Rapport n° 376 (2016-2017) de M. Alain NÉRI , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 8 février 2017

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N° 376

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 février 2017

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif aux échanges de jeunes actifs ,

Par M. Alain NÉRI,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Raffarin , président ; MM. Christian Cambon, Daniel Reiner, Xavier Pintat, Mmes Nathalie Goulet, Josette Durrieu, Michelle Demessine, MM. Alain Gournac, Gilbert Roger, Robert Hue, Mme Leila Aïchi , vice-présidents ; M. André Trillard, Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Alain Néri , secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Pierre Charon, Robert del Picchia, Jean-Paul Émorine, Philippe Esnol, Hubert Falco, Bernard Fournier, Jean-Paul Fournier, Jacques Gillot, Mme Éliane Giraud, M. Gaëtan Gorce, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, M. Alain Joyandet, Mme Christiane Kammermann, M. Antoine Karam, Mme Bariza Khiari, MM. Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Jeanny Lorgeoux, Claude Malhuret, Jean-Pierre Masseret, Rachel Mazuir, Christian Namy, Claude Nougein, Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Cédric Perrin, Yves Pozzo di Borgo, Henri de Raincourt, Alex Türk, Raymond Vall, Bernard Vera .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

84 et 377 (2016-2017)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi du projet de loi n° 84 (2016-2017) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif aux échanges de jeunes actifs.

Cet accord, signé le 26 octobre 2015, entre la France et l'Algérie a pour objet d'encourager les échanges de jeunes français et de jeunes algériens engagés dans la vie active, afin de leur permettre d'acquérir une expérience professionnelle susceptible d'améliorer leur carrière, ainsi qu'une meilleure connaissance de l'Etat d'accueil. Il est d'une portée relativement limitée, puisqu'il bénéficiera potentiellement à 100 jeunes actifs français et 100 jeunes actifs algériens, chaque année.

Il se présente comme un accord sui generis , en ce sens que qu'il ne traite pas classiquement des seuls échanges de jeunes professionnels, mais aussi des volontaires internationaux en entreprises (VIE) - une spécificité française - afin de sécuriser le statut de ces derniers. L'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leur famille est resté inchangé.

Les négociations de cet accord ont été engagées en 2014, à l'initiative de la France, pour relancer la mise à disposition des VIE au sein des entreprises françaises installées en Algérie, qui s'était totalement interrompue en 2013.

Des accords similaires ont été conclus avec le Maroc en 2001 et avec la Tunisie en 2003.

Compte tenu de l'intérêt que représente cet accord pour les entreprises françaises installées en Algérie et pour le développement des relations franco-algériennes, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a adopté ce projet de loi, dont le Sénat est saisi en second .

PREMIÈRE PARTIE : UN ACCORD QUI FAVORISE L'ÉCHANGE DE JEUNES ACTIFS SUR LA BASE DE LA RÉCIPROCITÉ

I. L'ETAT DES LIEUX DES RELATIONS BILATÉRALES

L'Algérie est un des plus grands Etats d'Afrique, de 2,5 millions de km 2 - le désert du Sahara s'étend sur 2 millions de km 2 - où vit une population d'environ 40 millions de personnes. Son PIB de 188 milliards d'euros est le 4 e PIB du continent africain. Les richesses de son sous-sol la placent au 7 e rang des exportateurs mondiaux de gaz et de pétrole en 2015.

Après une décennie de violences entre 1992 et 1998, l'Algérie a entamé, sous la conduite du Président Bouteflika, un processus de réconciliation nationale et un retour progressif sur la scène internationale où elle fait figure d'acteur régional majeur. L'Algérie est toutefois confrontée à la menace sécuritaire qui affecte l'ensemble de la zone saharo-sahélienne et à celle qui découle de la crise libyenne.

