46 Conseil d'Etat, 7 juillet 1994, n° 356089, « Diversification des activités d'EDF/GDF ».

* 47 Guide relatif à l'application aux services d'intérêt économique général, et en particulier aux services sociaux d'intérêt général, des règles de l'Union européenne en matière d'aides d'État, de «marchés publics» et de «marché intérieur», Commission européenne, 29 avril 2013, p. 20.

* 48 CJCE, 10 décembre 1991, Merci convenzionali porto di Genova, aff. C-179/90, et 17 juillet 1997, GT-Link A/S, aff. C-242/95.

* 49 Op. cit., p. 25.

* 50 CJCE, 24 juillet 2003, Altmark Trans GMBH, aff. C-280/00.

* 51 Décision de la Commission du 20 décembre 2011 relative à l'application de l'article 106 paragraphe 2 du TFUE aux aides d'État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de SIEG, et notamment l'article 2 qui précise son champ d'application.

* 52 Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale.

* 53 Art. L. 6121-2-1 du code du travail.

* 54 Art. 2, point 1. c).

* 55 L'exemption de notification préalable n'est valable que si la période pendant laquelle un organisme est chargée d'un SIEG ne dépasse par dix ans, sauf en cas d'investissement important (art. 2, point 2 de la décision précitée). Toutefois, cette disposition de la décision semble inapplicable dans le cas d'un établissement public, et la conclusion d'un contrat d'objectifs et de performance entre l'État et l'Agence, actualisé tous les trois ans, devrait satisfaire les attentes de la Commission européenne.

* 56 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 57 Art. 261 b du code général des impôts.

* 58 En application du 4° du 4. de l'article 261 du code général des impôts.

* 59 Parmi ces 366 millions d'euros en 2015, 289 millions proviennent des appels d'offres remportés par l'Afpa, 39 millions de subventions régionales et 36 millions de missions de SIEG confiées par les régions.

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