Depuis 2014, la chute des cours du pétrole, qui représentait 98 % des exportations du pays et environ 70 % des recettes fiscales, pèse sur les finances publiques de l'Algérie et a souligné la vulnérabilité de son modèle économique , même si l'Algérie semble disposer de réelles marges de manoeuvre pour diversifier son économie, avec un taux d'endettement extérieur quasi nul et des réserves de devises. En 2015, le budget a connu un déficit de 16,4 % du PIB, mais la croissance a été de 3,9 % dans le secteur hors hydrocarbure.

Selon l'Office national des Statistiques algérien, en septembre 2015, la population active en Algérie s'élevait à 11,9 millions de personnes 1 ( * ) , ce chiffre est en augmentation du fait de la croissance démographique du pays qui était de 2,03 % en 2015. 19,4% des actifs sont des femmes. Le secteur des services regroupe 61,6% de l'emploi, suivi par le bâtiment et les travaux publics (16,8%), l'industrie (13%) et l'agriculture (8,7%).

En 2016, le chômage touchait 9,7% de la population active dont 24,3 % des jeunes de 15 à 24 ans .

La France et l'Algérie entretiennent des relations politiques et institutionnelles fortes. En décembre 2012 , l'amélioration des relations bilatérales s'est concrétisée par la signature de la déclaration d'Alger sur l'amitié et la coopération entre la France et l'Algérie. Cette coopération s'appuie sur le comité mixte économique franco-algérien (COMEFA), qui se réunit au niveau des ministres des affaires étrangères et de l'économie et le Comité intergouvernemental de haut niveau (CIHN) , qui réunit les deux gouvernements à l'occasion de sommets franco-algérien réguliers. Le présent accord a été signé dans le cadre de la troisième session du COMEFA en octobre 2015. En avril 2016, une douzaine d'accords institutionnels et une quinzaine d'accords économiques ont été signés dans le cadre de la troisième session du CIHN.

Sur le plan économique et commercial, la Direction générale du Trésor indique que la France est le deuxième fournisseur de l'Algérie après la Chine (16,0% de part de marché) et devant l'Italie , avec une part de marché de 10,5% et des exportations d'un montant de 5,4 milliards d'euros en 2015. Plus de 6 000 entreprises françaises y exportent chaque année. Les principaux postes d'exportations françaises demeurent les céréales (13,7% du total), les préparations pharmaceutiques (11,9%) et les véhicules automobiles (7,8%). Les importations françaises en provenance d'Algérie se composent à 92% d'hydrocarbures et représentaient un montant de 3,9 milliards d'euros en 2015. En absorbant 11 % des exportations algériennes, la France est le 3ème client de l'Algérie derrière l'Espagne et l'Italie.

La France est également le premier investisseur en Algérie hors hydrocarbures et le second tous secteurs confondus avec un stock d'investissements directs à l'étranger (IDE) estimé à 2,04 milliards d'euros à la fin 2014 (selon la Banque de France).

Il y aurait, en Algérie, environ 450 entreprises françaises de toutes formes (bureau de représentation, succursales et filiales) représentant près de 40 000 emplois directs et 100 000 emplois indirects . Ces implantations françaises couvrent tous les secteurs d'activité : agriculture, agroalimentaire, restauration collective, industrie manufacturière, automobile, industrie chimique, pharmacie, construction, énergie (hydrocarbures, énergies renouvelables), environnement, services de tous types (services financiers, ingénierie, services aux entreprises et aux personnes, hôtellerie). On y trouve également toutes les tailles d'implantation , du bureau d'une seule personne à l'unité de services ou de production de plusieurs centaines de salariés. Beaucoup de ces implantations dépendent de grands groupes français, mais progressivement, de plus en plus d'entreprises de taille intermédiaire (ETI) et de petites et moyennes entreprises (PME) s'installent en Algérie.

Globalement, ces implantations françaises emploient peu de personnels détachés ou expatriés , compte tenu de leur coût et réservent cela pour les fonctions de direction générale ou les fonctions support cruciales pour leur activité, comme la direction financière, la direction de la production, la direction qualité ou R&D. La quasi-totalité de ces expatriés doit faire face à des complexités administratives pour l'obtention de leur visa de travail et leur permis de séjour, avec des délais de délivrance de l'ordre de 12 mois en moyenne.

En 2015, l'Algérie était le 13 e client de la France, son 1 er client dans le monde arabe et son 2 e client hors pays membre de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) après la Chine.

L'Algérie se révèle être un marché porteur pour les entreprises françaises qui, malgré les difficultés économiques liées principalement à la chute des cours mondiaux des hydrocarbures depuis 2014, continuent à s'y intéresser. Toutefois, la position exceptionnelle, longtemps occupée par la France, tend à s'éroder au fur et à mesure que l'Algérie élargit ses partenariats.

Les liens humains restent forts. 2 millions de ressortissants algériens sont enregistrés dans les consulats algériens en France et on estime qu'il y a sur le territoire national, entre 5 et 7 millions de personnes liées, de près ou de loin, à l'Algérie et que chaque année, ce sont 4,5 millions de voyageurs qui circulent entre les deux pays. Il faut également compter 11 millions de locuteurs francophones en Algérie.

II. LE CONTEXTE DE L'ACCORD

L'Algérie, comme d'autres pays, n'a jamais reconnu le statut de volontaires internationaux en entreprise (VIE), dispositif spécifiquement français, introduit par la loi du 14 mars 2000 et permettant aux entreprises françaises de confier à de jeunes Français, hommes ou femmes jusqu'à 28 ans, une mission professionnelle à l'étranger, de nature commerciale ou technique.

Faute de statut, l'accomplissement d'une mission de VIE tenait, jusqu'en 2013, à la bonne volonté des administrations algériennes concernées, qui leur octroyaient des visas de long séjour, eu égard aux bonnes relations personnelles qu'elles entretenaient avec l'Ambassade de France (Ubifrance à l'époque).

Évolution du nombre de VIE dans le monde et en Algérie sur les 12 dernières années

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Monde

2697

3513

4486

5435

6323

6294

6543

7074

7399

8026

8410

9005

9570

Algérie

0

2

18

39

53

62

70

52

35

0

0

0

0

VIE en poste au 31/12

Source : ministère des affaires étrangères et du développement international.

Depuis 2013, il n'y a plus de VIE français en Algérie, du fait de « tracasseries administratives ». Les visas de court séjour de 90 jours maximum, renouvelables à condition de sortir du pays et de représenter une nouvelle demande de visa, ne sont en effet pas adaptés pour effectuer des missions VIE, compte tenu du temps d'obtention de ces permis de travail et de la durée d'une mission VIE qui est comprise entre 6 et 24 mois au maximum. De plus, le statut du VIE, qui est géré par Business France, fait que le jeune ne dispose pas d'un contrat de travail avec l'entité française ou son implantation locale, ce qui ne lui permet pas de solliciter un visa de travail et une carte de séjour au même titre qu'un détaché ou expatrié, d'où la nécessité d'une procédure et d'un type de visa spécifiques.

En octobre 2014, la France a soumis un projet d'accord à l'Algérie marquant une volonté de faire avancer les choses sur le dossier des jeunes professionnels, sans modifier l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leur famille (Cf. infra ). Il a été signé par les deux parties, en octobre 2015, lors de la réunion du COMEFA (Cf. supra ).

Les entreprises françaises en Algérie ont fait part de leur intérêt pour l'emploi de VIE et pour la possibilité d'envoyer de jeunes cadres algériens qu'elles emploient se former en France.

DEUXIÈME PARTIE - LES STIPULATIONS DE L'ACCORD

I. L'ÉCHANGE DE JEUNES ACTIFS, Y COMPRIS LES VOLONTAIRES INTERNATIONAUX EN ENTREPRISE (VIE)

L'article 1 er décrit les critères d'éligibilité des jeunes actifs français ou algériens qui peuvent prétendre bénéficier du présent accord. Il s'agit de « jeunes âgés de plus de 18 ans et de moins de 35 ans entrant dans la vie active ou ayant une expérience professionnelle et qui se rendent sur le territoire de l'autre Etat pour approfondir leur connaissance et leur compréhension de cet Etat et de sa langue, ainsi que pour améliorer leurs perspectives de carrière grâce à une expérience professionnelle dans l'autre Etat » .

Ces jeunes appartiennent aux catégories suivantes :

- jeunes temporairement recrutés dans le respect des procédures prévues à cet effet et rémunérés par une entreprise ou une institution établies sur le territoire de l'Etat d'accueil, en partenariat avec un employeur de leur Etat ;

- jeunes effectuant, sur la base d'une indemnité, une mission ou un détachement auprès d'implantations, de représentations dans l'Etat d'accueil ou d'entreprises de l'un des deux Etats. Cette seconde catégorie vise plus spécifiquement les VIE.

Les jeunes actifs doivent être titulaires d'un diplôme ou d'une expérience professionnelle correspondant à l'emploi offert. Ils sont également soumis à la règlementation d'accès à la profession, lorsque celle-ci existe.

La situation de l'emploi ne leur est pas opposable.

II. UNE DURÉE D'EMPLOI NE POUVANT EXCÉDER 24 MOIS

L'article 2 précise que la durée autorisée de l'emploi dans l'Etat d'accueil est comprise entre 6 et 12 mois . Si elle peut faire l'objet d'une ou plusieurs prolongations, elle ne peut en revanche excéder 24 mois .

Avant leur départ, les jeunes actifs concernés doivent s'engager à ne pas occuper un autre emploi, ni à poursuivre leur séjour à l'expiration de la période autorisée.

L'effectivité du retour doit être assurée par les Parties qui adoptent séparément ou conjointement des mesures à cet effet.

III. UN CONTINGENT ANNUEL FIXÉ À 200 BÉNÉFICIAIRES PAR AN

Aux termes de l'article 3, le contingent annuel de bénéficiaires de l'accord est fixé à 200 par an . Fondé sur une base de réciprocité, c'est un nombre équivalent de jeunes actifs français et algériens qui pourront en profiter.

Les accords similaires conclus avec le Maroc en 2001 et la Tunisie en 2003 prévoient des contingents de 100 bénéficiaires, qui ne sont pas atteints.

Ce quota semble difficilement réalisable, sans une forte volonté politique . Au mieux, le nombre de VIE a atteint 62 en 2009 et 70 en 2010. Selon les informations communiquées par le ministère des affaires étrangères et du développement international, il semble que la France pourrait atteindre les 100 bénéficiaires, compte tenu des demandes exprimées par les entreprises françaises implantées en Algérie ainsi que des opportunités en termes de travail et d'ouvertures de marchés que représente l'Algérie par rapport à d'autres économies plus développées.

L'accord précise que, si le contingent n'était pas atteint au cours d'une année dans un des Etats, celui-ci ne pourrait pas réduire le nombre d'autorisations octroyées aux jeunes actifs de l'autre Etat, ni reporter sur l'année suivante le reliquat inutilisé.

Ce contingent est modifiable par simple échange de lettres entre les autorités compétentes des deux Etats.

Les Parties s'engagent à échanger leurs statistiques chaque année.

IV. LE RÉGIME FINANCIER, SOCIAL ET FISCAL DES BÉNÉFICIAIRES

L'article 4 pose le principe d'égalité de traitement en matière salariale , ainsi que « pour tout ce qui concerne l'application des lois, règlements et usages régissant l'hygiène et les conditions de travail ».

En matière de sécurité sociale, les jeunes actifs bénéficiaires de l'accord seront soumis aux dispositions de la convention générale franco-algérienne sur la sécurité sociale, signée à Paris le 1er octobre 1980 , qui permet la coordination de toutes les branches de la protection sociale. Cette convention a, en effet, été accompagnée, dès son origine, d'un protocole annexe relatif aux soins de santé offrant aux ressortissants algériens, assurés du régime algérien, la possibilité de bénéficier, sous certaines conditions, de prestations en nature de l'assurance maladie maternité ou de l'assurance accidents du travail, servies par les caisses françaises pour le compte du régime algérien. Ce protocole sera bientôt remplacé par un nouveau protocole signé le 10 avril 2016.

En matière fiscalité, les bénéficiaires de l'accord se verront appliquer les dispositions de la convention franco-algérienne en vue d'éviter les doubles impositions, de prévenir l'évasion et la fraude fiscales et d'établir les règles d'assistance réciproque en matière d'impôts sur le revenu, sur la fortune et sur les successions, signée à Alger le 17 octobre 1999 . Ce texte, qui a remplacé la convention fiscale du 17 mai 1982, est entré en vigueur le 1er décembre 2002.

Par exception, les VIE resteront assujettis au régime de sécurité sociale et au régime fiscal français .

V. LA DÉLIVRANCE RAPIDE DES TITRES D'ENTRÉE ET DE SÉJOUR

L'article 6 précise que les parties s'efforceront de faciliter la délivrance des visas d'entrée et des autorisations de séjour prévus par leur législation, dans les meilleurs délais.

En France, la circulation, le séjour et le travail des Algériens relève d'un régime spécifique dérogatoire au droit commun. L'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leur famille, pris en application des accords d'Evian de 1962, régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et à y exercer une activité professionnelle. Il traite également des règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés et leur durée de validité, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'établir en France.

Les dispositions de droit commun codifiées dans le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et les textes pris pour son application, qui sont relatives aux différents titres de séjour, qui peuvent être délivrés aux étrangers, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens. Ainsi, ils n'ont notamment pas accès au visa de long séjour valant titre de séjour (VLS-TS).

L'accord de 1968 contient des dispositions plus favorables notamment pour les commerçants et artisans, l'immigration pour motifs familiaux et le regroupement familial, la régularisation en cas de résidence habituelle en France depuis dix ans, l'absence de condition d'intégration pour accéder à la carte de dix ans, l'absence de cas de retrait du titre de séjour, sauf cas de fraude. En outre, des dispositions du droit commun ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, notamment en matière d'immigration professionnelle (« passeport talent » et la carte « travailleur saisonnier »), en matière d'admission exceptionnelle au séjour à caractère bienveillant et s'agissant des conditions de délivrance de la carte de séjour portant la mention « retraité ».

Pour la mise en oeuvre du présent accord, les Algériens qui auront obtenu une autorisation de travail en France, se verront délivrer un visa de long séjour (VLS) avec la mention « travailleur temporaire », d'une durée de validité maximale de douze mois. Dans les deux mois suivant leur arrivée en France, ils solliciteront, à la préfecture de leur lieu de résidence un certificat de résidence algérien portant la mention « travailleur temporaire » pour la même durée de validité. Ce certificat de résidence peut être prolongé pour une nouvelle période de douze mois, sans toutefois dépasser une durée totale de vingt-quatre mois.

Selon les informations transmises par le ministère des affaires étrangères et du développement international 2 ( * ) en 2015, les trois consulats français en Algérie ont traité 570 646 demandes de visas et ont délivré 422 684 visas, dont 411 163 de court séjour. Depuis quelques années, l'augmentation de la demande est significative. De l'ordre de 15 % entre 2012 et 2013, elle a atteint les 39% entre 2013 et 2014 et s'est poursuivie en 2015. Les consulats tentent d'y faire face au prix de délais de traitement qui se sont allongés depuis 2015 (actuellement, 90 jours pour Alger). Des dispositifs ont été toutefois mis en place à l'intention des institutions, des entreprises, des ordres professionnels et des entreprises pour faciliter le dépôt des dossiers et accélérer les procédures.

2012

2013

2014

2015

Visas demandés

281 194

325 322

448 462

570 646

Visas délivrés

210 232

232 126

334 773

422 684

Dont visas de court séjour

200 552

223 221

325 476

411 163

Dont visas de long séjour

9 680

8 905

9 297

11 521

Visas pour motifs économiques

262

372

455

685

Source : Ministère de l'intérieur - DSED - Sous-direction des visas

Les autorités algériennes affirment, quant à elles, délivrer 120 000 visas par an aux ressortissants français. Les refus sont rares et la délivrance de visa de circulation devient plus courante. Les pratiques varient beaucoup d'un consulat algérien à l'autre, certains ayant des exigences très contraignantes. Un nouveau type de visa d'affaires, n'interdisant pas formellement une activité professionnelle non salariée, constitue depuis l'automne 2013 une solution bienvenue pour les missions de consultant ou de maintenance de courte durée.

Selon le ministère des affaires étrangères et du développement international 3 ( * ) , il faudra veiller, pour la mise en oeuvre de cet accord, à ce que l'Algérie fournisse des détails sur la procédure de délivrance des visas aux jeunes actifs français, si l'on ne veut pas assister à un nouvel abandon progressif des VIE.

VI. DISPOSITIONS DIVERSES

Cet accord contient des articles plus classiques de mise en oeuvre des accords internationaux.

L'article 5 liste les autorités compétentes pour la mise en application de l'accord. Il s'agit, pour la partie française, du ministère de chargé de l'immigration et du ministère des affaires étrangères , et pour la partie algérienne, du ministère chargé de l'emploi et du ministère des affaires étrangères.

L'article 7 instaure un comité de suivi de l'application de cet accord , composé de représentants des administrations compétentes des deux Parties, et se réunissant annuellement ou en tant que de besoin. Il sera chargé d'évaluer les résultats de l'application de l'accord et de faire des propositions.

Enfin, l'article 8 est un article traditionnel de procédure relatif à l'entrée en vigueur, la dénonciation, la modification et de règlement des différends. Conclu pour une durée indéterminée, cet accord peut être dénoncé, à tout moment, par la voie diplomatique avec un préavis de six mois. Les difficultés d'interprétation et d'application sont également réglées par la voie diplomatique.

CONCLUSION

Après un examen attentif des stipulations de cet accord, la commission a adopté ce projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif aux échanges de jeunes actifs.

En effet, cet accord, qui répond à une demande formulée depuis 2013 par les entreprises françaises implantées en Algérie, ne nécessite aucune modification de l'ordre juridique interne et ne devrait avoir aucun effet négatif sur le marché de l'emploi français. Les expériences et les connaissances acquises lors de ces échanges ne pourront que favoriser la coopération bilatérale, notamment dans le domaine économique et industriel.

La Partie algérienne a fait savoir qu'elle ratifierait cet accord selon une procédure réglementaire - à travers un décret présidentiel -, dès que la France aurait elle-même achevé sa procédure de ratification.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 8 février 2017, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, a procédé à l'examen du rapport de M. Alain Néri sur le projet de loi n° 84 (2016-2017) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif aux échanges de jeunes actifs.

Après l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé.

M. Robert del Picchia . - Les VIE fonctionnent très bien dans beaucoup de pays. En Algérie, il y a des difficultés, comme vous l'avez souligné à juste titre, notamment pour l'obtention des visas. Vous avez évoqué le contingent de 200. N'y-a-t-il pas un risque de voir ce chiffre de manière unilatérale, avec plus d'Algériens venant en France que le contraire ? S'agissant du décret présidentiel, comment cela se passera-t-il ?

Mme Hélène Conway-Mouret . - C'est plus une observation qu'une question. Effectuer un VIE représente des avantages incroyables pour les jeunes concernés. C'est, pour beaucoup, la première expérience professionnelle. J'y vois beaucoup d'avantages pour les jeunes Algériens, qui viendront en France et y acquerront une expérience professionnelle et qui, une fois de retour chez eux, participeront au développement économique de leur pays. J'espère que l'Algérie a bien pris la mesure des bénéfices de cet accord pour son économie.

M. Jacques Legendre . - Je souscris tout à fait aux propos du rapporteur. Je crois que tout ce qui peut, dans un cadre officiel, améliorer les échanges entre la France et l'Algérie est positif. J'aurais souhaité que l'Algérie se rapproche davantage des institutions de la francophonie. Vous l'avez rappelé, l'Algérie compte plus de 11 millions de francophones. La présence de ce grand pays manque actuellement dans la francophonie.

M. Alain Néri, rapporteur . - Je partage tout à fait ce que vient de dire Hélène Conway-Mouret. C'est un dispositif très intéressant pour renforcer les liens entre deux pays et entre deux populations. Sur le plan professionnel, l'échange et le fait de vivre dans d'autres pays renforcent la capacité d'adaptation et d'ouverture de nos jeunes. Sur le nombre, Monsieur del Picchia, c'est 200 : 100 jeunes Français et 100 jeunes Algériens. Je ne suis pas sûr que nous parvenions au chiffre de 100 jeunes Algériens venant en France. Je crois que nous devons faire un effort pour populariser cet accord auprès des autorités politiques et économiques algériennes, en faisant valoir l'intérêt qu'il présente pour eux. Les jeunes Français sont assez demandeurs pour partir en VIE en Algérie. Il est envisagé que le groupe d'amitié du Sénat se rende en Algérie début mars et c'est une des choses que nous exposerons à nos interlocuteurs du Conseil de la Nation, mais aussi des autorités économiques que nous rencontrerons. Chacun commence à comprendre que l'Algérie et, au-delà, l'Afrique, représente, pour les années à venir, un territoire où il faudra porter beaucoup d'efforts. Je souscris également tout à fait aux propos de M. Legendre en faveur de la francophonie. Vous savez qu'il y a eu une période d'arabisation en Algérie, mais je crois qu'aujourd'hui nous devons, à travers ces accords économiques, déboucher sur des accords culturels. J'espère que ces jeunes VIE, qui seront en Algérie, pourront s'intégrer à l'activité culturelle algérienne et faire passer le message de la francophonie. Nous avons développé au Sénat, sous l'impulsion du Président Larcher, le forum franco-algérien de coopération parlementaire, qui s'est réuni en septembre dernier, et où il est prévu d'échanger. Ce qui est intéressant, c'est qu'il y a déjà un plan de travail et des sujets de réflexion. C'est à approfondir car nous avons aujourd'hui, en Algérie, des possibilités d'implantation et de développement économique. Désormais, les pays ne demandent plus seulement de la coopération économique, mais aussi de la coopération technologique ainsi que de la « matière grise ». Nous avons, avec cet accord, l'occasion de faire un pas dans ce sens.

Suivant la proposition du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité, le rapport et le projet de loi précité.

M. Jean-Pierre Raffarin, Président . - Ce vote à l'unanimité est un bon message pour nos amis algériens.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Ministère de l'intérieur


• Jean de CROONE
, Directeur adjoint de l'immigration, Direction générale des étrangers en France


• Magali MARTIN,
Chef du bureau du droit communautaire et des régimes particuliers, Direction de l'immigration, Sous-direction du séjour et du travail


• Patricia LOT
, rédactrice, bureau du droit communautaire et des régimes particuliers, Direction de l'immigration, Sous-direction du séjour et du travail

Ministère des Affaires étrangères et du Développement international


• Louis RACINE
, rédacteur, Direction d'Afrique et de l'océan Indien, Sous-Direction d'Afrique du Nord

Ministère des Affaires étrangères et du Développement international


• Catherine SAGNELONGE
, Direction des Affaires juridiques, Mission des accords et traités.


* 1 Au sens du Bureau international du travail.

* 2 Réponse au questionnaire et audition.

* 3 Audition.

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